L’Encyclopédie/1re édition/COURIER

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COURIER, s. m. (Hist. anc. & mod.) postillon dont la fonction & profession est de courir la poste, & de porter des dépêches en diligence. Voyez Postes.

L’antiquité a eu aussi ses couriers ; elle en a eu de deux sortes : des couriers à pié, que les Grecs appelloient hemerodromi, c’est-à-dire couriers d’un jour. Pline, Cornélius Népos & César parlent de quelques-uns de ces couriers, qui avoient fait vingt, trente & trente-six lieues & demie en un jour, & jusqu’à la valeur même de quarante dans le cirque pour remporter le prix ; des couriers à cheval, qui changeoient de chevaux comme on fait aujourd’hui.

Xénophon attribue l’usage des premiers couriers à Cyrus ; Hérodote dit qu’il étoit ordinaire chez les Perses, & qu’il n’y a rien dans le monde de plus vîte que ces sortes de messagers.

Cyrus, dit Xénophon, examina ce qu’un cheval pouvoit faire de chemin par jour, & à chaque journée de cheval il fit bâtir des écuries, y mit des chevaux, & des gens pour en avoir soin. Il y avoit aussi dans chacune de ces postes un homme qui, quand il arrivoit un courier, prenoit le paquet qu’il apportoit, montoit sur un cheval frais ; & tandis que le premier se reposoit avec son cheval, il alloit porter les dépêches à une journée de-là, où il trouvoit un nouveau cavalier qu’il en chargeoit, & ainsi de même jusqu’à la cour.

Il n’est pas sûr que les Grecs ni les Romains ayent eu de ces sortes de postes reglées avant Auguste, qui fut le premier qui les établit ; mais on couroit en char. On courut ensuite à cheval, comme il paroît par Socrate.

Sous l’empire d’Occident on appelloit les couriers viatores ; & sous les empereurs de Constantinople, cursores, d’où est venu leur nom. Chambers. (G)

On voit encore que sous Dioclétien il y avoit des relais établis de distance en distance. Losque Constantin eut appris la mort de son pere Constance qui gouvernoit les Gaules & les îles Britanniques, il prit secretement & nuitamment la poste pour lui venir succéder dans les Gaules ; & dans chaque relais où il arrivoit, il faisoit couper le jarret des chevaux qu’il y laissoit, afin qu’on fût hors d’état de le suivre & de l’arrêter, comme on en eut le dessein le lendemain matin, mais il n’étoit plus tems. Après la décadence de l’Empire, les postes furent négligées en occident, & le rétablissement en est dû à l’université de Paris, laquelle, pour le besoin des écoliers, établit des couriers ou messageries en France ; & l’an 1462 le roi Louis XI. établit les couriers & les postes dans toute la France. Cependant l’université de Paris conservoit toûjours son droit sur les couriers & messageries. Après bien des contestations, on en est venu en 1719 à un accommodement, qui est que l’université auroit pour sa part & portion dans la ferme des postes, le vingt-huitieme de l’adjudication annuelle. Sur quoi voyez ce qui sera dit ci-après au mot Messageries.

Cet établissement des couriers a passé ensuite dans les autres états, où il est regardé, ainsi qu’en France, comme un droit du souverain. L’empereur d’Allemagne établit en titre d’office un grand-maître des postes & couriers de l’empire ; cependant plusieurs princes de l’empire croient pouvoir user pareillement de ce droit. (a).

On appelle couriers du cabinet ceux qui portent les dépêches du Roi ou de son conseil.

Courier, (Jurisprud.) correarius ou conrearius, étoit le procureur ou intendant d’un évêque, abbé, prieur, ou communauté ecclésiastique. On appelle encore courier, chez les Chartreux, celui qui fait la fonction de procureur dans la maison. Le courier des évêques ou autres ecclésiastiques faisoit quelquefois les fonctions de juge, ou celles de procureur fiscal. On voit dans une sentence arbitrale, rendue en 1294 par Raymond des Baux prince d’Orange, entre l’évêque de Die & les habitans de la même ville, que le courier y avoit une jurisdiction réglée ; que le chapitre de Die avoit aussi un courier, dont la jurisdiction ne s’étendoit que sur ceux du même corps & sur leurs domestiques, au lieu que celui de l’évêque rendoit la justice aux étrangers aussi-bien qu’aux habitans de la ville, & connoissoit de toutes sortes d’affaires.

L’archevêque de Vienne, comme abbé de S. Bernard de Romans, avoit aussi un courier qui exerçoit sa justice dans la ville ; cela résulte d’une sentence arbitrale de 1294, par laquelle il paroît que cet officier avoit la police & la correction des mœurs ; qu’il pouvoit reprimer la licence & les desordres, comme la prostitution des femmes mariées.

Le courier que ce même archevêque avoit à Vienne, n’avoit presque d’autre fonction que de tenir la main à l’exécution des jugemens, & à la punition des criminels qui étoient condamnés ; il prenoit quelquefois aussi le titre de vice-gérent ou lieutenant.

Lors du procès que l’archevêque de Vienne eut en 1339 contre le dauphin Humbert, il prétendoit que son courier pouvoit en outre informer de toutes sortes de crimes & de malversations, faire emprisonner les accusés, établir des gardes pour la sûreté de la ville, avoir inspection sur la police de la ville, & plusieurs autres droits.

A Grenoble, le courier de l’évêque avoit droit de convoquer l’arriere-ban & les milices, faire mettre les habitans sous les armes au nom de l’évêque ; c’est ce qui paroît par une assignation donnée au crieur public, pour comparoître en jugement au sujet d’une proclamation faite par ordre du courier de l’évêque, dans laquelle il avoit excédé les limites de la jurisdiction, & entrepris sur celle du dauphin.

Il est parlé de ces couriers & de leur jurisdiction, dans une ordonnance du roi Jean du mois d’Octobre 1358. Voyez l’histoire de Dauphiné, par M. de Valbonay. (A)