Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Nom/Paragraphe 140

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 433-434).
§ 140. Détermination dans le cas du nom avec suffixe.

a Le pronom suffixe étant conçu comme un génitif (§ 94 a), un nom avec suffixe équivaut à un nom construit sur un nom déterminé. En conséquence בְּנִי signifie normalement « le fils de moi » = mon fils. Cependant le sens est parfois indéterminé (comme il l’est parfois dans le groupe génitival avec un nom régi déterminé § 139 b-c) ; autrement dit, pour un mien fils on a préféré parfois le simple בְּנִי aux circonlocutions בֵּן מִבָּנַי, בֵּן (אֲשָׁר) לִי, p. ex. 2 R 4, 6 בְּנָהּ l’un de ses (deux) fils ; 1 S 15, 28 לְרֵֽעֲךָ הַטּוֹב מִמֶּ֫ךָּ à un de tes compagnons meilleur que toi (cf. Esth 1, 19) ; 1 R 11, 11 לְעַבְדֶּ֑ךָ à l’un de tes serviteurs. — De même בֵּית בְּנִי signifie normalement « la maison du fils de moi » = la maison de mon fils, mais pourra parfois signifier la maison d’un mien fils, une maison de mon fils, une maison d’un mien fils, p. ex. Gn 22, 3 אֶת־שְׁנֵי נְעָרָיו deux de ses serviteurs ; Lév 14, 34 בְּבֵית אֶ֫רֶץ אֲחֻזַּתְכֶם dans une maison du pays de votre possession.

b L’équivoque du groupe génitival signalée § 139 a, Rem. 1, se rencontre particulièrement dans le cas du nom avec suffixe[1]. Quand l’union logique des deux noms composant le groupe génitival est très étroite, le suffixe affecte logiquement le bloc et non le second nom. Ainsi הַר קֹ֫דֶשׁ signifie montagne-de-sainteté = montagne sainte, d’où Ps 2, 6 הַר־קָדְשִׁי ma montagne-de-s. = ma m. sainte (non : la m. de ma s. ; cf. § 129 f 1) ; Is 2, 20 אֱלִילֵי כַסְפּוֹ ses idoles d’argent (cf. § 129 f 5) ; Dt 1, 41 כְּלֵי מִלְחַמְתּוֹ ses instruments de guerre = ses armes ; Jug 3, 15 יַד־יְמִינוֹ sa main droite (יָמִין toujours subst. : côté droit, la droite) ; 1 R 21, 11 אַנְשֵׁי עִירוֹ ses concitoyens ; 2 R 6, 12 חֲדַר מִשְׁכָּבֶ֑ךָ ta chambre-à-lit (angl. bedroom) = ta ch. à coucher ; 2 R 25, 29 בִּגְדֵי כִלְאוֹ ses vêtements de prison ; Is 56, 7 בְּבֵית תְּפִלָּתִי dans ma maison de prière ; Ps 60, 10 מוֹאָב סִיר רַחְצִי Moab est mon bassin de lavage[2] ; 132, 11 פְּרִי בִטְנְךָ ta progéniture (littt ton fruit-de-ventre, all. Leibesfrucht ; non : le fruit de ton ventre, ce qui ne peut se dire d’un homme)[3].

c Un nom avec suffixe, pas plus qu’un groupe génitival, ne peut normalement avoir l’article. Les exemples qu’on trouve dans notre texte massorétique sont fautifs ou suspects ; p. ex. Jos 7, 21 הָֽאָֽהֳלִי (p.-ê. amalgame de deux leçons אָֽהֳלִי et הָאֹ֫הֶל) ; 8, 33 הַחֶצְיוֹ (cette forme, ainsi que חֶצְיוֹ où le suffixe est anormal, sont à remplacer probt par הַֽחֲצִי demandé par l’usage ; cf. 1 R 3, 25 ; 16, 21) ; Is 24, 2 כַּגְּבִרְתָּהּ (la vocalisation de l’article pour l’assonance avec les 11 autres formes avec כַּ׳) ; Pr 16, 4 לַמַּֽעֲנֵ֑הוּ (vocalisation fautive).

  1. Rarement on a la construction non équivoque, mais lourde, du type Gn 44, 2 גְּבִיעִי גְּבִיעַ הַכֶּ֫סֶף ma coupe (coupe) d’argent ; Gn 37, 23 ; 2 R 25, 30 (Jér 52, 34).
  2. Non : « Moab olla spei meae » (Vulg.) (où רחץ est traduit d’après le sens qu’il a en araméen).
  3. En parlant d’une femme Gn 30, 2 †, d’un homme Dt 7, 13 ; 28, 4, 11, 18, 53 ; Mich 6, 7 ; Ps 127, 3 †.