Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Proposition/Paragraphe 165

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 503-505).
§ 165. Proposition d’imprécation et de serment.

a I. L’imprécation (שְׁבוּעַת אָלָה jurement de malédiction) a comme protase la formule optative כֹּה יַֽעֲשֶׂה (לִּי) אֱלֹהִים וְכֹה יוֹסִיף Que Dieu (me) fasse ceci et ajoute cela ![1] Dans l’apodose on a 1) אִם pour une chose négative : 2 R 6, 31 אִם יַֽעֲמֹד si sa tête reste sur lui (= certainement elle ne restera pas) ; 1 S 3, 17 ; 25, 22 ; 1 R 20, 10 † ; — 2) אִם לֹא pour une chose positive : 2 S 19, 14 אִם־לֹא … תִּֽהְיֶה si tu ne seras pas (= certainement tu seras) †. Pour une chose positive, outre אִם לֹא qui est la construction normale, on a encore — 3) כִּי : 1 S 14, 44 כִּי מוֹת תָּמוּת certainement tu mourras ; 1 R 2, 23. Ce כּי d’affirmation provient des propositions de serment, § b, e.

b II. Un serment ou un jurement (שְׁבוּעָה) est précédé ou non d’une formule exclamative.

A) Sans formule exclamative, on emploie le verbe נִשְׁבַּע jurer[2] ; la construction normale est נִשְׁבַּע כִּי jurer que[3], pour une chose positive : Am 4, 2 ; נִשְׁבַּ֫עְתִּי כּי Is 45, 23 ; Jér 22, 5 ; 49, 13 ; נִשְׁבַּ֫עְתָּ כּי 1 R 1, 17. Le כּי, en pareil contexte, prend une valeur d’affirmation, d’où l’emploi de כּי certainement même à distance de נִשְׁבַּע, p. ex. après לֵאמֹר 1 R 1, 13, 30. Ce כּי a passé dans la proposition de serment sans נִשְׁבַּע (§ e) et dans la proposition d’imprécation (§ a).

c Pour une chose positive, on a aussi, mais rarement, אִם לֹא qui provient de l’imprécation (§ a) : Is 14, 24. Dans Jér 51, 14 on a כִּי אִם ; cf. § 164 c.

d Pour une chose négative on ne trouve pas כִּי לֹא (qu’on attendrait), mais אִם[4], qui provient sans doute de l’imprécation (§ a) : 1 S 3, 14 נִשְׁבַּ֫עְתִּי אִם ; 2 S 19, 8 ; Jér 44, 26 ; Ps 89, 36 ; 95, 11 † ; — הִשָּֽׁבְעָה אִם Gn 21, 23 ; 1 S 24, 22 ; 30, 15 †.

e B) Avec formule exclamative : חַי־אָ֑נִי vivant je suis ! = par ma vie ! ; חַי יְהֹוָה vivant est J. ! ; חֵי פַרְעֹה[5] (par la) vie de Pharaon ! ; חֵי־נַפְשְׁךָ par ta vie !

Pour une chose positive, on emploie כּי certainement qui provient sans doute de נִשְׁבַּע כּי (§ b) : 1 S 26, 16 חַי־יְהֹוָה כִּי בְנֵי מָ֫וֶת אַתֶּם par Jéhovah le Dieu vivant ! (certes) vous méritez la mort ; 2 S 12, 5 ; 1 R 18, 15. Dans 2 R 5, 20 ; Jér 51, 14 on a כִּי אִם ; cf. § 164 c.

Sans doute on pourrait aussi employer אִם לֹא comme dans le cas où il n’y a pas de formule exclamative (§ c).

f Pour une chose négative on emploie אִם (cf. § d) : 2 S 11, 11 ; 1 R 18, 10.

g D’après cet exposé, on voit qu’il y a contamination mutuelle de l’imprécation et du serment. En effet :

1) Pour une chose positive, on dit normalement :

Imprécation : Me puniat Deus si non fecero hanc rem אִם לֹא
Serment : Juro quod (certo) faciam hanc rem כִּי

D’où, par contamination :

Imprécation : Me puniat Deus, certo faciam hanc rem כִּי
Serment : Juro si non fecero hanc rem אִם לֹא

2) Pour une chose négative, on dit normalement :

Imprécation : Me puniat Deus si fecero hanc rem אִם

D’où, par contamination :

Serment : Juro si fecero hanc rem אִם

h Si l’on admet ces faits de contamination, il n’y a plus lieu d’expliquer אִם, אִם לֹא dans les serments en sous-entendant une imprécation (même dans la bouche de Dieu !, p. ex. Dt 1, 35).

i Remarques. 1) אִם et surtout כִּי sont parfois répétés : אִם : Gn 14, 23 ; כִּי : Gn 22, 16 sq. ; 1 S 14, 39 ; 1 R 1, 30.

j 2) Le אִם certainement non et le אִם לֹא certainement du serment s’emploient pour renforcer l’affirmation : Is 22, 14 אִם יְכֻפַּר certainement il ne sera pas pardonné ; 1 R 20, 23 אִם־לֹא נֶֽחֱזַק מֵהֶם certainement nous l’emporterons sur eux ; Is 5, 9.

Sur le כִּי d’affirmation cf. § 164 b.

k Appendice. La formule déprécatoire חָלִ֫ילָה לִּי absit a me (Vulg.) ; à Dieu ne plaise que !, loin de moi… ! signifie probablement profanation à moi ! d’où l’idée de répulsion, d’éloignement[6]. La construction ordinaire est avec מִן : Gn 44, 17 חָלִ֫ילָה לִּי מֵֽעֲשׂוֹת זֹאת loin de moi d’agir ainsi ! Dieu me garde de… ! Trois fois la construction est avec אִם qui provient sans doute de la proposition d’imprécation (§ a) : 1 S 24, 7 ; 2 S 20, 20 ; Job 27, 5 (cf. §§ 93 h ; 105 f).

  1. Les 12 exemples se trouvent dans les livres de Samuel et Rois (à l’exception de Ruth 1, 17) : 1 S 3, 17 ; 14, 44 ; 20, 13 ; 25, 22 ; 2 S 3, 9, 35 ; 19, 14 ; 1 R 2, 23 ; 2 R 6, 31 ; avec les verbes au pluriel : 1 R 19, 2 (Jézabel) ; 20, 10 (Benhadad). — On remarquera que les formes verbales sont à l’indicatif malgré le sens optatif. — Dans cette formule, כֹּה appartient sans doute à l’écrivain : la personne qui prononçait l’imprécation devait nommer les maux qu’elle appelait sur elle, p. ex. maladie, perte des biens, mort, comme fait Job 31, 8 sqq., 22. C’est ainsi que כֹּה appartient à l’écrivain dans Nb 23, 5 ; 1 R 2, 30 ; כָּזֹה וְכָזֶה 1 R 14, 5.
  2. Comme équivalent de jurer on a lever la main הֵרִים יָדוֹ Gn 14, 22 etc.
  3. Comme on dit p. ex. הִגִּיד כּי annoncer que Gn 3, 11 ; 12, 18.
  4. Comp. l’hébraïsme de Marc 8, 12 ἀμὴν λέγω ὑμῖν, εἰ δοθήσεται τῇ γενεᾷ ταύτῃ σημεῖον.
  5. État construit de חַיִּים ; cf. König, 2, 42.
  6. De l’idée de nefas ! on est passé à celle de absit ! Cf. Biblica, 3, p. 59.