L’Encyclopédie/1re édition/CUCURBITE

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CUCURBITE, s. f. (Chimie.) La cucurbite ou la courge est un vaisseau chimique faisant partie de l’alembic (voyez Alembic), & servant à contenir les matieres que l’on veut soûmettre à la distillation. On appelle aussi ce vaisseau, à cause de sa figure, vessie & poire. Voyez les Planches de Chimie.

Les cucurbites se font de cuivre étamé, d’étain, de verre, & de terre.

Celles qui sont destinées à la distillation des eaux simples, des huiles essentielles, de l’eau-de-vie, & généralement de toutes les matieres, qui, traitées avec l’eau, doivent prendre le degré bouillant, sont toûjours de cuivre, l’étain ne pouvant lui être substitué à cause de la facilité avec laquelle il entre en fusion ; mais il faut, pour prévenir autant qu’il est possible les mauvais effets de la qualité venéneuse du cuivre, avoir soin de les faire étamer de tems en tems ; c’est à quoi les Apoticaires ne sauroient faire trop d’attention, eux qui pendant le cours d’une année se servent de l’alembic de cuivre pour distiller un très-grand nombre de différentes plantes, dont il y en a plusieurs qui attaquent facilement le cuivre, je veux dire les plantes alkalines. Voyez Distillation, Cuivre.

Les cucurbites que l’on doit employer à faire des distillations au bain-marie, doivent toûjours être d’étain ; il n’y a rien ici à craindre de la grande fusibilité de ce métal, le degré de feu qu’on leur applique ne pouvant jamais surpasser celui de l’eau bouillante. On en exclurra donc le cuivre, même le mieux étamé.

Le verre seroit de toutes les matieres celle qu’il conviendroit d’employer à faire toutes les cucurbites, s’il étoit possible ; mais sa grande fragilité, la difficulté de former ces sortes de vases sans être obligé de faire à la partie inférieure externe un bouton que les ouvriers appellent pontée, qui est l’endroit par où cassent tous les vaisseaux de verre lorsqu’on les échauffe trop promptement & trop fort, ou bien lorsqu’on les fait passer trop vîte du chaud au froid. L’impossibilité où l’on est de pouvoir rafraîchir exactement & continuellement le chapiteau, avantage que les seuls vaisseaux métalliques nous procurent, ajoutent un nouvel inconvénient à l’emploi des cucurbites de verre : toutes ces raisons, dis-je, sont cause qu’on ne se sert pas des cucurbites de verre aussi souvent qu’on le feroit ; elles sont cependant d’un usage fort étendu ; celles dont nous nous servons à Paris, quoique d’un assez mauvais verre, supportent très-bien au bain de sable le degré de feu qui fait bouillir l’eau, sur-tout si elles sont d’un verre fort mince. C’est pourquoi on peut sans crainte les employer à la distillation de l’eau de pluie, de neige, &c. ayant la précaution de ne chauffer le sable qu’autant qu’il est nécessaire pour faire bouillir l’eau légerement ; c’est de ces sortes de cucurbites que les Chimistes se servent pour retirer l’esprit-de-vin de différentes teintures que l’on veut concentrer, de différentes infusions résineuses que l’on veut dessecher, &c. pour rectifier des alkalis volatils tirés des substances animales, &c. &c. Nous nous contentons d’indiquer ici une partie des usages de la cucurbite de verre dans les distillations, nous laissons au Chimiste le soin de l’employer dans toutes les circonstances où l’exactitude le requiert, & où l’expérience lui a appris qu’il le pouvoit faire sans risquer la fracture. La certitude où l’on est que le verre ne peut rien communiquer aux matieres que l’on veut y traiter, est un avantage qui doit lui faire préférer tous les vaisseaux qui en sont faits, dans tous les cas où il est possible de les employer.

Les cucurbites de terre n’ont pas été d’un aussi fréquent usage qu’elles pouvoient l’être, & elles ne sont que peu ou point recommandées par les auteurs de Chimie qui ont le mieux travaillé ; cependant on peut en tirer de grands avantages : celles qui nous viennent de Picardie, par exemple, vont très-bien au feu nud, & on peut s’en servir à distiller bien des liquides qu’on ne sauroit traiter dans les vaisseaux de cuivre ou d’étain, par exemple, le vinaigre, certaines huiles essentielles, celle de terebentine, & de tous les autres baumes liquides, celle de succin que l’on veut rectifier par des distillations répétées ; car quoique ces huiles puissent fort bien être distillées dans les alembics de cuivre étamé, il faut autant qu’on pourra ne le pas faire à cause de la mauvaise odeur que la plûpart de ces huiles leur communiquent. On peut encore très-bien se servir de cucurbites de terre à la distillation de l’esprit-de-sel ammoniac, & à la sublimation de l’alkali volatil concret du même sel ; & comme elles sont fort élevées, elles sont très-avantageuses pour la distillation des matieres qui se raréfient beaucoup, comme le miel, la manne, &c. C’est à M. Roüelle, qui ne laisse rien échapper de ce qui peut rendre le manuel de la Chimie aisé & commode, que nous sommes redevables de l’emploi journalier que nous faisons aujourd’hui de cette sorte de cucurbite dans nos laboratoires ; nous donnerons la façon de s’en servir & de l’appareiller dans le fourneau clos, lorsque nous parlerons de la distillation du vinaigre. V. Vinaigre.

Les cucurbites des Potiers de Paris sont fort mauvaises : elles ne souffrent pas le feu, ou du moins y cassent facilement : elles sont trop poreuses & pas assez cuites ; aussi ne nous en servons-nous que rarement, ou même point du tout. Ils en font pourtant de petites qui nous servent à sublimer le sel sédatif du borax, mais qu’il faut avoir soin de luter si on veut les empêcher de casser. Voyez Lut.

Les cucurbites de terre sont recommandées par tous les auteurs de Docimasie pour la distillation de l’eau-forte qui a servi au départ, & on s’en sert tous les jours avec avantage, en ce cas, dans les monnoies. Voyez Départ.

Les cucurbites, principalement celles de terre, sont encore employées par les Chimistes pour différentes sublimations ; celle du soufre, celle de Mars par le sel ammoniac, celle du sel sédatif. Voyez Soufre, Mars, Borax, Sublimation.

On fait communément usage des cucurbites, & surtout de celles de verre, pour les digestions & circulations ; voyez Digestion & Circulation. Dans ces opérations on couvre la cucurbite ou d’un chapiteau aveugle, voyez Chapiteau, ou bien d’une autre cucurbite renversée, ce qui s’appelle vaisseau de rencontre. Voyez Vaisseau de rencontre. (b)