Jérôme de Stridon/Commentaires sur le prophète Aggée


Œuvres complètes
Traduction par Abbé Bareille.
Louis Vivès (Tome neuvièmep. 272-304).

COMMENTAIRES

SUR LE PROPHÈTE AGGÉE

À PAULE ET À EUSTOCHIUM
LIVRE UNIQUE.
Séparateur


PROLOGUE.


La soixante-dixième année de la désolation du temple, prophétisée par Jérémie, Jer. 25, 1 seqq. fut révolue la seconde année du règne de Darius, fils d’Hystaspe, roi de Perse ; le témoignage en est dans le prophète Zacharie, qui, après avoir fixé le titre de sa vision dans la seconde année du même règne, le onzième mois, celui de Sabath, et le vingt-quatrième jour de ce mois, ajoute : « Seigneur des armées, jusques à quand n’aurez-vous point pitié de Jérusalem et des villes de Juda, contre lesquelles vous êtes irrité ? Voici la soixante-dixième année. » Zac. 1,7,12. Esdras, à son tour, après que l’autel seulement eut été reconstruit, et les fondements du temple jetés, attribue la prohibition de continuer le travail à un édit du roi Artaxerxès : « Alors l’ouvrage de la maison du Seigneur fut interrompu à Jérusalem, et on n’y travailla point jusqu’à la seconde année du règne de Darius, roi de Perse. » Esd. 4, 24 ; et il ajoute aussitôt : « Cependant le prophète Aggée et Zacharie, fils d’Addo, prophétisèrent au nom du Dieu d’Israël aux Juifs qui étaient en Judée et dans Jérusalem ; alors surgirent Zorobabel, fils de Salathiel, et Josué, fils de Josedec, qui commencèrent à bâtir le temple de Dieu à Jérusalem, et les prophètes de Dieu étaient avec eux et les assistaient. » Esd. 5, 1-2. En ce temps-là, chez les Romains, le septième après Romulus, régnait Tarquin-le-Superbe, depuis vingt-sept ans déjà, qui fut chassé par Brutus huit ans après ; des consuls administrèrent ensuite la République pendant cinq cent soixante-quatre ans, jusqu’à Jules César. J’ai fait ces remarques, ô Paule et Eustochium, afin que dès le titre même vous reconnaissiez à quelle époque a prophétisé Aggée. Il faut reconnaître aussi, au pied de la lettre, qu’Aggée et Zacharie durent être animés d’un grand zèle prophétique, pour oser ordonner de construire le temple, malgré l’édit du roi Artaxerxès, les Samaritains et tous les peuples d’alentour, qui s’opposaient à cette reconstruction ; et que Zorobabel et Josué, fils de Josédec, et le peuple qui était avec eux devaient avoir une foi non moins grande pour écouter plutôt l’ordre des prophètes que l’édit prohibitif du roi des Perses.

LIVRE COMMENCE.

« La deuxième année du règne de Darius, le sixième mois et le premier jour, le Seigneur déposa sa parole aux mains du prophète Aggée. » Agg. 1, 1. Parce que le peuple, qui se flattait d’être revenu de la captivité, n’avait ni relevé le temple, ni reconstruit les murs de la ville, et bien loin d’avoir la gloire de la Jérusalem d’autrefois, habitait dans des maisons creusées dans le roc, basses et perdues dans le bas-fond, la parole de Dieu ne lui est pas adressée sous les rois Ezéchias, ou Amon, ou Josias, qui avaient commandé au peuple de Dieu tant que Jérusalem était debout, mais sous Darius, roi des Perses, dont Daniel nous entretient aussi dans son livre en son langage mystique. Darius, en notre langue, a le sens de « générations faites » ou « qui furent ; » et le peuple n’ayant pas de temple et habitant en bas, n’était pas digne d’avoir un autre roi que celui qui servait les générations, qui aimait la chair, et qui en était au premier précepte fait à l’homme encore ignorant et chassé du paradis : « Croissez et multipliez-vous, et remplissez la terre. » Gen. 1, 28 et 9, 1. Ainsi, c’est parce que Darius aimait l’œuvre de la chair et qu’il était le compagnon du dragon, dont toute la vertu réside dans les reins, Job. 40, 1 seqq. que le peuple voit cette vision la seconde année, nombre impur, qui symbolise les tuniques de peaux après l’union de la virginité et la nudité du paradis. Aussi dans la Genèse, alors que, pour le premier jour, pour le troisième, pour le quatrième, pour le cinquième et pour le sixième, après l’achèvement de l’ouvrage de chacun d’eux, il est dit : « Et Dieu vit que cela était bon », cette mention n’est pas faite pour le second jour dans l’hébreu, et d’après Aquila, Symmaque et Théodotion. Le second jour, désigné par le nombre deux, qui divise ce qui est un, ne pouvait pas être marqué comme bon par le témoignage de Dieu. Puis la prophétie nomme le sixième mois, qui n’a pas les solennités de Dieu comme le septième, étant voisin des six jours dans lesquels le monde a été créé, – mois du travail, où nous mangeons notre pain à la sueur de notre front, et où la terre, ne produisant pour nous que des ronces et des épines, après avoir reçu la semence du froment, ne donne guère que de l’ivraie et de la folle-avoine. Mais parce que l’autel était déjà relevé, et que le peuple, s’il n’avait pas reconstruit le temple, avait du moins voulu le faire, malgré l’opposition de ses ennemis, c’est le premier jour du sixième mois que la parole du Seigneur fut déposée aux mains du prophète Aggée, afin que le peuple, quittant la seconde année du roi Darius, qui sépare de l’union, et le sixième mois qui était passé et qui est un nombre réservé au travail, revint à l’union avec Dieu et suivît le nombre impair et unique, dont le poète profane lui-même a reconnu la pureté : « Dieu aime le nombre impair. » Virg. Eclog. viii, La parole du Seigneur, cherchant à qui elle viendra et qui elle instruira, est déposée aux mains du prophète Aggée, qui avait les bonnes œuvres et sur les actions de qui la parole de Dieu pouvait se reposer. Mais la parole de Dieu ne saurait se déposer aux mains pleines de sang d’un peuple qui met à mort Jésus-Christ et qui ose dire : « Que son sang retombe sur nous et sur nos fils. » Mat. 27, 25. Jusqu’à présent, Israël charnel, qui a des mains immondes, les étend vers le Seigneur ; mais comme elles sont pleines de sang, le Seigneur lui répond par le prophète : « Si vous élevez vos mains, je détournerai de vous mes yeux, parce que vos mains sont pleines de sang. » Isa. 1, 15. La parole du Seigneur n’est pas déposée en leurs mains, parce qu’elles sont impures ; la parole de Dieu ne vient point à eux, parce qu’ils l’ont mise à mort en eux. Et il ne faut pas croire que la parole du Seigneur ait été déposée dans les mains seules du prophète Aggée ; puisque Aggée veut dire « de fête », quiconque peut célébrer les fêtes, « non avec le vieux levain de la malice et de l’iniquité, mais avec les azymes de la sincérité et de la vérité », 1Co. 5, 8, peut recevoir cette parole. Ayons donc les mains pures, méritons d’être comptés au nombre de ceux qui célèbrent la pâque, et la parole de Dieu viendra à nous. Puisque la loi est selon l’esprit, ayons devant nos yeux les solennités spirituelles dont il est écrit : « Vous célébrerez des fêtes en mon honneur trois fois chaque année. Vous garderez la fête solennelle des pains sans levain ; vous mangerez, comme je vous l’ai ordonné, des pains sans levain pendant sept jours, dans le mois des fruits nouveaux, parce que c’est le temps où vous êtes sorti d’Égypte. Vous ne vous présenterez point devant moi les mains vides. Vous célébrerez aussi la fête solennelle de la moisson et des prémices de votre travail, de tout ce que vous aurez semé dans le champ ; et la troisième fête solennelle à la fin de l’année, lorsque vous aurez recueilli tous les fruits de votre champ. » Exo. 23, 14 et seqq. Si nous voulons que la parole de Dieu se fasse en nous, soyons des Aggées, c’est-à-dire, célébrons les fêtes, et ne nous présentons pas devant Dieu les mains vides ; et semant dans l’esprit, moissonnons de l’esprit la vie éternelle, Gal. 6, 8, afin que nous célébrions la fête de la consommation à l’issue de l’année, c’est-à-dire du fruit de nos travaux dans le champ, la solennité des prémices de nos œuvres, de tout ce que nous avons semé dans le champ que le Seigneur a béni. Soyons donc des Aggées, et pendant tout le cours de notre vie, jusqu’à la fin de l’année, c’est-à-dire jusqu’à la sortie de ce monde, célébrons les fêtes dans nos œuvres, que nous avons recueillies dans notre champ.

« Pour Zorobabel, fils de Salathiel, chef de Juda, et pour Jésus, fils de Josédec, grand-prêtre. » Agg. 1, 1. Nous lisons dans les Paralipomènes que Jéchonias, qui fut emmené à Babylone, eut pour fils Salathiel, qui fut le père de Zorobabel. 1Ch. 3, 16. C’est ce que dit aussi saint Matthieu dans sa généalogie du Sauveur : « Après la transmigration de Babylone, Jéchonias engendra Salathiel, Salathiel engendra Zorobabel, Zorobabel engendra Abiud. » Mat. 1, 12-13. Ce Zorobabel, de la tribu de Juda, c’est-à-dire descendant de la race de David, est la figure du Sauveur, qui reconstruisit en vérité le temple détruit, et ramena le peuple de la captivité. C’est autant avec les pierres du vieux temple qu’avec de nouvelles pierres, demeurées non polies jusque-là, qu’il a édifié l’Église, c’est-à-dire qu’avec les restes du peuple juif et la multitude des nations, il a construit le tabernacle de son Père. Zorobabel, selon les différents accents de la langue hébraïque, se traduit par « écoulement adjacent », ou « issu dans Babylone », ou « prince de Babylone. » À la première interprétation est contraire cet écoulement qui est signifié dans le nom de Jézabel, c’est-à-dire « écoulement vain » ou « flux menstruel », dont l’impureté est évidente, et celui qu’exprime Zabulôn, ou « écoulement de la nuit. » Par conséquent, abandonnant l’écoulement vain, impur et ténébreux de ce monde, suivons l’écoulement de Jésus, qui nous est offert pour que nous en buvions, qui se produit comme une source des plus abondantes, conformément à ce qui est dit dans l’Évangile : « Jésus se tenait debout dans le temple, et criait : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. » Jn. 7, 37. Or, nous pourrons boire, de cet écoulement, lorsque nous en aurons fait la demande à Dieu le Père, selon le précepte de l’Évangile : « Demandez et vous recevrez. » Mat. 7, 6. Salathiel, en effet, veut dire « demande de Dieu », et personne n’arrive à Jésus, si ce n’est le Père qui l’y a conduit. Jn. 6, 44. Il naîtra donc pour nous un écoulement, exposé aux yeux par la demande faite au Père, et il sera de la tribu de Juda, c’est-à-dire de la tribu royale et qui confesse ou qui loue Dieu, puisque le nom de Juda a l’un et l’autre sens. Des mots « né à Babylone », historiquement, s’appliquent à Zorobabel, puisqu’il naquit en cette ville ; mais, dans un sens plus élevé, ils conviennent aussi à Notre-Seigneur Jésus-Christ, puisque lui-même est né dans la confusion de ce monde, qu’il a été sur les bords du fleuve Chobar, aux eaux pesantes, et qu’il a contemplé cette grande vision qu’Ézéchiel, qui est une de ses figures, voit au commencement de son livre. Eze. 1, 1 seqq. Quant à l’interprétation de Zorobabel par « prince de Babylone », ce n’est pas à dire qu’il contienne strictement le sens de prince, puisque la tradition des Hébreux rapporte que son nom est composé de trois parties distinctes : Zo, celui-là ; rob, maître ou plus grand, et Babel, babylonien, d’où le nom de Zorobabel, « celui-là maître de Babylone. » Pour résumer le sens, à la place de ce morcellement, j’ai adopté l’explication de « prince babylonien » ou « dans Babylone », afin que, de même que Josué, fils de Navé, qui fut aussi la figure du Sauveur, conduisit le peuple du désert dans la terre de répromission, de même celui-là est issu dans Babylone, pour ramener dans la terre de répromission ceux qui étaient à Babylone, d’où ils avaient été emmenés captifs, et qu’il dise à ceux qui étaient dans les chaînes : « Sortez », et à ceux qui étaient assis dans les ténèbres : « Soyez éclairés. » Isa. 60, 1 ss.

La parole du Seigneur déposée dans la main d’Aggée s’adresse, non seulement à Zorobabel, fils de Salathiel, dont nous venons de traiter, mais aussi à Jésus, fils de Josédec, grand-prêtre. En ce qui concerne l’histoire, Zorobabel, de la tribu royale, est un, et Jésus, de la tribu sacerdotale, est un autre ; en ce qui concerne le sens mystique, il n’y a là que le seul et même Seigneur notre Sauveur, roi et grand-prêtre, dont Zorobabel était la figure en tant que roi, et dont, en tant que prêtre, la figure était son homonyme Jésus, qui veut dire « Jao, salut », ou « salut du Seigneur ; » il est fils de Josédec, ce qui en notre langue se traduit par « Jao, juste », ou « juste du Seigneur. » Et en effet, Dieu le Père est juste et saint, ainsi que Dieu le Fils, et il n’y a pas d’iniquité en lui, en dépit de Marcion et des autres hérétiques, qui assurent que le Sauveur est le fils de je ne sais quel autre Dieu bon, et non point du Créateur. Jésus est véritablement grand-prêtre : tous les autres prélats de Dieu comparés à lui sont peu, ils ne sont rien. S’il est appelé grand-prêtre, c’est évidemment pour le distinguer de ceux qui sont moindres que lui ; et ils sont moindres que lui, tous ceux qui sont hors de lui et après lui, en sorte qu’étant le premier-né de toutes les créatures et le premier-né d’entre les morts, il est le prince et le plus grand de tous les prêtres.

« Voici ce que dit le Seigneur des armées : Ce peuple dit : Le temps de rebâtir la maison du Seigneur n’est pas encore venu. » Agg. 1, 2. Qu’on ne perde pas de vue que ces paroles : Le temps de rebâtir la maison de Dieu n’est pas encore venu », ne sont pas de Zorobabel ou de Jésus, mais du peuple encore assujetti au roi Darius et qui n’avait pas secoué le joug de la servitude. Toujours ceux qui sont retenus en captivité et qui sont sortis de Jérusalem, diffèrent et retardent l’édification du temple de Dieu : « Le temps, disent-ils, n’est pas venu de relever la maison du Seigneur. » De même, s’il vous arrive de rencontrer un homme sorti de l’Église, lequel avait été livré à Satan pour la mort de la chair, afin que son esprit fût sauvé, 1Co. 5, 1 seqq. et qui, formant le projet et prenant la résolution de rebâtir par la chasteté le temple qu’il avait auparavant détruit par la dissolution, diffère néanmoins de jour en jour, répétez-lui : Vous êtes réellement du peuple des captifs et vous dites aussi : « Le temps n’est pas encore venu de rétablir la maison du Seigneur. » Pour celui qui a une fois résolu de reconstruire le temple de Dieu, tout temps est convenable pour bâtir ; ni le roi Satan, ni les ennemis qui l’entourent, ni la piété feinte des parents, des proches, des enfants ne peuvent l’en empêcher ; dès que, vous tournant vers le Seigneur, vous invoquerez son nom, il répondra : « Me voici. »

« Et le Seigneur déposa sa parole aux mains du prophète Aggée, disant : Est-il le temps pour vous d’habiter dans les maisons ornées de lambris, quand ma maison est déserte ; » Agg. 1, 3 ; ou bien comme ont interprété les Septante : « Habiter des maisons dans la vallée. » Cette vision se montre encore à Aggée le même jour que plus haut. Les œuvres du prophète progressant, les dons de prophétie s’accroissent aussi, et après un court intervalle de silence, à ce langage du peuple : « Le temps n’est pas encore venu de rebâtir le temple du Seigneur », est opposée, comme si elle était méditée, cette réponse du Seigneur : Il est donc temps pour vous d’habiter dans des maisons établies en bas et dans le fond de la vallée, et ma maison, qui est sur la montagne, sera déserte ? ou bien, d’après l’hébreu : « D’habiter dans des maisons lambrissées », c’est-à-dire, ornées et dont l’ameublement semble fait moins en vue de l’usage qu’en vue des délices, et ma demeure, où furent le Saint des saints et les Chérubins et la table de proposition, sera inondée par les pluies, remplie d’ordures par suite de l’abandon où on la laisse, brûlée par le soleil ? Or, au sens mystique, tout le temps que nous choisissons la vallée pour notre séjour ou que nous sommes esclaves des plaisirs, est un temps inutile. Aussi les stoïciens, qui avaient pris à tâche de définir chaque mot, ont-ils dit que le temps nous est donné pour notre redressement. Tout celui que nous accordons aux vices et que nous n’appliquons pas aux vertus, est en pure perte, et il est compté pour rien, comme s’il n’avait pas existé. Quiconque d’entre nous, habitant dans la vallée, construit sa maison dans la volupté et la luxure de ce monde, ne bâtit pas le temple de Dieu, et le Seigneur n’a pas en lui où reposer sa tête : et quoiqu’il bâtisse une demeure pour les renards, il souffre que le lieu qui était autrefois la maison de Dieu soit désert.

« Et maintenant voici ce que dit le Seigneur des armées : Appliquez vos cœurs à vos voies. » Agg. 1, 5-6. Qu’il n’y ait pas un temps pour parler et un autre pour agir ; changez immédiatement mes préceptes en œuvre ; le Seigneur qui vous les donne est tout-puissant, et l’ordre de Dieu tout-puissant ne saurait être futile. Vous avez eu jusqu’à présent des cœurs assujettis aux vices, sans ordre, sans direction, allant en toute hâte partout où les entraînaient leurs désirs. Maintenant, le Seigneur vous prescrit de ranger vos affections à lui et d’appliquer vos cœurs à vos voies, afin de ne rien faire sans jugement et sans réflexion ; que toujours le flambeau de la loi précède vos pas, et dites : « Votre loi est le flambeau qui dirige mes pas et la lumière qui éclaire mes sentiers. » Psa. 118, 105. Ou assurément voici le sens : Puisque vous dites que le temps n’est pas venu d’édifier la maison du Seigneur, et que vous habitez vous-mêmes dans des demeures qui sont cachées dans les bas-fonds, tandis que ma maison est déserte, moi le Seigneur je vous donne l’ordre de considérer et de rappeler en votre mémoire et ce que vous avez fait et les maux que vous avez soufferts.

« Vous avez semé beaucoup, et vous avez peu recueilli ; vous avez mangé, et vous n’êtes pas rassasiés ; vous avez bu, et vous n’êtes pas désaltérés ; vous vous êtes vêtus, et vous ne vous êtes pas réchauffés. Celui qui a amassé de l’argent, l’a mis dans un sac percé. » Agg. 1, 5-6. Tout votre travail a été vain, parce que vous négligez la maison de Dieu pour bâtir les vôtres. Vous avez semé beaucoup, et vous avez recueilli bien moins que vous n’aviez semé, et vous ne pouvez pas dire pourtant que la famine est venue de ce que le laboureur a cessé de cultiver la terre. Vous avez mangé – nul de vous ne peut prétendre qu’il y a eu jeûne volontaire – et vous n’avez pas été rassasiés, parce que vous n’aviez amassé que peu de fruits dans les greniers. Vous avez bu le vin de vos vignes, mais pas assez pour qu’il portât la joie dans votre cœur et qu’il fût dit à votre sujet : « Le vin réjouit le cœur de l’homme. » Psa. 103, 15. Vous avez eu un manteau, mais il n’a pas été une sauvegarde contre le froid, et il n’a pas maintenu la chaleur. Quiconque d’entre vous, soit par un négoce, soit par une œuvre mercenaire, a réuni des richesses, a dépensé en vain un travail qui est devenu sans résultat, puisque tout cet argent s’est échappé de ses mains, comme tombe celui qu’on met dans une bourse percée.

Au sens mystique, ceux qui, étant retournés de Babylone, au lieu de rebâtir le temple de Dieu, diffèrent de jour en jour de le relever, en disant : « Le temps n’est pas encore venu de bâtir la maison du Seigneur », et qui, n’étant plus captifs, ni encore en pleine liberté, sont retenus dans une sorte d’état intermédiaire, – ceux-là ont semé beaucoup et ils ont peu recueilli ; ils ont mangé, et ils n’ont pas été rassasiés ; ils ont bu, et n’ont point été désaltérés ; ils se sont couverts, et ils n’ont pas été réchauffés ; ils ont amassé des richesses, et ils les ont perdues, comme s’ils les avaient mises dans une bourse percée. Quand entre beaucoup d’œuvres peccamineuses un homme en fait quelques-unes de bonnes, Dieu est trop juste pour que les mauvaises, si nombreuses qu’elles soient, lui fassent oublier le petit nombre des bonnes ; mais il accorde à cet homme de recueillir et d’enfermer en son grenier le fruit de ce qu’il a semé dans la bonne terre. Quant à celui qui est entièrement apostat, il n’aura absolument rien à manger, il périra de faim. Or, celui qui sème beaucoup et qui récolte peu, mange peu, et non pas à satiété, selon cette menace du Seigneur dans les malédictions du Lévitique : « Vous mangerez, et vous ne serez point rassasiés. » Lev. 26, 26. Au contraire, celui qui est saint mangera jusqu’à se rassasier, et ce sera l’accomplissement de cette parole de l’Écriture : « Le juste mange et remplit son âme. » Pro. 13, 25. Pareillement, celui qui ne boit rien, meurt de soif, comme il est dit dans Judith (si toutefois on ne veut pas rejeter le livre d’une femme) : « Les petits enfants périrent de soif. » Jdt. 16, 1 seqq. Celui qui boit peu, boit sans doute, mais non pas jusqu’à se désaltérer. Mais celui qui peut dire au Seigneur : « Qu’il est beau votre calice enivrant ! » Psa. 22, 4, qui s’enivre avec Noé, Gen. 9, 1 seqq. et, quoique retenu en Égypte, qui boit à pleines coupes le vin du festin de Joseph, avec les patriarches et avec ses frères, Gen. 43, 1 seqq. – celui-là, à cause de la grandeur de son allégresse et de sa joie de chaque jour, se plongera dans l’extase avec les Apôtres, et on dira de lui qu’il est plein de vin nouveau. Act. 2, 1 seqq. Comment à cette exposition n’est pas contraire le fait des enfants de Jonadab, fils de Réchab, loués par le Seigneur parce qu’ils ne burent pas de vin, c’est ce qui sera établi plus à propos dans Jérémie. Jer. 35, 1 ss.

Il est dit ensuite à ceux qui négligeaient de bâtir le temple du Seigneur : « Vous vous êtes couverts, et vous n’avez pas été réchauffés. » C’est ce que nous comprendrons d’après le psaume cent trois, où il est dit de Dieu : « L’abîme l’environne comme un vêtement. » Le texte hébreu rapporte sans doute cette parole aux terres, qui ont pour ceinture l’Océan ; mais la version des Septante, qui a mis : « Environne lui », au masculin, et non elle au féminin, nous contraint de l’appliquer à Dieu, en ce sens que sa sagesse est insondable ; que le Seigneur a choisi sa retraite dans les ténèbres, Psa. 17, et que ses mystères ne sont pas découverts à ceux qui en sont indignes. De là ce cri de joie du juste : « J’ai caché vos ordonnances dans mon cœur, afin de ne pas pécher contre vous. » Psa. 118, 11. Ce manteau, tissu des sens et des paroles multiples de la sagesse, ne permet pas que ceux dont l’esprit est fervent se refroidissent, et que le souffle de Borée diminue la chaleur de l’amour. Pour celui qui est dans un état intermédiaire, et qui a un manteau sans doute, mais n’en est pas entièrement recouvert, de même qu’ayant amassé peu dans son grenier, il a mangé et n’a pas été rassasié, et qu’il a bu sans être désaltéré, de même il sera revêtu du manteau de sa science des Écritures et de ses œuvres, mais il ne sera pas réchauffé. Enfin, celui qui n’a pas de manteau à cause de la trop grande pauvreté de son âme, n’en a point, parce que, l’iniquité s’étant multipliée, la charité s’est refroidie en lui. Mat. 24, 1 seqq. Aussi au sujet de cet homme, dont un autre possède le manteau, il y a ce précepte dans la loi : « Vous lui rendrez son vêtement avant le coucher du soleil, parce qu’il est pauvre, et qu’il n’a d’espérance qu’en lui », Deu. 24, 15. Il arrive en outre, à ceux qui habitaient dans le fond des vallées ou dans des maisons ornées de lambris, et qui disaient : « Le temps n’est pas encore venu de bâtir la maison du Seigneur », qu’ils amassent des richesses dans un sac percé. Celui d’entre nous qui fait de bonnes œuvres, dignes de la récompense que doit nous accorder le Seigneur, dont il est dit : « Voici le Seigneur, et il tient la récompense en ses mains », Isa. 40, 10 ; 62, 11, « pour rendre à chacun selon ses œuvres ; » Mat. 16, 27 ; et dans l’Apôtre : « Si l’ouvrage que quelqu’un aura bâti sur le fondement du Christ subsiste, il en recevra la récompense », 1Co. 3, 13, celui-là, dis-je, amasse des richesses impérissables, et ajoutant toujours les vertus aux vertus, entasse son argent dans un sac qui n’est point percé. Pour celui qui, après de bonnes œuvres, pèche, non pas une et deux fois, mais souvent, et qui souille et obscurcit la charité d’autrefois par les vices ultérieurs, il amasse de l’argent dans une bourse percée. Voilà, les maux réservés à ceux qui disent : Le temps n’est pas encore venu de bâtir la maison du Seigneur, et qui habitent eux-mêmes dans les vallées, pendant qu’ils souffrent que la maison du Seigneur soit déserte.


« Voici ce que dit le Seigneur des armées : Appliquez vos cœurs à vos voies ; montez sur la montagne, portez du bois, bâtissez ma maison, elle me sera agréable, et j’y manifesterai ma gloire, dit le Seigneur. » Agg. 1, 7, 8. Les Septante : « Voici ce que dit le Seigneur tout-puissant : Appliquez vos cœurs à vos voies, montez sur la montagne, et coupez du bois. » Le reste comme dans le texte hébreu. Moi, le Seigneur, je vous renouvelle cet ordre que je vous ai donné déjà : Appliquez vos cœurs à vos voies, considérez tout ce que vous faites, et, abandonnant votre zèle pour vos demeures dans les vallées, montez sur la montagne, où croissent les bois qui ne sont pas pour brûler, mais qui sont propres à l’édification de ma maison ; et afin que vous accomplissiez ce travail avec plus d’attention, sachez que cette œuvre doit m’être agréable. Les Hébreux disent que les bois seuls leur furent nécessaires pour mettre le comble à l’édifice, les murs du temple étant demeurés debout après l’incendie. Voilà pour eux. Quant à nous, il nous est prescrit de ne point appliquer nos cœurs en dehors de nos voies, de nous élever de nos maisons dans la vallée, jusque sur la montagne, afin que, lorsque nous aurons atteint le sommet, où croissent les différents bois nécessaires à l’édification du temple de Dieu, choisis sur toute la montagne de l’Écriture sainte, sur laquelle ont été plantés les arbres divers des vertus et du paradis, nous coupions ces bois et nous bâtissions le temple du Seigneur avec les bonnes œuvres et les dogmes de la vérité ; afin qu’après avoir été reconstruit, il soit agréable au Seigneur, qui s’y glorifiera. Voici donc ce qui nous est prescrit : d’appliquer nos cœurs à nos voies, de monter sur la montagne de la raison, et pour chaque problème, cherchant dans la forêt des témoignages de l’Écriture les bois qui conviennent, de les couper et d’édifier la maison de la sagesse en nous ; et en effet, lorsque cette maison sera construite, son couronnement sera que le Seigneur se glorifie en nous.


« Vous avez étendu votre cupidité, et j’ai diminué vos biens ; vous les avez apportés à votre demeure, et mon souffle les a dissipés. » Agg. 1. 9. Les Septante : « Vous avez convoité beaucoup de choses, et elles ont été réduites à un petit nombre ; vous les avez apportées à votre demeure, et mon souffle les a dissipées. » Afin que, coupant court à tout retard et à toute hésitation, vous bâtissiez avec plus de diligence ma maison, j’ajoute autre chose encore qui vous arriverait pour avoir différé de construire mon temple. Je ne vous dis plus : « Vous avez semé beaucoup », et parce que la terre n’a pas répondu à la semence, « vous avez recueilli peu ; » je vous dis : La moisson étant mûre et le temps de la cueillir vous pressant, lorsque vous pensiez tenir en mains le blé en abondance, vous n’avez moissonné que de légères et inutiles gerbes de paille aux épis vides de grain. Les aires étaient pleines : vous aviez l’espoir dans les yeux, et la déception dans les mains. Et puis, lorsqu’à grand peine vous avez eu tiré quelques grains d’une grande moisson et des nombreux monceaux que vous avez vannés, vous avez porté ce peu de grain dans votre demeure, et ma puissance l’a dissipé. Je l’ai touché de mon souffle et je l’ai réduit à néant : ce blé mort, aux pellicules vides, a produit du son impropre à vous nourrir, et n’a pas rendu de farine. Ce trait du texte : « Vous l’avez apporté dans la maison, et mon souffle l’a dissipé », pourrait s’entendre aussi des dons qu’ils offraient sur l’autel, et que le souffle de Dieu aurait rendus inutiles. Mais à cause des mots : « Vous avez apporté dans la maison », si parce qui est apporté, nous entendons les offrandes, évidemment, c’est dire qu’elles ont été faites dans le temple, et il y aura là une inconséquence, puisqu’en ce temps-là la maison de Dieu n’était pas encore bâtie.

Cette prophétie, de nos jours encore, continue à s’accomplir contre ceux qui habitent dans des demeures bâties dans l’abjection, qui insultent, autant qu’il est en eux, à la désolation de la maison de Dieu, et qui dédaignent de la relever, pouvant le faire. Comme s’ils voyaient leurs moissons déjà mûres, ils se promettent les fruits de leurs œuvres, et déçus dans cette espérance, au lieu de beaucoup qu’ils attendaient, ils ne trouvent que bien peu ; et ce peu, qu’ils avaient enfermé dans la demeure et le grenier de leur esprit, le souffle de la parole de Dieu le dissipe, comme indigne de sa garde et de sa protection. Que de fois j’ai vu des hommes sur qui les plus grandes espérances étaient fondées tant pour la doctrine que pour les actions ; et quand arrivait pour eux le temps de la moisson, c’est-à-dire le temps d’enseigner et de donner aux peuples l’exemple de leur vie, ils ôtaient précipités de haut, et l’on trouvait moins en eux que l’opinion de tous s’en était promis ; et alors il est arrivé, la négligence se glissant, que ces hommes ont ensuite perdu même le peu qu’ils paraissaient avoir. Ils ont été frappés de ce malheur, parce qu’ils sont demeurés en sécurité dans leurs demeures primitives, qu’ils ne sont pas montés sur la montagne des Écritures, pour y couper les bois nécessaires à la construction du temple du Seigneur, et qu’au lieu de construire chaque jour en eux ce temple, ils ont méprisé à sa désolation et ont perdu même le peu qu’ils croyaient avoir. Voilà quelle est la cause du mal dont il a été parlé plus haut.

« C’est pourquoi, dit le Seigneur des armées ; parce que ma maison est délaissée et que chacun de vous se hâte d’aller à la sienne, voilà pourquoi j’ai défendu aux cieux de répandre leur rosée, et pourquoi la terre a empêché la plante de germer. ». Agg, 1, 10. Non seulement les cieux n’ont pas donné la pluie, qui, arrosant le sol, le rend fécond en fruits, mais ils ont refusé même la rosée du matin et de la nuit, qui aurait du moins tempéré de quelque humidité la brûlante sécheresse des champs. La terre à son tour a dévoré et retenu en son sein avare et le fruit que le laboureur attend de sa semence, et ce qu’elle produit d’habitude d’elle-même. Cette rosée, je pense, est celle dont il est dit à Jacob dans la bénédiction : » Que Dieu le donne de la rosée du ciel », Gen. 27, 28, cette rosée de l’Hermon qui descend sur la montagne de Sion, Psa. 132, 1 seqq. et qui descend, point des airs dans lesquels volent en grand nombre les aigles, les éperviers et les vautours, mais du ciel même, afin que, si une âme est brûlée par le feu des passions et blessée par les traits du diable, cette rosée la rafraîchisse et tempère les ardeurs qui la dévorent. Sans cette rosée, la terre elle-même ne produit aucun germe : nulle âme ne peut produire du froment sans la rosée de Jésus-Christ.

« J’ai appelé sécheresse sur la terre, sur les montagnes, sur le blé, sur le vin, sur l’huile, sur toutes les productions du sol, sur les hommes, sur les animaux, et sur toutes les œuvres des mains. » Agg, 1, 11. Au lieu de sécheresse, les Septante ont traduit par « glaive », mais le mot hébreu est écrit par les trois lettres Heth, Res, Beth et si nous lisons Hareb, il signifie glaive ; si nous lisons Oreb, il se traduit par aridité, ou plutôt par « vent brûlant. » Or, puisque le discours a trait à la terre et à la stérilité des champs, il me paraît préférable de traduire ici par « vent brûlant » que par « épée », bien que ce dernier terme puisse désigner en général toute plaie infligée aux hommes pour leurs péchés. La sécheresse ou l’épée a été appelée sur la terre et sur les montagnes, afin qu’elles ne portent ni blé, ni vin, ni huile, ni aucune des productions spontanées du sol. La famine venant d’abord, elle est nécessairement suivie de la mort pour les hommes et les animaux, et le même glaive ou vent brûlant consume tous les travaux qu’ont faits les mains des hommes.

Disons donc que]a parole de Dieu, vivante et efficace, et plus acérée que tout glaive à deux tranchants, Heb. 4, 1 seqq. est appelée ou envoyée, afin que l’âme négligente, cette terre aride qui aime mieux habiter dans les délices qu’édifier la maison de Dieu, soit frappée de son tranchant et perde tout ce qu’elle croit avoir de fruits. Le glaive est tiré aussi sur les montagnes qui s’élèvent contre la science de Dieu, et sur le blé, sur le vin, et sur l’huile, dont les conciliabules des hérétiques nourrissent et abreuvent, comme d’aliments et de boissons agréables, les peuples trompés. On peut dire, en toute vérité que leur pain est un pain de deuil ; que leur vin est un venin de dragons, mortel et sans remède comme le venin des aspics ; que leur huile, ces promesses de la béatitude céleste dont ils oignent, – pour ainsi dire, leurs disciples, en leur assurant la récompense de leurs travaux, est celle que repoussait le roi-prophète en ces mots : « Que l’huile du pécheur n’engraisse point ma tête. » Psa. 140, 5. Le glaive de Dieu frappe également toutes leurs autres productions, les inventions qu’ils tirent d’eux-même, comme s’ils continuaient les Apôtres, en dehors de l’autorité et des témoignages des Écritures. Quant aux hommes et aux animaux qu’il abat, ce sont les pensées et les opinions des hérétiques, ou certainement ceux d’entre eux qui sont raisonnables en même temps que ceux qui ne le sont pas, c’est-à-dire les savants et les ignorants ; tous les travaux de leurs mains, leurs jeûnes, leurs pratiques diverses, leurs nuits passées sur le sol nu comme couche. Ceux d’entre eux qui font trois jeûnes de quarante jours par an, qui châtient leur âme par les xérophagies, et qui croissent surtout de la souche de Tatien, entendent cette condamnation de leurs travaux : « C’est sans cause que vous avez traversé de si grandes épreuves. » Tout ce qui a été dit peut s’entendre aussi des recteurs de l’Église qui, tout entiers à l’édification de leur maison charnelle et à la prospérité de leurs enfants et de leurs biens temporels, n’ont nul souci, soit de bâtir en eux-mêmes le temple de Dieu, soit de restaurer l’Église du Seigneur, ouverte aux intempéries et tombant en ruines ; trop souvent leur vie et leurs discours inconvenants scandalisent un grand nombre d’âmes, les jettent hors de l’Église, et amènent la solitude dans la maison de Dieu. Ce n’est pas ici une accusation générale contre tout le clergé ; mais dans toute fonction et dans tout grade, pendant que les uns bâtissent le temple de Dieu, d’autres le détruisent, et à cause de leur crime, ni les deux ne répandent la rosée, ni la terre ne porte ses moissons ; le sol est rongé de sécheresse, les montagnes sont arides ; le blé, l’huile, toutes les productions de la terre, les hommes eux-même et les animaux, et toutes les œuvres des mains périssent sous le tranchant du glaive et par la sécheresse ou le vent brûlant.


« Alors Zorobabel, fils de Salathiel ; Jésus, fils de Josédec, grand-prêtre, et tout le reste du peuple, entendirent la voix de leur Dieu, et les paroles du prophète Aggée, que le Seigneur leur Dieu avait envoyé vers eux, et le peuple trembla devant la face du Seigneur. » Agg. 1, 12 Observons bien, à cause des deux figures du Sauveur, en Zorobabel chef et en Jésus prêtre – car il est à la fois prêtre et roi, – que la prophétie ne dit pas : Zorobabel et Jésus tremblèrent ; elle dit que Zorobabel, Jésus et le peuple, ayant entendu les paroles du prophète Aggée, qui sont les paroles du Seigneur, le peuple seul trembla devant la face du Seigneur, c’est-à-dire la seule multitude, qui n’était pas encore parvenue à l’homme uni et parfait, et, n’étant pas intimement unie à l’esprit, ne méritait pas d’être ce qu’est l’esprit. De peuple trembla devant la face du Seigneur, sachant qu’elle s’arrête sur ceux qui font le mal, pour effacer leur mémoire de la terre. Psa. 33, 1.


« Et Aggée, envoyé du Seigneur dans les ambassades du Seigneur, dit au peuple : Je suis avec vous, dit le Seigneur. » Agg. 1, 13, D’aucuns pensent que Jean-Baptiste, Malachie, dont le nom veut dire « Ange du Seigneur », et Aggée que nous avons maintenant en main, furent des Anges qui avaient pris des corps humains et vécurent parmi les hommes à cause de l’économie du plan divin et par l’ordre de Dieu. On ne doit pas s’étonner de cette croyance au sujet des anges, disent-ils, puisque le Fils de Dieu lui-même s’est revêtu d’un corps humain pour notre salut ; et pour la défense de leur cause, ils ont recours à des témoignages apocryphes qui avancent que Jacob, qui plus tard fat appelé Israël, Gen. 32, 1 seqq. était un ange, et que c’est pour cela qu’il supplanta son frère dans le sein maternel. Gen. 25, 1 seqq. C’est ainsi, concluent-ils, qu’à la voix de Marie, mère du Seigneur, Jean tressaillit de joie dans le sein d’Élisabeth ; Luc. 1, 1 ss ; d’ailleurs, la nature de tous les êtres raisonnables est la même, et à cause de cela, tous les hommes qui ont plu à Dieu deviennent les égaux des anges. Laissons-leur cette opinion. Pour nous, entendons que par envoyé du Seigneur ou ange, en hébreu Malach, Aggée a simplement voulu dire prophète, parce qu’il avait annoncé au peuple la volonté du Seigneur, ou qu’il s’est exprimé ainsi comme type précurseur du Sauveur, qui est souvent appelé ange de Dieu, comme dans cet exemple : « L’ange du grand conseil. » Isa. 9, 6. Quand il dit : « Envoyé du Seigneur, du nombre des envoyés du Seigneur », c’est comme s’il disait : Prophète d’entre les prophètes. Pour le reste : « Envoyé du Seigneur, disant au peuple : Je suis avec vous, dit le Seigneur », il ne s’adresse ni à Zorobabel ni à Jésus, avec qui et en qui était toujours le Seigneur, – j’ai déjà dit qu’ils sont l’un et l’autre dés figures du Seigneur dans des sens différents, – mais au peuple qui avait tremblé devant la face du Seigneur. Parce qu’il était peuple, il n’était pas encore parvenu à cet amour de Dieu qui exclut la crainte. Le peuple reçoit donc, la récompense de sa crainte de Dieu, qui est que le Seigneur soit avec lui. Voici le sens : Je serai votre auxiliaire, bâtissez ma maison, qui a été détruite en vous ; grâce à ma présence au milieu de vous, nul ne pourra s’opposer à votre œuvre de reconstruction.

« Et le Seigneur suscita l’esprit de Zorobabel, fils de Salathiel, chef de Juda, l’esprit de Jésus, fils de Josédec, grand-prêtre, et l’esprit du reste de tout le peuple ; et ils entrèrent dans le temple, et ils travaillaient à l’œuvre de la maison de leur Dieu, du Seigneur des armées, le vingt – quatrième jour du sixième mois, et la seconde année du règne de Darius. » Agg. 1, 14. Au lieu de « chef de Juda » la version des Septante porte « de la tribu de Juda », et au lieu de « à l’œuvre », elle porte « aux œuvres ; » le reste est semblable, sauf que partout où nous écrivons « Seigneur des armées », ils mettent tantôt « Seigneur tout-puissant », tantôt « Seigneur Sabaoth », et tantôt « Seigneur des vertus. » Au sens littéral, l’esprit de Zorobabel et l’esprit de Jésus sont suscités, afin que la royauté et le sacerdoce s’unissent pour l’édification du temple de Dieu. Dieu suscite aussi l’esprit du peuple, qui dormait en eux ; non le corps, ni l’Aine, mais l’esprit qui sait mieux bâtir le temple. « Et étant entrés », car ils étaient dehors, « ils faisaient des œuvres », qui étaient dignes du sanctuaire de la maison du Seigneur. Cela avait lieu la même année et le même mois du règne de Darius, qui ont été énoncés au commencement, mais non le même jour, puisque là c’est le premier jour, et ici le vingt-quatrième, afin qu’entre le jour où le Seigneur se fait entendre par la voix d’Aggée et le vingt-quatrième, qui est celui de leur entrée clans la maison du Seigneur pour y travailler, il y ait vingt-deux jours intermédiaires, autant qu’il y a de lettres dans l’alphabet hébreu. Il leur était nécessaire d’apprendre quels étaient les éléments du commencement des discours de Dieu, qui les empêcheraient de dire : « Le temps n’est pas encore venu de bâtir la maison du Seigneur », alors qu’eux habitaient dans des maisons au fond des vallées, et étaient retenus au fond de l’abîme. Ils devaient être ensuite exhortés à appliquer leurs cœurs à leurs voies, et à se souvenir de tous les maux qu’ils avaient soufferts à cause de leur négligence ; à monter sur la montagne, et à couper le bois pour édifier la maison du Seigneur, afin d’échapper aux peines qui les avaient frappés auparavant. Enfin, dans ces vingt-deux jours, le peuple craignit devant la face du Seigneur, et c’est alors, le vingt-quatrième jour du sixième mois de la seconde année du règne de Darius, qu’ils entrèrent et qu’ils firent leur œuvre dans la maison du Seigneur des armées, leur Dieu.

Afin que la maison spirituelle puisse être construite pour un sacerdoce sain t et pour l’oblation des victimes spirituelles agréables h Dieu, il nous est prescrit de nous conduire de telle sorte que l’Esprit saint soit suscité en nous, que nous entrions dans la maison de Dieu, et que nous y fassions les œuvres du Seigneur. Déjà, en effet, Zorobabel, de la race de David, et Jésus, le prêtre éternel, a été suscité par le Père dans sa puissance, selon l’esprit de sanctification, et il est ressuscité d’entre les morts pour présider à notre œuvre ; faisons-la donc, avec son aide et sous sa direction. Mais les œuvres de Dieu, nous ne pouvons les faire qu’après avoir tremblé devant la face du Seigneur, avoir cru, être entrés dans le temple de Dieu, et avoir appris ce qui est digne de la maison de Dieu. Parce que nous sommes encore en ce monde, et que le temps de notre édification est sous le règne de Darius, qui est celui de l’assujettissement à la génération, aux mariages et à la chair, c’est dans le nombre six, qui est celui de la création du monde, et dans le nombre deux, qui rompt l’union, (car l’œuvre dans laquelle consiste la restauration du monde et la procréation, aime le nombre deux), que nous entrons dans la maison du Seigneur, et que, l’un et l’autre peuple étant assemblés, nous, construisons le temple de Dieu. La somme de deux fois le nombre douze donne en effet le nombre vingt-quatre, parce que la première Église de Jésus-Christ, qui avait été renversée, a été rebâtie, tant avec des circoncis qu’avec des incirconcis. Nous pouvons dire aussi que le nombre huit, qui est saint et accepté comme figure de la vraie circoncision, si on le triple, produit le nombre vingt-quatre, ce qui nous enseigne mystiquement que nous devons édifier la maison du Seigneur dans le retranchement de la chair et dans la circoncision des vices, et croire que la vraie pureté n’existe qu’au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Un autre commentateur a compté ici six fois le nombre quatre, et il rapporte quatre aux éléments du monde d’où nous subsistons, et six à la création du monde qui renferme ces quatre éléments. Puis il dit : Parce que nous sommes encore dans la matière, entourés de ce corps pesant et asservis à la génération, nous construisons sans doute le temple, nous entrons dans la maison de Dieu, et notre esprit est comme suscité d’un lourd sommeil ; mais c’est encore dans le vingt-quatrième jour que nous faisons cela.

« Le septième mois et le vingt-unième jour, Dieu déposa sa parole aux mains du prophète Aggée, et lui dit : Parle à Zorobabel, fils de Salathiel, chef de Juda, à Jésus, fils de Josédec, grand-prêtre, et au reste du peuple, et dis-leur : Quel est celui d’entre vous revenu de la captivité qui a vu cette maison dans sa première gloire ? et que voyez-vous maintenant ? ne vous parait-elle pas comme si elle n’était pas devant vos yeux ? Mais rassurez-vous, ô Zorobabel, dit le Seigneur, rassurez-vous, Jésus, fils de Josédec, grand-prêtre, rassurez-vous, tout peuple de cette terre, dit le Seigneur des armées, et travaillez, parce que je suis avec vous, dit le Seigneur des armées. Je vous garderai la promesse que je vous fis à la sortie de l’Égypte, et mon esprit sera au milieu de vous ; ne craignez point, car voici ce que dit le Seigneur des armées : Encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel et la terre, la mer et le continent, et j’ébranlerai tous les peuples. Et le désiré de toutes les nations viendra, et je remplirai cette maison de gloire, dit le Seigneur des armées. L’argent est à moi, et l’or est à moi, dit le Seigneur des armées. La gloire de ce temple sera encore plus grande que celle du premier, dit le Seigneur des armées ; et je donnerai la paix en ce lieu, dit le Seigneur des armées. » Agg. 2, 1 et seqq. La même année, mais le septième mois, dans lequel sont les solennités de Dieu, vingt-unième jour, c’est-à-dire à l’accomplissement de trois hebdomades, et le repos étant parfait dans le mystère de la Trinité, la parole du Seigneur fut déposée pour la troisième fois aux mains du prophète Aggée, qui s’appliquait à un travail continuel, afin que la parole de Dieu eût toujours accès en lui. Oubliant ce qui était derrière lui, et s’avançant vers ce qui était devant lui, Phi. 3, 1 ; il travaillait chaque jour comme s’il n’eût rien obtenu des précédents travaux. Il lui est donc dit : « Dites à Zorobabel, à Jésus et au reste du peuple », qui ont vu l’ancienne maison de Dieu, et qui assistent maintenant à son relèvement : En comparaison de celle d’autrefois, cette maison qu’on voit maintenant, n’est-elle pas en quelque sorte comme si elle n’était pas ? Mais gardez – vous de désespérer et de laisser tomber vos bras de lassitude ; vous Zorobabel, et vous Jésus, et tout le peuple, soyez pleins d’énergie, et faites votre œuvre dans ma maison, car je suis avec vous, me souvenant de la promesse que je vous fis à la sortie de la terre d’Égypte. Mon esprit ne se retirera point de vous : ne craignez point, c’est moi qui vous l’ordonne, le Seigneur tout-puissant, dont la parole équivaut à l’action. Lorsque je donnai le premier Testament, et que je me montrai sur le mont Sina, j’ébranlai le ciel et la terre, et la mer Rouge et le désert, pour établir mon alliance avec vous ; maintenant je vous promets que j’ébranlerai encore le ciel et la terre, la mer et le continent ; après cela, toutes les nations seront ébranlées, et, d’après les Septante, « les choses choisies du Seigneur viendront » d’entre toutes les nations, ou, d’après l’hébreu, « le Désiré de toutes les nations viendra », notre Seigneur et Sauveur. Alors je remplirai cette demeure d’une gloire plus grande que celle de la première, et je vous grandirai toujours, dit le Seigneur tout-puissant. N’allez pas croire que je suis un faible répondant : l’or est à moi, l’argent est à moi, et toutes les richesses sont à moi. Je donnerai l’or et l’argent pour l’ornement du temple, afin que la gloire de cette maison devienne plus grande que celle de la première. Comme ce que je promets est difficile, et que l’humaine incrédulité doute toujours devant les grandes promesses, je répète que moi qui promets, je suis le Seigneur tout-puissant. Comme je sais que pour l’édification de cette magnifique demeure, qui doit surpasser l’ancienne, rien ne peut faire comme la paix, je vous promets aussi cette paix. Je vous donnerai la paix en ce lieu, dit le Seigneur des armées, afin que la paix, qui surpasse tout sentiment garde ma maison, et que mon lieu soit en paix.

J’ai dessiné en manière de paraphrase ces grandes lignes du commentaire, afin que de là, si je gardais même le silence, le lecteur prudent s’élevât à une intelligence plus haute du texte. La parole de Dieu s’adresse à ceux qui avaient commencé de travailler dans la maison du Dieu tout-puissant, étant déjà dans le repos, c’est-à-dire dans le septième mois, en plein mystère de la Trinité, le vingt-et-unième jour du mois, et à Aggée célébrant les fêtes de Dieu, et qui avait de nouveau préparé sa main pour la parole du Seigneur ; et il lui est dit : Parlez à Zorobabel de la tribu de Juda, et à Jésus grand-prêtre, qui a daigné se faire homme et prêtre pour nous, et aux restes du peuple ; car, en comparaison de tout l’univers, le nombre des fidèles fut petit au commencement. Écoutons donc ce qui est dit. Il y eut autrefois en Israël une maison de Dieu, qui est maintenant tellement déserte, qu’on croirait qu’elle ne fut jamais, depuis que celle qui avait été la bien – aimée, est devenu la non aimée, et que celui qui n’était pas le peuple de Dieu a commencé d’être le peuple de Dieu. Cette maison, autrefois glorieuse, est maintenant en présence de Zorobabel et de Jésus et des restes du peuple, comme si elle n’était pas. Et nous devons entendre cela, non seulement des constructions du temple qui, nous le voyons, sont tombées en ruines, mais aussi de tout ce que les Juifs eurent jadis de remarquable. Or, parce que la maison primitive est devenue comme si elle n’existait pas, Zorobabel chef et Jésus prêtre sont exhortés à fortifier le règne et le sacerdoce du Christ ; et son peuple, qui fut autrefois le peuple de la terre, exhorté à faire ses œuvres dans la maison du Seigneur, sachant que Dieu est présent pour lui ; et à observer aussi l’alliance que le Seigneur fit avec lui quand il le fit sortir de la terre d’Égypte. Plaise au ciel que nous aussi nous sortions de l’Égypte, et que nous accomplissions la parole du testament que nous avons reçu. À ceux qui font leurs œuvres dans sa maison et accomplissent la parole qu’ils ont reçue, le Seigneur Dieu promet aussi son Esprit : « Et mon Esprit sera au milieu de vous. » Voilà le mystère de la Trinité : Je suis avec vous, et vous avez mon Esprit, et le Verbe, en qui j’établis l’alliance quand vous sortiez de l’Égypte. Pour ces mots : « Au milieu de vous », ils doivent être entendus dans le même sens que ceux de l’Évangile : « Il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas, celui qui viendra après moi. » Jn. 1, 26.

Voilà donc ce que vous dit le Seigneur des armées, avons qui voyez la première maison comme si elle n’était pas : J’ai ébranlé le ciel, lorsque ma voix s’est fait entendre du haut du ciel. J’ai ébranlé la terre, et quand je donnai le Testament à mon premier peuple, et quand, à mon avènement, on ne voyait qu’obscurités, troubles et ténèbres.

J’ai ébranlé la mer Rouge, quand je livrai passage au peuple qui passait. J’ai ébranlé le sol aride, soit par les plaies l’Égypte stérile quant au culte de Dieu, soit le désert à travers lequel je conduisis le peuple pendant quarante ans. Je les ébranlerai une fois encore. C’est ce qui s’est accompli en effet à l’avènement du Sauveur, puisqu’au temps de la Passion, le soleil ayant fui, le ciel fut ébranlé et les ténèbres se répandirent sur toute la terre, depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième. Mat. 27, 1 ss ; Luc. 23, 1 seqq. La terre fut ébranlée : les rochers se fendirent, et les tombeaux s’ouvrirent d’eux-mêmes. La mer fut ébranlée, le dragon qui était dans son sein ayant été mis à mort. Le sol aride fut ébranlé, c’est-à-dire le désert autrefois stérile de la Gentilité. Dans cet ébranlement de l’univers, toutes les nations aussi furent ébranlées, puisque la voix des Apôtres du Seigneur retentit par toute la terre, et que leurs paroles pénétrèrent jusqu’aux extrémités de l’univers. Psa. 18, 1 seqq. Or, toutes les nations ont été ébranlées, afin que, par leur ébranlement, vînt la multitude choisie des nations, et ce qu’il y avait d’excellent en tous lieux. Par exemple, l’élite de Corinthe, parce que le peuple de Dieu était nombreux en cette ville ; l’élite de la Macédoine, parce que la florissante Église de Dieu, réunie à Thessalonique, n’avait pas besoin d’être instruite de la charité. 1Th. 1, 4 ; l’élite des Éphésiens, afin qu’ils connussent les secrets de Dieu et des mystères saints qui n’avaient été jusque-là révélés à nous autres. Que dirai-je de plus ? elles furent ébranlées toutes les nations auxquelles le Sauveur avait envoyé les Apôtres avec cet ordre : « Allez, instruisez toutes les nations », Mat. 18, 29, et de ce grand nombre d’appelés le petit nombre d’élus construisirent la primitive Église. De là le langage de l’apôtre Pierre : « Celle qui est élue dans Babylone vous salue, et avec elle Marc, mon fils. » 1Pi. 5, 13 ; et de Jean : «, Le plus vieux de la dame élue », dit-il, et il rappelle ensuite les enfants de l’élue. Par conséquent, les nations ayant été ébranlées, et nous pouvons aussi voir en elles la figure des puissances de l’enfer, qui ne peuvent soutenir l’éclat de la victoire du Seigneur, les élites de toutes les nations sont venues, et la maison du Seigneur, qui est l’Église du Dieu vivant, la colonne et le fondement de la vérité, a été remplie de gloire. Voilà d’après les Septante.

Au reste, ce qu’il y a dans le texte hébreu vaut mieux, et est plus significatif, comme nous l’avons posé plus haut : « J’ébranlerai toutes les nations, et le Désiré de toutes les nations viendra. » C’est véritablement après sa venue que la maison du Seigneur a été remplie de gloire. Autant est grande la distance du Seigneur à un serviteur, autant la maison du Seigneur, à laquelle le Seigneur préside, est meilleure que la maison première, à la tête de laquelle fut un serviteur. Sur ces mots : « L’argent est à moi, et l’or est à moi, dit le Seigneur des armées », nul ne pense, je me plais à le croire, que la prophétie parle de l’argent et de l’or que possèdent les riches et les rois. À ce titre, ce ne sont pas seulement l’or et l’argent qui sont à Dieu comme Créateur, mais aussi les autres métaux, l’airain, l’étain, le plomb, et le fer, qui les dompte tous. À mon avis, l’argent dont est ornée la maison de Dieu, ce sont les doctrines des Écritures, dont il est dit : « Les paroles du Seigneur sont des paroles chastes ; c’est un argent éprouvé au feu, purifié dans la terre, et raffiné jusqu’à sept fois ; » Psa. 11, 7 ; et l’or, c’est la sagesse qui réside dans le sens caché des Saints et dans le secret du cœur, et qui brille de la véritable lumière de Dieu, et c’est évidemment la pensée de l’Apôtre sur les saints, quand il dit qu’ils édifient sur le fondement de Jésus-Christ l’or, l’argent et les pierres précieuses, cri sorte que l’or soit le sens mystique, que l’argent soit l’éloquence chaste, et que les pierres précieuses soient les œuvres agréables à Dieu. 1Co. 3, 1 seqq. Par ces métaux, l’Église du Sauveur est plus resplendissante que ne fut autrefois la synagogue ; c’est de ces pierres vivantes qu’est bâtie la maison de Jésus-Christ, et la paix éternelle lui est accordée. Quant à ce qui suit dans les Septante : « Et la paix de l’âme est donnée à quiconque est créé, afin qu’il suscite ce temple », je l’ai omis comme superflu et presque incohérent, parce qu’on ne le trouve ni chez les Hébreux, ni chez aucun autre interprète.

« Le vingt-quatrième jour du neuvième mois, la seconde année de Darius, la parole du Seigneur fut adressée au prophète Aggée, et lui dit : Voici ce que dit le Seigneur des armées : Interrogez les prêtres sur la loi, en disant : Si un homme met des viandes sanctifiées clans les plis de son vêtement, et qu’il en touche du pain, ou de la viande, ou du vin, ou de l’huile, ou tout autre mets, ce qu’il aura touché sera-t-il sanctifié ? Non, lui répondirent les prêtres. Et Aggée reprit : Si un homme pour s’être approché d’un cadavre touche à quelqu’une de ces choses, sera-t-elle souillée ? Oui, répondirent les prêtres. Et Aggée leur dit : Ainsi est ce peuple, ainsi est cette nation devant ma face, dit le Seigneur ; ainsi toute œuvre de leurs mains, et tout ce qu’ils m’offrent ici sera souillé. » Agg. 2, 11 et seqq. Les Septante : « Le vingt-quatre du neuvième mois, la seconde année sous Darius, la parole du Seigneur fut adressée au prophète Aggée, disant : Voici ce que dit le Seigneur tout-puissant : Interrogez les prêtres sur la loi, en disant : Si un homme prend de la chair sainte dans le bord de son vêtement, et que le bord de son vêtement touche du pain, ou un aliment cuit, ou du vin, ou de l’huile, ou toute autre nourriture, l’objet touché sera-t-il sanctifié ? Non, répondirent les prêtres. Aggée dit alors : Si un homme impur pour avoir approché d’un cadavre touche quelqu’une de ces choses, sera-t-elle souillée ? Les prêtres répondirent : Elle le sera. Et Aggée reprit : Ainsi est ce peuple, ainsi cette nation devant moi, dit le Seigneur, ainsi toutes les œuvres de leurs mains. Et quiconque s’approchera de là sera souillé ; à cause de leurs œuvres matinales, ils seront pleins de douleur à la face de leurs malices, et ils reprendront dans des portes odorantes. » J’ai cité la version des Septante, parce qu’ils semblaient s’écarter de l’hébreu dans quelques mots ; quant à ceux de la fin : « A cause de leurs offrandes matinales, », etc, on ne les trouve ni dans l’hébreu, ni chez aucun interprète. Il est à remarquer qu’après ce début : « Le vingt-quatrième jour du neuvième mois, la seconde année », il n’est pas dit pour la troisième fois, comme plus haut : « La parole du Seigneur fut déposée aux mains du prophète Aggée ;» mais bien : « fut adressée au prophète Aggée. » Tout d’abord, parce qu’il progressait encore et que, ses œuvres seules étant pures, son cœur n’avait pas encore reçu la plénitude de la sagesse, ou parce qu’il habitait encore parmi ceux qui disaient : Le temps n’est pas encore venu de bâtir là maison du Seigneur », ce n’est que dans ses œuvres que se fait la parole du Seigneur ; mais à présent, parce que les fondements du temple sont déjà jetés, que le peuple est entré avec les princes dans la maison de Dieu, qu’il fait une œuvre digne du temple de Dieu, qu’il a entendu ce mystère : « J’ébranlerai toutes les nations, et le Désiré de toutes les nations viendra », et qu’il est tout plein de la prophétie, la parole du Seigneur s’adresse toute à Aggée.

J’ai déjà traité du vingt-quatrième jour et de la neuvième, année ; le nombre neuf, qui est ajouté ici pour le mois, n’est jamais pris en bonne part dans les Écritures. Le peuple immole la Pâque et célèbre les autres fêtes ; toute solennité se clôt au huitième jour, et n’atteint jamais le neuvième. Ceux qui préparent l’agneau pascal commencent à le préparer après le neuvième jour écoulé. Le jour de la propitiation et de l’expiation du septième mois se célèbre après le neuvième jour. Jérémie nous apprend, Jer. 19, 1 ss et 52, 1 ss, on peut s’en convaincre par la lecture, que Jérusalem fut assiégée par les Babyloniens la neuvième année. C’est donc parce que la prophétie traitait de l’impur été future du peuple, qu’à la seconde année de Darius a été joint le neuvième mois. D’autre part, comme l’occasion de la pénitence lui est accordée après la punition de son impureté, c’est le vingt-quatrième jour que la parole du Seigneur s’adresse au prophète Aggée, afin que, comme tenant la place du Seigneur, il adresse aux prêtres une question née de la loi.

Il est dit à Aggée : « Interrogez les prêtres sur la loi, en disant. » Il est donc du devoir du prêtre, remarquons-le, de répondre à quiconque l’interroge sur la loi. S’il est prêtre, qu’il sache la loi du Seigneur ; s’il l’ignore, il prononce lui-même qu’il n’est pas prêtre du Seigneur. Il est de la fonction du prêtre, répétons-le, de savoir là loi et de répondre aux questions sur la loi. Aussi lisons-nous dans le Deutéronome, Deu. 17, 1 seqq. que lorsqu’il s’élève une affaire difficile entre le sang et le sang, entre une cause et une cause, entre la lèpre et la lèpre, entre la contradiction et la contradiction, on doit s’adresser aux prêtres et aux lévites, et au pontife établi en ce temps-là, et les consulter sur la loi du Seigneur ; sur leur réponse, ce qu’ils ont ordonné doit être fait, et celui qui ne voudra pas obéir à leur commandement doit être exterminé du milieu du peuple de Dieu. Qu’on ne croie pas d’ailleurs que ces préceptes se trouvent dans l’ancien Testament seul : l’Apôtre écrit à Timothée que l’évêque doit être, non seulement irréprochable, marié une seule fois, sage, pudique, orné de vertus, hospitalier, mais aussi docteur. 1Ti. 3, 1 seqq. Et de peur de paraître avoir dit cela accidentellement, il demande à Tite la même précaution au sujet de l’ordination des prêtres : « Je vous ai laissé en Crète, afin que vous donniez ordre à tout ce qui reste à régler, et que vous établissiez des prêtres dans chaque ville, selon l’ordre que je vous ai donné ; choisissant celui qui sera irréprochable, qui n’aura été marié qu’une fois, dont les enfants seront fidèles, obéissants, et n’auront point été accusés de débauche. Car il faut que l’évêque soit irréprochable, comme étant le dispensateur de Dieu ; qu’il ne soit ni superbe, ni colère, ni violent, ni avide d’un gain sordide ; mais hospitalier, pudique, doux, juste, saint, tempérant, parlant des vérités de la foi, selon la doctrine reçue, afin qu’il soit capable de consoler selon cette saine doctrine, et de convaincre ceux qui la combattent. Car il y en a plusieurs qui ne veulent point se soumettre, qui s’occupent à conter des fables et à séduire les âmes, surtout parmi ceux de la circoncision ; et il faut fermer la bouche à ces hommes. » 1Ti. 5, 1 et seqq. J’ai cité tout au long, pour qu’on sache bien que, d’après l’ancien comme d’après le nouveau Testament, le devoir du prêtre est de connaître la loi, et de répondre aux questions faites à ce sujet, et que la simplicité de la foi et la tempérance ne suffisent pas dans un maître, qui doit pouvoir enseigner aux autres ce qu’il pratique lui-même. Assurément, le devoir de répondre incombe à ceux qui se préparent dès l’adolescence à enseigner les autres ; mais il arrive souvent, par le jugement de Dieu et par le suffrage du peuple que des hommes peu instruits sont élus pour le sacerdoce : que ceux-ci du moins, après avoir été élus prêtres, aient le zèle d’apprendre la loi de Dieu, afin de pouvoir enseigner ce qu’ils auront appris, qu’ils augmentent leur science plutôt que leurs richesses, qu’ils ne rougissent pas d’apprendre aux leçons des laïques sachant ce qui est de la fonction du prêtre, et qu’ils consacrent les jours et les nuits plutôt à pâlir sur les Écritures qu’à de vains raisonnements ou à de cupides calculs.

Quelle est donc la question qu’au nom t du Seigneur, Aggée pose aux prêtres ? « Si un homme met de la viande sanctifiée dans le pli, ou dans le bord de son vêtement, et qu’il touche avec ce bord du pain, ou un ragoût, ou du vin, ou de l’huile, ou tout autre mets, l’objet touché sera-t-il sanctifié ? » Avant d’entrer dans le vif de la question, il est nécessaire de savoir, selon la lettre, ce que c’est qu’une viande sanctifiée et qu’un homme impur par le contact d’un mort. Les viandes de l’hostie qui était immolée sur l’autel étaient saintes, et il y avait beaucoup d’espèces de viandes sanctifiées. Les prêtres mangeaient les unes dans le temple même, tandis que leurs proches en mangeaient d’autres à la maison ; d’autres étaient mangées par ceux d’entre les prêtres qui semblaient être atteints de quelque souillure, tandis que d’autres étaient mangées par des Israélites qui n’avaient aucune souillure. La raison de toutes ces différences est pleinement établie dans le Lévitique. On appelait impur dans l’âme, celui qui avait touché le corps d’un homme mort. Il est à remarquer, à ce propos, que le corps humain n’est pas immonde tant que l’âme y réside ; dès que l’esprit végétatif a quitté les membres, ce qui est terrestre devient impur, comme c’est écrit dans le même Lévitique : « Le Seigneur dit à Moïse : Parlez aux prêtres enfants d’Aaron, et dites-leur : Qu’à la mort de leurs concitoyens, ils ne fassent rien qui les rende impurs ; à moins que ce ne soient ceux qui leur sont unis plus étroitement par le sang, c’est-à-dire une mère, un père, les fils et les filles, le frère, la sœur qui était vierge et qui n’avait point été mariée ; mais ils ne feront rien qui puisse les rendre impurs pour tout autre, et ils ne se souilleront pas tout-à-coup au contact d’un mort d’entre leur peuple, se conservant sans tache. » Lev. 21, 1-2. Il est donc prescrit aux prêtres de ne s’approcher d’aucun mort, à l’exception de ses proches, énumérés dans la loi. Pour le grand-prêtre, la loi était encore plus rigoureuse que pour les autres : ni la piété, ni l’affection ne pouvaient le faire fléchir pour ses plus proches parents, dont le contact en cette circonstance l’eût souillé, puisque le Lévitique dit formellement : « Il n’ira jamais à aucun mort, il ne fera rien qui le rende impur, ni à la mort de son père, ni à la mort de sa mère. » Id. 11, 12. Maintenant que nous savons ce qu’il faut entendre par viande sanctifiée et par homme rendu impur au contact d’un mort, étudions de près la question faite par le prophète.

Si un homme quel qu’il soit – il n’y a pas ici mention expresse du pontife, ou du prêtre, ou du lévite, il s’agit de tout homme, et dès qu’il n’y a pas réserve de la personne, tout homme peut toucher cette viande, – prend de la viande sanctifiée, qu’il la lie dans le bord de son vêtement, et que ce même bord du vêtement touche du pain, ou tout autre aliment cuit, ou du vin, ou de l’huile, ou quelque autre objet, outre ceux-là, dont l’homme puisse se nourrir, est-ce que ce pain, ou ce vin, ou cette huile, ou l’aliment quel qu’il soit peut être sanctifié parle contact du vêtement dans lequel est liée la viande sainte ? Les prêtres répondent : Cela ne se peut pas, c’est-à-dire aucun des objets dont vous parlez ne sera sanctifié, et chacun restera tel qu’il était. Alors une nouvelle question, est posée aux prêtres, évidemment parce qu’ils ont bien résolu la première, et le problème est arrangé avec des caractères tels de ressemblance qu’un ignorant pourrait aisément s’y laisse prendre. Prenez un homme qui ignore la loi, et de même qu’il a répondu que la viande sanctifiée ne sanctifie pas le pain, ou l’aliment cuit, ou le vin, ou l’huile, ou tout autre mets, il répondra sans hésiter que l’homme souillé au contact d’un mort ne souille pas ce que la viande sainte n’a pu sanctifier. Le prophète pose donc cette question : Si un homme qui est souillé à l’occasion du départ d’une âme, c’est-à-dire qui est devenu impur par le contact d’un cadavre, touche quelqu’une de ces mêmes choses, du pain, un aliment cuit, du vin, de l’huile, n’importe quel mets, est-ce qu’en la touchant il la rendra impure ? Et, les prêtres, dont le prince était Jésus, fils de Josédec, et c’est de là qu’ils avaient appris la loi, répondirent que le contact de celui qui est impur souille tout ce qu’il touche. Et alors Aggée, passant sous silence dans sa réponse la conséquence de la première question, que la viande sanctifiée ne peut sanctifier les autres aliments, et ne prenant l’occasion de ce qu’il veut dire que dans la seconde question s’écrie : « Ainsi est ce peuple, ainsi est cette nation devant ma face, dit le Seigneur. » Tout ce que touchera et que m’offrira celui que le contact d’un cadavre a rendu impur, sera impur. Le sens littéral est celui-ci : O peuple, qui, lorsqu’il n’y a que l’autel de construit, et tandis que ma maison est en ruines, m’offrez des hosties sur l’autel, et vous imaginez que ces victimes et ces viandes peuvent vous sanctifier, sachez que vous êtes moins sanctifié par des hosties qui, le temple étant détruit, ne pourront vous servir de rien, que souillé par toutes vos œuvres, par toutes vos actions, à cause de votre négligence, quand vous consacrez plutôt vos efforts à construire votre maison qu’à édifier la mienne. Sans doute, ce qui est offert sur l’autel est saint ; mais vos hosties ne vous sanctifieront point, tandis que vous serez rendu impur parce que vous habitez dans des bas-fonds et que vous demeurez au milieu des œuvres mortes. Voilà pour le sens historique ; toutefois, dans ces considérations ont été déjà tirées les grandes lignes de l’interprétation selon l’esprit.

Au figuré, disons que si un fidèle qui a immolé l’agneau sans tache et d’une année, et qui est revêtu de Jésus-Christ, prend de ces viandes, qu’il les lie dans l’extrémité de son vêtement, et que cette extrémité même touche le pain des Écritures, lequel affermit le cœur de ceux qui croient ; ou un aliment cuit, les épîtres apostoliques qui mettent en morceaux, pour ainsi dire, et font cuire les viandes de l’ancienne loi pour les donner à manger ; ou de ce vin qui réjouit le cœur de l’homme ; ou de cette huile qui répand la joie sur la face de l’auditeur ; ou tout autre mets, comme le lait dont sont nourris les Corinthiens, 1Co. 3, 2, et les légumes qui sont la nourriture des faibles, Rom. 14, 2, et les autres mets semblables, il ne résultera pas de là que toute âme à qui on donnera ces aliments les mangera aussitôt quoique comme étant sanctifiés. La parole sainte sanctifie ceux qui l’entendent, non point parce qu’on la leur dit, mais parce qu’ils la reçoivent : il y a beaucoup d’auditeurs de la loi, mais peu la pratiquent. Je crois, en outre, que tous les aliments dont j’ai parlé ne sont point sanctifiés pour ceux qui les mangent par le contact du vêtement, parce qu’ils ne sont touchés que par l’extrémité du manteau, et que ces viandes sanctifiées n’ont en elles ni sang, ni veines, ni nerfs. De même donc que l’extrémité du vêtement du Seigneur et un léger contact ne sanctifie pas, à moins que celui qui mange les chairs de l’agneau n’en boive aussi le sang : de môme, d’autre part, les impurs au contact d’un mort, c’est-à-dire des doctrines perverses, quelles qu’elles soient, doivent nécessairement rendre impur tout ce qu’elles touchent. Ils ont en effet dans les sacrements leur pain, leur vin, leur huile, et d’autres aliments ; mais leurs sacrements, comme un pain de deuil, souilleront tous ceux qui les auront touchés. Ils lisent, eux aussi, les Écritures, ils arrosent, pour ainsi dire, leur pain des témoignages des Écritures, et toute la nuit ils le font cuire dans leur four ; mais, quand on le donne à manger, il précipite dans la folie ceux qui le mangent. Ils ont aussi leur ragoût et leur cuisson, quand ils s’efforcent d’arranger selon leur sens ce qu’il y a de mystique dans les Écritures, de le faire cuire en quelque sorte, et d’assaisonner à leur façon les chairs de l’agneau ; mais cette préparation, c’est la perdition. Ils ont leur vin, non pas de la vigne de Sorec, et que le Seigneur planta, nous, dit Jérémie, tout de plant vrai et choisi, Jer. 2, 1 seqq. mais de la vigne de Sodome. Ils ont leur huile, qu’ils expriment violemment des témoignages de l’ancien et du nouveau Testament, et qu’ils offrent comme un rafraîchissement aux esprits trompés et las ; huile que le saint déteste, et dont il dit : « Que l’huile du pécheur ne souille point ma tête. » Psa. 140, 5. Ils ont aussi des aliments divers, les traités multiples et.divers des différentes hypothèses, et parce que ceux qui les ont écrits sont impurs, parce qu’ils sont sortis d’une bouche souillée, quiconque y touchera deviendra impur, et sera entraîné dans leur erreur. De là la réponse d’Aggée, qui sait les différences des solennités, et qui à cause de cela a reçu le nom de « joyeux : » Ainsi est ce peuple, ainsi est cette nation (assurément des Juifs, des infidèles et de tous les hérétiques), en ma présence, dit le Seigneur. Tout ce qu’ils feront, tout ce qu’ils m’offriront, ou les vœux pour le salut, ouïes hosties pacifiques, ou pour le péché, ou pour le délit, ou en holocauste, ou les aumônes, ou les jeûnes, ou la tempérance, ou la chasteté, toutes leurs œuvres seront souillées en ma présence. Bien que ce qui est offert par de tels hommes paraisse saint en apparence, tout cela est souillé, puisque celui que le contact d’un cadavre a rendu impur, l’a touché.


« Rappelez à vos cœurs ce qui s’est passé jusqu’à ce jour, avant qu’une pierre eût été posée sur une pierre pour le temple du Seigneur. Lorsque vous vous approchiez d’un tas de vingt muids, vous n’en trouviez que dix ; et quand vous alliez au pressoir pour rapporter cinquante cruches, vous n’en trouviez que vingt. Je vous ai frappés d’un vent brûlant, j’ai envoyé la sécheresse et la grêle sur les œuvres de vos mains ; et aucun de vous n’est revenu à moi, dit le Seigneur. » Agg. 2, 17 et seq. Les Septante : « Et maintenant rappelez à vos cœurs ce que vous étiez avant ce jour, avant qu’il ne fût posé pierre sur pierre dans le temple du Seigneur, lorsque vous mettiez vingt mesures d’orge dans le cypsèle et qu’elles devenaient dix mesures ; que vous entriez dans le pressoir pour puiser cinquante amphores, et que vous n’en trouviez que vingt. Je vous ai frappés de la stérilité et de la corruption de l’air, et j’ai frappé de la grêle tous les travaux de vos mains ; et vous n’êtes point revenus à moi, dit le Seigneur. » Bien que tout ce que vous m’avez offert sur l’autel ait été souillé, parce que vous n’avez pas édifié le temple (car si le temple n’est pas construit, tout don est impur), néanmoins, je vous exhorte, ô peuple, à reporter votre mémoire sur le passé et à considérer ce qui est arrivé, embrassant en votre esprit tout ce qui a eu lieu antérieurement à ce vingt-quatrième jour du neuvième mois de la seconde année du règne de Darius ; et reconnaissant pour quelles causes de grands maux vous ont frappés, afin que plus tard, lorsque la prospérité vous arrivera, vous sachiez aussi à quoi l’attribuer. Or, avant que vous commenciez à bâtir le temple, et à y poser une pierre sur une autre, lorsque vous vous approchiez d’un monceau, et que vous pensiez avoir vingt boisseaux, n’est-il pas vrai que c’est à peine si vous pouviez y en recueillir la moitié ? ou bien, d’après les Septante : Lorsque vous mettiez vingt mesures d’orge dans le vase appelé cypsèle, et que vous pensiez, bien que ce fût de l’orge, nourriture des bêtes de somme, que vous y mettiez, être sûr du moins de ces vingt mesures, n’arrivait-il pas, quand vous retourniez plus tard au vase, que vous n’y en trouviez que dix ? De même, lorsque vous vous approchiez du pressoir : à l’aspect des raisins, vos yeux vous promettaient cinquante amphores, et vous en retiriez, je ne dis pas la moitié, mais à peine vingt. Je vous ai ainsi frappés du vent brûlant et de la corruption de l’air, j’ai fait mourir vos récoltes, j’ai rendu vides les épis du blé et les grappes des vignes, afin de vous amener à me connaître par le poids des épreuves, et, même par ce moyen, il n’y a eu aucun de vous qui soit revenu à moi. Voici comment l’hébreu explique toute la suite de ce texte, depuis ces mots : « Et maintenant appliquez vos cœurs à ce qui s’est passé avant ce jour », jusqu’à ce passage : « La vigne, le figuier, le grenadier, l’olivier n’ont pas fleuri ; dès ce jour, je bénirai toutes ces choses. » Certainement, maintenant les fondements du temple sont jetés ; par conséquent, depuis le jour où vous avez jeté ces fondements, – après que, dans le passé, je vous ai châtiés par la stérilité, la famine, la grêle, la sécheresse, et que ces fléaux n’ont ramené à moi aucun de vous, – tournez vos cœurs vers l’avenir, et voyez comment toutes choses ont désormais pour vous un cours prospère. Or, il en sera ainsi, parce que vous avez commencé de bâtir mon temple, et que vous ne négligez plus la construction de ma maison, et ne vous bornez plus à mettre votre confiance dans l’autel seul. D’après ce sens, nous pouvons dire en peu de mots que certains hommes offrent en vain des dons à Dieu et pensent qu’on peut l’apaiser par des aumônes et des oblations, quand ils n’ont pas construit en eux-mêmes le temple de l’Esprit saint. Les aumônes et les offrandes faites sur l’autel servent de quelque chose, après qu’on a fait de soi-même le temple de Dieu, et qu’on offre les dons sur l’autel, après l’édification du temple.

Au sens figuré, à nous qui maintenant croyons en Jésus-Christ, si nous croyons sincèrement et montrons par nos œuvres la vérité de notre foi, il nous est dit de retourner en esprit à ce temps où nous étions infidèles, esclaves chaque jour des vices, et où nous n’avions pas construit en nous un temple à Dieu. Comme un architecte, comme un maçon habile joint la pierre à la pierre, et, au moyen de la chaux et du plâtre, fait adhérer celle de dessous à celle de dessus, ainsi l’architecte spirituel – l’Apôtre revendique ce titre lorsqu’il dit : « Comme un sage architecte, j’ai posé le fondement », 1Co. 3, 10, et que le Seigneur menace d’ôter Jérusalem – sait comment il doit joindre les œuvres aux œuvres pour élever successivement le temple de Dieu. Le fondement donné à ce temple, c’est Jésus-Christ, et chacun doit voir ce qu’il édifiera sur le fondement : l’un édifie l’or, l’argent, les pierres précieuses ; l’autre édifie le bois, l’herbe, la paille. À trois bons matériaux sont opposés trois mauvais. C’est avec ces pierres précieuses que le Seigneur promet de rebâtir Jérusalem : « Je vous donnerai des fondements de saphirs, je vous parerai de rubis ; je bâtirai vos tours de jaspe, vos portes seront en pierre de cristal, et votre enceinte sera faite de pierres choisies. » Isa. 54, 11-12. On ne saurait admettre, en effet, suivant les fables et les contes ineptes des Juifs, que Dieu bâtira Jérusalem avec de l’or et des pierres précieuses, et non pas avec ces pierres vivantes qui sont maintenant roulées sur la terre, et, conformément à la nature des pierres, ou étincellent des feux de la foi comme l’escarboucle, ou sont toutes célestes comme le saphir, étant changées en trônes de Dieu, ou brillent comme le cristal de l’éclat transparent et pures des bonnes œuvres. La prophétie nous avertit donc de considérer quels maux nous avons endurés autrefois, avant que nous eussions édifié en nous le temple de Dieu ; « lorsque, nous dit-elle, vous vous approchiez d’un monceau de vingt mesures, et qu’elles se réduisaient à dix ; » ou, d’après les Septante : « Lorsque vous mettiez dans le cypsèle vingt mesures d’orge, et qu’elles se réduisaient à dix. » C’est qu’avant Jésus-Christ, tout ce que nous semblions avoir de vertus et de bonnes œuvres, était de l’orge, et non du blé ; et cet orge, lui-même, qui pour Isaac produisait le centuple, Gen. 26, 1, loin de répondre à notre espérance et à nos vœux, nous rendait à peine la moitié de notre travail, et il nous était dit : « Vous avez enduré toutes ces grandes fatigues sans cause. » Gal. 3, 4. De même que nous allions au pressoir, et que nous calculions en notre esprit cinquante amphores de vin – l’union divine met le comble à ce nombre au-dessus de sept hebdomades complètes, – et que nous pensions avoir le vin qui réjouit le cœur de l’homme, il nous était soustrait le saint nombre trente — dans lequel notre Seigneur fut baptisé, Ézéchiel eut une vision au commencement de sa prophétie, et, d’après l’hébreu, les prêtres parvenaient au ministère de Dieu, – et il nous est laissé le nombre vingt. Remarquons aussi que Jacob lui-même, bien que saint, – mais toutefois en ce temps où il n’était pas avec son père Isaac, c’est-à-dire « le rire », et avec sa mère Rebecca, c’est-à-dire la patience, où les Assyriens étaient ses voisins, et où il habitait la Mésopotamie, les fleuves l’entourant de toutes parts, – servit le très-cruel et très-avare Laban pendant vingt ans. Gen. 32, 1 seqq. Qu’on ne s’émeuve point de m’entendre dire que quelques-uns, avant de croire en Jésus-Christ et d’avoir construit son temple, peuvent recueillir la moitié de leur travail, alors qu’il n’y a chez les incrédules aucun fruit de bonnes œuvres. Et en effet, ayant mis vingt, ils ne trouvent pas vingt, mais dix, c’est-à-dire la moitié de leur travail. Les Juifs, les païens, les philosophes profanes et les autres prétendus sages reçoivent le fruit et la gloire de leur travail et de leur conduite dans le temps présent seulement, et tout espoir de récompense leur est ôté pour la vie future. Il en est ainsi, de peur que, désespérant sans retour, ils ne dédaignent la pénitence ; et afin qu’arrivant à se convertir, ils posent pierre sur pierre, et construisent le temple de Dieu. S’ils persévèrent dans l’incrédulité, ils perdront même cette moitié qu’ils paraissaient avoir, puisque là prophétie dit ensuite : « Je vous ai frappés d’un vent brûlant, j’ai envoyé la sécheresse et la grêle sur tous les ouvrages de vos mains. » Tout ce que frappent la sécheresse, la grêle et le vent brûlant, est réduit en poudre et en cendre, et on n’y trouve rien qui puisse servir à quelque usage ou comme aliment. Le Seigneur a fait toutes ces choses, parce qu’il n’y a pas eu un seul d’entre eux qui soit revenu à lui. S’ils reviennent, s’ils bâtissent le temple du Seigneur, du jour où ils auront commencé à le bâtir, ils auront les biens que la prophétie promet ensuite.

« Appliquez vos cœurs à tout ce qui se fera depuis ce jour et à l’avenir, depuis ce vingt-quatrième jour du neuvième mois, depuis ce jour que les fondements du temple ont été jetés, appliquez vos cœurs. Les grains ont-ils germé ? le figuier, la vigne, les grenadiers, les oliviers ont-ils encore fleuri ? Dès ce jour, je bénirai toutes ces choses. » Agg. 2, 19-20. Les Septante : « Appliquez vos cœurs à tout ce qui se fera depuis ce jour et à l’avenir, depuis le vingt – quatre du neuvième mois, et depuis le jour que les fondements du temple du Seigneur ont été jetés, gravez tout dans vos cœurs. Y aura-t-il désormais d’aire sur la terre, y aura-t-il une vigne, un figuier, un grenadier, un olivier qui ne portent pas leur fruit ? Dès ce jour, je bénirai toutes choses. » J’ai remis sous vos yeux les maux que vous avez soufferts avant de commencer à construire mon temple ; maintenant, je vais vous annoncer les prospérités qui vous arriveront, parce que vous avez commencé à édifier mon temple. Considérez donc quelle sera l’abondance de toutes choses, à partir de ce vingt-quatrième jour du neuvième mois où les fondements du temple ont été jetés. Le neuvième mois est celui que nous appelons novembre ou décembre. Le premier mois chez les Hébreux est Nisan, appelé « mois du fruit nouveau », au temps où ils font la Pâque, c’est-à-dire, dès le commencement du printemps, et, selon le cours de la lune, souvent il prend une certaine partie du mois de mars, parfois il commence en avril. Si donc nous faisons correspondre nisan à avril, le neuvième mois, d’après la supputation des Hébreux, serait décembre. Le dixième mois répond donc à l’époque où les semences sont cachées dans la terre et où il n’est permis de former aucune conjecture sur la fécondité à venir.

Est-ce que la semence a déjà germé ? et, selon le terme plus expressif des Hébreux, est-elle dans sa follicule pour représenter la gousse du blé ? Est-ce que la vigne, le figuier, le grenadier, l’olivier ont fleuri, pour que par la fleur on comprenne le fruit ? Certes non ; car, comme nous l’avons dit, il n’y a pas, au mois de décembre, la plus légère marque de germinaison. Pour que vous ne disiez donc pas que c’est prudemment et après calcul que j’augure de vos récoltes et que je pressens des fleurs de vos arbres, et des fruits de vos moissons, la future abondance, voyez qu’il n’y en a point de trace, et cependant voilà que je vous prédis, à ma bénédiction, abondance de tous vos fruits, parce que vous avez commencé à bâtir mon temple. Ceci est dit d’après l’hébreu, car d’après les Septante le sens en est bien différent ; nous allons l’exposer d’abord selon la lettre, et continuer ensuite l’exposition tropologique. Gravez dans votre cœur le jour où vous avez posé les fondements du temple, regardez dans l’avenir, et vous verrez qu’il y aura tant de moissons, qu’il sera apporté de tous les champs tant de froment, que l’aire ne saura pas quel est le sien, soit qu’il n’y ait point d’aire particulière et que vu la quantité de moisson on joigne aire à aire et qu’on ne sache point où commence et finit chacune d’elles. La vigne aussi et le figuier et le grenadier et l’olivier, qui par votre faute ne portaient point de fruits, parce que vous n’aviez pas encore mis la main à la construction de mon temple, ploieront sous tant de raisins et de fruits que cette surprenante fécondité rendra manifeste la bénédiction. Le ive livre des Rois et l’histoire de Jérémie nous apprennent que ce 9e mois, mois dans lequel Jérusalem nous est montrée assiégée, ne doit pas être pris en bonne part. 2Ro. xxv, 1 ss ; Jer. 30 et 32. Cependant, parce que c’est à la fin de ce 9e mois que sont jetés les fondements du temple, nous pouvons comprendre que Ton n’entreprend la construction du temple du Seigneur qu’en sortant des œuvres mauvaises. Aussi est-ce le vingt-quatrième jour de ce même mois que sont posés les fondements du temple, nombre dans lequel nous trouvons deux fois le nombre douze, et trois fois le nombre huit, et quatre fois le nombre six. Nous en avons déjà traité longuement. Quiconque donc se sera voué au culte du Seigneur, et n’aura point eu de souci de ce patron négligent qui dans le livre d’Esdras, selon l’interprétation des Septante, s’oppose à la construction du temple de Dieu, Esd. 4, 1 seqq. celui-là ne connaîtra pas la mesure de ses fruits et de sa récompense ; soit encore parce qu’il est dit : « Si l’aire apparaît encore sur la terre », celui qui aura semé dans l’esprit, et aura recueilli de l’esprit la vie éternelle, Gal. 6, 1 seqq. n’aura nullement thésaurisé pour la terre, mais toutes ses œuvres et les récompenses de ses œuvres seront recueillies dans les greniers célestes. La vigne aussi, c’est-à-dire la parole de Dieu, dont en chacun le Père est l’agriculteur, et le figuier, c’est-à-dire les dons suaves du saint Esprit, et la grenade, les dogmes de l’Église et la science des Écritures qui sont comparés aux joues de l’épouse dans le Cantique des cantiques, et l’olivier, seront à la fois l’aliment et la lumière du cœur de celui qui aura entrepris d’élever un temple au Seigneur. Que la vigne, le figuier et l’olivier – je néglige un instant, la grenade — se rapportent à la personne du Sauveur, de Dieu le Père et du saint Esprit, nous le lisons pleinement dans ce passage du livre des Juges, où les bois stériles cherchent à se donner un roi ; ils disent tour à tour à la vigne, au figuier, à l’olivier, de vouloir bien régner sur eux, ce que décline autant la vigne que le figuier et l’olivier, dédaignant de régner sur des bois infructueux. Alors ceux-ci s’en vont au bois stérile par excellence, c’est-à-dire au buisson, ce bois épineux, cet arbuste où s’entrelacent les piquants et les arêtes, qui retient tout ce qu’il touche, pique tout ce qu’il retient et se délecte dans le sang des blessures qu’il a faites ; ce n’est pas tout, il fait jaillir le feu de son sein et consume les bois de son empire. Ce buisson sera à nos yeux le démon, et dans la nature de l’arbuste, nous trouverons l’image de sa nature. Or, la vigne, le figuier et l’olivier seront où se trouvera la grenade qui, en raison de la singulière multitude de ses grains, et de la disposition toute géométrique de ses membranes entrelacées et de ses petits casiers tous distincts et cependant renfermés tous sous une même écorce, nous est toujours donné, dans l’Écriture, comme une figure de l’Église. « Et la parole du Seigneur se fit entendre une seconde fois à Aggée, le vingt-quatrième jour du mois, en disant : Parle à Zorobabel, chef de Juda, et dis : J’ébranlerai également le ciel et la terre, et je briserai la force de l’empire des nations, et je renverserai le char et celui qui le monte ; et les coursiers et les cavaliers tomberont, et le guerrier périra par l’épée de son frère. En ce jour, dit le Seigneur des armées : Je te prendrai, Zorobabel, fils de Salathiel, mon serviteur, dit le Seigneur, et je te placerai comme un sceau, parce que je t’ai choisi, dit le Seigneur des armées. » Ibid, 21 et seqq. Les Septante ajoutent « la mer et le désert », mais ne disent pas : « Je briserai la force de l’empire des nations ; » et on peut complètement s’en convaincre par la lecture de leur texte. Remarquons que c’est le même jour, c’est-à-dire le vingt-quatre du neuvième mois, mais sans désignation du nombre du mois, parce qu’il était prophétisé touchant l’avènement et le règne du Christ, que la parole de notre Seigneur se fait une seconde fois entendre à Aggée, non par le ministère d’Aggée, comme précédemment, ni au prophète Aggée, comme dans la quatrième vision, mais simplement à Aggée, c’est-à-dire à celui qui célèbre les fêtes du Seigneur, car ce n’est pas comme devant venir, mais comme venant présentement, qu’il l’annonce et qu’il le voit. Et comme Abraham vit le jour du Christ et fut réjoui ; Jn. 8, 1 seqq. et que Jean montra du doigt l’Agneau de Dieu ; Jn. 1, 1 ss ; ainsi lui, voyant le règne du Fils de Dieu, il célèbre en lui-même toutes les fêtes. Il y a sur ce passage divers sentiments chez la plupart : les uns pensent qu’il est question de son premier avènement ; les autres qu’il s’agit du second, quand il viendra dans sa majesté. Quant à nous, nous admettons les deux, parce qu’il a régné quand il est venu, et qu’il régnera dans la suite. Cependant, si nous l’entendions de la fin du monde, nous dirions ce que l’Apôtre dit aux Corinthiens : Détruisons toute principauté et toute puissance et toute domination, afin que Dieu soit tout en tous. 1Co. 15, 1 seqq. Mais parce que tout cela est mystique et se rapporte à la fin des choses, le Prophète reçoit ordre de parler à Zorobabel seul, en qui nous avons montré un type précurseur de Jésus-Christ, prenant la nature humaine dans la race de David. C’est à lui donc qu’il est dit ce qui doit arriver à la fin, que la figure de ce monde passe, qu’il se fait un ciel nouveau et une nouvelle terre, que le Seigneur ébranle le ciel et la terre, qu’il détruit toute principauté, toute domination et toute force et dissipe les rois des rois, ou, comme porte l’hébreu, des royaumes ; qu’il brise toute puissance adverse, afin qu’à ceux-là mêmes qui auparavant tenaient l’empire et le sceptre d’autres nations, profite le renversement de leur trône ; et que toute cause de guerre se trouvant désormais bannie, s’établisse l’empire de la paix ; c’est ce qu’il indique en disant : « Et je renverserai les chariots et leurs conducteurs, et ceux qui les montent, et tomberont les coursiers et leurs cavaliers. » Et pour que vous voyez bien, dans la chute des coursiers et des cavaliers, la signification que nous en donnons, remarquez comment dans Zacharie il est dit du Christ qu’il vient en roi plein de douceur, monté sur une finesse et sur le jeune poulain de l’ânesse, et qu’il renverse tous les quadriges d’Éphraïm, Zac. 9, 1 seqq. et le cavalier de Jérusalem, afin qu’il n’y ait qu’un seul troupeau et un seul pasteur, et qu’il ne soit fait, tant des gentils que des Juifs, qu’une seule famille, vivant sous un seul pacifique pasteur. Et pour que soit détruit tout ce qu’il y a de mauvais, que chacun s’arme du glaive – la parole de la doctrine sans doute, glaive aigu et atteignant tout ce qui est mal — et s’élève contre son frère et coupe tout ce qui est pervers. Tout cela n’a qu’un but excellent. Quand, en effet, seront renversés les trônes, et les forces des empires et des quadriges et des coursiers et des cavaliers, ce jour-là, dit le Seigneur : « Je te prendrai, ô Zorobabel, fils de Salathiel, mon serviteur. » Il est appelé serviteur à cause de son corps humain, parce qu’alors le fils lui-même sera soumis à celui qui lui aura soumis toute chose, et que lui-même apparaîtra soumis, au milieu de toutes choses soumises. C’est alors que Dieu le placera comme un sceau dans sa main Car Dieu l’a marqué de son sceau ; Jn. 6, 27 ; et il est l’image de Dieu invisible, et la forme de sa substance, afin que quiconque croira en Dieu soit scellé comme de son cachet.

Lecteur, soyez indulgent pour celui qui dicte si rapidement, et ne cherchez pas la grâce du langage que j’ai laissée depuis longtemps dans l’étude de la langue hébraïque, bien que Alecte pense que j’ai toujours été enfant et muet. C’est à lui que je dis : « le Seigneur donnera la parole à celui qui évangélise, et grande vertu. » Psa. 67, 12.