Encyclopédie méthodique/Physique/AIGUILLE AIMANTÉE

AIGUILLE AIMANTÉE. C’eſt une lame d’acier, trempée, longue & mince, mobile ſur un pivot par ſon centre de gravité, & qui a reçu d’un aimant les propriétés magnétiques principalement celle de diriger ſes deux extrémités vers les pôles du monde. On diſtingue pluſieurs eſpèces d’aiguilles aimantées ; mais, avant de les décrire, il eſt à propos d’expoſer les qualités que doit avoir une aiguille aimantée en général. On peut réduire à cinq chefs principaux les conditions qui conſtituent une bonne aiguille aimantée ; elles ſont relatives à ſa matière, à ſa figure, à la trempe, à la ſuſpenſion & à ſon magnétiſme.

1o. La matière d’une aiguille aimantée doit être néceſſairement de fer ou d’acier ; le fer reçoit plus facilement la vertu magnétique que l’acier ; mais auſſi il la conſerve plus difficilement. Une aiguille de bouſſole étant deſtinée ſur-tout à diriger les navigateurs au milieu de l’océan, il eſt indiſpenſable que ſa propriété directive ſoit la plus conſtante poſſible, qu’elle ne ſe détruiſe ni ne diminue notablement. Une aiguille d’acier, non-ſeulement conſerve mieux la vertu magnétique, mais encore elle en reçoit une plus forte doſe, & ſon intenſité eſt toujours conſidérablement plus grande : cette intenſité eſt peut-être une des cauſes de la durée du magnétiſme de l’acier.

L’acier doit être d’une bonne qualité, d’un grain bien fin, homogène & de la plus grande denſité, conſéquemment le plus raffiné. L’expérience a prouvé qu’une aiguille faite d’un bon acier, reçoit une plus forte doſe de magnétiſme, & la conſerve mieux que celle qui eſt fabriquée d’un acier de qualité inférieure. De cette condition il réſulte que l’aiguille pourra être plus légère, ſans être plus flexible.

En forgeant l’acier qui doit ſervir à former une aiguille, on doit avoir l’attention de l’alonger ſeulement, ſans le doubler, ni le plier, ni le tordre en aucune manière, dans quelque ſens que ce ſoit : on doit rejeter les lames dans leſquelles on remarqueroit des pailles, gerçures ou crevaſſes.

2o. La figure des aiguilles a ſubi bien des variations ; il ſuffit de connoître les principales. La plus ſimple eſt celle d’un rhomboïde fort alongé, comme on le voit dans la fig. 357. On peut leur donner celle d’un parallélogramme beaucoup plus long que large, dont les bouts ſe terminent par un angle obtus fort court, fig. 358, ou par un angle aigu, fig. 339. Quelquefois elles ont la figure d’un fer de flèche, fig. 337 ; & on fait enſorte que la pointe ſe tourne du côté du nord. Il y a des artiſtes qui gravent les lettres N & S, ſur les extrémités qui doivent ſe tourner au nord ou au ſud, lorſqu’elles ſont ſemblables ; d’autres font revenir au bleu celle qui eſt deſtinée à ſe diriger vers le nord.

Muſſchenbroeck en a fait exécuter dans la forme repréſentée dans les fig. 359 & 360. Cette aiguille eſt de même largeur dans toute ſa longueur, avec cette différence ſeulement qu’elle eſt un peu plus large vers ſon milieu MN, afin qu’on puiſſe percer à cet endroit un large trou CD : les deux extrémités A & B (fig. 359.) ſont un peu arrondies ; elle eſt vue dans cette figure ſur ſon pivot, & on l’apperçoit en deſſous dans la fig. 360.

On fera connoître quelques autres formes d’aiguilles, en parlant des Aiguilles de déclinaison, des Aiguilles d’inclinaison, des Aiguilles de variations, des Boussoles, &c. Voyez ces mots auxquels nous renvoyons pour éviter les répétitions. Nous dirons ſeulement ici, que Muſchenbroek a avancé, d’après pluſieurs expériences, qu’il étoit plus à propos de donner une plus grande largeur aux extrémités des aiguilles, de telle ſorte qu’elles allaſſent en s’élargiſſant, depuis le milieu juſqu’aux bouts : alors, dit-il, les extrémités qui ſont les plus éloignées du centre de mouvement, donnent une plus grande mobilité à l’aiguille, en recevant plus de vertu magnétique. On a ſoin de marquer, par une ſimple ligne, le milieu de chaque extrémité.

Mais quelle que ſoit la figure d’une aiguille, il faut qu’elle joigne la ſolidité à la légèreté, que ſes deux extrémités ſoient toujours dans une même ligne droite avec le milieu, que celui-ci n’éprouve point de flexion, par la longueur & le poids des deux moitiés de l’aiguille ; c’eſt pourquoi on a ſoin de donner un peu plus d’épaiſſeur à la partie intermédiaire, & de la proportionner à la longueur de l’aiguille.

Il eſt à propos de donner aux aiguilles un certain volume, parce que l’expérience a prouvé que celles qui ont une plus grande quantité d’acier que d’autres, conſervent mieux leur magnétiſme que les aiguilles minces : il faut cependant prendre garde de ne pas tomber dans l’extrémité oppoſée, parce qu’une augmentation de poids en produiroit une dans le frottement.

Comme l’acier eſt ſujet à la rouille, & que celle-ci diminue le magnétiſme, il eſt néceſſaire de couvrir les aiguilles & les pivots, lorſqu’ils ſont d’acier, d’une couche d’huile de lin, ſur-tout dans les voyages de longs cours & dans des mers pleines de brumes.

3o. La trempe. L’expérience a prouvé que des aiguilles d’acier trempées, étoient ſuſceptibles d’acquérir une plus forte vertu magnétique, & de la conſerver beaucoup plus long-temps que celles qui étoient conſtruites avec de l’acier non-trempé ; de même ce magnétiſme a plus d’intenſité & plus de durée dans les aiguilles trempées dur, que dans celles qui n’ont pas une forte trempe, ou qui ſont recuites ou revenues ſimplement au bleu. On ſait que la trempe donne plus de dureté & d’élaſticité aux métaux, & ſur-tout à l’acier ; & on obſerve que l’acier, trempé plus fortement, a plus de dureté & plus d’élaſticité, qu’il eſt conſéquemment plus caſſant. Ces qualités augmentent lorſque la trempe eſt dans l’eau à la glace, & la vertu magnétique eſt alors beaucoup plus forte ; ce qui prouve que plus la trempe eſt dure, plus le magnétiſme qu’on communique enſuite a d’énergie. Voyez Trempe, Aimant artificiel.

Nous ne diſſimulerons pas que Muſſchenbroeck a prétendu qu’il falloit amolir l’acier d’une aiguille, en donnant à la trempe une couleur bleue ou d’un jaune clair, ſelon que l’acier eſt plus ou moins raffiné. Pour trouver ce point, voici le moyen qu’il conſeille. On fabriquera, dit-il, pluſieurs aiguilles avec le même acier, pour leur donner à chacune une trempe différente, enſuite on examinera dans quel degré de trempe une aiguille a reçu le plus de vertu d’un même aimant agiſſant par une même méthode. Après cet eſſai, on donnera à toutes les aiguilles qui ont été faites du même acier, le même degré de trempe qu’on aura obſervé dans les meilleures. Malgré l’autorité de cet habile phyſicien, nous dirons que de nouvelles expériences faites, depuis lui, avec tout le ſoin poſſible, ont levé tout doute à cet égard, & ont prouvé inconteſtablement que des lames & des barreaux d’acier trempés de tout leur dur, reçoivent plus de vertu magnétique, & la conſervent beaucoup plus long-temps.

Pour tremper dur une aiguille, on la fait rougir, & on la plonge enſuite précipitamment dans une eau bien pure & bien froide, obſervant de la plonger, non par la longueur, de peur qu’elle ne ſe cambre, mais par la largeur, & encore l’immerſion ne doit-elle pas ſe faire par la face, mais de champ, c’eſt-à-dire par le tranchant.

4o. La ſuſpenſion la plus uſitée eſt celle des chapes, c’eſt-à-dire, d’un petit cône G, fig. 339, & C G D, fig. 359. Ce cône eſt creuſé intérieurement par une cavité conique faite avec ſoin, & ſe place ſur un pivot F G, figure 339, & P G, figure 359.

Les chapes ſe font ordinairement en laiton, ou en ſimilor, ou bien en agate : quelquefois on ſe contente de mettre au haut de la cavité conique d’une chape de cuivre, un morceau d’agate ; d’autres font ſouder, comme Muſſchenbroeck l’a recommandé, ſur le milieu de l’aiguille, avec de la ſoudure forte, un petit bouton ou chape d’un métal compoſé de cuivre & d’étain, que l’on creuſe en dedans, & dont on polit la concavité avec un poinçon ; de ſorte cependant que cette concavité ne ſoit pas terminée en pointe par le ſommet, mais qu’elle ſoit ſphérique. Quelques-uns font les chapes avec du verre ſoufflé. On doit, en général, répudier les chapes faites de cette manière, parce que le travail, à la lampe de l’émailleur, ne comporte pas aſſez de préciſion. Si on emploie du verre ordinaire, non ſoufflé, il faut le creuſer en demi-rond, & le polir enſuite avec le plus grand ſoin. On peut lui donner la vingtième partie d’un pouce de diamètre, plus ou moins, ſelon le volume de l’aiguille qu’il doit ſupporter.

Il y en a qui ſoudent les chapes de métal ſur le milieu des aiguilles, d’autres ſe contentent de les faire entrer à frottement ; il y a une portée pratiquée d’un côté de la chape pour retenir l’aiguille : on peut enſuite river légèrement la chape par le bas.

L’agate a bien plus de dureté que le cuivre ; mais un horloger travaille bien mieux ſur le tour une chape de cuivre que le lapidaire une chape d’agate : par-là le centre de rotation convient plus ſûrement avec la ligne du milieu de l’aiguille qui paſſe par ſes pôles.

La matière des pivots eſt ordinairement de fer, d’acier ou de cuivre. Le fer eſt trop mou, & la pointe du pivot pouvant facilement s’émouſſer, la liberté des mouvemens n’auroit plus lieu. L’acier eſt préférable, parce que la ſolidité peut ſe concilier avec l’aigu de la pointe dans une tige d’acier bien préparée & trempée convenablement. La pointe d’un pivot étant bien polie, faite avec ſoin, & bien placée dans la ligne verticale, comme l’axe du pivot, l’aiguille éprouve moins de frottement, le pivot ne touchant la chape que dans un point ſenſible, & ſes mouvemens ſont libres : alors l’aiguille n’obéit qu’à l’impreſſion magnétique. On eſt aſſuré de la grande mobilité d’une aiguille, & conſéquemment de la perfection de la ſuſpenſion, lorſque cette aiguille, miſe en mouvement ſur ſon pivot, exerce un grand nombre de vibrations (cent & plus, par exemple,) avant de s’arrêter ; & lorſque les aiguilles ſe fixent toujours au même point, après que leurs vibrations ont ceſſé, dans pluſieurs épreuves faites ſucceſſivement.

Quelques-uns emploient le cuivre, ou plutôt le laiton, pour former des pivots ; mais il faut alors qu’il ſoit bien écroui, & paſſé à la filière ; ſans cela il ſeroit trop mou, & la pointe s’émouſſeroit. Il y en a qui donnent la préférence au cuivre ſur l’acier, pour les pivots, par la raiſon que le fluide magnétique de l’aiguille ne ſe diſſipe pas par un pivot en cuivre comme par un pivot en fer ; mais cette raiſon ne me paroît pas plauſible, parce qu’il n’eſt pas prouvé qu’un corps aimanté perde ou diminue de magnétiſme, lorſqu’il eſt ſur un ſupport ferrugineux, & parce qu’une aiguille aimantée qui a une chape de cuivre, de laiton, ou d’agate, n’eſt point en contact avec ſon pivot d’acier, & conſéquemment ne peut éprouver une diſſipation de fluide magnétique, en ſuppoſant qu’elle fût réelle dans les circonſtances de l’hypothèſe qu’on a avancée gratuitement.

D’autres terminent par une pointe d’acier le bout ſupérieur du pivot, lorſqu’il eſt en cuivre. Le fondement de cette pratique eſt que le frottement du cuivre, ſur un métal de même eſpèce, eſt plus capable de diminuer le mouvement que le frottement d’une eſpèce de métal ſur une autre eſpèce, par exemple, du cuivre ſur le fer. Le principe eſt vrai ; mais l’application qu’on en fait ici, me paroît plutôt déduite de la théorie que de la pratique ; car il n’y a pas d’expérience qui prouve que, lorſqu’il s’agit d’un très-petit contact, comme de celui de la pointe d’un pivot ſur la chape d’une aiguille, la liberté des mouvemens ſoit ſenſiblement moindre quand une chape de cuivre roule ſur un pivot de même matière, que dans le cas où elle eſt ſur un pivot d’acier.

Les pivots d’acier ont un inconvénient majeur, c’eſt qu’ils peuvent ſe rouiller, ſur-tout dans des vaiſſeaux qui ſont ſur l’eau, & ſouvent environnés de bitumes & de vapeurs épaiſſes. Or, la rouille, ſi la pointe du pivot la contractoit, nuiroit bien plus fortement à la liberté des mouvemens de l’aiguille, que le frottement d’une eſpèce de métal ſur un métal de même ſorte.

Pour remédier à cet inconvénient, il faut donc préférer le cuivre ou le laiton à l’acier dans la conſtruction des pivots, & ſe ſervir d’une chape d’agate ou d’un métal mixte ; alors on évitera le frottement de deux métaux homogènes, ſi on craint que cela nuiſe à la perfection de la ſuſpenſion. M. Michell propoſe de faire le pivot en or ou en argent ; & alors il eſt à propos de rendre ces métaux durs par beaucoup d’alliage.

Lorſque les appareils, qui renferment des aiguilles aimantées, ſont portatifs, il eſt bon que les pivots puiſſent ſe démonter ; on les porte alors dans des tuyaux de plume, ou d’autre matière : rien n’empêche d’avoir pluſieurs pivots dans les voyages, en cas que les pointes s’émouſſent. Au lieu d’ôter le pivot, il y en a qui adaptent à leur boîte un petit levier à fourchette & à baſcule qui ſert à élever l’aiguille de deſſus le pivot, pour empêcher qu’elle ne frotte deſſus, lorſqu’on ne s’en ſert point. Il y en a cependant qui blâment cet uſage, parce que l’aiguille ne peut alors ſe diriger librement vers les pôles. Mais les mouvemens du tranſport ſont plus nuiſibles encore à l’aiguille ; & de deux maux il faut éviter le plus grand.

La forme la plus ordinaire des pivots eſt celle d’une petite tige perpendiculaire, qui, par le haut, finit en pointe, & ſur laquelle on place l’aiguille par la cavité conique de ſa chape. F G, figure 339, & P G, figure 359, montrent des pivots d’aiguille.

Cette manière de ſuſpendre les aiguilles ſuffit peut-être pour les inſtrumens le plus en uſage ; mais ſi l’aiguille a un volume & un poids plus grand que de coutume, ce qui eſt quelquefois néceſſaire pour augmenter la vertu magnétique, & conſéquemment la propriété directive, alors la ſuſpenſion ordinaire entraîneroit trop de frottement. Une aiguille petite & mince ne contracte pas autant de force magnétique pour ſe diriger, que celle qui a plus de volume & plus de maſſe, ainſi que l’expérience le prouve ; & celle-ci peſant davantage ſur la pointe du pivot, n’a pas autant de liberté de mouvement, à cauſe de ſon excès de frottement.

Afin de rendre une aiguille aſſez peſante, autant & même plus libre dans ſes mouvemens qu’une aiguille très-légère, M. Antheaulme imagina de ſubſtituer au pivot aigu, dont nous venons de parler, un petit pilier de cuivre aſſez gros pour recevoir une chape de verre ou d’agate qui y eſt maſtiquée, l’ouverture tournée en haut. Il en ajuſta enſuite une ſemblable au centre de l’aiguille. Après cela il mit un petit fuſeau de cuivre pointu par les deux bouts, dont l’un entre dans la chape renverſée qui eſt à l’extrémité du pilier, & l’autre dans la chape de l’aiguille. Enfin, du milieu de la hauteur de ce fuſeau, partent de petites verges de cuivre, diſpoſées en triangle, & qui portent trois petits contre-poids pour ſervir à rappeller & à retenir le fuſeau & l’aiguille (même couverte d’une roſe des vents) dans la perpendiculaire. (Voyez la figure 368.)

L’addition dont on vient de parler procure à l’aiguille aimantée une très-grande mobilité ; elle eſt même ſi grande, qu’on pourroit dire qu’un excès de perfection eſt un grand défaut, & que l’aiguille ainſi ſuſpendue deviendroit volage, c’eſt le nom que les marins donnent aux aiguilles qui, par une très-grande mobilité, ſont toujours ſi fort agitées par les mouvemens du vaiſſeau qu’il ne leur eſt preſque pas poſſible de bien ſaiſir la vraie direction de l’aimant. Pour obvier à ce nouvel inconvénient, M. Antheaume fait coler perpendiculairement ſous l’aiguille de petites aîles de papier qui par la réſiſtance que l’air leur oppoſe, diminuent conſidérablement le nombre des vibrations de l’aiguille, qui ſe fixe alors aſſez promptement, quoiqu’elle ſoit très-mobile. On la renferme enſuite dans une boîte couverte d’une plaque de verre, logée dans une feuillure.

Quelque bonne que ſoit cette manière de ſuſpendre une aiguille aimantée, il y en a une autre préférable, imaginée par M. Coulomb, laquelle doit être employée dans toutes les obſervations délicates, ſur-tout lorſqu’il s’agit de déterminer les variations de l’aiguille aimantée : nous en parlerons plus en détail dans un inſtant, à l’article aiguille de variation. Ici, il ſuffira de dire qu’elle eſt faite avec des fils de ſoie & un étrier.

5o. De la manière d’aimanter les aiguilles de bouſſole. La propriété connue ſous le nom de communication de l’aimant, eſt celle par laquelle l’aimant qui touche le fer lui donne la même vertu qu’il a. Une aiguille de bouſſole reçoit donc par le contact d’un aimant, ſoit naturel, ſoit artificiel, la vertu attractive, répulſive, directive, &c. La façon d’aimanter une aiguille étant un objet de grande importance, ſur-tout dans l’art de la navigation, les phyſiciens ſe ſont depuis long-temps appliqués à faire des recherches ſur la meilleure méthode de communiquer une grande force magnétique aux aiguilles de bouſſole.

La première méthode & la plus ſimple, eſt celle de frotter ſur les pôles d’un aimant armé ou non armé, ſoit naturel, ſoit artificiel, les aiguilles auxquelles on veut communiquer la vertu directrice. Suppoſons qu’on ait un aimant C E, figure 361 ; on le place de façon que le pôle C ſoit en haut, & le pôle E en bas, & que l’aiguille N Α ſoit ſur le pôle C par ſon milieu ; c’eſt-à-dire, par l’endroit qui répond à la chape D ou chaſſe. Alors faites gliſſer la moitié D N de l’aiguille du point D au point N ſur le pôle C de l’aimant ; répétez enſuite pluſieurs fois cette opération de la même manière, & lentement, en appuyant un peu l’aiguille ſur le pôle C ; enſuite tournez l’aimant, de ſorte que ſon pôle E ſoit ſupérieur, & le pôle C inférieur ; faites frotter de même, pluſieurs fois, en gliſſant lentement l’autre moitié de l’aiguille du point D au point Α ; & obſervez que le nombre des frottemens ſoit égal. Au bout de 25 ou 30 fois, l’aiguille aura acquis toute la vertu qu’elle peut recevoir de l’aimant qu’on a employé dans cette méthode.

Il n’eſt pas néceſſaire que l’aimant ſoit ſphérique, comme la figure le repréſente ; toute figure, en général, eſt indifférente, pourvu que les pôles de l’aimant ſoient bien caractériſés. On peut encore ſe ſervir d’un aimant armé ou non armé, en obſervant cependant que par le moyen de l’armure on obtient une force directive plus conſidérable. Un aimant artificiel communique la vertu magnétique comme l’aimant naturel ; elle a même plus d’intenſité, & par conſéquent il faut préférer le premier au ſecond.

Quelques phyſiciens preſcrivent de placer ſur le pôle C ou E de l’aimant (figure 361) chaque partie de l’aiguille, à peu près vers ſon milieu, entre la chape & l’extrémité ; mais l’expérience m’a prouvé que l’aiguille eſt moins fortement aimantée dans ce cas que dans celui où le pôle répond à la chape D. On recommande encore, lorſqu’on eſt arrivé, en frottant, à l’extrémité de l’aiguille, de continuer à mouvoir l’aiguille dans la même direction à la diſtance de 8 ou dix pouces environ. Cette pratique n’eſt pas néceſſaire, & l’expérience n’a pas prononcé que cet éloignement contribuât à donner à une aiguille une plus grande intenſité qu’un éloignement qui ſeroit moindre de moitié ou des deux tiers.

Mais ce qui eſt certainement plus avantageux, c’eſt la méthode de frotter ſur les pôles de l’aimant la ſurface inférieure de l’aiguille, comme la ſurface ſupérieure, en faiſant attention que pour cet effet il faut retourner l’aiguille & frotter toujours avec un même pôle les deux ſurfaces de chacune de ſes parties.

Lorſqu’on ſe ſert d’un aimant armé, on fait gliſſer l’aiguille ſur les pieds de l’armure qui repréſentent les pôles (Voyez Armure de L’aimant). Ce frottement peut s’exécuter de pluſieurs façons dans la direction de la ligne droite qu’on peut imaginer paſſer par les deux pieds, ou dans celle qui lui eſt perpendiculaire. La première manière m’a paru préférable dans quelques expériences, cependant l’avantage n’eſt pas conſtant. Il y en a qui diſent qu’une troiſième manière eſt préférable aux deux précédentes, ſur-tout pour les longues aiguilles, c’eſt celle de frotter dans deux aiguilles qui ſe croiſent en dedans, & forment entr’elles un V ou un angle aigu. Mais dans tous ces cas, on ne doit faire toucher à-la-fois l’aiguille que ſur un ſeul pied de l’armure. Mais après, on aimante de la même manière, ſur l’autre pied, la ſeconde moitié de l’aiguille.

Nous ferons ici une obſervation générale qui a lieu dans toutes les méthodes d’aimanter, c’eſt que la partie d’une aiguille qui touche le pôle méridional d’un aimant quelconque, ſe dirige toujours vers le nord, & qu’au contraire, celle qui a été frottée ſur le pôle ſeptentrional, ſe tourne conſtamment vers le midi. Ainſi on aura ſoin de frotter ſur le pôle ſud d’un aimant, la partie d’une aiguille qui eſt en fer de flèche, qui eſt bleue, qui eſt en fleur de lys, &c.

La ſeconde méthode conſiſte à employer deux aimans au lieu d’un ſeul. Dans la méthode précédente, on frottoit alternativement l’aiguille ſur les deux pôles d’un aimant ; dans celle-ci, on emploie en même-temps deux aimans ; mais chacun par un pôle de différente dénomination : auſſi le magnétiſme communiqué a-t-il plus de force. D’abord on place l’aiguille ſur une planche unie, où on a pratiqué une petite cavité pour recevoir la chape ; enſuite on prend deux bons aimans armés ; on met le pied méridional de l’un ſur la portion de l’aiguille qui doit être dirigée vers le nord, & le pied ſeptentrional de l’autre aimant ſur l’autre moitié de l’aiguille ; de ſorte que les pieds, qu’on vient de nommer, ſoient l’un & l’autre proche de la chape. Après, on frotte lentement, & dans le même temps, ſur l’aiguille, ces deux aimans, en les ſéparant & en les mouvant juſqu’à ce qu’ils ſoient arrivés enſemble au-delà des deux bouts de l’aiguille. On recommence douze ou quinze fois cette opération. Enſuite on retourne l’aiguille pour la frotter de la même manière ſur ſa ſurface ſupérieure, après avoir eu ſoin de la fixer d’une manière quelconque, la chape au-deſſus de la cavité. Cette manière d’aimanter une aiguille eſt plus énergique, lorſqu’on ſe ſert de deux aimans artificiels.

La troiſième méthode conſiſte à aimanter une aiguille de bouſſole en la plaçant par ſon milieu ſur la jonction de deux barreaux aimantés qui ſe touchent par leurs pôles de différens points, & qui ſont ſitués dans la même ligne droite, ſoient deux barreaux d’acier aimantés B M, S E, figure 362, fortement aimantés, diſpoſés de façon que le pôle M méridional de l’un, ſoit en contact avec le pôle ſeptentrional S de l’autre. L’aiguille N D Α étant placée ſur ces deux barreaux, de ſorte que la chape réponde à la ligne de réunion M C ; on applique enſuite fortement la partie D N de l’aiguille ſur la lame M B, & pareillement la partie D Α de la même aiguille ſur l’autre barreau S E. Après on retire lentement les deux barreaux de part & d’autre, en les ſéparant, ayant ſoin néanmoins que les deux côtés demeurent appliqués ſur les lames ou barreaux. Lorſque ces deux barreaux ſeront ſuffiſamment retirés pour que les deux moitiés de l’aiguille ne ſoient plus poſées ſur eux, on laiſſera les deux barreaux dans une ſituation telle que l’aiguille ſe trouve placée entr’eux, de ſorte que le bout N de l’aiguille touche l’extrémité M de la barre M, & que l’autre extrémité Α de la même aiguille ſoit en contact avec l’extrémité S de l’autre lame. Après avoir laiſſé les deux barreaux dans cet état pendant deux ou trois minutes environ, on retirera les deux barreaux, & l’aiguille ſera fortement aimantée. En recommençant pluſieurs fois la même opération, le magnétiſme de l’aiguille augmentera d’intenſité. L’extrémité N de l’aiguille ſera le pôle ſeptentrional, conformément à ce qu’on a obſervé ci-deſſus, & le bout Α ſera le pôle ſud. On voit que cette méthode eſt une ſuite de la ſeconde.

Cette méthode eſt de M. Knight : ce phyſicien avoit ſoin d’ôter la chape de l’aiguille a a & de la placer ſur la ſurface ſupérieure, & non latérale des deux barreaux Α & B, qui ſe touchoient par leurs pôles n s de différens noms, comme on le voit dans la figure 363. Par des expériences pluſieurs fois répétées, il a trouvé, ainſi que d’autres ſavans, qu’une aiguille trempée de tout ſon dur, avoit acquis une force double que celle d’une aiguille chauffée après la trempe, & devenue bleue, quoiqu’aimantée de la même manière ; car la première attira & enleva un poids de fer peſant douze gros, tandis que la ſeconde ne put produire le même effet que ſur un poids de ſix gros. C’eſt avec raiſon qu’on a remarqué que ſi Muſſchenbroeck a éprouvé le contraire, c’eſt que dans ſes expériences il ne s’eſt ſervi que d’aimans naturels, qui ne peuvent donner facilement une grande vertu magnétique à des aiguilles d’un acier trempé de tout ſon dur, à moins qu’elles ne ſoient fort petites, tandis qu’au contraire on leur communique facilement une forte vertu magnétique avec des aimans artificiels. Voyez Aimant, ſeptième propriété.

Une quatrième méthode eſt repréſentée dans la figure 364, ſoient deux barreaux d’acier fortement aimantés, unis entr’eux par deux morceaux de fer doux, E G, F K ; placez ſur chacun des barreaux une aiguille de bouſſole N D Α, O S P, ſoient encore deux autres lames aimantées D L, D M dont les deux pôles oppoſés ſe touchent en D, les choſes ainſi diſpoſées, faites gliſſer la barre D L ſur la longueur de l’aiguille, depuis la chape D juſqu’à ſon extrémité N : faites pareillement gliſſer l’autre barre D M ſur l’autre partie de la même aiguille, depuis D juſqu’en Α : réitérez enſuite la même opération pluſieurs fois, & l’aiguille ſera fortement aimantée. On communiquera de même la vertu directive à l’autre aiguille O S P, placée ſur l’autre barre B C. On peut n’aimanter, ſi on veut, qu’une ſeule aiguille. Il y en a qui recommandent de répéter cette opération pluſieurs jours de ſuite. Ici on traite les aiguilles comme des barreaux d’acier qu’on déſire d’aimanter. Voyez Aimant artificiel où cette méthode ſera plus détaillée. Muſſchenbroeck, tom. I, pag. 348.

Les aiguilles aimantées ſont de quatre ſortes, ſavoir, l’aiguille de direction, l’aiguille de déclinaiſon, l’aiguille de variation, & l’aiguille d’inclinaiſon.

L’aiguille de direction eſt celle qui par ſa conſtruction, indique la direction de l’aimant. Si l’aimant ſe dirigeoit nord & ſud préciſément, une aiguille d’acier, bien trempée, parfaitement ſuſpendue & fortement aimantée, devroit être appelée aiguille de direction. En 1666, l’aiguille aimantée indiquoit à Paris le nord, ſans aucune déviation, ou aberration. Il y a pluſieurs autres contrées, où, pendant certain temps, l’aiguille n’éprouvant aucune déviation, indique directement le nord. On ne ſait pas encore ſi les aberrations de l’aiguille aimantée qui, après avoir été vers l’eſt, ſont enſuite vers l’oueſt, ont une marche périodique.

L’aiguille aimantée, indiquant toujours la direction du méridien magnétique, lequel diffère ſouvent du méridien aſtronomique, l’aiguille aimantée peut, ſous ce rapport, être nommée aiguille de direction. En ce ſens, l’aiguille de direction & l’aiguille de déclinaiſon dont nous parlerons bientôt, ſont la même choſe. Mais l’uſage a prévalu de donner ſeulement le nom d’aiguille de déclinaiſon à l’aiguille aimantée, parce qu’elle décline plus ſouvent du vrai nord, qu’elle n’y eſt dirigée, ſoit qu’on conſidère la ſuite des années ou l’étendue des lieux. Voyez Direction de l’aimant, Déclinaison de l’aimant, au mot Aimant, & à ces mots particuliers.

L’aiguille de direction, priſe dans le premier ſens qu’on vient d’expoſer, indiquera toujours le nord, & dans le ſecond ſens, marque toujours la direction du méridien magnétique ; & ſi on ſe borne là, une ſimple aiguille eſt une aiguille de direction ; mais l’aiguille de déclinaiſon exige, 1o. d’être placée ſur une méridienne pour connoître cette déviation ; & 2o. d’être miſe au milieu d’un cercle gradué pour évaluer la quantité de cette aberration : ainſi, ſous ce nouveau rapport, l’aiguille de direction diffère de l’aiguille de déclinaiſon.

On obſervera que lorſqu’on veut connoître avec préciſion la direction d’une aiguille aimantée, conſtruite à l’ordinaire, il eſt à propos de commencer par agiter un peu ſon ſupport, pour lui faire prendre ſa véritable direction, & on remarque aſſez conſtamment, ſi la bouſſole eſt bonne, que lorſqu’aucune cauſe ne tend à la faire varier, on a beau agiter le ſupport, l’aiguille tremble, mais elle reſte fixe. Lorſque ſes variations doivent avoir lieu, le matin & le ſoir, vers l’oueſt ou vers le nord (ainſi qu’on le dira à l’article Aimant, cinquième propriété, variation), l’aiguille ſe dirige au vrai point de ſa variation actuelle ; & quand elle eſt arrivée à ce point, ce qui ſe fait dans le moment, elle y demeure fixe, malgré les ſecouſſes légères qu’on continue de donner au ſupport.

M. Knight a fait voir, par pluſieurs expériences, que les aimans & les aiguilles de bouſſoles pouvoient renfermer différens pôles, qui, ayant des propriétés & des vertus toutes contraires, pourroient nuire à leur efficacité, & ne ſervir qu’à affoiblir les pierres armées & non armées, ainſi que les bouſſoles. Il trouva, en effet, telles bouſſoles marines ou compas de route qui avoient quatre, ſix & juſqu’à huit pôles. Quelque peu de force qu’aient les pôles apparens dans une pierre brute ou dans une aiguille de bouſſole, il eſt très-certain que la propriété de l’un étant attractive, & au contraire répulſive dans l’autre pôle qui lui eſt contigu, il doit s’enſuivre de-là des forces qui ſe détruiſent avec telles combinaiſons, qu’il eſt poſſible qu’il y ait des cas où l’effet de ces aiguilles ſeroit abſolument nul. Ainſi, dans ce cas ſi rare, quoique très-poſſible, une pierre d’aimant, nageant ſur l’eau, ou bien l’aiguille de la bouſſole miſe en expérience, n’auroit aucun effet, quant à ſa direction, quoique la limaille de fer, ſemée légèrement, tout autour, ne ceſſe d’y indiquer la vertu attractive. De ce cas extrême, dit M. le Monnier, l’aſtronome, en formant diverſes gradations, il eſt viſible que juſqu’à ce qu’on ait atteint & réuſſi à n’avoir, dans une pierre, ou dans une bouſſole, que ſeulement deux pôles, & qui ſoient diamétralement oppoſés, on ne ſauroit ſe flatter de les voir agir, quant à ſa direction, avec toute la vivacité dont elles pourroient être ſuſceptibles. On n’ignore pas que le vrai moyen de juger de la vivacité d’une aiguille, ainſi que l’a dit Muſſchenbroek, conſiſte à meſurer le nombre d’oſcillations qu’elle fait dans un temps donné, & qu’il en doit être de même d’une pierre qui nage à la façon des arabes & des chinois, ſur un morceau de liége, à l’abri du vent, dans une eau tranquille & dormante.

Telle fut la première inſtitution des bouſſoles que pratiquoient les ſarraſins, connus dans la mer rouge & aux Indes, ſous le nom de pilotes maures, lorſque Louis IX prit Damiette. À cette manière de faire nager la pierre d’aimant ſur l’eau, ſuccéda celle de poſer légèrement une aiguille à coudre, touchée à une pierre d’aimant ſur l’eau ; & enſuite dans l’air, lorſqu’on eut adapté une chape au milieu d’une aiguille, pour qu’elle tournât facilement ſur un pivot. Cette chape a cauſé depuis quelques inconvéniens ſinguliers, ſavoir, celui de multiplier les pôles de l’aiguille ; en ſorte qu’elles avoient au moins quatre pôles ; ſavoir, deux pôles oppoſés de chaque côté de la chape. On ſait depuis long-temps que tout morceau d’acier aimanté & enſuite rompu, donne très-vîte naiſſance à un nouveau pôle, aux points de ſa rupture : l’ouverture, pour placer la chape, participe ſans doute d’un effet auſſi conſtant.

M. Œpinus en a répété l’expérience à Pétersbourg, comme on le voit dans ſes recherches ſur l’électricité & le magnétiſme, publiées en 1759. M. Knight ne l’ignoroit pas, lorſqu’il a découvert la multiplicité de pôles oppoſés à certaines aiguilles, ſervant de compas de mer, & lorſqu’il en a conclu dès-lors, le degré de foibleſſe que ces pôles entraînoient avec eux par leurs effets contraires aux directions apparentes indiquées par ces aiguilles.

Il y a plus de quatre-vingts ans que Sturmius s’apperçut que les aiguilles aimantées & percées pour recevoir une chape, n’avoient pas ſeulement un pôle boréal & un pôle auſtral à leurs extrémités, mais qu’il ſe trouvoit auſſi, proche cette chape, deux nouveaux pôles. Il rapporte pluſieurs expériences qu’il a faites, & qui prouvent que ces pôles ſe nuiſent dans les aiguilles aimantées, quant aux effets de leur direction. Cet objet eſt diſcuté ſoigneuſement dans la ſeconde partie phyſique du recueil des curieux de la nature. (Colleg. natura curioſorum), ainſi que dans le ſecond volume de ſa phyſique élective.

C’eſt d’après ces obſervations qu’on donna en Dannemarck une nouvelle forme aux aiguilles de bouſſole, en ne les perçant point pour éviter la multiplicité des pôles, qui ſe contrarient. Pour cet effet, on plaça, au milieu de la roſe, une lame de cuivre ayant pour chape un métal très-dur & travaillé ſur le tour des horlogers. Enſuite on mit parallèlement à cette aiguille de cuivre, garnie d’un bouton coulant pour faire équilibre, d’abord quatre lames de reſſort très-minces, deux de chaque côté du centre, afin qu’elles ſe contre-balancent, & on les poſa ſur leur épaiſſeur, & on les fixa proche le diamètre, dans la circonférence de la roſe du compas.

Ces quatre aiguilles ou cordes de cercle de la roſe du compas, ſont à diſtances égales de part & d’autre du milieu de la chape, ou bien ſont cenſées y avoir été placées ſenſiblement avec le même écart & avec toutes les précautions poſſibles. Il eſt évident que ſi elles ſont non-ſeulement égales entr’elles, mais auſſi d’égale peſanteur, les premiers principes de la ſtatique peuvent indiquer d’abord à l’artiſte ſi ſon point de rotation eſt à diſtances égales de ces mêmes aiguilles ; autrement les loix de l’équilibre une fois violées, il appercevroit à chaque eſſai les défauts, ſoit des aiguilles, ſoit de la ſuſpenſion.

Il y en a qui ont penſé à ne mettre ſous la roſe qu’une ſeule aiguille fortement aimantée & poſée parallèlement au diamètre de la roſe, ou à l’aiguille de cuivre, portée ſur la chape du centre, ce qui ſuffiroit pour indiquer le méridien magnétique. Alors, il ne s’agit que de contre-balancer de l’autre côté du centre ou du point de rotation, cette aiguille par une autre d’argent ou de cuivre rouge bien pur. On reconnoît que ce métal eſt pur s’il n’attire pas de moindres aiguilles aimantées très-vives : pour peu qu’il y eût de parcelles de fer mêlées avec le cuivre, on obſerveroit des attractions.

Au reſte, ſi l’on veut admettre plus d’une aiguille, pour donner à la bouſſole plus de force & d’activité, il faut qu’il y en ait au moins deux (puiſqu’on ne compte pas celle du centre) qui ne ſoient pas d’acier, mais qui tiennent la place de deux des quatre aiguilles aimantées ; & il faut d’ailleurs que la force des aiguilles d’acier ſoit bien égale.

On peut encore, au lieu de percer les aiguilles, les placer au-deſſus de la chape ; on peut avoir recours à un curſeur ou à un petit appareil ſemblable aux poupées qui portent les pointes d’un compas à verge, & gliſſent ſur la règle. L’aiguille étant alors en équilibre ſur ſon champ ou épaiſſeur. Loix du magnétiſme. 1776.

M. Kotelnikow a propoſé d’employer un parallélipipède d’acier qui ſoit porté par un cône tronqué fait en bois ; il a déterminé algébriquement les dimenſions de ce cône, par le moyen du rapport qu’il doit y avoir entre l’aiguille & le cône, pour que le centre de gravité ſoit au-deſſous de la ſuſpenſion ; au reſte, on peut faire la même choſe avec des contre-poids placés ſur les côtés de l’aiguille.

[L’excellence de l’aimant avec lequel on touche l’aiguille, & la grande vertu magnétique qu’elle reçoit dans toutes les circonſtances que nous venons de rapporter plus haut, font qu’elle obéit plus facilement aux impreſſions magnétiques, & que les obſtacles du frottement & de la réſiſtance de l’air deviennent comme nuls ; mais elle ne prend pas une meilleure direction que ſi elle eût été moins bien aimantée. En effet, on obſerve que la direction des aiguilles qui n’ont jamais touché à l’aimant, ou qui ont été trempées après avoir été rougies, celles de toutes les eſpèces d’aiguilles aimantées ſur différentes pierres, de figures & de qualités différentes, & dans quelque partie du monde que ce ſoit ; on obſerve, dis-je, que la direction de toutes ces aiguilles ſe fait uniformément ſuivant le même méridien magnétique particulier à chaque lieu. Voyez fig. 450.

Il eſt arrivé quelquefois que le tonnerre tombé auprès d’une aiguille aimantée, en a changé la direction, & même qu’il lui en a donné une directement contraire ; mais ces accidens ſont aſſez rares, & ne doivent point être comptés parmi ceux qui agiſſent ſur l’aiguille aimantée, & qui en changent conſtamment la direction.

On ſeroit bien plus porté à croire que les mines de fer, dans le voiſinage deſquelles ſe trouveroit une aiguille aimantée, pourroient altérer ſa vertu directive : on s’eſt aſſuré du contraire en mettant une aiguille très-mobile auprès d’un morceau d’excellente mine de fer, qui rendoit 23 livres de fer par chaque quintal (110 liv.), ſans que l’aiguille en ait été ſenſiblement dérangée. Mais il y a d’autres cauſes inconnues, dépendantes ſans doute des météores, qui dérangent ſenſiblement l’aiguille aimantée : par exemple, à la latitude de 41 degrés 10 minutes du nord, & à 28 degrés 0 minutes de longitude du cap Henri, en Virginie, le 2 ſeptembre 1724, l’aiguille aimantée devint d’une agitation ſi grande, qu’il fut impoſſible de ſe ſervir de la bouſſole pour faire la route ; & on eut beau mettre pluſieurs aiguilles en différens endroits du vaiſſeau, & en aimanter quelques-unes de nouveau, la même agitation continua & dura plus d’une heure, après quoi elle ſe calma, & l’aiguille ſe dirigea comme à l’ordinaire.

Il y a quelque apparence que le grand froid détruit, ou du moins ſuſpend la vertu directive de l’aiguille aimantée. Le capitaine Ellis rapporte dans ſon voyage à la baie d’Hudſon, qu’un jour que ſon vaiſſeau étoit environné de beaucoup de glace, ſes aiguilles aimantées perdirent entièrement leur vertu directive ; que pendant que l’une ſuivoit une certaine direction, l’autre en marquoit une toute différente, & que pas une ne reſta long-temps dans la même direction ; qu’il tâcha de remédier à ces accidens, en touchant ſes aiguilles à un aimant artificiel : mais qu’il y perdit ſes peines, & qu’elles perdoient en un moment la vertu qu’elles acquéroient par ce moyen ; & qu’il fut bien convaincu, après pluſieurs eſſais, que ce dérangement des aiguilles ne pouvoit être corrigé par l’attouchement de l’aimant ; que le moyen qui lui réuſſit le mieux pour remédier à cet accident, fut de placer ſes aiguilles dans un lieu chaud, où elles reprirent effectivement leur activité, & pointèrent juſte comme à l’ordinaire : d’où il conclut que le froid exceſſif, cauſé par les montagnes de glace dont il étoit environné, en reſſerrant trop les pores des aiguilles, empêchoit les écoulemens de la matière magnétique de les traverſer, & que la chaleur, dilatant ces mêmes pores, rendoit la liberté au paſſage de cette même matière.]

Une aiguille aimantée étant un véritable aimant artificiel qui jouit de toutes les propriétés de l’aimant naturel, a conſéquemment une vertu attractive qui s’étend à une diſtance plus ou moins grande. Si donc on ſuppoſe deux aiguilles aimantées, librement ſuſpendues, & ſe trouvant dans leur ſphère d’activité réciproque, elles agiront l’une ſur l’autre, & leur direction primitive & naturelle en ſera altérée à proportion de leur mobilité ſur le pivot, de leur degré de magnétiſme, de la proximité des centres des bouſſoles, & de l’angle que fait avec les aiguilles la ligne qui joint les centres. M. Blondeau, dans un mémoire inſéré dans le tome premier des mémoires de l’académie de marine, a examiné dans quel degré de chaque circonſtance le dérangement étoit nul, afin qu’on pût ſe régler en conſéquence lorſqu’on veut employer deux bouſſoles à côté l’une de l’autre, comme dans les habitacles des vaiſſeaux, ou afin de décider ſi l’on doit n’en employer jamais qu’une. Une des conſéquences les plus importantes que ce phyſicien ait tirées, c’eſt que ſi l’on veut continuer à tenir deux bouſſoles dans l’habitacle, il faut mettre entre leurs centres au moins trois pieds de diſtance, tant que les bouſſoles ne ſeront pas plus parfaites que celles qui ſont fabriquées ordinairement dans nos ports, & davantage à meſure que cette perfection deviendra plus grande par rapport au magnétiſme des aiguilles & quant à leur mobilité.

Des maſſes de fer, placées proche de l’aimant, produiroient de ſemblables perturbations dans la direction de l’aimant ; c’eſt pourquoi il faut en éloigner les aiguilles de bouſſole, de ſorte que les premières ſoient hors de la ſphère d’activité des aiguilles. Voyez Boussole & Aimant, Attraction.

Le cuivre jaune a une influence ſur la direction de l’aiguille aimantée, & conſéquemment on doit l’en éloigner ſuffiſamment. Pluſieurs faits prouvent cette vérité. M. Dulac, profeſſeur d’hydrographie à Rouen, & M. le chevalier d’Angos, obſervèrent un graphomètre fait à Paris par le ſieur Canivet, dont l’aiguille aimantée tournoit avec l’inſtrument, & ſe fixoit indifféremment ſur un point ou ſur un autre. Ils firent aimanter cette aiguille pluſieurs fois ; elle produiſit toujours le même phénomène. En lui préſentant un barreau aimanté, & en le retirant enſuite, l’aiguille reſtoit au point où on l’amenoit, & on la fixoit même à douze degrés de ſa véritable ſituation. On préſenta enſuite de très-près un compas de proportion de cuivre jaune à l’aiguille de la bouſſole, & auſſi-tôt cette aiguille ſuivit les mouvemens du compas. M. d’Angos prit enſuite du cuivre jaune plus matériel, & il amena l’aiguille juſqu’à faire un tour entier.

Cet effet vient de ce que le zinc ou la calamine, qui entre dans la compoſition du cuivre jaune, contient du fer. On doit donc proſcrire le cuivre jaune des bouſſoles, & de toutes les boètes ou appareils qui renferment des aiguilles aimantées ; ou, ſi on ne veut pas en abandonner l’uſage, il faut eſſayer, chaque fois, le cuivre dont on deſire ſe ſervir. L’académie des ſciences a reçu pluſieurs obſervations ſemblables à celle qu’on vient de rapporter. On s’eſt auſſi aperçu en Angleterre du même fait ; car à préſent on n’y conſtruit preſque plus de bouſſole en cuivre. Voyez Aimant, première propriété, attraction.

L’uſage de l’aiguille aimantée étant ſi avantageux, on doit être curieux d’en connoître la première époque. Un poète du douzième ſiècle, Guyot de Provins, qui ſe trouva à la cour de l’empereur Frédéric, tenue à Mayence en 1181, atteſte que les pilotes français faiſoient uſage d’une aiguille aimantée, qu’ils nommoient la marinette, parce que, dans les temps nébuleux, elle indiquoit aux marins l’étoile polaire (Voyez Abbat Uſperg, & Fauchet antiquit.) Mais cette aiguille n’étoit alors que couchée ſur du liége ou ſur deux brins de paille flottans ſur l’eau. Bientôt après on ſuſpendit l’aiguille ſur un pivot. Dans le quatorzième ſiècle, on plaça ſur l’aiguille la roſe des vents, c’eſt-à-dire, un carton diviſé en 360 degrés, ſur lequel on avoit marqué les principaux vents.

On ignore le véritable auteur de l’invention de la bouſſole. Les Italiens prétendent que Flavio Gioïa conſtruiſit à Melphi, au royaume de Naples, la première bouſſole qui ait paru. Les Français ſoutiennent que, dès le douzième ſiècle, on trouve chez eux l’uſage de l’aiguille aimantée pour régler la navigation, & que la fleur-de-lis, qu’on met par-tout pour déſigner le nord, prouve que les autres nations ont reçu d’eux ce précieux inſtrument. Les Anglois, renonçant à l’honneur de la découverte, s’attribuent celui du perfectionnement de la bouſſole amenée à une forme plus commode, en diſant qu’on lui donne, en beaucoup d’endroits, le nom de compas de mer (mariner’s compaſs). En vain quelques-uns citent-ils ici les Chinois qui, encore aujourd’hui, font nager ſur l’eau l’aiguille aimantée, en la plaçant ſur un ſupport de liége ; il eſt probable que les Vénitiens qui alloient aux Indes ou à la Chine par la mer rouge, ont fait connoître, dès le treiſième ſiècle, cette précieuſe découverte juſqu’au fond de l’Aſie.

Aiguille de déclinaison. L’aiguille de déclinaiſon eſt celle qui indique la déviation que fait du vrai nord l’aiguille aimantée, & la quantité de cette aberration, ſoit vers l’eſt, ſoit vers l’oueſt. Si l’aiguille avoit une direction conſtante vers le nord ou vers tout autre point de l’horiſon, pourvu qu’elle ne changeât jamais, quand une fois on auroit, par exemple, réglé la route du vaiſſeau pour faire un certain angle avec la direction de l’aiguille, il ſuffiroit de conſerver cet angle toujours le même, dit un célèbre phyſicien, & l’on ſeroit aſſuré que la route ne ſeroit point changée, ou l’on ſauroit du moins de quelle quantité elle eſt ; mais cette direction varie d’un lieu & d’un temps à l’autre ; & il y a, ſur la ſurface du globe de la terre, pluſieurs endroits où l’aiguille aimantée affecte de ſe tourner exactement au nord & au ſud ; & il y en a une infinité d’autres où elle s’en écarte plus ou moins. Cette différence entre la direction de l’aimant & la ligne méridienne du lieu dans lequel on obſerve, forme la déclinaiſon ; & les aiguilles deſtinées à connoître la quantité de cette différence, ſe nomment aiguilles de déclinaiſon.

[Lorſqu’on place une aiguille aimantée ſur une bonne méridienne, enſorte que ſon pivot ſoit bien perpendiculaire & dans le plan de cette méridienne, & qu’on la laiſſe enſuite ſe diriger d’elle-même ſuivant ſon méridien magnétique, on obſerve qu’elle ne ſe dirige pas exactement vers les pôles du monde, mais qu’elle en décline de quelques degrés, tantôt à l’eſt, tantôt à l’oueſt, ſuivant les différens lieux, & en différens temps dans le même lieu.

La découverte de cette déclinaiſon de l’aiguille aimantée, a ſuivi de peu de temps celle de ſa direction. Il étoit naturel de chercher à approfondir les circonſtances de cette vertu directive, & en la mettant ſi ſouvent ſur la ligne méridienne, on ſe ſera bientôt aperçu qu’elle déclinoit. Thévenot aſſure dans ſes voyages, avoir vû une lettre de Pierre Adſiger, écrite en 1269, dans laquelle il eſt dit que l’aiguille aimantée déclinoit de cinq degrés : & M. Deliſle, le Géographe, poſſédoit un manuſcrit d’un pilote de Dieppe, nommé Crignon, dédié en 1534 à Sebaſtien Chabot, Vénitien, dans lequel on fait mention de la déclinaiſon de l’aiguille aimantée ; cependant on fait honneur de cette découverte à Chabot lui-même, à Gonzales de Oviedo, à Robert Normann, à Dalencé, & autres.

Il paroît, au reſte, que cette découverte étoit très connue dans le xvj. ſiècle ; car Hartmann l’a obſervée en Allemagne de 10d 15m en l’année 1536. Dans le commencement on attribuoit cette déclinaiſon de l’aiguille à ce qu’elle avoit été mal aimantée, ou à ce que la vertu magnétique s’affoibliſſoit ; mais les obſervations réitérées ont mis cette vérité hors de doute.

La variation de la déclinaiſon, c’eſt-à-dire, ce mouvement continuel dans l’aiguille aimantée, qui fait que dans une même année, dans le même mois, & même à toutes les heures du jour, elle ſe tourne vers différens points de l’horiſon ; cette variation, dis-je, paroît avoir été connue de bonne-heure en France. Les plus anciennes obſervations ſont celles qui ont été faites en 1550 à Paris ; l’aiguille déclinoit alors de 8d vers l’eſt ; en 1580 de 11d 30m vers l’eſt ; en 1610 de 8d 0 vers l’eſt, juſqu’à ce qu’en 1625, Gellibrand a fait en Angleterre des obſervations très-exactes ſur cette variation.

Pour obſerver commodément la déclinaiſon de l’aiguille aimantée, il faut tracer d’abord une ligne méridienne bien exacte ſur un plan horiſontal, dans un endroit qui ſoit éloigné des murs, ou des autres endroits où il pourroit y avoir du fer ; enſuite on placera ſur cette ligne la boîte graduée d’une aiguille bien ſuſpendue ſur ſon axe, en ſorte que le point O de la graduation ſoit tourné & poſé bien exactement ſur la méridienne du côté du nord. On aura ſoin que la boîte ſoit bien horiſontale ſur le plan, & que rien n’empêche la liberté des vibrations de l’aiguille ; alors l’extrémité B de l’aiguille marquera ſa déclinaiſon, qui ſera exprimée par l’arc compris depuis O juſqu’à l’endroit vis-à-vis duquel l’aiguille eſt arrêtée. Voyez fig. 365]

La déclinaiſon de l’aimant étant un objet de la plus grande importance, il eſt à propos de faire connoître dans cet article, les diverſes conſtructions d’aiguilles aimantées qui ont été imaginées & exécutées pour obſerver cette déclinaiſon.

M. Duhamel, qui s’eſt beaucoup occupé de l’aimant, a fait conſtruire pluſieurs aiguilles de différentes ſortes. Cet habile phyſicien, dans un de ſes appareils, avoit une aiguille qui, au lieu d’être ſuſpendue à plat, étoit placée de champ, de manière que ſa plus petite épaiſſeur étoit perpendiculaire au plan de la boîte ; & cela, diſoit-il, afin d’éviter les inconvéniens qui réſultent des différentes ſinuoſités, dans les fils de l’acier, & qui dérangent le cours de la matière magnétique. La fig. 366 repréſente en H H, une aiguille de déclinaiſon placée de champ. E D eſt le ſtyle ou pivot ; F F le fond de la boîte.

On voit dans la fig. 367 une aiguille de 14 pouces de longueur, formée de deux lames qui ſe touchent exactement.

Dans d’autres appareils, il avoit fait exécuter la ſuſpenſion de M. Antheaume, dont nous avons déjà parlé (au n°. 4 de cet article aiguille aimantée,) en traitant de la forme des pivots des aiguilles : voyez la fig. 368. Cette aiguille a ſix pouces de longueur ; elle eſt ſuſpendue ſur un petit fuſeau de cuivre E F, porté par un pilier de cuivre C D. Ce fuſeau ſe place exactement dans la verticale, au moyen de trois ou quatre balanciers ſemblables à G G. Afin de pouvoir déterminer les degrés avec plus de préciſion, on avoit fixé aux deux extrémités de l’aiguille I K, deux fils d’acier très-fins L L, & qui ſe trouvoient au foyer de deux verres de lunette, placés à une petite diſtance de la bouſſole. Cette lunette étoit dirigée vers une portion de cercle éloignée de 52 pieds de la bouſſole, de manière que le centre de l’aiguille, ou ſon pivot, étoit auſſi celui où aboutiſſoient les rayons de cette portion de cercle, diviſée en degrés & en minutes. En regardant dans la lunette mobile, pour pouvoir être dirigée vers les deux petites aiguilles, on voyoit à quel point de diviſion elles répondoient ſur la portion de ce cercle ; de ſorte qu’une aiguille d’un pied marquoit des variations auſſi ſenſibles que celles qu’indiqueroit une aiguille de 104 pieds de longueur. Ces différentes aiguilles avec leurs bouſſoles reſpectives ſont gravées dans les mémoires de l’académie des ſciences, pour l’année 1772, partie II.

Pour obſerver la déclinaiſon de l’aiguille aimantée, M. Muſſchenbroek ſe ſervoit de l’appareil ſuivant. Une lame d’acier trempée L I, (fig. 369), garnie d’une chape au milieu de ſa longueur ; qui étoit de ſix pouces, portoit à ſes deux extrémités deux portions de cercle de laiton bien mince K L M, l k m, attachées avec des vis ; de ſorte que cette eſpèce d’aiguille étant bien aimantée, ſes deux parties O K L M, o l k m, étoient en équilibre de tout point, & tournoient avec une grande liberté ſur un pivot de cuivre, implanté au centre d’un baſſin circulaire de cuivre, au bord duquel étoit ſoudé en dedans un cercle plat de même métal, & diviſé en trois cent ſoixante degrés, par quatre fois quatre-vingt-dix.

Les deux limbes L K M, l k m, raſoient, en tournant, le bord intérieur de ce cercle ; & ſur le bord extérieur de l’un des arcs K M, il y avoit une diviſion de 60 parties égales entre elles, & qui répondoit à 61 degrés du cercle fixé au bord du baſſin : le tout étoit couvert d’un verre blanc attaché à un cercle de cuivre qui emboîtoit le bord ſupérieur du baſſin : par la différence d’ entre les deux diviſions, non-ſeulement on pouvoit compter les degrés de déclinaiſon, mais encore eſtimer à-peu-près le nombre des minutes. Sur le contour extérieur du baſſin deux lignes, diamétralement oppoſées, étoient tracées ; elles deſcendoient du bord ſupérieur juſqu’à la baſe. L’une de ces lignes venant à plomb du premier point de diviſion d’un des quarts de cercle, ſervoit avec l’autre, à placer le diamètre de la bouſſole exactement dans le plan du méridien du lieu. Art. des Exper. Tome III, page 426.

Dans les mémoires de l’académie de marine (tom. I, pag. 416 & 422), on trouve quelques manières de ſuſpendre l’aiguille aimantée, de manière à diminuer le frottement. Pour cela, M. Blondeau, qui en eſt l’auteur, a imaginé deux ſuſpenſions différentes. Son but, dans la première, eſt de partager le poids de l’aiguille entre deux pivots.

D O E F, figure 370, eſt un crochet fixé ſur la partie ſupérieure de l’aiguille aimantée ; en O & au-deſſous, ſe trouve un petit enfoncement propre à recevoir le pivot a fixé ſur une verge de cuivre H a, recourbée en H à angles droits, & ſe prolongeant à-peu-près juſqu’en M, où elle eſt attachée à une petite chaîne plate, ſemblable à celle qui roule ſur la fuſée des montres, mais de tout autre métal que le fer ou l’acier. Cette chaîne paſſe ſur deux poulies très-mobiles G K, portées par une potence S N, à-peu-près comme le fléau d’une balance. À l’extrémité de la chaîne eſt un contre-poids L, que l’on augmente ou diminue à volonté, pour lui faire faire équilibre à telle partie du poids de l’aiguille qu’on voudra. P eſt le pied qui ſupporte toute la machine. H R eſt un prolongement de la verge H a, pour recevoir en T, une eſpèce de curſeur deſtiné à maintenir l’aiguille en équilibre.

M. Blondeau s’eſt encore ſervi d’une autre manière de ſuſpendre l’aiguille, par le magnétiſme même. Pour cela, il s’eſt propoſé de réſoudre ce problême paradoxal : Trouver pour l’aiguille aimantée une ſuſpenſion telle que plus l’aiguille peſera, toutes choſes égales d’ailleurs, moins il y ait de frottement. Voici tout ſon appareil, qui eſt fort ſimple.

Α B, figure 371, eſt un cylindre d’acier trempé dur & très-poli, ſur-tout à ſon extrémité B, qui doit être taillée en portion de ſphère. C D repréſente la ligne qui paſſe par le milieu d’une aiguille aimantée ordinaire. E O F eſt la coupe d’un bouton conoïde fixé ſur l’aiguille, très-poli, ſur-tout à ſon extrémité O. Ayant aimanté, à l’ordinaire, l’aiguille C D, & le cylindre Α B, que l’on peut appeler le ſuſpenſeur, ſi on le fixe verticalement, & qu’on préſente en O le bouton conoïde, il s’y attachera, l’aiguille reſtera ſuſpendue, & l’adhéſion ſera d’autant moins grande, que l’aiguille ſera plus peſante ; d’où il s’enſuit qu’elle ſera plus mobile, ce qui donne la ſolution complète du problême.

Α B C D E eſt une aiguille deſtinée à recevoir le magnétiſme ; elle doit être ſuſpendue à l’appareil précédent, & eſt compoſée d’un fil d’acier de la groſſeur d’une petite plume à écrire, & figurée comme on le voit (figure 372.). Sa longueur eſt d’environ ſix pouces de Α en E, en ligne droite ; elle eſt trempée dur, & très-polie ſur-tout en C, ou dans la partie qui s’applique au ſuſpenſoir de la figure précédente. On l’aimante fortement en frottant à l’ordinaire, ſur-tout de B vers Α, & de D vers E. Voyez Magnétomètre.

M. Ingen-Housz a imaginé auſſi une nouvelle ſuſpenſion pour l’aiguille aimantée. L’aiguille, fig. 374, eſt un parallélogramme placé de champ, au lieu de chape ; il fixe deux pivots au milieu & dans le champ de l’aiguille ; ces deux pivots entrent dans deux chapes d’agate fixées au haut & au fond de la boîte, & l’aiguille tourne librement.

Dans l’article ſuivant, aiguilles de variation, nous ferons connoître d’autres aiguilles aimantées qui ſervent à connoître, d’une manière très-exacte, la vraie déclinaiſon de l’aimant.

On trouvera, au mot Déclinaison de l’Aimant & à l’article Aimant, déclinaiſon de l’aimant, d’autres objets particuliers qui ont rapport à ce ſujet ; c’eſt-là que nous y ferons connoître, par une table fort étendue, la déclinaiſon de l’aimant & de l’aiguille aimantée, depuis 1541 juſqu’à l’année 1790. Voyez encore le mot Boussole.

Aiguille de variation diurne. La variation diurne périodique de l’aiguille aimantée ne ſauroit être à préſent conteſtée ; elle a été obſervée en France, en Angleterre, en Allemagne, & dans divers endroits des quatre parties du monde, par le capitaine Cook. Le P. Cotte l’a obſervée pendant pluſieurs années, ſavoir depuis 1784 ; des tables qu’il a formées, il réſulte que la variation de l’aiguille ſuit une période conſtante pendant laquelle elle tend à s’éloigner du nord vers l’oueſt, depuis huit heures du matin juſqu’à neuf heures du ſoir ; & à s’en rapprocher, depuis cette époque, juſqu’à neuf heures du ſoir. Une nouvelle période de variation a lieu pendant la nuit, dont la fin tombe vers huit heures du matin ; c’eſt le moment où l’aiguille ſe rapproche le plus du nord. La variation diurne de cinq années a été de quatre degrés 17 minutes 52 ſecondes, & ce réſultat eſt déduit de 14 270 obſervations.

En 1788, ce phyſicien a obſervé que la plus grande variation de l’année a été de 11 d. 4 m., & que la moindre a été de 2 d. 44 m. Et de ſes obſervations il a réſulté, 1o. que les plus grandes variations vers l’oueſt ont lieu de midi à 3 heures, & les moindres vers 7 & 8 heures du matin ; 2o. que la plus grande agitation a lieu à 8 heures du matin ; & ces réſultats ſont conformes à ceux des années précédentes. On a remarqué, à la fin d’octobre & au commencement de novembre, un écart ſingulier de l’aiguille vers l’oueſt, où elle étoit preſque ſtationnaire ; elle s’eſt rapprochée enſuite du nord, mais elle a été prodigieuſement agitée pendant les mois de novembre & de décembre. Voyez au mot Aimant, variation de l’aimant.

Comme on ne peut connoître la loi de cette période qu’avec des inſtrumens bien ſenſibles, l’académie des ſciences propoſa, pour le ſujet du prix décerné en 1777, la queſtion ſuivante : Quelle eſt la meilleure manière de fabriquer les aiguilles aimantées, de les ſuſpendre, de s’aſſurer qu’elles ſont dans le vrai méridien magnétique, enfin de rendre raiſon de leurs variations régulières diurnes ? Le prix fut partagé entre M. Van-Swinden & M. Coulomb. L’académie cita auſſi avec éloge une bouſſole qui avoit été préſentée par M. Magny. M. Van-Swinden s’attacha plus particulièrement, dans ſon mémoire, à faire coïncider enſemble le centre du méridien magnétique avec le centre de gravité. M. Coulomb tourna toute ſon attention vers la mobilité de l’aiguille, comme nous le verrons bientôt.

M. Van-Swinden, ſans entrer dans aucune diſcuſſion ſur la cauſe du magnétiſme, regarde la force directrice d’une aiguille aimantée, comme appartenant à toutes les parties de cette aiguille, nulle au centre, tendant vers une direction depuis le centre juſqu’à un des pôles, & dans la direction contraire de ce centre à l’autre pôle. « Si on regarde, dit M. de Condorcet, l’aiguille comme une ligne mathématique, que le centre de ſuſpenſion, celui de figure & celui de magnétiſme coïncident enſemble, & que les forces magnétiques ſoient diſpoſées ſemblablement des deux côtés du centre, cette ligne prendra la véritable direction magnétique, & la prendra avec la plus grande force poſſible.

Les recherches ſur la fabrique des aiguilles, & la détermination du méridien magnétique, ſe bornent donc à procurer à une aiguille phyſique, ou à une combinaiſon d’aiguilles, la plus grande reſſemblance avec cette aiguille hypothétique. M. Van-Swinden examine, dans un grand nombre d’hypothèſes ſur la diſtribution des forces magnétiques, ſur la figure des aiguilles, ſur la combinaiſon de pluſieurs aiguilles, ſur la poſition du centre magnétique, par rapport à celui du centre de figure & de mouvement, qu’elles ſont les différences qui peuvent en réſulter entre la direction indiquée & le véritable méridien magnétique, & entre les forces de direction des aiguilles. C’eſt d’après ces principes de théorie, que M. Van-Swinden détermine enſuite la figure qu’il croit devoir préférer, & les dimenſions qu’il convient de donner aux aiguilles. Il explique, d’après les mêmes principes, les différences de direction qui ont lieu entre différentes aiguilles conſtruites de même & placées dans un même lieu, & donne des moyens phyſiques de diminuer ces différences. Il donne la préférence ſur les différentes formes d’aiguilles employées ou propoſées juſqu’ici, à des barreaux aimantés plus larges qu’épais, ſuſpendus dans le ſens de leur épaiſſeur, & qui ne ſont point percés par le centre ; la ſuſpenſion qu’il préfère eſt une chape, ou plutôt l’aiguille eſt armée d’une pointe qui repoſe ſur une plaque de verre, où l’on a pratiqué une petite cavité ». Savans étrangers, tome VIII.

Aiguille ſuſpendue ſelon la méthode de M. Coulomb. Cette méthode conſiſte à ſuſpendre à un fil de ſoie de 15 à 20 pouces de longueur, & d’une force ſuffiſante, une aiguille aimantée, libre entre les jambes d’un étrier, au haut duquel le fil eſt attaché. L’étrier, le fil & l’aiguille ſont renfermés dans une boîte, dont toutes les parois ſont hermétiquement bouchées, & qui n’a qu’une ouverture fermée d’une glace au-deſſus de l’extrémité de l’aiguille, afin de pouvoir obſerver ſes mouvemens, & les meſurer par le moyen d’un micromètre extérieur placé à cette extrémité.

Cette ſuſpenſion eſt bien plus avantageuſe que celle des pivots qui avoit été en uſage juſqu’alors, & dans laquelle le ſeul frottement étoit capable d’anéantir l’effet de la variation diurne qui ne monte qu’à quelques minutes, & à diminuer celui de la déclinaiſon ordinaire. Le ſeul inconvénient à craindre pouvoit être celui de la torſion des fils de ſoie ; mais les expériences les plus délicates ont raſſuré ſur ce point, en montrant que la torſion des ſoies ne peut influer que d’une manière inſenſible ſur la poſition des aiguilles aimantées qui y ſont ſuſpendues. En effet, M. Coulomb a prouvé qu’un angle de torſion de 222 degrés ne peut produire qu’une minute d’erreurs dans la poſition de l’aiguille ſuſpendue.

M. de Caſſini emploie même un procédé & une préparation qui rendent abſolument nul, l’effet de la torſion dans les fils de ſuſpenſion des aiguilles dont il ſe ſert dans ſes obſervations. Il prend des fils de ſoie, tels qu’ils ſortent du cocon, en nombre ſuffiſant pour qu’ils puiſſent ſupporter le poids de l’aiguille avec ſon équipage, qu’on peut ſuppoſer de ſept onces. Ces fils étant coupés à la longueur néceſſaire, & noués enſemble par les deux bouts, pour ne former qu’un ſeul fil, on les accroche par l’extrémité ſupérieure dans une ſituation verticale, à un point fixe. Pendant l’eſpace de vingt-quatre heures, on ſuſpend enſuite ſucceſſivement à l’extrémité inférieure un, deux, trois, & juſqu’à huit petits poids d’un once chacun ; après on preſſe pluſieurs fois, & de haut en bas, ces fils ainſi chargés, entre les doigts trempés dans une eau légèrement gommée, afin de les réunir. Au bout de quelques heures, on répète cette opération, mais avec un peu de ſuif en place de gomme, pour garantir l’effet de l’humidité. Cela fait, on coupe le fil de ſuſpenſion à la longueur requiſe, on l’accroche à ſon étrier dans la boîte placée d’avance, & diſpoſée à demeure, dans le plan du méridien magnétique. On ſuſpend de nouveau, au crochet que porte le fil de ſuſpenſion à ſon extrémité inférieure, & on attend que toute oſcillation, au cas qu’il y en ait, étant ceſſée, la direction du crochet indique l’état naturel du fil de ſuſpenſion. Par le moyen de la vis qui porte le crochet ſupérieur auquel tient le fil, on tourne le crochet inférieur dans un plan perpendiculaire à celui du méridien magnétique ; & c’eſt alors qu’on ſubſtitue au poids l’aiguille aimantée, qui, par ce moyen, ſe trouve dans la poſition la plus libre, n’ayant à vaincre aucune torſion quelconque, & ne devant obéir qu’à l’effet de la matière magnétique.

Au mot Aimant, cinquième propriété, variation de l’aimant, nous avons diſtingué trois ſortes de Variation, la variation annuelle, la variation menſtruelle, & la variation diurne. L’aiguille à ſuſpenſion de fil de ſoie, ſert auſſi bien aux obſervations des deux premières variations qu’à celles de la variation diurne ; & ce n’eſt qu’en raſſemblant celles-ci, qu’on peut connoître celles-là.

Aiguille de M. Magny. Cette aiguille, en forme de loſange très-allongé, eſt ſuſpendue par quatre fils. Un mécaniſme très-ingénieux y eſt adapté pour corriger l’erreur cauſée par la torſion des fils. On place l’aiguille de manière que les fils n’éprouvent aucune torſion, & alors un indicateur marque zéro ſur un cercle. L’aiguille ayant changé de direction pour prendre celle du méridien magnétique, elle produit une torſion dans le fil ; on fait alors mouvoir l’indicateur juſqu’au point où il marque le même nombre de degrés que l’aiguille a parcourus, & les fils ſont alors détordus. Si l’aiguille change encore ſa direction, on change une ſeconde fois l’indicateur, & ainſi de ſuite, juſqu’à ce que l’effet de la torſion des fils ſoit inſenſible. L’aiguille eſt contenue dans une boîte ſurmontée d’une tige où ſont les fils. On la rend horiſontale, au moyen des quatre vis placées aux quatre coins. Pour qu’elle ſoit portative, on y a ajouté un reſſort qui maintient l’aiguille dans une poſition fixe pendant qu’on tranſporte la machine. Lorſqu’on veut s’en ſervir, on lâche le reſſort, & l’aiguille eſt alors librement ſuſpendue.

Aiguille d’inclinaison. L’aiguille d’inclinaiſon eſt une eſpèce d’aiguille aimantée qui ſert à connoître l’inclinaiſon d’un corps magnétique, ſuſpendu en équilibre par ſon centre de gravité, c’eſt-à-dire, à connoître l’angle que fait ce corps avec l’horiſon. Pour évaluer avec préciſion cet angle, on ſe ſert d’une aiguille aimantée d’une conſtruction telle que la ſuſpenſion & le frottement forment le moins d’obſtacle poſſible à la liberté de ſes mouvemens.

Une aiguille aimantée, ordinaire, placée ſur ſon pivot, s’incline à l’horiſon, auſſitôt qu’elle a reçu la touche magnétique, & qu’elle eſt ſuſpendue librement. C’eſt pour cet effet que ceux qui les conſtruiſent, ſont obligés de les faire telles qu’elles ne ſoient pas en équilibre avant de les aimanter ; de rendre, pour cet effet, une partie plus peſante, celle qui eſt oppoſée à la moitié de l’aiguille qui doit s’incliner dans l’hémiſphère de la terre où on doit s’en ſervir. Alors lorſqu’on a aimanté cette aiguille, la force magnétique qui tend à la faire incliner, lorſque ſes deux moitiés ſont également peſantes par elles-mêmes, dans ce cas fait ſeulement effort pour vaincre le contre-poids, & l’aiguille ſe tient horiſontale. On peut encore employer un curſeur, qu’on fait gliſſer ſur la moitié de l’aiguille oppoſée à celle qui doit s’incliner. Si ces moyens ou d’autres équivalens, ne ſont pas employés, il eſt bien évident qu’une aiguille dont les deux moitiés ſont également peſantes, & qui ſe tient, avant d’être aimantée, dans une ligne horiſontale, perdra ſon paralléliſme avec l’horiſon, lorſqu’elle aura reçu la touche magnétique. Or, la quantité dont elle s’éloigne du paralléliſme, eſt celle de l’inclinaiſon, qu’on évalue par le nombre de degrés compris entre la ligne horiſontale & le bout de l’aiguille, nombre qui varie ſelon les divers pays, & ſelon les différens temps. La direction de cette inclinaiſon n’eſt pas, non plus la même par-tout, puiſque l’aiguille aimantée s’incline dans notre hémiſphère vers le pôle nord, & dans l’hémiſphère méridional, vers le pôle ſud du globe de la terre. Voyez Aimant, Inclinaison.

La conſtruction la plus ſimple de l’aiguille d’inclinaiſon, conſiſte à mettre un axe à la place de la chape ; de cette ſorte, le plan de l’aiguille ſera poſé verticalement. Les deux bouts de l’axe portent alors ſur une double fourchette fixée ſur une douille, placée au haut d’un pied, comme on le voit dans la figure 373. L’extrémité N, tournée vers le nord, s’incline vers le pôle boréal ; dans l’hémiſphère méridional, cette aiguille auroit une inclinaiſon oppoſée ; ce ſeroit le bout S qui ſeroit incliné vers le pôle ſud. On a varié cette conſtruction, ainſi que le repréſente la figure 375. L’aiguille aimantée a ſon axe fixé dans un anneau ſuſpendu en équilibre dans un autre anneau circulaire plus grand, ſur la circonférence duquel ſont marqués les degrés depuis 1 juſqu’à 90, dans chaque quart de cercle inférieur. Le nombre de degrés compris entre la ligne horiſontale où eſt le zéro & la pointe de l’aiguille inclinée, exprime la valeur de l’inclinaiſon magnétique.

L’appareil de la figure 376 eſt moins diſpendieux, c’eſt celui dont on ſe ſert dans les cours de phyſique. Au lieu du grand cercle de la figure précédente, on n’a conſervé que le quart de cercle H K, la ligne horiſontale eſt déſignée par les deux points H E ; le zéro eſt en H, & le nombre de degrés compris entre H & le bout de l’aiguille F, indique la quantité de l’inclinaiſon magnétique. Le ſupport ſoutient en G l’axe de l’aiguille, & remplace le cercle intérieur de la figure précédente.

Le P. Feuillée, minime, eſt un des premiers qui ait ſongé à obſerver la quantité de l’inclinaiſon de l’aiguille aimantée. La figure 377, repréſente l’eſpèce d’anneau dont il ſe ſervoit pour cela. « On y remarquera que l’aiguille, qui eſt engagée entre deux axes horiſontaux & parallèles, peut, à la vérité, ſe balancer verticalement de bas en haut, & de haut en bas ; mais les deux branches de l’axe, dans leſquelles ſont les tourillons de l’aiguille, s’oppoſant à ſon mouvement horiſontal, il faut avoir déterminé la direction de l’aiguille, par l’aiguille précédente, & s’aſſurer que l’on place l’aiguille dans le plan de cette direction magnétique, comme il paroît par la diſpoſition de ſon inſtrument placé verticalement dans le plan H I L M de la déclinaiſon N O. « Voy. du P. Feuillée. Tom. i. p. 502, & Traité de météorol. du P. Cotte.

La figure 73 repréſente une aiguille d’inclinaiſon ; elle eſt formée d’un cercle de cuivre Α Α, qui a un pouce & demi de largeur, & qui porte les diviſions ; les traverſes B B ſervent à ſoutenir l’axe de l’aiguille aimantée C C ; cet axe repoſe ſur deux feuillets d’agate bien polis.

On donne différentes longueurs aux aiguilles d’inclinaiſon ; on en a fait de quatre pieds de longueur. Mrs Whiſton & Muſſchenbroeck en ont employé de ſemblables. On doit éviter deux extrêmes, trop de peſanteur ou trop de légèreté eu égard à la longueur, parce que les défauts de flexion, réſulteroient de leur légèreté.

Aiguille d’inclinaiſon & de déclinaiſon. M. Buache paroît être le premier qui ait cherché à réunir dans une aiguille la faculté d’indiquer en même-temps la déclinaiſon & l’inclinaiſon. Afin que l’aiguille puiſſe obéir également au mouvement horiſontal & à celui qui eſt vertical, il perce l’aiguille C, figures 378 & 379, dans ſon milieu, pour y laiſſer paſſer librement la chape P ; aux deux côtés ſont deux tourillons Q R, qui, poſant ſur les deux branches S T de la chape, entraînent celle-ci avec eux, & l’obligent de ſuivre le mouvement horiſontal de l’aiguille, tandis que tournant verticalement, ſans aucun obſtacle, ſur ſes mêmes branches, ils permettent à l’aiguille de ſuivre l’inclinaiſon magnétique. L’ouverture, qui eſt au milieu de l’aiguille, empêche qu’elle ne puiſſe rencontrer la chape.

Pour connoître les degrés d’inclinaiſon que parcourt l’aiguille, M. Buache place un quart de cercle mobile F G, figure 380. Ce quart de cercle tournant autour du pivot de la bouſſole, ſert à deux uſages ; le premier, à meſurer l’angle d’inclinaiſon de l’aiguille, & le ſecond, à déterminer ſur le cercle horiſontal de la bouſſole qu’il embraſſe par une de ſes extrémités, & qu’il traverſe perpendiculairement, la quantité préciſe de la déclinaiſon de l’aiguille, parce que le quart de cercle ſe place facilement & exactement dans le plan vertical & magnétique de l’aiguille. Ce ſecond avantage doit faire préférer le quart de cercle mobile aux cercles concentriques que quelques-uns tracent ſur la ſurface intérieure du taſſeau qui porte les diviſions de la déclinaiſon, & qui, pour cette raiſon, doit avoir au moins un pouce de hauteur.

M. Nairne a décrit une bouſſole d’inclinaiſon de ſon invention dans les Tranſactions philoſophiques, 1776. M. Brugman en a donné une nouvelle dans ſes Tentamina de Magnete. Ce même ſavant en a encore décrit une autre inventée par un phyſicien de Lewardin en Friſe. Les mémoires de l’académie de Suéde, contiennent encore d’excellentes recherches de M. Wilke, ſur les aiguilles d’inclinaiſon.

[Cette inclinaiſon eſt d’autant plus conſidérable, que l’aiguille eſt plus proche des pôles du monde, & d’autant moindre, qu’elle eſt proche de l’équateur, enſorte que ſous la ligne, l’aiguille eſt parfaitement horiſontale. Cette inclinaiſon, au reſte, varie dans tous les lieux de la terre comme la déclinaiſon ; elle varie auſſi dans tous les temps de l’année, & dans les différentes heures du jour ; & il paroît que les variations de cette inclinaiſon ſont plus conſidérables que celles de la déclinaiſon, & pour ainſi dire, indépendantes l’une de l’autre. On peut voir dans la figure 381 de quelle manière on diſpoſe l’aiguille pour obſerver ſon inclinaiſon. Mais on n’a pas été long-temps à s’apercevoir qu’une grande partie de cette variation dépendoit du frottement de l’axe ſur lequel l’aiguille devoit tourner pour ſe mettre en équilibre ; car, en examinant la qualité des degrés d’inclinaiſon d’une aiguille miſe en mouvement, & revenue à ſon point de repos, on la trouvoit tout-à-fait variable, quoique l’expérience fût faite dans les mêmes circonſtances, dans la même heure, & avec la même aiguille : d’ailleurs, on a fait différentes aiguilles avec tout le ſoin imaginable ; on les a faites de même longueur & épaiſſeur, du même acier ; on les a frottées toutes également & de la même manière ſur un bon aimant : ç’a été par haſard quand deux ſe ſont accordées à donner la même inclinaiſon ; ces inégalités ont été quelquefois à 10 ou 12 degrés : enſorte qu’il a fallu abſolument chercher une méthode de conſtruire des aiguilles d’inclinaiſon exemptes de ces inégalités. Ce problême a été un de ceux que l’académie des Sciences a jugé digne d’être propoſé aux plus habiles phyſiciens de l’Europe ; & voici les règles que preſcrit M. Dan. Bernouilli, qu’elle a couronné.

1o. On doit faire enſorte que l’axe des aiguilles ſoit bien perpendiculaire à leur longueur, & qu’il paſſe exactement par leur centre de gravité.

2o. Que les tourillons de cet axe ſoient exactement ronds & polis, & du plus petit diamètre que le permettra la peſanteur de l’aiguille.

3o. Que cet axe roule ſur deux tablettes qui ſoient dans un même plan bien horiſontal, très-dur & très-poli. Mais comme l’inflexion de l’aiguille, & la difficulté de placer cet axe exactement dans le centre de gravité, peut cauſer des erreurs ſenſibles dans l’inclinaiſon de l’aiguille aimantée, voici la conſtruction d’une nouvelle aiguille.

On en choiſira une d’une bonne longueur, à laquelle on ajuſtera un axe perpendiculaire, & dans le centre de gravité le mieux qu’il ſera poſſible ; on aura un petit poids mobile, comme de 10 grains, pour une aiguille qui en pèſe 6 000, & on approchera ce petit poids auprès des tourillons juſqu’à environ la 20e. partie de la longueur d’une des moitiés ; enſuite on mettra l’aiguille en équilibre horiſontalement, avec toute l’attention poſſible ; & lorſqu’elle ſera en cette ſituation, on marquera le lieu du petit poids : alors on l’éloignera des tourillons vers l’extrémité de l’aiguille, juſqu’à ce qu’elle ait pris une inclinaiſon de 5 degrés. On marquera encore ſur l’aiguille le lieu du petit poids, & on le reculera juſqu’à ce que l’inclinaiſon ſoit de 10 degrés, & ainſi de ſuite, en marquant le lieu du petit poids de cinq en cinq degrés. Après ces préparations, on aimantera l’aiguille, en obſervant que le côté auquel eſt attaché le petit poids, devienne le pôle boréal pour les pays où la pointe méridionale de l’aiguille s’élève ; & qu’il ſoit au contraire le côté méridional pour les pays où la pointe ſeptentrionale s’élève au-deſſus de l’horiſon.

La manière de ſe ſervir de cette bouſſole d’inclinaiſon, conſiſte à mettre d’abord le petit poids à la place qu’on préſumera convenir à-peu-près à la véritable inclinaiſon de l’aiguille ; après quoi on l’avancera ou reculera juſqu’à ce que l’inclinaiſon marquée par l’aiguille s’accorde avec celle que marque le petit poids ; & de cette manière, l’inclinaiſon de l’aiguille ſera la véritable inclinaiſon.

L’action de l’aimant, du fer, & des autres corps magnétiques, mis dans le voiſinage d’une aiguille aimantée, eſt capable de déranger beaucoup ſa direction : il faut bien ſe ſouvenir que l’aiguille aimantée eſt un véritable aimant qui attire ou eſt attiré par le fer & les corps magnétiques, ſuivant cette loi uniforme & conſtante, que les pôles de différens noms s’attirent mutuellement, & ceux de même nom ſe repouſſent : c’eſt pourquoi ſi on préſente une aiguille aimantée à une pierre d’aimant, ſon extrémité boréale ſera attirée par le pôle du ſud de l’aimant, & la pointe auſtrale par le pôle du nord ; au contraire le pôle du nord repouſſera la pointe boréale, & le pôle du ſud repouſſera pareillement la pointe auſtrale. La même choſe arrivera avec une barre de fer aimantée, ou ſimplement avec une barre de fer tenue verticalement, dont l’extrémité ſupérieure eſt toujours un pôle auſtral, & l’extrémité inférieure un pôle boréal. Mais ce dernier cas ſouffre quelques exceptions, parce que les pôles d’une barre de fer verticale ne ſont pas les mêmes par toute la terre, & qu’ils varient beaucoup en cette ſorte.

Dans tous les lieux qui ſont ſous le cercle pôlaire boréal & le 10e. degré de latitude nord, le pôle boréal de l’aiguille aimantée ſera toujours attiré par la partie ſupérieure de la barre, & la pointe du ſud par la partie inférieure ; & on aura beau renverſer la barre, la pointe boréale de l’aiguille ſera toujours attirée par le bout ſupérieur quel qu’il ſoit, pourvu que la barre ſoit tenue bien verticalement. À la latitude de 9 degrés 42 minutes N. la pointe auſtrale de l’aiguille étoit fortement attirée par l’extrémité inférieure de la barre ; mais la pointe boréale n’étoit pas ſi fortement attirée par la partie ſupérieure, qu’auparavant.

À 4 degrés 33 minutes de latitude N. & 5 degrés 18 minutes de longitude du cap Léſard, la pointe boréale commençoit à s’éloigner de la partie ſupérieure de la barre, & la pointe auſtrale étoit encore plus vivement attirée par le bas de la barre.

À 0 degrés 52 minutes de latitude méridionale, & 11 degrés 52 minutes à l’occident du cap Léſard, la pointe boréale de l’aiguille n’étoit plus attirée par le haut de la barre, non plus que par ſa partie inférieure ; la pointe auſtrale ſe tournoit toujours vers la partie inférieure, mais moins fortement.

À la latitude de 5 degrés 17 minutes méridionales, & 15 degrés 9 minutes de longitude du cap Léſard, la pointe méridionale ſe tournoit vers l’extrémité inférieure de la barre d’environ deux points ; & lorſqu’on éloignoit la barre, l’aiguille reprenoit ſa direction naturelle après quelques oſcillations : mais le même pôle de l’aiguille ne ſe tournoit point du tout vers le bord ſupérieur de la barre, & la pointe ſeptentrionale n’étoit attirée ni par le bord ſupérieur, ni par l’inférieur ; ſeulement en mettant la barre dans une ſituation horiſontale & dans le plan du méridien, le pôle boréal de l’aiguille ſe dirigeoit vers l’extrémité tournée au ſud, & la pointe auſtrale vers le bout de la barre tourné du côté du nord, enſorte que l’aiguille s’écartoit de ſa direction naturelle de 5 ou 6 points de la bouſſole, & non davantage : mais en remettant la barre dans ſa ſituation perpendiculaire, & mettant ſon milieu vis-à-vis de l’aiguille, elle ſuivoit ſa direction naturelle comme ſi la barre n’y eût point été.

À la latitude de 8 degrés 17 minutes N. & à 17 degrés 35 minutes oueſt du cap Léſard, la pointe boréale de l’aiguille ne ſe tournoit plus vers la partie ſupérieure de la barre, au contraire, elle la fuyoit : mais le pôle auſtral ſe détournoit un peu vers le bord inférieur, & changeoit ſa poſition naturelle d’environ deux points : mais en mettant la barre dans une ſituation inclinée, de manière que le bout ſupérieur fût tourné vers la pointe auſtrale de l’aiguille, & le bout inférieur vers la pointe boréale, celle-ci étoit attirée par le bout inférieur : mais lorſqu’on mettoit le bout ſupérieur vers le nord, & le bout inférieur vers le ſud, la pointe boréale fuyoit celui-ci ; & ſi on tenoit la barre tout-à-fait horiſontalement, il arrivoit la même choſe que dans les obſervations précédentes.

À 15 degrés 0 minutes de latitude du ſud, & 20 degrés 0 minutes de longitude occidentale du cap Léſard, le pôle auſtral de l’aiguille a commencé à regarder le bout ſupérieur de la barre, & la pointe boréale s’eſt tournée vers le bout inférieur d’environ un point de bouſſole : mais en tenant la barre horiſontalement, le pôle boréal s’eſt tourné vers le bout de la barre qui regardoit le ſud, & vice verſâ.

À 20 degrés 20 minutes de latitude ſud, & 19 degrés 20 minutes de longitude occidentale du cap Léſard, la pointe auſtrale de l’aiguille s’eſt tournée vers le haut bout de la barre, & la pointe boréale vers le bout inférieur, & aſſez vivement ; enſorte que l’aiguille s’eſt dérangée de ſa direction naturelle d’environ quatre points.

Enfin à 29 degrés 23 minutes de latitude méridionale, & 13 degrés 10 minutes de longitude occidentale du méridien du cap Léſard, les mêmes choſes ſont arrivées plus vivement, & cette direction a continué d’être régulière juſqu’à une plus grande latitude méridionale.

Il paroît donc que la vertu polaire d’une barre de fer que l’on tient verticalement, n’eſt pas conſtante par toute la terre comme celle de l’aimant ou d’un corps aimanté ; qu’elle s’affoiblit conſidérablement entre les deux tropiques, & devient preſque nulle ſous la ligne ; & que les pôles ſont changés réciproquement d’une hémiſphère à l’autre.]