Histoire du Privilége de Saint Romain/Appendice/Description de la chapelle de Saint-Romain

DESCRIPTION


DE LA


CHAPELLE DE SAINT-ROMAIN
OU BESLE DE LA VIEILLE-TOUR,


PAR M. E.-H. LANGLOIS.
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Cet élégant édifice, le seul de ce genre qui existe aujourd’hui dans Rouen, fut construit en 1542, tems vers lequel Jean Goujon, non moins habile architecte que grand sculpteur, embellissait la capitale de la Normandie de chefs d’œuvre dont plusieurs occupent encore le premier rang dans nos richesses monumentales : cette coïncidence d’époques pourrait, avec quelque vraisemblance, faire soupçonner que l’excellent artiste dont nous venons de parler, ne fut pas étranger au plan de la chapelle de Saint-Romain, dont le style florentin se rapproche, sous certains rapports, de plusieurs compositions architecturales du célèbre auteur de la fontaine des Innocens ; au reste nous nous bornerons, au défaut de documens, à cette simple hypothèse, pour passer à la description de notre monument.

Il se compose de six corps superposés qui, s’élevant d’une assez large base, se réduisent, vers le faîte, à de fort petites proportions, ce qui donne à l’ensemble de l’édifice une physionomie extrêmement svelte et quelque chose de pyramidal. Le corps du rez-de-chaussée porte sur sa façade vingt pieds de large sur vingt-cinq environ de retour ; il est percé de trois portes, dont la principale, regardant le Nord, communique de la Haute à la Basse-Vieille-Tour. Cette partie inférieure de la construction, étant adossée contre le perron, ne présente que trois faces décorées de colonnes corinthiennes supportant un entablement au-dessus duquel se trouve, à dix-huit pieds vingt pouces du pavé, la plate-forme sur laquelle avait lieu la levée de la fierte. On accède sur cette plate-forme par deux larges escaliers ou perrons découverts, situés l’un à droite et l’autre à gauche du bas de l’édifice. C’est ce corps supérieur qui forme, à proprement parler, ce que l’on appelle la chapelle Saint-Romain ; il présente à peu prés les mêmes dispositions que celui qui lui sert de base, sauf qu’il se trouve isolé du bâtiment des halles ( avec lequel il est, chose assez singulière, placé de fausse équerre) par un espace d’environ douze pieds, abrité par un toit en appentis ; c’est là que se trouve la porte qui communique dans l’intérieur des halles. Cette espèce de péristyle est couronné sur chacune de ses quatre faces par un fronton dont le tympan était décoré de sculptures aujourd’hui très-frustes, comme toutes les parties du monument délicatement élaborées. Sur chaque angle de ce corps intermédiaire, repose un acrotère profondément strié, surmonté d’un vase. Si la forme de ces vases n’est pas d’un goût fort épuré, en revanche, du centre des quatre frontons surgit un petit édifice à peu près carré, de la plus exquise élégance, enrichi de colonnes, de pilastres, et percé de douze portiques à jour. Des aigles supportant, sur leurs ailes à demi-éployées, des guirlandes de feuillages et de fleurs, sont placées au—dessus de la corniche de ce joli motif. Une campanille à jour, également élégante, surmontée de deux plus petites, forme enfin la pointe ou le final de la chapelle de Saint-Romain, qui, peut-être, on peut au moins le soupçonner, se terminait originairement avec plus de ténuité encore. Dans son état actuel, sa hauteur totale ne paraît être guère moindre de soixante-dix à soixante-quinze pieds.

Les armes de Rouen et celles de la province se voyaient autrefois sur plusieurs parties de ce monument que le tems a cruellement maltraité ; il réclamerait aujourd’hui, dans ses membres supérieurs surtout, des réparations urgentes que l’on ne balancerait pas à faire si l’on songeait que, même abstraction faite des souvenirs historiques qui s’y rattachent, il n’est, nous le répétons, rien du même genre dans Rouen et beaucoup d’autres lieux importans de France, qui pût compenser la ruine totale de cette gracieuse production de la renaissance des arts.