Dictionnaire portatif de cuisine, d’office, et de distillation/POMME

inconnu
Lottin le Jeune (p. 563-572).
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POMME : fruit très-commun, & par-là même très-connu, dont on fait une grande consommation, tant pour l’office, en compôte, gelée, pâte, syrop, &c. que dans le commerce ordinaire des comestibles. Ce qui constitue ces diverses especes, sont quelques différences accidentelles, telles que la grosseur, la couleur, la figure, le goût, & la saison où elles mûrissent ; mais, à proprement parler, ces variétés ne paroissent pas suffire pour en établir plusieurs especes. Cependant elles ont fait donner différens noms aux différentes pommes, de sorte que nous distinguerons par-là celles qu’on emploie le plus ordinairement à l’office ; ce qui est notre objet. Il y a peu de bonnes pommes à manger en été, sauf le rambour, & une espece de calville précoce.

Les meilleures qu’on puisse manger en hyver ; sont la calville, dont il y a trois especes ; la blanche, la claire & la rouge. La rouge est la meilleure des trois. Son suc, qui est doux, convient assez à ceux qui ont des aigreurs, pourvu qu’ils en usent modérément. La reinette, par son acidité, convient mieux aux tempéramens bilieux. Le court-pendu, est la meilleure & la plus saine. C’est avec cette pomme qu’on fait ce syrop de pommes composé, qu’on a nommé le syrop de pomme du roi Sabor, qu’on dit avoir été inventé par un roi des Médes de ce nom. La pomme d’api est plus agréable que saine. Son suc est assez agréable, & rafraîchissant ; mais sa chair est ferme & très-difficile à digérer. Ce qu’on peut faire de mieux, est de la mâcher, d’en extraire le suc, & d’en rejetter la substance : elle n’est agréable que cruë, & perd au feu toute sa saveur.

Pommes à la bourgeoise. (Compôte de) Coupez-les en deux ; ôtez-en le cœur ; laissez la peau, & les piquez par-dessus. Faites-les cuire avec du sucre, & de l’eau, à court syrop.

Pommes à la cloche. (Compôte de) Vuidez-les sans les casser, & les mettez entieres sur un plat avec du sucre fin ; faites-les cuire sous un couvercle de tourtiere. Étant bien glacés, servez-les chaudement.

Pommes à la crême. Pelez-les ; ôtez les cœurs, sans les casser ; faites-les cuire à moitié comme en compôte, avec du sucre. Dressez-les ensuite sur un plat. Faites une crême avec huit jaunes d’œufs, un peu de farine, eau de fleurs d’orange, citron confit haché menu, de la crême, du sucre. Faites prendre, & laissez épaissir ; mettez-la sur vos pommes ; dressez avec sucre en poudre, & filets de citron confit ; faites cuire au four de belle couleur, & la servez chaudement.

Pommes à la Dauphine. (Compôte de) Coupez-les par quartiers ; ôtez-en les cœurs. Faites cuire avec sucre & eau, jusqu’à ce que le syrop étant réduit, elles prennent une couleur roussâtre. Dressez-les, la peau en-dessus ; & les servez arrosées de fleurs d’orange.

Pommes à la Portugaise. Pelez-les ; levez-en une rouelle à la tête ; vuidez-les, sans les casser & les percer, & les fournissez d’une crême de pistaches. (Voyez Pistaches.) Remettez la rouelle enlevée ; trempez dans une pâte à frire, & épaisse, vos pommes ainsi farcies ; & les faites frire au sain-doux ; glacez-les tout-autour avec du sucre & une pelle rouge.

Pommes à la Portugaise. (Autre façon de) Pelez-les & les vuidez comme les précédentes, & les remplissez d’une crême de chocolat. (Voyez Chocolat.) Dressez-les dans une tourtiere, & les faites cuire sous le couvercle, feu dessus & dessous, ou au four, & les glacez, après comme ci-dessus, pour les servir.

Pommes à la Régence. Pelez-les, & les vuidez du cœur ; ôtez une rouelle à la tête ; remplissez le vuide de marmelade d’abricots. Remettez le morceau coupé ; soudez avec de l’œuf battu. Faites une abaisse de feuilletage très-mince ; formez-en une espece de ruban dont vous entourerez votre pomme, comme un fruit tourné l’est de sa peau. Arrêtez les deux bouts de ce ruban ; faites cuire vos pommes au four, sur une tourtiere. Étant cuites, glacez-les tout autour, & servez chaudement.

Toutes les pommes employées dans les procédés précédens, sont des reinettes.

Pommes à la Régence. (Autre façon de) Pelez des pommes d’api, & leur laissez la queue. Faites-les cuire avec chopine de vin de Bourgogne, demi-septier d’eau-de-vie, du sucre & de la cannelle. Étant cuites, tirez-les, & faites réduire le syrop au caramel. Remettez-y le fruit, pour qu’il prenne tout ce syrop. Laissez-les refroidir ; mettez-les en pâte, comme les précédentes. Faites cuire au four, & glacez.

Pommes. (Clarequets de) Faites cuire des reinettes bien belles, coupées en tranches, avec de l’eau, jusqu’à ce que la décoction soit forte & gluante. Passez-la au tamis : mettez-la dans du sucre cuit à cassé ; autant de sucre clarifié que de jus : faites bouillir jusqu’à ce que le tout soit en gelée ; & servez dans des gobelets à l’ordinaire, comme tous les autres clarequets dont on a parlé ci-dessus.

Pommes (Clarequets de) '& de fleurs d’orange. Faites cuire des pommes, comme ci-dessus ; ajoûtez-y deux citrons en tranches. Faites réduire en marmelade ; passez au tamis avec expression, & mettez cuire dans quatre livres de sucre, le sucre étant à la grande plume pour deux livres de décoction ; ajoûtez-y un quarteron de marmelade de fleurs d’oranges ; mêlez bien le tout, & servez dans des gobelets comme les précédens.

Pomme de calville, rambour, & autres. (Compôte de) Coupez-les par moitié ; ôtez les cœurs ; faites des entailles sur la peau ; faites-les cuire dans une décoction de pommes de reinette. Achevez la compôte avec du sucre & du vin rouge, pour lui donner une couleur vermeille.

Pommes de reinette au blanc. (Compôte de) Pelez votre fruit ; faites-le cuire avec eau, sucre & tranches de citron. Faites réduire votre syrop à lissé, après en avoir tiré le fruit ; remettez-l’y pour le servir.

Pommes de reinette au caramel. (Compôte de) S’il vous reste quelque vieille compôte de pommes, pour ne pas la perdre, & lui redonner de la fraîcheur, & un air de nouveauté, faites recuire jusqu’à ce que le syrop soit au caramel grillé, ainsi que nous avons dit précédemment à l’article Poires.

Pommes de reinette en gelée. (Compôte de) Faites une décoction, ou jus de pommes, avec quelques tranches de citron, comme pour des clarequets ; mettez dans une pinte de cette décoction bien passée, une livre de sucre clarifié ; faites-y cuire huit belles pommes de reinette pelées, coupées par moitié, & dont vous aurez ôté les cœurs. Quand elles fléchiront sous le doigt, dressez-les dans un compôtier ; faites réduire le syrop en gelée, & en couvrez vos pommes pour les servir.

Pommes de reinette farcies. (Compôte de) Pelez des reinettes entieres ; vuidez-les du cœur avec une vuidette, sans les percer. Faites-les cuire dans du sucre à la grande plume. Étant finies & dressées, vous les remplirez de confitures : vous ferez réduire le syrop en gelée que vous mettrez sur une assiette ; & lorsqu’il s’agira de servir votre fruit, vous ferez un peu chauffer votre syrop, pour le détacher, & masquer votre compôte, en le coulant dessus.

Pommes de reinettes grillées. (Compôte de) Retournez des pommes sur un grand feu de charbon, jusqu’à ce que la peau s’en enleve facilement ; lavez-les bien ; coupez-les en deux ; ôtez-en les cœurs, & les faites cuire comme toutes les autres compôtes, avec de l’eau, du sucre & de la cannelle, & les servez à court syrop.

Pommes de reinette confites au liquide. Prenez-les mûres, belles & bien saines ; pelez-les, & les faites blanchir. Coupez-les par quartiers, & leur faites prendre deux bouillons dans le sucre cuit à la grande plume. Ôtez-les du feu, & les laissez dans leur sucre vingt-quatre heures ; égouttez-les ensuite, & faites rebouillir votre sucre. Remettez-y le fruit faire encore deux bouillons ; autant de sucre que de fruit : finissez votre confiture au perlé, & l’empotez. On peut confire le calville rouge de la même manière.

Pommes de reinette confites au sec. Les pommes qu’on tire au sec, sont, pour l’ordinaire, la reinette & le calville, ou le court-pendu, qu’on pourroit encore confire de même ; les autres en sont moins susceptibles. Étant confites, comme nous venons de dire à l’article précédent, on les fait égoutter ; on les dresse sur des ardoises, à l’ordinaire, & on les poudre de sucre fin. La pomme confite au liquide, est sujette à se décuire, à cause de son humidité : lorsque l’on s’en apperçoit, on peut faire recuire le syrop, en le rafraîchissant d’un peu de nouveau sucre ; on le remet à perlé ; & lorsqu’il est question de tirer ce fruit au sec, on fait fort bien de prendre la précaution de recuire le syrop, & d’y renouveller le fruit. Il n’en vaut que mieux, & ne s’en conserve que plus long-tems, sur-tout si l’on a soin de le tenir en lieu sec.

Pommes. (Gelée blanche de) Pelez de belles reinettes, bien saines & mûres ; faites-les cuire en marmelade, avec quelques tranches de citron ; passez la décoction dans un linge ; & sur chaque pinte, mettez trois quarterons de sucre cuit à cassé : faites bouillir le tout à petit feu, jusqu’à ce que le syrop soit entre le lissé & le perlé. Écumez avec soin votre gelée ; & lorsqu’elle tombera en nappes de l’écumoire, elle sera faite. Dressez dans vos pots que vous couvrirez, lorsque votre gelée sera refroidie : pour qu’elle soit plus blanche, il ne faut poins la couvrir en cuisant.

Pommes. (Gelée rouge de) Pour faire cette gelée, il faut procéder comme ci-dessus ; & pour lui donner une couleur rouge, il ne faut que mettre à la cuisson du vin rouge foncé, ou de la cochenille préparée, & la faire cuire couverte.

Pommes, (Gelée de) façon de Rouen. Pour faire cette gelée, il faut choisir les plus belles reinettes, & les plus saines ; les bien laver, les couper en rouelles, & les faire cuire à grand bouillon, avec de l’eau & quelques tranches de citron, sans couvrir votre poële. Lorsque le jus sera gluant, passez votre décoction au tamis ; mettez-la dans le sucre cuit au cassé ; faites bouillir, & écumez jusqu’à ce que la gelée tombe en nappes de l’écumoire : il faut pour cette gelée autant de sucre clarifié que de décoction.

Pommes. (Gelée de) autre procédé : le meilleur de tous. Ayez des reinettes les plus saines, ni vertes ni jaunes, mais les plus blanches, parce qu’elles sont les plus propres à cet usage. Pelez-les avec soin ; coupez-les par quartiers, & en ôtez bien les cœurs, en les mettant à mesure à l’eau fraîche. Cette opération a besoin d’être prompte, pour que le fruit ne jaunisse pas. Il en faut un demi-cent pour quatre livres de sucre. Faites bouillir une pinte d’eau que vous jetterez sur le fruit, pendant qu’il est encore à l’eau fraîche. Tirez-le ensuite promptement ; essuyez-le bien, & le mettez sur le champ à la poële avec environ une pinte & demie d’eau qu’elles ne soient point trop pressées. Faites-les cuire sur un feu vif & clair, & couvertes, en épiant le moment où elles seront au point qu’il faut pour une compôte, sans plus ; mettez un tamis de crin bien net, sur une terrine bien nette ; versez-y vos pommes & leur jus, & les laissez s’égoutter toutes seules, sans les presser. Mesurez exactement votre jus, & mettez une livre de sucre par demi-septier. Pendant que le sucre cuira, passez souvent ce jus au tamis de soie, pour l’avoir le plus clair possible. Faites cuire votre sucre avec demi-septier de l’eau la plus claire ; pour chaque livre, clarifiez-le avec deux ou trois blanc d’œufs fouettés, & remuez toujours, pour qu’il ne monte ni ne s’enfuie. Passez ce syrop en deux tamis ; nettoyez votre poële, & y remettez ce sucre pour cuire à la grande plume. Lorsqu’il sera à ce degré, retirez-les du feu ; mettez-y le jus de pomme, & le mêlez bien. Remettez le tout sur le feu, & y passez le jus de deux citrons, pour quatre livres de sucre : que ce jus soit passé au tamis de soie ; mettez-y aussi une calotte d’écorce de citron ; & après avoir donné au tout un fort bouillon, votre gelée se forme. Passez-la sur le champ au tamis de soie, & la dressez dans les pots, en ôtant à mesure cette écume legere que forme le sucre ; afin qu’il n’y ait pas le moindre nuage, lorsque vous y mettrez les zestes de citrons, qui doivent avoir été au préalable préparés de la maniere qui suit. Tournez legérement les citrons que vous voulez employer ; coupez ces zestes en languettes bien menues ; faites-les cuire simplement à l’eau, jusqu’à ce que l’ongle les coupe facilement. Passez-les à l’eau fraîche ; faites-les égoutter ensuite sur un tamis, ou les essuyez dans un linge ; &, vos pots étant dressés, garnissez-les d’une certaine quantité de ces zestes.

Pommes. (Marmelade de) Pelez vos pommes ; faites-les cuire à l’eau ; passez-les au tamis ; faites dessécher ce que vous aurez exprimé dans une poële à confiture, sur le feu, jusqu’à ce qu’il ait une certaine consistance. Délayez-le ensuite dans du sucre cuit à la grande plume ; faites chauffer sans bouillir. Sur une livre de fruit desséché, il faut employer cinq quarterons de sucre.

Pommes meringuées. Faites cuire des pommes coupées en quartiers, avec de l’eau, du sucre, de la cannelle, du citron confit haché, & eau de fleurs d’orange, jusqu’à ce qu’elles soient en marmelade bien épaisse. Dressez cette marmelade dans un plat, en cordon, formant une ligne spirale, & qui laisse des intervalles suffisans. Fouettez ensuite six blancs d’œufs en neige ; mettez-y du sucre en poudre ; incorporez bien le tout, en battant ce mêlange ; couvrez-en la marmelade ; mettez-la au four à une chaleur modérée, après l’avoir encore saupoudrée de sucre fin.

Pommes. (Pâte de) Pelez de belles reinettes ; ôtez-en les cœurs ; faites-les cuire à l’eau ; tirez-les, & les mettez à l’eau fraîche. Faites-les égoutter ensuite ; après quoi vous les presserez à travers un linge. Faites dessécher cette marmelade dans un poëlon sur le feu, en le remuant toujours avec une spatule ; & quand elle ne s’attachera plus, ôtez la poële du feu ; mettez-y du sucre ce qu’il en faut ; mêlez bien le tout. Dressez votre pâte sur des feuilles, ou des ardoises ; & faites sécher à l’étuve, comme les autres pâtes, & confitures séches. D’autres délaient cette marmelade dans le sucre cuit à la grande plume, autant de sucre que de marmelade, qu’on fait seulement frémir, & sécher ensuite dans des moules, comme nous venons de dire.

Pommes. (Syrop de) Pelez de belles & saines reinettes ; coupez-les par rouelles. Ayez du sucre en poudre, & mettez sur un plat, ou sur une terrine, de petits bâtons, sur lesquels vous ferez un lit de pommes & un lit de sucre, & successivement jusqu’à ce qu’il y en ait assez. Mettez cette terrine dans un lieu frais, pendant toute une nuit ; & le syrop en coulera, sans autre procédé.

Pommes. (Autre façons de faire le syrop de) Faites cuire des pommes en marmelade ; tirez-en le jus ; mettez-en une pinte dans un poëlon, avec du sucre ; faites cuire le tout jusqu’à ce que le syrop soit à perlé ; mettez-le en bouteilles, quand ce syrop sera refroidi.

Pommes tapées. Prenez de belles reinettes ; faites-leur de legeres entailles sur la peau. Mettez-les au four sur des claions, sur leur plat, à une chaleur douce. Poudrez-les de sucre, & les remettez au four : finissez de les sécher ; repoudrez-les encore de sucre, & les tenez quelque tems à l’étuve, & ensuite en lieu sec.

Pommes. (Tourte de) Prenez des pommes de reinettes, ou de calville ; coupez-les par la moitié ; pelez-les, & ôtez-en le cœur. Faites-les cuire dans une poële avec une quantité suffisante de sucre ; deux verres d’eau, un morceau de cannelle en bâton, quelques zestes de citron verd : couvrez la poële. Vos pommes étant cuites, & le syrop réduit, retirez-les, & les laissez refroidir. Faites une abaisse de pâte feuilletée ; foncez-en une tourtiere ; dressez-y vos pommes ; recouvrez d’une même abaisse ; dorez avec de l’œuf battu ; faites cuire au four, ou sous le couvercle de la tourtiere : étant cuite, glacez-la à l’ordinaire ; servez-la chaudement.

Observation médecinale.

Les pommes d’un bon acabit, & mûres, sont un aliment rafraîchissant, laxatif & nourrissant pour les bons estomacs. Mais il faut les avoir bien mâché, avec de les avaler ; avoir des sucs digestifs, fort actifs, & faire de l’exercice ; car s’il a passé de petites parties de pommes, sans être broyées ; qu’on ait l’estomac foible, froid, paresseux, & qu’on mene une vie sédentaire, ce fruit fermente, & donne des aigreurs, des vents. Les pommes, ont, en général, plus de goût ; sont plus saines, étant cuites : elles conviennent alors à un plus grand nombre de personnes ; elles sont laxatives, adoucissantes, faciles à digérer, & nourrissantes ; il y a cependant encore des gens qui sont obligés de s’en abstenir, parce qu’elles leur donnent des vents, des aigreurs ; on les permet à ceux qui sont convalescens, ou au régime : elles empêchent quelquefois la digestion du laitage.