L’Encyclopédie/1re édition/COULISSE

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* COULISSE, s. f. (Art méch. & Gramm.) c’est en général une rainure ou profondeur étroite, pratiquée longitudinalement dans un corps, pour contenir, aider, & diriger le mouvement d’un autre, dont une partie saillante se place dans cette profondeur.

Coulisse (mouvement de), Anatomie. Comme il y a dans les Arts cent choses qu’on nomme coulisses, parce qu’étant appliquées l’une sur l’autre, ou l’une contre l’autre, on peut les faire couler & mouvoir, en les tirant, les allongeant, les haussant, les baissant, ainsi qu’on en peut voir quelques exemples dans les articles suivans ; on appelle en Anatomie dans notre langue le mouvement de coulisse, celui qui se fait lorsqu’un os glisse sur un autre dans l’articulation ligamenteuse lâche : par exemple, la circonférence de la tête ronde du radius qui glisse de cette maniere dans la cavité qu’on remarque à la partie du cubitus qui lui répond, est un mouvement de coulisse.

Quelque multipliés que soient les noms grecs des articulations, on ne sauroit les accommoder avec toutes celles qui se présentent dans le corps de l’homme, & qu’a découvert de nos jours une anatomie plus éclairée que n’étoit celle des anciens. L’articulation du radius avec le cubitus, celle du même os avec l’humerus, l’articulation de la seconde vertebre avec la premiere, l’assemblage des os du tarse & du carpe, &c. ne peuvent être comprises dans les noms grecs des articulations.

Des modernes qui ont senti cette difficulté, n’osant pas cependant abandonner ce langage, ont tenté d’ajoûter dans le même goût de nouvelles subdivisions aux anciennes ; mais bien loin de nous éclairer par ce secours, ils ont rendu la matiere plus abstraite & plus obscure.

Quand nous pouvons trouver dans notre langue des mots qui expriment bien les choses que nous voulons peindre, il est inutile d’en tirer d’une langue étrangere, qui soient équivoques, moins connus, & moins intelligibles ; & quand notre langue en manque, il faut en adopter de ceux des Arts, ou en créer qui dénotent le plus précisément qu’il est possible ce que nous voulons caractériser ; car à mesure que les Sciences se perfectionnent, elles demandent de nouveaux mots.

Dans le xvj. siecle, l’Histoire naturelle étoit si peu connue parmi nous, qu’on n’avoit pas même encore de terme pour désigner un curieux qui s’attachoit à cette partie de la Physique, & qu’on inventa pour lors le nom de naturaliste, dont Montagne n’usa qu’en le soûlignant ; il ne devinoit pas qu’un jour notre langue seroit forcée de forger mille nouvelles expressions, pour expliquer les secrets de cette science & les découvertes qui s’y feroient. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Coulisse, (Théâtre Lyrique.) rainure faite au plancher du théatre, dans laquelle est enfermé un chassis de décoration qui y coule. On donne aussi ce nom à des entaillures, pratiquées dans de gros chevrons posés horisontalement à huit piés en-dessous du théatre, qui soûtiennent les faux chassis sur lesquels sont posés les chassis, & dans lesquelles ils coulent. Voyez Faux-chassis.

Pendant le tems qu’un chassis avance sur le théatre, celui qui étoit ou devant ou derriere coule en-dedans, & c’est ainsi que se font en même tems les changemens de décoration par le moyen d’une très belle machine. Voyez Changement.

On appelle aussi improprement de ce nom le chassis même. Voyez Chassis. L’actrice s’appuie sur la coulisse lorsqu’elle est accablée de douleur, comme dans la scene de Médée & d’Eglé de l’opéra de Thesée. On se sert aussi du même mot pour désigner l’espace qui est d’un chassis à l’autre ; un acteur entre sur le théatre par la seconde coulisse, & il en sort par la cinquieme, selon l’état de la scene.

Au théatre de l’opéra de Paris, il n’y a que six coulisses ou chassis de chaque côté du théatre ; par conséquent il n’y a jamais que les six premiers chassis de chaque côté qui changent par le moyen du contrepoids. Le changement des autres parties se fait à la main. Voyez Manœuvre.

Les coulisses ou rainures sont d’un très-grand inconvénient à ce théatre, elles avancent beaucoup plus que les chassis en-dedans, & hors du théatre ; & cela paroît indispensable jusqu’à ce que leur forme soit changée, parce qu’il faut nécessairement qu’on puisse, suivant les occasions, élargir ou retrécir le lieu de la scene ; que d’ailleurs la coulisse qui avance laisse la partie de la rainure qu’elle a occupée vuide hors du théatre, & que celle qu’on retire laisse vuide aussi celle qu’elle occupoit sur le devant. Ces rainures, qu’on ferme le plus vîte qu’on le peut, ne le sont presque jamais assez vîte ; ensorte que les danseurs & les autres exécutans sont exposés à chaque instant à mettre le pié dans ces ouvertures, se blessent, prennent des entorses, &c. Il seroit aisé de trouver des moyens pour prévenir ces inconvéniens, qui assûrément ne sont pas sans remede. Lorsque l’humanité parle, l’art sait trouver des ressources pour obéir. (B)

Coulisse, en termes de Formier, c’est une rainure qui regne intérieurement tout le long de la forme brisée, pour recevoir la clé qui doit écarter ses deux parties. Voyez les Pl. du Cordonnier-Bottier.

Coulisse, (Horlog.) piece d’une montre ; c’est une portion de zone (fig. 45. C. Pl. X. d’Horloger.) d’environ 180 degrés, fixée sur la platine de dessus au moyen de deux vis. Pour qu’elle soit bien placée, il faut qu’elle le soit concentriquement au balancier.

Son usage est de contenir le rateau dans la position requise, pour qu’il puisse se mouvoir circulairement, & avoir un engrenage constant avec la roue de rosette. Pour cet effet, cette coulisse porte un filet circulaire, qui entre dans une rainure pratiquée dans le rateau. Il est d’une grande conséquence qu’il n’y ait aucun jeu dans cet ajustement, car s’il y en a lorsque l’on tourne la roue de rosette, le rateau sera poussé tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; & sa position devenant incertaine, il sera impossible que le ressort spiral puisse jamais être courbé de façon à être constamment au milieu de ses chevilles. Voyez Rateau, Rosette, Platine de dessus, & la fig. 52. même Planche. (T)

Coulisse, (Hydraulique.) rainures faites dans les dormans, par le moyen desquelles on leve les chassis des corps de pompe, pour en visiter les brides & les cuirs. Voyez Dormant. (K)

Coulisse de Galée, terme d’Imprimerie, c’est une planche de bois plat, de deux ou trois lignes d’épaisseur, plus longue que large, & d’une grandeur proportionnée au corps de galée auquel la coulisse est destinée ; elle a un manche de quatre pouces de long pris dans le même morceau de bois, & plus large à son extrémité qu’à son origine : elle sert de fond postiche à la galée, sur lequel se posent & se lient les pages, & elle donne la commodité, en la tirant du corps de la galée, de transporter les pages liées sur le marbre pour y être imposées. Voyez Galée & les Planches de l’Imprimerie.

Coulisse, terme d’Orfévrerie, place disposée à recevoir les chaînons qui composent la charniere : elle se forme sur deux morceaux de quarré préparé à cet effet, que l’on nomme porte-charnieres, inhérens l’un au-dessus, l’autre au-dessous de la piece, limés exactement plats, & reposant bien l’un sur l’autre. Le mérite d’une coulisse est d’être exactement partagée, de n’être pas plus creusée dans un porte-charniere que dans l’autre, d’être formée bien ronde, & d’être bien droite dans toutes ses parties. Quoique la coulisse ait lieu dans tous les ouvrages d’orfévrerie, le bijoutier est cependant celui qui la traite le mieux. Voyez les détails de ce travail à l’article Tabatiere.

Coulisse, c’est, en termes de Raffinerie de sucre, une trace, un sentier que l’eau fait sur les bords du pain, plus ou moins long, & large selon que l’eau est venue en grande ou petite quantité de l’esquive crevassée, ou par quelque autre route. Voyez Esquive.

Le mot coulisse s’employe en tant d’occasions, qu’il seroit inutile & presque impossible de les rapporter toutes : on les rencontrera dans les explications des machines.