L’Encyclopédie/1re édition/ARAIGNÉE

ARAIGNÉE, s. f. (Hist. nat. Zoolog.) genre d’insecte dont il y a plusieurs especes fort différentes les unes des autres : on reconnoît aisément dans le corps d’une araignée la tête, la poitrine, le ventre & les pattes ; la tête & la poitrine composent la partie antérieure du corps ; les pattes sont attachées à la poitrine ; & le ventre, qui est la partie postérieure, y tient par un étranglement ou par un anneau fort petit : la tête & la poitrine sont couvertes d’une croûte dure & écailleuse dans la plûpart des araignées, & le ventre est toûjours enveloppé d’une peau souple ; les pattes sont dures comme la partie antérieure du corps ; le corps est couvert de poils. Toutes les especes d’araignées ont plusieurs yeux bien marqués, qui sont tous sans paupiere, & couverts d’une croûte dure, polie & transparente. Voyez Insecte. Dans les différentes especes d’araignées, ces yeux varient pour la grosseur, le nombre & la situation ; elles ont sur le front une espece de serre ou de tenaille, composée de deux branches un peu plattes, couvertes d’une croûte dure, garnies de pointes sur les bords intérieurs ; les branches sont mobiles sur le front, mais elles ne peuvent pas s’approcher au point de faire toucher les deux extrémités l’une contre l’autre ; le petit intervalle qui reste peut être fermé par deux ongles crochus & fort durs, qui sont articulés aux extrémités des branches de la serre : c’est au moyen de cette serre que les araignées saisissent leur proie, qui le trouve alors fort près de la bouche qui est derriere cette serre. Elles ont toutes huit jambes, articulées comme celles des écrevisses. V. Ecrevisse. Il y a au bout de chaque jambe deux ongles crochus, mobiles, & garnis de dents comme une scie : il y a un troisieme ongle crochu, plus petit que les deux premiers, & posé à leur origine ; celui-ci n’est pas garni de dents. On trouve entre les deux grands ongles un paquet que l’on peut comparer à une éponge, qui contient une liqueur visqueuse ; cette sorte de glu retient les araignées contre les corps polis sur lesquels les crochets des pattes n’ont point de prise : cette liqueur tarit avec l’âge. On a observé que les vieilles araignées ne peuvent pas monter contre les corps polis. Outre les huit jambes dont on vient de parler, il y a de plus auprès de la tête deux autres jambes, ou plûtôt deux bras ; car elles ne s’en servent pas pour marcher, mais seulement pour manier la proie qu’elles tiennent dans leurs serres.

On voit autour de l’anus de toutes les araignées quatre petits mammelons musculeux, pointus à leur extrémité, & mobiles dans tous les sens : il sort de l’endroit qui est entre ces mammelons, comme d’une espece de filiere, une liqueur gluante dont est formé le fil de leur toile & de leurs nids ; la filiere a un sphincter qui l’ouvre & qui la resserre plus ou moins ; ainsi le fil peut être plus gros ou plus fin. Lorsque l’araignée est suspendue à son fil, elle peut l’allonger, & descendre par son propre poids en ouvrant la filiere, & en la fermant elle s’arrête à l’instant.

Les araignées mâles sont plus petites que les araignées femelles ; il faut quelquefois cinq ou six mâles des araignées de jardin, pour faire le poids d’une seule femelle de la même espece. Toutes les especes d’araignées sont ovipares : mais elles ne font pas toutes une égale quantité d’œufs ; elles les pondent sur une portion de leur toile ; ensuite elles tiennent les œufs en un peloton, & elles les portent dans leurs nids pour les couver. Si on les force alors de sortir du nid, elles les emportent avec elles entre leurs serres. Dès que les petits sont éclos, ils commencent à filer, & ils grossissent presqu’à vûe d’œil. Si ces petites araignées peuvent attraper un moucheron, elles le mangent : mais quelquefois elles passent un jour ou deux, & même plus, sans qu’on les voye prendre de nourriture : cependant elles grossissent toûjours également, & leur accroissement est si prompt, qu’il va chaque jour à plus du double de leur grandeur.

M. Homberg a distingué six principales especes d’araignées, ou plûtôt six genres ; car il prétend que toutes les autres especes qu’il connoissoit pouvoient s’y rapporter. Ces six genres sont l’araignée domestique, l’araignées des jardins, l’araignée noire des caves ou des vieux murs, l’araignée vagabonde, l’araignée des champs qu’on appelle communément le faucheur parce qu’elle a les jambes fort longues, & l’araignée enragée que l’on connoît sous le nom de tarentule. Voyez Tarentule. Le caractere distinctif que donne M. Homberg, n’est pas facile à reconnoître, puisqu’il s’agit de la différente position de leurs yeux, qui sont fort petits : à ce caractere il en ajoûte d’autres qui sont plus sensibles, & par conséquent plus commodes : mais ils ne sont pas si constans.

Les araignées domestiques ont huit petits yeux, à peu près de la même grandeur, placés en ovale sur le front : leurs bras sont plus courts que les jambes, mais au reste ils leur ressemblent parfaitement ; elles ne les posent jamais à terre. Ces araignées sont les seules de toutes les autres araignées qui quittent leur peau, même celle des jambes, chaque année, comme les écrevisses. Il leur vient une maladie dans les pays chauds, qui les couvre d’insectes & de poux. L’araignée domestique vit assez long-tems. M. Homberg en a vû une qui a vécu quatre ans : son corps ne grossissoit pas, mais ses jambes s’allongeoient. Cette espece d’araignée fait de grandes & larges toiles dans les coins des chambres & contre les murs : lorsqu’elle veut commencer une toile, elle écarte ses mammelons, & elle applique à l’endroit où elle se trouve une très-petite goutte de liqueur gluante qui sort de sa filiere : cette liqueur se colle ; voilà le fil attaché : en s’éloignant elle l’allonge, parce que la filiere est ouverte, & fournit sans interruption au prolongement de ce fil. Lorsque l’araignée est arrivée à l’endroit où elle veut que sa toile aboutisse, elle y colle son fil, & ensuite elle s’éloigne de l’espace d’environ une demi-ligne du fil qui est tendu, & elle applique à cette distance le second fil qu’elle prolonge parallelement au premier, en revenant, pour ainsi dire, sur ses pas ; & lorsqu’elle est arrivée au premier point, elle l’attache, & elle continue ainsi de suite sur toute la largeur qu’elle veut donner à sa toile. Tous ces fils paralleles sont, pour ainsi dire, la chaîne de la toile : reste à faire la trame. Pour cela, l’araignée tire des fils qui traversent les premiers, & elle les attache par un bout à quelque chose d’étranger, & par l’autre au premier fil qui a été tendu ; de sorte qu’il y a trois côtés de la toile qui sont attachés : le quatrieme est libre ; il est terminé par le premier fil qui a été tiré ; & ce fil, qui est le premier du premier rang, c’est-à-dire, de la chaîne, sert d’attache à tous ceux qui traversent en croix les fils du premier rang, & qui forment la trame. Tous ces fils étant nouvellement filés, sont encore glutineux, & se collent les uns aux autres dans tous les endroits où ils se croisent, ce qui rend la toile assez ferme : d’ailleurs, à mesure que l’araignée passe un fil sur un autre, elle les serre tous deux avec ses mammelons pour les coller ensemble ; de plus, elle triple & quadruple les fils qui bordent la toile, pour la rendre plus forte dans cet endroit, qui est le plus exposé à se déchirer.

Une araignée ne peut faire que deux ou trois toiles dans sa vie, supposé même que la premiere n’ait pas été trop grande ; après cela elle ne peut plus fournir de matiere glutineuse ; alors si elle manque de toile pour arrêter sa proie, elle meurt de faim : dans ce cas, il faut qu’elle s’empare par force de la toile d’une autre araignée, ou qu’elle en trouve une qui soit vacante : ce qui arrive ; car les jeunes araignées abandonnent leurs premieres toiles pour en faire de nouvelles.

Les araignées de la seconde espece sont celles des jardins : elles ont quatre grands yeux placés en quarré au milieu du front, & deux plus petits sur chaque côte de la tête. La plûpart de ces araignées sont de couleur de feuille morte ; il y en a de tachetées de blanc & de gris ; d’autres qui sont toutes blanches ; d’autres enfin de différentes teintes de verd : celles-ci sont plus petites que les blanches ; les grises sont les plus grosses de toutes : en général les femelles de cette espece ont le ventre plus gros que celles des autres especes, & les mâles sont fort menus. Ces araignées sont à l’épreuve de l’esprit-de-vin, de l’eau-forte, & de l’huile de vitriol : mais l’huile de térébenthine les tue dans un instant : on peut s’en servir pour détruire leur nichée, où il s’en trouve quelquefois une centaine.

Il est plus difficile aux araignées des jardins de faire leur toile, qu’aux araignées domestiques : celles-ci vont aisément dans tous les endroits où elles veulent l’attacher ; les autres travaillant, pour ainsi dire, en l’air, trouvent plus difficilement des points d’appui, & elles sont obligées de prendre bien des précautions, & d’employer beaucoup d’industrie pour y arriver. Elles choisissent un tems calme, & elles se posent dans un lieu avancé ; là elles se tiennent sur six pattes seulement, & avec les deux pattes de derriere elles tirent peu-à-peu de leur filiere un fil de la longueur de deux ou trois aunes ou plus, qu’elles laissent conduire au hasard : dès que ce fil touche à quelque chose, il s’y colle ; l’araignée le tire de tems en tems pour savoir s’il est attaché quelque part ; & lorsqu’elle sent qu’il résiste, elle applique sur l’endroit où elle est l’extrémité du fil qui tient à son corps, ensuite elle va le long de ce premier fil jusqu’à l’autre bout qui s’est attaché par hasard, & elle le double dans toute sa longueur par un second fil ; elle le triple, & même elle le quadruple s’il est fort long, afin de le rendre plus fort ; ensuite elle s’arrête à peu près au milieu de ce premier fil, & de-là elle tire de son corps comme la premiere fois un nouveau fil qu’elle laisse flotter au hasard ; il s’attache par le bout quelque part comme le premier ; l’araignée colle l’autre bout au milieu du premier fil ; elle triple ou quadruple ce second fil ; après quoi elle revient se placer à l’endroit où il est attaché au premier : c’est à peu près un centre, auquel aboutissent déjà trois rayons : elle continue de jetter d’autres fils, jusqu’à ce qu’il y en ait un assez grand nombre pour que leurs extrémités ne se trouvent pas fort loin les unes des autres ; alors elle tend des fils de travers qui forment la circonférence, & auxquels elle attache encore de nouveaux rayons qu’elle tire du centre : enfin tous les rayons étant tendus, elle revient au centre, & y attache un nouveau fil qu’elle conduit en spirale sur tous les rayons, depuis le centre jusqu’à la circonférence. L’ouvrage étant fini, elle se niche au centre de la toile, dans une petite cellule où elle tient sa tête en bas & le ventre en haut, peut-être parce que cette partie, qui est fort grosse, incommoderoit l’araignée dans une autre situation ; peut-être aussi cache-t-elle ses yeux qui sont sans paupiere, pour éviter la trop grande lumiere qui pourroit les blesser. Pendant la nuit, & lorsqu’il arrive des pluies & de grands vents, elle se retire dans une petite loge qu’elle a eu soin de faire au-dessus de sa toile sous un petit abri : on pourroit croire que ce petit asyle est ordinairement à l’endroit le plus haut, parce que la plûpart des araignées montent plus aisément qu’elles ne descendent.

Les araignées attendent patiemment que des mouches viennent s’embarrasser dans leurs toiles ; dès qu’il en arrive, elles saisissent la proie, & l’emportent dans leur nid pour la manger : lorsque les mouches sont assez grosses pour résister à l’araignée, elle les enveloppe d’une grande quantité de fils qu’elle tire de sa filiere, pour lier les ailes & les pattes de la mouche : quelquefois il s’en trouve de si fortes, qu’au lieu de s’en saisir l’araignée la délivre elle-même, en détachant les fils qui l’arrêtent, ou en déchirant sa toile : dès que la mouche est dehors, l’araignée raccommode promptement l’endroit qui est déchiré, ou bien elle fait une nouvelle toile.

La troisieme espece d’araignée comprend celles des caves, & celles qui font leurs nids dans les vieux murs : elles ne paroissent avoir que six yeux à peu près de la même grandeur ; deux au milieu du front, & deux de chaque côté de la téte ; elles sont noires & fort velues ; leurs jambes sont courtes : ces araignées sont plus fortes & vivent plus long-tems que la plûpart des autres ; elles sont les seules qui mordent lorsqu’on les attaque, aussi ne prennent-elles pas tant de précautions que les autres pour s’assûrer de leur proie ; au lieu de toile, elles tendent seulement des fils de sept à huit pouces de longueur, depuis leur nid jusqu’au mur le plus prochain ; dès qu’un insecte heurte contre un de ces fils en marchant sur le mur, l’araignée est avertie par l’ébranlement du fil, & sort aussi-tôt de son trou pour s’emparer de l’insecte : elles emportent les guêpes mêmes, que les autres araignées évitent à cause de leur aiguillon ; celles-ci ne les craignent pas, peut-être parce que la partie antérieure de leur corps & leurs jambes sont couvertes d’une écaille extrèmement dure, & que leur ventre est revêtu d’un cuir fort épais : d’ailleurs leurs serres sont assez fortes pour briser le corcelet des guêpes.

Les araignées de la quatrieme espece, qui sont les vagabondes, ont huit yeux ; deux grands au milieu du front, un plus petit sur la même ligne que les grands de chaque côté, deux autres pareils sur le derriere de la tête, & enfin deux très petits entre le front & le derriere de la tête. Ces araignées sont de différentes grandeurs & de couleurs différentes : il y en a de blanches, de noires, de rouges, de grises, & de tachetées ; leurs bras ne sont pas terminés par des crochets comme ceux des autres araignées, mais par un bouquet de plume qui est quelquefois aussi gros que leur tête ; elles s’en servent pour envelopper les mouches qu’elles saisissent, n’ayant point de toile ni de fils pour les lier. Ces araignées vont chercher leur proie au loin, & la surprennent avec beaucoup de ruse & de finesse.

Les araignées de campagne, appellées les faucheurs, qui sont celles de la cinquieme espece, ont huit yeux, disposés bien différemment de ceux des autres especes ; il y en a deux noirs au milieu du front, si petits, & placés si près l’un de l’autre, qu’on pourroit les confondre : sur chaque côté du front il se trouve trois autres yeux plus gros, & arrangés en forme de trefle sur une bosse ; leur cornée est fort convexe & transparente, & le fond de l’œil est noir : la tête & la poitrine de ces araignées sont applaties, & ont quelque transparence ; l’écaille qui les recouvre est fort fine, lisse & transparente ; il y a une grande tache sur la tête ; les jambes sont fort menues, velues, & beaucoup plus grandes à proportion que celles des autres araignées ; les bras sont extrèmement courts, & fort charnus ; ils sont fort différens des jambes. V. les Mémoires de M. Homberg, dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, année 1707.

Il y a en Amérique une très-grosse espece d’araignées, qui occupent un espace d’environ sept pouces de diametre, lorsque les pates sont fort étendues. (Pl. XII. Hist. nat. fig. 1. A). Ces araignées sont couvertes d’un poil roux, & quelquefois noir, assez long ; les jambes sont terminées par une petite pince de substance de corne noire fort dure. Cet insecte a sur le devant de la tête deux crochets de la même substance que les pinces, fort pointus, & d’un noir luisant : on croit que ces crochets guérissent du mal de dents, si on s’en sert comme de curedents ; on croit aussi, mais peut-être avec plus de fondement, que cette araignée est autant venimeuse que la vipere : on dit qu’elle darde son venin fort loin ; que si on la touche, on ressent une demangeaison comme celle qui est causée par des orties ; & que si on comprime cet insecte, on éprouve la piquûre d’un petit aiguillon très-venimeux. Les œufs sont dans une coque fort grosse, formée par une pellicule assez semblable au cannepin ; il y a au-dedans de la soie qui enveloppe les œufs. Ces araignées portent cette coque attachée sous le ventre : on dit que leurs toiles sont si fortes qu’elles arrêtent les petits oiseaux. Il y a des especes de colibris (Fig. 1. B) qui sont beaucoup plus petits que ces araignées, & qui n’ont pas assez de force ou de courage pour les empêcher de manger leurs œufs, (Fig. 1. C) dont elles sont fort avides. Voyez Colibri.

On a donné à certaines araignées le nom de phalange, phalangium : il y a différentes opinion sur la vraie signification de ce nom ; les uns ont crû qu’il n’appartenoit qu’aux araignées qui n’ont que trois phalanges, c’est-à-dire, trois articulations dans les pattes, comme nous n’en avons que trois dans les doigts ; d’autres ont prétendu que le nom de phalange ne convenoit qu’aux araignées venimeuses, aranei noxii, telles que la tarentule, la grosse araignée d’Amérique, &c. Voyez Phalange.

En général, les araignées vivent d’insectes, & elles sont si voraces qu’elles se mangent les unes les autres.

On détruit les araignées autant qu’on peut, parce qu’elles rendent les maisons mal-propres en y faisant des toiles. Outre ce motif, la plûpart des gens ont une aversion naturelle de cet insecte, & lui trouvent un aspect hideux : enfin on l’évite & on le craint, parce qu’on le croit venimeux. On a soupçonné que sa morsure ou sa piquûre étoient venimeuses ; & on a prétendu que si quelqu’un avaloit une araignée, il éprouvoit des symptomes qui dénotoient le venin de cet insecte. Je ne sai si la chaleur du climat peut rendre les araignées venimeuses, ou si cette mauvaise propriété est particuliere à quelques especes, comme à la tarentule. Ce qui me paroît certain, c’est qu’on ne ressent aucun mal réel pour avoir avalé des araignées de ce pays-ci : combien de gens en avalent sans le savoir, & même de ces araignées de cave, noires & velues, pour lesquelles on a tant d’horreur. Je crois que le seul risque qu’ils courent, est de prendre du dégoût & de l’inquiétude s’ils s’en appercevoient, mais qu’ils n’en ressentiroient pas plus de mauvais effet qu’en ressentent tous les oiseaux qui mangent ces insectes avec beaucoup d’avidité. On n’a pas encore fait voir bien clairement en quelle partie de l’araignée réside son prétendu venin. Les uns ont crû que c’étoit dans les serres ; on a pris ces serres pour des dents ; d’autres les ont comparées à l’aiguillon de la queue du scorpion : mais la plûpart ont crû que l’araignée répandoit du venin par ces organes. Enfin on a observé que l’araignée a une petite trompe blanche qui sort de sa bouche, & on croit que c’est par le moyen de cette trompe qu’elle répand du venin. On a rapporté quantité de faits qui, s’ils étoient bien avérés, ne laisseroient aucun doute sur le venin des araignées, & sur ses funestes effets ; mais je ne crois pas qu’il soit bien prouvé que celles de ce pays ayent un venin qui puisse être mortel : il est seulement très-probable qu’elles répandent, comme bien d’autres animaux, une liqueur assez acre & assez corrosive pour causer des inflammations à la peau, & peut-être pour irriter l’estomac. Je crois qu’il y a du risque à voir de près une araignée qui creve au feu d’une chandelle, & dont il peut jaillir jusque dans les yeux une liqueur mal saine ou au moins très-malpropre, qui est capable de causer une inflammation. Ces effets, quelque legers qu’ils soient, peuvent devenir plus dangereux, si on travaille à les aggraver en se livrant à son imagination.

M. Bon, premier président de la chambre des Comptes de Montpellier, & associé honoraire de la Société royale des Sciences de la même ville, a cherché le moyen de rendre utiles les araignées, qu’on n’avoit regardées que comme très-nuisibles. Il en a tiré une soie, & il est parvenu à faire avec cette soie d’araignées différens ouvrages, comme des bas & des mitaines aussi forts & presqu’aussi beaux que les ouvrages faits avec la soie ordinaire. Voyez Soie d’araignée, Insecte. (I)

* Il paroît par ce qui suit, que le Medecin traite le poison & la piquûre de l’araignée un peu plus sérieusement que le Naturaliste. Voici ce qu’il dit de ses effets & de sa cure.

Les symptômes que cause la piquûre de l’araignée sont un engourdissement dans la partie affectée, un sentiment de froid par tout le corps, qui est bientôt suivi de l’enflure du bas-ventre, de la pâleur du visage, du larmoyement, d’une envie continuelle d’uriner, de convulsions, de sueurs froides.

On parvient à la cure par les alexipharmaques ordinaires. On doit laver la partie aussitôt après la piquûre avec de l’eau salée, ou avec une éponge trempée dans du vinaigre chaud, ou dans une décoction de mauve, d’origan, & de thym.

Celse veut qu’on applique un cataplasme de rhue, d’ail, pilés, & d’huile, sur une piquûre d’araignée ou de scorpion.

Lorsque l’on a avallé une araignée, s’il survient des convulsions & contractions de l’estomac, elles sont plûtôt occasionnées par les petits poils de l’araignée qui s’attachent à la membrane interne, que par le poison de cet insecte.

On prétend que la toile de l’araignée est spécifique contre les fievres intermittentes : on l’applique aux poignets, ou bien on la suspend au cou dans une coquille de noix ou de noisette. L’expérience dément souvent cette prétendue vertu.

On se sert de la toile d’araignée pour arrêter le sang dans les coupures légeres. (N)

Araignée, en terme de Fortification, signifie une branche, un retour, ou une gallerie d’une mine, &c. Voyez Rameau de mine. (Q)

Araignée, Araignées, Martinet, Moques de trélingage, (Marine.) ce sont des poulies particulieres où viennent passer les cordages appellés martinets ou marticles. Ce nom d’araignée leur a été donné à cause que les martinets forment plusieurs branches qui se viennent terminer à ces poulies, à peu près de la même façon que les filets d’une toile d’araignée viennent aboutir par de petits rayons à une espece de centre.

Le mot d’araignée se prend quelquefois pour le martinet ou les marticles ; comme le martinet se prend aussi pour les araignées. Voyez Martinet, Moques de trélingage, Trélingage. (Z)

Araignée, terme de Chasse, sorte de filet qu’on tend le long des bois ou des buissons pour prendre les oiseaux de proie avec le duc : on s’en sert aussi pour prendre les merles & les grives, pourvû que ce filet soit bien fait, & d’une couleur qui ne soit pas trop visible.