L’Ancienne Alsace à table/Édition 1877/8
ous connaissons par l’histoire, telle que les chroniques et les mémoires l’ont faite, une foule d’événements sans importance et sans intérêt, tandis qu’une obscurité presque complète couvre des faces entières de l’histoire du développement de la vie civilisée. L’on sait très-exactement que tel jour un baron a pillé un monastère qu’il avait promis de protéger, qu’un comte a incendié une ville révoltée contre sa tyrannie, que le roi a fait pendre une demi-douzaine de bourgeois trop pressés de liberté. Ces événements ne sont ni rares ni curieux. Ils étaient le produit logique et accoutumé de l’âge ancien. Pourquoi les chroniqueurs sontils si prompts pour ces récits de la douleur et de la violence, et restent-ils muets au spectacle des conquêtes pacifiques que l’homme fait sur la nature ? C’est que l’histoire fut longtemps une science plus féodale que civile, et que, de tout temps, l’homme accorda plus d’attention au tumulte, à la guerre et au sang, qu’aux efforts du travail, à la persévérance des arts et aux progrès de la culture sociale.
Je voudrais faire connaître l’état ancien des ressources alimentaires qu’offraient les vergers alsaciens, et surtout marquer avec précision ce que le temps, les découvertes des voyageurs, le développement des rapports commerciaux, le perfectionnement des méthodes de culture y ont successivement ajouté. Cette histoire des arbres fruitiers de notre pays, qui charment notre vue avec leur feuillage diversifié, décorent nos campagnes, ombragent nos jardins et réjouissent notre goût par les saveurs variées de leurs fruits dorés ou vermeils, cette histoire, à mon sens, aurait plus d’attrait et de véritable utilité que l’analyse des dévastations commises par les Armagnacs ou la patiente étude des calamités de la guerre de Trente ans. Mais comment la faire ? Les anciens annalistes n’ont presque rien vu des faits qui la constituent, et, dans tous les cas, n’en ont guère parlé. Elle ne pourra donc être que bornée, incomplète et, en bien des points, conjecturale.
Nos vergers et nos jardins sont constitués actuellement au moyen de deux groupes généraux d’arbres fruitiers. L’un, que j’appellerai le groupe celtique, comprend les arbres à fruits indigènes à notre climat ; l’autre, que j’appellerai le groupe étranger, renferme ceux que l’art a acclimatés sous notre ciel.
Le groupe celtique est pauvre. Il compte le poirier, le pommier, le prunier, le châtaignier, le merisier, le noisetier, le néflier, le figuier, le cognassier, le framboisier, le groseillier, le cormier, le cornouiller, l’arbousier, l’alizier, le prunellier. Le groupe étranger est riche de belles espèces variées et délectables ; il renferme le noyer, que les Grecs ont emprunté aux bords de la mer Caspienne au cinquième siècle avant notre ère et qu’ils ont répandu dans toute l’Europe ; le cerisier, rapporté par Lucullus de Cérasonte dans le royaume de Pont ; l’abricotier, originaire d’Arménie ; le pêcher, importé de la Perse depuis dix-neuf siècles et qui a acquis la succulence qui le distingue, sous le climat de la Gaule ; l’amandier, venu des pays méridionaux de l’Europe ; l’amandier-pêcher, hybride du pêcher et de l’amandier, que nous devons aux régions persiques ; le mûrier, originaire de la Grèce ; le pistachier, qui provient des environs de Psittaque, en Syrie ; le grenadier, indigène sur les bords de la Méditerranée ; le citronnier, né en Asie, cultivé de temps immémorial sur le littoral de la Méditerranée, acclimaté par les Phocéens dans la Provence, oublié et perdu pendant les siècles de barbarie, et ne réapparaissant en France qu’au quatorzième siècle ; l’oranger, venu de l’Asie méridionale et répandu en Europe seulement depuis les voyages du Portugais Juan de Castro aux Indes (1520) ; la vigne, originaire d’Asie, transportée en Grèce et en Italie, et de là dans les Gaules et jusque sur les rives du Rhin par Probus ; l’ananas apporté du Brésil, en 1555, par un Bourguignon, Jean de Livy, mais abandonné et réintroduit en Europe par les Hollandais en 1690 ; les deux premiers mûrirent, en France, en 1734 et furent savourés par Louis XV ; un vieux jardinier de l’ancienne monarchie, Édi, en rétablit la culture à Versailles, pendant que Louis XVIII, son maître, s’occupait de l’acclimatation du régime constitutionnel. Il ne faut pas être trop exigeant ; l’une de ces deux choses a réussi ; c’est l’ananas.
Du temps de Charlemagne, les fermes impériales (villæ) avaient déjà conquis cinq genres du groupe étranger. Le § 70 du capitulaire de Villis prescrit de cultiver et d’entretenir, dans les vergers des domaines de ce prince, des pommiers, des pruniers, des sorbiers, des néfliers, des poiriers, des châtaigniers, des pêchers, des noisetiers, des cognassiers, des amandiers, des mûriers, des figuiers, des noyers, des cerisiers. Quelques-uns de ces genres, les pommiers, les pruniers, les poiriers, les pêchers, les cerisiers, comprenaient déjà plusieurs espèces, car l’empereur dit expressément que l’on entretiendra les diverses variétés de ces arbres fruitiers. Le capitulaire ne nous a laissé qu’un essai de nomenclature des espèces de pommes alors régnantes ; il nous fait connaître les Gormaringa, les Geroldinga, les Crevedella, les Spirauca, les Dulcia. Un et cætera malencontreux nous dérobe le reste[1].
Les Annales des Dominicains de Colmar nous font connaître au treizième siècle trois espèces de poires : les royales, les Regelsbiren et les Gigilsbiren ; ces deux dernières espèces furent tellement abondantes en 1278 que l’on en donnait 40 et 50 pour un denier[2]. Le même document nous apprend que le bittig de pommes dites Grunacher se vendit la même année 5 deniers, et qu’à cette époque les pêchers étaient déjà communs dans nos campagnes[3]. Geiler parle des Schiltbiren. Un passage de Closener fait voir qu’au quatorzième siècle la culture des figuiers était très-répandue dans la région du vignoble. En 1362, un bourgeois de Strasbourg, qui exploitait des propriétés à Heiligenstein, donnait une livre de figues de sa récolte pour une livre de pois[4].
Au seizième siècle, nous trouvons l’amandier installé dans nos jardins[5] ; Bock comptait dans notre pays seize espèces de pommes : Johannisæpfel, Augstæpfel, Süssæpfel, Schragen ou Herrgottsæpfel, Stromelting, Gensæpfel, Paradysæpfel, Kolæpfel, Weinæpfel, Stremling, Speyerling, Frauenæpfel, Heimelting, Würtzæpfel et Hermelting ; ces trois dernières étaient les meilleures. On connaissait aussi alors vingt variétés de poires : Mecherling, Alandsbiren, Kochbiren, Schmalzbiren, Fleischbiren, Bocksbiren, Sommerbiren, Pfaffenbiren, Reyelsbiren, Rundebiren, Kirchbiren, Winterbiren, Lenhartsbiren, Schiffersbiren, Wallenbiren, Mullingsbiren, Lamlosen, Neustatterbiren, Holzbiren et Geisbonen.
Dès cette époque, l’oranger fut accueilli avec passion. L’électeur palatin créa, dans ses jardins de Heidelberg, la première orangerie qu’on ait vue en Allemagne ; ses belles serres devinrent célèbres. Tous les princes et les grands seigneurs de ce pays imitèrent le luxe de l’électeur, et Olivier de Serres dit que l’on voyait croître et mûrir les oranges dans leurs châteaux[6]. Les bourgeois riches de Metz et de Strasbourg cultivaient l’oranger comme un arbre d’agrément[7] ; Félix Plater le cultiva à Bâle pour en livrer les produits à la pharmacie ; d’après son livre de ménage, cette exploitation lui rapporta 1,300 livres bâloises[8]. Les comtes de Hanau, à Bouxwiller, et les comtes de Birkenfeld, à Ribeauvillé, se créèrent aussi des orangeries. La première est devenue la propriété de la ville de Strasbourg ; la seconde a passé aux mains de la ville de Colmar, après la Révolution. Les plus beaux jardins, les vergers les plus renommés appartenaient à la noblesse et au clergé, comme de raison. On citait surtout ceux des princes de Rohan dans leur résidence épiscopale de Saverne ; ils étaient immenses et rappelaient la magnificence de Versailles par leurs plantations savantes, leurs terrasses fleuries, leurs grottes, leurs cabinets de verdure, leurs pièces d’eau, leurs îles artificielles, leurs kiosques galants, leurs serres opulentes, leurs allées consacrées aux plus grands noms de la France, Condé, d’Estrées, Montmorency, etc.[9] ; ceux de la maison de Ribeaupierre, ceux de la famille de Rosen à Bollwiller, ceux des Klinglin à Zillisheim ; les Lustgærten des conseillers de la régence autrichienne à Ensisheim, qui leur furent concédés par un décret de l’archiduc, de 1576[10] ; ceux de l’abbaye d’Andlau, ceux du château d’Illkirch, etc. Le jardin des Chartreux de Molsheim avait un renom spécial pour la beauté et la suavité de ses fruits[11], privilége que les fils de saint Bruno avaient aussi à Paris. Un simple chanoine de Saint-Dié possédait un jardin fameux. Quand Louis XIV y passa en 1673, la cour le visita et le « trouva le plus joli du monde[12] ».
C’est un fait certain dans notre histoire que la culture allemande ne produisait que des fruits d’une qualité assez médiocre et était resserrée dans un cercle très-borné quant aux espèces et aux variétés. Sébastien Munster dit, à la vérité, en parlant de l’Alsace, « que les fruits délicieux y croissent abondamment[13] » : mais cet éloge ne doit être accepté que comme l’éloge d’un Allemand qui raisonnait avec les idées de son époque et le goût de sa nation. Les bons fruits, les variétés rares et délicates, les espèces perfectionnées ne parurent, dans notre province, qu’après la conquête française. Les intendants royaux, frappés de la fertilité du sol et de l’indigence de nos vergers, établirent plusieurs pépinières qu’ils confièrent à des jardiniers français et dont les produits étaient destinés à propager dans le pays de meilleures races d’arbres fruitiers. Le baron de Montclar, commandant militaire de l’Alsace, en créa une à Kientzheim[14], sur la fin du dix-septième siècle, qui eut une grande renommée. Il y en avait une autre dans les environs de Haguenau, à Hartshausen, je crois, sur un domaine appartenant au maréchal d’Huxelles. Mais la plus importante paraît avoir été celle de Dachstein, établie près du château. « Elle renfermait toutes sortes d’arbres fruitiers tirés des pays du Midi, de la Touraine et de la Moselle, objet qui n’était point à cette époque en grande culture en Alsace. Pour encourager les propriétaires et les fermiers, on les leur vendait deux tiers au-dessous du prix ordinaire et on leur donnait les instructions nécessaires pour les faire réussir. On fit aussi venir des jardiniers français dont plusieurs ont depuis établi des pépinières considérables à Strasbourg, à Haguenau et ailleurs[15]. » C’est de ces pépinières, dues à la sollicitude de l’administration française, que sont sorties ces belles espèces de fruits qui sont la richesse de nos vergers actuels. Le peuple le sait bien quand il fait la judicieuse distinction entre les fruits indigènes et vulgaires et ce qu’il appelle franzö sich Obst (les fruits français).
Cette régénération des arbres fruitiers en Alsace, entreprise et aidée par l’État, a été définitivement accomplie par une famille de jardiniers dont les travaux et l’intelligence méritent un souvenir reconnaissant. Jean Baumann, de Dornach, était en 1730 ouvrier-jardinier chez un riche horticulteur de la Hollande. Sur le bruit du savoir qu’il avait acquis, le maréchal de Rosen l’engagea à son service et lui confia la direction de ses jardins à Bollwiller. Vers 1740, le maréchal lui permit d’établir une petite pépinière d’arbres fruitiers pour son compte. Son fils François-Joseph lui succéda en 1760 ; il agrandit la pépinière, l’enrichit d’espèces nombreuses et nouvelles de fruits, tirées des meilleurs jardins de la France, et en fit un établissement célèbre dans toute l’Europe. Il était prévôt de Bollwiller en 1788. J’ai devant moi le catalogue des arbres fruitiers qu’il cultivait et propageait à cette époque. Il est très-riche et atteste les efforts que cet horticulteur renommé a faits pour doter notre province des arbres à fruits qui faisaient la gloire des jardins français. J’y compte trente-six variétés de pêches, parmi lesquelles la belle chevreuse, la madelaine, la chancelière, la cardinale de Furstenberg, la belle de Vitry, le téton de Vénus, le pavie rouge de Pomponne ; dix espèces d’abricots : d’Angoumois, de Provence, de Hollande, d’Alger, de Nancy, le plus recherché de tous, etc. ; vingt-neuf variétés de prunes : damas de Tours, drap d’or, impériale, royale, dauphine, de monsieur, perdrigon, Sainte-Catherine ; douze espèces de cerises : guignes, bigarreaux, griottes ; le général marquis de Rosen aimait par-dessus toutes le gros bigarreau noir ou cerise royale ; quatre-vingt-trois variétés de poires, au nombre desquelles je remarque la cuisse-madame, la cassolette, la poire d’œuf ou Colmar d’été, le beurré-romain (römische beste Birne), les Bézy, les Bergamottes, la Lanzac, inaugurée par Louis XIV enfant ; l’épine d’été, la favorite de Louis XIV vieilli ; le chat-brûlé, la belle et bonne, qui n’est pas encore connue, dit le catalogue ; le muscat allemand, la Colmar d’hiver ; trente-trois espèces de pommes[16]. Je suis surpris de ne pas rencontrer dans le catalogue de 1788 une poire foncièrement alsacienne ; c’est la poire de Bollwiller (Pyrus Bollvilleria), espèce indigène aux coteaux des Vosges d’Alsace et qui a été perfectionnée dans la pépinière de Bollwiller, comme l’indique son nom. En 1807, l’établissement de Bollwiller avait presque doublé le nombre des espèces de ses arbres à fruits, et son commerce s’étendait jusqu’en Russie[17]. Ce domaine est aujourd’hui administré par la quatrième génération des Baumann, et les produits en sont expédiés dans toute l’Europe et au delà des mers.
L’esprit de charité fit sur un autre point de la province ce que la science botanique avait fait à Bollwiller. Quand le vénérable Oberlin arriva, en 1767, dans le Ban-de-la-Roche, il n’y trouva d’autres fruits que des pommes sauvages, et la vulgaire espèce de prune connue sous le nom de quetsche (Prunus germanica). Il choisit les deux meilleurs champs de son pauvre domaine presbytéral et les planta de pommiers, de poiriers, de cerisiers, de pruniers et de noyers. Quand cette petite pépinière fut en état de donner des fruits, il les distribua à ses paroissiens. Le goût s’en répandit promptement parmi eux, et il leur enseigna l’art de greffer[18]. Le Ban-de-la-Roche a aujourd’hui des fruits excellents et en grande quantité.
L’Alsace doit à l’intendant de Lucé les belles et riches allées de noyers qui décorent une partie de ses routes, notamment dans la basse province. Une ordonnance de cet administrateur avait prescrit l’emploi du noyer pour la plantation des chemins publics[19]. Il me semble que cette mesure était plus sage que celle adoptée par notre école polytechnique qui, pendant longtemps, ne plantait rien, et qui, maintenant, ne plante que des arbres improductifs. Un ancien préfet du Haut-Rhin, Félix Desportes, avait marché dans la voie ouverte par M. de Lucé ; en trois années (an XI, XII et XIII) il fit planter, le long de nos chemins, près d’un million d’arbres, parmi lesquels on comptait 415,000 arbres fruitiers[20]. Si ce mouvement avait été continué, nous jouirions aujourd’hui du bienfait et du spectacle que M. Desportes avait entrevu. « Bientôt, disait-il, le Haut-Rhin offrira l’image d’un riche verger ; les prairies et les champs garderont, sous un feuillage protecteur, leur verdure et leur richesse. Le produit de ces arbres rendra au Haut-Rhin le commerce des fruits secs qu’il faisait autrefois avec le Nord. »
Qui s’en douterait ? Les pauvres enfants qui, pendant l’été, viennent, pieds nus, les cheveux au vent, de nos hautes montagnes, vendre dans les villes les fraises au parfum pénétrant et les framboises nées sur la ronce des bois, ces enfants, le treizième siècle les voyait déjà offrir leur récolte pourprée à la porte des maisons de nos vieilles cités. « À la Sainte-Pétronille (31 mai) de l’année 1281 on vit paraître les fraises dans les montagnes d’Alsace ; les pauvres les vendaient[21]. »
Tel est le témoignage d’un document contemporain. Depuis plus de six siècles, les enfants et les femmes de Wasserbourg, de Hüsseren et du val de Munster apportent à Colmar leurs petits paniers de fraises, comme les pauvres de Grendelbruch, de Laubenheim et de Mollkirch les portent à Strasbourg.
Les fruits cultivés en Alsace au seizième siècle ont inspiré à un peintre demeuré inconnu une bizarre fantaisie artistique. Il a représenté les quatre saisons dans quatre figures humaines exclusivement formées de fruits et de légumes en usage dans notre pays. L’hiver emprunte ses joues pâles à deux navets, son front ridé à deux pommes reinettes ; une poire longue fait l’office du nez, deux carottes à la pointe effilée figurent les moustaches menaçantes, et un radis noir forme la barbe ; cette tête est coiffée d’une feuille de chou blanc qui a très-exactement pris la forme du chef. Les autres figures sont exécutées dans le même goût et avec les éléments végétaux fournis par chaque saison. Ces quatre tableaux qui avaient été peints pour la salle d’assemblée de la tribu des jardiniers de Strasbourg, se trouvent aujourd’hui dans la salle capitulaire de l’église de Sainte-Aurélie[22].
Les vieux livres nous apprennent que l’on n’a pas toujours mangé, comme nous le faisons actuellement, les fruits au dessert. En France, au seizième siècle encore, on les mangeait au commencement du repas ; puis venaient seulement les mets chauds, les viandes. Après celles-ci, on servait, pour la digestion, les épices, qui constituaient à proprement parler le dessert. C’étaient des sucreries, des aromates confits, des électuaires. Je n’ai point vu que l’Alsace ait suivi, en cette matière, la même mode que la France, et il me semble bien certain que de tout temps le fruit y a été présenté à la fin du repas. Mais pour ce qui concerne l’usage des aromates confits, elle s’était conformée au goût universel. Nos ancêtres mangeaient, sur la fin du repas, de l’anis, du fenouil et de la coriandre confits au sucre. Les roses jouaient un rôle considérable dans le service de leur dessert ; ils en tiraient des sirops, du miel, un sucre célèbre, et les convertissaient en compote[23]. Le sucre de fleur de pêcher était une délicatesse hors ligne, ainsi que le sirop de violettes noires de mars. Ils aimaient surtout le confortatif de cerises. Un vieux docteur dit qu’il est bon à employer toute l’année. En voici la recette. L’on faisait macérer pendant quinze jours des cerises acides dans une dissolution de sucre et de miel. Ainsi préparées, on plaçait les cerises dans un bocal et on les couvrait d’un bain où entraient l’hysope, la réglisse, l’eau de rose et l’essence de violette ; l’on y ajoutait cannelle, girofle et fleurs de muscade ; après quinze jours d’imprégnation, on les immergeait, dans du vin vieux, le meilleur possible[24]. Ce confortatif passait pour un tonique de première classe. Que l’on était loin déjà de la rude simplicité des Romains qui confisaient leurs fruits dans le vinaigre et le sel, et qui réservaient pour les malades les pommes confites au miel !
Les modernes s’imaginent volontiers que les gens du temps passé jouissaient d’un appétit naturel infatigable et qu’ils ne connaissaient point les alanguissements et les inerties qui affligent de nos jours tant d’estomacs riches ou blasés. C’est une erreur. De tout temps, il y a eu des hommes qui par l’abus des jouissances et les excès ont énervé leurs organes et surtout leur estomac, et auxquels il a fallu offrir le secours d’un appétit factice ou d’emprunt, ou tout au moins des moyens capables de réveiller leur appétence engourdie ou émoussée. L’Alsace, comme les autres pays, a connu ces invalides de la gastronomie, et leur est venue en aide avec les inventions de ses médecins et les imaginations de ses gourmets-vétérans. L’on recommandait chez nous aux estomacs paresseux, rebelles ou usés, comme particulièrement douées d’une puissance appétitive, les substances ou compositions suivantes : le raisinet[25] ; le thym en poudre mêlé de sel[26] ; la cicutaire (Wildenkörbel) préparée d’une façon spéciale[27] ; la feuille d’angélique cuite dans l’eau ou du vin : bringt begir und lust zu der Speis (donne du désir et du plaisir à manger), dit un ancien médecin[28] ; un verre de malvoisie ou de Rheinfall avec une bouchée de pain ; cet appétitif avait, en outre, le privilège de chasser le mauvais air[29] ; des grains d’anis[30] ; l’abbé Buchinger recommandait le vin d’aulnée (Aland-Wein) ; c’était du vin cuit, préparé avec du moût, et dans lequel plongeait un sachet qui renfermait onze espèces d’aromates : racine d’aulnée, cannelle, girofles, zestes de citron, muscade, sauge, hysope, centaurée, fleurs de bourrache, fleurs de bétoine et cardon-bénit[31] ; il préconisait aussi le vin de Vermouth (Wermuth-Wein), dans lequel il ne veut pas faire infuser moins de vingt espèces de plantes aromatiques[32] ; le botaniste Fuchs en faisait aussi grand cas ; il lui reconnaissait entre autres mérites celui de fortifier les facultés digestives de l’estomac, d’exciter l’appétit, et d’écarter, quand il était pris à jeun, tout danger d’ivresse pour le restant du jour ; mêlé à de l’huile de roses, il formait un stomachique excellent[33]. Ce genre de sensualisme avait pénétré jusque dans le sauvage Ban-de-la-Roche ; dans cette contrée, l’on retirait l’huile essentielle de la semence de sésélicarvi, au moyen de la distillation, et l’on en mettait quelques gouttes dans la soupe, à titre de stomachique et d’apéritif[34]. Les digestifs capitaux des paysans de notre pays étaient l’ail et la moutarde ; l’ail que les vieux docteurs appellent la thériaque rustique et qui est en possession de chasser le mauvais air ; la moutarde, aimée du sage Pythagore, et dont Jérôme Bock explique le crédit sur le goût des paysans par la double raison qu’ils espèrent gagner, dans son usage, une plus grande subtilité d’esprit, et que d’un autre côté, cette composition éclaircit le cerveau, ranime la vitalité de l’estomac, aide la digestion et favorise les entreprises galantes[35]. Moscherosch a placé dans le premier dialogue de sa Vie noble (Adeliches Leben) un interlocuteur qui semble n’avoir pas eu besoin de beaucoup d’artifices pour disposer son estomac à faire son devoir. Voici comment il s’exprime dans un français que peu de personnes s’attendront, sans doute, à trouver dans un livre imprimé à Strasbourg, chez Jean Philippe Mülben, en 1643 : « J’ay l’appétit tousiours ouuvert comme la gibbecière d’un avocat ; il me faut premièrement antidoter mon estomac de codignat de four, et d’eau béniste de cave, et de quelque chapon froid nageant sur l’hypocras, afin que si quelque malheur me venoit prendre, il ne me trouvast à boyaux vuides[36]. » Voilà certainement un homme de sage précaution ; mais que devenait ce génie prévoyant, logé en un corps dont l’estomac eût été obligé de recourir aux appétitifs ?
Quand on juge combien notre monde est déjà vieux et combien sont enclins à la curiosité les êtres qui décorent cette planète, l’on ne peut pas raisonnablement s’étonner que les hommes aient fait quelques découvertes assez indiscrètes et surpris quelques secrets plus ou moins singuliers. C’est ainsi que nos pères s’étaient crus fondés à attribuer à certaines substances une influence exhilarante, à penser que le safran, mêlé au moût, détruisait l’ébriété, que l’améthyste en préservait totalement celui qui portait cette pierre précieuse. Ils croyaient aussi que la chair du lièvre disposait à la tristesse et engendrait la mélancolie, opinion bien éloignée du sentiment qui portait le poëte Martial à dire du lièvre :
Une fois engagée à la poursuite des influences mystérieuses qui résidaient dans certaines substances, l’imagination humaine s’est laissée persuader qu’il existait des mets et même de simples plantes condimentaires qui avaient la vertu de rendre les femmes plus tendres et les hommes plus aimables qu’à leur ordinaire. Cette opinion est-elle fondée, et la science l’a-t-elle consacrée ? C’est aux physiologistes à nous fixer sur ce point. Les plus célèbres paraissent d’accord pour reconnaître cette prérogative éminente à la truffe, et on les voit pareillement d’accord pour en user. La truffe ne jouissait pas de cette gloire chez nos aïeux. Leur expérience s’exerçant dans un cercle plus modeste avait seulement remarqué les vertus notables que possédaient les asperges, les navets, le cresson, le safran, les ciboulettes, les panais, l’orchis (Knabenkraut), le muguet jaune (Waldstroh), la sarriette, la moutarde, la serpentaire infusée dans le vin[37] ; l’anis avait la réputation d’exercer les plus douces influences sur le cœur du sexe faible, et l’on ne doutait point que les feuilles d’abrotomme (Staubwurtz), placées sous le chevet du lit nuptial, ne concourussent, par la magie de leurs mystérieux effets, à l’accroissement des familles. Si tous ces végétaux étaient considérés comme honorables et nobles au premier chef, il en était d’autres qui, par contre, étaient voués au mépris le plus absolu, les feuilles et les fleurs de saule, par exemple, les froids concombres, les apathiques lentilles, la laitue que l’on accusait de produire des sommeils invincibles et profonds, la rue commune à l’odeur nauséabonde, et au dernier rang, le frigide nénuphar qui a si longtemps vécu sur la fausse gloire d’avoir détourné de l’esprit des solitaires chrétiens les tentations de la volupté ; cette plante jouait, au moyen âge, un rôle important dans la discipline des couvents ; mais le botaniste Bock remarque avec malice que si elle est secourable aux moines, comme on le croyait alors, les moines montraient peu de penchant à en user.
En général, l’histoire des épices et celle des substances à qui les préjugés populaires ou savants reconnaissaient certains privilèges mériteraient d’être approfondies. Elles fourniraient de curieuses révélations. Nous nous ferions peut-être une juste idée de la rareté et du prix des épices, au septième siècle, en apprenant que Bède le Vénérable distribua, avant de mourir, aux prêtres de son monastère de Jarrow, les épices qu’il possédait dans sa cassette[38] ; nous nous rendrions compte que l’abus que l’on en faisait encore au dix-septième en voyant la reine de Pologne, Louise de Gonzague, diminuer sur le budget de sa maison une dépense de 7,000 écus dans le chapitre affecté à l’achat du poivre[39] ; nous demanderions pourquoi le seigneur de Falkenstein achetait, en 1374, huit quintaux de safran à une société de marchands bâlois[40] et ce qu’il comptait en faire ; chemin faisant, nous apprendrions que, jusqu’au seizième siècle, les pharmacies suisses et alsaciennes étaient en possession de fournir à la table et à la cuisine de nos pères les confitures, les électuaires, les liqueurs, le sucre, les vinaigres précieux et délicats, les huiles fines, les vins factices (Künstliche Weine), les aromates et les épices exotiques ; que la ville de Bâle s’est enrichie en cherchant ces denrées à Lyon et en les revendant à l’Allemagne concurremment avec Nuremberg et Augsbourg ; qu’au dix-septième siècle les habitants de Mulhouse faisaient venir toutes leurs épices de Bâle ; que plus tard les épiciers de Rouffach, d’Ensisheim et de Thann approvisionnaient Mulhouse en se rendant régulièrement sur ses marchés ; qu’enfin cette ville n’eut ses épiciers propres et attitrés[41] qu’en 1720 ; que c’est de la même époque que date, dans toute notre Alsace, la constitution régulière de ce commerce important qui fut, dans l’origine, exploité par des Piémontais, des Milanais et des Tessinois, dénommés sous le titre générique d’Italiens, et qui ont laissé à leurs boutiques la qualification encore en usage dans le peuple d’Italiæner Læden. Aujourd’hui, grâce à l’action du temps, l’épicerie n’est plus une science secrète, et les enfants de l’Alsace en ont pénétré les lucratifs mystères à l’égal des plus fins compatriotes de Mazarin.
Je ne crois pas que nous soyons redevables aux épiciers des glacières qui nous procurent, dans les journées torrides de l’été, la délectation de boire à une température sibérienne ou de manger ces délicieuses plombières, ces fromages frappés, que les révolutions de la science gastronomique ont définitivement classés en tête des digestifs les plus sûrs et les plus puissants. Mais il me paraît certain que l’établissement et l’usage des glacières en Alsace sont contemporains de l’arrivée chez nous d’une autre colonie industrielle, italienne aussi, ou à peu près, celle des limonadiers. Le premier café fut ouvert, à Strasbourg, en 1695. Ces institutions se répandirent promptement dans toutes les villes qui avaient des garnisons. Les glacières étaient leur complément nécessaire et naturel. À Strasbourg, elles avaient été établies dans cette partie des remparts comprise entre la rue Sainte-Élisabeth et les Ponts-Couverts[42]. J’ignore où étaient situées celles de Colmar ; cependant la ville avait eu la courtoisie d’en créer, à ses frais, pour l’agrément du premier président du Conseil souverain, du commandant militaire, du commissaire des guerres, du major de la place et du préteur royal. La glacière était une dépendance, une espèce de fief attaché au titre de ces hauts fonctionnaires. Mais il fallait être en activité de service pour avoir le droit de boire frais. On le vit bien quand le premier président de Klinglin prit sa retraite. Son successeur, M. de Boug, eut du même coup son fauteuil et sa glacière ; Mme la première présidente en fut indignée. Elle avait raison : on peut se résigner à ne plus juger, mais non à se priver de glace. Aussi elle porta ses justes doléances devant l’Intendant qui, en homme bien appris, entra d’autorité dans la question. M. de Blair, le grave intendant, écrivit le 26 octobre 1768 au Magistrat de Colmar : « que d’après la situation de la Caisse de la ville il avait vu avec plaisir que sans y occasionner de dérangement, elle pouvoit supporter une dépense qu’il présumoit devoir lui être agréable, et que comme il avoit été instruit à son dernier voyage à Colmar que le Magistrat n’a point de glacière à lui affectée, il se portoit volontiers à ce qu’il en fût établi une incessamment ; que cependant il présumoit que le Magistrat ne se refuseroit pas à en abandonner la jouissance à M. et à Mme de Klinglin pendant la vie de l’un et de l’autre, après quoi il la fera servir à son véritable usage[43]. » Ce véritable usage, on le devine, était de mettre la glacière à la disposition des bouchers pour la conservation de la viande. Quand le Magistrat de Colmar fut publiquement accusé, en 1789, d’avoir bu à la glace, aux dépens de la bourgeoisie, il s’en défendit en soutenant que la glacière de Klinglin et celle du commandant, M. de Mauconseil, mort en 1782, avaient été louées aux bouchers. La sensualité tenace de Mme de Klinglin a donc contribué à doter Colmar d’un établissement d’intérêt public. Voilà comme tout s’enchaîne philosophiquement dans le monde !
Ce n’est pas une témérité que d’allier la philosophie et la cuisine. Les théories de celle-ci ont certainement plus influé sur le sort des empires que les rêveries de celle-là. Tous les bons esprits, dans tous les temps, ont remarqué l’importance du rôle que la table a joué dans les affaires publiques, et le génie que les cuisiniers ont dépensé pour illustrer leur art et immortaliser leurs personnes. Paul-Émile, ce généreux Romain, ne faisait point de différence entre un grand général et un maître-queux de premier vol. « Il disoit que d’une même suffisance d’entendement dependoit le bien savoir ordonner une bataille formidable à ses ennemis qu’un festin bien agréable à ses amis, car l’un et l’autre dépend d’un bon jugement de savoir bien ordonner et ranger[44]. » Que de docteurs, parmi les philosophes anciens, les saints, les pontifes, les prélats, les rois, les hommes célèbres, je pourrais invoquer pour établir la solidité de cette vérité ! Je vais droit au maître qui a découvert et fixé les lois de l’esthétique de ce grand art. « Tous ceux qui ont souvent à traiter les plus grands intérêts, dit Brillat-Savarin, ont vu que l’homme repu n’était pas le même que l’homme à jeun ; que la table établissait une espèce de lien entre celui qui traite et celui qui est traité, qu’elle rendait les convives plus aptes à recevoir certaines impressions, à se soumettre à de certaines influences ; de là est née la gastronomie politique. Les repas sont devenus un moyen de gouvernement, et le sort des peuples s’est décidé dans un banquet. Ceci n’est ni un paradoxe, ni même une nouveauté ; mais une simple observation des faits. Qu’on ouvre tous les historiens depuis Hérodote jusqu’à nos jours, et on verra que sans même excepter les conspirateurs, il ne s’est jamais passé un grand événement qui n’ait été conçu, préparé et ordonné dans les festins[45]. » M. Michelet aussi a dit très-sérieusement : « Une chose grave à observer dans l’histoire des révolutions, c’est de savoir si les acteurs parlent avant ou après les repas[46]. » Dans son livre de L’Amour, il élève la cuisine à la hauteur de la médecine : « Cuisine c’est médecine, dit-il, c’est la médecine préventive, la meilleure[47]. » Perrot d’Ablancourt ne voyait qu’une chose à reprendre dans le spectacle agréable de la réfection humaine, et qu’il eût volontiers réformée : c’est que la Providence mettait toujours l’appétit d’un côté et l’argent de l’autre[48]. L’académicien Bois-Robert avait une si haute opinion de l’art de se bien traiter qu’il lui donnait la préférence sur tous les autres plaisirs. Il accordait indulgemment que les beautés pouvaient être journalières, mais soutenait inflexiblement que les cuisiniers n’avaient aucun droit à cette immunité[49]. L’histoire nous signale de grands personnages qui ont mis leur gloire dans la perfection avec laquelle ils apprêtaient certains mets ; à quoi bon les citer ? Arrêtons-nous seulement à ce que nous ne savons que d’hier ; le savant auteur du Voyage d’Anacharsis ne trouvait rien de comparable aux œufs brouillés que faisait avec passion la duchesse de Lauzun[50]. Le roi Louis XIII, qui eut le génie de laisser gouverner Richelieu, avait appris la cuisine dans toutes ses branches ; il excellait particulièrement à manier la lardoire. — La lardoire, puisque ce mot se trouve sous ma plume, a été elle-même une révolution dans l’art culinaire. On a cru longtemps qu’il fallait attribuer l’honneur de sa découverte au cuisinier de Léon X ; mais on sait aujourd’hui que son invention est plus ancienne de cent années, et qu’il faut la reporter au temps du concile de Bâle ; c’est le cuisinier d’Amédée de Savoie (élu pape à Bâle en 1440 et qui prit le nom de Félix V) qui en gratifia l’humanité. De toute façon, comme on le voit, nous devons ce progrès à la papauté[51].
Tout, dans l’art culinaire, a paru tellement important, que les moines avaient tiré de l’Écriture une méthode particulière de dépecer et de partager la volaille quand ils en mangeaient dans la compagnie des laïques. Cette méthode, bien entendu, était à leur avantage. Elle nous est connue par une anecdote rapportée par le franciscain Jean Paulli de Thann. « Un gentilhomme avait convié à sa table son confesseur qui était un moine ; sa femme, ses deux fils et ses deux filles étaient du repas. On servit un chapon pour rôti. Le gentilhomme présenta le chapon au moine afin qu’il le dépeçât. Le moine s’excusa dévotement sur son ignorance bien naturelle en pareille matière ; mais le chevalier insista. — Puisque vous l’exigez, seigneur, répliqua le moine, je dépècerai cette volaille d’après les principes de la Bible. — Oui, exclama la châtelaine, agissez conformément à l’Écriture sainte ! — Le théologien opéra. La baron reçut sur son assiette la tête du volatile, la baronne le col, les deux damoiselles chacune un aileron, les deux jeunes gens chacun une patte ; le moine mangea tout le corps de place. — Sur quelle interprétation fondez-vous ce mode de partage ? demanda le gentilhomme au confesseur. — Sur une interprétation tirée de ma propre pensée, répondit le moine ; comme chef de votre maison, la tête vous revenait de droit ; la baronne étant ce que vous avez de plus proche, elle devait recevoir le col qui est la partie la plus voisine de la tête, les jeunes filles doivent reconnaître dans les ailerons le symbole de leurs pensées mobiles qui flottent d’un désir et d’une espérance à l’autre ; quant aux jeunes barons, les jambes que je leur ai données leur rappelleront que la perpétuité de votre race repose sur eux, et qu’ils sont chargés de soutenir votre maison, comme les jambes du chapon soutenaient cet animal lui-même[52]. »
Ce n’est pas seulement l’art culinaire qui a toujours passé pour une chose considérable, digne de l’attention et des sympathies de tous les bons esprits ; mais les cuisiniers, les flamines de cette science secrète, ont été souvent des personnages importants. L’on ferait un chapitre original et instructif si l’on recherchait combien de favoris de princes, de ministres ont dû leur élévation à leurs talents culinaires, et pour combien leur opinion a influé sur le cours des affaires publiques. Je n’en citerai que deux exemples.
Henri IV avait eu à son service un marmiton nommé La Varenne, qui, de cet humble office, était monté par degrés au rang de cuisinier, de porte-manteau et de directeur des plaisirs du roi. À force d’esprit, d’adresse et de services rendus, il devint M. de la Varenne, s’enrichit infiniment, devint un personnage d’un grand poids politique, contribua plus que personne au rappel des jésuites en 1604, et se retira, après la mort du roi, à La Flèche, beau et riche collége que les jésuites durent à sa protection, et qu’il partagea avec les bons Pères[53]. On peut lire sa mort plus que singulière dans Saint-Simon. Ce La Varenne tient quelque peu à notre histoire. Il était le bisaïeul de notre premier cardinal de Rohan, du prince-évêque Armand-Gaston de Soubise : la grand’mère de la belle Mme de Soubise était la propre fille de cet heureux cuisinier. Ce La Varenne faillit écarter la famille des Rohan du siége épiscopal de Strasbourg ; quand, en 1700, l’abbé de Soubise fut proposé pour chanoine du chapitre et qu’il fallut prouver seize bons quartiers de pure noblesse, le marmiton du Béarnais projeta une ombre un peu fâcheuse sur le blason du favori de Louis XIV. Mais M. de Camilly, fin Normand et grand-vicaire de l’évêché, aidé de M. de Labatie, lieutenant de roi de Strasbourg, parvint à aplanir cet obstacle généalogique, et les preuves de M. de Soubise, examinées par les « bons Allemands » du chapitre, passèrent[54]. Si les chanoines de Strasbourg eussent été tant soit peu moins complaisants, La Varenne privait l’église d’Alsace du lustre que les Rohan lui ont, dit-on, donné, et faisait presque manquer le dix-huitième siècle dans notre pays.
L’autre exemple remonte plus haut. L’empereur Maximilien Ier, si célèbre dans notre histoire, était si follement abîmé dans les rêveries de la science généalogique, qu’il avait oublié tous les soins et tous les devoirs du gouvernement. Un cuisinier rendit à l’empire le service de rappeler ce grand prince à lui-même. Un jour que Maximilien était absorbé dans ses ténébreuses visions, le bon sens de l’homme de cuisine eut pitié de la torture où se consumait l’esprit impérial, et il l’exhorta à ne pas pousser plus loin cette espèce de recherches, de crainte, disait-il, que Sa Majesté ne trouvât son sang confondu avec celui de son marmiton s’il continuait à remonter jusqu’à l’arche de Noé[55]. Cette saillie guérit l’empereur, qui depuis régna glorieusement.
Les limites des empires, qui ont tant exercé la patience des géographes et la sagacité des historiens, auraient pu être quelquefois reconnues et déterminées si les savants n’allaient pas tout chercher dans la poudre des greffes et sous la voûte des archives. Tandis qu’on dissertait, doctement sur le point probable où finissait l’ancien royaume de Bourgogne, la borne authentique qui séparait son territoire de celui de l’Alsace se dressait plaisamment dans la cuisine de l’abbaye de Lucelle[56]. J’avertis les savants à venir que s’ils sont un jour en peine de constater la limite entre les départements du Haut et du Bas-Rhin dans le Rieth, ils la retrouveront dans la maison Pfadt au Sponeck.
Si la cuisine a sa philosophie, comme on n’en saurait raisonnablement douter, elle a aussi des superstitions qui lui sont propres. Aucune branche du savoir humain n’a été exempte des erreurs que l’imagination, la crédulité, l’amour du merveilleux se sont plu à répandre sur les rapports de l’homme avec la nature.
Les animaux domestiques ont été associés aux plaisirs de la table. J’ai rapporté que le chien n’avait pas été oublié dans certains règlements colongers. Les chevaux des empereurs, des rois, des princes ne l’étaient point dans les dons de bienvenue à leur arrivée dans les villes ; ils recevaient une copieuse provende d’avoine tirée des magasins municipaux ; les chiens de chasse jouissaient de la curée comme d’un droit naturel qu’il eût été malséant de leur méconnaître. Dans nos campagnes de la Basse-Alsace, si l’on veut assurer un développement prospère au jeune porc que l’on engraisse, on lui donne son premier repas dans la soupière qui sert à la famille[57] ; cet acte le rattache plus intimement à la maison. Voulez-vous que vos poules deviennent d’actives et précoces pondeuses ? Régalez-les du premier beignet doré et brûlant sorti de la poêle, au carnaval. Nos paysans vosgiens ont un moyen infaillible pour vaincre la nostalgie du bétail et l’accoutumer à sa nouvelle demeure ; on lui donne, le matin, avant la sortie de l’étable, une tartine de beurre tournée trois fois autour de la crémaillère ; mais elle doit être présentée de la main droite[58]. Si l’on veut fixer des poules étrangères dans une nouvelle résidence, on les fait tourner trois fois autour d’un des pieds de la table et on leur donne du pain mâché dans lequel on mêle des parcelles de bois coupé aux quatre coins de la table ; on fait aux environs de Schlestadt la même cérémonie du pied de la table pour attacher les chats à leurs nouveaux maîtres. Pour écarter des bêtes les sorts qui les amaigrissent et les tuent, on place, dans une partie du Sundgau, les racines d’allium victoriale sous le seuil de la porte des écuries[59] ; à Ferrette, rien n’est plus puissant pour bannir les méchants esprits qu’un morceau de plomb bénit cloué dans l’étable[60] ; ailleurs on se borne à placer un balai renversé dans un coin ; dans beaucoup d’endroits on donne aux bestiaux pour compagnon un bouc noir ; en vrai bouc émissaire, qui connaît son rôle, il assume sur lui toutes les iniquités et tous les fléaux ; dans la plupart des villages catholiques, c’est l’image et la prière de sainte Agathe, affichée en sauvegarde, qui éloigne les sorts et préserve des dangers du feu.
Quelquefois les vaches donnent du lait ensorcelé ; on le reconnaît à sa teinte bleuâtre ou rouge ; on fait cesser ce charme malfaisant, en Alsace, en en cuisant une partie entre onze heures et minuit, toutes portes soigneusement closes ; quand le lait bout, on le fouette vigoureusement avec une baguette de coudrier, en invoquant la Trinité ; pendant cette opération on entend des cris suspects ; ce sont les gémissements de douleur de la sorcière qui a jeté le sort, et qui a reçu, pour son châtiment, tous les coups frappés dans le lait maléficié[61]. Dans nos montagnes lorraines, l’on fait rendre à la crème une plus grande quantité de beurre, en oignant le fond de la baratte avec de la graisse de chat[62]. Avant que la police correctionnelle eût pensé à punir les falsificateurs du lait, la justice populaire les avait châtiés. D’après la tradition colmarienne, la rue des Augustins est hantée par le fantôme d’une laitière qui, de son vivant, fraudait outrageusement sur sa marchandise. En punition de son crime, elle vient quelquefois encore puiser au puits de la maison Altherr. La ville de Barr connaît un revenant semblable ; c’est l’âme d’un farinier fripon qui vendait à faux poids. Il porte une calotte rouge, d’où lui est venu le nom de Rothkæppel. Combien est plus douce au souvenir la tendre légende du Puits-au-lait (Milchbrunnen) d’Illzach ! C’est là que la Mère de Dieu transporte, dans le silence des nuits, les pauvres enfants à qui la mort a pris leurs mères[63] ; elle les nourrit mystérieusement, et le matin on les trouve dans leur berceau, marqués autour de la bouche d’un cercle lacté qui révèle leur restauration miséricordieuse. — L’ancien hôpital de Mulhouse possédait, parmi ses biens, un verger appelé Milchsuppen-Acker. Il en avait été gratifié à la suite d’un acte de charité fait envers une pauvre vieille femme qui, infirme et affamée, était venue implorer à la porte une modeste soupe au lait en échange de tout ce qu’elle possédait. Elle n’avait pour tout bien qu’une lande stérile, et mourut aussitôt qu’elle eut mangé la soupe au lait que la pitié du régisseur lui avait accordée. Mais la lande sauvage, fécondée par la bénédiction de Dieu, devint par la suite un riche et fertile verger. Le cœur reconnaissant des pauvres ne pouvait mieux exprimer sa foi dans la toute-puissance de la charité.
Selon l’abbé Buchinger, les poules pondaient avec une abondance particulière quand on mêlait du tuileau pulvérisé aux sons dont on les nourrissait. Il enseignait aussi que les œufs venus dans la lune croissante d’août et ceux du décours de la lune de novembre se conservaient le mieux. Les œufs pondus dans la nuit du vendredi saint avaient le pouvoir merveilleux de faire reconnaître les sorcières. Il suffisait de se rendre à l’église et d’examiner l’assistance à travers un de ces œufs magiques ; le curieux reconnaissait les sorcières à un double signe : au lieu d’un livre d’heures elles tenaient dans leurs mains un morceau de lard, et elles étaient toutes coiffées d’un cuveau à traire[64]. J’ai déjà dit que la chair du lièvre passait pour disposer aux idées mélancoliques ; il faut ajouter qu’elle rachetait cet inconvénient par l’avantage qu’elle avait de maintenir ou de restituer la beauté du visage.
Dans le domaine des végétaux, il ne régnait pas moins de préjugés singuliers. Je ne les citerai assurément pas tous : je ne peux, comme pour les autres, donner qu’un aperçu. On devait planter les haricots pendant la pleine lune, semer les épinards à la Saint-Laurent, à la Saint-Barthélemy, à la Nativité et à la Saint-Mathieu ; les choux cabus réussissaient surtout si on les plantait pendant la pleine lune et le soir ; le porreau, l’ail, le navet exigeaient d’être semés à la lune croissante, les oignons et le persil à la lune décroissante ; le persil, de plus, venait beaucoup mieux si l’on avait de l’argent sur soi en le semant ; il y avait des règles analogues pour faire les diverses récoltes : les pois et les haricots, par exemple, au dernier quartier, les navets à la pleine lune, tous les fruits à conserver sur la fin du cours de l’astre nocturne. Les jours avaient leurs influences décisives. Les samedis de mai étaient souverains pour les grosses fèves, le premier samedi particulièrement. Venait-on à manquer ces journées propices, la Saint-Claude arrivait au secours ; les fèves plantées le jour de la fête de ce saint atteignaient leurs diligentes devancières. Dans les Vosges, les semeurs de carottes devaient avoir soin, pendant l’opération, de toucher fréquemment leur cuisse, pour en obtenir de cette grosseur. Pour semer heureusement les navets, il fallait n’être ni fier ni orgueilleux, et pour en obtenir de gros, on réunissait de temps en temps les deux poings bien fermés. Il y a mille variétés de ces pratiques superstitieuses.
En voici quelques autres qui tiennent de plus près aux exercices actifs de la table. N’est-ce pas un signe fâcheux que de rencontrer placés en croix sur une table servie les différents instruments qui constituent ce que nous appelons le couvert ? La salière renversée n’est-elle pas un présage de malheur, déjà connu des graves Romains ? Le pain posant sur la croûte supérieure n’est-il pas un augure sinistre en tout temps, et le pronostic de la mort du maître de la maison, s’il est malade ? Pourquoi redoute-t-on le nombre treize à table ? Ce nombre n’avait aucun caractère augural sinistre chez les Romains ; leur sigma ou lit demi-circulaire contenait de sept à treize places ; il faut donc chercher la cause de l’aversion populaire pour le nombre de treize convives dans les souvenirs religieux de la Cène, qui compta le traître Judas parmi ses treize assistants. À côté des préjugés qui nourrissaient les noires inquiétudes, il y en avait d’autres qui semaient la joie et l’espérance ou éveillaient de tendres curiosités. La spirale de pelure de pomme, légèrement détachée du fruit odorant, et que la main capricieuse de la jeune fille jette par-dessus sa tête et derrière elle, forme sur le sol le monogramme de l’époux qui lui est destiné. — On pénètre les plus intimes pensées d’une personne quand on boit, à table, dans le verre dont elle vient de faire usage[65]. Aussi fait-il beau voir, dans les fêtes de village, l’empressement des amoureux à boire dans le verre des jeunes filles à marier.
Comment s’étonnerait-on de la part que la superstition s’est faite dans les actes auxquels l’homme se livre le plus fréquemment et avec le plus de plaisir, quand on le voit réserver une place à sa table aux êtres surnaturels créés par sa propre imagination ? Dans le pays de Ferrette, comme dans presque toute l’Allemagne, on croyait aux nains familiers. Ils aidaient les ménagères dans les travaux de la maison. Aussi aux fêtes de village, aux noces et autres grandes occasions de réjouissance, on assignait à ces hôtes invisibles les premières places et on leur servait les meilleurs morceaux et le vin le plus doux[66].
Les kobold, les nains et les gnomes avaient l’avantage de n’être que des convives imaginaires. Ils ne faisaient sur les mets qu’on leur offrait qu’une prélibation idéale ; l’honneur de l’invitation leur suffisait. Les saints du moyen âge paraissent avoir été plus positifs. Le peuple leur présentait, à certaines féries, des offrandes gastronomiques qu’ils abandonnaient généreusement au réalisme actif de leurs serviteurs les moines. Mathias Zell, le curé de Saint-Laurent de Strasbourg, signalait ainsi ces pratiques utiles, en 1523 : « On offre à ce saint du blé, à celui-là du vin, à tel autre du pain, du fromage, des moutons, des porcs, etc. Il en est quelques-uns qui sont assez vertueux et assez accommodants pour accepter tout sans distinction. Quoique l’usage commande d’honorer saint Valentin par le don d’une poule, ses serviteurs ne refusent pas d’agréer un bœuf, voire même un porc, bien que cet animal soit spécialement l’offrande propre à saint Antoine[67]. » Ce saint possédait à Froideval, près de Belfort, un monastère où aucun de ses bienheureux confrères ne se serait permis de faire concurrence à ses droits légitimes. Il y reçut pendant des siècles les témoignages de la vénération et de la reconnaissance populaires, non sous le voile mystique de vœux et de prières, mais sous la forme concrète et substantielle de denrées alimentaires. La Révolution ne détrôna pas complétement ce pieux usage. Elle vendit, à la vérité, le monastère des Antonites de Froideval comme domaine national ; mais le profane acheteur de ce domaine respecta les antiques priviléges de saint Antoine. Jusqu’à des temps bien voisins du nôtre « des pèlerins qui avaient foi en saint Antoine venaient presque chaque jour pour l’invoquer, et, pour se le rendre favorable, ils déposaient au pied de sa statue des offrandes d’une étrange nature : des jambons, des saucisses, des morceaux de lard, des andouilles, etc., dont le propriétaire de l’ancien couvent faisait son profit[68] ». Mais le curé Danjoutin s’avisa de trouver quelque incorrection canonique dans ce mode de rester fidèle aux saines traditions du passé. Il réprimanda son paroissien, M. Keller, et lui fit comprendre qu’un pécheur du siècle n’avait pas le droit de recueillir les hommages adressés à un saint de l’ancien régime. M. Keller enleva l’attractive statue de saint Antoine ainsi que l’image du quadrupède qui l’accompagnait ; s’il y perdit en ne trouvant plus déposées contre sa maison les marques de la piété des fidèles, il y gagna de vérifier la solidité de cet aphorisme philosophique : Sublata causa tollitur effectus.
La cuisine avait tellement pris sa place dans toutes les branches de la superstition populaire, que la crédulité des vieux âges en avait imaginé une, exceptionnelle et immonde, pour les fêtes impies qui réunissaient les sorcières. Quand les sorcières alsaciennes tenaient, sous la présidence du diable, leur maître et leur amant, leurs assises impures et voluptueuses au Bollenberg, au Bastberg, au Bischenberg, au Frowald d’Oberbronn, à la Hellmatt de Saverne, au Zimmerplatz de Châtenois, au Würzelstein de Munster, à la Frauenau d’Ensisheim, ou en d’autres lieux maudits, elles couronnaient d’ordinaire les rondes de leur bal magique par un festin, une orgie, ou les noces sacrilèges d’une nouvelle initiée. Dans ces agapes diaboliques qu’échauffait la luxure terrestre et où régnait la toute-puissance maléfique du prince des ténèbres, le sel, symbole antique et religieux de la sagesse, était absolument banni. Sa présence eût rompu la sombre féerie du sabbat et dissipé l’incantation qui enveloppait d’une fièvre surnaturelle ces bacchantes du monde chrétien. Le pain, comme emblème de la nourriture normale du genre humain, n’y apparaissait que rare et dénaturé par des sortiléges. Les mets qui figuraient sur la table du sabbat étaient des crapauds, la chair de pendu détachée des gibets, le corps des petits enfants morts sans baptême[69] ; les noix, à cause de leurs qualités alexipharmaques et de l’honneur que leur avait fait le païen Mithridate de les employer dans son fameux antidote ; les fromages aux senteurs violentes et étranges[70] ; les chauves-souris[71] à l’aspect équivoque et aux mœurs nocturnes ; le lait malicieusement soustrait aux bêtes ensorcelées ; du gibier, entre autres du renard ; des viandes d’animaux domestiques, comme on le voit par les protocoles d’Ober-Bergheim ; des brouets, des gâteaux aux œufs (Eyerwestlin), des rats et des souris[72]. La sorcellerie avait aussi sa flore spéciale ; plusieurs plantes concouraient à la préparation des mets servis aux banquets sabbatiques, et étaient employées dans les philtres que les sorcières donnaient à leurs victimes ; par exemple, l’euphorbe (Hexenmilch), la grande chélidoine, le mille-pertuis perforé (Hexenkraut), la circée pubescente ou herbe aux sorciers, ou herbe de saint Étienne, la clématite (Hexenstrang), le gui, la poudre de lycopode (Hexenmehl), etc.[73]. Les festins des sorcières ne connurent jamais d’autre table que la verte pelouse des pâturages, le tapis rose des bruyères ou la dalle grise des roches sauvages. De même que dans le monde réel, les pauvres, dans ce monde de la fantaisie et du délire, servaient les riches. Le vin y apparaissait, sous la double couleur rouge et blanche, dans des gobelets d’argent ou d’or ; dans les réunions de sorcières villageoises, on buvait dans des coupes de bois ; le verre était inconnu. L’orchestre qui animait les rondes éperdues et égayait l’orgie, était composé de fifres, de violons et de cornemuses. Tous ces détails nous sont révélés par les interrogatoires des procédures alsaciennes faites, en matière de magie, aux seizième et dix-septième siècles. Le questionnaire légal imaginé alors pour informer contre les sorcières veut expressément qu’elles soient interpellées sur la nature des mets consommés dans les banquets magiques, sur le mode de service adopté, sur la circonstance, alors douteuse encore, de l’emploi d’une table, sur les vins qu’on buvait, enfin sur tous les faits qui se rapportaient au régime alimentaire des pauvres visionnaires qui portaient jusque dans les bûchers la foi de leur folie.
- ↑ Corp. jur. german., édition Heineccius, p. 620.
- ↑ Annales des Dominicains de Colmar, édition de 1854, p. 75.
- ↑ Idem, p. 201.
- ↑ Closener, Chronick, p. 112.
- ↑ Rösslin, Das Wasgauische Gebirg, p. 22.
- ↑ Olivier de Serres, Théâtre d’agriculture, t. II, p. 403.
- ↑ J. Bock, Kreuterbuch, p. 341.
- ↑ Plater, Zwei Autobiographien, p. 181.
- ↑ Klein, Saverne et ses environs, pp. 13-16.
- ↑ Merklen, Histoire d’Ensisheim, p. 320.
- ↑ Bernegger, Descript. particul. territor. Argentin. In-fol., p. 46.
- ↑ Pélisson, Lettres, t. II, p. 2.
- ↑ Munster, Cosmographie, p. 803.
- ↑ Billing, Beschr. des Elsasses, p. 131.
- ↑ Peuchet, Description du Bas-Rhin, p. 13.
- ↑ F.-J. Baumann, Catalogue des arbres fruitiers qui peuvent se cultiver dans notre climat. Colmar, 1788. In-8° de IV-152 pages.
- ↑ Annuaire du Haut-Rhin pour l’an XIII, p. 266.
- ↑ P. Oberlin, Le Ban-de-la-Roche, p. 67.
- ↑ Friese, Oekonom. Naturgesch. des Elsasses, p. 10.
- ↑ Annuaire du Haut-Rhin pour l’an XIII, p. 263.
- ↑ Annales des Dominicains de Colmar, édition de 1854, p. 99.
- ↑ Piton, Strasbourg illustré. Faubourgs, p. 114. M. Piton en a donné une excellente représentation par le procédé du lavis-aquarelle inventé par M. Simon.
- ↑ Bock, Kreuterbuch, déjà cité, V° Rosen.
- ↑ Bock, loc. cit., p. 382.
- ↑ Idem, p. 207.
- ↑ Fuchs, Neu Kreuterbuch, ch. 321.
- ↑ Idem, c. 199.
- ↑ Fuchs, loc. cit., ch. 43.
- ↑ Moscherosch, Adel. Leben, p. 36.
- ↑ Fuchs, loc. cit., ch. 19.
- ↑ Buchinger, Kochbuch, form. 959.
- ↑ Idem, form. 960.
- ↑ Fuchs, loc. cit., ch. I.
- ↑ Oberlin, Propos. géolog. sur le Ban-de-la-Roche, p. 176.
- ↑ Jér. Bock, loc. cit., p. 37 et 380.
- ↑ Adeliches Leben, p. 38.
- ↑ Fuchs, Neu Kreuterbuch, édition de Bâle, 1543, passim, et tous les vieux botanistes.
- ↑ Ozanam, Œuvres complètes, t. IV, p. 392.
- ↑ Tallemant des Réaux, Historiettes, t. IV, p. 185.
- ↑ Basel im vierzehnetn Jahrhund., p. 58.
- ↑ Mieg, Gech. Mülhausens, t. Ier, p. 303.
- ↑ Piton, Strasbourg illustré. Faubourgs, p. 94.
- ↑ Mémoire pour le Préteur et Magistrat de Colmar, Colmar, 1789, p. 56.
- ↑ Plutarque, Vie des hommes illustres, p. 161.
- ↑ Brillat-Savarin, Physiologie du goût, p. 72.
- ↑ Michelet, Richelieu et la Fronde, p. 314.
- ↑ Idem, L’Amour, p. 97.
- ↑ Tallemant, Historiettes, t. VI, p. 168.
- ↑ Tallemant, Historiettes, t. III, p. 171.
- ↑ Correspondance de Mme du Deffand, p. 97.
- ↑ La Vallée, Récits d’un vieux chasseur, p. 190.
- ↑ Paulli, Schimpf und Ernst, édition de 1856, p. 17.
- ↑ Saint-Simon, Mémoires, t. VI, p. 315.
- ↑ Idem, t. II, p. 78.
- ↑ Zincgref, Teutscher Nation Weisheit, t. Ier, p. 62.
- ↑ Baquol, Dictionnaire historique de l’Alsace. Supplément, p. 69.
- ↑ A. Stœber, Der Kochersberg, p. 35.
- ↑ Richard, Traditions populaires de la Lorraine, p. 53.
- ↑ Stœber, Elsäss. Sagenbuch, p. 284.
- ↑ Idem, p. 6.
- ↑ A. Stœber, loc. cit., p. 284.
- ↑ Richard, loc. cit., p. 59.
- ↑ Stœber, loc. cit., p. 121.
- ↑ Stœber, loc. cit., p. 183.
- ↑ Richard, Traditions populaires de la Lorraine, p. 268.
- ↑ Stœber, Sagen des Elsasses, p. 5.
- ↑ Zell, Christliche Verantwortung. Strasbourg, 1523. In-4°, p. 37.
- ↑ Corret, Histoire de Belfort, p. 209.
- ↑ Merklen, Histoire d’Ensisheim, t. II, p. 131.
- ↑ Ancienne Revue d’Alsace, 1837, p. 209.
- ↑ Golbéry, Antiquités du Haut-Rhin, p. 50.
- ↑ Alsatia de 1856-1857, Die Hexenprozesse, par A. Stœber, p. 331.
- ↑ Idem, p. 328.