Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Nom/Paragraphe 138

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 428-430).
§ 138. Détermination dans le cas d’apposition.

a Un attribut[1] en apposition (adjectif, participe), concorde avec son nom pour la détermination : généralement il prend l’article si le nom est déterminé d’une façon quelconque ; il ne le prend pas dans le cas contraire. Détermination : Jon 1, 2 נִֽינְוֵה הָעִיר הַגְּדוֹלָה Ninive la grande ville ; Gn 13, 5 לְלוֹט הַֽהֹלֵךְ אֶת־אַבְרָם à Lot qui allait avec Abram ; 1 S 12, 22 שְׁמוֹ הַגָּדוֹל son grand nom ; Dt 11, 7 מַֽעֲשֵׂה יְהֹוָה הַגָּדֹל la grande œuvre de J. ; avec plusieurs attributs coordonnés : Dt 10, 17 הָאֵל הַגָּדֹל הַגִּבֹּר וְהַנּוֹרָא le Dieu grand, puissant et redoutable ; — Indétermination : Is 36, 13 בְּקוֹל גָּדוֹל d’une voix forte ; 2 R 4, 9 אִישׁ אֱלֹהִים קָדוֹשׁ un saint homme de Dieu[2].

Les exceptions, réelles ou apparentes, se groupent en deux catégories : I) attribut, avec l’article, en apposition à un nom sans article ; II) attribut, sans article, en apposition à un nom déterminé[3].

b I) Attribut, avec l’article, en apposition à un nom sans article.

1) Apparemment dans le type יוֹם הַשְּׁבִיעִי le 7e jour Ex 12, 15, à savoir avec le mot יוֹם et un nombre ordinal ; encore Gn 2, 3 ; יוֹם הַשִּׁשִּׁי le 6e jour 1, 31. Mais ici il y a probablement génitif (littéralt : le jour du 7e), comme il y a génitif dans Esd 7, 8 שְׁנַת הַשְּׁבִיעִית לַמֶּ֫לֶךְ la 7e année du roi (littéralement : l’année de la 7e)[4]. [Cette construction avec le nombre ordinal est peut-être à l’analogie de celle avec le nombre cardinal : בִּשְׁנַת שְׁתַּ֫יִם en l’an 2, בִּשְׁנַת אַחַת en l’an 1, § 142 o]. Avec la préposition on a toujours la voyelle de l’article, p. ex. בַּיּוֹם הַשְּׁבִיעִי Gn 2, 2 ; mais les Naqdanim ayant la tendance à ajouter la voyelle de l’article (§ 137 f) la forme première a pu être בְּיּוֹם. — L’adjectif רִאשׁוֹן premier est traité de la même manière : Ex 12, 15 b מִיּוֹם הָֽרִאשׁוֹן (mais בַּיּוֹם הר׳ 15 a) ; cf. Zach 14, 10 שַׁ֫עַר הָֽרִאשׁוֹן la Première porte, où la construction est douteuse (de même Éz 9, 2 שַׁ֫עַר הָֽעֶלְיוֹן).

c 2) Les exemples certains du type néo-hébreu כְּנֵ֫סֶת הַגְּדוֹלָה la grande Synagogue sont rares dans la Bible : avec adjectif : Jér 38, 14 ⸮ מָבוֹא הַשְּׁלִישִׁי la 3e entrée ; 1 R 7, 8 חָצֵר הָֽאַחֶ֫רֶת l’autre cour (cf. v. 12 ; Éz 40, 28) ; — avec un participe[5] : 1 S 25, 10 עֲבָדִים הַמִּתְפָּֽרְצִים les serviteurs qui s’échappent ; Ct 4, 5 כִּשְׁנֵי עֳפָרִים תְּאוֹמֵי צְבִיָּה הָֽרֹעִים comme deux faons jumeaux d’une gazelle qui paissent ; Is 65, 2 ; Pr 26, 18. — Dans plusieurs cas la vocalisation est probablement fautive, p. ex. Jug 21, 19 ; 1 S 12, 23 ; 2 S 12, 2, 4 ; dans d’autres, le texte consonantique est suspect, p. ex. 1 S 16, 23.

d 3) Apres כֹּל tout, qui comporte une certaine détermination, l’apposition peut avoir l’article : Gn 1, 21 כָּל־נֶ֫פֶשׁ הַחַיָּה tous les êtres vivants ; 1, 28 ; 9, 10 etc.

e II) Attribut, sans article, en apposition à un nom déterminé.

1) Dans le cas particulier du participe attribut d’un pronom ou d’un nom déterminé (exprimé ou sous-entendu), l’article est assez souvent omis en poésie : Is 44, 24 b עֹשֶׂה כֹּל … (mais 26 b sqq. הָֽאֹמֵר) ; Ps 104, 2, 4 (mais v. 3 article !) ; 135, 7 ; Jér 10, 12 (suite du v. 10). — Opp. avec l’article : après un pronom : Is 46, 6 ; Am 2, 7 ; 3, 10 ; 4, 1 ; 5, 7 ; 6, 3 sqq., 13 ; — après un nom : Is 40, 22 (en début absolu, semble-t-il) ; Ps 33, 15.

f 2) En dehors de ce cas particulier l’omission de l’article est assez rare : Ps 143, 10 רוּחֲךָ טוֹבָה ; Gn 43, 14 אֲחִיכֶם אַחֵר (par euphonie ?) ; avec les nombres (§ 142 l) et en particulier אֶחָד (§ 142 l).

Parfois l’article est omis pour une raison particulière, p. ex. Is 65, 2 הַדֶּ֫רֶךְ לֹא־טוֹב (à cause de לא) ; 11, 9 כַּמַּ֫יִם לַיָּם מְכַסִּים (à cause de la séparation par ליּם).

g 3) Le démonstratif זֶה (qui est déterminé par lui-même, § 137 e) ne prend pas l’article après un nom déterminé par un suffixe : Jos 2, 20 דְּבָרֵ֫נוּ זֶה cette parole de nous ; encore זֶה Jug 6, 14 ; 2 R 1, 2 (= 8, 8, 9) ; זֹאת Gn 24, 8 ; אֵ֫לֶּה Ex 10, 1 ; 1 R 22, 23 ; Jér 31, 21.

h 4) On trouve 4 fois בַּלַּ֫יְלָה הוּא Gn 19, 33 ; 30, 16 ; 32, 23 (opp. 22 !) ; 1 S 19, 10, au lieu du normal הַהוּא qu’il faut probablement restituer (le ה sera tombé par haplographie).

  1. Cf. § 121 a N.
  2. Aussi l’absence d’article après un nom déterminé, p. ex. Agg 1, 4 (§ 127 a), indique-t-elle qu’il n’y a pas apposition ; opp. 1 Ch 21, 16 מְכֻסִּים à Éz 9, 3 הַלָּבוּשׁ.
  3. Cf. Mayer Lambert, Revue des Études juives, 31 p. 279 sqq. ; Driver, Hebrew Tenses, § 209.
  4. De même les grammairiens arabes vocalisent yauma ’s-sābiʿi « au 7e jour » comme un génitif. (La légitimité de cette vocalisation est, il est vrai, contestée par Wright-Goeje, Arabic Grammar3, t. 2, p. 233, et Brockelmann, t. 2, p. 209).
  5. Dans ce cas (qui est plus fréquent) l’article se rapproche du relatif. Sur l’article comme relatif cf. § 145 d.