L’Encyclopédie/1re édition/CHAPON

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* CHAPON, s. m. (Œconom. rust.) poulet mâle à qui on a ôté les testicules. Cette méthode d’avoir des volailles grasses & délicates est très-ancienne : il est parlé dans le Deuteronome de poulets chaponnés par le frottement, par le feu, ou par l’extraction totale ou partielle des testicules. On pratiqua la même opération à Rome sur les poules ; on les engraissoit délicatement, & il y en eut qui pesoient jusqu’à seize livres. Il fut défendu de châtrer les poules ; & ce fut pour éluder cette loi qu’on chaponna de jeunes coqs. Columelle dit qu’outre la maniere ordinaire de chaponner, on y réussit également en coupant jusqu’au vif les ergots avec un fer chaud, & les frottant ensuite avec de la terre à potier.

On chaponne les poulets à trois mois, au mois de Juin, tems où il ne fait ni trop chaud ni trop froid : on leur ouvre le corps à l’endroit où sont les testicules, on les tire dehors avec l’index, on recoud la blessure, on la frotte ensuite avec du beurre ou du baume, & l’opération est faite. L’animal semble sentir pendant quelques jours l’importance de la perte qu’il a faite, car il est triste. Les chapons sont excellens à six & huit mois.

On en tire un service singulier : on les employe à conduire & élever les poussins, quand on ne veut pas laisser perdre de tems aux poules. On choisit un chapon vigoureux ; on lui plume le ventre ; on lui pique la partie plumée avec des orties ; on l’enyvre avec du pain trempé dans du vin ; & l’on réitere cette cérémonie deux ou trois jours de suite, le tenant bien enfermé : le quatrieme on le met sous une cage, & on lui associe deux ou trois poulets un peu grands ; ces poulets, en lui passant sous le ventre, adoucissent la cuisson de ses piquûres : ce soulagement l’habitue à les recevoir ; bien-tôt il s’y attache, il les aime, il les appelle ; on lui en donne un plus grand nombre, qu’il reçoit & couvre de ses ailes, qu’il conduit, qu’il éleve, & qu’il garde plus long-tems que la mere n’auroit fait.

Chapon, (Diete, Mat mad.) La chair de chapon, soit bouillie soit rôtie, est très-nourrissante, & de facile digestion ; c’est pourquoi elle est très-convenable aux convalescens auxquels on commence à accorder un peu d’alimens solides. On prépare aussi avec le chapon, pour le même usage, des consommés qui conviennent non-seulement dans les cas de convalescence, mais encore dans les maladies chroniques, où l’on est obligé de soûtenir le malade par des alimens qui contiennent beaucoup de parties nutritives sous une petite masse, & qui peuvent être digérés sans réveiller que le moins qu’il est possible l’action de l’estomac, comme dans les ulceres internes, sur-tout ceux du poumon.

On trouve dans la plûpart des vieux dispensaires, des eaux distillées de chapon, soit simples, soit composées, toûjours vantées comme des analeptiques ou des restaurans admirables : mais nous sommes trop instruits aujourd’hui sur la nature des parties alimenteuses, pour pouvoir les regarder comme mobiles, ou capables de s’élever dans la distillation. Zwelfer avoit observé avant Boerhaave, que l’eau distillée de chapon ne participoit point de la vertu restaurante de la viande dont elle étoit tirée. Voyez Distillation, & Eau distillée.

La graisse de chapon récente est adoucissante & relâchante ; mais cette propriété lui est commune avec toutes les matieres de la même espece, c’est-à-dire avec toutes les matieres huileuses, douces, & non rencies, comme le beurre frais, la bonne huile d’olive, &c. (b)

Chapon, (vol du) Jurisp. voyez Vol du Chapon. (A)

* Chapon, sub. m. (Agric.) sarmens de l’année qu’on détache pour servir de plant, observant d’y laisser un peu du bois de la taille précédente, & de les mettre tremper dans l’eau pendant huit jours, afin que leurs fibres se dilatent & se disposent à la végétation. Voyez l’article Vigne.

Chapon, (Serrurerie.) patte de chapon, voyez Patte.