Dictionnaire portatif de cuisine, d’office, et de distillation/POIRE

inconnu
Lottin le Jeune (p. 548-556).
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POIRE : fruit rond & charnu d’une figure pyramidale, extrêmement varié dans ses especes, soit pour les saisons, la grosseur, la couleur, l’odeur & le goût. On les distingue en trois saisons ; poires d’été, poires d’automne, poires d’hyver. On pourroit assigner à chaque mois les poires qui leur sont propres ; mais plusieurs sont quelquefois assez tardives pour n’être bonnes que hors du tems où l’on a coutume d’en faire usage ; & les poires, sur-tout celles d’hyver, & quelques-unes d’automne, durent beaucoup au-delà de la vraie saison de leur maturité.

Poires à la bourgeoise. (Compôte de) Prenez des poires moyennes, de quelque saison que ce soit ; coupez un peu la queue ; ôtez-en la tête ; lavez-les bien, & les faites cuire à l’eau avec du sucre & de la cannelle. Servez à court syrop.

Poires à la Cardinale. (Compôte de) Prenez des poires à cuire ; pelez-les, & les coupez en quartiers. Faites-les cuire à petit feu dans un pot couvert, avec du vin rouge, un peu d’eau, sucre, girofle, cannelle, à court syrop.

Poires à la cloche. (Compôte de) Pelez des poires d’hyver ; coupez-les en deux ; dressez-les sur un plat avec un peu d’eau, du sucre, girofle & cannelle. Mettez ce plat sur un feu modéré, &, par-dessus, un couvercle de tourtiere, & feu dessus. Dressez votre compôte : si le syrop se trouvoit un peu long, faites-le réduire doucement, & le versez sur vos poires pour servir.

Poires à la Provençale. (Compôte de) Faites-les griller sur un feu très-ardent, en les retournant jusqu’à ce que la premiere peau se leve facilement : faites-les cuire, couvertes, avec de l’eau, du sucre & quelques zestes de citron, que l’on ôte, lorsqu’il est question de servir.

Poires au caramel. Prenez des poires cuites en compôte ; faites-les rebouillir dans leur syrop, jusqu’à ce que le dessus soit d’un caramel grillé. C’est ainsi qu’on rafraîchit & qu’on renouvelle les compôtes un peu vieilles, en les décuisant.

Poires blanquettes. Ce fruit étant l’un des plus hâtifs de l’espece des poires, & d’un goût assez agréable, on le pique par la tête, & on le met blanchir à l’eau chaude sans bouillir. Lorsqu’elles sont mollettes, on les pele, & on les met à mesure à l’eau fraîche. Étant égouttées, on les met au sucre clarifié. On les finit, comme nous dirons ci-après à l’article Rousselet. Cela fait, on les tire ; on les fait égoutter de leur syrop ; on les poudre de sucre fin, & on les met sécher à l’étuve ; & étant séches d’un côté, on les retourne pour les saupoudrer, & les faire sécher de l’autre.

Poires. (Clarequets de) Faites bouillir des poires avec un peu d’eau, & des zestes de citron ; passez-les au tamis, & mettez le jus dans du sucre cuit au cassé. Faites bouillir jusqu’à ce que le tout soit réduit en gelée ; il faut autant de sucre que de jus. Dressez dans des gobelets, pour servir.

Poires confites au liquide. Prenez des poires mûres ; faites-les blanchir ; pelez-les, & les coupez par quartiers : ôtez-en les cœurs ; mettez-les dans le sucre cuit à la grande plume faire quelques bouillons. Laissez-les douze heures dans le sucre ; tirez-les, & les égouttez. Faites rebouillir le sucre ; remettez-y votre fruit, pour le faire rebouillir, & le finir ; autant de sucre que de fruit.

Poires confites au sec. Prenez des poires confites au liquide ; mettez à l’étuve pour liquifier les syrop, en l’échauffant un peu. Tirez-en les poires, & les goutter. Faites-les sécher à l’étuve, sur des feuilles d’office, ou des ardoises. Retournez-les jusqu’à ce qu’elles soient bien séches, & les serrez après dans des boëtes. Si votre syrop de poires au liquide étoit trop épais, ou candi par vétusté, mettez le pot au bain-marie : la chaleur le liquéfiera.

Poires d’automne. (Compôte de) Prenez des beurrés, ou du doyenné ; faites-les blanchir à l’eau bouillante, & les passez à l’eau fraîche où vous mettez un jus de citron, ou, au défaut de citron, un verre de verjus. Pelez-les proprement, & les faites cuire au sucre clarifié, comme nous avons dit pour les compôtes.

Poires de bon-chrétien. (Compôte de) Prenez de belles poires de bon-chrétien ; coupez-les en deux ; mettez-les dans une poële cuire à grand feu. Quand elles seront mollettes, passez-les à l’eau fraîche ; pelez-les, & les remettez dans de nouvelle eau fraîche. Si vous en avez quatre livres, faites cuire à la plume trois livres de sucre, & faites-y prendre quelques bouillons à votre fruit, avec quelques tranches de citron. Le fruit étant cuit, dressez-le dans un compôtier.

Poires de doyenné séchées. Coupez de la queue ; pelez-les proprement, & les mettez à mesure à l’eau fraîche. Si elles sont bien mûres, on peut se dispenser de les faire blanchir. Si elles sont fermes, on leur fera prendre quelques bouillons à l’eau bouillante, ensuite on les fera égoutter ; après quoi, sur deux pintes d’eau, si cela suffit pour la quantité du fruit, on mettra fondre une livre de sucre, & on y jettera les poires ; puis on les fera égoutter de nouveau : on les poudrera de sucre fin, & on les fera sécher d’un côté ; on les retournera, & on les poudrera, de l’autre, pour les achever ; enfin on les renfermera dans des boëtes garnies de papier blanc, qu’on tiendra en lieu sec.

Poires de Martin-sec. (Compôte de) Coupez de la queue & le dessus de la tête, & les lavez. Faites cuire couvertes avec un peu d’eau, de sucre & de cannelle. Quand elles seront mollettes, retirez-les, & les dressez dans le compôtier.

Poires de muscat confites au liquide. Ces poires se confisent comme le rousselet ; (Voyez l’article qui suit,) à la différence près, qu’au lieu de les confire entieres, on les coupe par quartiers. La blanquette, la muscate, la poire d’orange, le certeau, la bergamote musquée se confisent de même. La blanquette, la muscate se confisent entieres : les autres étant plus grosses, se confisent coupées par moitié, ou en quartiers ; mais il faut les mettre à mesure à l’eau fraîche, pour qu’elles ne moisissent pas, & ne se mettent point en marmelade.

Poires de rousselet confites au liquide. Prenez-les mûres ; faites-les cuire à grand feu jusqu’à ce qu’elles soient mollettes ; passez-les de-là à l’eau fraîche, & les pelez. Faites cuire du sucre à lissée ; mettez-y vos rousselets ; faites-les bouillir toujours en les écumant. Quand elles n’écumeront plus, tirez-les du feu, & les laissez refroidir. Laissez-les douze heures dans leur sucre ; égouttez-les, & faites recuire le syrop au grand perlé. Dressez vos rousselets dans leurs pots ; jettez dessus le sucre, & ne les couvrez que lorsqu’elles seront froides.

Poires de rousselet confites au sec. Ce fruit, ainsi que toutes les autres poires confites au liquide, soit entieres, soit en quartiers, se mettent au sec, comme nous l’avons dit précédemment à l’article Poires confites au sec.

Poires de rousselet à l’eau-de-vie. Prenez-les presque mûres ; faites blanchir, & les pelez. Faites-leur faire ensuite huit ou dix bouillons au sucre clarifié ; le lendemain, autant, & le troisieme jour. Égouttez vos poires ; finissez le syrop au grand perlé ; faites-y faire quelques bouillons à vos rousselets. Mettez-les en bouteilles sans syrop ; mêlez avec ce syrop partie égale d’eau-de-vie ; faites chauffer sans bouillir, & versez le tout sur les poires : il faut pour cette confiture la moitié de sucre de ce que pese le fruit.

Poires de rousselets glacées en fruits. Faites une marmelade de rousselets comme à l’article ci-dessus ; mettez dans des moules à rousselets, & les finissez comme nous avons dit des Abricots, Marrons, Oranges, Cedrat, Bergamote, Pêches. (Voyez ces articles.) Toutes les especes de poires qu’on voudroit glacer, doivent se faire de même, & se forment toutes dans des moules à poire de rousselets.

Poires de rousselets. (Marmelade de) Pelez des rousselets mûrs ; faites-les cuire bien mollets ; passez-les au tamis, avec forte expression. Faites dessécher cette marmelade sur le feu. Quand elle sera bien épaisse, délayez-la dans du sucre cuit à la grande plume : faites chauffer sans bouillir ; livre de sucre pour livre de fruit à cette confiture. Toutes les autres marmelades de poires, qui sont susceptibles de cette maniere de confire, se font de même.

Poires de rousselets séchées. Prenez un cent de beaux rousselets ; coupez un peu de la queue ; pelez-les, & les mettez à mesure à l’eau fraîche ; faites-leur faire quelques bouillons pour les blanchir, & les remettez à l’eau fraîche. Faites bouillir dans une grande poële quatre ou cinq pintes d’eau dans laquelle vous ferez fondre deux livres & demie de sucre ; mettez-y vos poires une bonne heure ; rangez-les sur des claies, la queue en haut, & leur faites passer une nuit au four à une chaleur douce. Le lendemain, remettez-les dans le syrop, & répétez cette opération, quatre jours de suite, au bout desquels vous ne retirerez vos poires au four, que lorsqu’elles seront bien séches. Mettez-les alors dans des boëtes garnies que vous placerez en lieu sec.

Poires d’été. (Compôte de) Si elles sont petites, faites-les cuire entieres ; si elles sont grosses, coupez-les par la moitié ; faites-les blanchir, & les pelez : faites-leur faire quelques bouillons dans le sucre clarifié, pour jetter leur eau, & ensuite faites-les cuire à grand feu, jusqu’à ce que le syrop ait une certaine consistance.

Poires d’hyver. (Compôte de) Les meilleures de cette espce à mettre en compôte, sont la virgouleuse & le bon-chrétien d’hyver. On les fait blanchir, on les pele, & on les met ensuite à l’eau claire avec un peu de verjus, ou jus de citron ; & on les finit comme les précédentes.

Poires. (Gelée de) Pelez-les ; coupez en quartiers, & les faites cuire en marmelade avec de l’eau. Passez cette marmelade au tamis, avec expression ; mettez dans du sucre cuit au cassé. Faites bien bouillir, & écumez ; & lorsque la gelée tombera en nappe de l’écumoire, dressez-la dans des pots. Il faut à cette confiture chopine de sucre clarifié, pour chopine de jus de poires.

Poires. (Gelée rouge de) On la fait comme la précédente, si ce n’est qu’au lieu d’eau pour faire la marmelade, on fait cuire le fruit dans du vin rouge, où l’on a mis un peu de cochenille.

Poires grillées au caramel. (Voyez Poires au caramel.) Ce sont de vieilles compôtes qu’on renouvelle, en les faisant recuire jusqu’à ce que le sucre vienne au caramel.

Poires. (Moyen de conserver les) Il y a divers moyens de conserver ce fruit. Un des meilleurs est de les cueillir dans leur maturité, & dans un tems convenable, d’en sceller le pédicule, ou la queue, à son extrémité, parce que, comme il tire de-là les sucs dont il se nourrit, c’est par-là que ces sucs s’évaporent. Pour les empêcher de s’évaporer, il faut sceller la queue avec de la poix, ou de la cire ; & par-là on prévient, & la perte des sucs qui l’entretiennent, & le passage de l’air qui peut l’altérer.

Poires. (Moyen de dégeler les) Quand ce fruit, qui est moins sujet à se geler que la pomme, est gelé, il ne faut point l’approcher du feu qui acheveroit de détruire sa tissure, de le corrompre ; mais il faut le mettre à l’eau froide, & l’y laisser quelque tems : alors il se fait autour du fruit une espece de croûte de glace, qui, se fondant peu-à-peu, laisse le fruit au même, ou presqu’au même état qu’il étoit auparavant.

Poires. (Pâte de) Prenez de bonnes poires cassantes, telles que le rousselet, la muscate, le messire-jean, & autres, tant d’été que d’hyver ; faites-les cuire sous la braise. Quand elles seront bien cuites, prenez-en ce qui sera le plus cuit ; pressez-le & le passez au tamis, mettez cette marmelade dans du sucre cuit à cassé, autant de sucre que de fruit ; faites frémir le tout. Dressez la pâte à l’ordinaire, & la faites sécher ensuite à l’étuve.

Poires séchées. Mettez-les dans l’eau tiéde jusqu’à ce qu’elles soient bien revenues ; mettez ensuite du sucre dans cette eau, & y faites cuire les poires. Faites un court syrop que vous passerez au tamis ; trempez-y vos poires ; faites-les sécher par quatre jours différens, toujours en les trempant à chaque fois dans ce syrop ; & ne les servez, que lorsqu’elles seront parfaitement séches.

Poires. (Syrop de) Pelez des poires ; faites-les cuire en marmelade ; passez-en le jus au tamis, & le mettez dans le sucre cuit à la grande plume. On les fait cuire ensemble, & réduire au perlé ; deux livres de sucre par chopine d’eau.

Poires tapées. Préparez-les comme les poires séchées ; prenez celles de la meilleure qualité ; & quand elles seront à demi-séches, applatissez-les avec la main ; remettez-les au four, pour les faire sécher entiérement ; achevez de les sécher, & les mettez en boëtes garnies de papier, pour les conserver ; & les tenez en lieu sec.

Poires. (Tourte de) Coupez des poires en deux ; faites-les blanchir à l’eau bouillante ; pelez-les ensuite ; ôtez-en le cœur, & les mettez à mesure à l’eau fraîche ; achevez de les cuire au sucre clarifié, avec quelques tranches de citron ; laissez refroidir ; foncez une tourtiere d’une abaisse de feuilletage ; dressez-y vos poires avec un peu de syrop ; finissez à l’ordinaire. Glacez, lorsqu’elle sera cuite ; & servez chaudement.

Poires (Tourte de) grillées. Faites griller des poires, comme on l’a dit ci-dessus ; ôtez la peau ; fendez-les, & ôtez les cœurs ; faites cuire, comme les précédentes, au sucre clarifié ; & finissez de même la tourte.

Observation médecinale.

Les poires de bon acabit, qui ont du goût, & le degré de maturité qui leur convient, sont humectantes, rafraîchissantes, apéritives, faciles à digérer, nourrissantes, legérement fondantes & laxatives : leur usage convient aux personnes bilieuses, sujettes aux maladies putrides, à la constipation, aux engorgemens du foie. Il y a des estomacs froids & paresseux, qui ne digerent pas facilement ce fruit aqueux : en pareil cas, si on veut profiter du bien que peut faire l’usage des poires, on les mangera avec du sucre ; elles se digéreront mieux alors, ou seulement à moitié cuites dans l’eau, & trempées dans le sucre : les poires en compôte ont perdu une grande partie de leurs qualités salutaires, sans cependant en avoir acquis de nuisibles. C’est, au reste, un aliment sain, leger, qui convient aux plus mauvais estomacs, pourvu qu’elles ne soient no âpres ni styptiques, & qu’on en use, comme on doit même user des meilleures choses, avec la modération requise.

Pour la culture des poires, le choix de poiriers, le moyen de les conserver, voyez le Dictionnaire œconomique chez Vincent.