Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lettre K

Henri Plon (p. 383-395).
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K

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Kaaba. Ce lieu célèbre à la Mecque, dans l’enceinte du temple ou plutôt de la mosquée, est, dit-on, la maison d’Abraham, bâtie par lui, selon les croyances musulmanes. Le seuil est un bloc de pierre qui a été, disent les Arabes, la statue de Saturne, autrefois élevée sur la Kaaba même, et renversée par un prodige, ainsi que toutes les autres idoles du lieu, au moment de la naissance de Mahomet.

La Kaaba est un petit édifice d’une quinzaine de pieds. Les musulmans l’appellent la maison carrée et la maison de Dieu ; dans le Koran elle est désignée comme le lieu le plus saint de la terre : aussi les bons musulmans se tournent-ils toujours dans leurs prières vers la Kaaba ; et il faut être peu dévot pour n’en pas faire au moins une fois en sa vie le pèlerinage. On y révère la fameuse pierre noire qui servait d’échafaud à Abraham lorsqu’il maçonnait la maison carrée. On conte qu’elle se haussait et se baissait d’elle-même, selon les désirs du patriarche. Elle lui avait été apportée par l’ange Gabriel ; et on ajoute que cette pierre, se voyant abandonnée après qu’on n’eut plus besoin d’elle, se mit à pleurer ; Abraham la consola en lui promettant qu’elle serait extrêmement vénérée des musulmans ; et il la plaça en effet près de la porte, où elle est baisée par tous les pèlerins.

Kabires, dieux des morts, adorés très-anciennement en Égypte. Bochard pense qu’il faut entendre sous ce nom les trois divinités infernales : Pluton, Proserpine et Mercure.

D’autres ont regardé les Cabires comme des magiciens qui se mêlaient d’expier les crimes des hommes, et qui furent honorés après leur mort. On les invoquait dans les périls et dans les infortunes. Il y a de grandes disputes sur leurs noms, qu’on ne déclarait qu’aux seuls initiés[1]. Ce qui est certain, c’est que les Cabires sont des démons qui présidaient autrefois à une sorte de sabbat. Ces orgies, qu’on appelait fêtes des Cabires, ne se célébraient que la nuit : l’initié, après des épreuves effrayantes, était ceint d’une ceinture de pourpre, couronné de branches d’olivier et placé sur un trône illuminé, pour représenter le maître du sabbat, pendant qu’on exécutait autour de lui des danses hiéroglyphiques plus ou moins infâmes.

Kaboutermannekens, petits lutins flamands qui font des niches aux femmes de la campagne, surtout en ce qui touche le laitage et le beurre.

Kacher, vieux magicien qui, dans l’histoire fabuleuse des anciens rois de Kachemire, transforma le lac qui occupait ce beau pays en un vallon délicieux, et donna aux eaux une issue miraculeuse en coupant une montagne nommée Baraboulé.

Kaf, montagne prodigieuse qui entoure l’horizon de tous côtés, à ce que disent les musulmans. La terre se trouve au milieu de cette montagne, ajoutent-ils, comme le doigt au milieu de l’anneau. Elle a pour fondement la pierre Sakhrat, dont le moindre fragment opère les plus grands miracles. C’est cette pierre, faite d’une seule émeraude, qui excite les tremblements de terre, en s’agitant selon que Dieu le lui ordonne.

Pour arriver à la montagne de Kaf, il faut traverser de vastes régions ténébreuses, ce qu’on ne peut faire que sous la conduite d’un être supérieur. C’est, dit-on, la demeure des génies. Il est souvent parlé de cette montagne dans les contes orientaux. Voy. Sakhrat.

Kaha, maléfice employé aux îles Marquises. Les habitants attribuent au Kaha la plupart de leurs maladies. Voici comment il se pratique : « Quelque sorcier aura attrapé de votre salive, et puis il vous a lié du terrible Kaha ou maléfice du pays, en enveloppant cette salive dans un morceau de feuille d’arbre et la conservant en sa puissance. Il tient là votre âme et votre vie enchaînées. — À ce mal voici le remède : ceux qui ont eu le pouvoir de vous jeter le charme ont aussi le pouvoir de vous l’ôter, moyennant quelque présent. Le sorcier vient donc se coucher près de vous ; il voit ou il entend le génie du mal ou de la maladie quand il entre en vous et quand il en sort, car il paraît que ces génies se promènent souvent ; et il l’attrape comme au vol, ou bien il le saisit en vous frottant le bras, et il l’enferme à son tour dans une feuille, où il peut le détruire[2]. »

Kahlhammer (Marie), Bavaroise, qui a fait récemment beaucoup de bruit à Munich, à propos de ses communications avec les esprits au moyen des tables tournantes. Un livre d’elle,

 
Kahlhammer
Kahlhammer
 
intitulé Communications des bienheureux esprits et de l’archange Raphaël, par la main de Marie Kahlhammer et par la bouche de Cressence Wolff, a été condamné comme superstitieux et dangereux, et les deux héroïnes excommuniées.

Kaïdmords. Chez les Perses, c’est le nom du premier homme ; il sortit de la jambe de devant d’un taureau, selon la doctrine des mages ; il fut tué par les Dives ; mais il ressuscitera le jour du jugement. On invoque son âme chez les Guèbres. Voy. Boundschesch.

Kaiomers, le premier roi de l’antique dynastie des Pichadiens ; il était, suivant les historiens persans, le petit-fils de Noé. C’est lui qui vainquit les Dives ou mauvais génies à la puissance desquels le pays était soumis.

Kakos, démon invoqué dans les litanies du sabbat.

Kalmouks. Les Kalmouks rendent hommage à deux êtres puissants : au génie du bien et au génie du mal, sacrifiant sur le sommet des

 
Un kalmouk
Un kalmouk
 
montagnes, sur les bords des rivières, ou dans l’intérieur des cabanes, à l’un comme à l’autre, mais le plus souvent à la divinité malfaisante, parce qu’ils jugent nécessaire de la fléchir et d’apaiser son courroux. Le soleil, ou, comme ils l’appellent, l’œil de Dieu, est pour eux l’objet d’un culte particulier. Quelque dégénérée que soit cette fausse religion, on reconnaît cependant le rapport qui existe entre elle et l’une des plus anciennes, celle des disciples de Zoroastre, qui avait étendu son influence non-seulement sur l’Inde et la Perse, mais encore sur les peuples nomades des steppes mongoles ; et nous voyons encore de nos jours des tribus, telles que les Kalmouks, qui en ont conservé le souvenir pendant une suite de siècles.

Les Kalmouks, dans le département de Stawropol (Russie), célèbrent l’entrée de la nouvelle année par des sacrifices et des prédictions qui sont dans les attributions des geljunes, prêtres et devins. Pendant la nuit qui précède le nouvel an, chaque Kalmouk allume une lampe devant son idole et, quand ses moyens le lui permettent, va trouver le gelj une pour se faire prédire ce qui arrivera dans l’année. Le geljune, assis gravement sur un tabouret, examine les entrailles d’un agneau, parcourt ses tables astrologiques et répond aux questions qui lui sont posées par des paroles à double sens. Là ne se bornent point ses fonctions. Il doit annoncer aussi quel temps il fera pendant l’année, si les récoltes seront bonnes, etc.

Au reste, il faut avouer que les Kalmouks sont d’excellents prophètes en ce qui concerne le temps. Il y a quelques années, un Kalmouk qui passait par la ville de Stawropol prédit deux ou trois semaines avant Pâques que ce jour-là il tomberait de la neige.

C’était dans les derniers jours du mois de mars (ancien style) ; le temps était superbe, les prés commençaient à verdir, les arbres à bourgeonner. On le traita de fou ; et comme il s’en allait dans le bazar, criant : À Pâques, de la neige ! de la

 
 
neige à Pâques ! on l’arrêta, en lui promettant que, s’il disait vrai, on lui compterait 25 roubles ; mais que, dans le cas contraire, on lui administrerait une correction exemplaire. Le temps resta comme il était ; mais le dimanche de Pâques, vers dix heures, voilà tout à coup qu’un léger vent nord-ouest se met à souffler, devient plus intense, et, à onze heures, éclate une véritable tempête de neige, qui força les habitants de Stawropol à s’envelopper de leurs plus chaudes pelisses. Au lieu de 25 roubles, le Kalmouk en reçut 75.

Aujourd’hui, comme au moyen âge, les Kalmouks ont des schamanes qui, abusant de leur crédulité, leur persuadent qu’ils possèdent un empire magique sur une foule de génies invisibles dont ils se disent accompagnés et qui leur révèlent l’avenir et les choses secrètes. Comme au moyen âge, le mort et même le malade leur inspirent une horreur qu’ils n’ont garde de cacher. Après avoir placé près de lui tout ce dont il peut avoir besoin à leur avis, ils s’éloignent du malade, fut-ce leur père ; la couche du mourant, s’il est riche, est gardée tout au plus par un schamane ; la famille se contente d’envoyer de temps en temps demander de ses nouvelles. Cette indifférence inhumaine ne les empêche pas de rendre après la mort tous les honneurs possibles à celui qu’ils viennent de perdre. Le défunt, vêtu de ses plus beaux habits, est quelquefois enterré au fond des bois, avec son arc et ses flèches, sa pipe, sa selle et son fouet. D’autres suspendent leurs morts dans des couvertures de feutre au haut des arbres les plus élevés ; d’autres enfin en brillent les restes mortels sur un bûcher pour garder leurs cendres. Dans ce cas le cheval favori, du défunt est brûlé avec lui. Ce sont encore les mœurs dont parlent les chroniques et les voyageurs du moyen âge. En général cette peuplade offre jusqu’à présent l’image fidèle de ce qu’étaient les Mongols à une époque malheureusement trop glorieuse pour cette nation, lorsque, conduits par Tchinguis-Khan, ils portèrent de victoire en victoire la terreur et la désolation jusqu’au centre de l’Europe, jusque dans les plaines riantes de la Silésie. — Voyez Kosaks.

Kalpa-Tarou, arbre fabuleux sur lequel les

 
Kalpa-Tarou
Kalpa-Tarou
 
Indiens d’autrefois cueillaient tout ce qu’ils pouvaient désirer.

Kalstrara. C’est le nom que donnaient les anciens Bavarois aux sorciers charmeurs.

Kalta. On trouve dans l’Eyrbiggia Saga l’histoire curieuse d’une lutte entre deux sorcières du Nord. L’une d’elles, Geiralda, était résolue à faire mourir Oddo, le fils de l’autre, nommée Kalta, qui dans une querelle avait, coupé une main à sa bru. Ceux que Geiralda avait envoyés tuer Oddo s’en revinrent déconcertés. Ils n’avaient rencontré que Kalta, filant du lin à une grande quenouille. — Fous, leur dit Geiralda, cette quenouille était Oddo. — Ils retournèrent sur leurs pas, s’emparèrent de la quenouille et la brûlèrent. Mais alors Kalta avait caché son fils sous la forme d’un chevreau. Une troisième fois, elle le changea en pourceau. Les émissaires, furieux de ne pouvoir mettre la main sur celui qu’ils cherchaient, voulurent se dédommager de leurs peines, s’emparèrent du porc, le tuèrent, et ne furent qu’à

 
Kalta
Kalta
 
demi satisfaits quand, le charme détruit, ils reconnurent qu’au lieu d’un cochon gras, ils n’avaient que le cadavre du fils de Kalta.

Kamis, esprits familiers au Japon.

Kamlat, opération magique en usage chez les Tartares de Sibérie, et qui consiste à évoquer le diable au moyen d’un tambour magique ayant la forme d’un tamis ou plutôt d’un lambour de basque. Le sorcier qui fait le kamlat marmotte quelques mots tartares, court de côté et d’autre, s’assied, se relève, fait d’épouvantables grimaces et d’horribles contorsions, roulant les yeux, les fermant, et gesticulant comme un insensé. Au bout d’un quart d’heure, il fait croire que, par ses conjurations, il évoque le diable, qui vient toujours du côté de l’occident en forme d’ours, pour lui révéler ce qu’il doit répondre ; il fait entendre qu’il est quelquefois maltraité cruellement par le démon, et tourmenté jusque dans le sommeil. Pour en convaincre ses auditeurs, il feint de s’éveiller en sursaut en criant comme un possédé.

Kamosch et Kemosch. Voy. Chamos.

Kantius le Silésien. L’histoire de Jean Kantius, racontée au docteur More par un médecin de la Silésie, est un des exemples les plus frappants de cette croyance aux vampires, qui a régné en souveraine sur certains esprits au dernier siècle. — On dit que Kantius, échevin de la ville de Pesth, sortant du tombeau, apparut dans la ville qui l’avait vu naître ; mais ce qui est positif, c’est que de nombreuses rumeurs, relatives à ce même fait, jetèrent une agitation violente et une terreur profonde parmi ses concitoyens et dans toute l’étendue de la Silésie. On

 
Kantius le Silésien
Kantius le Silésien
Kantius le Silésien.
 
condamna son cadavre à être brûlé comme vampire… Mais l’exécution rencontra un obstacle teur est le célèbre cheik Sephy, l’aïeul du prince qui régnait au temps du voyageur Chardin ; et l’on croyait fortement en Perse qu’il contenait une partie des principales révolutions d’Asie, jusqu’à la fin du monde. Il était alors gardé avec soin dans le trésor royal, comme un original dont il n’y a point de double ni de copie, car la connaissance en était interdite au peuple.
 
Le diable vient toujours en forme d’ours. — Page 386
Le diable vient toujours en forme d’ours. — Page 386.
 

Karcist, nom qu’on donne, dans le Dragon étonnant. On ne put tirer le corps de la fosse, tant il était pesant.

Enfin les citoyens de Pesth, bien inspirés, cherchèrent et découvrirent le cheval dont la ruade avait tué Kantius ; ce cheval parvint à grand’peine à amener hors de terre les restes de son ancien maître. Lorsqu’il s’agit d’anéantir ces restes, une autre difficulté se présenta. On mit le corps sur un bûcher allumé, et il ne se consuma pas… On fut obligé de le couper en morceaux que l’on réduisit partiellement en cendres, et depuis lors l’échevin Jean Kantius cessa de faire des apparitions dans sa ville natale.

Karajaméa. Les Persans ont un livre mystérieux appelé Karajaméa (recueil des révolutions futures) ; il est pour eux ce qu’étaient autrefois les oracles des sibylles pour le peuple romain. On le consulte dans les, affaires importantes, et surtout avant d’entreprendre une guerre ; on le dit composé de neuf mille vers, chaque vers formant une ligne de cinquante lettres. Son au-rouge, à l’adepte ou sorcier qui parle avec les esprits.

Kardec (Allan), écrivain contemporain, qui s’occupe du spiritisme et s’est mis en rapport avec les esprits. Il a publié quelques ouvrages dont le plus important est intitulé « Le Livre des esprits, contenant les principès de la doctrine spirite sur la nature des esprits, leur manifestation et leurs rapports avec les hommes, les lois morales, la vie présente, la vie future et l’avenir de l’humanité ; écrit sous la dictée et publié par l’ordre d’esprits supérieurs, par Allan Kardec. » Paris, 1857, chez Dentu. D’après le système de ce livre, qui n’est pas d’accord avec notre foi, nos âmes vivaient à l’état d’esprits avant de s’incarner en nous, et elles revivront esprits en nous quittant. Voy. Spiritisme.

Karra-Kalf, le plus haut degré de la magie en Islande. Dans les temps modernes, lorsqu’on pratiquait le kara-kalf, le diable paraissait sous la forme d’un veau nouvellement né et non encore nettoyé par sa mère. Celui qui désirait d’être initié parmi les magiciens était obligé de nettoyer le veau avec sa langue ; par ce moyen, il parvenait à la connaissance des plus grands mystères.

Katakhanès. C’est le nom que les habitants de l’île de Candie donnent à leurs vampires. En aucune contrée du Levant la croyance aux vampires ou katakhanès n’est aussi générale que dans cette île, où l’on croit aussi aux démons des montagnes, de l’air et des eaux. Voici un fait raconté il n’y a pas longtemps à un voyageur anglais[3] :

« Un jour, le village de Kalikrati, dans le district de Sfakia, fut visité par un katakhanès ; les habitants s’efforcèrent de découvrir qui il était et d’où il venait. Ce katakhanès tuait non-seulement les enfants, mais encore les adultes, et il étendait ses ravages jusqu’aux villages des environs. Il avait été enterré dans le cimetière de l’église de Saint-Georges à Kalikrati, et une arcade avait été construite au-dessus de sa tombe. Un garçon, gardant ses moutons et ses chèvres auprès de l’église, fut surpris par une averse et vint se réfugier sous cette arcade. Après avoir ôté ses armes pour prendre du repos, il les posa en croix à côté de la pierre qui lui servait d’oreiller. La nuit était venue. Le katakhanès, sentant alors le besoin de sortir, dit au berger : — Compère, lève-toi de là ; car il faut que j’aille âmes affaires. Le berger ne répondit ni la première fois, ni la deuxième, ni la troisième. Il supposa que le mort inhumé dans cette tombe était le katakhanès, auteur de tous les meurtres commis dans la contrée. En conséquence, la quatrième fois qu’il lui adressa la parole, le berger répondit : — Je ne me lèverai point de là, compère, car je crains que tu ne vailles pas grand’chose ; et tu pourrais me faire du mal ; mais s’il faut que je me lève, jure par ton linceul que tu ne me toucheras pas ; alors je me lèverai.

» Le katakhanès ne prononça pas d’abord les paroles qu’on lui demandait ; mais le berger persistant à ne point se lever, il finit par faire le serment exigé. Sur cela le berger se leva et ôta ses armes du tombeau ; le katakhanès sortit aussitôt ; après avoir salué le berger, il lui dit : — Compère, il ne faut pas que tu t’en ailles ; reste assis là ; j’ai des affaires dont il est nécessaire que je m’occupe ; mais je reviendrai dans une heure, et je te dirai quelque chose.

» Le berger donc attendit ; le katakhanès s’en alla à environ dix milles de là, où vivaient deux jeunes époux nouvellement mariés ; il les égorgea tous deux. À son retour, le berger s’aperçut que les mains du vampire étaient souillées de sang, et qu’il rapportait un foie dans lequel il soufflait, comme font les bouchers, pour le faire paraître plus grand. — Asseyons-nous, compère, lui dit le katakhanès, et mangeons le foie que j’apporte. — Mais le berger fit semblant de manger ; il n’avalait que le pain et laissait tomber les morceaux de foie sur ses genoux.

» Or, quand le moment de se séparer fut venu, le katakhanès dit au berger : — Compère, ce que tu as vu, il ne faut point en parler ; car, si tu le fais, mes vingt ongles se fixeront dans ta figure et dans celles de tes enfants. — Malgré cela, le berger ne perdit point de temps ; il alla sur-le-champ tout déclarer à des prêtres et à d’autres personnes ; et on se rendit au tombeau, dans lequel on trouva le corps du katakhanès précisément dans l’état où il était quand on l’avait enterré : tout le monde fut convaincu que c’était lui qui était cause des maux qui pesaient sur le pays. On rassembla une grande quantité de bois que l’on jeta dans la tombe, et on brûla le cadavre. Le berger n’était pas présent ; mais, quand le katakhanès fut à moitié consumé, il arriva pour voir la fin de la cérémonie, et alors le vampire lança un crachat : c’était une goutte de sang qui tomba sur le pied du berger ; ce pied se dessécha comme s’il eût été consumé par le feu. Quand on vit cela, on fouilla avec soin dans les cendres ; on y trouva encore l’ongle du petit doigt du katakhanès ; et on le réduisit en poussière. » — Telle est la terrible histoire du vampire de Kalikrati. C’est sans doute au goût qu’on suppose à ces êtres malfaisants pour le foie humain qu’il faut attribuer cette exclamation que Tavernier attribue à une femme candiote : — J’aimerais mieux manger le foie de mon enfant ! Voy. Vampires.

Katmir. Chien des sept Dormants. Voy. Dormants.

Kaybora, esprit des forêts, à l’existence duquel croient encore les Américains ; ils disent que cet esprit enlève les enfants, les cache dans le creux des arbres et les y nourrit[4].

Kayllinger, fameux cristalomancien allemand, de qui Faust prit des leçons pendant deux ans.

Kelby, esprit qu’une superstition écossaise suppose habiter les rivières sous différentes formes, mais plus fréquemment sous celle du cheval. Il est regardé comme malfaisant et porte quelquefois une torche. On attribue aussi à ses regards un pouvoir de fascination.

Kelen et Nysrock, démons que les démonographes font présider aux débauches, aux danses, aux orgies.

Kelpie, cheval-diable. Voy. Nickar.

Kemosch. Voy. Chamos.

Kenne, pierre fabuleuse qui se forme dans l’œil d’un cerf, et à laquelle on attribue des vertus contre les venins.

Kentorp, couvent non loin de Hamm, dont les religieuses furent possédées au seizième siècle par des maléfices que leur cuisinière mêlait, comme elle l’avoua, à leurs aliments. Leur possession consistait en démences et en épilepsies. Wierus parle de ces faits.

Kephalonomancie, divination qui se

 
Kephalonomancie
Kephalonomancie
 
pratiquait en faisant diverses cérémonies sur la tête cuite d’un âne. Elle était familière aux Germains. Les Lombards y substituèrent une tête de chèvre. Delrio soupçonne que ce genre de divination, en usage chez les juifs infidèles, donna heu à l’imputation qui leur fut faite d’adorer un âne. Les anciens la pratiquaient en mettant sur des charbons allumés la tête d’un âne, en récitant des prières superstitieuses, en prononçant les noms de ceux qu’on soupçonnait d’un crime, et en observant le moment où les mâchoires se rapprochaient avec un léger craquement. Le nom prononcé en cet instant désignait le coupable. Le diable arrivait aussi quelquefois sans se montrer pour répondre aux questions qu’on avait à lui faire.

Kericoff, démon des lacs, très-redouté en Russie. Il bat les flots de ses pieds de cheval à travers les tempêtes, élève des trombes et, de ses grandes mains noires, fait sombrer les barques. Il poursuit ensuite le marin qui cherche à se sauver sur une planche ou sur un tonneau, et si l’infortuné se retourne, il voit la grosse tête humaine du mauvais esprit.

Khizzer. Les Orientaux donnent ce nom au prophète Élie, dont ils font un grand enchanteur, attaché à Alexandre le Grand.

Khumano-Goo, sorte d’épreuve en usage au Japon. On appelle goo un petit papier rempli de caractères magiques, de figures de corbeau et d’autres oiseaux noirs. On prétend que ce papier est un préservatif assuré contre la puissance des esprits malins ; et les Japonais ont soin d’en

 
Khumano-Goo
Khumano-Goo
 
acheter pour les exposer à l’entrée de leurs maisons. Mais parmi ces goos, ceux qui ont la plus grande vertu viennent d’un certain endroit nommé Khumano ; ce qui fait qu’on les appelle Khumano-goos. Lorsque quelqu’un est accusé d’un crime et qu’il n’y a pas de preuves suffisantes pour le condamner, on le force à boire une certaine quantité d’eau dans laquelle on met un morceau de khumano-goo. Si l’accusé est innocent, cette boisson ne produit sur lui aucun effet ; mais s’il est coupable, il se sent attaqué de coliques qui le forcent à avouer. Quelquefois on fait avaler le goo. Voy. ce mot.

Kiakiak, le démon au Pégu. Il a son temple au sommet d’une montagne, et les bonzes seuls osent y entrer. Kiakiak doit un jour détruire le monde. Mais alors Dagoun, le dieu suprême, qui s’y attend et qui se prépare, en créera un autre bien plus parfait.

Kijoun, nom d’une idole que les Israélites honorèrent dans le désert, et qui paraît avoir été le soleil. Le prophète Amos en parle au chap. v.

Kiones, idoles communes en Grèce. C’étaient des pierres oblongues en forme de colonnes, d’où vient leur nom.

Kirghis. Les Kirghis, voisins des Kalmouks, sont mahométans ; ils ont un grand prêtre appelé Achoun, qui réside près du khan ; ignorants et superstitieux, ils croient aux sortilèges et possèdent cinq classes de magiciens : les uns font leurs prédictions avec des livres, d’autres se servent de l’omoplate d’une brebis, dépouillée avec un couteau, car elle serait sans vertu si quelqu’un y avait porté les dents ; une troisième classe, pour lire dans l’avenir, sacrifie un cheval, un mouton ou un bouc sans défaut ; la quatrième consulte la flamme qui s’élève du beurre ou de la graisse jetés dans le feu. Enfin il y a des sorcières qui ensorcèlent les esclaves, persuadent aux maîtres que si l’esclave ensorcelé venait à déserter, il s’égarerait indubitablement dans sa fuite et retomberait dans les mains de son maître ; que s’il s’échappait, il rentrerait au moins dans l’esclavage du même peuple.

Pallas rapporte, d’après le récit même qu’il en a entendu faire par les Kirghis, un fait assez ingénieusement inventé : Un parti de Kirghis se mit un jour en campagne avec un des devins de la seconde classe pour attaquer les Kalmouks ; ceux-ci avaient également un devin qui, employant toute sa science, avertit ses compatriotes de l’arrivée des Kirghis, et les engagea à s’éloigner à mesure que ceux-ci avançaient. Le devin kirghis, voyant que son frère le Kalmouk allait faire échouer l’entreprise, employa la ruse ; il dit aux Kirghis de seller leurs chevaux à reculons et de monter dessus. Le Kalmouk, ainsi induit en erreur, vit sur son os que les Kirghis rétrogradaient ; il conseilla donc à son parti de revenir sur ses pas. Les Kirghis joignirent par ce moyen les Kalmouks et les firent prisonniers[5].

 
Kerikoff, démon des lacs. — Page 389.
Kerikoff, démon des lacs. — Page 389.
 

Kisilova (le vampire de). Le marquis d’Argens, qui n’était pas un homme crédule, raconte, dans sa cent trente-septième lettre juive, une histoire de vampire qui eut lieu au village de Kisilova, à trois lieues de Gradisch. Ce qui doit le plus étonner dans ce récit, c’est que d’Argens, alors incrédule, ne met pas en doute cette aventure :

On vient d’avoir en Hongrie, dit-il, une scène de vampirisme qui est dûment attestée par deux officiers du tribunal de Belgrade, lesquels ont fait une descente sur les lieux, et par un officier des troupes de l’empereur, à Gradisch : celui-ci a été témoin oculaire des procédures. Au commencement de septembre mourut, dans le village de Kisilova, un vieillard âgé de soixante-deux ans. Trois jours après qu’il fut enterré, il apparut à son fils pendant la nuit et lui demanda à manger. Celui-ci l’ayant satisfait, le spectre mangea ; après quoi il disparut. Le lendemain, le fils raconta à ses voisins ce qui lui était arrivé. Le fantôme ne se montra pas ce jour-là ; mais trois nuits après, il revint demander encore à souper. On ne sait pas si son fils lui obéit encore ou non ; mais on le trouva le lendemain mort dans son lit. Le même jour, cinq ou six personnes tombèrent subitement malades dans le village, et moururent l’une après l’autre en peu de temps. Le bailli du lieu, informé de ce qui se passait, en fit présenter une relation au tribunal de Belgrade, qui envoya à ce village deux de ses agents,

 
Le vampire de Kisilova
Le vampire de Kisilova
Le vampire de Kisilova.
 
avec un bourreau, pour examiner l’affaire. Un officier impérial s’y rendit de Gradisch, pour être témoin d’un fait dont il avait si souvent ouï parler. On ouvrit les tombeaux de tous ceux qui étaient morts depuis six semaines. Quand on en vint à celui du vieillard, on le trouva les yeux ouverts, d’une couleur vermeille, ayant une respiration naturelle, cependant immobile et mort : d’où l’on conclut que c’était un insigne vampire. Le bourreau lui enfonça un pieu dans le cœur ; on fit un bûcher et l’on réduisit en cendres son cadavre. On ne trouva aucune marque de vampirisme ni dans le corps du fils, ni dans celui des autres morts.

« Grâces à Dieu, ajoute le marquis d’Argens, nous ne sommes rien moins que crédule ; nous avouons que toutes les lumières de la physique que nous pouvons approcher de ce fait ne découvrent rien de ses causes : cependant nous ne pouvons refuser de croire véritable un fait attesté juridiquement et par des gens de probité. »

Klabber ou Kab-Outer, lutins de petite taille qui, l’hiver, en Écosse, quand il n’y a pas de clair de lune, descendent par les cheminées dans les maisons des paysans, s’assoient tranquillement devant le foyer, qu’ils rallument, mais qu’on ne voit pas brûler, et se chauffent. Le matin, quand la ménagère se lève, elle voit que tout le bois qu’elle avait laissé dans l’âtre est consumé, excepté quelques menus brins. Si elle les rallume, ils font autant de chaleur et de profit que de grosses bûches. Si elle fait le signe de la croix ou si elle maudit le klabber, le charme est rompu, et le lutin se venge par quelque malice.

Les klabbers sont vêtus de rouge et ont la peau verte.

Kleudde. Kleudde, tout barbare, tout cacophonique que doive vous paraître ce nom, est un lutin, et un lutin vivant des brouillards de la Flandre, un lutin malfaisant, qui a les regards du basilic et la bouche du vampire, l’agilité du follet et la hideur du griffon. Il aime les nuits froides et brumeuses, les prairies désertes et arides et les champs incultes. Nuire et semer

 
Kleudde
Kleudde
 
l’épouvante sont, dit-on, le seul bonheur de cet affreux lutin ; il se plaît au milieu des ruines couvertes de mousse ; il fuit les saints lieux où reposent des chrétiens ; l’aspect d’une croix l’éblouit et le torture ; il ne boit qu’une eau verte croupissant au fond d’un étang desséché le pain n’approche jamais de ses lèvres, la lumière du grand jour lui brûle les yeux ; il n’apparaît qu’aux heures où le hibou gémit dans la tour abandonnée ; une caverne souterraine est sa demeure ; ses pieds n’ont jamais souillé le seuil d’une habitation humaine ; le mystère et l’horreur entourent son existence maudite. Vagues comme les atomes de l’air, ses formes échappent aux doigts et ne laissent aux mains de l’imprudent qui essayerait de les étreindre qu’une ligne noire et douloureuse comme une brûlure. Son rire est semblable à celui des damnés ; son cri, rauque et indéfinissable, fait tressaillir jusqu’au fond des entrailles ; Kleudde a du sang de démon dans les veines. Malheur à qui, le soir, dans sa route, rencontre Kleudde, le lutin noir[6] !

Klinger (Frédéric-Maximilien de), militaire allemand, né à Francfort-sur-le-Mein en 1753, mort à Saint-Pétersbourg en 1831, auteur de quelques ouvrages]singuliers, entre autres : la Vie, les faits et gestes de Faust et sa Descente aux enfers, publié à Kœnigsberg, en 1819.

Knipperdolinck, l’un des associés de Jean de Leyde. Voyez ce mot.

 
Bernhard Knipperdollinck
Bernhard Knipperdollinck
Bernhard Knipperdollinck.
stadtvogt zu munster in westphalen
1533.
 

Knox (Jean), apostat, écossais et l’un des plus féroces brigands de la réforme, né en 1505, mort en 1572. Il était chapelain d’Édouard VI et se fit chasser pour ses mœurs immondes. Il alla se redresser à Genève, revint dans son pays réformer en abattant les églises, en assommant les prêtres ; car il marchait suivi d’une bande. Il contribua par ses diatribes à la perte de Marie Stuart. Il s’occupait aussi de magie, et dans le procès qu’il dut subir sur cette accusation, on établit qu’il avait fait des évocations dans le cimetière de Saint-André, qu’il y avait fait paraître le diable sous une forme épouvantable, et que cette apparition terrible avait frappé son secrétaire, présent à cette scène, d’un tel effroi qu’il en était mort…

Kobal, démon perfide qui mord en riant, directeur général des farces de l’enfer, peu joyeuses sans doute ; patron des comédiens.

Kobold, esprit de la classe des lutins. « C’est un petit nain étrange, de forme rabougrie, avec des habits bariolés, un bonnet rouge sur la tête. Honoré par les valets, les servantes et les cuisinières de l’Allemagne, il leur rend de bons offices ; il étrille leurs chevaux, il lave la maison, tient la cuisine en bon ordre et veille à tout.

 
Kobold
Kobold
 
Qu’on ne s’avise pas de le négliger. Si c’est une cuisinière, rien ne lui réussit ; elle se brûle dans l’eau bouillante ; elle brise la vaisselle ; elle renverse ou gâte les sauces ; et quand le maître du logis la gronde, elle entend le Kobold rire aux éclats derrière elle. S’il a reçu quelque insulte, la scène devient plus tragique, il verse dans les plats du poison ou du sang de vipère ; quelquefois même il tord le cou à l’imprudent valet qui l’a harcelé[7]. » — Il est de la famille des Cobales et des Coboli ; peut-être leur tige. Voy. ces mots.

Kojozed. « Le lévrier du seigneur de Kojozed

 
Kojozed
Kojozed
 
parcourt les bois et les plaines, léger comme le souffle du vent ; c’est le favori de son maître. Le hautain seigneur, qui hait les hommes, donne toute son affection à l’animal, compagnon de ses courses vagabondes par les forêts et les campagnes. Mais il a disparu le beau lévrier, l’ami constant du seigneur. Le front assombri, le regard menaçant, environné des vassaux qui le redoutent, Kojozed revient de la chasse. Il veut qu’on retrouve son chien ; sa menace épouvante ceux qui l’entourent. Vingt chasseurs s’élancent et battent les bois du voisinage. Mais le lévrier ne revient pas. Une femme, accablée par l’âge, hideuse comme la mort, arrête la bride du cheval de Kojozed. — Que veux-tu ? dit le seigneur. — Te rendre l’ami que tu as perdu. — Où est-il ? — Seule je le sais ; il va dépasser les frontières de la Bohême. — Vieille, comment le sais-tu ? — Je suis vieille, mais puissante. Regarde-moi. » La vieille se redressa, l’œil étincelant de sombres feux ; une clarté sinistre brillait sur sa tête ; le cheval, averti par son instinct, hennissait et voulait fuir : le seigneur de Kojozed reconnut la sorcière.

« Si tu me donnes Jean le Chasseur, ton vassal, je te rendrai ton lévrier. Tu sais que la magicienne ne peut recouvrer sa jeunesse perdue qu’en baignant ses membres flétris dans le sang d’un jeune homme.

— Que cela soit ! » répondit Kojozed.

Jean frémit et tomba aux genoux de son maître :

« Mes pères, s’écrie-t-il, ont servi vos pères pendant deux cents ans ; ma mère vous a nourri de son lait, et vous voulez me donner la mort ! Oh ! ne donnez pas le sang de Jean le Chasseur pour un lévrier ! »

Mais il prie en vain : le pacte s’accomplit. Quand la sorcière ramènera le lévrier à son maître, elle emmènera le jeune homme. Elle témoigne de sa joie par un affreux sourire, et bientôt elle revient tenant en laisse le chien favori. Jean le Chasseur est livré comme payement de la dette contractée par son seigneur, et bientôt, parmi les rites magiques, le sang du vassal coule dans une urne d’airain, et la sorcière se plonge dans ce bain effroyable. La noire caverne retentit des derniers soupirs de Jean et des accents de joie de la magicienne, qui a retrouvé les forces et les grâces de la jeunesse.

Tout était fini : Jean le Chasseur venait d’expirer, quand le lévrier chéri, auquel Kojozed avait sacrifié son serviteur, mourut sous les yeux de son maître[8].

Kolfi. C’est aussi sous ce nom qu’on désigne les kobolds.

Koran, livre et code des musulmans écrit par Mahomet, plein de fables, de singularités et de prodiges. Voyez Maoridath.

Kornmann (Henri), jurisconsulte allemand, mort en 1620. Il a laissé un livre curieux intitulé De miraculis mortuorum, imprimé in-8o l’année de sa mort et devenu très-rare.

Kosaks. Les Kosaks, ainsi que les Kalmouks de leur voisinage, ne sont généralement ni chrétiens ni musulmans. Ils ont tiré de l’Asie une cosmogonie où se retrouvent, comme partout, quelques souvenirs de l’Ancien Testament, enfouis sous des monceaux de folles croyances. De leurs bourkans ou dieux, celui qui protège spécialement la terre est un éléphant blanc comme la neige, long de deux lieues, riche de trente-trois têtes rouges, chacune desquelles se joue de six trompes qui lancent six fontaines. Ce dieu principal est peut-être unique dans les mythologies.

Mais les Kalmouks content, ainsi que quelques hordes de Kosaks, que les hommes, au commencement, vivaient plusieurs siècles ; qu’ils étaient heureux ; que l’un d’eux mangea d’un fruit qu’il n’était pas permis de manger, que tous les autres l’imitèrent et qu’alors l’espèce humaine perdit sa sainteté et le privilège qu’elle avait de prendre son vol et d’aller dans les deux ; qu’elle vécut longuement dans les ténèbres et dans la misère ; que la terre, maudite à cause de leur péché, devint stérile, etc. Ils attendent un réparateur et croient à un enfer où les méchants souffriront deux cents millions d’années.

Kotter, visionnaire. Voy. Comenius.

Koughas, démons ou esprits malfaisants, redoutés des Aléotes, insulaires voisins du Kamtschatka. Ils attribuent leur état d’asservissement et leur détresse à la supériorité des koughas russes sur les leurs ; ils s’imaginent aussi que les étrangers, qui paraissent curieux de voir leurs cérémonies, n’ont d’autre intention que d’insulter à leurs koughas, et de les engager à retirer leur protection aux gens du pays.

Koupaïs. Ce sont les dieux des Tartares de l’Altaï. Ils sont sept et peu puissants ; ils laissent faire.

Kourrigans, lutins redoutés qui se promènent à cheval sur des juments blanches dans les forêts de la Bretagne.

Kraken. « C’est une tradition répandue dans les mers du Nord et sur les côtes de Norvège qu’on voit souvent des îles flottantes surgir au sein des vagues avec des arbres tout formés, aux rameaux desquels pendent des coquillages au lieu de feuilles, mais qui disparaissent au bout de quelques heures. Deber y fait allusion dans son livre intitulé Feroa reserata, et Harpelius dans son Mundus mirabilis, Torfœus dans son Histoire de la Norvège. Les gens du peuple et les matelots regardent ces îles comme les habitations sous-marines d’esprits malins, qui ne les font ainsi surnager que pour railler les navigateurs, confondre leurs calculs et multiplier les embarras de leur voyage. Le géographe Burœus avait placé sur sa carte une de ces îles merveilleuses qu’on appelait Gommer’s-Ore, et qui apparaît parmi les récifs en vue de Stokholm. Le baron Charles de Grippenheim raconte qu’il avait vainement cherché cette île en sondant la côte, lorsqu’un jour, tournant la tête par hasard, il distingua comme trois points de terre qui s’étaient tout à coup élevés sur la surface des flots. «Voilà sans doute la Gummer’s-Ore de Burœus ? demanda-t-il au pilote qui gouvernait sa chaloupe. — Je ne sais, répondit celui-ci ; mais soyez certain que ce que nous voyons pronostique une tempête ou une grande abondance de poisson. » Gummer’s-Ore n’est qu’un amas de récifs à fleur d’eau, où se tient volontiers le Sæ-trolden ou plutôt c’est le Sæ-trolden lui-même. »

En citant cette conversation, le savant baron ajoute que l’opinion du pilote lui parut plus vraisemblable que celle du géographe, et il l’adopta.

« Les pêcheurs norvégiens, dit Pontoppidan, affirment tous, et sans la moindre contradiction dans leurs récits, que, lorsqu’ils poussent au large à plusieurs milles, particulièrement pendant les jours les plus chauds de l’année, la mer semble tout à coup diminuer sous leurs barques, et s’ils jettent la sonde, au lieu de trouver quatre-vingts ou cent brasses de profondeur, il arrive souvent qu’ils en mesurent à peine trente : c’est un kraken qui s’interpose entre les bas-fonds et l’onde supérieure. Accoutumés à ce phénomène, les pêcheurs disposent leurs lignes, certains que là abonde le poisson, surtout la morue et la lingue, et ils les retirent richement chargées ; mais si la profondeur de l’eau va toujours diminuant, et si ce bas-fond accidentel et mobile remonte, les pêcheurs n’ont pas de temps à perdre : c’est le kraken qui se réveille, qui se meut, qui vient

 
Kraken
Kraken
 
respirer l’air et étendre ses larges bras au soleil. Les pêcheurs font alors force de rames, et quand, à une distance raisonnable, ils peuvent enfin se reposer avec sécurité, ils voient en effet le monstre qui couvre un espace d’un mille et demi de la partie supérieure de son dos.

» Les poissons surpris par son ascension, sautillent un moment dans les creux humides formés par les protubérances inégales de son enveloppe extérieure ; puis de cette masse flottante sortent des espèces de pointes ou de cornes luisantes, qui se déploient et se dressent, semblables à des mâts armés de leurs vergues : ce sont les bras du kraken, et telle est leur vigueur que s’ils saisissaient les cordages d’un vaisseau de ligne, ils le feraient infailliblement sombrer. Après être resté quelque temps sur les flots, le kraken redescend avec la même lenteur, et le danger n’est guère moindre pour le navire qui serait à sa portée, car en s’affaissant il déplace un tel volume d’eau, qu’il occasionne des tourbillons et des courants aussi terribles que ceux de la fameuse rivière Male.

» C’est évidemment du kraken que parle Olaüs Wormius sous le nom de hafgufe. Cet auteur dit aussi que son apparition sur l’eau ressemble plutôt à celle d’une île qu’à celle d’un animal, similiorem insulæ quam bestiæ, et il ajoute qu’on n’a jamais trouvé son cadavre, parce que le kraken doit vivre aussi longtemps que le monde, et qu’il n’est pas probable qu’aucun pouvoir ou instrument soit capable d’abréger violemment la vie d’un animal si monstrueux. Cependant, en 1680, un jeune kraken vint s’engager dans les eaux qui courent entre les récifs d’Altstahong ; il y périt misérablement. Comme ce corps immense remplissait à peu près tout le chenal, la putréfaction fut telle qu’on eut une crainte assez fondée que la peste ne vînt désoler le pays. L’assesseur consistorial de Bodœn, M. Friis, dressa un rapport de cet événement.

» Olaüs Magnus, dans son ouvrage De piscibus monstruosis ; Paulinus, dans ses Ephémérides des curiosités de la nature, et Bartholin, dans son Histoire anatomique, admettent également l’existence du kraken et le décrivent à peu près dans les mêmes termes que M. Wormius. Bartholin ajoute que l’évêque de Nidros, voyant cette île flottante apparaître sur les eaux, eut la pieuse idée de la consacrer immédiatement à Dieu, en y célébrant le sacrifice de la messe. Il y fit transporter et dresser un autel et officia lui-même. Soit hasard, soit miracle, le kraken resta immobile au soleil tout le temps que dura la cérémonie ; mais à peine l’évêque eut-il regagné le rivage, on vit l’île supposée se submerger elle-même et disparaître. Selon le même Bartholin, il n’y aurait que deux krakens, qui dateraient du commencement du monde et ne pourraient se multiplier. De peur que l’eau, la nourriture et l’espace ne vinssent à manquer à une race de pareils géants, Dieu, dans sa prévoyance, aurait mesuré avec une sage lenteur tous les mouvements du kraken, qui n’éprouverait les sentiments de la faim qu’une fois dans l’année. Sa digestion achevée, le monstre, dit encore Bartholin, laisse échapper ses excréments, qui répandent une odeur si suave que les poissons accourent pour s’en repaître ; mais lui, ouvrant une effroyable gueule, semblable à un golfe ou détroit, instar sinus aut freti, y aspire tous les malheureux poissons affriandés et pris au piège[9]. »

Kratim ou Katmir. C’est le nom qu’on donne au chien des sept Dormants. Voy. Dormants.

 
Bernard Krechting
Bernard Krechting
 

Krechting, l’un des séides de Jean de Leyde. Voyez ce mot.

Krodo, vieux dieu Scandinave qui vit à cheval sur un poisson gigantesque, et autour duquel on sent l’odeur du sang mêlée au parfum des fleurs.

Kuffa (Catherine), sorcière lorraine qui vivait sous Henri III. Elle confessa qu’elle avait hanté le sabbat et qu’un jour elle y avait compté cinq cents personnes, parmi lesquelles les femmes étaient en grande majorité.

Kuhlmann (Quirinus), l’un des visionnaires du dix-septième siècle, né à Breslau en 1651. Il était doué d’un esprit vif ; étant tombé malade à l’âge de huit ans, il éprouva un dérangement dans ses organes et crut avoir des visions. Une fois il s’imagina voir le diable, escorté d’une foule de démons subalternes ; un autre jour il se persuada que Dieu lui avait apparu ; dès ce moment, il ne cessa de voir à côté de lui une auréole éclatante de lumière. Il parcourut le Nord escorté d’une très-mauvaise réputation. Il escroquait de l’argent à ceux qui lui montraient quelque confiance, et l’employait, disait-il, à l’avancement du royaume de Dieu. Il fut chassé de Hollande au commencement de l’année 1675 et voulut se lier avec Antoinette Bourignon, qui rejeta ses avances. Il fut arrêté en Russie, pour des prédictions séditieuses, et brûlé à Moscou le 3 octobre 1689. Il a publié à Lubeck un Traité de la sagesse infuse d’Adam et de Salomon[10] ; on lui doit une quarantaine d’opuscules qui n’ont d’autre mérite que leur rareté.

Kupay, nom qui, chez les Péruviens, désignait le diable. Quand ils prononçaient ce nom, ils crachaient par terre en signe d’exécration. On l’écrit aussi Gupaï, et c’est encore le nom que les Floridiens donnent au souverain de l’enfer.

Kurdes, habitants de l’Asie qui adorent le diable.

Kurgon, nom que l’on donnait en Gascogne et en Dauphiné aux sorcières qui allaient adorer le diable en forme de bouc au sabbat.

Kutuktus. Les Tartares Kalkas croient que leur souverain pontife, le kutuktus, est immortel ; et, dans le dernier siècle, leurs fakirs firent déterrer et jeter à la voirie le corps d’un savant qui, dans ses écrits, avait paru en douter.

  1. Delandine, l’Enfer des peuples anciens, ch. xix.
  2. Lettres du P. Mathias Gracia sur les îles Marquises, lettre sixième.
  3. M. Pashley, Revue britannique, mars 1837.
  4. Voyage au Brésil, par le P. Neuwied, t. II, ch. xii.
  5. La Russie pittoresque.
  6. M. le baron Jules de Saint-Génois. Voyez la légende de Claude, dans les Légendes des esprits et démons.
  7. Article signé XX, dans l’Ami de la religion, octobre 1844.
  8. Légende de Snaider, poëte bohème, publiée avec plus d’étendue par le Dimanche des familles.
  9. M. Ferdinand Denis, Le monde enchanté.
  10. De sapientia infusa Adamea Salomoneaque. — Arcanum microcosmicum ; Paris, 1681 — Prodromus quinquennii mirabilis. In-8o ; Leyde, 1674. On n’a qu’un volume de cet ouvrage, qui devait en avoir trois et contenir cent mille inventions curieuses, etc.