L’Encyclopédie/1re édition/VIGNE

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VIGNE, s. f. vitis, (Hist. nat. Botan.) genre de plante à fleur en rose, composée de plusieurs pétales disposés en rond ; le pistil sort du milieu de cette fleur ; il est entouré d’étamines, qui font tomber ordinairement les pétales, & il devient dans la suite une baie molle, charnue & pleine de suc ; elle renferme le plus souvent quatre semences, dont la forme approche de celle d’une poire. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante.

Tournefort distingue vingt une especes de ce gente de plante, entre lesquelles nous décrirons la vigne commune cultivée, parce que sa description se rapporte à toutes les autres especes.

Cette plante, nommée vitis vinifera par C. B. P. 299. J. B. 2. 67. Raii, hist. 1613. a la racine longue, peu profonde, ligneuse, vivace. Elle pousse un arbrisseau qui s’éleve quelquefois à la hauteur d’un arbre, & dont la tige est mal faite, tortue, d’une écorce brune, rougeâtre, crevassée, portant plusieurs sarmens longs, munis de mains ou vrilles qui s’attachent aux arbres voisins, aux charniers ou aux échalas. Ses feuilles sont grandes, belles, larges, presque rondes, incisées, vertes, luisantes, un peu rudes au toucher, d’un goût astringent. Ses fleurs naissent dans les aisselles des feuilles, petites, composées chacune de cinq pétales, disposées en rond, réunies par leur pointe, de couleur jaunâtre, odorantes, avec autant d’étamines droites à sommets simples.

Lorsque les fleurs sont tombées, il leur succede des baies rondes ou ovales, ramassées & pressées les unes contre les autres, en grosses grappes, vertes & aigres dans le commencement, mais qui en mûrissant prennent une couleur blanche, rouge ou noire, & deviennent charnues, pleines d’un suc doux & agréable ; chaque baie renferme ordinairement dans une seule loge cinq semences ou pepins osseux en cœur, plus pointus par un bout que par l’autre.

Cette plante se cultive dans les pays chauds & tempérés ; elle s’éleve en peu de tems à une grande hauteur, si l’on n’a soin de l’arrêter en la taillant, elle croît même jusqu’à surmonter les plus grands ormes, elle fleurit en été, & ses fruits ou raisins mûrissent en automne. Il n’y a guere de plante qui soit plus durable ; l’étendue qu’elle occupe est étonnante, car on a vu des maisons couvertes des branches d’une seule souche.

Nous préférons la vigne, disoit autrefois Columelle à tous les autres arbres & arbrisseaux du monde, non-seulement pour la douceur de son fruit, mais aussi pour la facilité avec laquelle elle s’éleve ; elle répond à la culture & aux soins des hommes presque en tout pays, à-moins qu’il ne soit ou trop froid ou trop brûlant, en plaines, en coteaux, en terre forte ou légere & meuble, grasse ou maigre, humide ou seche. Selon Pline, les terreins ne different pas plus entr’eux que les especes de vignes ou de raisins ; mais il seroit impossible de reconnoître aujourd’hui dans les noms modernes ceux de l’antiquité qui y répondent, parce que les anciens n’ont point caractérisé les diverses especes de vignes dont ils parloient, ni les fruits qu’elles portoient. (D. J.)

Vigne, (Agriculture.) la terre qui convient mieux aux vignes pour avoir de bon vin, est une terre pierreuse ou à petit cailloutage, située sur un coteau exposé au midi ou au levant. Il est vrai que la vigne n’y dure pas si long-tems que dans une terre un peu forte, & qui a plus de corps. Les terres grasses & humides ne sont point propres pour la vigne, le vin qui y croît n’est pas excellent, quelles que soient les années chaudes & hâtives qui puissent survenir.

Pour les terres situées sur des coteaux exposés au couchant, il n’en faut guere faire de crus pour y élever des vignes ; quoique ces vignes soient bien cultivées & fumées, leur fruit mûrit d’ordinaire imparfaitement. Quant aux coteaux exposés au nord, il n’y faut jamais planter de la vigne, parce qu’on n’y recueilleroit que du verjus.

La vigne se multiplie de crossettes & de marcottes. Pour avoir de bonnes crossettes, il faut en taillant la vigne les prendre sur les jets de la derniere année, & que ces crossettes aient à l’extrémité d’en-bas du bois de deux ans. On ne prend pas les crossettes sur la souche de la vigne, parce qu’elles ont en cet endroit des yeux plats & éloignés les uns des autres. On connoît la bonté des crossettes & du plant enraciné quand le dedans du bois est d’un verd-clair ; s’ils sont d’un verd-brun, il faut les rejetter.

On plante la vigne de plusieurs manieres. Les uns prennent une pioche ou une bèche, avec laquelle, le long d’un cordeau qu’ils ont tendu de la piece de terre qu’ils veulent mettre en vigne, ils font une raie de terre d’un bout à l’autre, & ensuite un autre en continuant jusqu’à ce que la terre soit toute tracée. Il suffit dans une terre seche & sablonneuse de donner à ces raies deux piés six pouces de distance ; mais dans une terre plus substancielle, ces raies doivent avoir entre elles plus de trois piés.

Ces raies étant faites, ils creusent un rayon d’un pié & demi en quarré, & autant en profondeur, & dont le côté droit a pour bornes à droite ligne la moitié de la raie, le long de laquelle on creuse le rayon. Cela fait, ils prennent deux crossettes ou deux marcotes, ils les posent en biaisant, l’une à un des coins du rayon, & l’autre à l’autre ; puis couvrant aussi-tôt ces crossettes, ils abattent dans le rayon la superficie de la terre voisine ; ce rayon n’est pas plutôt rempli qu’ils en commencent un autre, & continuent ainsi jusqu’à la fin. Cette maniere de planter s’appelle planter à l’angelot.

Pour avoir de bon plant enraciné, il suffit qu’il paroisse à chacun trois ou quatre racines. Si l’on veut que ce plant reprenne heureusement, il faut le planter avec tous les soins possibles ; mais on se sert plutôt de crossettes pour faire un grand plan de vigne que de marcottes. Il est des pays où ces crossettes sont appellés chapons, quand il y a du bois de l’année précédente, & poules quand il n’y a que du bois de l’année.

On a une autre maniere de planter la vigne, qu’on appelle planter au-bas ; voici comment elle se pratique. Après que le vigneron a trouvé son alignement, qui est ce qui le dirige & ce qu’il ne doit point perdre de vue, il creuse grossierement un trou de seize ou dix-sept pouces, qui se termine en se retrécissant dans le fond, & dont l’entaille du côté & le long de la raie est taillée avec art. Ce trou étant fait, on prend une crossette, on l’y met en biaisant ; puis mettant le pié dessus, on abat la terre dedans ce trou qu’on remplit grossierement, après cela on porte devant le pié qu’on avoit derriere ; puis creusant un autre trou, on y plante encore une autre crossette de même qu’on vient de le dire, ainsi du reste jusqu’à la fin de l’alignement, & jusqu’à ce que toute la piece de terre soit plantée.

On peut commencer à planter dès le mois de Novembre, principalement dans les terres légeres & sablonneuses. Pour les terres fortes, on ne commencera, si l’on veut, qu’à la fin de Février, & lorsque l’eau de ces terres sera un peu retirée.

Rien n’est plus aisé que de marcotter la vigne. Pour y réussir, il faut choisir une branche de vigne qui sorte directement de la souche avant que la vigne commence à pousser. On fait en terre un trou profond de treize à quatorze pouces, dans lequel on couche doucement cette branche sans l’éclater, de maniere que la plus grande partie étant enterrée, l’extremité d’en-haut en sorte de la longueur de quatre ou cinq pouces seulement. La partie qui est enterrée est celle qui prend racine ; lorsqu’on est assûré que la marcotte est enracinée, on la sépare de la souche, ce qui se fait au mois de Mars de l’année suivante. On se sert de marcottes pour planter ailleurs & garnir quelques places vuides, & on marcotte ordinairement les muscats, les chasselas & autres raisins curieux.

Il y a encore un autre moyen de multiplier la vigne qui se fait par les provins, c’est-à-dire en couchant le sep entier dans une fosse qu’on fait au pié ; puis on en choisit les sarmens les plus beaux qu’on épluche bien. On les place tout de suite le long du bord de la fosse qui s’aligne aux autres seps. Cela fait, & tous ces sarmens étant bien couchés, on les couvre de terre, & on laisse passer l’extrémité environ à six ou huit pouces de haut. C’est par les bourgeons qui y sont qu’on voit le bon ou mauvais succès de son travail. On peut provigner la vigne depuis la S. Martin jusqu’au mois de Mai.

Soit que la vigne soit plantée de crossettes ou autrement, on ne lui laisse point manquer de façons ordinaires. On commence d’abord par la tailler. Rien n’est plus nécessaire & utile à la vigne que la taille ; sans elle le fruit que cette plante produiroit n’auroit pas la grosseur ni la qualité de celui dont la taille auroit été faite comme il faut. Voici ce qu’on peut observer sur la taille de la vigne.

Il faut d’abord en examiner le plus ou moins de force, afin de la tailler plus ou moins court. On doit charger les seps qui ont beaucoup de gros bois, c’est-à-dire, leur laisser deux corsons ou recours, ou vietes, comme on dit en certains pays. Il faut que cette charge ne cause point de confusion, & comme il faut que les seps vigoureux soient taillés de cette maniere, aussi doit-on laisser moins de coursons aux seps qui ont moins de force.

Quand on taille la vigne, il ne faut asseoir sa taille que sur les beaux sarmens qu’elle a poussés ; le tems de faire ce travail est le mois de Février, ou plutôt même si le tems le permet. La vigne doit être taillée quinze jours avant qu’elle commence à pousser.

Sous le mot de vigne, on entend ici celle qu’on cultive dans les jardins, ainsi que celles qu’on plante dans la campagne. Les premieres principalement, quand elles sont exposées au midi, veulent être taillées au plutôt. Il y a des vignerons qui commencent à tailler leurs vignes avant la fin de l’hiver. Ils laissent pour cela tout de leur longueur les sarmens sur lesquels ils veulent asseoir leur taille, sauf après l’hiver à les couper convenablement ; cette méthode avance leur travail.

Il faut quand on taille la vigne, laisser environ deux doigts de bois au-dessus du dernier bourgeon, & faire ensorte que l’entaille soit du côté opposé à ce bourgeon, de crainte que les larmes qui sortent par cette plaie ne la noient. On doit retrancher toutes les menues branches qui croisent sur un sep, elles n’y font qu’apporter de la confusion.

On doit en taillant la vigne ôter du pié les seps de bois qui lui sont inutiles, & que la paresse du vigneron y auroit laissé l’année précédente, dans le tems de l’ébourgeonnement. Lorsque le tronc d’une vigne est bien nettoyé, il est plus aisé à tailler que quand il ne l’est pas. Dans la plus grande partie de la Bourgogne on met en perches les vignes quand elles ont quatre ans, qui est ordinairement le tems qu’elles commencent à donner du fruit en abondance.

Lorsque la vigne ne fait que commencer à pousser, & qu’elle vient à geler en bourre, on peut espérer qu’elle pourra produire huit ou dix jours après (si l’air s’échauffe), quelques arrieres bourgeons, dans chacun desquels il y aura un ou deux raisins ; c’est pourquoi on se donnera bien de garde de couper d’abord le bois de cette vigne gelée, ni d’y donner aucun labour. Il n’y faudra toucher que lorsque le tems sera adouci.

Mais quand la vigne a été tout-à-fait gelée, & qu’il n’y a plus d’espérance qu’elle donne d’arrieres-bourgeons, il faut couper tout le bois ancien & nouveau, & ne laisser seulement que les souches. Cette opération renouvelle entierement une vigne ; si cependant la gelée vient fort tard, c’est-à-dire, depuis la fin de Mai jusqu’au 15 de Juin, on ne coupera aucun bois, parce que la saison étant pour lors avancée, la vigne ne manque pas de repousser quantité de nouveaux bourgeons, qui cependant ne donnent que du bois pour cette année.

La vigne étant taillée & échaladée, on songe à lui donner les labours qui lui conviennent, plus dans les terres fortes que dans les terres légeres, & selon l’usage du pays. Le premier labour dans les terres fortes se donne depuis la mi-Mars, jusqu’à la mi-Avril, lorsque la terre permet de le faire ; & dans les terres pierreuses & légeres, on donne ce premier labour 15 jours plus tard.

Le second labour, qu’on appelle biner, doit se donner par un beau tems, s’il est possible, & avant que la vigne soit en fleur, ou on attendra qu’elle soit tout-à-fait dehors. Le troisieme labour qu’on appelle rebiner ou tiercer, ne se doit donner que lorsque le verjus est tout formé, & des plus gros. Dans les vignes auxquelles on donne quatre labours, il faut commencer plutôt qu’on a dit à donner le premier, & suivre après, selon que la terre l’exigera, & que les mauvaises herbes pousseront.

Il y a des pays où l’on n’échalade les vignes qu’après le premier labour ; d’autres où cela se fait incontinent après la taille ; puis on baisse le sarment, c’est-à-dire, on attache le sarment à l’échalas en le courbant.

Il ne suffit pas de donner à la vigne tout le travail dont on vient de parler, il faut encore l’ébourgeonner, l’accoler, l’amender, & la rueller. Quand on fera l’ébourgeonnement, il faut abattre en pié tous les nouveaux bois qu’on juge pouvoir être préjudiciables au sep. Si le sep est jeune, & qu’il ait poussé fort peu sur la tête, on a lieu d’espérer que l’année suivante il y aura de gros bois ; c’est pourquoi il faut abattre toute la nouvelle production. Si le sep est vieux, il faut ôter tous les jets qui y sont, à la réserve de la plus belle branche qu’on laissera.

En Bourgogne, où les vignes sont en perches, on les ébourgeonne jusqu’au coude du sep, c’est-à-dire, jusqu’à l’endroit où nait le bois qui produit le fruit. Il ne faut pas manquer à la fin de Juin d’accoler les sarmens que la vigne a poussés ; si on ne les accoloit pas, le moindre vent qui dans la suite viendroit à souffler, les feroit presque tous casser, outre que cela causeroit de la confusion dans la vigne, & empêcheroit de la labourer.

Quand la vigne est accolée, on en coupe l’extrémité des sarmens à la hauteur de l’échalas. Ce travail est très-utile, puisqu’il empêche que la seve ne se consomme en pure perte.

Outre tous les travaux dont on vient de parler, & qu’on doit donner à la vigne, il est bon encore de l’amender, pour la faire pousser avec vigueur ; on l’amende avec du fumier. Un autre expédient qui n’est pas moins utile, est de terrer la vigne. Voyez Terrer.

C’est ordinairement depuis le mois de Novembre jusqu’en Février que ce travail se fait, tant que le tems permet qu’on puisse entrer dans les vignes. La nouvelle terre mise au pié des seps les fait pousser avec vigueur, à cause que le génie de la vigne étant toujours de prendre racine du côté de la superficie de la terre, il arrive qu’à mesure qu’elle en prend, la terre devient rare dessus, & s’épuise des sels qui doivent former son suc nourricier. On connoît qu’une vigne a besoin d’être terrée & fumée quand elle commence à jaunir, & qu’elle ne donne que de chetives productions.

Ce n’est pas tout, il faut avoir soin de provigner la vigne, c’est-à-dire, de la renouveller de tems en tems par de nouveaux provins, quand on y voit des places vuides. On sait qu’on nomme provins une branche de vigne qu’on couche & qu’on couvre de terre, afin qu’elle prenne racine, & donne des nouvelles souches.

Pour réussir à provigner la vigne, deux choses sont essentielles : premierement la bonne espece de raisin & le beau bois, sans quoi il vaut autant laisser les places vuides, que se servir pour les remplir d’un sep qui n’auroit pas ces deux avantages, ou qui manqueroit de l’une ou de l’autre.

Après le choix d’un sep tel qu’il est à souhaiter, on l’épluche de toutes les branches chifones qui ont pu y croître, & des vrilles qui y viennent ordinairement ; puis faisant une fosse en quarré, à commencer tout près le sep qu’on veut provigner, plus ou moins longue, selon que le permettent les branches de la vigne, ou selon qu’on veut que cette fosse s’étende, eu égard toujours à la longueur des branches & à la largeur du vuide qui est à remplir. Cette fosse étant creusée d’un pié & demi environ dans terre, on ébranle tout doucement le sep en le mettant du côté de la fosse, où il faut qu’il soit couché avec ses branches : cela se fait après plusieurs légeres secousses sans endommager les racines, non pas cependant sans quelque torture de la part du sep, qu’on courbe malgré lui.

Quand cette branche est couchée où on veut qu’elle soit, si c’est une vigne moyenne, on range dans cette fosse tellement les branches de ce sep, qu’elles regardent toujours à droite ligne les seps qui sont au-dessous & au-dessus d’elles : puis étant placées ainsi, soit en les ayant courbées pour les forcer de venir où on les desire, soit en les ayant mises comme d’elles-mêmes, on remplit le trou où elles sont de la superficie de la terre. Cela fait, on taille l’extrémité des branches à deux yeux au-dessus de la terre, puis on les laisse là jusqu’à ce qu’ils poussent. Tel ouvrage n’est pas celui d’un apprentif vigneron, puisque même les plus habiles tombent quelquefois dans l’inconvénient de perdre entierement leur sep, quelque précaution dont ils aient usé en faisant cette opération.

Dans les terres fortes, terres légeres ou pierreuses, les provins s’y peuvent faire depuis le mois de Novembre jusqu’au mois d’Avril. Dans les terres humides ils réussissent mieux, lorsqu’on ne les fait qu’au commencement du printems jusqu’à la fin d’Avril.

Si c’est dans un jardin qu’on plante la vigne, on n’y met guere que des raisins choisis & rares, comme les muscats, les chasselas, & autres ; quand on peut en avoir de beaux, bons & hâtifs, il faut planter au midi quelques marcottes contre le mur, entre quelques arbres fruitiers en maniere d’espalier, les tailler & cultiver.

Il convient d’observer pour avoir de bons muscats, qu’il ne faut pas les fumer, vu que l’engrais donne trop de vigueur à la vigne, & qu’elle produiroit le raisin plus verd & moins hâtif. On observe aussi de mettre plutôt en mur exposé au levant qu’au couchant les vignes qui viennent des pays étrangers, & dont les fruits ont peine à mûrir en France, parce qu’ils sont meilleurs, & qu’ils mûrissent plutôt que lorsqu’ils sont au midi ; pour la taille de ces vignes, on la fait après la saint Martin aussi-tôt que le fruit est cueilli.

Si on est curieux des raisins qui soient rares, on peut greffer la vigne en fente, ce qui se fait comme aux arbres, excepté qu’il faut mettre la greffe dans la terre, chercher le bel endroit du pié de la vigne, & le couper trois ou quatre pouces au-dessous de la superficie de la terre, afin que se collant à son pié, elle prenne en même tems racine du collet ; enfin pour avoir d’excellens raisins, il faut les greffer sur muscats, dont la seve est plus douce & plus relevée. Le bon tems de greffer la vigne, est lorsqu’elle est en seve. Si le pié de la vigne est gros, on peut y mettre deux greffes bord-à bord, & quand le pié est jeune, moëlleux, & un peu plus gros que la greffe, on la met dans le milieu de la vigne.

Ces généralités peuvent suffire : on trouvera les détails dans un traité de la culture de la vigne, publié dernierement à Paris en deux volumes in-12 ; mais il faut remarquer que cette culture n’est pas la même dans les diverses provinces de ce royaume ; & comme elle est abandonnée à des vignerons ignorans, qui suivent de pere en fils une routine aveugle, on juge aisément qu’elle est susceptible de beaucoup d’amélioration. (D. J.)

Vigne, (Mat. mèd. & Diete.) cette plante que l’on appellera, si l’on veut arbre ou arbrisseau, fournit à la pharmacie sa seve, ses jeunes pousses, ses bourgeons, ses feuilles & la cendre de ses sarmens ; son fruit que tout le monde connoît sous le nom de raisin, a des usages pharmaceutiques & diététiques trop étendus, pour ne pas en traiter dans un article distinct. Voyez Raisin.

Les pleurs ou la seve de la vigne que l’on ramasse au printems, est regardée comme apéritive, diurétique & propre contre la gravelle étant prise intérieurement par verrées. Cette liqueur est regardée aussi comme très-utile dans les ophtalmies, les petits ulceres des paupieres & la foiblesse de la vue, si on en bassine fréquemment les yeux ; l’une & l’autre de ces propriétés paroît avoir été accordée à cette liqueur assez gratuitement.

Les anciens medécins & quelques modernes ont ordonné le suc des feuilles ou celui des jeunes pousses de vigne, qui est d’une saveur aigrelette assez agréable dans les devoiemens ; ce remede ne vaut pas mieux, peut-être moins que les autres sucs acidules végétaux, tels que ceux de citron, d’épine-vinette, de groseille, &c. qui sont quelquefois indiqués dans cette maladie.

C’est un remede populaire & fort usité que la lessive de cendre de sarment ou branches de vigne contre l’œdème, la leucophlegmatie, l’hydropisie ; mais les principes medicamenteux dont cette lessive est chargée, sont des êtres très-communs, & point-du-tout propres à la vigne.

C’est ici un sel lixiviel purgatif & diurétique, comme ils le sont tous. Voyez Sel lixiviel. (b)

Vigne blanche, (Mat. méd.) voyez Bryone.

Vigne de Judée, (Botan.) ou dozce-amere ; ce sont deux nonis vulgaires de l’espece de morelle, appellée par Tournefort, solanum scandens. Voyez Morelle. (D. J.)

Vigne sauvage, (Botan.) vitis sylvestris, seu labrusca, C. B. P. espece de vigne qui croît sans culture au bord des chemins, & pioche des haies ; son fruit est un fort petit raisin qui, quand il mûrit, devient noir, mais il ne mûrit guere que dans les pays chauds. (D. J.)

Vigne sauvage, (Botan. exot.) voyez Pareira-brava.

Vigne-vierge, (Jardinage.) bryonia ; ce nom lui vient de Virginie en Amérique : cette plante est vivace, & se multiplie de plants enracinés. Elle approche de la coulevrée, & a comme elle des tenons pour s’attacher par-tout, & sert à couvrir des murs & de berceaux de treillage. Sa feuille & sa fleur sont à-peu-près les mêmes, & rougissent sur la fin de l’automne ; on remarque qu’elle ne porte point de fruit.

Vigne, fruit de la, (Critiq. sacr.) dans S. Matt. xxvj. 29. γένημα τοῦ ἀμπέλου. Il est aussi appellé le sang de la vigne, Eccl. xxxjx. 32. Deutéron. xxxij. 14. Pindare le nomme ἀμπέλου δρόσος, la rosée de la vigne, & Philon, ἀμπέλου καρπὸς, le fruit de la vigne. « Jesus-Christ, c’est Clément d’Alexandrie qui parle, Pad. lib. II. p. 158. montre que ce fut du vin qu’il bénit, lorsqu’il dit à ses disciples, je ne boirai plus de ce fruit de vigne, c’étoit donc du vin que le Seigneur bûvoit ; soyez persuadé que Jesus-Christ a béni le vin quand il dit : prenez, bûvez ; ceci est mon sang, le sang du vin. L’Ecriture, dit plus haut ce pere de l’Eglise, p. 156. nomme le vin, le symbole mystique du sang sacré ». Rem. de M. de Beausobre. (D. J.)