L’Encyclopédie/1re édition/CALVINISME

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 566).
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CALVINISME, s. m. (Hist. ecclés.) doctrine de Calvin & de ses sectateurs en matiere de religion.

On peut réduire à six chefs principaux les dogmes caractéristiques du Calvinisme : savoir, 1o. que Jesus-Christ n’est pas réellement présent dans le sacrement de l’Eucharistie, mais qu’il n’y est qu’en signe ou en figure : 2o. que la prédestination & la réprobation sont antérieures à la prescience divine des œuvres bonnes ou mauvaises : 3o. que la prédestination & la réprobation dépendent de la pure volonté de Dieu, sans égard aux mérites ou démérites des hommes : 4o. que Dieu donne à ceux qu’il a prédestinés une foi & une justice inamissible, & qu’il ne leur impute point leurs péchés : 5o. que les justes ne sauroient faire aucune bonne œuvre en conséquence du péché originel qui les en rend incapables : 6o. que les hommes sont justifiés par la foi seule, ce qui rend les bonnes œuvres & les sacremens inutiles. A l’exception du premier article qu’ils ont constamment retenu, les Calvinistes modernes ou rejettent ou adoucissent tous les autres. Voyez Arminiens & Gomaristes.

Il est vrai que de ces erreurs capitales suivent beaucoup de conséquences, qui sont elles-mêmes des erreurs, & qu’ils en ont aussi plusieurs communes avec d’autres hérétiques : mais c’est une exagération visible que de leur en attribuer cent, comme fait le pere Gauthier, Jésuite, dans sa Chronologie ; à plus forte raison quatorze cents, comme les leur impute le cordelier Feuardent dans son ouvrage intitulé Theomachia calvinistica.

Le Calvinisme depuis son établissement s’est toûjours maintenu à Geneve qui fut son berceau, où il subsiste encore, & d’où il se répandit en France, en Hollande, & en Angleterre. Il a été la religion dominante des Provinces-Unies jusqu’en 1572 ; & quoique depuis cette république ait toléré toutes les sectes, on peut toûjours dire que le Calvinisme rigide y est la religion de l’état. En Angleterre, il a toûjours été en décadence depuis le regne d’Elisabeth, malgré les efforts qu’ont fait les Puritains & les Presbytériens pour le faire prédominer : maintenant il n’y est plus guere professé que par des Non-conformistes quoiqu’il subsiste encore, mais bien mitigé dans la doctrine de l’église Anglicane. Mais il est encore dans toute sa vigueur en Ecosse, aussi bien qu’en Prusse. Des treize cantons Suisses, six professent le Calvinisme. La religion est aussi mélangée dans quelques parties de l’Allemagne, comme dans le Palatinat : mais la catholique Romaine commence à y être la dominante. Il a été toléré en France jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes en 1685. Les Protestans qui sortirent à cette occasion du royaume, & se retirerent en Hollande & en Angleterre, remplirent l’univers de plaintes & d’écrits. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner s’il est utile à un état de ne souffrir qu’une religion : mais nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que lorsqu’ils ont fait éclater à cette occasion les murmures & les reproches les plus sanglans, un espace de plus de quatre-vingts ans leur avoit fait perdre de vûe les moyens dont leurs peres s’étoient servis pour arracher d’Henri IV. alors mal-affermi sur son throne, un édit qui n’étoit après tout que provisionnel, & qu’un des successeurs de ce prince a pû par conséquent révoquer sans injustice.