L’Ancienne Alsace à table/Édition 1877/7

Berger-Levrault et Cie (p. 183-209).
CHAPITRE VII

Digression. — Un problème économique. — Écots anciens. — Dépenses collectives. — Prix du froment du treizième au dix-neuvième siècle. — Taxe de la viande. — Valeur du vin. — Prix anciens de diverses denrées alimentaires. — Les heures de repas. — Retour sériaire des mets. — Le dessert. — La pâtisserie. — C’est une création de la femme. — Première division. — Groupe fourni par Geiler. — Nomenclature de Buchinger. — Particularités mulhousiennes. — Continuation de l’inventaire. — Les tartes et les tourtes. — Importance féodale de la tarte à la crème. — Les beignets. — Friandises hors classe. — Les confitures. — Les dragées. — Les devises. — La pâtisserie montée. — Le pain. — Sa dignité. — Légende du mauvais riche de Dettwiller. — Réputation du pain d’Alsace. — Les gâteaux du domaine de la boulangerie. — Les pains d’épice. — Les brestelles.


Nos pères vivaient-ils à meilleur marché que nous ? Voilà une question fort intéressante et très-sérieuse, et dont l’examen pourrait bien expliquer la puissance ancienne des appétits sensuels, et surtout l’empressement généreux et soutenu qu’on apportait à les satisfaire largement. Lorsque l’abondance des denrées alimentaires est en disproportion avec les besoins de la consommation, et que la modicité de leur prix établit un écart considérable entre leur valeur d’utilité et la valeur conventionnelle de l’argent, la vie matérielle est facile et économique ; quand, au contraire, la production alimentaire ne se développe pas parallèlement à l’accroissement de la densité de population, et que la valeur des comestibles se place dans un rapport exagéré avec l’importance des signes monétaires, les nécessités de la vie domestique sont difficiles à satisfaire et coûteuses. Je crois que dans l’état actuel de notre société nous souffrons de ce dernier mal, et qu’anciennement, avec des variations que justifie la diversité des époques, le budget des familles était sensiblement moins grevé que de notre temps, pour la part qu’il fallait faire au besoin normal de chaque jour.

La chronique manuscrite de Wencker rapporte que lors du séjour de l’empereur Sigismond à Strasbourg, en 1414, on payait à la table impériale 6 pfennings, et à la table commune 4 pfennings seulement. La valeur de l’argent était, à cette époque, onze fois ce qu’elle est de nos jours. Le repas coûtait donc, selon la table, 66 ou 44 pfennings, c’est-à-dire 24 et 16 sous. — Il est vrai que le chroniqueur cite ce fait comme une exception au cours ordinaire des choses, et qu’il remarque que cette année-là les vivres furent à un prix excessivement bas[1]. En admettant que les denrées n’aient été qu’à la moitié de leur prix habituel, l’écot ne serait encore qu’à 48 et à 32 sous de notre monnaie. Jamais, de nos jours, nous ne pourrions à ce prix nous asseoir à un banquet où siégerait une tête couronnée.

En 1508, année qui fut aussi très-prospère, une société de 110 personnes fit un festin à la tribu de la Moresse, et l’écot ne s’éleva pour chacune qu’à 8 pfennings[2], c’est-à-dire à 16 sous, l’argent ayant une valeur sextuple de celle d’aujourd’hui.

Nous voyons, par une anecdote que raconte le Franciscain Jean Paulli de Thann, que les riches paysans du Kochersberg avaient les meilleures auberges, lorsqu’ils venaient à Strasbourg. À la tribu de la Lanterne, leur écot pour le dîner était fixé à 7 pfennings, qui font 18 sous de notre argent actuel. Le Franciscain signale la présence du rôti et du fromage, ce qui peut donner une idée du confortable de ce repas. Paulli raconte[3] qu’un chanteur-baladin faisant sa quête aux tables, reçut à celle des paysans 7 pfennings de chacun des convives, ceux-ci prenant le baladin pour le sommelier de l’établissement et pensant acquitter leur écot. Le baladin empocha l’argent et les paysans furent obligés de payer une seconde fois quand l’authentique sommelier de la Lanterne se présenta pour recevoir la dépense.

En 1492, la cherté fut considérable. D’après la chronique de Henri Bentz, le repas ordinaire (Mohl) se payait dans les auberges de Strasbourg 7 pfennings, ce qui, pour l’époque, équivalait à 18 sous de notre monnaie ; le repas exclusivement composé de poisson (Fischmohl) était plus cher ; il coûtait 9 pfennings, environ 19 sous ; le souper (Oben-Irten) était sensiblement moins cher : on le payait environ 6 sous[4]. Dans la même année, la domesticité de Maximilien Ier, logée au Bouc, sur le marché aux poissons, se révolta contre l’hôtesse et fit un grand désordre, parce qu’elle faisait payer pour deux mets de viande 2 pfennings et 1 pfenning pour le vin, environ 8 sous. — L’hôtesse dénoncée fut punie.

Suivant le registre d’un bourgeois de Strasbourg on pouvait, en 1526, faire au poêle des tailleurs[5] un bon repas composé de pain, de vin, de rôti, de salade, de fromage et de fruits pour 1 schilling, c’est-à-dire pour environ 20 sous de notre monnaie.

À Montbéliard, le Magistrat régla, vers le milieu du seizième siècle, le tarif des repas dans les auberges. « Chacun qui y mange, dit une ordonnance de 1551, doit payer trois sols bâlois et aura pour son repas quatre bons et raisonnables mets, deux sortes de vin et du fruit[6]. » Trois batzen bâlois de 1550 pouvaient faire 24 sous de notre monnaie. C’était l’âge d’or pour les voyageurs. Vers la fin du seizième siècle, quand Montaigne fit son voyage d’Allemagne (1580), il trouva les prix un peu haussés. « Les hostes, dit-il, comptent communément le repas à 4, 5 ou 6 baz pour table d’hoste[7] » ; ce qui revient à 24, 30 et 36 sous de notre temps.

Le tarif des dépenses d’hôtellerie subit aux dix-septième et dix-huitième siècles une progression ascendante qui correspondait à la diminution successive de la valeur de l’argent. Ainsi, j’ai sous les yeux le règlement des dépenses de table des hostelleries de Colmar, en 1789, signé du syndic Chauffour. La table d’hôte était à 36 sols aux Six Montagnes noires, aux Trois Rois, à la Pomme d’or, à la Poste, au Bœuf, à l’Arbre vert, au Roi de Pologne, au Canon d’or ; elle n’était que de 30 sols aux Deux Clefs, à l’Ange, à la Couronne, à la Fleur, au Cheval blanc, à la Ville de Strasbourg, au Soleil, au Saint-Christophe, à la Ville de Belfort ; et de 20 sous à l’Aigle et à la Fleur de lis ; — Arcades ambo. — Dans chaque auberge, il y avait, en outre, une seconde table où l’on payait un peu moins.

En regard de ces éléments d’appréciation des conditions économiques de la vie d’autrefois, il faut replacer quelques indications d’ensemble que j’ai disséminées dans le cours de mon travail, et qui concourent à démontrer que les dépenses alimentaires pèsent plus lourdement sur les générations actuelles que sur celles des temps passés. L’on se rappelle que dans un séjour que Turenne fit à Saverne, en 1645, avec une suite de quinze hommes, il ne dépensa, en quatre jours, que 67 livres 17 sols et 4 deniers, moins de 200 fr. de notre monnaie. — Le festin de bienvenue donné par la ville de Montbéliard au comte Henri de Wurtemberg, en 1478, ne coûta que 8 florins et 8 gros blancs, qui représentent environ 180 fr. d’aujourd’hui. — Les frais de réception et d’entretien des députés suisses à Mulhouse, en 1515, pendant quatre jours, ne s’élevèrent qu’à 53 florins, ce qui équivaut à 540 fr. environ. — Un banquet de 22 couverts, donné par la ville de Schlestadt à l’unterlandvogt Frédéric de Fürstenberg en 1594, n’occasionna qu’une dépense de 35 livres 6 sols et 8 deniers, à peu près 140 fr. — Lorsque les commissaires de l’archiduc d’Autriche assistèrent, en 1611, à la tenue des états d’Ensisheim, ils logèrent à l’hôtellerie de la Couronne. Ils y séjournèrent 22 jours, du 24 août au 14 septembre. Combien étaient-ils ? On ne le dit pas. Leur compte s’éleva à 589 florins et 11 batz, environ 3,700 fr.[8] ; ce chiffre a déjà une certaine gravité ; il est comme un présage des progrès modernes ; mais l’on voudra bien remarquer qu’il s’agissait d’entretenir des Autrichiens, circonstance qui a toujours passé pour aggravante partout. Il est plus consolant de voir que la libérale maison de Ribeaupierre pourvoyait à sa dépense de bouche pendant toute une année, au milieu du dix-septième siècle, avec la modeste somme de 6,618 florins qui ne dépassent guère 40,000 fr. de notre argent. Un siècle et demi plus tard, en 1798, la ville de Mulhouse dépensait le double pour les fêtes de sa réunion à la France. La civilisation avait vivement marché.

Il n’entre pas dans mon dessein d’exposer une statistique complète de l’économie domestique des anciens temps. Je me borne à quelques aperçus suffisants pour démontrer qu’il existait autrefois un rapport plus facile et plus doux entre les ressources générales de l’individu et la part que les nécessités de la vie prélevaient sur elles ; je veux montrer que le prix des objets de consommation était plus naturellement et plus avantageusement qu’il ne l’est de nos jours, proportionné à la valeur relative du numéraire. Je n’en tire aucune conclusion politique ou sociale défavorable à notre époque, laissant aux philosophes et aux économistes le soin d’expliquer la situation par les raisons qu’ils jugeront le plus propres à nous en consoler. C’est pour aider à les mettre en état de nous rendre ce service que je me permettrai de leur soumettre le prix auquel se vendaient quelques denrées alimentaires, dans les anciens temps, en Alsace.

Il est bien difficile, pour les époques reculées, d’assigner au prix du froment une moyenne calculée sur une période qui permettrait d’émettre une conclusion. Les prix relevés dans les anciennes chroniques ne le sont que très-irrégulièrement et à de trop longues distances, et ces prix, en général, ne se rapportent qu’à des années où le froment était ou très-cher ou à très-bon marché. Nous connaissons le prix du blé pour huit années du treizième siècle, à partir de 1253. Sa valeur, sur le pied du rézal, a varié de 1 schilling 4 pfennings (1278) à 14 schillings (1294), écart énorme qui sépare, sans doute, l’année la plus prospère de l’année la plus calamiteuse. En admettant que la valeur de l’argent ait été au treizième siècle quatorze fois plus élevée qu’elle ne l’est aujourd’hui, le prix du blé en 1278 aurait répondu à 3 fr. 80 c., et en 1294 à 39 fr. 20 c., disproportion que nous voyons aussi entre l’année 1764, où l’hectolitre était à 8 fr. 75 c., et l’année 1817, il monta à 96 fr. — Au quatorzième siècle, nous avons le prix de huit années seulement ; il varie entre 3 schillings (1373) et 45 schillings (1316). — Au quinzième siècle, il varie entre 5 (1436) et 18 (1438) ; de 1478 à 1482, il monta à 2 florins ; c’étaient cinq années de cherté ; en 1437 et 1438, il coûta à Colmar et à Bâle 3 florins. Pour vingt-trois années du seizième siècle, il flotte entre 2 schillings et demi (1506) et 90 schillings (1574). En tenant compte de l’abaissement qui frappa la valeur de l’argent depuis 1506 jusqu’en 1574, abaissement de deux tiers environ, on trouve que le prix de 1574 était douze fois plus élevé que celui de 1506. Si l’on tire la moyenne de ces vingt-trois années, le prix du blé pour le seizième siècle, chez nous, s’établira sur le pied de 27 schillings, c’est-à-dire 5 fr. 40 c. de monnaie française du temps, ce qui équivaut à 18 fr. 70 c. de la nôtre, valeur qui représente à peu près celle d’un hectolitre de froment de nos jours. On sait, en effet, que les moyens de production de blé n’ayant pas notablement changé depuis un temps très-considérable, les économistes ont choisi cette substance, la moins assujettie aux fluctuations de valeur, comme le terme de comparaison le plus sûr pour les évaluations du numéraire.

Nous possédons, grâce au manuscrit de Chrétien Hænlé, garde-magasin des greniers de la ville de Strasbourg, la série presque complète des prix du blé à Strasbourg pendant le dix-septième siècle. Elle va de 1615 à 1700. — Le prix le plus bas a été de 12 schillings (1655, 1656, 1657, 1669) ; le plus élevé 140 schillings (1636-1638). La moyenne des 85 années présente le chiffre de 45 schillings, équivalant à 9 fr. de la monnaie d’alors. Pendant la première moitié du dix-huitième siècle, le prix moyen du rézal a été de 57 schillings ou 11 fr. 40 c. ; depuis 1762 jusqu’en 1790, de 15 fr., et de 1803 au 31 décembre 1816, de 22 fr. 97 c. l’hectolitre.

Le prix de la viande de boucherie présente aussi une progression sans cesse ascendante. En 1499, les trois livres de bœuf étaient taxées à 1 pfenning, ce qui fait au maximum trois sols de notre monnaie ; en 1540, la livre fut taxée à 2 pfennings, ou 14 centimes de notre temps ; en 1575, année de cherté, la viande de bœuf coûtait 1 sol et 5 deniers la livre, c’est-à-dire 22 centimes de notre monnaie ; le mouton et le porc valaient un denier de moins. En 1599, le prix de la viande était de 5 pfennings la livre, environ 25 centimes de l’argent actuel ; en 1611, le bœuf valait 5 pfennings, le veau 6, le mouton 9 pfennings. D’après la Tax-Ordnung de 1646, ces prix avaient haussé de 1 pfenning sur le bœuf et baissé de 1 pfenning sur le mouton. En 1682, le bœuf monta à 8 pfennings équivalant à 27 de nos centimes ; il haussa encore de 2 centimes en 1716. De 1726 à 1756, la livre de bœuf ne dépassa pas 4 sols de France ou 35 centimes de notre temps ; en 1756, elle enchérit de 4 deniers, ce qui excita de vives doléances dans le peuple de Strasbourg ; en 1750, elle monta à 5 sols, en 1783 à 6 sols, en 1816 à 10 sols. Ce qu’elle vaut aujourd’hui, chacun le sait.

L’on buvait encore à meilleur compte que l’on ne mangeait. D’après les registres des gourmets de Molsheim, le prix moyen de la mesure de vin (46 litres et demi) fut, pendant la première moitié du seizième siècle, de 6 fr. 25 c. ; pendant la seconde moitié, de 8 fr. 35 c. ; pendant le dix-septième siècle, de 9 fr. 60 c. Au dix-huitième siècle, la moyenne paraît avoir été de 11 à 12 fr. ; tous ces prix sont calculés d’après la valeur actuelle de l’argent. Depuis 1789 jusqu’en et y compris 1815, la moyenne du prix du vin vieux a été de 21 fr. 60 c. ; monnaie du temps, ce qui paraîtra un prix très-élevé ; mais il ne faut pas oublier que cette période fut remplie d’agitations et de guerres, ce qui hausse toujours le prix du vin.

Enfin, j’ajouterai à ces données générales un aperçu des prix de quelques objets de consommation à différentes époques de notre histoire :


XIIIe siècle.
1273
On donnait 14 oeufs pour 1 pfenning.
Une poule, 2 pfennings.
Un hareng, 1 pfenning.

XVe siècle.
1445
On donnait 15 oeufs pour 1 pfenning ; ce qui met l'oeuf à 1 centime de notre monnaie.
1470
Un boisseau d'oignons, 10 rappen.
1483
Une belle carpe, 4 sols.
Une oie grasse, 4 sols.
Un faisan, 5 sols 4 den.
Une perdrix, 2 sols 4 den.
Un canard sauvage, 4 sols 4 den.
Une poule, 1 sol.
Une série d'oiseaux sauvages dénommés dans la Chronique de Wencker sous les noms de : Profogel, Breitschnabel, Schmihe, Raghals, Murfogel, Nünele, Troestel, Regenvogel, Zwuner, Sprehe ; chacun à 4 deniers.
Pour ramener ces chiffres à la valeur actuelle de l'argent, on les multipliera par 6 ; une perdrix coûtait donc 70 c.

XVIe siècle.
1505
Le cent de saumoneaux, 1 pfund et 8 schillings.
5 aloses pour une couronne. (Ces prix sont cités comme excessifs.)
1508
Une carpe du Rhin de 12 livres, 3 schillings 10 pfennings ou 4 fr.
1510
Cent saumoneaux, 6 schillings.
1512
La taxe de 1483 est sensiblement modifiée. La série des oiseaux tarifés à 1 pfenning est portée à 4.
1515
Deux saumons, 6 florins ou 48 fr.
1587
Deux pastels de lièvres, 3 liv. lorraines du temps.
Deux pastels de veau, 26 gros.
Deux jambons et deux andouilles, 15 gros.
1597
Quatre saumons envoyés de Rheinfelden à Ensisheim, 47 pfund stæbler 9 batz.

XVIIe siècle.
1624-1654
La livre d’esturgeon, 1 schilling.
1647
La livre de saumon, 4 à 6 pfennings.
1646
D’après la Tax-Ordnung de Strasbourg :
La livre de fromage, 1 sch.
La livre de beurre, 1 sch. 2 pfen.
Le pot de lait, 1 sch. 6 pfen.
Un jeune coq, 1 sch.
Une oie, 2 sch.
Douze alouettes, 1 sch.
Le cent de grosses écrevisses, 5 sch.
Le cent de têtes de choux, 4 florins.
1648
Dix grives, 29 kreuzer.
Un chevreau, 24 kreuzer.
La livre de lard, 7 kreuzer.
La livre de beurre, 8 kreuzer.
Un poulet, 8 kreuzer.
La douzaine d’œufs, 8 kreuzer.
1659
36 œufs (à Bischwiller) pour 1 schilling.
1690
Une paire de poulets, 16 sols.
Une paire de pigeonneaux, 15 sols.
Une paire de perdrix, 3 liv.
Une paire de cailles, 3 liv. 10 sols.
Une oie, 1 liv.
Une paire de gelinottes, 4 liv.
Un dindon, 3 liv.
Une douzaine de grives, 3 liv. 24 sols.
Une bécasse, 3 liv. 16 sols.
Un canard sauvage, 3 liv. 16 sols.
Un coq de bruyère, 3 liv.
Un lièvre, 1 liv. 10 sols.

XVIIIe siècle.
1747-1748
La livre de saumon à 4 pfennings.
Beurre, 9 sols.
Huile d’olive, 12 sols.
Café, 12 à 18 sols.
Sucre, 14 sols.
1755
Beurre, 11 sols.
Café, 14 à 20 sols.
Sucre, 18 à 19 sols.

XIXe siècle.
1813
Beurre, 18 à 20 sols.
Café, de 4 à 5 fr. 30 c.
Sucre, 5 fr. 65 c.

Je ne pousserai pas plus loin cet essai de statistique. Il est suffisant pour la démonstration que je me suis proposée. Peut-être engagera-t-il un économiste à approfondir cet intéressant sujet pour l’éclaircissement duquel on trouvera dans nos chroniques, dans les règlements de police des villes, dans les comptes des communautés, etc., des indications nombreuses, à peu près complètes.

Si l’homme n’était pas, par excellence, l’être le plus divers, le plus capricieux et le plus mobile, on pourrait raisonnablement s’étonner de voir qu’il ne se soit point établi dans la société une entente expresse ou au moins tacite pour la fixation des heures de repas. — Les repas constituent des opérations réglementaires, périodiques et nécessaires qui doivent avant tout s’harmoniser avec les convenances générales de la société. La variété des climats, la diversité physiologique qui se manifeste dans le tempérament des peuples, la différence des habitudes nationales, des conditions d’hygiène, d’alimentation et de travail, ont nécessairement introduit de profondes dissemblances dans les usages horaires qui règlent la réfection habituelle de l’homme. L’Arabe et le Suédois, le Breton et le Grec doivent donc logiquement suivre, sous ce rapport, des régimes différents. Cette loi de dissidence peut même être vraie des Français aux Allemands. Mais qu’au sein du même peuple, sous un ciel semblable, dans le même état de civilisation, sous l’influence d’un même courant d’idées, de mœurs et d’occupations, l’on voie se produire l’anarchie la plus complète, les discordances les plus extrêmes dans l’établissement de ces usages, c’est ce qu’il n’est pas aisé de comprendre. L’Allemagne, sous ce rapport, était le modèle du désordre, et dans ce grand désordre, chaque province avait encore son désordre particulier.

Les anciens Grecs mangeaient trois fois par jour ; leur premier repas, qui était le principal, se faisait le matin ; il s’appelait ἄριστον ; le second (δόρπος) et le troisième (δέιπνον) n’étaient que de simples collations. — Chez les Romains, le repas fondamental, cœna, avait lieu à trois heures du soir en été et à quatre heures en hiver ; quelques-uns le faisaient précéder d’une légère collation vers midi ; c’était le prandium. Plus tard, sous l’empire, quand tous les excès infectèrent les mœurs, l’on intercala trois nouveaux repas dans les anciens : le jentaculum, de bon matin ; la merenda, entre le prandium et la cœna, et la comessatio, le soir, sur le tard. Le voyageur grec Posidonius, qui a décrit les festins gaulois, ne nous a pas renseignés sur l’heure habituelle de leurs repas ; je n’en dirai donc rien, non plus que des usages mérovingiens et de ceux du moyen âge. J’arrive tout de suite aux temps modernes de la France. Louis XII dînait à huit heures du matin et soupait à trois heures ; il est vrai qu’il se couchait à six. Après son troisième mariage, avec Marie d’Angleterre, il fixa, pour plaire à sa femme, son dîner à midi et ne se coucha qu’à minuit, métier auquel le bon roi ne dura que six semaines. Ce changement ne fut pas goûté par la cour. Sous François Ier, le dîner fut rétabli à neuf heures du matin et le souper à cinq heures, d’où vint ce dicton :


Lever à cinq, dîner à neuf,
Souper à cinq, coucher à neuf,
Font vivre d’ans nonante-neuf.


Henri IV, Louis XIII et Louis XIV dînaient à onze heures, Louis XV à deux heures et Louis XVI à cinq heures. — Au dix-huitième siècle, l’on dînait à un heure dans presque toutes les hôtelleries de Paris ; mais le bourgeois mangeait à deux heures, le marchand à trois, et la noblesse à quatre ou cinq heures.

En Allemagne, les variations des heures de repas étaient telles qu’on peut affirmer qu’à toute heure du jour une partie de la population du Saint-Empire était occupée à dîner. Au dix-septième siècle, les chanoines de Tubingue et les comtes d’Erbach dînaient à neuf heures du matin, les princes de Gotha à dix heures, la cour de Bavière à onze heures, celle de Vienne à midi, d’autres, et c’était le plus grand nombre, à une heure et à deux ; sous Frédéric le Grand la classe distinguée de Berlin dînait aussi à deux heures et soupait à neuf. Joseph II dînait ordinairement à trois heures, quelquefois à quatre. Le cycle du dîner ainsi achevé, l’on entrait dans celui du souper. Ceux qui avaient inauguré la journée par le dîner de neuf heures du matin soupaient à quatre heures du soir ; la catégorie des dîneurs de dix heures se remettait à table à cinq, et ainsi de suite jusqu’à dix heures de la nuit. Les bourgeois, les artisans, les paysans faisaient, en général, leur repas principal à midi, ce qu’indiquent les mots composés si répandus de Mittagsessen, Mittagsbrod, Mittagsmahl, Mittagsmahlzeit, Mittagstisch, etc.

Les usages de l’Alsace étaient fort divers. Le régime des villes était tout autre que celui des campagnes. Généralement, la bourgeoisie commune dînait à midi et soupait à sept heures du soir, sans préjudice d’un déjeuner léger qui avait lieu entre sept et huit heures du matin. La bourgeoisie riche et celle qui aspirait à se donner des airs aristocratiques dînait à une heure et soupait entre huit et neuf ; c’était particulièrement l’usage de Strasbourg et de Colmar. Dans les grandes maisons, où l’on avait adopté les coutumes françaises, chez les fonctionnaires venus d’au-delà des Vosges, dans la haute prélature de la cathédrale, dans le monde militaire, l’on déjeunait à dix ou onze heures et l’on dînait de quatre à six heures.

Les estomacs rustiques étaient plus exigeants. Les paysans alsaciens faisaient résolûment leurs quatre repas en été, et trois en hiver. Dans le Kochersberg, on déjeunait à sept heures, l’on dînait à onze, l’on goûtait à quatre et l’on soupait à la nuit. Le dîner était le repas majeur. C’était le contraire dans les campagnes du comté de Hanau-Lichtenberg ; on y faisait pareillement quatre repas : à sept heures, à midi, à quatre et à huit heures ; mais celui de sept heures du matin était le principal. Toutes les vallées lorraines dînaient à midi et soupaient à l’Angélus. Dans la plaine, de Strasbourg à Schlestadt, on déjeunait à sept heures, on dînait à midi et l’on soupait à sept heures du soir, en hiver ; en été, les heures de repas se présentaient à cinq, à dix, à trois et à sept heures. Il en était de même à peu près dans le Sundgau, hormis que le repas principal était fixé à onze heures.

Le pays de Belfort déjeunait de bon matin, dînait entre onze heures et midi, et soupait le soir à sept heures.

Dans la région du vignoble, les repas étaient plus nombreux que partout ailleurs : déjeuner à six heures, dîner à onze, goûter à trois, souper à sept, sans préjudice de quelques coups de dent intermédiaires.

Les maisons religieuses avaient leur régime propre, réglé sur les exigences de leurs exercices spirituels. Communément, l’on y dînait vers onze heures, et l’on soupait vers six heures. Cependant les Franciscains de Thann, au rapport de Jean Paulli, soupaient à quatre heures au seizième siècle ; ils devaient donc avoir leur dîner dès neuf ou dix heures du matin.

C’est ici le lieu, je crois, de dire un mot de la coutume qui avait assigné, anciennement, certains jours pour la consommation de mets déterminés. Le retour périodique et sériaire des mêmes plats surtout dans le domaine de la vie familiale, est une règle à peu près universelle qui a son origine et sa justification dans les idées d’économie aussi bien que dans la sécheresse du programme des ressources alimentaires d’autrefois. — L’archiâtre Maugue avait déjà remarqué, à la fin du dix-septième siècle, que la table du bourgeois de Strasbourg était soumise à une pareille loi, et il nous a laissé le détail du menu en légumes le plus généralement usité alors pour chaque jour de la semaine. — Selon les saisons et quelques caprices accidentels, il pouvait offrir des variantes, mais elles étaient peu importantes, et à ses yeux la règle avait un caractère de certitude et d’autorité qui lui a permis de la classer parmi les usages fixes et souverains. La voici : lundi, des schnitz ; mardi, des navets ; mercredi, fèves ou pois ; jeudi, riz ou orge ; vendredi, des épinards et à leur défaut des haricots ; samedi, des lentilles ; dimanche, de la choucroute[9]. — Il n’y a pas un demi-siècle qu’un usage semblable régnait dans les cuisines colmariennes ; d’après les renseignements les plus sûrs, cet usage faisait apparaître : le lundi, des pommes de terre ; le mardi, de la choucroute ; le mercredi, des carottes, des navets ou des choux-raves ; le jeudi, des légumes secs, du riz ou de l’orge ; le vendredi, des farinages ; le samedi, des navets, et le dimanche, de la choucroute. Telle était la série adoptée pendant la saison d’hiver. L’été y apportait des modifications, grâce à ses primeurs et à ses légumes jeunes et verts, et ces modifications étaient les bienvenues.

Tout le monde sait que c’est une coutume ancienne et invariable en Alsace, particulièrement dans les familles luthériennes, de présenter sur la table, le Jeudi-Saint, des légumes verts, ordinairement des épinards.

Dans les monastères, la règle du retour sériaire avait la rigidité d’une loi absolue et était devenue une partie de la discipline de la maison, quelquefois de l’ordre lui-même. Nous possédons le détail de l’ordonnance (Closter-Tractament) à laquelle était soumise, dans notre province, l’alimentation des maisons religieuses de l’ordre de Saint-Benoît et de celui de Cîteaux au dix-septième siècle ; elle était la même pour les deux ordres. — L’année était partagée en six époques assujetties à des régimes différents : 1e de Noël au carnaval ; 2e du carnaval à Pâques ; 3e de Pâques à la Pentecôte ; 4e de la Pentecôte à l’Exaltation de la sainte Croix ; 5e de cette dernière fête à l’Avent ; 6e de l’Avent à Noël. Dans la deuxième et la sixième époque, l’abstinence totale de la viande était de rigueur ; dans les quatre autres, son usage n’était permis que le dimanche, le mardi et le jeudi. — Il me semble qu’il n’est pas sans intérêt de jeter un coup d’œil sur les détails de cette loi somptuaire qui a régné dans nos plus célèbres abbayes, à Munster, à Altorf, à Ebersmunster, à Marmoutier, à Lucelle, Pairis, etc. Je choisirai l’ordonnance qui était en vigueur depuis Noël jusqu’au carnaval. Lundi, dîner : soupe aux pois, blanc-manger, navets frais ou compotes de pommes, carpe (ou autre poisson) bouillie avec dés de pain rôtis ; souper : soupe à la farine ou fruits et fromage. Mardi, dîner : soupe grasse, boudins de porc ou gras-double ou tête de veau, choux cabus ou choucroute, bœuf bouilli ; souper : orge, veau mariné ou rôti de porc ou de veau avec saucisses. Mercredi, dîner : soupe à l’avoine, rôties de pain en sauce douce, millet, gruau ou compotes de pommes, carpes bouillies assaisonnées au gingembre ; souper : fromage et fruits ou noix. Jeudi, dîner : soupe grasse, bouilli, panais, carottes ou navets, gibier en civet ou pâté ; souper : orge, hachis de viande ou rôti. Vendredi, dîner : soupe au pois, nouilles ou blanc-manger, navets, carpes aux oignons et au cumin ou morue au lait ; souper : fromage et fruits ou noix. Samedi, dîner : choux farcis, pommes cuites, carpe frite ou autres poissons frits ; souper : fromage et fruits ou soupe au cumin. Dimanche, dîner : soupe grasse, boudins de porc ou gras-double ou tête de veau, choux cabus ou choux blancs, bœuf bouilli ; souper : orge, issues de veau ou gibier en civet, rôti de veau[10]. — Sans partager le préjugé ridicule que les moines vécurent comme des sybarites, l’on peut convenir qu’une pareille semaine n’était pas trop dure à traverser. — De bonnes viandes, de la venaison, du poisson et des plats doux, il n’est pas besoin d’être réduit à l’humilité monastique pour trouver que c’était là un régime dont un honnête homme pouvait consciencieusement s’accommoder.

Puisque je me suis laissé aller à parler de quelques questions accessoires à la table, je veux tout de suite en traiter plusieurs autres, et en première ligne celle de la pâtisserie et du dessert.

Le dessert est dans l’alimentation ce que le madrigal et le sonnet sont dans la littérature. On peut dire de lui comme du sonnet :


Un dessert sans défaut vaut seul un long dîner.

Le dessert est l’idolâtrie des femmes et des enfants, de ce qu’il y a de plus charmant et de plus doux dans l’humanité. C’est la poésie légère de la cuisine, vive, fleurie, souriante, parée par l’esprit et l’imagination de toutes les grâces et de toutes les élégances. Mieux que cela encore : c’est la féerie de la table.

Qui pourrait dénombrer avec certitude rigoureuse les inventions variées, les mille petites merveilles, les caprices sans fin que la femme, dans ses heures de rêverie active, a tirés de sa riche et curieuse imagination ? Il ne faut pas le tenter. Ce domaine a été et sera toujours illimité. L’homme crée pour satisfaire sa force ou son ambition, la femme pour contenter son rêve. Là, c’est le monde qu’on voit, ici le monde qu’on devine. Ces gracieuses conceptions du génie féminin, il est facile au rude orgueil de l’homme de les dédaigner ou de les reléguer au rang des bagatelles et des frivolités. Nous les devons pourtant presque toutes au tendre repliement du cœur de la femme sur lui-même, à sa puissance de contemplation intérieure, à ces longues heures de solitude, d’exil et de mystiques pèlerinages où son cœur souffre, espère ou attend. La châtelaine solitaire, presque captive dans le grand manoir féodal, qui, du haut de la montagne, plonge son regard dans la plaine vague et bleue, a distrait son oisive mélancolie par la création de quelques-uns de ces riens délicieux ; la religieuse, retranchée du monde, dans le silence du cloître, a détourné de son âme les douces songeries de l’amour pour inventer une gracieuse futilité ; la jeune épouse a placé sa joie naïve dans l’espérance du regard surpris et charmé qui caressera le fruit de sa prévenante industrie ; la fiancée a imaginé des délicatesses nouvelles et fraîches comme son jeune amour. Dans cet ordre de nos plaisirs, où règnent le bon goût, la grâce, l’élégance, l’esprit et la poésie de la sensualité, je le dis avec une profonde conviction, c’est la femme, sous ses aspects multiples et dans ses puissances diverses, qui a tout trouvé, tout perfectionné. Les cuisiniers de profession n’ont rien fait, rien inventé. Ils se sont bornés à faire une exploitation égoïste des découvertes dues à l’imagination de la femme.

Voici une première série de pâtisseries alsaciennes ; elle nous vient de la main de M. Aug. Stœber, mon savant ami, qui en a fait l’objet d’une étude philologique aussi intéressante que sérieuse[11] : Krapfe, Apfelkræpfle, pommes entourées de pâte, chaussons de pommes ; Lingelserwecke, gâteau aux œufs, plat et ovale, en forme de tresses, qu’on fait à Lingolsheim ; Millerumskiechle, petits gâteaux très-minces de fleur de farine et de crème ; Speckkiechle, gâteau aux œufs, rond, avec de petits dés de lard et saupoudré de cumin ; Stolle, gâteaux au lait, carrés par le haut, en forme de bonnet clérical ; dans la vallée de Munster et le Sundgau, ils portent le nom de Wastle, Waschle (du celto-breton gwastel, Wastel) ; voilà un vestige celtique plus certain que beaucoup de pierres druidiques de nos montagnes ; Schnekle, Hase, pains au lait qui ont emprunté leurs noms à leur forme (lièvre, escargot) ; ils sont usités aux fêtes patronales et à Noël ; à Mulhouse, où on les donne à la Saint-Nicolas, il se tient ce jour-là un véritable marché de cette pâtisserie, Schnecklemærkt ; Mænnle, pains au lait dont les jeunes garçons font présent à leurs maîtresses, à la Saint-André ; Moze, pains au lait, plats, quadrillés et dont la partie supérieure est lustrée avec du blanc d’œuf ; c’est le gâteau classique des fêtes patronales et des grandes festivités religieuses de la Basse-Alsace ; Brieli, gâteaux plats couronnés de crème ou de fromage blanc ; Fuhliwiwerkiechle, gâteau très-léger fait de fleur de farine, de lait et de sucre en poudre ; Nonnenfirtzle, beignets soufflés très-légers, à l’eau de rose ; c’est littéralement le pet-de-nonne français ; Schenkele, pâtisserie longue, au sucre et à la cannelle ; Hirzhernle (Strasbourg), Schwowebredle (Basse-Alsace), Kritzelkiechle (Haguenau), Himmelsgestirn (Sundgau), menue pâtisserie de formes diverses, cornes, croix, étoiles, cœurs, oiseaux, lièvres, etc.

Jean Geiler, qu’il est si utile de consulter pour l’histoire des anciens usages, nous fournit le nom de quatre espèces de pâtisseries : Karspellen, sur laquelle les renseignements manquent ; Neurot, pâtisserie fraîche, à la minute, Neugerathenes ; Oflatenrörlin ou Hippen, pâtisserie roulée, d’une pâte légère faite de miel et de farine ; on la connaît encore dans toute l’Alsace et dans l’Allemagne méridionale ; Brant et Murner emploient fréquemment l’expression Hippen dans les mots composés, Hippenwerk, bagatelles, Hippenbuben, gens sans aveu, légers, gamins (aushippeln, en Bavière, veut dire huer) ; H...beiss, expression trop libre que Geiler pouvait placer dans un sermon, mais qu’il suffit de deviner aujourd’hui[12].

Le vieux livre de cuisine de Buchinger nous donne aussi une pittoresque nomenclature de pâtisseries, avec la recette des procédés et des matériaux pour les exécuter ; je me borne à citer les noms ; ceux qui comprennent l’allemand verront aisément de quoi il s’agit : Gebrühte Küchlin, Sprützen-Küchlin, Straublin-Küchlin, Strützlin, Gewæhlte Küchlin, Zucker-Streublin, Sack-Küchlin, Eyer-Strützlin, Gebackene Schnitten, Model-Küchlin, Schnee-Ballen, Eyer-Ring, Eyer-Spritzlin, Faste-Küchlin, Imber-Zähn, Gofern.

Le Mulhouse suisse était une des places les plus renommées pour la pâtisserie. On y confectionnait presque tous les genres que je viens d’énumérer ; il avait, de plus, deux articles spéciaux qu’on ne retrouve pas ailleurs, les Knieblætze et les H...schenkele ; cette dernière pâtisserie est la sœur de celle indiquée par Geiler :


Le latin dans les mots brave l’honnêteté.

L’allemand ne se gêne guère plus que lui.

La propension des femmes de Mulhouse pour la fabrication de la pâtisserie est attestée déjà au seizième siècle par le chroniqueur Zwinger ; il raconte que lors de la présence des députés de la Confédération, en 1586, les dames de la ville se réunirent pour montrer leur talent sur ce sujet. « Elles en produisirent beaucoup et de toutes sortes de façons, dit-il ; il y en avait de longues, de larges, de plates, de hautes, de rondes, de carrées, de blanches, de brunes, de jaunes et de rouges[13]. »

En continuant mon inventaire, j’ai encore à recenser dans la pâtisserie fine : les Ringeln, les diverses variétés de biscuit (Zuckerbrod), le Mandelbrod, ou pain d’amandes, l’Anisbrod (le pain d’anis de Sainte-Marie-aux-Mines était particulièrement renommé), les macarons, les Muskat-Zünglein ou casse-museau français ; les Muschlen ou coquilles, les croquets ou croquanteaux, les Mandelspæne, les Hobelspæne, imitant les copeaux de menuiserie, les patiences, les tablettes de pommes et de coings, la famille des meringues, les Mandelkræntzchen et les Mandelherze, les Zwieback, les Husaren-Schnitten, les Leckerlés, le genre entier des gaufres (Waffeln), dans lequel figure spécialement la gaufre mulhousienne. Ce que je passe est, sans doute, plus considérable que ce que j’indique.

Les gâteaux de dessert, les tartes (Kuchen, Tarte ; dans le Sundgau, Waye) et les tourtes formaient véritablement un règne complet. Je ne désignerai pas toutes celles où entraient les fruits. Ils étaient tous mis en réquisition, depuis la pomme jusqu’à la myrtille. Mais il convient de noter le Kaiser-Kuchen, le Reiss-Kuchen, le Griess-Kuchen, la tarte aux raisins de Corinthe, la tourte d’amandes au lard, la tourte à la crème, l’Osterfladen ou flan de Pâques, la tourte à la moelle, la tourte au citron, celles au pain bis, au biscuit, à la cannelle, au son, la tourte aux pommes de terre, le gâteau au lard, la tarte aux œufs, la tarte au fromage, d’origine positivement romaine. On sait, d’ailleurs, que la tarte, en général, a été empruntée aux habitudes des Romains. Ils les couvraient aussi, comme nous, de bandelettes de pâte, ce qui a donné occasion à Pline de les appeler celaturæ pistrinarum, parce qu’elles ressemblaient à une pâtisserie ciselée.

Qui l’aurait pensé ? la tarte à la crème, avant d’égayer une comédie de Molière, a joué, tout près de nous, son petit rôle dans le système féodal. Le chapitre de Galilée (Saint-Dié) ayant résolu au douzième siècle de fonder une ville autour du monastère, les habitants du village de Moriville envoyèrent dans la nouvelle cité une colonie. Le chapitre fit des sacrifices pour repeupler ce petit village qui lui fournissait beaucoup de blé ; entre autres moyens qu’il employa, il abandonna au monastère de Blainville les redevances qu’il possédait dans ce lieu, en échange d’une tarte à la crème, faite avec la fleur d’un grand bichet de froment, à livrer annuellement aux gens de Moriville. Le dimanche gras, un échevin de Moriville allait recevoir cette tarte au nom du chapitre de Galilée, la faisait transporter en cérémonie dans son village, et la partageait entre les mariés de l’année et les nouveaux habitants[14].

Je remarque avec chagrin qu’il n’a pas toujours été commode, dans notre pays, d’aspirer à la tarte. D’après la Tax-Ordnung, de Strasbourg, de 1646, les pâtissiers vendaient une tarte d’amandes 15 à 16 schillings, et une tarte aux raisins de Corinthe 10 schillings ; la Tax-Ordnung a beau ajouter qu’elles seront bonnes et grandes, ces prix ne représentent pas moins une valeur de 5 fr. et de 7 fr. 50 c. de notre monnaie.

Les beignets jouissaient anciennement d’un grand crédit et présentaient une variété où le goût moderne ne ferait que des choix très-circonspects. Outre les espèces comprises dans la nomenclature empruntée à Buchinger, je citerai encore les beignets aux pommes, ceux aux cerises, ceux aux pruneaux, les beignets au vin, les beignets à la rose, les beignets au sucre (Zuckerstrauben), les Pfüttele, les Bauernstræublein ; tout l’ordre des stribles, à calibres différents, qui s’est nationalisé dans le pays de Belfort ; les vicques de Pérouse ; les beignets aux écrevisses, aux fleurs de sureau, aux côtes de rhubarbe ; cette dernière espèce a encore des partisans fidèles à Colmar. Mais je doute que l’on en trouverait pour les beignets à l’oseille, à la bourrache, à la mélisse, à la menthe, à la sauge, à la bétoine. Il y en avait cependant autrefois. — Enfin, pour épuiser la pâtisserie, il faut qu’on me permette encore de mentionner les friandises suivantes : Tabaksrollen, Mandelschnitten, Dreispitze, Ofenküchlein (choux), la charlotte de pommes, la croûte aux fraises, le Rosinenbrod, les Pfaffenschnitten, les Fotzelschnitten, toute la tribu des Kugelhopf ; le Marzipan, gâteau de fleur de farine et d’amandes qui, au témoignage de Jér. Bock, était encore vendu par les pharmaciens au seizième siècle, et qui servait spécialement au Schlaftrunk (coup du soir) des gens riches. À cette époque, le docteur Félix Plater, de Bâle, le prescrivait aux accouchées, ce qui donna un grand élan à sa réputation scientifique.

Les confitures et les dragées étaient des parties essentielles du dessert. Elles servaient à lui donner de l’éclat, de l’agrément, de la fraîcheur. Les anciennes confitures me paraissent avoir été, du moins en Alsace, renfermées dans un cercle assez restreint. Je ne trouve, au dix-septième siècle, que les variétés suivantes : coings, noix, nèfles, cerises, groseilles, gingembre vert, orange, citron, ribettes (Johannes-Træubel)[15]. Plus tard, au dix-huitième, on y ajouta les gelées de reinettes, l’abricot, la framboise, la mirabelle, les mûres, le fruit de l’églantier (Cynorrhodon).

Les dragées étaient loin aussi d’avoir atteint la perfection merveilleuse où nous les voyons de nos jours. Elles étaient encore bien pauvrement basées vers le temps de la paix de Westphalie, comme l’on peut en juger par ce tableau : dragées au coriandre, aux amandes, à l’écorce d’orange, à la cannelle, au gingembre, aux clous de girofle, à l’anis, aux zestes de citron[16]. Après le règne de Louis XIV et de Louis XV, elles avaient acquis un certain degré de gloire et ouvert la carrière à des bonbons plus raffinés. Les bonbons à devises faisaient fureur au dix-huitième siècle. Un Allemand, qui se trouvait à Strasbourg en 1780, raconte ainsi l’amusement que procurait l’échange des devises : « Au dessert on servit des devises. Chaque dame m’en envoya une et je lui en adressai une en retour. Elles excitaient des rires et des plaisanteries. Quelques pensées assez plates que contenaient plusieurs d’elles firent dire au vieux père que le roi devrait s’occuper d’une affaire aussi sérieuse que le plaisir de ses sujets, et charger l’Académie française, qui n’a cependant rien à faire, de rédiger des devises[17]. » L’on peut encore exprimer le même vœu aujourd’hui.

Le moyen âge et l’époque de la Renaissance ont aimé avec passion tout ce qui parlait au sens de la vue, tout ce qui avait un caractère de spectacle, d’étrangeté ou de rareté, toutes les inventions où l’adresse, l’artifice et l’imagination de l’homme déplaçaient les choses de leur cadre naturel pour les transporter dans un milieu fictif, et très-souvent dans le domaine du symbole et de l’allégorie. — Les récits des chroniqueurs nous apprennent qu’à tous les grands festins, aux banquets d’apparat, on voyait apparaître sur les tables des chefs-d’œuvre de pâtisserie ou de grande confiserie, les uns figurant des églises fameuses, les autres des châteaux-forts célèbres, d’autres des palais imaginaires. Ce luxe était particulièrement goûté chez les ducs de Bourgogne. L’art d’exécuter en sucre les figures les plus difficiles et les dessins les plus compliqués était poussé très-loin aux quinzième et seizième siècles. Lors de la collation offerte, en 1571, par la ville de Paris à la femme de Charles IX, « il n’y avoit, dit un historien, sorte de fruit qui puisse se trouver au monde qui ne fust là, avec un plat de toutes viandes et poissons, le tout en sucre, si bien ressemblant au naturel que plusieurs y furent trompez ; mesme les plats et escuelles esquelles ils estoient, estoient faicts de sucre ». Quand le légat traita Marie de Médicis, à son passage à Avignon (1600), « il y avoit trois tables dressées et couvertes de plusieurs sortes de poissons, bestes et oiseaux, tous faicts de sucre, et cinquante statues en sucre, grandes de deux palmes, représentant au naturel plusieurs dieux, déesses et empereurs. Il y avoit aussi trois cents paniers pleins de toutes sortes de fruits en sucre, pris au naturel ». De pareils exemples, moins illustres par la dépense qu’ils ont occasionnée, mais inspirés par le même goût, se remarquent dans notre histoire. Au festin donné à Strasbourg, à l’évêque Robert, en 1449, on plaça devant le prélat un château en sucre. Robert ayant ouvert une fenêtre du castel, il s’en échappa une joyeuse volée d’oiseaux vivants ; puis il ouvrit une porte basse du château, et l’on vit un vivier dans lequel s’ébattaient de petits poissons. On lui présenta aussi un cochon de lait doré d’un côté, argenté de l’autre. Au festin donné à l’évêque Guillaume, en 1507, on vit encore une pâtisserie pittoresque représentant un palais dont les gargouilles versaient de l’hypocras ; une seconde sucrerie figurant un jardin avec cinq jeunes filles, et une troisième pièce représentant un jardin au milieu duquel s’élevait un roc couronné d’un cerf à la vaste ramure. Au dîner de noces de Georges de Ribeaupierre, en 1543, on vit une tarte surmontée d’Adam et d’Ève, portant, par décence, des costumes de cour ; une tour épanchant du vin blanc et des petits poissons ; une tête de porc dorée ; une maison de pâtisserie. — Il est superflu de citer d’autres faits.

Je ne quitterai point la pâtisserie sans dire un mot de la pâtisserie par excellence, du pain, la base fondamentale de l’alimentation humaine parmi les peuples civilisés. Dans toutes les langues policées, le nom du pain a toujours été le signe le plus large et le plus compréhensif pour résumer l’ensemble des nécessités de la vie. Il a fourni leur plus riche fonds aux proverbes, aux maximes et aux locutions pittoresques qui expriment les rapports variés de la vie sociale et peignent les adversités et les contentements de l’existence privée. Il a une place d’honneur dans la plus belle des prières chrétiennes ; la philosophie appelle la science le pain de l’esprit et la morale le pain de l’âme, et la religion a caché le Dieu rédempteur du monde dans le symbole touchant de la nourriture universelle. Aussi le pain est-il sacré. La mère chrétienne apprend à son jeune enfant à le respecter ; dans les campagnes, il est rare qu’on entame un pain sans le marquer du signe le plus vénérable de la foi. Le pain est un don de Dieu. Sa profanation est un péché. Dans les vieilles légendes populaires, le pain du mauvais riche, qui refusait de le partager avec les malheureux, était transformé en pierre. Une tradition du Harz raconte que de jeunes garçons ayant une fois osé maudire leur pain et le fouler aux pieds, le pauvre pain saigna et rougit la terre : mythe poignant où apparaît dans toute sa profondeur la croyance du peuple en la sainteté du pain. Dans nos usages alsaciens, ce n’était pas manquer au sentiment de vénération que méritait le pain que de le partager avec certains animaux ; l’on pouvait en jeter les miettes aux poules, en donner aux chiens et aux chevaux ; mais c’était une profanation impie d’en nourrir les pourceaux, qui étaient des bêtes impures, comme nous l’apprend la légende nationale du mauvais riche de Dettwiller.

Il y avait dans ce village un paysan opulent, mais dur et avare, parcimonieux pour ses domestiques et impitoyable aux pauvres. Quand de malheureux affamés mendiaient à sa porte les restes du pain de sa table, il les chassait en blasphémant et commandait qu’on portât ces restes dans l’auge de ses pourceaux. Après sa mort, sa maison fut infestée de bruits mystérieux. On y entendait le pas lourd d’un animal et des grognements de porc. Un exorciste fut appelé. Il reconnut que l’esprit du mauvais riche vaguait, tourmenté et maudit, dans la maison, et qu’il réclamait une auge neuve à l’étable. Elle fut faite. Mais les pourceaux devinrent comme furieux au contact de leur nouveau compagnon. L’exorciste revint et relégua le fantôme dans un champ écarté et silencieux qui envoie encore au passant solitaire l’écho sinistre des grognements du mauvais riche damné[18].

Le pain, dans les campagnes alsaciennes, était généralement bon. L’on y employait le méteil. Dans les montagnes on cultivait l’épeautre, parce que cette céréale résiste mieux aux froids. Au Ban-de-la-Roche, le pain de seigle était, au dix-huitième siècle encore, un régal dont les pauvres n’usaient que de temps à autre[19]. Dans les hautes montagnes, l’on avait que le pain violet que donne le sarrazin.

Les pays situés sur le cours du Rhin étaient les plus renommés de toute l’Allemagne pour la beauté du pain blanc, du pain de table, du pain employé dans la vie urbaine. Pforzheim et Strasbourg étaient cités en première ligne sous ce rapport. Après Strasbourg, le plus beau pain de la Basse-Alsace était celui de Schwindratzheim[20], village situé près d’Hochfelden, et qui était comme le Gonesse de l’Alsace. Le pain de Schwindratzheim était si renommé et ses boulangers si estimés que Frédéric Ier les proposait pour modèles à ceux de Haguenau déjà en 1164[21]. Moins que dans d’autres pays il était mélangé de graines aromatiques, mais il n’avait pas réussi à s’en affranchir totalement. Sa pureté actuelle est un progrès du temps. Anciennement, chez nous, on y mêlait de la coriandre noire, du pavot et surtout du cumin[22]. C’était le penchant de l’époque. Dans le Languedoc on le saupoudrait de marjolaine, et dans la Provence on chauffait les fours avec des bourrées de thym. Sur le lac de Constance dominait, au rapport de Montaigne, l’usage de l’aromatiser avec du fenouil[23]. Le docteur Bock recommandait, comme des moyens propres à lui donner de la douceur et un bon goût, la semence de fromental et les graines de sésame. Il nous enseigne aussi que dans les années de cherté ou dans certains cantons pauvres, on mêlait à la farine ordinaire de la farine de pois, de haricots, de lentilles, d’avoine, de millet ; que souvent l’on a fait du pain avec ces seules substances ou du son, et que les famines ont parfois forcé de recourir à la sciure de bois de sapin.

Dans les petites villes, les professions de pâtissier et de boulanger étaient confondues dans les mêmes mains. Il en était autrement dans les grandes villes et dans celles où la police des métiers était sagement réglée. Je vois par l’ordonnance strasbourgeoise de 1557 qu’à partir de cette année les professions furent séparées. Les pâtissiers eurent leur domaine, et on ne réserva aux boulangers que le droit de confectionner les Langwecken, le Mulkuchen, le Kunigskuchen, les pâtés, les Fladen (galettes), les Offladen, les Zuckerscheiben, les Heippen, l’Eierbrot, le pain d’épice (Lebkuchen) et les Brestellen[24]. L’usage et le temps y ajoutèrent les Milchwecke, les Ladebredle, le Schnitzbrod (à Haguenau Hürzelknopff, dans la Haute-Alsace Bierewecke) ; c’est le Rama de la Lorraine ; le val d’Ajol faisait le meilleur ; les Suppenbengel (petits pains longs pour la soupe) ; les Gumberlændsbredle, ainsi appelés d’un duc de Gumberland qui, pendant un séjour qu’il fit à Strasbourg vers la fin du siècle dernier, en mangeait chaque jour dans son café. Les pains au lait de Sainte-Marie-aux-Mines étaient les plus fameux de l’Alsace, du temps de Grandidier[25]. Quant aux pains d’épice, les deux sièges principaux de la fabrication de ce produit qui triomphe aux foires et aux fêtes patronales étaient à Barr et à Strasbourg. En 1801, Barr comptait cinq fabriques en activité, et Strasbourg autant ; Schlestadt en avait une[26]. J’ai nommé les brestelles. Ce pain délicat et populaire a assez de célébrité pour que l’on remarque que les Romains nous l’ont apporté sous le nom de panis tortus, et que l’antique affection des Strasbourgeois pour cette pâtisserie les avait portés à décorer du nom de Bretstellemann leur singulière et satirique personnification du Rohraff[27].

  1. Wencker, Chron. mss. Bibl. de Strasb. ad ann. 1414.
  2. Saladin, Chron. mss. Idem, ann. 1508.
  3. Paulli, Schimpf und Ernst. Édition de Marburg, 1856, p. 200.
  4. Henri Bentz, Ensisheim. Chron. Mss. cité dans les Histor. Merkwürdigk. des Elsasses, p. 164.
  5. Idem, p. 167.
  6. Duvernoy, Éphémér. de Montbéliard, p. 300.
  7. Journal du voyage de Montaigne, t. Ier, p. 72.
  8. Archives départementales du Haut-Rhin. Fonds d’Ensisheim. Comptes.
  9. Maugue, Histoire naturelle de la province d’Alsace. Mss., t. Ier, p. 128.
  10. Buchinger, Geistlich. Koch-Buch, p. 8.
  11. Aug. Stœber. Dans le recueil périodique : Die deutschen Mundarten, quatrième année. Nuremberg, 1857, p. 474.
  12. Erwinia, Strasbourg, 1838-1839, p. 184.
  13. Mieg, Gesch. Mülhausens, t. Ier, p. 178.
  14. Gravier, Histoire de Saint-Dié, p. 109.
  15. Moscherosch, Adeliches Leben, p. 128.
  16. Ibid., p. 126.
  17. Schrifttasche auf einer Reise durch Teutschland, Frankreich, etc. Francf., 1780. Cité dans l’ancienne Revue d’Alsace, année 1856, vol. II, p. 351.
  18. Aug. Stœber, Sagen des Elsasses, p. 327.
  19. Massenet, Description du Ban-de-la-Roche, p. 19.
  20. Jér. Bock, Kreutterbuch, p. 237.
  21. Billing, Beschr. des Elsasses, p. 243.
  22. Bock, p. 104.
  23. Montaigne, Voyages, t. Ier, p. 71.
  24. Archives municipales de Strasbourg. Communication de M. Schweighæuser, archiviste.
  25. Grandidier, Vues pittoresques d’Alsace. Sainte-Marie.
  26. Laumond, Statistique du Bas-Rhin, p. 152.
  27. Alsatia, 1852, p. 215.