L’Encyclopédie/1re édition/BORAX

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BORAX, (Hist. nat. & Chimie.) c’est un sel ou substance fossile, assez ressemblante à l’alun ; il est blanc, transparent, composé de crystaux à 6 côtés tronqués par les deux bouts, qui ne sont ni si longs ni si réguliers que ceux du nitre, ni si serrés que ceux des autres sels. Le goût en est d’abord assez doux : mais il devient acre, salin, & nitreux. L’odeur que donne le borax est assez suave au commencement : mais elle devient ensuite alkaline & urineuse ; c’est ce qui a donné lieu de le ranger au nombre des sels alkalis. Il ne se dissout que dans de l’eau très-chaude.

Les anciens ne paroissent avoir eu qu’une connoissance très-imparfaite du borax ; ils l’ont confondu avec le nitre que les Grecs appelloient ἀφρόνιτρον, comme on peut le voir dans Pline & dans Dioscoride : mais il y a plusieurs siecles que ce sel est connu des Arabes qui l’ont nommé baurach, dont il est aisé de voir que le mot borax est dérivé. Agricola l’appelle chrysocolla, en quoi il a été suivi par beaucoup d’auteurs ; nom qui paroît lui avoir été donné à cause de l’usage qu’on en fait pour souder l’or. C’est mal-à-propos qu’on a confondu le borax, qui est un sel naturel avec le nitre qui n’est que factice ; & M. Geoffroi a très-bien prouvé qu’il est différent de la chrysocolle des anciens. Voyez les Mémoires de l’Académie des Sciences, année 1732, p. 549. Le peu de lumiere qu’on a eu sur la formation de ce sel a fait croire à quelques auteurs qu’il n’étoit point une production de la nature, mais de l’art : cependant la meilleure division qu’on en puisse donner, c’est en borax crud ou grossier, & en borax pur ou raffiné. On dit que la premiere espece se trouve dans les mines d’or & d’argent des Indes, de la Tartarie, de la Perse, & sur-tout dans l’île de Ceylan, d’où les Anglois & les Hollandois en apportent beaucoup. Il y en a de deux sortes ; l’une est grasse & rougeâtre, l’autre est grise & verdâtre, & se durcit à l’air. Ce borax qui se trouve brut aux Indes, se purifie en Europe ; on donne la préférence à celui qui a été raffiné par les Vénitiens qui en faisoient autrefois un grand débit : tout le secret consistoit, dit-on, à faire calciner le borax, à le faire cuire & fondre dans l’eau avec un peu de chaux vive ; on le filtroit ensuite, & on en faisoit des crystaux attachés à des meches de coton comme le sucre candi. Les Hollandois ont aussi une maniere de le raffiner, mais ils en font mystere ; c’est d’eux que nous tirons celui dont nous nous servons.

Il est bien surprenant que depuis qu’il y a un commerce aussi intime entre l’Europe & les Indes, on ait négligé des recherches aussi faciles que celles qui auroient pû nous mettre au fait de ce qu’on doit penser sur la formation d’un sel aussi nécessaire qu’est le borax.

Ceux qui ont regardé le borax comme un sel factice, ont prétendu qu’on le faisoit avec du nitre, du sel ammoniac & du sel marin : d’autres ont voulu que ce fût avec de l’urine de jeunes garçons buvans vin, & du nitre.

Voici, suivant Agricola de Re metall. lib. XII. la façon dont on fait le borax en Egypte : « Ce dont on fait le nitre, n’est autre chose que de l’eau douce, filtrée par des terres nitreuses, à laquelle on mêle une lessive de cendres de bois de chêne ; on reçoit l’une & l’autre dans des bassins quarrés de cuivre, où on les fait cuire jusqu’à ce que le nitre s’épaississe. Le nitre, tant naturel que factice, mêlé dans des cuves avec de l’urine d’un enfant qui n’a pas encore l’âge de puberté, se cuit dans les mêmes bassins de cuivre. Après qu’il a été suffisamment cuit, on le verse dans des cuves où l’on a mis des fils de cuivre, & en s’y attachant il se fige & prend une consistance. C’est ainsi, continue cet auteur, que se fait la chrysocolle, à qui nous donnons le nom de borax, qui est Arabe ».

Avant de faire usage du borax purifié, il est à propos d’examiner s’il n’est point mêlé à de l’alun : en effet, on se sert quelquefois de cette matiere pour le falsifier ; celui qui est dans ce cas, n’est pas si blanc ni si léger, & n’enfle point au feu comme celui qui est pur ; on peut aussi en reconnoître la bonté à sa clarté & à sa transparence ; en le portant sur la langue, il ne doit avoir que très-peu de goût après le raffinage.

Le borax est d’un grand usage, & a beaucoup de propriétés dans la Chimie & la Métallurgie : lorsqu’on le met sur le feu, il enfle d’abord très-considérablement, & donne une écume blanche & légere ; il devient ensuite très-fluide ; & lorsqu’il est refroidi, il forme une espece de verre assez beau : il rend vitrifiables toutes les terres auxquelles il est mêlé.

Mais sa propriété principale est de faciliter infiniment la fonte de tous les métaux : cependant avant de s’en servir pour cet usage, il est important de commencer par le faire fondre à part dans un creuset dont il n’occupe tout au plus que le quart, parce qu’il s’éleve fort haut ; il faut aussi ne faire qu’un feu modéré tout autour, & le retirer aussi-tôt qu’on n’entend plus de bouillonnement ; car si on poussoit trop le feu, il se vitrifieroit & seroit moins propre aux différens usages auxquels on l’employe. Lorsque les métaux sont divisés en particules déliées, séparées, & éloignées les unes des autres, le borax est un véhicule très-propre pour les réunir, les rapprocher, & les rassembler, pour ne former qu’une même masse ou régule ; la moindre quantité de saletés ou de matieres hétérogenes est capable d’empêcher cet effet. Pour remédier donc à cet inconvénient, on employe le borax ; ce sel facilite la réunion des parties métalliques, les fait tomber au fond du creuset, & vitrifie les scories & les saletés qui s’y trouvent, en les poussant vers la surface. Un autre avantage que les métaux en fonte retirent du borax, c’est qu’il les environne d’une espece de verre mince & délié qui les défend contre les impressions de l’air & du feu : joignez à cela qu’il dispense de faire beaucoup de feu, & qu’il ne se mêle point aux métaux. C’est pour cette raison qu’il est d’un si grand usage pour braser & souder tous les métaux, tels que l’or, l’argent, le cuivre, & le fer.

Il est à propos d’enduire de borax les creusets & vaisseaux destinés à fondre les métaux précieux, comme l’or & l’argent ; parce qu’au moyen de cette précaution, on les en retire plus aisément & avec moins de perte après la fonte.

Le borax a la propriété de pâlir l’or ; c’est pourquoi lorsqu’on s’en sert pour la fonte de ce métal, il faut y joindre ou du nitre ou du sel ammoniac ; ces sels maintiennent l’or dans sa couleur naturelle : mais il faut prendre garde de ne les point mettre tous deux, parce qu’il arriveroit détonation.

M. Lemery le jeune a donné plusieurs mémoires curieux sur le borax, qu’on peut voir dans les Mémoires de l’Académie royale des Sciences, an. 1728, item année 1729 & 1732.

On fait usage du borax dans la Medecine ; on le regarde comme très-propre à diviser & atténuer les humeurs visqueuses & pituiteuses, & fort bon dans les maladies qui sont causées par l’épaississement des humeurs : il est apéritif, diurétique, & abstergent ; il agit sans causer ni corrosion ni inflammation : on peut le donner depuis 5 grains jusqu’à un demi-scrupule, en poudre, dans du vin, dans un œuf, ou dans quelqu’autre véhicule.

Le borax entre dans la composition du sel sédatif de Homberg. Voyez Sel sédatif.

Mais on le regarde sur-tout comme un très-puissant emménagogue, & comme un excellent remede pour les accidens qui accompagnent les accouchemens : mais il devient plus efficace si on le mêle avec la myrrhe, le safran, la canelle, des sels alkalis, ou ce qui vaut encore mieux, avec le nitre, le cinnabre, ou d’autres remedes antispasmodiques.

Suivant M. Lemery, la solution du caput mortuum du borax pousse fortement les urines, & fait sortir la gravelle. Il est très-styptique & astringent ; on le met aussi au nombre des cosmétiques ; on lui attribue la qualité de blanchir le teint, & de faire disparoître les taches de rousseur. La poudre emménagogue de Tuller se fait en prenant de borax de Venise 15 grains, myrrhe 12 grains, safran 3 grains, huile de clous de girofle une goutte : mêlez & faites une poudre qui est bonne pour provoquer les regles. (—)