Encyclopédie méthodique/Physique/AIMANT

AIMANT. C’eſt une eſpèce de pierre ferrugineuſe, ou de mine de fer dans laquelle on remarque des propriétés particulières, comme celle, par exemple, d’attirer le fer, de ſe diriger vers une partie déterminée du globe, &c. ; propriétés dont nous parlerons dans un inſtant. Si l’utilité doit faire placer un objet dans le premier rang, l’aimant doit, ſans contredit, le mériter. Cette pierre de couleur ſombre, n’a pas le brillant ni l’éclat des pierres précieuſes & du diamant, propres à embellir la beauté, & à orner la couronne des ſouverains ; mais elle a fait découvrir le nouveau monde.

L’aimant eſt une mauvaiſe mine de fer ; mais il n’eſt ni fuſible ni malléable comme les métaux. Il eſt dur & caſſant ; ſa couleur eſt ordinairement noirâtre, quelquefois tirant ſur le brun : on en voit cependant de griſâtre & même de blanchâtre. Sa peſanteur ſpécifique eſt moindre que celle du fer, & plus grande que celle des pierres qui ont à-peu-près le même degré de dureté.

L’aimant, d’un grain fin & ſerré, a une peſanteur ſpécifique, comparée à celle de l’eau, comme 42 437 eſt à 10 000. Un pouce cube de cet aimant pèſe conſéquemment deux onces ſix gros, & un pied cube 297 livres 0 onces 7 gros 40 grains. D’autres variétés ont des poids différens.

On a vu la rouille de fer, mêlée avec des parties graſſes & de la pierre commune, former, par ſucceſſion de temps, un compoſé tout-à-fait ſemblable à l’aimant naturel. Hiſt. de l’Acad. 1731. Il y a quelques baſaltes qui ſont de la nature de l’aimant, ou du moins qui en ont les propriétés ; tel eſt celui de Drevin. M. de Morveau a obſervé que des morceaux de ce baſalte avoient deux pôles diſtincts : les expériences ont été faites avec un barreau aimanté.

On trouve de l’aimant dans diverſes parties de l’Aſie & de l’Europe ; c’eſt dans l’Aſie qu’il a d’abord été découvert. On en tire d’excellens de la Norwège, de la Suède & de l’Allemagne ; il y en a dans la Chine, dans les Indes orientales. On en trouve beaucoup dans les Philippines, & ſur-tout aux îles Bohol, Jolo & Mindanao. Il y en a dans l’Italie, dans l’Eſpagne, & même en France, ſur-tout du côté de l’Auvergne ; mais en général, il y eſt rare & mauvais. On en tire encore de l’île de Candie (ancienne île de Crète) ; de l’île de Serfo, des côtes d’Arabie & de celles de Guinée. La Judée en contient, car l’aimant, connu des Hébreux ſous le nom de Schabol, entroit dans leurs remèdes, & ils le trouvoient dans les contrées occupées par les tribus de Gad, d’Aſer, & d’Iſachar.

Il y a auſſi quelques aimans en Afrique ; on en a tiré dans le Bambouc d’excellens dont on a envoyé pluſieurs morceaux en France, au rapport de l’auteur de l’Hiſtoire générale des voyages. (Tom. II. pag. 644). On en trouve en Amérique. On fit voir à Gemelli-Caréri, dans un cabinet de raretés, au Mexique, une pierre d’aimant, de la groſſeur d’une pomme ordinaire qui enlevoit dix livres de fer. De plus le corrégiment de Copiapo au Chili, produit quantité de pierres d’aimant. Idem. Tom. XI & XIII, pages 536 & 144.

Il y a beaucoup d’aimans dans les mines de fer de l’île d’Elbe : le mont Calamita ou d’aimant, eſt un amas d’aimant & d’autres mines de fer. L’aimant qu’on tire de cette montagne, eſt quelquefois ſi fort, qu’un petit morceau attaché à un aimant, ſoutient un poids de pluſieurs onces. Mais les morceaux qu’on rencontre ſur la ſuperficie de la terre, quelque groſſeur qu’ils aient, ont généralement peu de force, à cauſe qu’ils ont été long-temps expoſés à l’action de l’air, des eaux, & principalement à l’ardeur du ſoleil. Obſervat. minéralog., &c. du P. Pini.

Comme il y a différentes ſortes d’aimant, il eſt à propos d’avoir des ſignes qui indiquent leur bonté. La couleur n’eſt pas un indice certain de leur qualité. On ſait qu’il y a des aimans blancs ; Kolbe en parle dans ſa deſcription du Cap de Bonne-Eſpérance, où on en trouve quelques-uns qui ont beaucoup de vertu. Il en eſt de même des aimans rouges que fournit l’Arabie. Les aimans bleus ſont rarement bons ; mais on en a vu qui étoient aſſez vigoureux, & autant que les noirs qu’on tire de la Macédoine. Cependant, en général, le plus grand nombre des bons aimans eſt noir, & même d’un noir foncé.

Des ſignes plus ſûrs de la bonté des aimans que la couleur, ſont la denſité, la dureté, l’homogénéïté de leur ſubſtance, d’où réſulte un certain brillant ou luiſant qui ne trompe guère. Néanmoins la meilleure marque, c’eſt la quantité de limaille de fer, dont un aimant ſe couvre, lorſqu’après l’y avoir plongé, on l’en retire. S’il porte, non armé, ni taillé, de petites maſſes ferrugineuſes, on ſera encore plus aſſuré de ſon efficacité.

[Cette pierre fameuſe a été connue des anciens ; car nous ſavons, ſur le témoignage d’Ariſtote, que Thalès, le plus ancien philoſophe de la Grèce, a parlé de l’aimant : mais il n’eſt pas certain que le nom employé par Ariſtote ſoit celui dont Thalès s’eſt ſervi. Onomacrite, qui vivoit dans la LXme olimpiade, & dont il nous reſte quelques poéſies, ſous le nom d’Orphée, eſt celui qui nous fournit le plus ancien nom de l’aimant ; il l’appelle μαγνήτης. Hippocrate, (lib. de ſterilib. Mulier.), a déſigné l’aimant ſous la périphraſe de la pierre qui attire le fer, λὶϑος ἢτις τὸν σὶδηρον ὰρῶάξες.

Les arabes & les portugais ſe ſervent de la même périphraſe, que Sextus Empiricus a exprimée en un ſeul mot, σιδηραγωγός. Sophocle, dans une de ſes pièces qui n’eſt pas venue juſqu’à nous, avoit nommé l’aimant Δυδὶα λὶϑος, pierre de lydie. Héſychius nous a conſervé ce mot, auſſi bien que Λυδικὴ λὶϑος, qui en eſt une variation. Platon, dans le Timée, appelle l’aimant Ἡρακλέια λιϑος, pierre d’héraclée, nom qui eſt un des plus uſités parmi les Grecs.

Ariſtote a fait plus d’honneur que perſonne à l’aimant, en ne lui donnant point de nom ; il l’appelle ἡ λὶϑος, la pierre par excellence. Themipius s’exprime de même. Théophraſte, avec la plupart des anciens, a ſuivi l’appellation déjà établie de λὶϑος Ἡρακλεὶα.

Pline, ſur un paſſage mal entendu de ce philoſophe, a cru que la pierre de touche, cotticula, qui, entre ſes autres noms, a celui de Δυδὴ λιϑος avoit de plus celui d’Ἡρακλεὶα commun avec l’aimant : les Grecs & les Latins ſe ſont auſſi ſervis du mot σιδηρὶτις tiré de σιδήρος, fer, d’où eſt venu le vieux nom françois pierre ferrière. Enfin, les Grecs ont diverſifié le nom de μαγνὴτης en diverſes façons : on trouve dans Tzetzès μαγνὴσσα λἰϑος ; dans Achille Tatius, μαγνὴσια ; μαγνὴτις dans la plupart des auteurs ; μαγνὶτις dans quelques-uns, auſſi-bien qu’Ὁ λίϑος μαγνίτης, par la permutation de η en ι, familière aux Grecs dès les premiers temps ; & μαγνης qui n’eſt pas de tous ces noms le plus uſité parmi eux, eſt preſque le ſeul qui ſoit paſſé aux latins.

Pour ce qui eſt de l’origine de cette dénomination de l’aimant, elle vient manifeſtement du lieu où l’aimant a d’abord été découvert. Il y avoit dans l’Aſie mineure deux villes appelées Magnétie : l’une auprès du Méandre ; l’autre ſous le mont Sypile, cette dernière qui appartenoit particuliérement à la Lydie, & qu’on appeloit auſſi Héraclée, ſelon le témoignage d’Œlius Dyoniſius dans Euſtate, étoit la vraie patrie de l’aimant. Le mont Sypile étoit ſans doute fécond en métaux, & en aimant par conſéquent ; ainſi, l’aimant appelé magnes du premier lieu de ſa découverte, a conſervé ſon ancien nom, comme il eſt arrivé à l’acier & au cuivre, qui portent le nom des lieux où ils ont été découverts : ce qu’il y a de ſingulier, c’eſt que le plus mauvais aimant des cinq eſpèces que rapporte Pline, étoit celui de la magnéſie d’Aſie mineure, première patrie de l’aimant, comme le meilleur de tous étoit celui d’Éthiopie.

Marbodœus dit, que l’aimant a été trouvé chez les Troglodytes, & que cette pierre vient auſſi des Indes. Iſidore de Séville dit que les Indiens l’ont connu les premiers ; &, après lui, la plupart des auteurs du moyen & bas-âge, appellent l’aimant, Lapis indicus, donnant la patrie de l’eſpèce à tout le genre.

Les anciens n’ont guère connu de l’aimant que ſa propriété d’attirer le fer ; c’étoit le ſujet principal de leur admiration, comme l’on peut voir par ce beau paſſage de Pline : Quid lapidis rigore pigrius ? Ecce ſenſus manuſque tribuit illi natura. Quid ferri duritie pugnacius ? Sed cedit & patitur mores : trahitur namque à Magnete lapide, domitrixque illa, rerum omnium materia ad inane neſcio quid currit, atque ut propiùs venit, aſſiſtit teneturque, & complexu hœret. Plin. lib. XXXVI, cap. xvj.

Cependant, il paroît qu’ils ont connu quelque choſe de ſa vertu communicative. Platon en donne un exemple dans Lyon, il décrit cette fameuſe chaîne d’anneaux de fer ſuſpendus les uns aux autres, & dont le premier tient à l’aimant. Lucrèce, Philon, Pline, Gallien, Néméſius, rapportent le même phénomène, & Lucrèce fait de plus mention de la propagation de la vertu magnétique au travers des corps les plus durs, comme il paroît dans ces vers :

Exultare etiam Samothracia ferrea vidi,
Et ramenta ſimul ferri furere intus ahenis
In ſcaphiis, lapis hic magnes cum ſubditus eſſet.

Mais on ne voit, par aucun paſſage de leurs écrits, qu’ils aient rien connu de la vertu directive de l’aimant ; on ignore abſolument dans quel temps on a fait cette découverte, & on ne ſait pas même au juſte quand eſt-ce qu’on l’a appliquée aux uſages de la navigation.

Il y a toute apparence que le haſard a fait découvrir à quelqu’un que l’aimant, mis ſur l’eau dans un petit bateau, ſe dirigeoit conſtamment nord & ſud, & qu’un morceau de fer aimanté avoit la même propriété : qu’on mit ce fer aimanté ſur un pivot afin qu’il pût ſe mouvoir plus librement : qu’enſuite on imagina que cette découverte pourroit bien être utile aux navigateurs pour connoître le midi & le ſeptentrion, lorſque le temps ſeroit couvert, & qu’on ne verroit aucun aſtre ; enfin, qu’on ſubſtitua la bouſſole ordinaire à l’aiguille aimantée, pour remédier aux dérangemens occaſionnés par les ſecouſſes du vaiſſeau. Il paroît au reſte que cette découverte a été faite avant l’an 1180. (Voyez l’article Aiguille aimantée, où l’on traite plus particuliérement de cette découverte.)

Chaque aimant a deux pôles dans leſquels réſide la plus grande partie de ſa vertu : on les reconnoît en roulant une pierre d’aimant quelconque dans de la limaille de fer ; toutes les parties de cette limaille qui s’attachent à la pierre, ſe dirigent vers l’un ou l’autre de ces pôles, & celles qui ſont immédiatement deſſus ſont en ces points perpendiculairement hériſſées ſur la pierre : enfin la limaille eſt attirée avec plus de force & en plus grande abondance ſur les pôles que par-tout ailleurs. Voici une autre manière de connoître les pôles : on place un aimant ſur un morceau de glace polie, ſous laquelle on a mis une feuille de papier blanc : on répand de la limaille peu-à-peu ſur cette glace autour de l’aimant, & on frappe doucement ſur les bords de la glace pour diminuer le frottement qui empêcheroit les molécules de limaille d’obéir aux écoulemens magnétiques ; auſſitôt on aperçoit la limaille prendre un arrangement régulier, tel qu’on l’obſerve dans la figure, dans lequel la limaille ſe dirige en lignes courbes AEB, AEB, fig. 333, à meſure qu’elle eſt éloignée des pôles, & en lignes droites AA, BB, à meſure qu’elle s’en approche ; en ſorte que les pôles ſont les points où convergent toutes ces différentes lignes courbes & droites.

Maintenant on appelle axe de l’aimant, la ligne droite qui le traverſe d’un pôle à l’autre ; & l’équateur de l’aimant eſt le plan perpendiculaire qui le partage par le milieu de ſon axe. Or, cette propriété de l’aimant d’avoir des pôles eſt comme eſſentielle à tous les aimans ; car on aura beau caſſer un aimant en tant de morceaux que l’on voudra, les deux pôles ſe trouveront toujours dans chaque morceau. Cette polarité de l’aimant, ne vient point, comme on l’a cru, de ce que les mines de l’aimant ſont dirigées nord & ſud ; car il eſt très-certain que ces mines affectent, comme les autres, toutes ſortes de directions, & nommément il y a dans le Devonshire une mine d’aimant, dont les veines ſont dirigées de l’eſt à l’oueſt, & dont les pôles ſe trouvent auſſi dans cette direction : mais les pôles de l’aimant ne doivent point être regardés comme deux points ſi invariables qu’ils ne puiſſent changer de place ; car M. Boile dit, qu’on peut changer les pôles d’un petit morceau d’aimant, en les appliquant contre les pôles plus vigoureux d’une autre pierre ; ce qui a été confirmé de nos jours par M. Gwarin Knight, qui peut changer à volonté les pôles d’un aimant naturel, par le moyen des barreaux de fer aimantés.

On a donné aux pôles de l’aimant les mêmes noms qu’aux pôles du monde, parce que l’aimant mis en liberté, a la propriété de diriger toujours ſes pôles vers ceux de notre globe ; c’eſt-à-dire, qu’un aimant qui flotte librement ſur une eau dormante, ou qui eſt mobile ſur ſon centre de gravité, ayant ſon axe parallèle à l’horiſon, s’arrêtera conſtamment dans une ſituation telle, qu’un de ſes pôles regarde toujours le nord, & l’autre le midi : & ſi on le dérange de cette ſituation, même en lui en donnant une directement contraire, il ne ceſſera de ſe mouvoir & d’oſciller juſqu’à ce qu’il ait retrouvé ſa première direction. En Angleterre, on eſt convenu d’appeler pôle auſtral de l’aimant, celui qui ſe tourne vers le nord ; & pôle boréal, celui qui ſe tourne vers le ſud. Cette façon de s’exprimer n’eſt point en uſage en France : on y appelle pôle du nord, la partie de l’aimant qui ſe dirige vers le nord ; & pôle du ſud, celle qui ſe dirige vers le ſud. Le méridien magnétique eſt le plan perpendiculaire à l’aimant, ſuivant la longueur de ſon axe, qui paſſe par conſéquent par les pôles.

Lorſque après avoir bien reconnu les pôles & l’axe d’un aimant, on le laiſſe flotter librement ſur un liège, le vaiſſeau dans lequel il flotte étant poſé ſur une méridienne exactement tracée, on s’appercevra que les pôles de l’aimant ne regardent pas préciſément ceux du monde, mais qu’ils en déclinent plus ou moins à l’eſt ou à l’oueſt, ſuivant les différens lieux de la terre où ſe fait cette obſervation. Cette déclinaiſon de l’aimant varie auſſi chaque année, chaque mois, chaque jour, & même à chaque heure dans le même lieu. (Voyez l’article Aiguille aimantée, où l’on en traite plus particuliérement.)

Pareillement, ſi l’on fait nager ſur du mercure un aimant ſphérique, après en avoir bien reconnu l’axe & les pôles, il ſe dirigera d’abord à-peu-près nord & ſud ; mais on remarquera auſſi que ſon axe s’inclinera d’une manière conſtante ; en ſorte que dans nos climats le pôle auſtral s’incline, & le pôle boréal s’élève ; & au contraire dans l’autre hémiſphère. Cette inclinaiſon varie auſſi dans tous les lieux de la terre, & dans tous les temps de l’année, comme on peut le voir à l’article Aiguille aimantée, où l’on en parle plus amplement.

Les pôles de l’aimant ſont, comme nous l’avons dit précédemment, des points variables que nous ſommes quelquefois les maîtres de produire à volonté, & ſans le ſecours d’aucun aimant, comme nous verrons qu’il eſt facile de le faire par les moyens que nous expoſerons dans la ſuite ; car lorſqu’on coupe doucement & ſans effort un aimant par le milieu de ſon axe, chacune de ſes parties a conſtamment deux pôles, & devient un aimant complet : les parties qui étoient contiguës ſous l’équateur avant la ſection, & qui n’étoient rien moins que des pôles, le ſont devenues, & même pôles de différens noms ; en ſorte que chacune de ces parties pouvoit devenir également pôle boréal ou pôle auſtral, ſuivant que la ſection ſe ſeroit faite plus près du pôle auſtral ou du pôle boréal du grand aimant : & la même choſe arriveroit à chacune de ces moitiés, ſi on les coupoit par le milieu de la même manière. Voyez fig. 334.

Mais, ſi au lieu de couper l’aimant par le milieu de ſon axe AB, on le coupe ſuivant ſa longueur fig. 335, on aura pareillement les pôles aa, bb, dont ceux du même nom ſeront dans chaque partie, du même côté qu’ils étoient avant la ſection, à la réſerve qu’il ſe ſera formé, dans chaque partie un nouvel axe ab, ab, parallèle au premier, & plus ou moins rentré au-dedans de la pierre, ſuivant qu’elle aura naturellement plus de force magnétique. Voyez Pôle magnétique & Centre magnétique ].

L’aimant a ſept propriétés, ſavoir : celle de l’attraction, de la répulſion, de la direction, de la déclinaiſon, de la variation, de l’inclinaiſon, et de la communication.

Première propriété. Attraction. L’attraction magnétique eſt une des propriétés de l’aimant qui s’eſt offerte la première dans les temps les plus reculés. On a prétendu qu’un berger, qui avoit des clous à ſes ſouliers, marchant ſur une roche d’aimant, avoit éprouvé une réſiſtance à ſe mouvoir, par un effet de l’attraction magnétique. D’autres ont cru qu’ayant enfoncé dans la terre ſa houlette, armée d’une pointe de fer par le bout, il ſentit, en la retirant, une adhérence marquée, & que cette effet lui fit bientôt découvrir la cauſe de cette réſiſtance, en fouillant la terre, puiſqu’alors il trouva un aimant. Les vrais phyſiciens auront de la peine à croire la réalité de ces anecdotes, parce que l’aimant non armé n’a pas aſſez de force pour produire une attraction & une adhérence capables d’indiquer de cette manière ſon exiſtence dans la terre.

Thalès de Milet, 600 ans avant l’ère chrétienne, a parlé de l’attraction de l’aimant. Platon a connu ce phénomène, puiſqu’il fait mention de l’expérience d’une pierre qui tient ſuſpendus pluſieurs anneaux de fer, comme s’ils formoient une chaîne : ut longiſſima annulorum ferreorum ſeries continuo quodam nexu aptetur. Dialog. Jon.

Galien dit que cette vertu attractive a quelque choſe de divin ; Aphrodiſe aſſure qu’elle n’eſt bien connue que de Dieu ſeul. Saint Auguſtin rapporte dans la cité de Dieu. Liv. 21, chap. 4, que la première fois qu’on lui fit voir une pierre d’aimant qui enlevoit le fer avec une grande rapidité, il en fut tout épouvanté : magnetem lapidem novimus mirabilem ferri raptorem ; quod cùm primum vidi, vehementer inhorrui. Si nous n’avions jamais vu ni ouï parler des phénomènes de l’aimant, nous ſerions pénétrés du même étonnement, lorſque nous ſerions témoins pour la première fois des propriétés preſque magiques de l’aimant.

L’attraction qui règne entre l’aimant, & le fer ou l’acier, eſt démontrée par pluſieurs expériences que tout le monde peut répéter facilement.

Première expérience. Suſpendez en équilibre un morceau de fer à un bras de balance, & préſentez, au-deſſous de ce fer, à une diſtance convenable, un aimant, ſoit naturel, ſoit artificiel ; le morceau de fer ſera auſſitôt attiré, & l’équilibre rompu. Le fer ſuſpendu par un cordon s’élèvera ou s’abaiſſera ſelon que l’aimant ſera préſenté au-deſſus ou au-deſſous du fer. Voyez la figure 336.

Seconde expérience. Placez une aiguille d’acier non aimantée ſur ſon pivôt, comme on le voit dans la figure 337 ; approchez un aimant, ou barreau d’acier aimanté, vous verrez auſſi-tôt l’extrémité de l’aiguille, qui eſt la plus proche, ſe mouvoir vers l’aimant ; & après pluſieurs oſcillations, ſe fixer de ce côté.

Troiſième expérience. Faites ſurnager, par le moyen d’un liége, un fil de fer a, b, et préſentez l’aimant B, A, vous verrez bientôt le fer attiré, s’approcher de l’aimant. On fait quelquefois cette expérience en ſubſtituant au fil de fer placé ſur le liége, un petit cygne d’émail, qui, étant creux, ſurnage de lui-même ; il tient à ſon bec un fil de fer. Il obéit également à la force attractive, (figure 338).

Quatrième expérience. Préſentez un aimant à de la limaille de fer, à des cloux, à de petites clefs : auſſitôt, ces différens corps ſeront attirés par l’aimant qui les tiendra ſuſpendus en l’air, malgré leur gravité. L’attraction magnétique aura même tant de force, qu’en ſoufflant, ſur un côté de l’anneau de la clef, celle-ci tournera très-vîte en pirouettant, ſans que la ſéparation ait lieu.

C’eſt par un effet de l’énergie de cette attraction, que les aimans armés portent des poids très-conſidérables. Voyez Armure. Dans le cabinet de la ſociété royale de Londres, il y a un aimant naturel dont la force attractive ſe fait ſentir à environ neuf pieds de diſtance. L’hiſtoire de l’académie des ſciences de Paris fait mention d’une pierre d’aimant de onze onces qui portoit 28 livres de fer, c’eſt-à-dire, plus de 40 fois ſon poids. (année 1702, page 18.)

La force d’un aimant dépend en général, & toutes choſes égales, de ſa groſſeur ; un aimant plus gros, ſoit naturel, ſoit artificiel, eſt plus fort qu’un plus petit. Cependant on a vu des aimans de petites dimenſions attirer de plus loin & porter davantage que de grands aimans. L’homogénéïté & la dureté, la couleur noire, ſont en général des indices qui annoncent de bons aimans. La manière de tailler une pierre d’aimant contribue beaucoup à ſa force, en ne lui faiſant rien perdre de ſes avantages naturels.

L’attraction magnétique eſt d’autant plus grande, que la diſtance où elle s’exerce eſt plus petite, comme on le verra bientôt ; & au point de contact, elle eſt, toutes choſes égales, la plus grande poſſible. On peut faire aiſément ces ſortes d’expériences par le moyen de la balance, comme dans la figure 336. Voyez Attraction magnétique.

Les aimans artificiels attirent & portent de plus grands poids que les aimans naturels ; & rien n’approche de la force de ceux dont nous allons parler.

De ſes premiers eſſais, M. l’abbé le Noble fit deux aimans en fer à cheval beaucoup plus forts que ceux qu’on connoiſſoit. Le premier qui ne peſoit qu’un peu plus de 5 livres ; &, avec ſes vis, écrous, contacts, &c. 6 livres, juſte, portoit 100 livres. Si on lui donne quelques livres de moins, par exemple, ſi on ne lui fait porter que 90 livres, il reſte toujours chargé. Au point de 100 livres le contact quitte. Dans cette ſéparation, cet aimant perd beaucoup, comme cela arrive en général à tous les aimans ; et il tombe tout de ſuite à 38 livres environ. Il acquiert par la ſuite, en le chargeant par dégrés, & en lui donnant peu à la fois ; mais ne revient jamais à ſa première force.

Le ſecond aimant, plus volumineux, produiſoit de plus grands effets, il peſoit entre 16 & 17 livres & portoit 195 livres, un homme, par conſéquent. Lorſque le contact ou porte-poids ſe ſéparoit par cette charge, qui, avec précaution, pouvoit aller à 200 livres, il ne portoit plus dans cette inſtant que 74 à 75 livres. Le troiſième qui peſoit quinze livres, portoit encore davantage, il m’a ſoutenu avec quelques poids acceſſoires, et malgré quelques mouvemens, je n’ai pu ſéparer le contact de l’aimant. Ces aimans ſont compoſés de pluſieurs barreaux courbés en fer à cheval.

Quoique l’aimant puiſſe porter, par ſa force attractive, des poids très-conſidérables, tels que ceux de pluſieurs hommes ; par exemple, nous regardons néanmoins comme des faits ſuppoſés, ceux qui ſont rapportés par quelques écrivains. On dit que le tombeau de Mahomet eſt ſoutenu au haut de la moſquée, à la Mecque, par une groſſe pierre d’aimant. Il n’y a point d’aimant connu qui approche de la groſſeur néceſſaire pour produire cet effet. Un bon morceau d’aimant, ſéparé (comme il doit être pour produire un effet conſidérable) des parties hétérogènes, n’a jamais de grandes dimenſions : d’ailleurs, il faudroit qu’il fût armé, car un aimant ſans armure ne porte que des poids peu conſidérables. Or, jamais l’ignorance, qui a toujours régné parmi les mahométans, ne leur a permis de connoître cette partie de la phyſique, qui ne peut ſe paſſer de phyſiciens & d’artiſtes habiles. De plus, pour produire l’effet dont nous parlons, il faudroit avoir recours aux aimans artificiels, & la méthode de les conſtruire, qui eſt toute nouvelle, étoit bien loin d’être connue à l’époque dont nous parlons, &c. &c. ; mais ce qui tranche la difficulté, c’eſt que Bernier aſſure (abrégé de la philoſophie de Gaſſendi, tom. V, liv. 3 ch. 3, p. 323) qu’ayant été dans le pays, le ſépulcre de Mahomet n’eſt pas à la Mecque, mais à Médine, & qu’on n’y a jamais entendu parler ni d’une voûte d’aimants ni de cette ſuſpenſion.

C’eſt également ſans aucune vraiſemblance que Manethon, cité par Plutarque, aſſure que les égyptiens avoient ſuſpendu, par le moyen de l’aimant, des ſtatues du Soleil & de Sérapis. (Ruffin, lib. 6, cap. 22). On a dit encore que les babyloniens avoient placé dans le célèbre temple de Bélus à Babylone, la ſtatue du ſoleil qui, ſoutenue en l’air par deux pierres d’aimant, paroiſſoit ſans aucun ſupport. Ceci rappelle l’idée plaiſante d’un écrivain qui propoſoit de s’élever en l’air par le moyen de l’aimant : il ſuffiſoit, ſelon lui, d’avoir une boule d’aimant & une boule de fer qu’on jetteroit en l’air alternativement, comme on le fait en jouant avec deux oranges.

C’eſt encore ſans fondement que Strabon & le géographe Nudian ont ſuppoſé qu’il y avoit au milieu de la mer des rochers purement magnétiques qui arrêtoient, & fixoient ſans retour, les vaiſſeaux toujours conſtruits avec un grand nombre de clous & de bandes de fer. Rien n’eſt plus abſurde, puiſque des roches d’aimant ne pourroient exercer leur activité à une auſſi grande diſtance que celle qui ſeroit néceſſaire pour produire cet effet ; que les mines d’aimant ſont toujours mélangées de ſubſtances hétérogènes, & qu’il eſt rare, même dans l’iſle d’Elbe où les mines de fer ſont ſi abondantes, de trouver de gros morceaux d’aimant qui vaîllent la peine d’être taillés ; à plus forte raiſon, ne trouve-t-on pas des rochers magnétiques, dont la ſphère d’activité s’étende au loin.

L’attraction magnétique ne s’exerce pas ſeulement entre l’aimant & le fer, mais encore entre deux aimans par leurs pôles de différens noms, c’eſt-à-dire, par les pôles ſud & nord ou nord & ſud ; car il y a répulſion, ſi on les approche par leurs pôles de même nom ; ſavoir, entre les pôles nord & nord, ſud & ſud, ainſi que nous le prouverons en traitant de la répulſion magnétique dans cet article aimant.

L’attraction a encore lieu entre un aimant artificiel & le fer, comme entre un aimant naturel & toute ſubſtance ferrugineuſe. Il en eſt de deux fers aimantés comme de deux pierres d’aimant, les uns & les autres ayant deux pôles, ne peuvent s’attirer que par les pôles de différente dénomination. Les quatre expériences précédentes peuvent être ici répétées.

On obſervera cependant, ſur cette attraction réciproque de deux aimans, que l’aimant agit plus puiſſamment ſur le fer que ſur un autre aimant, qu’il l’attire avec plus de force, (toutes choſes égales) & que l’union & l’adhérence ont une plus grande énergie. Suppoſons que ſur la ſurface Α de l’eau contenue dans un vaſe, on place du liége ſur lequel flottera un aimant B, figure 340, & qu’on lui préſente un morceau de fer C, non aimanté, ou que récîproquement on mette C flotter ſur le liége, en tenant B à la main à la diſtance C, on obſervera que la vîteſſe de l’attraction ſera la même. Mais ſi on emploie deux aimans dans l’expérience, on verra que la vîteſſe n’eſt pas auſſi grande que dans les deux cas précédens. On remarquera encore qu’après le contact, l’adhérence eſt plus grande entre le fer & l’aimant, qu’entre deux aimans.

Lorſque l’aimant naturel ou artificiel eſt armé, l’attraction, & l’adhérence qui en eſt l’effet, eſt bien plus grande entre le corps attirant & le corps attiré, que s’il n’y avoit pas d’armure. Voyez armure.


L’attraction qui régne entre l’aimant & le fer, eſt réciproque ; lorſque ces deux corps ſont ſuſpendus librement, ils font la moitié du chemin pour s’approcher, (il en eſt de même pour la répulſion).

On a obſervé que la limaille de fer eſt attirée plus puiſſamment par l’aimant, que la poudre même de la pierre d’aimant ; on a dit que cet effet venoit de ce qu’il y a plus de parties ferrugineuſes dans le fer forgé que dans l’aimant. Celui-ci agit néanmoins de plus loin ſur le fer aimanté.

L’aimant attire également le fer par ſes deux pôles, ſoit qu’on préſente ſucceſſivement un même morceau de fer, tantôt à l’un, tantôt à l’autre pôle, ſoit qu’on préſente en même temps deux morceaux de fer à ſes deux pôles.

Uſages. On peut tirer parti de la vertu attractive de l’aimant dans diverſes circonſtances de l’aimant. Si des parcelles de fer ſont mêlées dans de la limaille d’or, ou d’argent, ou de cuivre, &c. Par le moyen d’un aimant qu’on plonge dans cette limaille, on enlève, à chaque fois, les parcelles de fer. De cette manière, on peut ſéparer le fer de la platine, lorſqu’on veut l’avoir bien pure pour certaines expériences. Il en eſt de même pour obtenir le fer des ſablons ferrugineux.

Si une molécule de fer entre dans l’œil, il eſt poſſible de l’attirer & de l’enlever par le moyen d’un aimant. Un ſerrurier ſouffroit beaucoup par l’effet d’un accident de ce genre ; avec un bon aimant, je le délivrai bientôt de la cauſe de ſon mal.

L’aimant ſert à découvrir les mines de fer, & à reconnoître la préſence du fer par-tout où il eſt caché, & en même temps que les métaux ſe révivifient de leurs propres cendres. M. Geoffroy a trouvé que les cendres de pluſieurs végétaux obéiſſoient auſſi à la vertu magnétique. Muſſchenbroek a donné une liſte aſſez étendue des matières qu’il a trouvées ſuſceptibles de cette attraction, ſoit en les éprouvant dans leur état naturel, ſoit en les faiſant rougir au feu, avec une matière graſſe, végétale ou animale : preuve que le fer ſe trouve preſque par-tout, & que les métaux ſe révivifient de leurs propres cendres. Un médecin, qui a analyſé le ſang, y a trouvé du fer.

Un appareil bien ſimple, qui indique les matières ſuſceptibles d’être attirées par l’aimant, & conſéquemment qui contiennent du fer, eſt le ſuivant. Il conſiſte en un petit barreau d’acier, bien aimanté & ſupporté ſur un pivot qui entre dans une cavité conique qu’on a pratiquée dans ſon épaiſſeur, à-peu-près comme on le voit dans la figure 339, avec cette différence, que les deux bouts ne ſont pas pointus, mais coupés quarrément, & qu’au lieu d’une chape en G, il y a en deſſous une ouverture conique creuſée dans l’épaiſſeur du barreau. Ce dernier ſe renferme dans un petit étui rond, & devient par-là très-portatif. Lorſque le barreau eſt ſur ſon pivot, ſuſpendu en équilibre, il ſuffit de préſenter à une de ſes extrémités diverſes ſubſtances qu’on ſe propoſe d’examiner. Si elles contiennent du fer, elles attireront le barreau & le feront mouvoir.

De cette manière, on verra que les porphires verds & les ſerpentines attirent le barreau aimanté. Il en ſera de même de pluſieurs eſpèces ou variétés de fer ſpathique, ſur-tout ſi l’on les a un peu expoſées au feu. Quelques-uns ont prétendu que cet effet venoit de ce que le feu dégageoit des fluides aériformes qui s’y trouvoient, tels que le gaz fixe & le gaz inflammable ; après ce dégagement, le fer ſpathique devient très-fort attirable par l’aimant.

Si on expoſe au foyer d’un verre ardent des terres martiales aſſez calcinées pour n’être nullement attirables par l’aimant, elles deviennent fortement attirables par l’aimant.

On verra, à l’article Magnétisme, que le feu ordinaire & la foudre même, ſont capables d’aimanter des briques, en revivifiant le fer qui y eſt contenu, ainſi que le prouvent les expériences & les obſervations de Boyle & du père Beccaria.

L’aimant attire le fer & l’aimant ; & il n’exerce ſon activité que ſur ces deux ſubſtances : aucun autre corps de la nature n’eſt ſuſceptible d’être attiré par lui. Rien, dans les règnes animal, végétal ou minéral, ne peut être doué de la vertu magnétique, ni en être l’objet. On peut eſſayer l’or, la platine, l’argent, le cuivre, l’étain, le plomb, le mercure, le zinc, le biſmuth, l’antimoine, le cobalt, &c. ; en un mot tous les métaux & demi-métaux ; & jamais ils ne ſeront attirés par l’aimant, s’ils ſont bien purs. Il en ſera de même des pierres, objets de la lithologie, de toutes les eſpèces de terres, des ſubſtances ſalines, &c. Tous les végétaux, toutes les parties des animaux ſoumis à l’épreuve, ne donnent aucun ſigne d’attraction magnétique : on peut répéter facilement ces expériences, & on en ſera convaincu. Ainſi l’aimant n’attire que le fer & l’aimant.

Si on obſerve quelquefois que d’autres ſubſtances que les deux qu’on vient de nommer, ſont attirées par l’aimant, c’eſt qu’elles contiennent du fer parfait ou imparfait, qui eſt aſſez généralement répandu dans la nature. Quelquefois le fer eſt ſi enveloppé, & en ſi petite quantité, dans les corps qui le contiennent, qu’il échappe à l’action de l’aimant ; mais on le rend propre à ſe prêter à cette action, en l’uniſſant avec des ſubſtances graſſes, ainſi que nous l’avons dit plus haut. Traité de cette manière, il ſe convertit en véritable fer, ainſi que je l’ai prouvé, de même que pluſieurs autres phyſiciens, entr’autres, Muſſchenbroeck. Voici les ſubſtances que ce ſavant a reconnues pour avoir cette qualité. Le ſable rouge, le ſable jaune, le ſable brun, le grenat, la porcelaine rouge, les bols, la pierre hématite, la pierre calaminaire, le ſimilor, la terre rouge, la terre noire dont les potiers font uſage, l’ocre, la terre d’ombre, le fard rouge des Indes, celui d’Angleterre, le colcotar du vitriol, la terre à foulon, le tripoli, le cobalt, l’orpiment, la mine de plomb, la limaille de zinc non-brûlée, la platine, toute terre, toute argile qui rougit dans le creuſet, pluſieurs laves du Véſuve ; le réſidu de la diſtillation du ſoufre, tiré des parties minérales des pyrites ; des pyrites elles-mêmes, pluſieurs parties de la ſuie des fourneaux, les cendres des gazons de Hollande, les cendres rouges du ſuccin brûlé, le bleu de Pruſſe calciné, &c.

Il ne doit pas être ſurprenant que les bols, les ocres, les argiles & terres colorées, étant revivifiées par le moyen du feu, & d’une matière graſſe, ſoient attirées enſuite par l’aimant, puiſque ces terres ſont une chaux de fer, qui, par cette opération, a été réduite & convertie en fer parfait. Il ne le ſera pas non plus que pluſieurs eſpèces d’hématites ſoient attirées dans leur état naturel, ou après leur revivification ; car ces ſubſtances minérales ſont claſſées, par les naturaliſtes & les chimiſtes, dans les mines de fer.

Si donc on voit quelquefois des morceaux de mine de plomb, de cobalt, &c., des pyrites cuivreuſes, & d’autres ſubſtances réellement différentes du fer, être attirées par l’aimant, c’eſt qu’elles contiennent du fer, & que les parties hétérogènes des autres ſubſtances ſont attirées par l’intermède du fer qui leur eſt adhérent. Ceux qui diſent que la platine eſt attirée par l’aimant, ſe trompent ; car ce métal, tel qu’on l’envoie en Europe, eſt toujours mêlé avec du fer, dont on ſépare aiſément une partie, par le moyen d’un aimant ; &, lorſque la ſéparation a été faite de cette manière, la matière non attirable qui reſte, eſt une platine moins hétérogène : elle contient encore néanmoins du fer, & c’eſt même à cet alliage qu’on doit attribuer la difficulté de la fondre ; mais la platine pure n’eſt point attirable par l’aimant.

Pluſieurs phyſiciens ayant penſé que le cuivre, ſur-tout quelques-unes de ſes eſpèces ou variétés, pouvoit être doué de magnétiſme, & attirer le fer (ainſi que MM. Dulac, d’Angos & autres l’ont éprouvé, comme on l’a vu au mot Aiguille aimantée, aiguille de direction), il eſt à propos de faire connoître ici les preuves qui détruiſent l’opinion qu’on avoit tentée d’établir.

M. Lehmann, dans les mémoires de l’académie de Pétersbourg, a fait des recherches ſur l’origine de cette prétendue propriété, & ſur ſes différens degrés apparens. Il s’aperçut d’abord que la cauſe de ce phénomène ne devoit pas être dans la compoſition du cuivre pur, mais qu’elle exiſtoit plutôt dans le zinc avec lequel on forme le laiton, & quelques autres mélanges cuivreux. Il fournit enſuite les diverſes eſpèces de zinc, les pierres calaminaires, les cadmies, les pſeudo-galènes, à l’examen chimique. Le réſultat de ces eſſais fut que quelques-unes de ces ſubſtances minérales ſont d’une nature martiale, tandis que d’autres ne contiennent aucunes particules de fer ; que les pierres calaminaires ſont d’autant plus martiales, qu’on les a fait plus long-temps rougir par la calcination ; que ces mêmes calamines, à meſure qu’on les calcine plus long-temps & plus fortement, avec ou ſans matière graſſe, &c., acquièrent un magnétiſme d’autant plus grand ; de plus, que les mines & cadmies de zinc ſont, pour la plupart, dénuées de fer, ou n’en contiennent que fort peu, quelquefois point du tout, & ne montrent qu’un très-foible magnétiſme ; enfin, que cette force magnétique des mines de zinc périt, lorſqu’on pouſſe la calcination juſqu’à la vitrification.

À ce premier travail, en ſuccéda un autre qui fut de mêler ces matières avec du cuivre, pour d’ordinaire parties égales, & en y ajoutant, ſuivant l’uſage, de la pouſſière de charbon, ce qui produiſit diverſes eſpèces de laiton. Sans rapporter ici, en détail, les diverſes propriétés magnétiques qui ſont nées de ces mélanges, il ſuffira d’indiquer les conſéquences, ſavoir, 1o. que le laiton fait du cuivre & du zinc les plus purs, n’éprouve aucune action de la part de l’aimant, & n’agit point non plus ſur l’aiguille magnétique ; 2o. que plus les minières de zinc abondent en parties martiales, plus le magnétiſme du laiton devient fort, & qu’ainſi c’eſt de ces parties minérales mêlées à la pierre calaminaire, aux cadmies des fourneaux, & aux pſeudo-galènes, revivifiées dans la préparation du laiton, que dépendent uniquement l’origine & la nature des diverſes eſpèces de laiton. Ceci ſuppoſé, la cauſe du phénomène en queſtion eſt expliquée & miſe à l’abri de toute conteſtation. Il ne reſte plus enſuite qu’à déterminer la quantité de fer requiſe pour produire le magnétiſme dans le cuivre. En variant le poids dans les mélanges, on varie auſſi les forces magnétiques dans le cuivre. La moindre proportion exiſte quand le fer eſt au cuivre, comme la trente-deuxième. Les degrés vont enſuite en augmentant, & la plus grande proportion conſiſte en parties égales de deux métaux : tout cela eſt marqué dans une table qui eſt à la fin du mémoire de M. Lehmann.

Il y a des phyſiciens qui ont cru également trouver des propriétés magnétiques dans le bronze & le nickel ; mais ces effets dépendent encore du fer qui y eſt mêlé. Dans le bronze, il y a de la calamine qui contient du fer. Quant au nickel, qui n’eſt pas encore bien connu, ſa reſſemblance avec le cobalt fait ſoupçonner qu’il contient de même du fer. M. Bergman penſoit que le nickel, le cobalt & la manganèſe, n’étoient que des modifications du fer. Ces obſervations doivent engager à faire la plus grande attention aux métaux qu’on emploie pour conſtruire les bouſſoles.

L’expérience prouve qu’une très-petite portion de fer peut rendre un corps ſenſible à l’aimant. On a frotté avec de l’acier une turquoiſe, ces deux ſubſtances ont été peſées avant & après ce frottement, ſans qu’on ait remarqué aucune différence ſenſible dans les poids après l’opération, quoique la balance dont on s’eſt ſervi fût aſſez juſte pour indiquer un vingtième de grain ; néanmoins l’aiguille magnétique a été dérangée par la turquoiſe, après le frottement.

M. Geoffroi a prouvé que dans le règne végétal, pluſieurs parties des plantes, des fruits, des bois qu’on brûle, fourniſſent des cendres que l’aimant attire, lorſque toutes les ſubſtances ont pris leur nourriture & leur accroiſſement dans une terre qui contenoit des parties ferrugineuſes ; & que plus cette terre renferme du fer, plus les cendres de ces plantes recèlent de parties ferrugineuſes ( Hiſt. de l’acad. des ſc. 1706 ). Suivant le rapport de Galéat, dans les commentaires de Boulogne, on trouve dans les cendres de l’éponge, quelques parties qui cèdent à l’attraction de l’aimant. On en rencontre auſſi dans le caput mortuum, qui reſte après la diſtillation de l’huile de lin, après celle de thérébentine.

Comme toute eau, celle de pluie, de puits, de fleuve, de fontaine, contient des parties ferrugineuſes, on ne doit pas être ſurpris que les plantes qui en ſont continuellement abreuvées, ne contiennent du fer. Les eaux qui ont coulé ſur les terres, charrient des molécules ochreuſes, argilleuſes, &c. & ſous ce rapport, elles doivent fournir, après la revivification, du fer dans les cendres des végétaux.

Les plantes & l’eau formant une partie conſidérable de la nourriture des animaux, on ne ſera pas non plus étonné de rencontrer du fer, non-ſeulement dans le ſang, ainſi que nous l’avons dit, mais encore dans différentes parties du règne animal. Ainſi les cendres des cloportes, celles des vers de terre, de limaçons, d’hirondelles, de grenouilles, d’oiſeaux, de poules, de vipères, de lièvres, de brebis, de bœufs, ſont attirées par l’aimant. Celles qui viennent des os de bœufs, calcinées par un feu violent ; celles des chevaux, des cochons, des hommes ; celles que fourniſſent la corne de cerf, l’épine des anguilles, les yeux de cancres qui ſont des concrétions, &c. contiennent toutes plus ou moins de parties, plus ou moins de parcelles attirables par l’aimant. On trouve encore des parties de cette eſpèce dans l’urine de l’homme, ſur-tout dans l’urine des néphrétiques ; ces ſortes de parties ſe manifeſtent dans la terre qui provient de la diſtillation de l’urine : on en obtient encore du caput mortuum, de la diſtillation du ſel ammoniac. On trouve une plus grande quantité de parties ferrugineuſes dans la combuſtion des poumons, des inteſtins & des autres viſcères des animaux, que dans la combuſtion de leurs parties charnues. Il y en a dans le caput mortuum de la diſtillation du miel, du caſtoréum & des coraux. On en retire des chairs des poules, des chapons, des pigeons, des moineaux, une auſſi grande quantité ; de même que des chairs des quadrupèdes & des hommes. Il faut néanmoins obſerver que les cendres & les chairs des quadrupèdes qui paiſſent dans un terrain plus abondant en fer, fourniſſent une plus grande quantité de parties ferrugineuſes. On retire le fer du ſang des animaux, des bœufs, des chiens, des oiſeaux, des grenouilles, des anguilles, &c. lorſqu’on le fait brûler ; c’eſt dans la partie rouge du ſang, plutôt que dans la partie ſéreuſe qu’on retire plus de molécules ferrugineuſes. Bien plus, ſi on a ſoin de laver avec de l’eau les globules rouges du ſang, & qu’on faſſe ſécher à un feu lent le ſédiment que cette eau emporte, on trouve dans ce ſédiment une eſpèce de pouſſière obſcure qui renferme un grand nombre de parties que l’aimant attire. On a encore éprouvé que les graiſſes des animaux, ſéparées des autres parties, & expoſées à l’action du feu, ne contenoient qu’une très petite quantité de parties ferrugineuſes. En un mot, le ſang contient plus de fer que les chairs ; celles-ci plus que les os & les graiſſes. Muſſchenbroek, tome Ier.

Pluſieurs phyſiciens ont cherché à découvrir la loi de l’attraction magnétique ; c’eſt-à-dire, le rapport qui eſt entre les forces attractives d’un aimant, & les diſtances qui limitent la propagation des forces magnétiques attractives. Un de ceux qui s’eſt le plus occupé de cet objet, eſt ſans contredit Muſſchenbroek : voici de quelle manière il a tenté de réſoudre la queſtion. Il ſuſpendit à un des bras d’une balance fort exacte, un aimant cylindrique, du poids de 15 drachmes. La longueur de cet aimant étoit de deux pouces, ſon axe étoit le même que l’axe de magnétiſme univerſel, & ſes pôles étoient placés dans ſa baſe cylindrique ; cet aimant attira, de la manière ſuivante, un cylindre de fer, placé ſur une table, & qui étoit exactement de même figure & de même poids que l’aimant.

Diſtances. Poids attirés.
6 lignes 03 grains
5 03 5
4 04 5
3 06
2 09
1 18
0 57

Les poids attirés, exprimés en grains, déſignent la force d’attraction ; maintenant ſi on fait attention aux eſpaces cylindriques interceptés entre les baſes de ces cylindres, il paroîtra que les forces attractives ſont en raiſon inverſe des eſpaces. Or, comme dans ce cas-ci, ces eſpaces ſont de même que les diſtances, les forces attractives ſont en raiſon inverſe des diſtances. Pour s’aſſurer ſi cette loi étoit générale, ou ſi elle dépendoit de la grandeur ou de la figure des corps, les expériences ſuivantes furent faites.

On ſuſpendit pareillement au bras d’une balance un aimant ſphérique ; tiré d’un autre aimant, mais dont la maſſe étoit beaucoup plus groſſe. On donna à cet aimant un diamètre égal à celui du cylindre, & le pôle boréal de cet aimant attira le pôle auſtral de l’aimant cylindrique, qui étoit placé ſur une table, ſelon les proportions ſuivantes :

Diſtances. Poids attirés.
6 lignes 021 grains
5 027
4 034
3 044
2 064
1 100
0 260

Concevons une ſphère d’aimant renfermée dans un cylindre creux, de manière que chaque face interne de ce cylindre ſoit tangente d’un des grands cercles de cette ſphère : concevons pareillement que ce cylindre comprenne auſſi exactement l’aimant cylindrique : conſidérons maintenant cette ſphère magnétique à différentes diſtances de l’aimant cylindrique, alors les eſpaces creux entre ces deux ſortes de corps, ſeront formés par la baſe plane de l’aimant cylindrique ; & par l’hémiſphère du globe magnétique, qui répond à ce cylindre. Or, ces eſpaces étant ainſi déterminés, on trouvera que les attractions de ces deux corps, placés à différentes diſtances l’un de l’autre, ſeront entre elles en raiſon inverſe ſeſqui-pliquée des eſpaces creux.

Mais l’aimant, dans le point de contact, agit & attire avec plus d’activité le fer, qu’il n’attire un autre aimant, ainſi que l’expérience l’apprend : c’eſt pour cela, qu’ayant préſenté le même pôle de l’aimant ſphérique au cylindre de fer dont on a parlé, ce cylindre fut attiré avec les forces indiquées dans la table ſuivante :

Diſtances. Poids attirés.
6 lignes 007 grains
5 009 5
4 015
3 025
2 045
1 092
0 340

Si l’on fait attention aux eſpaces creux, compris dans le cylindre creux, dont le diamètre eſt égal à celui de la ſphère, on trouvera que l’attraction eſt en raiſon inverſe ſeſqui-doublée des eſpaces creux. Le même aimant n’attire pas, à la vérité, avec de ſi grandes forces, un cylindre de fer dont la hauteur ſeroit moindre que celle du cylindre dont on vient de parler ; néanmoins, ces forces attractives, quoique plus foibles, ſuivent la même loi, & elles l’attirent ſelon les mêmes proportions.

Un aimant ſphérique, ſuſpendu au bras d’une balance, attire un globe de fer de même diamètre, placé ſur une table directement ſous ſon pôle, avec des forces indiquées dans la table ſuivante :

Diſtances. Poids attirés.
8 lignes 001 grains
7 002
6 003 25
5 006
4 009
3 016
2 030
1 064
0 290

Si l’on place ces ſphères dans un cylindre creux, & qu’on les poſe à différentes diſtances l’une de l’autre, & qu’on meſure exactement les eſpaces creux qu’elles laiſſent entr’elles, l’expérience fera voir que les forces attractives de l’aimant ſuivent la raiſon inverſe quadruplée des eſpaces creux. Le même phyſicien aſſure avoir éprouvé, de la même manière, pluſieurs aimans ſphériques de différens diamètres, & avoir obſervé que leurs forces attractives ſuivoient conſtamment la même loi. Muſſchenbroek. Tome Ier. pag. 433 & ſuiv.

D’autres phyſiciens ayant employé d’autres méthodes, différentes de la précédente, pour faire les mêmes tentatives, ont eu auſſi des réſultats différens. Helſam nous apprend que les expériences qu’il a faites, lui ont fait voir que les forces attractives de ſon aimant ſuivoient preſque la raiſon inverſe doublée des diſtances. Un autre ſavant (Martin) éprouvant les forces attractives d’un aimant contre un morceau de fer, dont la figure étoit celle d’un parallélipipède, a trouvé que ces forces ſuivoient la raiſon inverſe ſeſqui-pliquée des diſtances ; ce qui s’accorde avec les réſultats donnés ci-deſſus, ſoit par rapport à un aimant ſphérique, ſoit par rapport à un aimant cylindrique.

Les PP. le Sueur & Jacquier, célèbres mathématiciens ont donné une autre méthode de découvrir la force attractive d’un aimant taillé en parallélipipède ſur une aiguille de bouſſole aimantée ; laquelle étant d’abord placée dans la ligne du méridien magnétique, eſt enſuite retirée de cette ligne, en prenant différentes déclinaiſons : ces ſavans ont trouvé, par leurs expériences, que la force magnétique ſuivoit la raiſon inverſe triplée des diſtances. Comment. ad Newton. Princ. Philoſ. Tom. 3, pag. 40 & ſeq. Si on répète ces expériences on ne trouvera pas toujours les réſultats les mêmes, non plus qu’en répétant celles des autres méthodes ; car la matière & la forme des aiguilles & des aimans contribuent beaucoup à mettre de la variété dans les effets. Voyez le mot Magnétisme.

D’après des expériences multipliées & répétées un grand nombre de fois avec des aimans artificiels d’une très-grande force, j’ai conclu, & en cela je ſuis d’accord avec un grand nombre de phyſiciens, que la loi de l’attraction magnétique n’eſt point comme celle de la gravitation, ni en raiſon inverſe du quarré des diſtances, ni en raiſon inverſe de la ſimple diſtance, ni en raiſon inverſe du cube des diſtances, &c, ; mais que l’attraction magnétique (il en eſt de même de la répulſion) décroît proportionnellement plus dans les grandes que dans les petites diſtances, ſans cependant décroître autant que la diſtance augmente. On peut facilement répéter ces ſortes d’expériences, en ſe ſervant, comme Muſſchenbroek, d’aimans de forme ronde, & d’une balance très-mobile, en meſurant l’effet des attractions & des répulſions depuis une demi-ligne juſqu’à pluſieurs pouces, & en comparant les réſultats des expériences.

On a tâché de meſurer la force attractive de l’aimant, par le moyen de quelques inſtrumens imaginés à ce ſujet. Voyez Magnétomètre.

Seconde propriété. Répulſion. Deux aimans, ſoit naturels, ſoit artificiels, ſe repouſſent, lorſqu’ils ſont préſentés mutuellement par leurs pôles de même nom, c’eſt-à-dire, par leurs pôles méridionaux ou par leurs pôles ſeptentrionaux. Chaque aimant ayant deux pôles, il eſt vraiſemblable que l’obſervation fit connoître la répulſion, peu après la découverte de l’attraction. Cette ſeconde propriété ne dut pas paroître moins merveilleuſe que la première. L’expérience en démontre la réalité.

Première expérience. Si on ſuſpend au bras d’une balance (figure 336) un aimant qui ſoit en équilibre par le moyen d’un contre-poids placé dans le baſſin oppoſé, & qu’on lui préſente un autre aimant, de ſorte que les deux pôles de même dénomination ſoient mutuellement en regard, on verra l’équilibre auſſi-tôt rompu, & l’aimant ſuſpendu fuir en s’élevant, ſi le ſecond aimant eſt préſenté par en bas, ou s’éloigner en s’abaiſſant, ſi l’aimant qu’on tient à la main eſt placé au-deſſus de celui qui eſt en équilibre. Il en ſera de même de deux aimans artificiels.

Seconde expérience. Une aiguille de bouſſole, aimantée, étant miſe en équilibre ſur ſon pivot, dès qu’on approche de ſon pôle nord le pôle nord d’un aimant, ou de ſon pôle ſud le pôle de même nom de cet aimant, on voit auſſi-tôt le bout de cette aiguille être repouſſé & ſe mouvoir à une diſtance plus ou moins grande, ſelon la force & la diſtance de l’aimant, toutes choſes étant ſuppoſées égales, figure 337.

Cette expérience a également lieu lorſqu’on met un aimant naturel à l’extrémité d’une aiguille de bois, qui ſoit en équilibre ſur un pivot.

Troiſième expérience. Un aimant, flottant ſur l’eau dans une petite gondole de cuivre, ſi on lui préſente un autre aimant par les pôles de même dénomination, l’aimant qui flotte eſt promptement repouſſé. Cette expérience ſe fait également avec des aimans artificiels.

Quatrième expérience. Préſentez au pôle nord d’un aimant le pôle nord d’un autre aimant de force égale, ils ne ſeront point adhérens, quoiqu’on les mette en contact ; il en ſera de même s’ils ſe touchent par les deux pôles méridionaux. Mais ſi le contact a lieu par le pôle méridional de l’un, & par le pôle ſeptentrional de l’autre, il y aura attraction & conſéquemment adhérence.

Nous avons remarqué que, dans cette expérience, les deux aimans doivent être à-peu-près de force égale : car ſi l’un a beaucoup plus d’énergie que l’autre, l’attraction a lieu, mais avec la ſeule différence des forces. On a expliqué ce fait d’une manière ingénieuſe, que les pôles ne ſont plus alors de même nom ou oppoſés, parce que l’aimant fort détruit, par ſa puiſſance, la vertu magnétique de l’aimant foible, & lui en communique une nouvelle qui change ſes pôles ; mais les deux aimans étant ſéparés, les choſes reviennent le plus ſouvent dans le premier état.

On obſervera encore, 1o. que la répulſion magnétique eſt d’autant moins forte, que les deux aimans ſont plus éloignés l’un de l’autre, & qu’elle eſt d’autant plus conſidérable que la diſtance réciproque eſt plus petite ; 2o. que les forces répulſives ſont moindres que les forces attractives ; néanmoins les forces répulſives ont une ſphère d’activité bien plus grande, & agiſſent de plus loin que les forces attractives. On peut être convaincu de la vérité de la première partie de cette propoſition, en faiſant des expériences comparatives avec une balance, comme dans la figure 336 ; & de la ſeconde partie, en employant de bonnes aiguilles aimantées & bien ſuſpendues (figure 337), & en meſurant les différentes diſtances d’un aimant préſenté par le pôle de même nom, & en les comparant aux diſtances auxquelles le même aimant préſenté par le pôle de différente dénomination, commencera à ébranler & à mouvoir l’aiguille ; 3o. que les attractions & les répulſions ſont ſi fortes, qu’elles l’emportent ſur la force de direction qui eſt conſtante & univerſelle.

[Le phénomène de l’attraction réciproque de deux aimans, d’un aimant & d’un morceau de fer, ou bien de deux fers aimantés, eſt celui de tous qui a le plus excité l’admiration des anciens philoſophes, & qui a fait dire à quelques-uns que l’aimant étoit animé. En effet, qu’y a-t-il de plus ſingulier que de voir deux aimans ſe porter l’un vers l’autre comme par ſympathie, s’approcher avec vîteſſe comme par empreſſement ; s’unir, par un côté déterminé, au point de ne ſe laiſſer ſéparer que par une force conſidérable ; témoigner enſuite, dans une autre ſituation, une haine réciproque qui les agite tant qu’ils ſont en préſence ; ſe fuir avec autant de vîteſſe qu’ils s’étoient recherchés, & n’être tranquilles que lorſqu’ils ſont fort éloignés l’un de l’autre ? Ce ſont cependant les circonſtances du phénomène de l’attraction & de la répulſion de l’aimant, comme il eſt facile de s’en convaincre par l’expérience ſuivante.

Prenez deux aimans a b, Α B, ( figure 341 ) mettez-les chacun dans une petite boîte de ſapin, pour qu’ils puiſſent aiſément flotter ſur une eau dormante & à l’abri des mouvemens de l’air ; faites enſorte qu’ils ne ſoient pas plus éloignés l’un de l’autre que ne s’étend leur ſphère d’activité ; vous verrez qu’ils s’approcheront avec une vîteſſe accélérée, & qu’ils s’uniront enfin dans un point C qui ſera le milieu de leur diſtance mutuelle, ſi les aimans ſont égaux en force & en maſſe, & ſi les deux boîtes ſont parfaitement ſemblables, marquez les points b, A, par leſquels ces aimans ſe ſont unis, & éloignez-les l’un de l’autre de la même diſtance, ils s’approcheront avec la même vîteſſe, & s’uniront par les mêmes points ; mais ſi vous changez l’un de ces aimans de ſituation, de manière qu’il préſente à l’autre le point directement contraire à celui qui étoit attiré, ils ſe fuiront réciproquement avec une égale vîteſſe, juſqu’à ce qu’ils ſoient hors de la ſphère d’activité l’un de l’autre.

L’expérience fait connoître que ces deux aimans s’attirent par les pôles de différens noms, c’eſt-à-dire, que le pôle boréal de l’un attire le pôle auſtral de l’autre, & le pôle boréal de celui-ci attire le pôle auſtral du premier : au contraire, les deux pôles du nord ſe fuient auſſi-bien que les deux pôles du ſud ; enſorte que c’eſt une loi conſtante du magnétiſme, que l’attraction mutuelle & réciproque ſe fait par les pôles de différens noms ; & la répulſion par les pôles de même dénomination.

On a cherché à découvrir ſi la force qui fait approcher ou fuir ces deux aimans, agit ſur eux ſeulement juſqu’à un terme déterminé ; ſi elle agit uniformément à toutes les diſtances en-deçà de ce terme : ou ſi elle étoit variable, dans quelle proportion elle croîtroit ou décroîtroit par rapport aux différentes diſtances. Mais le réſultat d’un grand nombre d’expériences a appris que la force d’un aimant s’étend tantôt plus loin, tantôt moins. Il y en a dont l’activité s’étend juſqu’à 14 pieds ; d’autres dont la vertu eſt inſenſible à 8 ou 9 pouces. La ſphère d’activité d’un aimant donné, a elle-même une étendue variable ; elle eſt plus grande en certains jours que dans d’autres, ſans qu’il paroiſſe que ni la chaleur, ni l’humidité, ni la ſéchereſſe de l’air aient part à cet effet.

D’autres expériences ont fait connoître que vers les termes de la ſphère d’activité, la force magnétique agit d’abord d’une manière inſenſible ; qu’elle devient plus conſidérable à meſure que le corps attiré s’approche de l’aimant, & qu’elle eſt la plus grande de toutes dans le point de contact : mais la proportion de cette force dans les différentes diſtances, n’eſt pas la même dans les différens aimans ; ce qui fait qu’on ne ſauroit établir de règle générale.

Voici le réſultat d’une expérience faite avec ſoin par M. du Tour.

Il a rempli d’eau un grand baſſin M (fig. 342), & il a fait nager, par le moyen d’une fourchette, une aiguille à coudre Α B qu’il avoit aimantée, (qu’on peut par conſéquent regarder comme un aimant, ainſi que nous le verrons par la ſuite) ; il a préſenté une pierre d’aimant T à la diſtance de 13 pouces de cette aiguille, ce qui étoit à-peu-près le terme de ſa ſphère d’activité, & il a examiné le rapport des vîteſſes de l’aiguille à différentes diſtances. Voici le réſultat de ſon obſervation :

L’aiguille a employé à parcourir
le premier pouce, 120
le ſecond, 110
le troiſième, 070
le quatrième, 072
le cinquième, 056
le ſixième, 044
le ſeptième, 028
le huitième, 016
le neuvième, 012
le dixième, 006
le onzième, 003
le douzième & treizième, 001
Total pour les 13 pouces 538″ = 8′ 58″

Ce qu’on a obſervé de la répulſion eſt, en quelque ſorte, ſemblable aux circonſtances du phénomène de l’attraction, c’eſt-à-dire, que la ſphère de répulſion varie dans les différens aimans, auſſi-bien que la force répulſive dans les différentes diſtances. Pluſieurs auteurs ont cru que la force répulſive ne s’étend dans aucun aimant, auſſi loin que la force attractive, & qu’elle n’eſt nulle part auſſi forte que la vertu attractive, pas même dans le point de contact, où elle eſt la plus grande. La force attractive des pôles de différens noms de deux aimans, étoit, par une obſervation de M. Muſſchenbroeck, de 340 grains dans le point de contact, tandis que la force répulſive des pôles des mêmes noms de ces deux aimans n’étoit que de 44 grains dans le point de contact de ces deux pôles.

Ces auteurs joignent à ces obſervations une autre qui n’eſt pas moins ſingulière : c’eſt qu’on trouve des aimans (& la même choſe arrive à des corps aimantés), dont les pôles de mêmes noms ſe repouſſent tant qu’ils ſont à une diſtance moyenne des termes de leur ſphère d’activité, & s’attirent, au contraire, dans le point de contact ; d’autres ſe repouſſent avec plus de vivacité vers le milieu de leur ſphère d’activité qu’aux environs du point de contact, où il ſemble que la répulſion diminue. Néanmoins M. Michell prétend avoir obſervé, par le moyen des aimans artificiels, que les deux pôles attirent & repouſſent également aux mêmes diſtances, & dans toutes les ſortes de direction ; que l’erreur de ceux qui ont cru la répulſion plus foible que l’attraction, vient de ce que l’on affoiblit toujours les aimans & les corps magnétiques, en les approchant par les pôles de mêmes noms ; au lieu qu’on augmente leur vertu lorſqu’on les approche par les pôles de différentes dénominations ; que cette augmentation ou diminution de force, occaſionnée par la proximité de deux aimans, devient inſenſible à meſure qu’on les éloigne : c’eſt pourquoi l’on voit qu’à une grande diſtance l’attraction & la répulſion approchent de plus en plus de l’égalité, & réciproquement s’éloignent de l’égalité à meſure que la diſtance réciproque des deux aimans diminue, & qu’ils agiſſent l’une ſur l’autre, enſorte que ſi un aimant eſt aſſez fort & aſſez près pour endommager conſidérablement un aimant foible qui s’approche par les pôles de mêmes noms, il arrivera que le pôle de celui-ci ſera détruit & changé en un pôle d’une dénomination différente ; au moyen de quoi ſa répulſion ſera convertie en attraction. Pluſieurs expériences, au reſte, font croire à M. Michell que l’attraction & la répulſion croiſſent & décroiſſent en raiſon inverſe des quarrés des diſtances reſpectives des deux pôles.

Tous ces effets d’attractions & de répulſions réciproques de deux aimans, n’éprouvent aucun obſtacle de la part des corps ſolides ni fluides. L’attraction & la répulſion de deux aimans étoit également forte, ſoit qu’il y eût une maſſe de plomb de 100 livres entre deux, ſoit qu’il n’y eût que de l’air libre. M. Boyle a éprouvé que la vertu magnétique pénétroit au-travers du verre ſcellé hermétiquement, qu’on ſait être un corps des plus impénétrables par aucune ſorte d’écoulement particulier : le fer ſeul paroît intercepter la matière magnétique ; car une plaque de fer battu, interpoſée entre deux aimans, affoiblit conſidérablement leurs forces attractives & répulſives. Il y en a qui prétendent avoir éprouvé le contraire.

Nous avons dit plus haut, que, quoiqu’en général, deux aimans ſe repouſſent par les pôles de même nom ; il peut cependant arriver que, lorſqu’on préſente un aimant vigoureux à un aimant foible, les pôles ſemblables s’attirent au lieu de ſe repouſſer ; mais c’eſt qu’alors ils ont ceſſé d’être de même nom, ils ſont devenus différens, l’aimant fort ayant changé les pôles de l’aimant foible. Ainſi ce fait n’eſt pas même une exception à la règle générale, il en eſt une nouvelle application. C’eſt par cette raiſon qu’on expliquera pluſieurs phénomènes analogues à cet effet & particulièrement le ſuivant que M. Œpinus a obſervé le premier.

Que l’on tienne verticalement un aimant au-deſſus d’une table, ſur laquelle on aura placé une petite aiguille d’acier à une certaine diſtance du point au-deſſus duquel l’aimant ſera ſuſpendu ; l’aiguille tendra vers l’aimant, & ſon extrémité la plus voiſine de l’aimant s’élèvera au-deſſus de la ſurface de la table ; ſi l’on frappe légèrement la table par-deſſous, l’aiguille ſe ſoulèvera en entier, & lorſqu’elle ſera retombée, elle ſe trouvera plus près du point correſpondant au-deſſous de l’aimant ; ſon extrémité s’élevant davantage, formera, avec la table, un angle moins aigu ; & à force de petits coups réitérés, elle parviendra préciſément au-deſſous de l’aimant & ſe tiendra perpendiculaire. Si, au contraire, on place l’aimant au-deſſous de la table, ce ſera l’extrémité de l’aiguille la plus éloignée de l’aimant qui s’élèvera ; l’aiguille miſe en mouvement, par de légères ſecouſſes, ſe trouvera toujours, après être retombée, à une plus grande diſtance du point correſpondant au-deſſus de l’aimant ; ſon extrémité s’élèvera moins au-deſſus de la table & formera un angle plus aigu. L’aiguille acquiert la vertu magnétique par la proximité de l’aimant. L’extrémité de l’aiguille, oppoſée à cet aimant, prend un pôle contraire au pôle de l’aimant dont elle eſt voiſine ; elle doit donc être attirée pendant que l’autre extrémité ſera repouſſée. Ainſi l’aiguille prendra ſucceſſivement une poſition où l’une de ſes extrémités ſera le plus près, & l’autre le plus loin poſſible de l’aimant ; elle doit donc tendre à ſe diriger parallèlement à une ligne droite que l’on pourroît tirer de ſon centre de gravité à l’aimant. Lorſque l’aiguille s’élève pour obéir à la petite ſecouſſe, la tendance qu’on vient de reconnoître lui donne, pendant qu’elle eſt en l’air, une nouvelle poſition relativement à l’aimant ; & s’il eſt ſuſpendu au-deſſus de la table, cette nouvelle poſition eſt telle, que l’aiguille en retombant, ſe trouve plus près du point correſpondant au-deſſus de l’aimant ; &, au contraire, l’aimant eſt au-deſſus de la table, la nouvelle poſition donnée à l’aiguille, pendant qu’elle eſt encore en l’air, fait néceſſairement qu’après être retombée, elle ſe trouve plus éloignée du point au-deſſous duquel l’aimant a été placé. Il eſt inutile de dire que ſi on remplace la petite aiguille par de la limaille de fer, l’on voit les mêmes effets produits dans toutes les particules qui compoſent la limaille. Seconde diſſertat. d’Œpinus, à la ſuite de ſon eſſai ſur la théorie de l’élect. & du magn.

Les attractions & les répulſions magnétiques ont lieu à travers toutes les matières, le fer excepté, c’eſt-à-dire, que la vertu magnétique s’exerce malgré l’interpoſition des différentes ſubſtances fluides ou ſolides.

Si on plonge, dans un grand vaſe plein d’eau, une aiguille aimantée, très-mobile ſur ſon pivot, & qu’on préſente en dehors du vaſe un aimant, on verra la pointe de l’aiguille être attirée par le pôle de différent nom de l’aimant ou être repouſſée par ſon pôle de même nom, ſelon qu’on lui préſentera l’un ou l’autre pôle ; on pourra même faire tourner circulairement l’aiguille, ſi on donne ce mouvement à l’aimant autour du vaſe, même à quelque diſtance de lui, ſuivant la force de l’aimant. L’eau n’empêche donc pas l’action de l’aimant. Il en ſera de même, ſi on préſente à l’aiguille une ſimple baguette de fer ou un couteau. Voyez la figure 343.

L’huile, le mercure & les autres fluides connus, interpoſés entre l’aimant & le fer, n’arrêtent point la vertu magnétique.

La vertu magnétique s’exerce de même au travers de la flamme, l’inſpection de la figure 344, ſuffit pour le prouver. On met dans le vaſe de l’eſprit de vin qu’on allume ; & quoique l’aiguille ſoit environnée de flamme, elle obéit à l’action de l’aimant artificiel ou naturel qu’on lui préſente. Cet appareil eſt plus exact que celui de la fig. 355.

Une aiguille aimantée placée ſur ſon pivot, ſous le récipient d’une machine pneumatique dont on a pompé l’air, eſt ſenſible aux impreſſions de l’action d’un aimant ou d’un fer qu’on préſente hors du récipient.

Ainſi, malgré l’interpoſition du vide, de l’air, de la flamme, de l’eau, des courans d’eau, & de tous les autres fluides qu’on peut ſubſtituer à l’eau, les attractions & les répulſions électriques ont lieu. Elles ſont auſſi vives dans l’air condenſé, que dans l’air commun & dans l’air raréfié. Voyez la fig. 356.

L’interpoſition de tous les ſolides connus, le fer excepté, ne détruit point l’action attractive ou répulſive de l’aimant. Sur le haut de l’appareil repréſenté dans la fig. 345, placez au-deſſus de l’aimant NS, ſucceſſivement une plaque circulaire de bois, de marbre, de carton, de verre, de cuivre, d’étain, &c., de quelque matière que ce ſoit, au fer près ; ſaupoudrez la plaque circulaire de limaille de fer. Lorſque par le moyen de la manivelle M, on fera tourner l’aimant NS, on verra chaque parcelle de limaille s’élever, tantôt par une de ſes extrémités, tantôt par l’autre, ſelon que le pôle N, ou le pôle S paſſeront deſſous ces parcelles. Ces divers mouvemens annoncent ceux des pôles de l’aimant, & l’exiſtence de chaque pôle dans l’endroit correſpondant. On voit même des courbes circulaires formées par la limaille, ſur-tout ſi on tamiſe la limaille, tandis que l’aimant ſe meut. Tous les corps ſolides mis entre l’aimant & la limaille de fer, ne détournent point la vertu magnétique. Mais ſi la plaque eſt de fer, on ne remarque rien de ſemblable ; en vain on fait tourner l’aimant, la limaille reſte immobile.

Si, au lieu d’une ſimple plaque, on répète les expériences précédentes avec des maſſes plus conſidérables interpoſées, la vertu magnétique aura toujours lieu. Muſſchenbroeck a obſervé qu’un bloc de plomb d’un pied d’épaiſſeur, interpoſé entre l’aimant & le fer, n’en diminue pas la force attractive.

Il faut cependant obſerver que quoique les corps interpoſés ne diminuent pas l’étendue de la ſphère d’activité de l’aimant, ils ne laiſſent pas de diminuer beaucoup l’intenſité de la force attractive, lorſqu’ils empêchent leur contact. Si l’on interpoſe entre le fer & l’aimant une ſimple feuille de papier, par exemple, l’aimant ne pourra ſoutenir qu’une très-petite maſſe de fer, en comparaiſon de celle qu’il auroit ſoutenue, ſi le fer lui avoit été immédiatement appliqué, parce que la force magnétique eſt beaucoup plus grande, ſans comparaiſon, au point de contact, qu’au de-là du point de contact.

Troiſième propriété. Direction. De tous les phénomènes que l’aimant préſente aux yeux d’un obſervateur, il n’en eſt aucun qui ſoit auſſi utile que celui de ſe diriger conſtamment vers le nord, puiſque, ainſi que nous le prouverons, la navigation, le commerce, les ſciences & les arts en ont retiré de grands avantages. L’aimant, ſoit naturel, ſoit artificiel, lorſqu’il eſt ſuſpendu librement, tourne toujours un de ſes pôles vers le ſeptentrion, & l’autre vers le midi ; cette propriété qui le fait ainſi diriger vers les pôles du monde, eſt nommée la direction de l’aimant.

Première expérience. Placez une ſimple aiguille à coudre, bien aimantée, ſur l’eau, vous la verrez bientôt diriger ſes extrémités vers les pôles de la terre, l’un A, ſera tourné vers le midi, & l’autre B, vers le nord. (Fig. 342).

Seconde expérience. Mettez un aimant naturel flotter ſur l’eau dans une gondole de cuivre, il tournera auſſitôt ſes pôles vers ceux du monde ; & ſi on le dérange de cette direction, il la reprendra à l’inſtant.

Troiſième expérience. Suſpendez une aiguille aimantée ſur ſon pivot, comme on le voit dans les figures 337 & 339, leurs extrémités ſe dirigeront du côté des pôles du monde. Cette aiguille prendra la même direction, ſi elle eſt ſuſpendue par des fils de ſoie, collés parallèlement entr’eux ; & de quelque manière qu’elle ſoit miſe en équilibre, elle ſe dirigera toujours par un de ſes pôles vers le nord, & par l’autre vers le midi. Si on dérange l’aiguille, ſi même on la fait pirouetter pluſieurs fois de ſuite, on la verra toujours reprendre ſa première direction.

On s’aſſure de cette direction, en la comparant avec une méridienne qu’on aura tracée proche de l’endroit où l’aiguille aura été placée ; ou bien en examinant le ſoleil ou les étoiles ſeptentrionales, ſur-tout l’étoile polaire.

La direction de l’aimant étant connue, on en fit bientôt des bouſſoles, & on tacha enſuite de perfectionner la conſtruction des aiguilles aimantées. Voyez Aiguille de déclinaiſon, Boussole.

Les uſages auxquels peut ſervir la direction de l’aimant, ſont auſſi nombreux qu’importans. On peut, par le moyen d’une bouſſole, munie d’une aiguille bien aimantée, meſurer ſur la terre des angles quelconques, lever des plans avec facilité, ſur-tout celui des rivières dont les ſinuoſités ſont très-multipliées. La méthode & les conditions pour éviter les erreurs, ſont expoſées dans pluſieurs livres de mathématique. C’eſt par cette propriété que les mineurs ſe dirigent dans leurs opérations ſouterraines. Les moyens qu’on employe pour cet effet, ſont clairement expliqués dans pluſieurs ouvrages, & entr’autres, dans la géométrie ſouterraine de M. de Genſane, que nous citons comme plus à la portée du grand nombre des lecteurs. On a appliqué l’aiguille aimantée à des cadrans portatifs, pour connoître l’heure en tout temps & en tous lieux, en les expoſant au ſoleil ; mais la plupart de ces inſtrumens ſont défectueux ; le ſeul qu’un phyſicien puiſſe admettre, eſt le cadran équinoxial portatif & univerſel, repréſenté dans la figure 52, & dont nous avons donné la deſcription au mot Boussole à cadran. Par le ſecours d’une bouſſole, c’eſt-à-dire, de la direction de l’aimant, on peut ſe conduire ſur terre, pour aller d’un lieu à un autre, quelque éloigné qu’il ſoit, & même lorſqu’on ne peut s’orienter dans un temps obſcur par le défaut d’apparition du ſoleil ou des étoiles ; car alors la direction de l’aiguille aimantée fera connoître la route qu’on doit tenir.

Si on veut donc voyager par terre dans des pays inconnus, ſans autre guide qu’une aiguille aimantée, placée dans une bouſſole, on ſe ſervira de la méthode ſuivante : 1o. on aura une carte géographique du pays, avec une bouſſole munie d’un cercle diviſé en degrés ; 2o. on orientera la carte avec la bouſſole, c’eſt-à-dire, on tournera la carte vers les quatre points cardinaux du monde, & on tirera enſuite une ligne méridienne qui paſſe par le lieu de départ, & du haut de la carte en bas ; 3o. tirez enſuite ſur la carte, la ligne de route, du lieu du départ au lieu d’arrivée ; 4o. placez le centre de la bouſſole orientée ſur le lieu du départ, c’eſt-à-dire, que le midi de la bouſſole ſoit ſur la ligne méridienne qui eſt tracée ſur Paris, par exemple ; & alors regardez de combien de degrés la ligne de route eſt éloignée de la méridienne. (De Paris à Rome, par exemple, la ligne eſt éloignée de cinquante-quatre degrés environ de la méridienne). Ainſi le voyageur ſera ſûr, que tant qu’il marchera ſur une ligne diſtante de 54 degrés de la méridienne, il ne s’écartera point du tout de ſon chemin ; 5o. s’il y a dans le cours de la route pluſieurs chemins, avec la bouſſole il verra celui qui répond le mieux à la ligne de route ; 6o. s’il rencontre dans ſon chemin, des montagnes, des précipices, des lacs, des rivières, des forêts qui le tirent hors de ſa ligne de route, il faut qu’il obſerve avec ſa bouſſole de combien de degrés il ſe détourne, afin d’y retourner lorſqu’il en aura la faculté l’obſervation qu’on pourra faire de certains points fixes, tels que grands arbres, châteaux, rochers, &c., ſervira beaucoup à cela.

Cette manière de voyager par terre, en employant le ſecours de l’aiguille aimantée, eſt la même que celle que ſuivent les pilotes ſur mer. Le P. Schott, célèbre phyſicien, s’en eſt ſervi dans un grand voyage, ſans jamais prendre de guide ni s’égarer.

Avant la découverte précieuſe de la direction de l’aimant, la navigation lente & timide étoit circonſcrite dans des limites fort étroites ; on n’oſoit pas perdre de vue les côtes. Mais depuis que ce phénomène a été connu, on a entrepris les voyages de long cours, on a découvert l’Amérique, on a fait le tour du monde ; & la géographie, le commerce, l’hiſtoire naturelle, les ſciences & les arts en ont retiré des avantages inappréciables. Voyez Direction de l’aimant & Aiguille de direction.

Il y en a qui ont prétendu que l’inégalité de force dans les deux pôles de l’aiguille, (dont le pôle boréal étoit ſuppoſé attirer plus fort le fer que le pôle ſud) ; que cette inégalité dans les courans qui ſortoient des deux pôles magnétiques de la terre, influoient ſur la force directrice. Mais les faits ont démenti bien clairement ces inégalités prétendues dans les forces de la direction de l’aiguille, quelles que fuſſent celles des forces communiquées à chaque moitié par le pôle boréal & par le pôle auſtral de l’aimant. M. Œpinus, en particulier, a prouvé par raiſonnemens fondés ſur diverſes expériences déciſives, que quelle que pût être l’inégalité dans la force & dans les émanations des fluides magnétiques qui partent de chaque pôle, la force directrice n’en pouvoit ſouffrir d’altération bien ſenſible ; & qu’en un mot, l’aiguille avoit dans tous les cas, un effort égal pour ſe diriger tant vers le pôle auſtral, que vers le pôle boréal magnétique.

« À Quito au Pérou, M. Bouguer n’étoit pas, à la vérité, ſitué à diſtance égale des deux pôles magnétiques de la terre, lorſqu’il cherchoit à s’aſſurer de l’égalité de ſes forces, avec ſon aiguille aimantée placée ſur un pivot, à l’extrémité d’une autre aiguille de cuivre plus grande, librement ſuſpendue ſur ſon pivot à la manière ordinaire ; mais ce que lui & tant d’autres avoient tenté en ce genre, vers 1730, comme on le peut voir dans les mémoires de l’académie des ſciences de cette année là, ſuffiſoit à ce qu’il me ſemble, pour ne pas confondre les forces attractives avec les forces directrices de l’aimant. D’ailleurs les fils à plomb indiquent aſſez que la force attractive ne peut agir ſur l’aiguille ſuſpendue, d’une manière qui ſoit avérée ; & en dernier lieu à Pétersbourg, il a été prouvé par les faits, que deux différens aimans peuvent avoir une même force directrice, pourvu qu’on ait égard à la relation des diſtances, un des aimans étant très-foible, & l’autre très-vigoureux ; en un mot, la force attractive de l’un étant incomparablement plus foible que la force attractive de l’autre, cela s’étend, même ayant toujours égard aux diſtances, juſqu’aux effets de la communication.

L’opinion des diſciples de Deſcartes, ſur la prétendue force, en Europe, du pôle boréal ſur nos aiguilles ordinaires de bouſſole, laquelle force on prétendoit devoir l’emporter ſur celle du pôle auſtral, ſe trouve donc par-là preſque anéantie : elle n’a eu de vogue que parce que la queſtion étoit d’abord mal entendue, car il eſt certain que cette opinion n’a eu lieu, & ne ſe trouve confirmée pleinement que par les aiguilles d’inclinaiſons ; mais dans la décompoſition des forces, lorſqu’il s’agit de l’aiguille horizontale, c’eſt-à-dire de nos bouſſoles ordinaires, il n’eſt pas prouvé qu’un pôle agiſſe tout autrement que l’autre ſur ces dernières, ni qu’il y ait plus d’une cauſe prépondérante qui trouble en cela leur vraie direction. » Lois du magnétiſme.

Quatrième propriété. Déclinaiſon. Si l’aiguille aimantée ſe dirigeoit toujours du nord au ſud, elle auroit une direction conſtante ſans déclinaiſon ; mais elle s’écarte tantôt plus, tantôt moins, ſoit vers l’orient, ſoit vers l’occident, du vrai point du nord, & cette déviation ou écart eſt la déclinaiſon de l’aimant. Un phyſicien doit donc d’abord conſtater cette déclinaiſon dans les lieux & dans les temps où il ſe trouve, & enſuite en évaluer la quantité. Pour cet effet, on tracera une méridienne dans un endroit quelconque, on placera dans un point de cette ligne un pivot perpendiculaire à l’horiſon, & on y mettra une bonne aiguille bien aimantée, & munie d’une chape faite avec ſoin, ainſi que nous l’avons dit au mot Aiguille aimantée. Si la direction de cette aiguille coïncide avec la méridienne, & qu’elle lui ſoit entièrement parallèle, il n’y aura point de déclinaiſon ; mais ſi la ligne de direction de cette aiguille forme, avec la méridienne du lieu, un angle quelconque, alors l’aiguille déclinera du vrai nord, & la grandeur de cet angle indiquera la quantité de cette déclinaiſon. Suppoſons que le pivot ſoit élevé verticalement au centre d’un cercle O N E S, fig. 365, que l’aiguille BA ſoit miſe ſur ce pivot, il y aura une déclinaiſon de 40 degrés vers l’oueſt, lorſque la pointe de l’aiguille aimantée formera, avec la méridienne N S, un angle, tel qu’on le voit dans la figure. Mais ſi l’aiguille B Α étoit ſur la ligne N S, qui déſigne le nord & le ſud, l’aiguille aimantée ſeroit alors exempte de déclinaiſon. Il n’eſt pas néceſſaire que la circonférence entière ſoit graduée ; il ſuffit que le demi-cercle ſoit diviſé en deux fois 90 degrés, le point de zéro, d’où commence la diviſion, étant le vrai nord, l’eſſentiel eſt de bien orienter le cercle qui porte le pivot, c’eſt-à-dire, de bien placer la ligne N O, ſur la vraie méridienne du lieu, ou parallèlement à elle. L’évaluation de la déclinaiſon de l’aimant eſt donc une opération très-aiſée, elle ne demande que de l’attention & du ſoin.

Comme la déclinaiſon varie dans tous les temps & dans tous les lieux, & qu’il y a peu d’endroits & de temps où elle ſoit nulle, il eſt donc néceſſaire de multiplier les obſervations de la déclinaiſon & de les répéter ſouvent, parce qu’on ſe tromperoit ſi on vouloit conclure de la déclinaiſon d’un lieu, ou d’un temps à celle d’un autre.

Si cette déclinaiſon n’étoit pas perpétuellement variable, ou ſi cette variation ſuivoit une période régulière, & qu’on connût la loi de ſes accroiſſemens & de ſes diminutions, la navigation retireroit autant d’avantages des aiguilles déclinantes, que de celles qui auroient une vertu directrice conſtante. On a préſumé que la déclinaiſon de l’aimant étoit ſoumiſe à une loi de cette eſpèce ; que la déclinaiſon étoit de 8, 9 ou 10 minutes par ſiècles. Mais les obſervations, faites juſqu’ici, n’ont été ni aſſez exactes, ni aſſez nombreuſes, & les inſtrumens anciens ont été, ou trop défectueux, ou trop peu délicats, pour établir cette aſſertion, ainſi que nous le prouverons.

Traçons en peu de mots le tableau hiſtorique de ce qui a rapport à cette propriété de l’aimant qui nous occupe. Il paroît que c’eſt vers l’an 1633 que la variation de la déclinaiſon de l’aimant commença à être connue d’une manière aſſez ſûre. Depuis 1541 juſqu’en 1664, la déclinaiſon fut orientale ; en 1666, la déclinaiſon étoit nulle, l’aiguille aimantée étant dirigée préciſément aux deux pôles. Depuis ce temps juſqu’à préſent, la déclinaiſon a été occidentale. Nous donnerons une table auſſi complète qu’elle puiſſe l’être, des différentes déclinaiſons, depuis 1541, juſqu’en 1790.

Lorſque la déclinaiſon eut commencé à être conſtatée, on s’aperçut que l’aiguille ne déclinoit pas ſous le méridien des Açores ; c’eſt ce qui détermina à y placer le premier méridien. Mais bientôt après on trouva deux autres méridiens, ſous leſquels l’aiguille préſentoit le même phénomène ; l’un paſſoit par le cap des aiguilles, près du cap de Bonne-Eſpérance, & l’autre à Canton, dans la Chine. Cependant, quelque temps après, on obſerva que l’aiguille aimantée déclinoit dans ces contrées comme dans les autres.

M. Halley ayant imaginé une hypothèſe pour expliquer les variations de la déclinaiſon de l’aimant qu’il croyoit régulières, entreprit un voyage long & dangereux pour examiner ſi elle étoit conforme à ſes idées. La carte qui fut le réſultat de ſes travaux, fut alors trouvée d’une juſteſſe étonnante pour la quantité de la variation aſſignée à chaque partie du globe ; elle repréſente la variation telle qu’elle étoit en 1700. On y trouve une ligne qui embraſſe le globe preſque dans ſon entier. « Cette courbe irrégulière paſſoit ſur tous les lieux exempts alors de déclinaiſon ; elle commençoit en Amérique vers la Caroline, paſſoit, d’un côté, par la mer du nord, par les Bermudes, & de l’autre, par l’Océan éthiopique auſtral, par la Chine, à cent lieues de Canton à l’eſt, ſe terminant au cinquante-huitième de latitude auſtrale. On trouve au-deſſus de cette ligne, vers le nord, d’autres courbes qui paſſoient ſur l’Océan occidental, & qui marquoient les déclinaiſons vers le couchant dans les lieux qui étoient ſous ſes courbes. La ligne ſans variation eſt mobile, & elle change de figure, parce que les variations dans un pays ne ſont pas toujours proportionnelles à celles d’un autre. Elle paſſoit en 1600 au cap des Aiguilles, en 1638 à Vienne, en 1657 à Londres, & à Paris en 1666. La déclinaiſon, avant cette époque, étoit orientale dans tous les pays de l’Europe plus à l’oueſt, & occidentale dans les lieux plus à l’orient. La courbe de M. Halley, ou le méridien magnétique, avoit à l’occident la déclinaiſon orientale, & à l’orient la déclinaiſon occidentale. Elle avoit avancé par conſéquent, en 1770, vers le couchant, & s’étoit abaiſſée de la partie ſeptentrionale de la terre vers l’auſtrale, en parcourant avec plus de rapidité l’Europe & l’Océan atlantique que les derniers pays de l’Afrique : la déclinaiſon eſt aujourd’hui orientale à la gauche de la courbe de M. Halley, & occidentale à la droite ; Paris étant à la gauche de ce méridien avant 1666, la déclinaiſon y étoit orientale.

M. Deliſle a trouvé une autre ligne ſans déclinaiſon, qui traverſe la mer du ſud du ſeptentrion au midi : elle paroît être la continuation du premier méridien de M. Halley, qui après avoir paſſé ſur les Bermudes, la Caroline, la partie ſeptentrionale de l’Amérique juſqu’à la Californie, deſcendroit vers l’équateur terreſtre. La déclinaiſon eſt orientale des deux côtés de cette ligne ; la ſeconde ligne de direction de M. Halley paſſoit ſur la nouvelle Hollande à l’eſt, ſur les iſles de Timor, de Célèbes, de Mindor & ſur une partie du royaume de la Chine. Ce ſavant avoit tracé encore d’autres courbes ſur ſa carte, qu’on peut appeler les courbes de déclinaiſon, & dont chacune paſſoit ſur tous les lieux où la déclinaiſon étoit la même. Il paroît que toutes les courbes ſeptentrionales ſont deſcendues vers l’équateur depuis 1700 ; car la déclinaiſon eſt augmentée dans toutes ces contrées ». Nous rapporterons au mot Magnétisme l’hypothèſe de M. Halley qui ſuppoſoit que la terre renfermoit dans ſon ſein un aimant immenſe, aux pôles duquel l’aiguille ſe dirigeoit ſur la ſurface de la terre. Ces pôles n’étant pas placés dans le même méridien que les pôles terreſtres, il expliquoit par là la déclinaiſon qui ſe trouve dans tous les lieux où la force des deux pôles n’eſt pas en équilibre. Si cet aimant ne tourne pas ſur ſon axe avec la même vîteſſe que la terre, il paroîtra aller d’orient en occident, & il ſera ſuivi des aiguilles ; elles ſeront immobiles lorſque le mouvement de l’aimant & celui de la terre ſeront en équilibre. Si quelque partie de cet aimant ſe trouve avoir plus de force, l’aiguille qui ſera dans cette partie de la terre déclinera plus ou moins, & aura un mouvement progreſſif & rétrograde.

La table de M. Halley qui étoit exacte pour l’année 1700, ne l’eſt plus actuellement ; car les différentes directions de l’aimant ont bien changé depuis. (Voyez le mot Variation) Dès qu’on s’en apperçut, on tenta de la corriger, mais ce travail pénible ne peut préſenter un réſultat durable. On peut voir dans l’ouvrage de Muſſchenbroek une table pour l’année 1744 que ce ſavant a dreſſée d’après des obſervations recueillies dans les journaux des marins.

Mrs Mountaine & Dodſon ont donné une autre table, ſur les variations dans la déclinaiſon de l’aiguille aimantée, dans les différentes régions de la terre. Pour la former, ils conſultèrent plus de cinquante mille obſervations dont ils firent une collection, ainſi qu’on le voit dans les tranſactions philoſophiques, volume cinquantième, partie première.

Deux inconvéniens principaux s’oppoſent à la bonté & à l’uſage de ces ſortes de tables ; premièrement, l’irrégularité des déclinaiſons dans tous les endroits de la terre où on les a obſervées, & ſecondement, l’inexactitude inévitable des obſervations faites en mer. Entrons dans quelques détails ſur le dernier article ; ſavoir, que les obſervations ſur la déclinaiſon de l’aimant faites en mer, en général, ſont ſujettes à quelques erreurs.

M. Wales, aſtronome anglois, après des expériences très-multipliées, aſſure, 1o. que les déclinaiſons de l’aimant, obſervées avec le même compas de route, diffèrent de 3 à 5 & 6 degrés, & quelquefois même de 10, uniquement parce qu’on aura reviré de bord.

2o. La même bouſſole, dans la même poſition à tous égards à peu de milles d’intervalle, mais à deux différentes époques de la journée, donne des déclinaiſons qui diffèrent entr’elles de 3, 4, 5, 6, & même 7 degrés.

3o. La même bouſſole, le même jour, & entre les mains du même obſervateur, donne des déclinaiſons qui diffèrent entr’elles de 5 degrés, lorſque le même vaiſſeau eſt ſous voile, ou lorſqu’il eſt à l’ancre dans une rade.

4o. Les bouſſoles faites par le même artiſte, employées à la même époque & dans le même endroit, mais à bord de différens vaiſſeaux, donnent des déclinaiſons qui varient de 3, 4, & même de 5 degrés.

5o. Les mêmes bouſſoles, à bord du même vaiſſeau, & à peu de milles de la même poſition, mais à des époques différentes, donnent des déclinaiſons qui varient de 4, 5 degrés & plus.

6o. Différentes bouſſoles, en même tems, à bord du même vaiſſeau, & dans les mêmes circonſtances à tous égards, donnent des déclinaiſons qui varient de 3, 4, 5 & 6 degrés.

La preuve détaillée de ces vérités, ſe trouve diſperſée dans les trois voyages que le capitaine Cook a faits autour du monde.

Les obſervations de la déclinaiſon de l’aiguille aimantée, doivent donc être faites, afin de pouvoir y compter, ſur terre plutôt que dans un vaiſſeau. Il faut même ſur terre un emplacement ſolide, un excellent inſtrument & de grands ſoins. Les obſervations anciennes n’ont pas toujours été faites avec ces conditions ; auſſi ne doit-on regarder comme bien exactes, que celles qui ont été faites dans ces derniers temps.

Quoi qu’il en ſoit, nous allons préſenter une table des différens degrés de déclinaiſon de l’Aiguille aimantée, obſervée à Paris, ſur-tout à l’Obſervatoire royal, & continuée depuis 1550 juſqu’en 1790.

Table des différens degrés de déclinaiſon de l’aiguille aimantée, obſervés à Paris.
ANNÉES. DÉCLINAISONS.
Deg. Min.
1550 8 0
Vers l’Eſt.
1580 11 30
1610 8 0
1640 3 0
1664 0 40
1666 0 0
Vers l’Oueſt.
1670 1 30
1680 2 40
1681 2 30
1683 3 50
1684 4 10
1685 4 10
1686 4 30
1692 5 50
1693 6 20
1695 6 48
1696 7 8
1698 7 40
1699 8 10
1700 8 12
1701 8 25
1702 8 48
1703 9 6
1704 9 20
1705 9 35
1706 9 48
1707 10 10
1708 10 15
1709 10 15
1710 10 50
1711 10 50
1712 11 15
1713 11 12
1714 11 30
1715 11 10
1716 12 20
1717 12 45
1718 12 30
1719 12 30
1720 13 0

1721 13 0
1722 13 0
1723 13 0
1724 13 0
1725 13 15
1726 13 45
1727 14 0
1728 14 0
1729 14 10
1730 14 25
1731 14 45
1732 15 15
1733 15 45
1734 15 45
1735 15 40
1736 15 0
1737 14 45
1738 15 10
1739 15 20
1740 15 45
1741 15 40
1742 15 40
1743 25 10
1744 16 15
1745 16 15
1746 16 15
1747 16 30
1748 16 15
1749 16 30
1750 17 15
1751 17 15
1752 17 15
1753 17 20
1754 17 15
1755 17 30
1756 17 45
1757 18 8
1758 18 0
1759 19 10
1760 19 45
1761 18 40
1762 18 50
1763 18 45
1764 19 15
1765 18 58
1766 19 15
1767 19 30
1768 19 50
1769 19 50
1770 19 50
1771 19 55
1772 19 50
1773 19 50
1774 19 56
1775 19 42
1776 19 33 ½
1777 19 35
1778 20 35
1779 20 34
1780 20 44
1781 20 17
1782 20 44 ½
1783 21 5
1784 21 13
1785 21 33
1786 21 27
1787 21 36
1788 21 40
1789 21 35
1790 22 0

Il n’étoit pas aiſé de continuer cette table, & d’éviter quelques lacunes, mais nous en ſommes venu à bout par les ſoins de M. Méchain, habile aſtronome de Paris, & connu par pluſieurs découvertes précieuſes.

Les obſervations qu’on vient de préſenter ſont, on ne peut le diſſimuler, trop inexactes pour pouvoir en conclure quelque réſultat général. Ces différentes déclinaiſons n’ont pas été faites avec la même aiguille, encore moins avec des aiguilles ſuſpendues d’une manière analogue ; les forces magnétiques des premières aiguilles étoient beaucoup plus foibles que celles des nouvelles aiguilles aimantées par de meilleures méthodes, & bien plus capables par-là de ſurmonter les obſtacles qui s’oppoſent à la vraie direction magnétique, &c. À ces difficultés, tirées du côté des aiguilles, on peut en ajouter, d’autres qui proviennent du défaut d’attentions & de ſoins néceſſaires, ſoit dans l’emplacement de l’aiguille, ſoit dans l’éloignement des cauſes nuiſibles à l’effet, ſoit dans la manière d’obſerver, &c. Tous ces obſtacles ont pu influer de diverſes manières dans la déclinaiſon & altérer les réſultats.

Dans le cours d’une année la déclinaiſon de l’aiguille aimantée varie continuellement, non-ſeulement chaque mois, mais chaque ſemaine, chaque jour, à chaque heure. Or, les obſervations annuelles de l’aimant, conſignées dans les mémoires de l’académie des ſciences, quand même, on ſuppoſeroit les inſtrumens parfaits, ce qui eſt bien éloigné de la réalité, ont été faites une fois, ou un petit nombre de fois par an. Dans cette hypothèſe, on ne peut pas en conclure la déclinaiſon annuelle, puiſque ce n’eſt que la déclinaiſon de l’heure où elle a été obſervée. Si elle eût été priſe en hiver, par exemple, elle eût été différente de la déclinaiſon obſervée dans le printemps ou dans l’été, ou dans l’automne ; bien plus on y auroit trouvé des différences dans les divers jours d’une même ſaiſon, & dans les différentes heures d’un même jour. On verra à l’article ſuivant Variation de l’aimant, contenu dans le mot Aimant, qu’il y a une variation diurne périodique, par laquelle l’aiguille aimantée tend à s’éloigner du nord vers l’oueſt, depuis huit heures du matin juſqu’à neuf heures du ſoir, une autre période de variation ayant lieu pendant la nuit juſqu’à huit heures du matin, inſtant où l’aiguille ſe rapproche le plus du nord.

Pour éviter les erreurs en ce genre, il auroit donc fallu multiplier les obſervations pendant le cours de l’année, les répéter même ſouvent durant chaque jour, & prendre une moyenne qui eût été l’obſervation moyenne annuelle ; ce qui n’a été fait que depuis un très-petit nombre d’années. Ainſi, la plupart des obſervations rapportées chaque année dans les mémoires des différentes académies des ſciences & dans l’ouvrage de la connoiſſance des temps, ne ſont pas propres à former des réſultats en ce genre.

M. Caſſini a publié, depuis le mois de mai 1788, les déclinaiſons de l’aiguille aimantée ; faites une fois par jour ; il y joint les variations diurnes obſervées ſur la bouſſole à aiguille ſuſpendue par un fil de ſoie. L’obſervation de la déclinaiſon donne bien celle de l’heure où elle a été faite, mais non pas celle qui doit être la moyenne du jour. D’ailleurs, en juillet 1790, M. Caſſini a découvert un tuyau de fer blanc qui paſſoit, à ſon inſu, près de ſa bouſſole, & qui dérangeoit tellement l’aiguille que le tuyau oté, elle a paſſé de 21 degrés 27 minutes à 22 degrés 0 minutes. Les obſervations qu’il avoit faites précédemment à cette époque, ſont donc incertaines, parce qu’on n’eſt pas aſſuré que la différence ait toujours été la même.

M. le Monnier, l’aſtronome, emploie, pour obſerver la déclinaiſon de l’aimant, une aiguille à ſecteur, inſtrument très-exact ; mais comme il ne détermine que trois ou quatre fois par an cette déclinaiſon, on ne peut conclure de ſes obſervations la vraie déclinaiſon annuelle de l’aimant.

Le P. Cotte a négligé, depuis environ 1770, de publier les déclinaiſons annuelles, parce que, s’étant appliqué à conſtater les variations diurnes & périodiques de l’aiguille aimantée, il a perdu confiance, m’écrivoit-il en dernier lieu, dans les réſultats d’une obſervation annuelle qui, ſelon lui, ne ſignifie rien, puiſque l’aiguille a des variations qui dépendent non-ſeulement des ſaiſons, mais même de l’heure du jour à laquelle on obſerve.

Nous allons rapporter quelques obſervations qui confirmeront les vérités qui viennent d’être expoſées. Commençons par quelques-unes des dernières années : M. Caſſini a trouvé à l’Obſervatoire, que le 1er. janvier 1785, l’aiguille ſuſpendue par un fil de ſoie, déclinoit de 21 degrés 33 minutes, & le 30 mai ſuivant, que ſa déclinaiſon étoit de 22 degrés 0 minutes : dans l’eſpace de cinq mois, la même aiguille, ſuſpendue de la même manière, dans le même lieu, obſervée par le même ſavant ; en un mot, toutes choſes égales, a décliné de 27 minutes, ce qui eſt conſidérable. Connoiſſ. des temps, de 1789 ; & Extrait des obſervations faites à l’Obſervatoire, ou Mémoires de l’académie des ſciences.

En 1784, les 20, 23 & 26 février, l’aiguille aimantée, obſervée à une heure & demie, à Paris, mais à deux minutes & demie au nord de l’Obſervatoire, donna les déclinaiſons ſuivantes : 21 degrés 2 minutes & demie ; 20 degrés 57 minutes & demie ; 21 & 13 minutes, à M. le Monnier, l’aſtronome.

En 1783, le même ſavant obſerva au même lieu, & toujours avec le même inſtrument, les déclinaiſons ſuivantes :

1783
21° 0m & 5m le 21 Mars, à 3 h. ½ du ſoir.
20° 53m le 12 Mai, à 4 h. ½ du ſoir.
21° 55m le 02 Juin, à 5 h. ½ du ſoir.
20° 55m le 18 Décem. 3 h. ½ du ſoir.

On pourroit prouver, par pluſieurs autres exemples de ce genre, qu’il y a ſouvent de grandes différences dans les obſervations faites par la même perſonne, la même année, dans le même lieu, avec le même inſtrument, mais ce petit nombre d’obſervations qu’on vient de rapporter, ſuffit. Or, ceux qui forment des tables, peuvent prendre, & ont pris ſouvent une obſervation plutôt qu’une autre, ſans aucune raiſon déterminante : ce qui fait voir que les réſultats des tables ne ſont point concluans.

Ajoutons que ſouvent dans ces ſortes de tables, il y a, pendant quelques années, des obſervations moyennes, tandis que dans d’autres, on en a mis qui n’étoient que des obſervations d’un jour ou plutôt d’une heure. Ainſi, dans la table précédente, depuis 1773 juſqu’à 1778 excluſivement, on trouve des déclinaiſons moyennes, obſervées par le P. Cotte, à Montmorency, tandis que, dans pluſieurs des années ſuivantes, comme en 1778, 1779, 1780, 1783, 1784, les obſervations ſont ſimples, & de M. le Monnier, avec ſon aiguille à ſecteur : pendant les années qui ſuivent, les déclinaiſons ont été obſervées par M. Caſſini, à l’obſervatoire, avec ſon aiguille à ſuſpenſion de fil de ſoie, & toujours le premier juin.

C’eſt en multipliant les obſervations avec les mêmes inſtrumens, ou avec des inſtrumens ſemblables & comparables, qu’on pourra plus approcher des véritables réſultats. On doit donc regarder comme tel, celui de la déclinaiſon, trouvé en 1780 & 1781, qui eſt 20 degrés 44 minutes & demi, parce qu’il a été conclu de 600 obſervations faites par M. Caſſini & ſes collaborateurs à l’Obſervatoire, depuis le 4 janvier 1780, juſqu’au 11 octobre 1781. Mais, malheureuſement pour les progrès de la ſcience, ces ſortes d’obſervations n’ont pas été juſqu’à préſent aſſez multipliées. Il nous a paru néceſſaire d’offrir à nos lecteurs une eſpèce de diſcuſſion qui peut être appliquée aux autres objets analogues à ceux-ci, afin de déterminer le degré de confiance qu’on doit apporter à un grand nombre d’obſervations météorologiques.

Il y a des phyſiciens qui ont prétendu que la déclinaiſon de l’aimant avoit une période régulière ; que cette période étoit de 1542 ans, ſon moyen mouvement étant d’environ 14 minutes par année ; mais ce mouvement a paru beaucoup moindre à pluſieurs obſervateurs. D’autres ont ſoutenu qu’elle étoit ſujette à pluſieurs anomalies. Une preuve, dit M. le Monnier, que la déclinaiſon n’eſt pas uniforme, c’eſt que 1o. l’aiguille a paru ſtationnaire depuis 1541 juſqu’à la fin du ſiècle. En 1541, elle étoit de 7 degrés au nord-eſt, ſelon le cadran de Bellarmatus.

2o. Qu’en 1766, ſelon le livre de la meſure de la terre de M. Picard, elle ne faiſoit alors pas un tiers de degré tout au plus vers le nord-oueſt, & qu’ainſi elle accéléroit pour lors ſon mouvement de variation vers le nord-oueſt.

3o. Qu’en 18 ans, depuis 1666 juſqu’en 1684, elle ne faiſoit qu’environ 14 minutes par année, à raiſon de 7 degrés deux tiers pendant le tiers d’un ſiècle. Ce qui eſt aſſez conforme à ce qui s’obſervoit déjà en 1666.

4o. Que depuis 1666 juſqu’en 1702, en trente-deux ans, elle a varié aſſez pour qu’on en puiſſe conclure 8 degrés 6 minutes pour le tiers d’un ſiècle, à raiſon de 15 minutes 30 ſecondes par an vers le nord-oueſt.

On ne trouve plus que 12 minutes par an vers le nord-oueſt, ſi l’on prend la durée entière de 1666 juſqu’en 1769 ; la variation ayant augmenté de 20 degrés pendant ce long intervalle de temps.

5o. Depuis 1736 & 1737, juſqu’en 1769, la variation s’eſt accrue depuis 15 degrés juſqu’à près de 20 degrés, c’eſt-à-dire de près de 5 degrés dans le tiers d’un ſiècle ; on n’auroit donc plus que 9 minutes par an, ce qui annonceroit que ſon mouvement s’eſt rallenti, puiſqu’on a trouvé, au commencement de ce ſiècle, juſqu’à 15 à 16 min. par an.

6o. Enfin, depuis 1758 juſqu’en 1769, l’aiguille n’a pas varié tout-à-fait de 2 degrés, à raiſon de 10 min. et demie par an ; mais comme il peut y avoir un peu d’erreur qu’il n’eſt pas facile de répartir pendant une auſſi petite durée que onze années, on ne peut par cela ſeul prononcer ſi le mouvement s’eſt rallenti. La variation n’ayant été, à l’obſervatoire de Paris, le 6 août 1771, que de 19 d. 45. min. à raiſon de 8 min. par an depuis 1758, on a préſumé avec probabilité que le mouvement approchoit du point où il ſeroit ſtationnaire, & que l’extrémité de l’aiguille ſemble tendre vers un point qui s’écarte un peu du nord à l’oueſt, comme un pendule tend au centre de la terre, & faire autour de ſon centre, en vertu de cette tendance, de lentes oſcillations, dont chacune dure environ deux ſiècles, & qui, pour le temps & la grandeur, ſont diviſées en deux parties à-peu-près égales. Mémoires de l’acad. des sc. 1770.

M. le Monnier donna l’année ſuivante (hiſt. de l’acad. 1771, p. 93 & 95) un nouveau réſultat de ſes recherches. D’une obſervation faite en 1541, & du peu de mouvement qu’on remarqua avec un bon inſtrument, entre 1541 & 1610, il a conclu qu’elle étoit alors à-peu-près ſtationnaire ; depuis elle eſt revenue vers le nord, y a paſſé en 1666, s’eſt enſuite avancée juſqu’à environ 20 degrés vers l’oueſt, où elle paroît ſtationnaire. Ainſi on connoit d’une manière aſſez approchée les limites de ſes variations. Quelques-uns ont cru que le temps de la plus grande vîteſſe dans la variation, ne répondoit point à la direction de l’aiguille vers le nord, mais à-peu-près à celle de ſix degrés vers l’oueſt, c’eſt-à-dire, au point du milieu, entre ſa plus grande variation occidentale & ſa plus grande variation orientale. Il leur a paru auſſi que ſon mouvement ſe rallentit à meſure qu’elle approche de ces points extrêmes, & que les deux parties de cette longue oſcillation ne ſont pas ſemblables, le mouvement paroiſſant plus rapide dans la partie occidentale.

Des obſervations poſtérieures nous déterminent à conclure que depuis 1769, le mouvement de l’aiguille aimantée s’eſt encore ſingulièrement rallenti ; car ſa déclinaiſon n’a été en 1789 que de 21 degrés 30 min. Ainſi il ſe pourroit bien qu’elle approchât de ſon maximum au nord-oueſt. Peut-être rétrogradera-t-elle au nord pour repaſſer à l’eſt. C’eſt ce que ſauront nos neveux.

Quoi qu’il en ſoit de cette queſtion, il eſt certain qu’on ne ſauroit mieux faire que d’amaſſer des matériaux pour la poſtérité ; en multipliant les obſervations ; mais, pour cet effet, il faut employer de bons inſtrumens, d’excellentes bouſſoles de déclinaiſon.

Bouſſole de M. le Monnier, l’aſtronome. Ce ſavant a donné en 1778, dans les mémoires de l’académie, la deſcription d’une bouſſole de déclinaiſon. Elle eſt formée par un châſſis, ſur lequel on place une lunette qui fait avec l’axe de l’aiguille (lorſque ſes deux extrémités répondent au point zéro de chacun des limbes de la bouſſole), un angle à-peu-près égal à celui qu’a la direction de l’aiguille aimantée, qu’on ſuppoſe à-peu-près connue, fait avec celle d’une mire éloignée, dont on a déterminé la poſition : on obſerve cette mire avec la lunette, dont le centre eſt marqué par l’interſection de deux fils. Par ce moyen le nombre de degrés dont l’aiguille s’éloigne de ce point zéro, eſt la quantité qu’il faut ajouter ou retrancher de l’angle que forme la lunette avec la ligne qui paſſe par les deux points zéro, pour avoir la vraie détermination. On n’a employé dans la conſtruction de tout l’appareil, que du bois, du cuivre pur ou de l’argent. L’aiguille a 15 pouces de long & pèſe 1 446 grains.

Par ce moyen on peut s’aſſurer, avec une très-grande exactitude, de la direction de la lunette ; & par conſéquent, regardant comme nulle l’erreur pour la détermination du vrai nord, on connoîtra la déclinaiſon de l’aiguille avec toute l’exactitude qu’on peut attendre d’un inſtrument de 7 pouces & demi de rayon, dont on obſerve les diviſions avec une loupe.

Cette bouſſole eſt repréſentée dans la fig. 382. ABCD, déſigne la boîte de bois de l’ancienne bouſſole, avec ſon limbe intérieur ſous AB, & un autre limbe qui lui eſt oppoſé, & qui a même centre O, en dedans du rebord CD, de la même boîte de bois. On y a adapté, avec quatre vis à tête perdue, le châſſis de cuivre rouge DFGE, garni de ſes deux traverſes IH, n p, enſorte que les vis m, n o, p, le fixent en deſſous à la boîte, & à angles droits avec les côtés latéraux de la même boîte : c’eſt en O, centre de la boîte, qu’on met l’aiguille.

Comme on eſt fort éloigné des pôles terreſtres de l’aimant, on n’a pas héſité à percer l’aiguille d’un trou ſuffiſant dans ſon milieu, pour y introduire une chape d’agate, & il eſt aiſé d’apprécier l’affoibliſſement de l’aiguille par cette opération, puiſqu’il s’y conſerve encore aſſez de force magnétique pour la ramener, lorſqu’elle oſcille à ſa véritable direction ; elle achève ſes vibrations en dix ſecondes & demie de temps, ou du moins, telle eſt la quantité moyenne qu’on en a conclue ſur un grand nombre de vibrations, ce qui ſuffiroit pour en déduire la force horiſontale magnétique, le frottement étant connu.

Bouſſole de M. Coulomb. Cette bouſſole eſt deſtinée particulièrement aux obſervations de la déclinaiſon. La figure 383 repréſente extérieurement en perſpective toutes les parties de la bouſſole ; elle eſt formée d’une boîte de deux ou trois pieds de longueur, poſée ſur deux traverſes de cuivre B B, i i ; ſur ces traverſes s’élèvent les piliers A B, AB & i P, i P. Les deux premiers ſont liés par une traverſe N n qui porte au milieu d’un trou circulaire pour recevoir la tige creuſe C F. On voit cette traverſe avec l’ouverture pratiquée au milieu, & l’anneau dans la figure 384. Cet anneau dont le centre eſt le fil vertical qui ſoutient l’aiguille, ſert de cercle de rotation à une alidade horiſontale a l, l’alidade porte à ſon extrémité l une petite lunette microſcopique placée verticalement pour obſerver les mouvemens de l’extrémité de l’aiguille aimantée.

La figure 385 repréſente une ſection de cette même bouſſole ſuivant ſa longueur. L’aiguille a d eſt ſoutenue de champ par le moyen d’un coulant b, attaché par ſa partie ſupérieure au fil de ſoie vertical c b ; on voit en a un ſecond coulant qui ſert de contrepoids pour établir l’aiguille dans une poſition horiſontale ; à l’autre extrémité d, on ſoude un petit cadre de cuivre, ſur lequel on trace un trait fort délié, ſuivant la longueur de l’aiguille, il repréſente le méridien magnétique.

Au foyer de la lunette e g ; on a placé, en f un petit fil de ſoie, dirigé ſuivant le rayon de l’alidade c’eſt-à-dire, dont le centre de rotation dans les mouvemens de l’alidade auquel tient la lunette, eſt le même que celui de l’aiguille. En l eſt le limbe d’un cercle qui parcourt l’extrémité de l’alidade diviſée ſelon la méthode du nonius ; l’alidade exécute les petits mouvemens de rotation, au moyen d’une vis de rappel, comme on le pratique pour tous les inſtrumens deſtinés à donner les angles avec préciſion.

On place la boîte de cette bouſſole de maniére que la longueur réponde au méridien magnétique, & les variations de l’aiguille ſe meſurent au moyen de l’alidade, en faiſant correſpondre le fil de la lunette avec le trait tracé ſur le petit cadre de cuivre dont on a parlé. Pour déterminer la déclinaiſon abſolue avec cette bouſſole, il faudroit placer horiſontalement ſur l’alidade, & parallèlement à ſon rayon, une lunette ordinaire avec laquelle on obſerveroit un point à l’horiſon.

M. Coulomb a donné, dans les mémoires de l’académie des ſciences, année 1785, la deſcription d’une bouſſole à ſuſpenſion de fil de ſoie, deſtinée à déterminer les variations diurnes. Quoique conſtruite d’après les mêmes principes que celle dont on vient de voir la deſcription, & dont il a parlé dans une addition aux recherches ſur les aiguilles aimantées, imprimées dans le neuvième volume des ſavans étrangers, celle dont nous parlons actuellement, eſt plus ſimple dans ſa conſtruction, & plus commode dans ſes uſages.

La figure 386 repréſente en perſpective toutes les parties de cette bouſſole A B C D, un bloc de pierre taillé à angles droits, & qui ſert de ſemelle à la bouſſole : cette pierre a 24 pouces de longueur, 9 pouces de largeur, & 4 à 5 d’épaiſſeur. Le long côté B D ſe poſe à-peu-près dans la direction du méridien magnétique du lieu où ſe fait l’obſervation. À 10 pouces de diſtance du côté A B, l’on fixe en a e, parallèlement à ce côté A B, une lame de cuivre rouge de 18 lignes de largeur. Sur cette plaque s’élève perpendiculairement une fourchette d f, fixée ſur ſes talons d a, ſur la première plaque de cuivre, au moyen des vis. Dans la partie ſupérieure de cette fourchette en f, eſt la pince de ſuſpenſion que l’on voit en détail à la figure 387. Le bouton a ſert à tourner cette pince ; en b eſt la fente qui ſaiſit le fil de ſuſpenſion ; en c eſt l’anneau qui ſerre. La fig. 388 repréſente une ſeconde pince ſuſpendue au fil de ſoie par ſa partie ſupérieure a, & qui, par ſa partie inférieure b ſaiſit l’aiguille aimantée, qui, par ce moyen, ſe trouve ſuſpendue de champ. L’aiguille aimantée eſt repréſentée, dans la fig. 386, en h i ; elle a 6 pouces de longueur depuis h juſqu’en k, où eſt ſon point de ſuſpenſion ; & 12 pouces depuis ce point k juſqu’à ſon autre extrémité i. En h, eſt un coulant qui ſert de contrepoids pour établir l’aiguille dans une poſition horiſontale ; en i eſt une petite plaque d’argent ſoudée horiſontalement au-deſſus de l’aiguille, & ſur laquelle on trace un trait dans la direction h i, milieu de l’épaiſſeur de l’aiguille ; cette aiguille doit être de bon acier, bien dreſſée, trempée d’abord très-roide, & revenue à la conſiſtence de reſſort, aimantée enſuite par la méthode de la double touche. On peut lui donner différentes dimenſions, il ſuffit de proportionner la force du fil de ſuſpenſion à ſon poids. Celle repréſentée dans la figure, a 10 lignes de largeur à l’extrémité h, 3 lignes à l’extrémité i, & trois quarts de ligne d’épaiſſeur uniformément.

Pour obſerver la variation de cette aiguille, l’on ſe ſert du micromètre l m n p q de cuivre rouge ; il eſt compoſé d’une ſemelle l p, de deux montans l m, p n, d’un châſſis horiſontal n m ; d’un curſeur S, qui porte à ſon centre une lunette microſcopique à deux verres r t ; le foyer de cette lunette eſt placé à 12 pouces de diſtance du fil de ſuſpenſion f k. Le châſſis m n du micromètre a un de ſes longs côtés diviſé en 16 degrés, & chacun de ceux-ci en quatre parties, qui ſont par conſéquent égales chacune à 15 minutes. Chaque côté du curſeur correſpond à trois degrés & demi, & eſt diviſé en quinze parties, dont chacune par conſéquent égale quatorze minutes, ou diffère d’une minute de chaque diviſion du châſſis, ce qui forme un nonius qui meſure les minutes. Le point O ſe trouve au milieu du côté diviſé du châſſis.

La lunette microſcopique a deux fils de ſoie très-fins recroiſés à ſon foyer ; il faut tourner cette lunette qui ſert à obſerver le trait de l’aiguille en i, de manière que ce trait ſe peigne au foyer de la lunette, ſuivant l’alignement d’un des fils. L’on fait ſuivre au curſeur les mouvemens de l’aiguille, au moyen d’une vis & d’une rainure taillée en biſeau ſur les côtés intérieurs du châſſis, dans laquelle rainure le curſeur gliſſe.

La grande ſenſibilité de l’aiguille ainſi ſuſpendue, rendroit toute obſervation impratiquable, ſi cette aiguille étoit découverte & expoſée à tous les mouvemens de l’air. Pour cet effet, on couvre la bouſſole d’une boîte, ainſi qu’on le voit dans la figure 389. Cette boîte eſt entièrement ouverte par ſon fond ; ſon couvercle eſt ouvert dans la partie b d, pour y placer une glace 1 2 3 4 à travers laquelle l’on doit obſerver l’aiguille.

Bouſſole propre à déterminer le méridien magnétique. Cette bouſſole eſt conſtruite d’après les mêmes principes que celle qu’on vient de décrire ; mais ſon aiguille, qui a dix-huit pouces de longueur, eſt de la même largeur & de la même épaiſſeur dans toute cette longueur. On la ſuſpend par ſon milieu, comme on le voit dans la fig. 390 ; il faut qu’elle ſoit parfaitement dreſſée & ſuſpendue par ſon champ bien verticalement, par le milieu de ſon épaiſſeur, l’on tire un trait d’une extrémité à l’autre, & l’on obſerve les deux extrémités de ce trait, au moyen de deux micromètres.

Comme cette aiguille eſt par-tout d’une épaiſſeur égale & très-petite, comme on la ſuppoſe bien dreſſée, qu’elle eſt ſuſpendue de champ, le plan qui partage ſon épaiſſeur, vu verticalement par la ligne tracée ſur ſon champ, ſera à très-peu-près dans le méridien magnétique. Ainſi les deux foyers des microſcopes ſe trouveront après l’obſervation, dans cette ligne méridienne ; ainſi, en tendant un fil d’argent ſous ces deux foyers, après avoir ôté l’aiguille, & prolongeant ce fil d’argent juſqu’à une ligne méridienne tracée dans le lieu de l’obſervation, il ſera facile de déterminer l’angle que formera le fil d’argent prolongé avec cette méridienne ; &, par conſéquent, il ſera facile d’avoir l’angle du méridien avec le méridien magnétique.

Comme, dans la pratique, il eſt aſſez difficile de ſe procurer une lame d’acier peu épaiſſe, qui ſoit parfaitement dreſſée, l’on peut ſe ſervir d’une aiguille, figure 391, ſuſpendue horiſontalement dans une eſpèce de boîte A. Aux deux extrémités de la lame, ſont ſoudés deux petits anneaux n s d’argent ou de cuivre ; l’on tend un fil de ſoie ou d’argent très-fin de n en s, dont on obſerve la direction, au moyen des deux micromètres, avant & après avoir retourné l’aiguille. La moitié de la différence des deux directions obſervées, détermine le méridien magnétique. Mém. de l’académie des ſciences. 1785.

Nous ferons mention, au mot Déclinaison de l’aimant, des tentatives qu’on a faites pour détruire dans les aiguilles aimantées, la déclinaiſon à laquelle elles ſont ſujettes.

Variation de l’aimant, cinquième propriété magnétique. L’aiguille aimantée a une direction perpétuellement variable ; ſa déclinaiſon n’eſt jamais conſtante, non-ſeulement dans la même année ou dans le même mois, mais encore dans le même jour. C’eſt ce qui a donné occaſion de multiplier les obſervations, & de conſtruire des inſtrumens plus parfaits que ceux qui ſont employés communément. Par ces moyens on eſt venu à bout de découvrir trois ſortes de périodes, ou de variations régulières de l’aimant, la variation annuelle, la variation menſtruelle & la variation diurne.

La variation annuelle, priſe ſous un certain rapport, ne diffère pas de la déclinaiſon magnétique dont nous avons parlé ; & une aiguille de variation, deſtinée à obſerver la variation annuelle, eſt la même choſe que celle que nous avons nommée aiguille de déclinaiſon.

Mais l’aiguille aimantée éprouve encore une variation annuelle, qui va en augmentant depuis novembre juſqu’en mars, & diminue enſuite graduellement juſqu’en ſeptembre ; & c’eſt celle-ci à qui on doit donner préciſément le nom de variation annuelle, la ſuite de ces augmentations & diminutions progreſſives formant une période régulière. Comme chacune de ces variations particulières eſt très-petite, il faut, pour les obſerver, employer des aiguilles bien ſenſibles, comme celles dont on ſe ſert pour connoître les variations diurnes.

Variation menſtruelle de l’aiguille aimantée. Indépendamment de la déclinaiſon annuelle de l’aimant & de l’aiguille aimantée, il y a une période menſtruelle bien marquée qu’on obſerve chaque mois.

La période menſtruelle de l’aiguille aimantée commence en octobre, ou vers l’équinoxe d’automne ; l’augmentation de déclinaiſon ſe fait d’abord lentement ; elle commence à devenir plus conſidérable en janvier ; elle eſt dans toute ſa force en février & en mars ; elle ſe ralentit un peu en avril & mai ; elle eſt foible en juin, un peu plus forte en juillet, pour s’affoiblir encore en août, où elle devient entièrement décroiſſante, & c’eſt en ſeptembre que cette diminution de déclinaiſon eſt la plus grande, comme la plus grande augmentation avoit eu lieu ſix mois, immédiatement après la plus grande diminution de déclinaiſon d’avril à juin ; pour faire ces ſortes d’obſervations, il faut avoir recours à l’aiguille de variation diurne.

Variation diurne de l’aimant. Outre la variation annuelle & menſtruelle de l’aimant, il y en a encore une qui eſt diurne, & dont la période eſt connue d’après un grand nombre d’obſervations faites principalement en France, en Angleterre, en Hollande & en Suède. Le réſultat de la période diurne de l’aiguille aimantée mérite de trouver ici ſa place.

Depuis quatre juſqu’à ſix heures du matin, l’aiguille aimantée ſe rapproche du nord.

De ſix heures à trois heures du ſoir, elle s’en éloigne d’abord aſſez bruſquement, enſuite plus lentement.

Enfin, de trois à huit heures du ſoir, elle ſe rapproche de nouveau du nord.

La période diurne commence donc à ſix heures du matin ; elle eſt dans toute ſa force pour augmenter entre huit & neuf heures du matin ; elle ſe ralentit enſuite juſqu’à trois heures du ſoir ; il y a alors une eſpèce de repos juſque vers quatre heures du ſoir ; elle commence, à cette époque, à diminuer. Sa plus grande diminution a lieu de cinq à ſix heures du ſoir ; elle continue de diminuer toute la nuit ; il ſe fait encore une eſpèce de repos de quatre à ſix heures du matin ; & alors une nouvelle période recommence, & ainſi de ſuite chaque jour.

Pour obſerver cette variation, on ne doit pas ſe ſervir d’une aiguille aimantée placée ſur un pivot ; un trop grand frottement empêche l’aiguille d’obéir à la cauſe qui la ſollicite périodiquement à ſe mouvoir. Mais on doit la ſuſpendre par le moyen d’un petit étrier percé des deux côtés, pour recevoir l’axe de l’aiguille ; & l’étrier doit être ſoutenu par un fil de ſoie non-tordu, parce que la torſion de divers filamens eſt un obſtacle que la cauſe magnétique ne pourroit vaincre. S’il eſt donc néceſſaire de compoſer le fil ſuſpenſeur de pluſieurs filamens de ſoie, ils doivent être mis l’un ſur l’autre parallèlement entr’eux, & unis légèrement par de l’eau gommée. De plus, l’aiguille doit être très-longue & renfermée dans une cage en grande partie de verre, pour la mettre à l’abri de pluſieurs cauſes perturbatrices ; & tout l’appareil ſera placé ſur une baſe parfaitement ſolide.

Des obſervations multipliées ont été faites, avec l’aiguille aimantée, ſuſpendue à un fil de ſoie, en divers endroits, mais principalement à l’Obſervatoire de Paris. Nous allons donner des réſultats généraux de quelques années.

1785
plus grande variation 16 m. 26 ſ. en avril, mai, juin.
plus petite variation 9 m. 35 ſ. en janvier, novembre, février.
1786
plus grande variation 19 m. 10 ſ. en ſeptembre.
plus petite variation 10 m. 57 ſ. en décembre.
1787
plus grande variation 20 m. 5 ſ. en avril.
plus petite variation 8 m. 2 ſ. en janvier.
1788
plus grande variation 20 m. 15 ſ. en avril.
plus petite variation 8 m. 2 ſ. en janvier.
1789
plus grande variation 19 m. 7 ſ.
plus petite variation 11 m. 3 ſ.

Nous ajouterons une table des variations moyennes de l’aiguille aimantée en 1789, dans les différentes heures de la journée, afin qu’on puiſſe ſe former une idée claire de la période diurne qu’elle ſuit dans ſa marche. On la doit au père Cotte.

TABLE des variations moyennes diurnes de l’aiguille aimantée. 1789.
Heures. Variation
moyenne.
Nombre
des
obſervations.
Nombre
des
agitations.
Matin. Deg. min. ſec.
VI. 7 46 39 280 11
VII. 7 40 14 289 17
VIII. 7 29 27 264 41
IX. 7 39 30 260 29
X. 7 51 28 225 29
XI. 8 10 3 244 26
XII. 8 33 10 255 29
Soir.
I. 8 41 18 235 8
II. 8 41 50 225 7
III. 8 28 1 205 6
IV. 8 22 46 211 11
V. 8 8 49 191 20
VI. 8 5 59 188 20
VII. 7 59 3 211 19
VIII. 7 44 45 274 30
IX. 7 42 8 272 28
Réſultats
de l’année.
8 d. 4 m. 27 ſ. 3829 331
4160
Plus grande variation de l’année, 11 d. 24 minutes, le 27 mars, avec aurore boréale.
Moindre variation de l’année, 4 d. 20 minutes, le 16 juillet.

Il réſulte de cette table, 1o, que l’aiguille aimantée a une tendance continuelle à s’éloigner du nord, depuis huit heures du matin juſqu’à deux heures après-midi, & à s’en rapprocher, depuis cette dernière époque, juſqu’au lendemain à huit heures du matin.

2o. Que la plus grande agitation de l’aiguille a lieu à huit heures du matin.

Ces réſultats, obſervés à Laon avec la bouſſole de variation de M. Coulomb, ſont exactement conformes à ceux des années précédentes, ſavoir 1784, 1785, 1786, 1787 & 1788, pendant leſquelles le père Cotte a également obſervé les variations diurnes de l’aiguille aimantée. Cette table conſéquemment ſuffit ſeule, & on a cru inutile de rapporter les autres tables.

Sixième propriété. Inclinaiſon. Indépendamment des différentes propriétés de l’aimant, dont nous avons parlé juſqu’ici, il y en a une autre qui ſeroit bien précieuſe, ſi elle étoit conſtante. L’inclinaiſon magnétique eſt cette vertu par laquelle tout aimant, naturel ou artificiel, incline ſon axe vers l’horiſon : Cette propriété ſe démontre par l’expérience & l’obſervation.

Première expérience. Prenez un aimant naturel ſphérique, dont l’axe & les deux pôles ſoient bien déterminés, placez-le dans un baſſin plein de mercure, en tenant ſon axe parallèle à l’horiſon, & ſous le méridien magnétique, vous le verrez bientôt ſortir du paralléliſme, lorſqu’il ſera abandonné. Le pôle ſeptentrional s’inclinera dans l’hémiſphère ſeptentrional, & conſéquemment dans nos climats, & le pôle méridional s’élèvera. Ceux qui ſont au-delà de l’équateur & dans l’hémiſphère auſtral, obſerveront que le pôle méridional de l’aimant s’abaiſſera vers le pôle ſud de la terre, en répétant l’expérience dont nous venons de parler.

On prétend que la découverte de ce mouvement d’inclinaiſon de l’aimant eſt due à un artiſte ingénieux nommé Robert.

Seconde expérience. Suppoſons une aiguille E F non aimantée (figure 376), qui ſoit bien en équilibre, lorſqu’elle eſt placée par ſon axe G ſur ſon ſupport ; alors elle ſe tiendra dans la ligne horiſontale E H ; mais ſi on l’aimante enſuite, on la verra abaiſſer ſa pointe au-deſſous de G, plus ou moins juſqu’en F, par exemple. Le nombre de degrés interceptés entre le zéro marqué au point H, & le point F, indiquera la quantité de cette inclinaiſon. Il ſuffit, pour cet effet, d’avoir un quart de cercle H I K, gradué.

Pour rappeler l’équilibre, après le magnétiſme communiqué à l’aiguille, on fait gliſſer convenablement un petit curſeur E du côté oppoſé à l’axe G, & cette eſpèce de contre-poids a la force de l’inclinaiſon magnétique, produit le même effet que l’éloignement du poids dans une balance romaine. Voyez encore les figures 375 & 381.

Ce que l’expérience démontre ici eſt prouvé de même par l’obſervation ; car les navigateurs remarquent conſtamment que leur aiguille aimantée s’incline à l’horiſon vers le nord ou vers le midi, ſelon qu’ils voyagent dans l’un ou l’autre hémiſphère. Cette inclinaiſon de l’aimant & de l’aiguille aimantée augmente même, à meſure qu’on s’éloigne de l’équateur pour s’approcher de plus en plus des pôles. Sous l’équateur, l’aiguille eſt parallèle à l’horiſon ; en s’éloignant progreſſivement de ce cercle, & en parcourant les différentes latitudes, on obſerve que l’aiguille s’incline de différentes manières ; c’eſt toujours le bout de l’aiguille qui eſt tourné vers le pôle de la terre de même nom que celui de l’aiguille, qui s’abaiſſe, l’autre s’élevant conſéquemment. Mém. de l’acad., ann. 1754, page 94 & ſuiv.

Pluſieurs phyſiciens ſe ſont imaginé que, par le moyen de l’inclinaiſon de l’aimant, on pourroit connoître la latitude des différens pays. Cet effet pourroit avoir lieu ſi l’aiguille aimantée s’inclinoit à l’horiſon proportionnellement à l’éloignement de l’équateur ; mais il s’en faut de beaucoup que cette progreſſion graduelle ait lieu uniformément. Il y a, à la vérité, une inclinaiſon qui eſt plus grande, à meſure qu’on approche des pôles ; mais cette augmentation n’eſt pas régulière dans les diverſes contrées ; elle n’eſt pas conſtante dans le même pays. Ces eſpèces d’anomalies dépendent peut-être des défauts des aiguilles actuelles d’inclinaiſon, qui troublent irrégulièrement la marche de l’inclinaiſon magnétique. On ne ſera inſtruit de la vérité de cette conjecture que lorſqu’on aura des aiguilles d’inclinaiſon bien comparables entre elles, que pluſieurs aiguilles faites de la même manière s’inclineront également dans une latitude donnée ; & que, tranſportées dans différens pays, leur inclinaiſon ſoit proportionnelle à leur latitude, ou que, s’il y a des variations, elles ſuivent une loi uniforme. Mais à préſent, des obſervations & des expériences nombreuſes nous apprennent que la quantité d’inclinaiſon plus ou moins grande des aiguilles, dépend de la qualité de l’acier, de la forme & de la longueur des aiguilles, de leur ſuſpenſion, & ſur-tout des méthodes d’aimanter & de la force qui leur a été communiquée.

On a vu, au mot Aiguille aimantée, aiguille d’inclinaiſon, la deſcription de quelques aiguilles d’inclinaiſon, du P. Feuillée, de M. Buache, des travaux de M. Bernoulli, &c. Le mémoire de ce dernier ſavant, ſur les bouſſoles d’inclinaiſon, obtint, en 1743, le prix de l’académie des ſciences. Le calcul de l’erreur que ſes différentes eſpèces de frottement peuvent cauſer dans l’inclinaiſon d’une lame mobile dans ſes tourillons, & aſſujettie à la force magnétique & à la peſanteur ; le calcul plus délicat encore du changement que doivent produire, dans le lieu du centre de gravité, l’inclinaiſon de la lame & la courbure que ſon poids lui fait contraſter ; des moyens ingénieux de reconnoître avec certitude, par l’expérience aidée du calcul, la véritable inclinaiſon, tandis que l’aiguille, obſervée immédiatement, en donneroit toujours une fauſſe ; tels ſont les objets traités dans cette diſſertation. D’après cet expoſé, on penſe bien que les bouſſoles d’inclinaiſon, de M. Bernoulli, doivent être rangées parmi les meilleures. On en trouve la deſcription dans les Acta Helvetica, tom. III. M. Euler les a auſſi décrites dans les Novi Comment. acad. petropolit. tom. XIV, pars. II. On trouvera, dans le recueil des prix de l’académie des ſciences de Paris, ce mémoire de M. Bernoulli, avec celui de M. Euler ſur le même ſujet.

Quoique par ces différentes recherches, on ait ſurmonté quelques obſtacles qui s’oppoſent à la perfection des aiguilles & des bouſſoles d’inclinaiſon, il y en a pluſieurs autres qui ſubſiſtent encore, & qui empêchent que ces inſtrumens ne ſoient comparables : de ſorte que, dans l’état actuel de nos connoiſſances ſur cette partie, on eſt réduit à ſavoir que l’inclinaiſon de l’aimant eſt une de ſes propriétés, & que cette inclinaiſon ne ſuit point, quant à nous, de loi régulière.

Cette inclinaiſon magnétique eſt ſi conſtante que les navigateurs ont toujours ſoin de coller ſous l’aiguille aimantée un petit contre-poids, ou d’y mettre quelques gouttes de cire du côté oppoſé à celui qui s’incline, afin que l’aiguille conſerve toujours ſa poſition horiſontale ; car l’inclinaiſon augmenteroit les frottemens de leurs aiguilles. Ils ont encore ſoin d’augmenter ou de diminuer ces contre-poids, lorſqu’ils s’approchent plus ou moins des pôles.

Au mot Magnétisme, nous traiterons de la cauſe de cette inclinaiſon de l’aimant, c’eſt-à-dire, de la cauſe qui détermine l’aimant à faire un angle avec l’horiſon, à ſe diriger vers les pôles magnétiques qui ne coïncident pas avec ceux de la terre.

Les obſervations qu’on a faites ſur l’inclinaiſon de l’aiguille aimantée, ſont bien moins nombreuſes que celles de la déclinaiſon ; nous n’en citerons ici que quelques-unes, ſur-tout des plus récentes, parce qu’on peut appliquer ici, en diſcutant les obſervations de la déclinaiſon de l’aimant. Les aiguilles d’inclinaiſon, des divers obſervateurs, en différens lieux & en divers temps, étoient trop diſſemblables, ainſi que pluſieurs autres circonſtances, pour pouvoir former des tables bien exactes, ſoit par rapport aux eſpaces, ſoit relativement aux temps.

Inclinaiſon de l’aimant, obſervé à Paris par M. Caſſini.
1786 
71° 5m le 1er. Juin
1787 
71° 0m le 1er. Juin
1788 
71° 1m le 1er. Juin
1789 
70° 56m le 1er. Juin

L’inclinaiſon (moyenne) étoit en 1780, à l’obſervatoire 71°. 48m. ; elle étoit en 1772 de 71°. 20m.

Le peu de variété qu’a indiqué l’inclinaiſon de l’aiguille à Paris & à Londres, où elles ont été fabriquées avec ſoin depuis cent ans, indique aſſez clairement qu’elles ont très-peu varié quant à leur inclinaiſon apparente. Il en eſt de même dans quelques autres pays. À Londres, en 1576, on a trouvé l’inclinaiſon de 73 & 71 degrés,  ; en 1747, M. Graham l’a trouvée de 73 degrés & demi ou 2 degrés ſeulement plus grande qu’à Paris.

Avant le voyage de M. Richer, en l’île de Cayenne & à ſon retour, l’inclinaiſon de l’aiguille aimantée étoit de 75 degrés d’inclinaiſon apparente, à Paris. À la Cayenne, la même aiguille étoit inclinée de 50 degrés du côté du nord. Rohault trouva l’inclinaiſon de 70 degrés environ.

Il ſeroit peut-être inutile de rapporter ici un plus grand nombre d’obſervations faites en différens lieux & en différens temps, ſur l’inclinaiſon de l’aiguille aimantée, parce que la plûpart des aiguilles, dont on s’eſt ſervi, n’étoient pas comparables entr’elles : on peut dire des aiguilles d’inclinaiſon ce que nous avons dit à l’article cinquième propriété de l’aimant ; déclinaiſon. Au reſte, on peut conſulter la carte, réduite des diverſes inclinaiſons de l’aiguille aimantée, que M. Wilcke, Suédois, a publiée en 1768. On la trouvera dans les mémoires de l’académie de Stockholm & dans les lois du magnétiſme. Voyez Inclinaison de l’aimant.

En comparant un grand nombre d’obſervations ſur l’inclinaiſon de l’aiguille aimantée, on a reconnu que c’eſt aux environs de l’équateur que l’inclinaiſon eſt preſque toujours nulle ; & que l’équateur magnétique eſt au deſſus de l’équateur terreſtre dans la partie de la mer des Indes, ſitué vers le 97 degré de longitude (à l’eſt du méridien de Paris) & qu’il paroît, au contraire, au-deſſous de la ligne dans la portion de la mer pacifique qui correſpond au 197 degré ; d’où on a conjecturé que le pôle magnétique eſt éloigné vers l’eſt du pôle de la terre, relativement aux mers des indes & pacifique, & que par conſéquent il doit être ſitué dans les terres les plus ſeptentrionales de l’Amérique. Si l’aiguille aimantée étoit ſur les pôles magnétiques de la terre, elle y ſeroit dans une poſition perpendiculaire : ce phénomène eſt un indice propre à reconnoître les vrais pôles magnétiques de notre globe.

Dans l’hémiſphère auſtral, l’aiguille d’inclinaiſon, au rapport du voyageur Noël ſe tenoit perpendiculaire au trente-cinquième ou trente-ſixième degré de latitude ; & cette perpendicularité de l’aiguille ſe ſoutenoit dans une longue étendue, ſous différentes longitudes, depuis la mer de la nouvelle Hollande juſqu’à ſept ou huit cent milles du Cap de Bonne-Eſpérance. Cette obſervation s’accorde avec le fait rapporté par Abel Taſman, dans ſon voyage en 1642 ; ce voyageur dit avoir obſervé que l’aiguille de ſes bouſſoles horiſontales ne ſe dirigeoit plus vers aucun point fixe, dans la partie de la mer voiſine à l’occident de la terre de Diemen ; & cela doit arriver en effet, lorſqu’on ſe trouve ſur un pôle magnétique. En comptant donc ſur cette obſervation du voyageur Noël, on eſt en droit d’en conclure, dit M. de Buffon, qu’un des pôles magnétiques de l’hémiſphère auſtral étoit ſitué, dans ce temps, ſous la latitude de 35 ou 36 dégrés, & que quoiqu’il en eût une aſſez grande étendue en longitude, l’aiguille n’avoit point de direction conſtante, on doit ſuppoſer, ſur cette ligne, un eſpace qui ſervoit de centre à ce pôle, & dans lequel, comme ſur les parties polaires de la pierre d’aimant, la force magnétique étoit la plus concentrée ; & ce centre étoit probablement l’endroit où Taſman a vu que l’aiguille de ſes bouſſoles horiſontales ne pouvoit ſe fixer. Hiſt. nat. des Miner.

Le capitaine Cook dit que l’inclinaiſon de l’aiguille aimantée fut de 64 dégrés, 36 minutes les trois différentes fois qu’il relâcha à la nouvelle Zélande, dans une baye, ſituée par 41 dégrés, 5 minutes, 56 ſecondes de latitude & 172 dégrés 0 minutes, 7 ſecondes de longitude. Cette obſervation, ſur laquelle on peut compter, puiſqu’elle a été répétée juſqu’à trois fois différentes, dans le même lieu, en différentes années, vient à l’appui des précédentes.

Si on promène, ſur un aimant ſphérique, une petite aiguille de bouſſole, on obſervera des inclinaiſons différentes entre l’équateur magnétique & les pôles, & qui ſeront dans un ſens ou dans le ſens contraire, ſelon leur poſition dans un hémiſphère ou dans l’autre : on remarquera une horiſontalité à l’équateur & une perpendicularité aux pôles. L’équateur magnétique eſt le point de partage entre les deux directions & inclinaiſons en ſens contraire ; & cette ligne de ſéparation ne ſe trouve pas préciſément à une diſtance égale des deux pôles. Voyez Équateur magnétique.

L’inclinaiſon de l’aimant change ſouvent plus que la déclinaiſon, ſuivant les lieux, mais elle eſt plus conſtante pour les temps, & l’on a même obſervé que la différence de hauteur, comme du ſommet d’une montagne à ſa vallée, ne change rien à ſon inclinaiſon. M. de Lamanon, étant ſur le pic de Tenerife, à 1 900 toiſes au-deſſus du niveau de la mer, a obſervé que l’inclinaiſon de l’aiguille étoit la même qu’à Sainte-Croix. L’inclinaiſon eſt encore ſujette, comme la déclinaiſon, à des trépidations preſque continuelles de jour en jour, d’heure en heure, & pour-ainſi dire de moment à moment. En général, les changemens d’inclinaiſon, depuis 1700, ont été inégaux & irréguliers dans les divers points des deux hémiſphères du globe.

Seconde propriété. Communication. L’aimant peut communiquer au fer & à l’acier toutes ſes propriétés, & en faire une eſpèce d’aimant qui ait même plus de vertu que l’aimant naturel qui en eſt la ſource & le principe. Ce qui paroît même étonnant, c’eſt qu’il tranſmet toutes ſes propriétés, ſans s’en dépouiller, à un nombre indéfini de corps ſuſceptibles de les recevoir ; c’eſt que ſa vertu ne s’affoiblit pas même par la communication la plus réitérée.

Première expérience. Prenez une pierre d’aimant, armée comme celle de la figure 349, par exemple ; paſſez, à pluſieurs repriſes, ſur un des pieds de l’armure, une lame de fer ou d’acier, comme on le voit dans la figure 392, mais toujours dans le même ſens, vous verrez bientôt que cette lame aura acquis la vertu d’attirer un autre morceau de fer ou d’acier qu’on lui préſentera, un aimant même. Voyez attraction de l’aimant ; première propriété.

Cette lame aura deux pôles, l’un nord & l’autre ſud ; elle repouſſera le pôle ſeptentrional d’une aiguille aimantée en équilibre ſur un pivot ; elle attirera, au contraire, ce pôle de l’aiguille par ſon pôle ſud, &c.

Seconde expérience. Si on creuſe, au milieu d’une lame, ou d’un petit barreau d’acier, une cavité conique, comme celle d’une chape de bouſſole, & qu’enſuite on l’aimante ; lorſqu’on l’aura placée ſur un pivot, cette lame ſe dirigera vers le nord par une de ſes extrémités. Elle déclinera du vrai nord, comme l’aimant ; elle éprouvera les variations diurnes périodiques ; elle s’inclinera plus ou moins vers l’horiſon, comme l’aimant ; bien plus, elle communiquera la vertu magnétique à des aiguilles & à d’autres lames.

Toutes les expériences faites avec des aiguilles aimantées, dont on a parlé juſqu’à préſent, prouvent également la propriété de la communication magnétique, puiſque l’aiguille eſt une lame d’acier à laquelle la vertu magnétique a été tranſmiſe. Voyez Aimant artificiel.

Ce qu’il y a de ſingulier, c’eſt que, par la même opération, toutes les propriétés ſont communiquées enſemble au fer & à l’acier, & qu’on ne connoît point de procédé pour ſéparer ces propriétés, ſoit en n’en communiquant qu’une ſeule, ſoit en détruiſant toutes les propriétés, excepté une, ce qui peut-être augmenteroit l’intenſité de celle qui reſteroit ſeule.

On diſtingue les aimans, relativement à leur vertu communicative, en généreux & en vigoureux. Les premiers ſont ceux qui communiquent une grande vertu magnétique au fer & à l’acier ; les ſeconds ſont ceux en qui on remarque une grande vertu attractive & répulſive. Il y a des aimans qui ſont, en même temps, généreux & vigoureux à un haut degré ; on en trouve qui ſont plus généreux que vigoureux, & d’autres réciproquement. L’aimant peut auſſi produire ces effets ſur d’autres aimans, ſoit naturels, ſoit artificiels.

La qualité qui rend un aimant vigoureux, ne dépend pas de ſa groſſeur ; car, dans le cabinet des curioſités de la ſociété royale de Londres, il y a une pierre d’aimant qui pèſe ſoixante livres, qui n’élève pas un fort grand poids, eu égard à ſa grandeur, mais qui attire une aiguille à la diſtance de neuf pieds. D’un autre côté, l’hiſtoire de l’académie des ſciences parle d’une pierre d’aimant qui peſoit onze onces, & levoit vingt-huit livres de fer, c’eſt-à-dire, plus de quarante fois ſon poids ; des Hollandois vouloient la vendre cinq mille francs.

[En général, il ſuffit de toucher, ou même ſeulement d’approcher le pôle d’une bonne pierre du corps à qui l’on veut communiquer la vertu magnétique, & auſſitôt celui-ci ſe trouve aimanté. À la vérité, le fer qui n’aura reçu de vertu que par un inſtant de contact avec l’aimant, la perdra preſque auſſitôt qu’il en ſera ſéparé. Mais on rendra ſa vertu plus durable, en le laiſſant plus long-temps auprès de l’aimant, ou bien en le faiſant rougir avant que de l’approcher de la pierre, & le laiſſant refroidir dans cette ſituation : dans ce cas, la partie qu’on préſentera au pôle boréal de l’aimant, deviendra un pôle auſtral, & deviendroit pareillement pôle boréal, ſi on l’approchoit du pôle auſtral de l’aimant.

Mais comme ces moyens ſimples ne procurent pas une grande vertu, on en emploie ordinairement d’autres plus efficaces.

Premièrement, on a découvert que le fer frotté ſur un des pôles de l’aimant, acquiert beaucoup plus de vertu que ſur toute autre partie de la pierre, & que la vertu que ce pôle communique au fer, eſt bien plus conſidérable, lorſqu’il eſt armé, que lorſqu’il eſt nu. 2o. Plus on paſſe lentement le fer, & plus on le preſſe contre le pôle de l’aimant, plus il reçoit de vertu magnétique. 3o. Il eſt plus avantageux d’aimanter le fer ſur un ſeul pôle de l’aimant, que ſucceſſivement ſur les deux pôles ; parce que le fer reçoit de chaque pôle la vertu magnétique, dans des directions contraires, & dont les effets ſe détruiſent. 4o. On aimante beaucoup mieux un morceau de fer en le paſſant uniformément, & dans la même direction, ſur le pôle de l’aimant, ſuivant ſa longueur, qu’en le frottant ſimplement par ſon milieu ; & on remarque que l’extrémité qui touche le pôle la dernière, conſerve le plus de force. 5o. Un morceau d’acier poli, ou bien un morceau de fer acéré, reçoivent plus de vertu magnétique, qu’un morceau de fer ſimple & de même figure ; & toutes choſes d’ailleurs égales, on aimante plus fortement un morceau de fer long, mince & pointu, qu’un autre d’une forme toute différente : ainſi, une lame de ſabre, d’épée ou de couteau, reçoivent beaucoup plus de vertu qu’un carreau d’acier de même maſſe, qui n’a d’autre pointe que ſes angles. En général, un morceau de fer ou d’acier, paſſé ſur le pôle d’un aimant, comme nous avons dit, ne reçoit, ou plutôt ne conſerve jamais qu’une vertu magnétique déterminée ; & il paroît que cette quantité de vertu magnétique eſt déterminée par la longueur, la largeur & l’épaiſſeur du morceau de fer ou d’acier qu’on aimante. 6o. Puiſque le fer ne reçoit de vertu magnétique que ſuivant ſa longueur, il eſt important, lorſqu’on veut lui communiquer beaucoup de vertu magnétique, que cette longueur ſoit un peu conſidérable : c’eſt pourquoi une lame d’épée reçoit plus de vertu qu’une lame de couteau, paſſée ſur la même pierre. Il y a cependant de certaines proportions d’épaiſſeur & de longueur, hors deſquelles le fer reçoit moins de vertu magnétique ; en voici un exemple : on a aimanté ſix lames de fer de 4 pouces de long & d’environ de pouce d’épaiſſeur ; leur largeur reſpective étoit de 1, 2, 3, 4, 5, & 6 lignes ; on les a paſſées chacune trois fois, & de la même manière, ſur le pôle d’un excellent aimant, & on a éprouvé les différens poids qu’elles pouvoient ſoulever.

La première, qui étoit la plus petite, leva 
 1 grain


La deuxième, large de deux lignes, 
 10 grain


La troiſième, large de trois lignes, 
 7 grain


La quatrième, large de quatre lignes, 
 2 grain


La cinquième, large de cinq lignes, 
 1 grain


La ſixième, large de ſix lignes, 
 1 grain

Voici maintenant la preuve que la force magnétique, qu’un morceau de fer peut recevoir d’un aimant, dépend auſſi de la proportion de ſa longueur : on a pris une lame de fer de de pouce d’épaiſſeur de 5 lignes de large, & de 13 ¼ pouces de long : on l’a paſſée trois fois ſur le pôle d’un aimant, & elle a porté 25 grains : on l’a réduite à la longueur de 10 pouces, & on l’a aimantée trois autres fois, elle a porté 33 grains : réduite à 9 pouces, elle a porté 19 grains : à 8 pouces, 17 grains : à 4 pouces, 1 ½ grain : d’où l’on voit que la longueur doit être déterminée à 10 pouces, ou entre 10 & 13 ¼, pour qu’avec la largeur & l’épaiſſeur données, cette barre puiſſe acquérir le plus de vertu magnétique.

Lorſqu’une lame de fer ou d’acier, d’une certaine largeur & épaiſſeur, ſe trouve trop courte, pour recevoir beaucoup de vertu magnétique par communication, on peut y ſuppléer en l’attachant ſur un autre morceau de fer plus long, à-peu-près de même largeur & épaiſſeur, enſorte que le tout ſoit à-peu-près auſſi long qu’il eſt néceſſaire, pour qu’une barre, qui auroit ces mêmes dimenſions, pût acquérir le plus de vertu magnétique qu’il eſt poſſible, en la paſſant ſur le pôle de l’aimant : alors, en ſéparant la petite barre de la grande, on trouvera ſa vertu magnétique conſidérablement augmentée. C’eſt ainſi qu’on a trouvé moyen d’augmenter conſidérablement la vertu magnétique d’un bout de lame de ſabre d’un pied de long, en l’appliquant ſur un autre qui avoit 2 pieds 7 pouces 8 lignes de longueur, & en les aimantant dans cette ſituation : alors la petite lame qui ne pouvoit porter, étant aimantée toute ſeule, que 4 onces 2 gros 36 grains, ſouleva, après avoir été ſéparée de la grande, 7 onces 3 gros 36 grains.

Il faut cependant obſerver que deux lames ainſi unies l’une à l’autre, ne reçoivent pas autant de vertu magnétique, qu’une ſeule lame de même longueur & d’égale dimenſion. Car on a coupé en deux parties bien égales une lame de fer médiocrement mince, & on a partagé une des moitiés en pluſieurs morceaux rectangulaires : on a rapproché les parties ſciées les unes des autres, afin qu’elles puſſent faire à-peu-près la longueur qu’elles avoient auparavant, & on les a fixées dans cette ſituation : on a placé à côté la moitié de la lame qui n’a point été coupée, & on les a aimantées toutes deux également : la partie, qui étoit reſtée entière, a eu beaucoup plus de vertu magnétique que l’autre, & la partie coupée en recevoit d’autant moins, que ſes fragmens étoient moins contigus les uns aux autres.

Indépendamment de ces méthodes de communiquer au fer la vertu magnétique par le moyen de l’aimant, il y en a d’autres dont nous parlerons ci-après en traitant du magnétiſme artificiel : mais nous ne ſaurions nous diſpenſer à préſent de faire ſavoir qu’il y a des moyens de donner au fer une vertu magnétique très-conſidérable, & même d’augmenter celle des aimans foibles au point de les rendre très-vigoureux. M. Knight, du collége de la Magdeleine à Oxford, eſt l’auteur de cette découverte, qu’il n’a pas encore rendue publique : voici des exemples de la grande vertu magnétique qu’il a communiquée à des barreaux d’acier, qu’on ne pouvoit pas leur procurer en les aimantant ſur les meilleurs aimans à la manière ordinaire : 1o. un petit barreau d’acier à huit pans, de trois pouces de long & du poids d’environ une demi-once, a levé par un de ſes bouts environ onze onces, ſans être armé : 2o. un autre barreau d’acier parallélipipède de de pouce de long, de de pouce de large, & de d’épaiſſeur, peſant deux onces huit grains , a levé vingt onces par une de ſes extrémités ſans être armé : 3o. un autre barreau de la même forme & de quatre pouces de long, armé d’acier comme un aimant, l’armure contenue avec un bandage d’argent, le tout peſant une once quatorze grains, a levé, par le pied de ſon armure, quatre livres : 4o. un barreau d’acier parallélipipède de quatre pouces de long, d’un pouce de large, & de de pouce d’épaiſſeur, armé par ſes extrémités avec un bandage de cuivre pour maintenir l’armure, le tout peſant quatorze onces un ſcrupule, a levé, par un des pieds de l’armure, quatorze livres deux onces & demie.

Il a fait auſſi un aimant artificiel avec douze barreaux d’acier armés à la manière ordinaire, lequel a levé, par un des pieds de l’armure, vingt-trois livres deux onces & demie. Ces 12 barreaux avoient chacun un peu plus de quatre pouces de long, de pouce de large, & d’épaiſſeur ; chacune de ces lames peſoit environ 25 ſcrupules, & elles étoient placées l’une ſur l’autre, enſorte qu’elles formoient un parallélipipède d’environ deux pouces de haut : toutes ces lames étoient bien ſerrées avec des liens de cuivre, & portoient une armure d’acier à l’ordinaire ; le tout peſoit 20 onces.

La méthode de communiquer une grande vertu magnétique, particulière à M. Knight, n’eſt pas bornée au fer & à l’acier : il fait auſſi aimanter un aimant foible, au point de le rendre excellent ; il en a préſenté un à la ſociété royale de Londres, qui peſoit tout armé, 7 ſcrupules 14 grains, & qui pouvoit à peine lever deux onces, l’ayant aimanté diverſes fois, ſuivant ſa méthode, il ſouleva juſqu’à 13 onces. Il aimante ſi fort un aimant foible, qu’il fait évanouir la vertu de ſes pôles, & leur en ſubſtitue enſuite d’autres plus vigoureux & directement contraires, enſorte qu’il met le pôle boréal où étoit naturellement le pôle auſtral, & ainſi de l’autre pôle : il place pareillement les pôles d’un aimant où étoit auparavant l’équateur, & l’équateur où étoient les pôles : dans un aimant cylindrique il met un pôle boréal tout autour de la circonférence du cercle qui fait une des baſes, & le pôle auſtral au centre de ce même cercle, tandis que toute la circonférence de l’autre baſe eſt un pôle auſtral, et le centre eſt pôle boréal. Il place à ſa volonté les pôles d’un aimant en quel endroit on peut le déſirer ; par exemple, il rend pôle boréal le milieu d’une pierre, & les deux extrémités ſont pôle auſtral. Enfin, dans un aimant parallélipipède, il place les pôles aux deux extrémités de telle ſorte, que la moitié ſupérieure de la ſurface eſt pôle auſtral, & la moitié inférieure pôle boréal ; la moitié ſupérieure de l’autre extrémité eſt pôle boréal, & l’inférieure, pôle auſtral.

Il eſt vraiſemblable que M. Knight, réuſſit à produire tous ces effets, par quelque moyen analogue à celui qui a été révélé au public, par M. Michell, c’eſt-à-dire, par le ſecours des aimans artificiels, faits avec des barreaux d’acier trempés & polis, aimantés d’une façon particulière, qu’il nomme la double touche.

Il eſt très-certain qu’on peut donner à des barreaux d’acier d’une figure convenable, & trempés fort dur, une quantité de vertu magnétique très-conſidérable. L’acier trempé a cet avantage ſur le fer & ſur l’acier doux, qu’il retient beaucoup plus de vertu magnétique, quoiqu’il ait plus de peine à s’en imbiber, & qu’on eſt le maître de placer les pôles à telle diſtance qu’on voudra l’un de l’autre, & dans les endroits qu’on jugera les plus convenables. Nous expoſerons tout-à-l’heure, à l’article de l’aimant artificiel, la manière d’aimanter par le moyen de la double touche.]

La communication de la vertu magnétique n’épuiſe en aucune manière ſenſible l’aimant dont on emprunte la vertu. Quel que ſoit le nombre de morceaux de fer qu’on aimante avec une même pierre, on ne diminue rien de ſa force ; quoique cependant on ait vu des aimans qui ont donné au fer plus de vertu pour lever des poids, qu’ils n’en avoient eux-mêmes, ſans que pour cela leur force ait paru diminuer.

Le fer ne s’enrichit pas non plus aux dépens de l’aimant, quelque vertu qu’il acquière, car on a peſé exactement une lame d’acier polie, & un aimant armé, &, après avoir marqué le poids de chacun ſéparément, on a aimanté la lame : après l’opération, on a trouvé le poids de ces deux corps exactement le même, quoiqu’on ſe ſoit ſervi d’une balance très-exacte.

Au reſte, ce ne ſont pas les aimans qui lèvent les plus grands poids qui communiquent le plus de vertu : l’expérience a appris que des aimans très-petits & très-foibles pour porter du fer, communiquent cependant beaucoup de vertu magnétique : il eſt vrai qu’il y a des eſpèces de fer qui ne reçoivent preſque point de vertu d’un bon aimant, tandis qu’une autre eſpèce de fer en reçoit une très-conſidérable.]

Non-ſeulement on peut communiquer la vertu magnétique au fer & à l’acier, en employant un aimant naturel ou artificiel, mais on peut encore la leur donner, même dans un très-haut degré, par un procédé très-ſimple, ſans employer en aucune manière l’aimant. Il ſuffit pour cela de poſer ſur la ſurface polie d’une grande pièce de fer, des barreaux d’acier, de les frotter enſuite un très-grand nombre de fois, toujours dans le même ſens, au moyen d’une groſſe barre de fer, dont l’extrémité inférieure ſera polie. Après avoir retourné les barreaux d’acier, on répète l’opération ſur les autres ſurfaces qui n’avoient pas été frottées. On a enſuite des barreaux fortement aimantés. Voyez au mot Aimant artificiel, différentes méthodes de communiquer la vertu magnétique, ſoit par le moyen d’aimans naturels ou artificiels, ſoit ſans employer aucun aimans. Voyez encore l’article Magasins magnétiques, & les figures 418, 419, 420, 421, 422 & 423, où ces magaſins ſont repréſentés.

Lorſqu’on communique par le moyen d’un aimant, le magnétiſme à des corps capables de le recevoir, il y a des procédés qui ſont tels que des points intermédiaires ne ſont pas aimantés, quoique placés entre des portions douées de la vertu magnétique. Voyez Points d’indifférence, dont M. Brugmann paroît avoir parlé le premier.

Dès qu’on connoît les phénomènes de l’aimant, on ſent auſſitôt naître le deſir d’être inſtruit de la cauſe qui les produit ; plus ils ſont merveilleux, plus ce deſir eſt vif. Mais il ſemble que la nature a jeté ſur cet objet un voile épais. Nous traiterons particulièrement cette matière à l’article Magnétisme. On y verra expoſés les principaux ſyſtêmes qui ont été imaginés par les phyſiciens, avec les expériences ſur leſquelles ils ont tâché de les appuyer. On y traitera auſſi des rapports qu’on a cru exiſter entre l’électricité & le magnétiſme.