L’Encyclopédie/1re édition/POSTE

POSTE. s. m. dans l’Art militaire, c’est un lieu propre à camper des soldats. Ce mot vient du latin positus, placé ; d’autres le dérivent de potestas, puissance.

Un poste signifie un terrein fortifié ou non, où l’on place un corps d’hommes pour y rester & se fortifier, afin de combattre l’ennemi. Ainsi l’on dit, le poste fut relevé, le poste fut abandonné, le poste fut pris ou emporté l’épée à la main.

Un terrein occupé par un parti, afin de protéger le front d’une armée & découvrir les postes qui sont derriere s’appelle un poste avancé. Chambers.

Poste d’honneur à la guerre, c’est celui qui est jugé le plus périlleux. On donne les postes d’honneur aux plus anciens ou aux premiers régimens. Les flancs des lignes dans la formation de l’armée étant les endroits les plus exposés & les plus dangereux, sont les postes d’honneur de l’armée.

Il y a dans l’infanterie quatre postes d’honneur.

Le premier est la droite de la premiere ligne ; le second est la gauche de cette même ligne ; le troisieme, la droite de la seconde ligne ; & le quatrieme, la gauche de cette ligne. Cependant, par un ancien usage, le régiment des gardes, qui est le premier régiment de France, se place toujours au centre de la premiere ligne.

A l’égard de la cavalerie, comme elle est divisée en deux corps, savoir de la droite & de la gauche, elle a huit postes d’honneur, dont les quatre premiers sont les mêmes que ceux de l’infanterie ; le cinquieme est la gauche de la premiere ligne de l’aîle droite ; le sixieme est la droite de la premiere ligne de l’aîle gauche ; le septieme, la gauche de la seconde ligne de l’aîle droite ; & le huitieme est la droite de la seconde ligne de l’aîle gauche.

Dans les différentes brigades de l’armée, les régimens suivent la même regle entr’eux, c’est-à-dire que le premier ou le plus ancien se met à la droite de la brigade ; le deuxieme à la gauche, le troisieme & le quatrieme, s’il y en a un quatrieme, se mettent au centre.

Dans les brigades qui ferment la gauche des lignes, la gauche est alors le poste d’honneur ; ainsi le premier régiment occupe cette place, & le second la droite, &c. (Q)

Poste, s. f. (Hist. anc. & mod.) les postes sont des relais de chevaux établis de distance en distance, à l’usage des couriers chargés de porter les missives, tant du souverain que des particuliers ; ces relais servent aussi à tous les voyageurs qui veulent en user, en payant toutefois le prix réglé par le gouvernement.

La nécessité de correspondre les uns avec les autres, & particulierement avec les nations étrangeres, a fait inventer les postes. Si l’on en croit plusieurs historiens, les hirondelles, les pigeons & les chiens ont été les messagers de quelques nations, avant que l’on eût trouvé des moyens plus sûrs pour aller promptement d’un lieu dans un autre.

Hérodote nous apprend que les courses publiques, que nous appellons postes, furent inventées par les Perses ; il dit que de la mer greque qui est la mer Egée, & la Propontide jusqu’à la ville de Suze, capitale du royaume des Perses, il y avoit pour cent onze gîtes ou mansions de distance. Il appelle ces mansions basilicos stathmos, id est mansiones regias, sive diversoria pulcherrima : il y avoit une journée de chemin de l’un à l’autre gîte ou mansion.

Xénophon nous enseigne que ce fut Cyrus même qui, pour en rendre l’usage facile, établit des stations ou lieux de retraite sur les grands chemins, somptueusement bâties, assez vastes pour contenir un nombre d’hommes & de chevaux, pour faire en peu de tems beaucoup de chemin ; & ordonna aux porteurs de ses ordres qu’à leur arrivée à l’une des postes ou stations, ils eussent à déclarer le sujet de leur course à ceux qui y étoient préposés, afin que des uns aux autres les nouvelles parvinssent jusques au roi. Ce fut dans l’expédition de Cyrus contre les Scythes que ce prince établit les postes de son royaume environ 500 ans avant la naissance de Jesus-Christ.

On prenoit aussi quelquefois les chevaux & les navires par force. Comme les chevaux destinés aux courses publiques étoient ordinairement poussés à grands coups d’éperons, & forcés de courir malgré qu’ils en eussent ; on donna le nom de cette servitude forcée aux chevaux de poste & aux postillons, lorsque les postes s’établirent chez les Romains. Les Perses appelloient angaries toutes les actions que l’on faisoit par contrainte & avec peine. Les Latins adopterent ce terme angaria, pour signifier une charge personnelle, une corvée & un cheval de poste. Les Romains appelloient la poste cursus publicus ou cursus clavicularis.

Il n’est pas facile de fixer l’époque, ni de citer les personnes qui instituerent l’usage des postes chez les Romains. Selon quelques-uns, lors de l’état populaire, il y avoit des postes sur les grands chemins que l’on appelloit stationes, & les porteurs de paquets en poste statores ; dès-lors ceux qui couroient étoient obligés d’avoir leurs lettres de postes, que l’on appelloit diplomata, sive evectiones, qui leur servoient de passeport pour aller avec les chevaux publics. On trouve dans quelques passages de Cicéron, qu’il donne le nom de stator à ceux qui portoient des paquets en diligence : mais les savans qui sont opposés au sentiment qui fixe dès-lors l’institution des postes romaines, remarquent que Cicéron n’a entendu parler que des messagers qu’il avoit envoyés, parce qu’il a dit statores meos, & non pas statores reipublicæ ; ce qui semble prouver que les couriers, dont parle Cicéron, étoient ses gens gagés par lui, & que ce n’étoient point des hommes au service de la république.

Il est à présumer que comme Auguste fut le principal auteur des grands chemins des provinces, c’est aussi lui qui a donné commencement aux postes romaines, & qui les a affermies. Suétone, en parlant de ce prince, dit que pour faire recevoir plus promptement des nouvelles des différens endroits de son empire, il fit établir des logemens sur les grands chemins, où l’on trouvoit de jeunes hommes destinés aux postes qui n’étoient pas éloignés les uns des autres. Ces jeunes gens couroient à pié avec les paquets de l’empereur qu’ils portoient de l’une des stations à la poste prochaine, où ils en trouvoient d’autres tous prêts à courir, & de mains en mains les paquets arrivoient à leurs adresses.

Peu de tems après, le même Auguste établit des chevaux & des chariots pour faciliter les expéditions. Ses successeurs continuerent le même établissement. Chaque particulier contribuoit aux frais des réparations des grands chemins & de l’entretien des postes, sans qu’aucun s’en pût dispenser, non pas même les vétérans ; les seuls officiers de la chambre du prince appellés præpositi sacri cubiculi, en furent exemtés.

Au reste, on ne pouvoit prendre des chevaux dans les postes publiques sans avoir une permission authentique que l’on appella d’abord diploma, & dans la suite littera evectionum, qui signifie la même chose que nos billets de postes, que l’on est obligé de prendre des commandans dans les grandes villes & dans les places de guerre pour avoir des chevaux ; cet usage s’observoit si exactement qu’au rapport de Capitolin, Pertinax allant en Syrie pour exercer la charge de préfet de cohorte, ayant négligé de prendre des billets de poste, il fut arrêté & condamné par le président de la province à faire le chemin à pié, depuis Antioche jusque au lieu où il devoit exercer sa charge.

Les empereurs, dit Procope, avoient établi des postes sur les grands chemins, afin d’être servis plus promptement, & d’être avertis à tems de tout ce qui se passoit dans l’empire. Il n’y avoit pas moins de cinq postes par journée, & quelquefois huit. On entretenoit quarante chevaux dans chaque poste, & autant de postillons & de palfreniers qu’il étoit nécessaire. Justinien cassa les postes en plusieurs endroits, & sur-tout celles par où l’on alloit de Chalcédoine à Diacibiza, qui est l’ancienne ville de Lybissa, fameuse par le tombeau d’Annibal, & située dans le golfe de Nicomédie. Le même auteur, pour donner plus de ridicule à Justinien, avance qu’il établit la poste aux ânes en plusieurs endroits du Levant. C’en est assez sur les postes anciennes.

Quant aux postes modernes, je ne m’arrêterai qu’à celles de France, & je remarquerai d’abord qu’elles étoient bien peu de chose avant le regne de Louis XI. L’an 807 de Jesus-Christ, Charlemagne ayant réduit sous son empire l’Italie, l’Allemagne & partie des Espagnes, établit trois postes publiques pour aller & venir dans ces trois provinces. Les frais étoient aux dépens des peuples. Julianus Taboetius jurisconsulte en parle ainsi : Carolus magnus populorum expensis, tres viatorias stationes in Galliâ constituit, anno Christi octingentesimo septimo primam propter Italiam à se devictam, alteram propter Germaniam sub jugum missam ; tertiam propter Hispanias. Mais il y a toute apparence que les postes furent abandonnées sous le regne de Lothaire, Louis, & Charles le Chauve, fils de Louis le Débonnaire & petit-fils de Charlemagne, parce que de leur tems les terres dudit Charlemagne furent divisées en trois, & l’Italie & l’Allemagne séparées de la France.

C’est de Louis XI. que vient proprement l’établissement des postes en France, & non tel qu’il est aujourd’hui en Europe. Il ne fit que rétablir les veredarii de Charlemagne & de l’ancien empire romain. Il fixa en divers endroits des stations des gîtes où les chevaux de poste étoient entretenus. Deux cens trente couriers à ses gages portoient ses ordres incessamment. Les particuliers pouvoient courir avec les chevaux destinés à ces couriers, en payant 10 sols par cheval pour chaque traite de quatre lieues. Les lettres étoient rendues de ville en ville par les couriers du roi. Cette police ne fut long tems connue qu’en France. Philippe de Commines, qui a écrit l’histoire de Louis XI. dit qu’auparavant il n’y avoit jamais eu de postes dans son royaume. Du Tillet, in chronico reg. Franc. en parle de même, & fixe l’institution des postes à l’an de Jesus-Christ 1477 : il écrit que stathmi & diversoria cursoriis equis à rege Ludovico XI. primum in Galliis constituta, ce qui s’entend des postes de France seulement ; car quant à celles instituées par Charlemagne, ce fut en qualité d’empereur qu’il les établit pour l’Occident, & non pour la France.

Pour ce qui est du nom de poste que l’on donne aux couriers publics, Dutillet assûre que Louis XI. voulut qu’on les appellât ainsi, comme pour dire disposés à bien courir, stationarios cursores idiomate gallico postas, quasi bene dispositos ad cursum appellari voluit à græcis ἄγγαροι, cursores regii. Le nom de poste pourroit aussi venir, à positione, sive dispositione equorum cursui publico deputatorum.

L’histoire de Chalcondy le nous apprend que la poste chez les Turcs consiste à expédier des hommes dressés à la course qu’ils envoient à pié, lesquels ont le privilege de faire descendre de cheval ceux qu’ils trouvent sur la route, & personne n’oseroit désobéir s’agissant des affaires du grand-seigneur. Etant ainsi montés sur ces chevaux de hazard, ils les poussent à toute bride jusqu’à ce qu’ils en rencontrent d’autres ; ils font à ceux-ci pareil commandement, & leur laissent leurs chevaux fatigués ; c’est de cette maniere que montés aux dépens d’autrui, ils arrivent au lieu de leur destination, mais cet usage ne se pratique plus, le grand-seigneur a ses chevaux & ses couriers.

Les postes sont établies au Japon & à la Chine. Voyez Postes de la Chine, & Postes du Japon.

Quand les Espagnols découvrirent le Pérou en 1527, ils trouverent un grand chemin de 500 lieues de Cusco jusqu’à Quito, avec des relais d’hommes fixés de lieue en lieue, pour porter les ordres de l’Inca dans tout son empire. (D. J.)

Postes de la Chine, (Hist. de la Chine.) les postes sont réglées dans tout l’empire de la Chine, l’empereur seul en fait la dépense, & il entretient pour cela une infinité de chevaux. Les couriers partent de Péking pour les capitales des provinces. Le viceroi qui reçoit les dépêches de la cour, les communique incontinent par d’autres couriers aux villes du premier ordre ; celles-ci les envoyent aux villes du second ordre qui sont de leur dépendance ; & de celles du second ordre aux villes du troisieme ; ainsi toutes les provinces & toutes les villes ont communication les unes avec les autres. Quoique ces postes ne soient pas établies pour les particuliers, on ne laisse pas de s’en servir en donnant quelque chose au maître du bureau, & tous les missionnaires en usent avec autant de sûreté, & avec beaucoup moins de dépense qu’ils ne font en Europe.

Comme il est d’une extrème importance que les couriers arrivent à tems, les mandarins ont soin de tenir tous les chemins en état ; & l’empereur, pour les y obliger plus efficacement, fait quelquefois courir le bruit qu’il doit lui-même visiter certaines provinces. Alors les gouverneurs n’épargnent rien pour en réparer les chemins ; parce qu’il y va ordinairement de leur fortune, & quelquefois de leur vie, s’ils se négligeoient sur ce point. Mais quelque soin que les Chinois se donnent pour diminuer la peine des voyageurs, on y souffre néanmoins presque toujours une incommodité très-considérable, à laquelle ils ne peuvent remédier.

Les terres qui sont très-légeres & toujours battues par une infinité de gens qui vont & viennent à pié, & à cheval, sur des chameaux, dans des litieres & sur des chariots, deviennent en été un amas prodigieux de poussiere très-fine, qui étant élevée par les passans & poussée par le vent seroit quelquefois capable d’aveugler, si on ne prenoit des masques ou des voiles. Ce sont des nuages épais, au-travers desquels il faut continuellement marcher, & qu’on respire au lieu d’air pendant des journées entieres. Quand la chaleur est grande & le vent contraire, il n’y a que les gens du pays qui puissent y résister. (D. J.)

Postes du Japon, (Hist. du Japon.) pour la commodité des voyageurs, il y a dans tous les principaux villages & hameaux du Japon une poste qui appartient au seigneur du lieu où l’on peut trouver en tout tems, à de certains prix réglés, un nombre suffisant de chevaux, de porteurs, de valets, &, en un mot, de tout ce dont on peut avoir besoin pour poursuivre son voyage en diligence. L’on y change aussi de chevaux & de valets, quand ils se trouvent harrassés du chemin, ou qu’on ne les a pas loués pour aller plus loin. Les voyageurs de tout rang & de toute condition se rendent à ces postes, appellés par les Japonois sinku, à cause de la commodité qu’ils ont d’y trouver prêt tout ce dont ils peuvent avoir besoin. Elles sont à la distance les unes des autres d’un mille & demi, & au-dessus, jusqu’à quatre milles. Ces maisons ne sont pas proprement bâties pour loger du monde, mais simplement pour établir les chevaux & pour empêcher qu’en les changeant ils n’embarrassent les rues, il y a une cour spacieuse pour chacune. Le prix de tout ce qu’on peut louer à ces postes est réglé par tout l’empire, non-seulement suivant la distance des lieux, mais encore suivant que les chemins sont bons ou mauvais, que les vivres ou le fourrage sont plus ou moins chers, & autres choses semblables.

A toutes les postes il y a jour & nuit des messagers établis pour porter les lettres, les édits, les déclarations, &c. de l’empereur & des princes de l’empire, qu’ils prennent au moment qu’on les a délivrées, & qu’ils portent en diligence à la poste prochaine. Ces lettres, &c. sont renfermées dans une petite boîte vernie de noir, sur laquelle il y a les armes de l’empereur, & le messager la porte sur ses épaules attachée à un petit bâton. Il y a toujours deux de ces messagers qui courent ensemble, afin qu’au cas qu’il arrivât quelque accident à celui qui porte la boîte, l’autre pût prendre sa place & remettre le paquet au prochain sinku. Tous les voyageurs de quelque rang qu’ils soient, même les princes de l’empire & leur suite, doivent sortir du chemin & laisser un passage libre à ces messagers, qui prennent soin de les en avertir à une distance convenable, par le moyen d’une petite cloche qu’ils sonnent & qu’ils portent pour cet effet toujours avec eux. (D. J.)

Postes, s. m. pl. (Architect.) ornemens de sculpture, plats, en maniere d’enroulemens, répétés & ainsi nommés, parce qu’ils semblent courir l’un après l’autre. Il y en a de simples & de fleuronnés, avec des rosettes. On en fait aussi de fer pour les ouvrages de serrurerie. (D. J.)