L’Encyclopédie/1re édition/ARMINIANISME

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 696-697).
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ARMINIANISME, s. m. (Théol. Hist. eccles.) doctrine d’Arminius, célebre ministre d’Amsterdam ; & depuis professeur en Théologie dans l’Académie de Leyde & des Arminiens ses sectateurs. Voyez Arminiens. Ce qui distingue principalement les Arminiens des autres réformés ; c’est que persuadés, que Calvin, Beze, Zanchius, &c. qu’on regardoit comme les colonnes du calvinisme, avoient établi des dogmes trop séveres sur le libre arbitre, la prédestination, la justification, la persévérance & la grace ; ils ont pris sur tous ces points des sentimens plus modérés, & approchans à quelques égards de ceux de l’Eglise Romaine. Gomar professeur en Théologie dans l’Académie de Groningue, & Calviniste rigide, s’éleva contre la doctrine d’Arminius. Après bien des disputes commencées dès 1609, & qui menaçoient les Provinces-unies d’une guerre civile ; la matiere fut discutée & décidée en faveur des Gomaristes par le synode de Dordrect, tenu en 1618 & 1619 ; & composé outre les Théologiens d’Hollande, de députés de toutes les églises réformées, excepté des François, qui en furent empêchés par des raisons d’état. C’est par l’exposition de l’arminianisme faite dans ce synode, qu’on en pourra juger sainement. La dispute entre les deux partis, étoit réduite à cinq chefs : le premier regardoit la prédestination ; le second, l’universalité de la rédemption ; le troisieme & le quatrieme, qu’on traitoit toûjours ensemble, regardoient la corruption de l’homme & la conversion ; le cinquieme concernoit la persévérance.

Sur la prédestination, les Arminiens disoient « qu’il ne falloit reconnoître en Dieu aucun decret absolu, par lequel il eût résolu de donner Jesus-Christ aux seuls élûs, ni de leur donner non plus à eux seuls par une vocation efficace, la foi, la justification, la persévérance & la gloire ; mais qu’il avoit donné Jesus-Christ pour rédempteur commun à tout le monde, & résolu par ce decret, de justifier & de sauver tous ceux qui croiroient en lui, & en même tems de leur donner à tous les moyens suffisans pour être sauvés ; que personne ne périssoit pour n’avoir point ces moyens, mais pour en avoir abusé ; que l’élection absolue & précise des particuliers se faisoit en vûe de leur foi & de leur persévérance future, & qu’il n’y avoit d’élection que conditionnelle ; & que la réprobation se faisoit de même, en vûe de l’infidélité & de la persévérance dans un si grand mal. » Ce qui étoit directement opposé au système de Calvin, qui admet un decret absolu & positif de prédestination pour quelques-uns, & de réprobation pour tous les autres, avant toute prévision de leurs mérites ou démérites futurs. Voyez Prédestination, Decret, Mérite, Démérite, Réprobation, Prévision, &c. Sur l’universalité de la rédemption, les Arminiens enseignoient, « que le prix payé par le Fils de Dieu, n’étoit pas seulement suffisant à tous, mais actuellement offert pour tous & un chacun des hommes ; qu’aucun n’étoit exclus du fruit de la rédemption par un decret absolu, ni autrement, que par sa faute » ; doctrine toute différente de celle de Calvin & des Gomaristes, qui posoient pour dogme indubitable, que Jesus-Christ n’étoit mort en aucune sorte que pour les prédestinés, & nullement pour les réprouvés. Sur le troisieme & quatrieme chef, après avoir dit que la grace est nécessaire à tout bien, non-seulement pour l’achever, mais encore pour le commencer ; ils ajoûtoient que la grace n’étoit pas irrésistible ; c’est-à-dire, qu’on peut y résister, & soûtenoient « qu’encore que la grace fût donnée inégalement, Dieu en donnoit ou en offroit une suffisante à tous ceux à qui l’Evangile étoit annoncé, même à ceux qui ne se convertissoient pas ; & l’offroit avec un desir sincere & sérieux de les sauver tous, sans qu’il fît deux personnages, faisant semblant de vouloir sauver, & au fond ne le voulant pas, & poussant secretement les hommes aux péchés qu’il défendoit publiquement » ; deux opinions monstrueuses qu’avoient introduites les premiers réformateurs. Sur le cinquieme, c’est-à-dire, la persévérance, ils décidoient « que Dieu donnoit aux vrais fideles, régénerés par sa grace, des moyens pour se conserver dans cet état ; qu’ils pouvoient perdre la vraie foi justifiante, & tomber dans des péchés incompatibles avec la justification, même dans des crimes atroces ; y persévérer, y mourir même, s’en relever par la pénitence, sans néanmoins que la grace les contraignît à la faire » ; & par ce sentiment, ils détruisoient celui des Calvinistes rigides ; savoir, que l’homme une fois justifié, ne pouvoit plus perdre la grace, ni totalement, ni finalement ; c’est-à-dire, ni tout-à-fait pour un certain tems, ni à jamais, & sans retour. Synod. Dordac. sess. 31. & 34. Boss. Hist. des variat. liv. XIV. n°. 23. 24. 25. 26. & 27. Voyez Gomaristes.