L’Encyclopédie/1re édition/BROCHER

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* BROCHER (le) Manufactures en soie, or & argent ; c’est l’art de nuancer des objets de plusieurs couleurs sur une étoffe en soie, quelle qu’elle soit, ou d’en enrichir le fond de dorure, de clinquant, de chenille, de fil d’argent, de cannetille, &c. par le moyen de très-petites navettes qu’on appelle espolins, qui sont toutes semblables aux grandes navettes que l’ouvrier a devant lui, & dont il se sert selon qu’il lui est marqué par le dessein qu’il exécute.

Le métier du broché est exactement le même que pour les autres étoffes. Les étoffes brochées sont à fleurs : quand il n’y a que deux couleurs sur fond satin, on n’a pas besoin de brocher ; deux grandes navettes les exécutent : s’il n’y a que trois couleurs, on peut encore se passer de brocher ; trois grandes navettes les rendront ; il y aura une navette pour chaque couleur : mais alors il faudra beaucoup de fils à la chaîne, & il faudra de plus que ces fils soient très-forts. Ces trois navettes qui exécutent les fleurs, & qui servent en même tems de trame, ne manquent jamais de salir le fond ; & c’est pour qu’elles le salissent moins qu’il faut, comme nous l’avons dit, beaucoup de fils à la chaîne, & que ces fils soient forts : mais ces deux conditions rendent nécessairement le satin très-serré. Ainsi quand on prend un satin à fleurs non broché, en général le meilleur sera celui qui aura le plus de couleurs. Quand le dessein porte plus de trois couleurs, on broche le surplus, c’est-à-dire, qu’on a cette quatrieme, cinquieme couleur montées sur de petites navettes, & qu’on passe ces petites navettes dans les endroits où elles doivent être passées selon la tire. Pour se faire une idée claire de la maniere dont cela s’exécute,

Soit le dessein GHIK à exécuter en satin broché : il est évident qu’il doit y avoir au semple cent cordes, puisque le dessein est sur un papier de 8 sur 12, & qu’il y a douze divisions & demie horisontales. Si l’on veut que ce dessein soit répété plusieurs fois à l’ouvrage, il faut que chacune des cordes du semple tire autant de cordes ou mailles de corps, qu’on veut de répétitions ; c’est-à-dire, qu’il faut que les fourches ou arcades soient à deux, trois, quatre, brins. La lecture de ce dessein sur le semple n’est pas différente de la lecture de tout autre dessein. Il faut bien remarquer que dans le brocher l’endroit de l’étoffe est en-dessous.

Comme il n’y a ici que cinq couleurs & le fond, le coup le plus composé n’a pas plus de six lacs. C’est la chaîne qui fait le fond A, ou le corps de l’étoffe, à moins qu’on ne le veuille or ou argent ; alors il faut avoir son or & son argent filé, monté sur des espolins comme les couleurs. Le coup commence ici par le fond, un autre coup commencera par le verd, par le jaune, &c.

Dans le dessein proposé, le fond A est blanc ; la tige B est verte ; les parties C, C, C, C, de la fleur sont jaunes ; les parties D, D, D, &c. sont lilas foncé ; les parties E, E, E, E, &c. sont lilas plus clair ; les parties F, F, F, &c. violet.

Ces couleurs se succedent assez ordinairement à la tire les unes aux autres dans un même ordre, cela facilite beaucoup l’exécution de l’ouvrage : c’est l’habitude de travailler & la connoissance de son dessein ; c’est un petit morceau d’étoffe de la couleur qui rentre, attaché au lacs, qui avertit qu’elle va commencer, & qu’une autre couleur a cessé.

Plus il y a de couleurs, moins il regne d’ordre entre la maniere dont elles se succedent, plus l’ouvrage demande d’attention de la part de l’ouvrier.

Il est, je crois, démontré pour quiconque connoît un peu le métier, que sur un métier bien monté, & avec un grand nombre de semples, on parviendroit à exécuter des figures humaines, & des animaux nuancés comme dans la peinture.

Il y a ici douze lisses, huit pour le satin, & quatre pour lier le fond & la dorure. La chaîne est de trois milles six cents fils ; partant chaque lisse de satin fait travailler la huitieme partie de trois mille six cents. Quant aux lisses de liage, la premiere ne prend que le dixieme fil de chaîne ; la seconde, que le vingtieme, la troisieme que le trentieme, & ainsi de suite.

Il faut bien remarquer que l’étoffe sur laquelle on exécute ici le dessein GHIK n’a que dix pouces ; & qu’on ne l’a supposée telle que pour faciliter l’intelligence de l’opération du brocher.

Quand il n’y a point de dorure, & qu’on veut conserver les lisses de liage, la premiere prend le cinquieme fil ; la seconde, le dixieme, &c.

C’est la couleur du fond & le nombre des couleurs, qui montrent qu’une étoffe est ou brochée ou non brochée.

On peut considérer l’art de brocher, comme une sorte de peinture où les soies répondent aux couleurs, les petites navettes ou espolins aux pinceaux ; & la chaîne a une toile sur laquelle on place & l’on attache les couleurs par le moyen de ses fils, dont on fait lever telle ou telle partie à discrétion au-dessus du reste, par le moyen de ficelles qui correspondent à ces fils, avec cette différence que le peintre est devant sa toile, & que le brocheur est derriere.

* Brocher, (en Bonneterie) c’est tricoter ou travailler avec des broches ou aiguilles.

* Brocher, (chez les Bouchers) c’est après que le bœuf a été égorgé & mis bas, y pratiquer avec la broche des ouvertures pour souffler. Voyez Broche & Souffler.

* Brocher, (chez les Couvreurs) c’est mettre de la tuile en pile sur des lattes, entre les chevrons.

* Brocher, (chez les Cordiers) c’est passer le boulon dans le touret : on dit brocher le touret. Voyez Touret, voyez aussi Corderie.

Brocher, (en Jardinage) se dit des plantes qui montrent de petites pointes blanches, soit à la tête pour pousser de nouvelles branches, soit au pié pour jetter de nouvelles racines. (K)

Brocher, (terme de Maréchal) c’est enfoncer à coup de brochoir, qui est le marteau des Maréchaux, des clous qui passent au-travers du fer & de la corne du sabot, afin de faire tenir le fer au pié du cheval. Brocher haut, c’est enfoncer le clou plus près du milieu du pié. Brocher bas, c’est l’enfoncer plus près du tour du pié. Brocher en musique, c’est brocher tous les clous d’un fer inégalement, tantôt haut, tantôt bas ; ce qui vient du peu d’adresse de celui qui ferre.

On se servoit autrefois de ce mot pour dire : piquer un cheval avec les éperons, afin de le faire courir plus vîte. (V)

Brocher, (terme de Blason) on dit que des chevrons brochent sur des burelles, pour dire qu’ils passent dans l’écu sur des burelles. Voyez Burelle.

Brocher, (terme de Relieur) c’est plier les feuilles d’un livre les unes sur les autres, les coudre ensemble, & les couvrir de papier marbré ou autre. Voyez Relier.