L’Encyclopédie/1re édition/REPROBATION

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REPROBATION, s. f. en Théologie, signifie l’exclusion de la vie éternelle, & la destination aux supplices de l’enfer pour un certain nombre d’hommes que Dieu ne tire pas de la masse de perdition. Elle est opposée à la prédestination. V. Prédestination.

On distingue deux sortes de reprobation, l’une qu’on nomme négative, & l’autre qu’on appelle positive. La reprobation négative est la non élection à l’immortalité glorieuse, ou l’exclusion du royaume des cieux. La reprobation positive est la destination & la condamnation aux peines de l’enfer.

Il est important sur cette matiere, comme sur l’article de la prédestination, de discerner précisément ce qui est de foi d’avec ce qui est abandonné à la dispute des écoles. Il est donc décidé, comme de foi parmi les Catholiques, 1°. qu’il y a une reprobation, c’est-à-dire qu’il se trouve en Dieu un decret absolu, non-seulement d’exclure de la gloire quelques unes de ses créatures, mais encore de les condamner au feu éternel. Ce qu’on prouve par S. Matth. c. xxv. v. 23. & 41. & par l’épître aux Rom. chap. jx. v. 22.

2°. Que le nombre des reprouvés est beaucoup plus grand que celui des élus. Matth. c. vij. v. 14. xx. v. 16.

3°. Que le nombre des reprouvés est fixe & immuable, qu’il ne peut ni augmenter, ni diminuer. Cette vérité est une suite nécessaire de la fixation du nombre des prédestinés qu’on reconnoît être invariable. S. Aug. lib. de corrept. & grat. c. xiij.

4°. Que le decret de la reprobation n’impose pas aux reprouvés la nécessité de pécher, qu’il ne les porte point au crime, & qu’ils ne deviennent prévaricateurs que par un choix très-libre de leur volonté. II. conc. d’Orang. can. 25.

5°. Qu’il est faux que la reprobation exclue les reprouvés de toute communication de grace, ou, ce qui est la même chose, qu’aucun des reprouvés ne reçoive dans le tems, ni le don de la foi, ni le secours de la grace actuelle pour pratiquer la vertu, ni la grace de la justification. Conc. de Trent. session vj. can. 17.

6°. Que la reprobation positive qui n’est autre chose que la préparation des peines éternelles, & la destination au feu de l’enfer, suppose nécessairement & indispensablement la prévision de quelque péché mortel, accompagné de l’impénitence finale. S. Aug. oper. imperf. liv. III. c. xviij. & liv. IV. c. xxv.

7°. Que la reprobation positive des mauvais anges a eu pour fondement la prévision des péchés mortels qu’ils devoient commettre, & dont ils ne devoient jamais se repentir. Que celle des enfans qui meurent sans baptême, a pour source & pour principe la prévision du péché originel qu’ils devoient contracter en Adam, & qui ne devoit jamais leur être remis. Que celles des payens est fondée non-seulement sur la prévision du péché originel qui ne devoit point être effacé en eux, mais encore sur la prévision des péchés actuels qu’ils devoient commettre sans en faire pénitence. Enfin que celle des fideles ne prend sa source que dans la prévision des péchés actuels qu’ils devoient commettre, & dans lesquels ils devoient mourir.

Mais on dispute vivement dans les écoles savoir si la reprobation négative est un acte réel, positif & absolu en Dieu, par lequel il ait arrêté de ne point admettre toutes ses créatures dans le royaume des cieux, ou si c’est une simple suspension ou négation d’acte. La plûpart des théologiens, & en particulier les Thomistes, tiennent pour le premier sentiment.

On demande encore quelle est la cause ou le fondement de la reprobation négative tant des anges que des hommes.

Les Thomistes répondent que la reprobation négative des anges n’a eu pour fondement que le bon plaisir de Dieu, & qu’elle est antérieure à la prévision de leur chute. 2°. Que Dieu n’a point eu égard aux péchés actuels des hommes lorsqu’il a resolu de ne point donner la gloire à quelques-uns d’entr’eux, & qu’il n’a trouvé qu’en lui-même les motifs de ce refus.

Les défenseurs de la science moyenne soutiennent que tant à l’égard des anges qu’à l’égard des hommes, Dieu ayant prévu ce que les uns & les autres feroient de bien & de mal dans tous les ordres possibles des choses, & ayant choisi par préférence & de sa seule volonté l’ordre dans lequel il les a constitués, leur reprobation négative est antérieure à leurs démérites, & dépend uniquement de la volonté de Dieu.

Ceux qu’on appelle Augustiniens, disent que dans l’état d’innocence Dieu n’a exclu personne de la gloire, que conséquemment à la prévision de leurs péchés actuels, & que depuis la chute d’Adam, la reprobation négative suppose la prévision non-seulement des péchés actuels, mais encore celle du péché originel, comme cause éloignée de cette reprobation. Sentiment qui peut être vrai, tant à l’égard des enfans qui meurent sans baptême, qu’à l’égard des infideles, mais qui n’est point applicable aux adultes, en qui le péché originel a été entierement effacé par le baptême. D’ailleurs il semble approcher du sentiment de Jansénius sur cette matiere, & paroît directement contraire à la doctrine du concile de Trente sur le péché originel. sess. v.

Calvin a avancé que la reprobation tant positive que négative dépendoit uniquement du bon plaisir de Dieu, & qu’antécédemment à toute prévision de péché, il avoit destiné un certain nombre de ses créatures raisonnables aux supplices éternels. Doctrine impie & cruelle, qui n’a presque plus aujourd’hui de partisans même parmi les Calvinistes. On trouve aussi quelque chose de semblable dans les trente-neuf articles de l’église anglicane ; mais depuis elle a généralement abandonné cette opinion, comme injurieuse à Dieu. Voyez Calviniste.