L’Encyclopédie/1re édition/CALVINISTES

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 566).
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CALVINISTES, s. m. pl. (Hist. ecclés.) sectateurs de Calvin, auxquels on donne encore les noms de Protestans, de Prétendus-Réformés, de Sacramentaires, d’Huguenots. Voyez tous ces mots chacun sous leur titre.

Calvin, leur chef, commença à dogmatiser en 1533 ; se retira à Geneve en 1536, d’où il fut chassé deux ans après : mais il y revint & s’y fixa en 1541. Ses erreurs s’étant insensiblement répandues en France malgré la sévérité des rois François I. & Henri II. les Calvinistes y formerent sous le regne des trois derniers Valois un parti formidable à l’Eglise & à l’état. Après bien des révoltes & des amnisties, des combats & des défaites, ou comme dans toutes les guerres de religion les deux partis exercerent des cruautés inoüies, les Calvinistes obtinrent d’Henri IV. qui leur avoit été attaché avant sa conversion, le libre exercice de leur religion. Ils exciterent encore des troubles sous le regne de Loüis XIII. & furent chassés du royaume sous celui de Loüis-le-Grand.

Les Calvinistes ont emprunté une partie de leurs erreurs des hérétiques qui les avoient précédés, & y en ont ajoûté de nouvelles. Les plus célebres Protestans conviennent que Calvin a pris pour le fonds de sa doctrine celle des Vaudois, particulierement en ce qui regarde le saint Sacrement, la Messe, le purgatoire, l’invocation des saints, la hiérarchie de l’Eglise, & ses cérémonies. A l’égard des autres points qui sont plus théologiques, il a presque tout pris de Luther ; comme les articles de sa doctrine qui concernent le libre arbitre, qu’il détruit ; la grace, qui selon lui a toûjours son effet, & entraîne le consentement de la volonté par une nécessité absolue ; la justification par la foi seule ; la justice de Jesus-Christ qui nous est imputée ; les bonnes œuvres sans aucun mérite devant Dieu ; les sacremens qu’il réduit à deux, & auxquels il ôte la vertu de conférer la grace ; l’impossibilité d’accomplir les commandemens de Dieu ; l’inutilité & la nullité des vœux, à la reserve de ceux du Baptême ; & autres semblables erreurs, qu’il a tirées des écrits de Luther, & semées dans son livre de l’Institution. Les opinions que Calvin y a ajoûtées du sien sont : que la foi est toûjours mêlée de doute & d’incrédulité ; que la foi & la grace sont inamissibles ; que le Pere éternel n’engendre pas continuellement son fils ; que Jesus-Christ n’a rien mérité à l’égard du jugement de Dieu ; que Dieu a créé la plûpart des hommes pour les damner, parce qu’il lui plaît ainsi, & antécédemment à toute prévision de leurs crimes. Quant à l’Eucharistie, Calvin assûre que Jesus-Christ nous donne réellement son sacré corps dans la sainte cene : mais il ajoûte, que c’est par la foi, & en nous communiquant son esprit & sa vie, quoique sa chair n’entre pas dans nous. Telle est l’idée qu’on peut se former des sentimens des Calvinistes d’après leurs livres, leurs catéchismes, leur discipline ecclésiastique, & les quarante articles de la confession de foi qu’ils présenterent au roi de France.

Leurs disputes dans ces derniers tems avec les Catholiques sur l’autorité, la visibilité de l’Eglise, & ses autres caracteres, les ont jettés dans des opinions ou fausses ou absurdes, ou dans des contradictions, dont les Controversistes catholiques ont bien sû tirer avantage pour les convaincre de schisme. Voyez l’histoire des Variations de M. Bossuet, liv. XV. & ses Instructions sur l’Eglise contre le ministre Jurieu. Voyez aussi les ouvrages de M. Nicole, intitulés de l’unité de l’Eglise, & les Prétendus-Réformés convaincus de schisme. (G)