L’Encyclopédie/1re édition/CHAPITRE

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CHAPITRE, s. m. terme d’Architecture, du latin capitulum ; c’est une grande piece dans une communauté, où s’assemblent les chefs, pour y traiter des affaires particulieres de la maison, pourvû de stalles, ou de siéges de Menuiserie, d’une grande table &c. Ces pieces sont ordinairement voûtées & ornées de tableaux. (P)

Chapitre, (Jurisprud.) en matiere ecclésiastique, a trois significations différentes : dans la plus étendue, il se prend pour une communauté d’ecclésiastiques qui desservent une église cathédrale, ou une collégiale, ou pour une communauté de religieux qui forment une abbaye, prieuré, ou autre maison conventuelle.

On appelle aussi chapitre l’assemblée que tiennent ces ecclésiastiques ou religieux, pour délibérer de leurs affaires communes. Les chevaliers des ordres réguliers, hospitaliers & militaires, tiennent aussi chapitre, tels que les chevaliers de Malthe, de S. Lazare, du S. Esprit, & le résultat de ces assemblées s’appelle aussi chapitre.

Enfin on appelle chapitre dans les églises cathédrales & collégiales, & dans les monasteres, le lien où s’assemble le clergé ou communauté ; & dans les monasteres, le chapitre fait partie des lieux réguliers.

Le titre de chapitre pris pour un corps ecclésiastique n’a commencé à être en usage que vers le tems de Charlemagne, comme le prouve Marcel Ancyran, dans le traité qu’il a fait sur la decrétale d’Honoré III. super specula de magistris.

Un chapitre de chanoines est ordinairement composé de plusieurs dignités, telles que celles du doyen ou du prévôt, du chantre, de l’archidiacre, & d’un certain nombre de chanoines. Dans quelques églises, le chantre est la premiere dignité du chapitre, cela dépend des titres & de la possession.

On dit communément que tres faciunt capitulum ; on ne connoît cependant point de chapitre où il n’y ait que trois chanoines ; mais cela signifie que trois chanoines peuvent tenir le chapitre.

Dans les églises cathédrales, le chapitre jouit de certains droits & priviléges, & exemptions, pendant la vacance du siége épiscopal, & même pendant que le siége est rempli.

Le premier des priviléges, dont les chapitres des cathédrales jouissent pendant que le siége est rempli, est qu’ils sont considérés comme le conseil de l’évêque.

Dans la primitive église, les évêques ne faisoient rien sans l’avis de leur clergé, qu’on appelle presbyterium ; le jv. concile de Carthage leur ordonne d’en user ainsi à peine de nullité.

Lorsqu’on eut séparé la manse de l’évêque de celle de son clergé, celui-ci prit le titre de chapitre, & les intérêts devinrent différens. Le clergé de l’évêque participoit cependant toûjours au gouvernement du diocèse, comme ne formant qu’un même corps avec l’évêque.

Les députés des chapitres des églises cathédrales ont toûjours assisté aux conciles provinciaux & les ont souscrits.

Selon l’usage présent du royaume, les chapitres des cathédrales n’ont plus de part dans le gouvernement du diocèse ; les évêques sont en possession d’exercer seuls, & sans la participation de leur chapitre, la plûpart des fonctions appellées ordinis, & celles qui sont de la jurisdiction volontaire & contentieuse, comme de faire des statuts & réglemens pour la discipline de leurs diocèses : ils ne sont obligés de requérir le consentement de leur chapitre que pour ce qui concerne l’intérêt commun ou particulier du chapitre, comme lorsqu’il s’agit d’en aliéner le temporel, d’unir ou supprimer quelque dignité ou bénéfice dans la cathédrale, d’y changer l’ordre de l’office divin, de réformer le breviaire, d’instituer ou supprimer des fêtes, & autres choses semblables, qui intéressent singulierement le chapitre en corps ou chaque chanoine en particulier. Il est d’usage dans ces cas que l’évêque concerte ses mandemens avec le chapitre, & qu’il y fasse mention, que c’est après en avoir conféré avec ses vénérables freres, les doyen, chanoines & chapitre.

Tant que l’évêque est en place, le chapitre ne peut point s’immiscer dans le gouvernement du diocèse. Si l’évêque tombe en démence, ce sont les vicaires généraux par lui établis qui suppléent à son défaut. Canon. pontifices & gloss. ibid. Voyez deux consultations qui sont dans Duperray, sur l’édit de 1695. tome II. art. 45.

En France, pendant plusieurs siecles, lorsque le siége épiscopal étoit vacant, le métropolitain commettoit l’évêque le plus prochain pour en prendre soin, ou en prenoit soin lui-même ; ce n’est que vers le xij. siecle que les chapitres des cathédrales se sont mis en possession de gouverner le diocese pendant la vacance. Glos. ad capitul. ne concessione. Clement. de rerum permus.

La jurisdiction du chapitre, sede vacante, est la même que celle de l’évêque ; mais il ne peut l’exercer en corps ; il doit nommer à cet effet des grands vicaires & un official, pour exercer la jurisdiction volontaire & contentieuse. Voyez les arrêts rapportés à ce sujet dans la Jurisprud. canon. au mot chapitre.

S’il y a des officiaux & grands vicaires nommés par l’évêque décédé, le chapitre peut les continuer en leur donnant de nouvelles provisions ; il peut aussi les destituer & en nommer d’autres.

Les grands vicaires & officiaux nommés par le chapitre, sede vacante, n’ont pas plus de droit que l’évêque ; ils ne peuvent par conséquent exercer leur jurisdiction sur ceux qui sont exempts de celle de l’évêque ; du reste ils peuvent faire tout ce que feroient ceux de l’évêque ; mais n’étant que des administrateurs à tems, ils ne peuvent faire aucune innovation considérable dans la discipline du diocese.

Après l’année de la vacance expirée, ils peuvent donner des dimissoires pour recevoir les ordres, & aussi pour la tonsure & les quatre mineurs ; & ces dimissoires sont valables à moins que le nouvel évêque ne les révoque, les choses étant encore entieres. Concil. Trid. sess. 7. cap. x. & sess. 23. Rebuff. prax. benef. part. j. p. 10.

Le chapitre ne représente l’évêque décédé que pour la jurisdiction & non pour l’ordre ; ainsi il ne peut, ni ses grands vicaires, exercer aucune fonction du caractere épiscopal, comme donner la confirmation, les ordres, des indulgences, &c. Thomass. discipl. ecclésiast. part. I. liv. III. ch. x. n. 10.

La disposition des bénéfices qui viennent à vaquer tandis que le siége épiscopal est vacant, n’appartient point au chapitre ; elle est réservée à l’évêque qui doit succéder.

Si l’évêque a droit de nommer conjointement avec le chapitre, le roi nomme un commissaire qui représente l’évêque dans l’assemblée du chapitre, Edit de Janv. 1682 pour la régale.

Si la nomination appartient à l’évêque seul, le bénéfice vacant tombe en régale. Edit du mois de Fév. 1673. édit de Janv. 1682. & déclar. du 30 Août 1735.

A l’égard des bénéfices cures, qui sont à la collation de l’évêque, & qui viennent à vaquer, sede vacante, le chapitre en a la disposition, sans préjudice néanmoins du droit des gradués, qui peuvent le requérir à l’ordinaire. Arrêt du 6 Sept. 1642. journ. des aud.

Le chapitre a encore droit, pendant la vacance du siége épiscopal, de nommer aux bénéfices dépendans d’une prébende qui est en litige. Journ. des aud. arrêt du 8 Août 1687.

Le droit canonique attribue au chapitre, sede vacante, l’administration du temporel ; mais parmi nous le Roi, en vertu du droit de régale, fait administrer ce temporel par des économes.

Quelques chapitres ont prétendu être exempts de la jurisdiction de l’évêque ; mais par la derniere jurisprudence, la plûpart de ces exemptions ont été déclarées abusives. On confirme seulement celles qui sont fondées sur des motifs légitimes, & autorisées par le consentement de l’évêque & l’autorité du Roi. La possession immémoriale ne suffit pas en cette matiere pour tenir lieu de titre ; mais elle sert à fortifier le titre lorsqu’il est légitime.

Les arrêts ont maintenu les chapitres qui étoient fondés dans la jurisdiction correctionnelle, sur les dignités, chanoines, & officiers de leur église, mais à la charge de l’appel devant l’official de l’évêque, lequel a le droit de prévention, si celui du chapitre n’a pas informé dans les trois jours. Arréts des 2 Septemb. 1670, & 4 Septemb. 1684. Journ. des aud.

Lorsque le chapitre a seulement droit de correction, & non la jurisdiction contentieuse, il ne peut excommunier ni emprisonner ses bénéficiers, ni les priver de leurs bénéfices ; cela n’appartient qu’à l’évêque.

Le droit que quelques chapitres prétendent avoir de donner aux clercs de leur corps des dimissoires pour les ordres, dépend des titres & de la possession.

Les chanoines exempts, qui acceptent de l’évêque quelque office, comme de grand-vicaire, official, promoteur, &c. deviennent à cet égard justiciables de l’évêque.

Plusieurs chapitres, soit de cathédrales, ou de collégiales, ont des statuts particuliers qui tiennent lieu de loi entr’eux, lorsqu’ils sont autorisés par les supérieurs ecclésiastiques, & homologués au parlement. Ces statuts ont ordinairement pour objet l’affectation des prébendes à certaines personnes, l’assistance aux offices, la résidence & les distributions manuelles, le rang & la séance au chœur, l’option des prébendes & des maisons canoniales, & autres objets semblables.

Les droits particuliers dont jouissent certains chapitres, comme droits d’annate, de dépôt, &c. dépendent des titres & de la possession.

Les chapitres de réguliers ne peuvent être sécularisés que par des bulles revêtues de lettres patentes dûment enregistrées ; ils doivent observer les conditions portées dans ces bulles & lettres patentes. V. Sécularisation. Voy. les art. Abbé, Abbaye, Chanoine, & ci-après Convent, Monastere, Prieuré.

Les ordres religieux tiennent trois sortes de chapitres ou assemblées ; savoir le chapitre particulier de chaque maison ou communauté ; le chapitre provincial composé des députés de toutes les maisons de l’ordre qui sont dans la même province ; & le chapitre général composé des députés de tout l’ordre & de toutes les maisons des différentes provinces.

Le chapitre général d’un ordre régulier se tient dans la maison qu’on appelle chef d’ordre. Voyez Chef d’ordre

Les ordres de chevalerie, réguliers ou hospitaliers, tiennent aussi de tems en tems chapitre. Dans l’ordre de Malthe on tient des chapitres particuliers dans chaque province ; il y a aussi le chapitre général de l’ordre qui se tient à Malthe.

Sur les droits des chapitres, voyez Jean Bordenave, tr. de l’état des causes ecclésiast. Le dictionn. des cas de conscience de Pontas, au mot chapitre ; Le tr. des mat. bénéf. de Fuet, liv. II. ch. ij. Le traité des droits des chapitres par Ducasse ; Mém. du clergé, édition de 1716. tome II. p. 922. & suiv. & p. 1585. & 1603. Bibliotheque de Bouchel, au mot chanoines ; add. à la biblioth. de Bouchel, tome 1. p. 14. Biblioth. can. tome I. p. 221. & 516. col. j. De Selve, II. part. tract. quæst. 2. Franc. Marc, tome I. quæst. 92. & suiv. & quæst. 139. & 1334. Leprêtre, centur. 2. ch. xv. Henris, tome I. liv. I. ch. j. & ch. iij. quæst. 2. recueil de de la Ville, au mot bénéfice ; Pinson, de mod. acquir. benef. §. 16. n. 19. de fin. can. p. 126. Filleau, part. I. tit. 1. ch. xliij. Chenu 2. cent. quæst. 80. Corbin, suite de patronage, ch. 190. Dolive, liv. I. ch. viij. Boniface, tome I. liv. II, tit. 2. ch. j. tit. 5. & ch. v. Peleus, actions forenses, liv. II. act. 39. Tournet, let. c. n. 54. Ferret, liv. IV. ch. iij. n. 38.

Pour ce qui est particulier aux différens chapitres des églises cathédrales & collégiales, voyez les réglemens & autres actes indiqués dans le dictionn. des arrêts, au mot chapitre. (A)

Chapitres (trois), Hist. ecclés. termes célebres dans l’histoire ecclésiastique du vj. siecle.

On donna alors le nom de trois chapitres, à trois écrits fameux qui étoient les écrits de Théodore de Mopsueste, un écrit de Théodoret contre les douze anathèmes de S. Cyrille, & la lettre d’Ibas évêque d’Edesse, à Maris hérétique persan.

Ces trois chapitres avoient leurs défenseurs, qui étoient partagés en différentes classes. La premiere étoit celle des Nestoriens, qui les défendoient parce qu’ils croyoient que ces écrits avoient été approuvés dans le concile général de Chalcédoine, & qu’ils contenoient ou favorisoient ouvertement leur doctrine. La seconde étoit celle des Catholiques, qui les défendoient, en soûtenant contre les Nestoriens que leur doctrine impie ne s’y trouvoit pas. La troisieme étoit celle de ceux qui ne vouloient pas les condamner, parce que, selon eux, il n’étoit pas permis de faire le procès aux morts. A quoi il faut ajoûter que par une erreur de fait, plusieurs Catholiques croyoient que le concile de Chalcédoine avoit approuvé les trois chapitres. Il est vrai que ce concile avoit admis Théodoret à la communion, après qu’il eut dit anathème à Nestorius, & déclaré Ibas orthodoxe, même après lecture faite de sa lettre à Maris ; mais il n’avoit rien prononcé sur cette lettre, ni pour ni contre les écrits ou la personne de Théodore de Mopsueste ; & par conséquent on ne pouvoit pas dire qu’il les eût approuvés.

Justinien condamna d’abord les trois chapitres par une loi publiée en 546, qu’on obligea tous les évêques de souscrire ; mais plusieurs le refuserent, & entre autres les évêques d’Afrique. Le pape Vigile les condamna aussi, mais sans préjudice du concile de Chalcédoine, par un decret intitulé judicatum, adressé à Mennas patriarche de Constantinople, & rendu en 548. Les troubles continuant, on assembla en 553 le second concile général de Constantinople, qui est le cinquieme œcuménique, dans lequel les trois chapitres furent anathématisés ; & quoique le pape Vigile parut d’abord n’en pas approuver les décisions, parce qu’il avoit retracté son premier decret par un autre qu’on nommoit constitutum, il se rendit enfin à l’avis du concile par un second constitutum, qu’on trouve dans les nouvelles collections de M. Baluze, de l’année 554, qu’il avoit fait précéder dès la fin de 553 par une lettre d’accession, adressée à Eutychius successeur de Mennas dans le siége de Constantinople.

La condamnation des trois chapitres causa en Occident un schisme, toûjours fondé sur ce qu’on croyoit que le concile de Chalcedoine les avoit approuvés, & qui ne finit que plus de 70 ans après sous le pape Honorius. Mais la division dura plus long-tems en Orient, où les Nestoriens étoient fort puissans, & soûtenus d’un grand nombre de défenseurs. (G)