Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Lettre I

Henri Plon (p. 350-368).
◄  H
J  ►


I

Ialysiens  • Iamen  • Iblis  • Ichneumon  • Ichthyomancie  • Ida  • Iden  • Idiot  • Idoles  • Ifurinn  • Ignorance  • Île fantôme  • Îles  • Illuminés  • Images de cire  • Imagination  • Imberta  • Imer (Imir)  • Immortalité  • Impair  • Impostures  • Imprécations  • Imprimerie  • Incendie  • Incombustibles  • Incrédules  • Incubes  • Incubo  • Infernaux  • Infidélité  • Influence des astres  • Inis-Fail  • Initiations  • Inquisition  • Insensibilité  • Institor  • Interdit  • Intersignes  • Invisibilité  • Invocations  • Io  • Ipès  • Irlande  • Irle-Khane  • Irmentrude  • Is  • Isaacarum  • Isabelle (Isabeau)  • Isis  • Islandais  • Isle en Jourdain  • Isparetta  • Israfil  • Ithyphalle  • Ivo le noir  • Iwan Basilowitz  • Iwangis

Ialysiens, peuple dont parle Ovide, et dont les regards avaient la vertu magique de gâter tout ce qu’ils fixaient. Jupiter les changea en rochers et les exposa aux fureurs des flots.

Iamen, dieu de la mort chez les Indiens.

Ibis, oiseau d’Égypte, qui ressemble à la cigogne, sauf le bec qui est un peu courbe. Quand

 
Ibis
Ibis
 
il met sa tête et son cou sous ses ailes, dit Élien, sa figure est à peu près celle du cœur humain. On dit que cet oiseau a introduit l’usage des lavements, honneur qui est réclamé aussi par les cigognes. Les Égyptiens autrefois lui rendaient les honneurs divins, et il y avait peine de mort pour ceux qui tuaient un ibis, même par mégarde. De nos jours, les Égyptiens regardent encore comme sacrilège celui qui lue l’ibis blanc, dont la présence bénit, disent-ils, les travaux champêtres, et qu’ils révèrent comme un symbole d’innocence.

Iblis, le même qu’Éblis. Voy. Ce mot.

Ichneumon, rat du Nil, auquel les Égyptiens rendaient un culte particulier ; il avait ses prêtres et ses autels. Buffon dit qu’il vit dans l’état de domesticité, et qu’il sert comme les chats à prendre les souris. Il est plus fort que le chat, s’accommode de tout, chasse aux oiseaux, aux quadrupèdes, aux serpents et aux lézards. Pline conte qu’il fait la guerre au crocodile, qu’il l’épie pendant son sommeil, et que, si ce vaste reptile est assez imprudent pour dormir la gueule ouverte, l’ichneumon s’introduit dans son estomac et lui ronge les entrailles. M. Denon assure que c’est une fable. Ces deux animaux n’ont jamais rien à démêler ensemble, ajoute-t-il, puisqu’ils n’habitent pas les mêmes parages. On ne voit pas de crocodiles dans la basse Égypte : on ne voit pas non plus d’ichneumons dans la haute[1].

Ichthyomancie, divination très-ancienne qui se pratique par l’inspection des entrailles des poissons. Polydamas, pendant la guerre de Troie, et Tirésias s’en sont servis. — On dit que les poissons de la fontaine d’Apollon à Miré, étaient prophètes, et Apulée fut aussi accusé de les avoir consultés[2].

Ida. On voit dans la légende-de la bienheureuse Ida de Louvain quelques apparitions du diable, qui cherche à la troubler et qui n’y parvient pas. (Bollandistes, 13 avril.)

Iden (Geoffroid). Voy. Geoffroid.

Idiot. En Écosse, les gens du peuple ne voient pas comme un malheur un enfant idiot dans une famille. Ils voient là, au contraire, un signe de bénédiction. Cette opinion est partagée par plusieurs peuples de l’Orient. Nous nous bornons à la mentionner sans la juger.

Idoles. L’idole est une image, une figure, une représentation d’un être imaginaire ou réel. Le culte d’adoration rendu à quelque idole s’appelle idolâtrie. — Si les idoles ont fait chez les payens des choses que l’on pouvait appeler prodiges, ces prodiges n’ont eu lieu que par le pouvoir des démons ou par le charlatanisme. Saint Grégoire le thaumaturge, se rendant à Néocésarée, fut surpris par la nuit et par une pluie violente qui l’obligea d’entrer dans un temple d’idoles, fameux dans la contrée à cause des oracles qui s’y rendaient. Il invoqua le nom de Jésus-Christ, fit le signe de la croix pour purifier le temple, et passa une partie de la nuit à chanter les louanges de Dieu, suivant son habitude. Après qu’il fut parti, le prêtre des idoles vint au temple, se disposant à faire les cérémonies de son culte. Les démons lui apparurent aussitôt, et lui dirent qu’ils ne pouvaient plus habiter ce lieu, depuis qu’un saint évêque y avait séjourné. Il promit bien des sacrifices pour les engager à tenir ferme sur leurs autels ; mais la puissance de Satan s’était éclipsée devant Grégoire. Le prêtre, furieux, poursuivit l’évêque de Néocésarée, et le menaça de le faire punir juridiquement s’il ne réparait le mal qu’il venait de causer. Grégoire, qui l’écoutait sans s’émouvoir, lui répondit : — Avec l’aide de Dieu, qui chasse les démons, ils pourront revenir s’il le permet. Il prit alors un papier sur lequel il écrivit : — Grégoire à Satan : Rentre. Le sacrificateur étonné porta ce billet dans son temple, fit ses sacrifices, et les démons y revinrent. Réfléchissant alors à la puissance de Grégoire, il retourna vers lui à la hâte, se fit instruire dans la religion chrétienne et, convaincu par un nouveau miracle du saint thaumaturge, il devint son disciple. — Porphyre avoue que les démons s’enfermaient dans les idoles pour recevoir le culte des gentils. « Parmi les idoles, dit-il, il y a des esprits impurs, trompeurs et malfaisants, qui veulent passer pour des dieux et se faire adorer par les hommes ; il faut les apaiser, de peur qu’ils ne nous nuisent. Les uns, gais et enjoués, se laissent gagner par des spectacles et des jeux ; l’humeur sombre des autres veut l’odeur de la graisse et se repaît des sacrifices sanglants. »

Ce qui est bien singulier, c’est qu’aujourd’hui il y a, à Birmingham, une fabrique d’idoles pour les payens de l’Inde et de la Chine. Voici un extrait de son curieux catalogue : — « Yamen, dieu de la mort, en cuivre fin, fabriqué avec beaucoup de goût. — Nirondi, roi des démons ; modèles très-variés. Le géant qu’il monte est du plus hardi dessin, et son sabre de modèle moderne. — Varonnin, dieu du soleil, plein de vie ; son crocodile est en airain et son fouet en argent. — Couberen, dieu des richesses ; ce dieu est d’un travail admirable ; le fabricant y a mis tout son art et tout son talent. On trouve des demi-dieux et des démons inférieurs de toute espèce. — On ne fait pas de crédit, escompte sur payement comptant. »

Mais, les Indiens respectent leurs stupides idoles, tandis que les payens de l’antiquité traitaient assez cavalièrement les leurs. Benjamin Binet, dans son Traité des dieux et des démons du paganisme, nous en fournit quelques exemples :

« On ne peut rien concevoir, dit-il, de plus indigne que la manière dont ils traitaient leurs idoles. Je ne parle point d’Ochus, roi des Perses, qui tua le bœuf Apis et le mangea avec ses amis (Plut., de Isid. et Osid.), parce que l’on pourrait demander si ce bœuf était ou un simple hiéroglyphe, ou le dieu même des Perses. Quoi qu’il en soit, c’était une extrême profanation de faire d’un animal si sacré un repas à ses amis. Denis, roi de Sicile, n’était pas plus favorablement prévenu en faveur des dieux de la Grèce et de leurs images. Comme il ne manquait pas d’esprit, il apostropha agréablement Jupiter Olympien pour s’approprier ses riches dépouilles ; « Je te plains, lui dit-il, d’être toujours chargé d’un habit d’or ; il t’est trop pesant en été, et trop léger en hiver ; prends plutôt cet habit de laine, qui te sera commode en l’une et l’autre saison (Arn., lib. vi, et Lact., lib. ii, cap. 4). » Ce fut ce même prince qui, ne pouvant souffrir qu’Escu-lape, fils d’Apollon, portât une barbe d’or longue et épaisse, pendant que son père paraissait comme un jeune homme sans barbe, la lui arracha, disant : « Que peut-on voir de plus malséant qu’Esculape, fils d’Apollon, ait le menton chargé d’une barbe philosophique, et qu’Apollon ne paraisse que comme un jouvenceau sans barbe (Arn. et Lact., ib.)? » Il poussa encore la profanation jusqu’à prendre des mains des idoles des coupes et des ornements d’or et d’argent, parce que, disait-il, il ne faut rien refuser de la main des dieux. Nous lisons aussi que Caligula outragea les dieux de la Grèce de la manière la plus cruelle : « car, dit Suétone, il commanda que l’on apportât de Grèce les images des dieux célèbres par leur culte et par leur art, entre lesquelles était celle de Jupiter Olympien, et il les fit décapiter pour y mettre sa tête (Suet., lib. iv, cap. 22). » Vous (lirez apparemment qu’il ne faut pas s’étonner que ces princes, qui étaient des tyrans, aient eu si peu de vénération pour les dieux ; qu’étant les oppresseurs de la liberté et de la religion, leur exemple ne prouve rien. Mais il est étrange que le sénat, les prêtres, les peuples ne se soient pas soulevés contre cette impiété. Vous les voyez tous se liguer contre la tyrannie de leurs rois et de leurs empereurs, les massacrer quand ils foulent aux pieds leurs privilèges ; ici au contraire ils demeurent tranquilles, lorsque l’on détruit leur religion, la chose du monde à laquelle les hommes sont le plus attachés. Mais choisissons un exemple décisif, c’est celui de César. Les armées navales de Sextus Pompée et les tempêtes ayant dissipé ses deux flottes, il s’écria : Je vaincrai, en dépit de Neptune ! et afin de montrer combien il méprisait les dieux, il jeta par terre l’image de ce dieu pendant la célébration des jeux circulaires où l’on portait en pompe les images des dieux pour les rendre témoins de cet honneur (Sueton., lib. ii, cap. 16). »

 
Illuminés allemands
Illuminés allemands.
 

Ifurinn, enfer des Gaulois. C’était une région sombre et terrible, inaccessible aux rayons du soleil, infectée d’insectes venimeux, de reptiles, de lions rugissants et de loups carnassiers. Les grands criminels étaient là enchaînés dans des cavernes encore plus horribles, plongés dans un étang plein de couleuvres et brûlés par les poisons qui distillaient sans cesse de la voûte. Les gens inutiles, ceux qui n’avaient fait ni bien ni mal, résidaient au milieu des vapeurs épaisses et pénétrantes, élevées au-dessus de ces hideuses prisons. Le plus grand supplice était un froid très-rigoureux.

Ignorance. Ceux qui enseignèrent que l’Océan était salé de peur qu’il ne se corrompît, et que les marées étaient faites pour conduire nos vaisseaux dans les ports, ne savaient sûrement pas que la Méditerranée a des ports et point de reflux. Voy. Erreurs, Merveilles, Prodiges, etc., etc.

Île fantôme. C’est l’île de Saint-Brandan, riche de sept belles cités, que beaucoup de voyageurs ont cru voir de loin, mais qu’ils n’ont jamais abordée, parce qu’elle disparaît à mesure que l’on croit s’en approcher. Ce n’est qu’un mirage.

Îles. Il y a, dans la Baltique, des îles rapprochées que les pêcheurs croient avoir été faites par des enchanteurs, qui voulaient s’en aller plus facilement d’un lieu à un autre, et qui établissaient ainsi des stations sur leur roule. C’est une tradition des riverains de la mer Baltique, mentionnée par M. Marmier.

Illuminés, sorte de francs-maçons d’Allemagne, qui croient avoir la seconde vue et qui prophétisent. On connaît peu leur doctrine, qui est vague et libre ; mais ils ont eu des prédécesseurs. En 1575, Jean de Villalpando et une carmélite, nommée Catherine de Jésus, établirent une secte d’illuminés, que l’inquisition de Cordoue dispersa. Pierre Guérin les ramena en France en 1634. Ils prétendaient que Dieu avait révélé à l’un d’entre eux, le frère Antoine Bocquet, une pratique de vie et de foi suréminente, au moyen de laquelle on devenait tellement saint, qu’on ne faisait plus qu’un avec Dieu, et qu’alors on pouvait sans péché se livrer à toutes ses passions. Ils se flattaient d’en remontrer aux apôtres, à tous les saints et à toute l’Église. Louis XIII dissipa cette secte de fous. Voy. Saint Martin.

Images de cire. Ceux qui faisaient des images de cire pour l’envoûtement les baptisaient au nom de Béelzébub ; puis ils les perçaient de coups de stylet ou les brûlaient, dans la pensée que la personne dont l’image portait le nom subissait le traitement de l’image. Cette sorcellerie était connue des anciens. Voy. Envoûtement, Duffus, Eberard, Henri III, etc.

Imagination. Les rêves, les songes, les chimères, les terreurs paniques, les superstitions, les préjugés, les prodiges, les châteaux en Espagne, le bonheur, la gloire et plusieurs contes d’esprits et de revenants, de sorciers et de diables, sont ordinairement les enfantements de l’imagination. Son domaine est immense, son empire est despotique ; une grande force d’esprit peut seule en réprimer les écarts. Un Athénien, ayant rêvé qu’il était devenu fou, en eut l’imagination tellement frappée, qu’à son réveil il fit des folies comme il croyait devoir en faire, et perdit en effet la raison. On connaît l’origine de la fièvre de Saint-Vallier. À cette occasion, Pasquier parle de la mort d’un bouffon du marquis de Ferrare, nommé Gonelle, qui, ayant entendu dire qu’une grande peur guérissait de la fièvre, voulut guérir de la fièvre quarte le prince son maître, qui en était tourmenté. Pour cet effet, passant avec lui sur un pont assez étroit, il le poussa et le fit tomber dans l’eau au péril de sa vie. On repêcha le souverain, et il fut guéri. Mais, jugeant que l’indiscrétion de Gonelle méritait quelque punition, il le condamna à avoir la tête coupée, bien résolu cependant à ne pas le faire mourir. Le jour de l’exécution, il lui fit bander les yeux, et ordonna qu’au lieu d’un coup de sabre on ne lui donnât qu’un petit coup de serviette mouillée ; l’ordre fut exécuté et Gonelle délié aussitôt après ; mais le malheureux bouffon était mort de peur. Est-ce vrai ? Mais Pasquier a fait tant de contes ! Héquet parle d’un homme qui, s’étant couché avec les cheveux noirs, se leva le matin avec les cheveux blancs, parce qu’il avait rêvé qu’il était condamné à un supplice cruel et infamant. Dans le Dictionnaire de police de des Essarts, on trouve l’histoire d’une jeune fille à qui une sorcière prédit qu’elle serait pendue ; ce qui produisit un tel effet sur son esprit, qu’elle mourut suffoquée la nuit suivante. Athénée raconte que quelques jeunes gens d’Agrigente étant ivres, dans une chambre de cabaret, se crurent sur une galère, au milieu de la mer en furie, et jetèrent par les fenêtres tous les meubles de la maison, pour soulager le bâtiment. Il y avait à Athènes un fou qui se croyait maître de tous les navires qui entraient dans le Pirée, et il donnait ses ordres en conséquence. Horace parle d’un autre fou qui croyait toujours assistera un spectacle, et qui, suivi d’une troupe de comédiens imaginaires, portait un théâtre dans sa tête, où il était tout à la fois et l’acteur et le spectateur. On voit chez les maniaques des choses aussi singulières ; tel s’imagine être un moineau, un vase de terre, un serpent ; tel autre se croit un dieu, un orateur, un Hercule. Et parmi les gens qu’on dit sensés, en est-il beaucoup qui maîtrisent leur imagination, et se montrent exempts de faiblesses et d’erreurs ? Plusieurs personnes mordues par des chiens ont été très-malades parce que, les supposant atteints de la rage, elles se croyaient menacées où déjà affectées du même mal. La Société royale des sciences de Montpellier rapporte, dans un mémoire publié en 1730, que, deux

 
Imagination
Imagination
 
frères ayant été mordus par un chien enragé, l’un d’eux partit pour la Hollande, d’où il ne revint qu’au bout dix ans. Ayant appris, à son retour, que son frère, depuis longtemps, était mort hydrophobe, il se sentit malade et mourut lui-même enragé par la crainte de l’être.

Voici un fait qui n’est pas moins extraordinaire : un jardinier rêva qu’un grand chien noir l’avait mordu. Il ne pouvait montrer aucune trace de morsure ; sa femme, qui s’était levée au premier cri, lui assura que toutes les portes étaient bien fermées et qu’aucun chien n’avait pu entrer. Ce fut en vain ; l’idée du gros chien noir restait toujours présente à son imagination ; il croyait le voir sans cesse : il en perdit le sommeil et l’appétit, devint triste, rêveur, languissant. Sa femme, qui, raisonnable au commencement, avait fait tous ses efforts pour le calmer et le guérir de son illusion, finit par s’imaginer que, puisqu’elle n’avait pas réussi, il y avait quelque chose de réel dans l’idée de son mari, et qu’ayant été couchée à côté de lui, il était fort possible qu’elle eût été aussi mordue. Cette disposition d’esprit développa chez elle les mêmes symptômes que chez son mari, abattement, lassitude, frayeur, insomnie. Le médecin, voyant échouer toutes les ressources ordinaires de son art contre cette maladie de l’imagination, leur conseilla d’aller en pèlerinage à Saint-Hubert. Dès ce moment les deux malades furent plus tranquilles : ils allèrent à Saint-Hubert, y subirent le traitement usité, et revinrent guéris[3].

Un homme pauvre et malheureux s’était tellement frappé l’imagination de l’idée des richesses, qu’il avait fini par se croire dans la plus grande opulence. Un médecin le guérit, et il regretta sa folie. On a vu, en Angleterre, un homme qui voulait absolument que rien ne l’affligeât dans ce monde. En vain on lui annonçait un événement fâcheux ; il s’obstinait à le nier. Sa femme étant morte, il n’en voulut rien croire. Il faisait mettre à table le couvert de la défunte, et s’entretenait avec elle, comme si elle eût été présente ; il en agissait de même lorsque son fils était absent. Près de sa dernière heure, il soutint qu’il n’était pas malade, et mourut avant d’en avoir eu le démenti.

Voici une autre anecdote : Un maçon, sous l’empire d’une monomanie qui pouvait dégénérer en folie absolue, croyait avoir avalé une couleuvre ; il disait la sentir remuer dans son ventre. M. Jules Cloquet, chirurgien de l’hôpital Saint-Louis, à qui il fut amené, pensa que le meilleur, peut-être le seul moyen pour guérir ce monomane, était de se prêter à sa folie. Il offrit en conséquence d’extraire la couleuvre par une opération chirurgicale. Le maçon y consent ; une incision longue, mais superficielle, est faite à la région de l’estomac, des linges, des compresses, des bandages rougis par le sang sont appliqués. La tête d’une couleuvre dont on s’était précautionné est passée avec adresse entre les bandes et la plaie. « Nous la tenons enfin, s’écria l’adroit chirurgien ; la voici. » En même temps, le patient arrache son bandeau : Il veut voir le reptile qu’il a nourri dans son sein. Quelque temps après, une nouvelle mélancolie s’empare de lui ; il gémit, il soupire ; le médecin est rappelé : « Monsieur, lui dit-il avec anxiété, si elle avait fait des petits ? — Impossible ! c’est un mâle. »

On attribue ordinairement à l’imagination des femmes la production des fœtus monstrueux. M. Salgues a voulu prouver que l’imagination n’y avait aucune part, en citant quelques animaux qui ont produit des monstres, et d’autres preuves pourtant insuffisantes. Plessman, dans sa Médecine puerpérale ; Harting, dans une thèse ; Demangeon, dans ses Considérations physiologiques sur le pouvoir de l’imagination maternelle dans la grossesse, soutiennent l’opinion générale. Les femmes enceintes défigurent leurs enfants, quoique déjà formés, lorsque leur imagination est violemment frappée. Malebranche parle d’une femme qui, ayant assisté à l’exécution d’un malheureux condamné à la roue, en fut si affectée, qu’elle mit au monde un enfant dont les bras, les cuisses et les jambes étaient rompus à l’endroit où la barre de l’exécuteur avait frappé le condamné. Le peintre Jean-Baptiste Rossi fut surnommé Gobbino parce qu’il était agréablement gobbo, c’est-à-dire bossu. Sa mère était enceinte de lui lorsque son père sculptait le gobbo, bénitier devenu célèbre, et qui a fait le pendant du pasquino, autre bénitier de Gabriel Cagliari.

Une femme enceinte jouait aux cartes. En relevant son jeu, elle voit que, pour faire un grand coup, il lui manque l’as de pique. La dernière carte qui lui rentre était effectivement celle qu’elle attendait. Une joie immodérée s’empare de son esprit, se communique, comme un choc électrique, à toute son existence ; et l’enfant qu’elle mit au monde porta dans la prunelle de l’œil la forme d’un as de pique, sans que l’organe de la vue fût d’ailleurs offensé par cette conformation extraordinaire. Le trait suivant est encore plus étonnant, dit Lavater. « Un de mes amis m’en a garanti l’authenticité. Une dame de condition du Rhinthal voulut assister, dans sa grossesse, au supplice d’un criminel qui avait été condamné à avoir la tête tranchée et la main droite coupée. Le coup qui abattit la main effraya tellement la femme enceinte, qu’elle détourna la tête avec un mouvement d’horreur, et se retira sans attendre la fin de l’exécution. Elle accoucha d’une fille qui n’eut qu’une main, et qui vivait encore lorsque mon ami me fit part de cette anecdote ; l’autre main sortit séparément, après l’enfantement. »

Il y a, du reste, sur les accouchements prodigieux bien des contes : « J’ai lu dans un recueil de faits merveilleux, dit M. Salgues, Des erreurs et des préjugés répandus dans la société, qu’en 1778, un chat, né à Stap, en Normandie, devint épris d’une poule du voisinage et qu’il lui fit une cour assidue. La fermière ayant mis sous les ailes de la poule des œufs de cane qu’elle voulait faire couver, le chat s’associa à ses travaux maternels. Il détourna une partie des œufs et les couva si tendrement, qu’au bout de vingt-cinq jours il en sortit de petits êtres amphibies, participant de la cane et du chat, tandis que ceux de la poule étaient des canards ordinaires. Le docteur Vimond atteste qu’il a vu, connu, tenu le père et la mère de cette singulière famille, et les petits eux-mêmes. Mais on dit au docteur Vimond : — Aviez-vous la vue bien nette quand vous avez examiné vos canards amphibies ? vous avez trouvé l’animal vêtu d’un poil noirâtre, touffu et soyeux ; mais ne savez-vous pas que c’est le premier duvet des canards ? Croyez-vous que l’incubation d’un chat puisse dénaturer le germe renfermé dans l’œuf ? Alors pourquoi l’incubation de la poule aurait-elle été moins efficace et n’aurait-elle pas produit des êtres moitié poules et moitié canards ? »

On rit aujourd’hui de ces contes, on n’oserait plus écrire ce que publiaient les journaux de Paris il y a soixante ans, qu’une chienne du faubourg Saint-Honoré venait de mettre au jour quatre chats et trois chiens. — Élien, dans le vieux temps, a pu parler d’une truie qui mit bas un cochon ayant une tête d’éléphant, et

 
Le coup qui abattit la main effraya tellement la femme enceinte… — Page 354
Le coup qui abattit la main effraya tellement la femme enceinte… — Page 354.
 
d’une brebis qui mit bas un lion. Nous le rangerons à côté de Torquemada, qui rapporte, dans la sixième journée de son Hexameron, qu’en un lieu d’Espagne, qu’il ne nomme pas, une jument était tellement pleine, qu’au temps de mettre bas son fruit, elle creva et qu’il sortit d’elle une mule qui mourut incontinent, ayant comme sa mère le ventre si gros et si enflé, que le maître voulut voir ce qui était dedans. On l’ouvrit et on y trouva une autre mule de laquelle elle était pleine…

Autre anecdote : Un duc de Mantoue avait, dans ses écuries une cavale pleine, qui mit bas un mulet. Il envoya aussitôt aux plus célèbres astrologues d’Italie l’heure de la naissance de cette bête, les priant de lui faire l’horoscope d’un bâtard né dans son palais sous les conditions qu’il indiquait. Il prit bien soin qu’ils ne sussent pas que c’était d’un mulet qu’il voulait parler. Les devins firent de leur mieux pour flatterie prince, ne doutant pas que ce bâtard ne fût de lui. Les uns dirent qu’il serait général d’armée ; les autres en firent mieux encore et tous le comblèrent de dignités. — Mais rentrons dans les accouchements prodigieux. On publia au seizième siècle qu’une femme ensorcelée venait d’enfanter plusieurs grenouilles. De telles nouveautés étaient reçues alors sans opposition. Au commencement du dix-huitième siècle les gazettes d’Angleterre annoncèrent, d’après le certificat du chirurgien accoucheur, appuyé de l’anatomiste du roi, qu’une paysanne venait d’accoucher de beaucoup de lapins ; et le public le crut jusqu’au moment où l’anatomiste avoua qu’il s’était prêté à une mystification. On fit courir le bruit, en 1471, qu’une femme à Pavie, avait mis bas un chien ; on cita la Suissesse qui, en 1278, avait donné le jour à un lion, et la femme que Pline dit avoir été mère d’un éléphant. — On voit dans d’autres conteurs anciens qu’une autre Suissesse se délivra d’un lièvre ; une Thuringienne, d’un crapaud ; que d’autres femmes mirent bas des poulets[4]. Ambroise Paré cite, sur ouï-dire, un jeune cochon napolitain qui portait une tête d’homme sur son corps de cochon. Boguet assure, dans ses Discours des exécrables sorciers, qu’une femme maléficiée mit au jour à la fois, en 1531, une tête d’homme, un serpent à deux pieds et un petit pourceau. Bayle parle d’une femme qui passa pour être accouchée d’un chat noir ; le chat fut brûlé comme produit d’un démon[5]. Volaterranus se préoccupe d’un enfant qui naquit homme jusqu’à la ceinture, et chien dans la partie inférieure du corps. Un autre enfant monstrueux vint au monde, sous le règne de Constance, avec deux bouches, quatre yeux, deux petites oreilles et de la barbe. Un savant professeur de Louvain, Cornélius Gemma, écrivant à une époque où l’on admettait beaucoup de choses, rapporte qu’en 1545 une dame de noble lignée mit au monde, dans la Belgique, un garçon qui avait, au dire des experts, la tête d’un démon avec une trompe d’éléphant au lieu de nez, des pattes d’oie au lieu de mains, des yeux de chat au milieu du ventre, une tête de chien à chaque genou, deux visages de singe sur l’estomac et une queue de scorpion longue d’une demi-aune de Brabant (trente-cinq centimètres). Ce petit monstre ne vécut que quatre heures, et poussa des cris en mourant par les deux gueules de chien qu’il avait aux genoux[6].

Nous pourrions multiplier ces contes, fondés sur quelques phénomènes naturels que l’imagination des femmes enceintes a produits. Arrêtons-nous un moment aux faits prodigieux plus réels. Tels sont les enfants nés sans tête, ou plutôt dont la tête n’est pas distincte des épaules. Un de ces enfants vint au monde au village de Schmechten, près de Paderborn, le 16 mai 1565 ; il avait la bouche à l’épaule gauche et une seule oreille à l’épaule droite. Mais en compensation de ces enfants sans tête, une Normande accoucha, le 20 juillet 16844 d’un enfant mâle dont la tête semblait double. Il avait quatre yeux, deux nez crochus, deux bouches, deux langues et seulement deux oreilles. L’intérieur renfermait deux cerveaux, deux cervelets et trois cœurs ; les autres viscères étaient simples. Ce garçon vécut une heure ; et peut-être eût-il vécu plus longtemps si la sage-femme, qui en avait peur, ne l’eût laissé tomber. — Le phénomène des êtres bicéphales est moins rare que celui des acéphales. On présenta en 1779, à l’Académie des sciences de Paris, un lézard à deux têtes, qui se servait également bien de toutes les deux. Le Journal de médecine du mois de février 1808 donne des détails curieux sur un enfant né avec deux têtes, mais placées l’une au-dessus de l’autre, de sorte que la première en portait une seconde ; cet enfant était né au Bengale. À son entrée dans le monde, il effraya tellement la sage-femme que, croyant tenir le diable dans les mains, elle le jeta au feu. On se hâta de l’en retirer, mais il eut les oreilles endommagées. Ce qui rendait le cas encore plus singulier, c’est que la seconde tête était renversée, le front en bas et le menton en haut. Lorsque l’enfant eut atteint l’âge de six mois, les deux têtes se couvrirent d’une quantité à peu près égale de cheveux noirs. On remarqua que la tête supérieure ne s’accordait pas avec l’inférieure ; qu’elle fermait les yeux quand l’autre les ouvrait, et s’éveillait quand la tête principale était endormie ; elles avaient alternativement des mouvements indépendants et des mouvements sympathiques. Le rire de la bonne tête s’épanouissait sur la tête d’en haut ; mais la douleur de cette dernière ne passait pas à l’autre ; de sorte qu’on pouvait la pincer sans occasionner la moindre sensation à la tête d’en bas. Cet enfant mourut d’un accident à sa quatrième année.

Ce que nous venons de rapporter n’est peut-être pas impossible. Mais remarquez que ces merveilles viennent toujours de très-loin. Cependant nous avons vu de nos jours Ritta-Christina, cette jeune fille à deux têtes, ou plutôt ces deux jeunes filles accouplées. Nous avons vu aussi les jumeaux Siamois, deux hommes qu’une partie du ventre rendait inséparables et semblait réunir en un seul être. Pour le reste, le plus sûr est de rejeter en ces matières ce qui n’est pas certifié par de suffisants témoignages. Dans ce genre de faits, on attribuait autrefois au diable tout ce qui sortait du cours ordinaire de la nature, et il est certain qu’on exagère ordinairement ces phénomènes. On a vu des fœtus monstrueux, à qui on donnait gratuitement la forme d’un mouton, et qui étaient aussi bien un chien, un cochon, un lièvre, etc., puisqu’ils n’avaient aucune figure distincte. On prend souvent pour une cerise, ou pour une fraise, ou pour un bouton de rose, ce qui n’est qu’un seing plus large et plus coloré qu’ils ne le sont ordinairement. Voy. Frayeurs, Hallucinations, etc.

Imberta Voy. Possédées de Flandre.

Imer ou Imir. Voy. Ymer.

Immortalité. Ménandre, disciple de Simon le magicien, se vantait de donner un baptême qui rendait immortel. On fut bien vite détrompé. Les Chinois sont persuadés qu’il y a quelque part

 
Immortalité
Immortalité
 
une eau qui empêche de mourir, et ils cherchent toujours ce breuvage d’immortalité, qui n’est pas trouvé encore.

Les Strulldbrugges ou immortels de Gulliver, sont fort malheureux de leur immortalité. La même pensée se retrouve dans cette légende des bords de la Baltique : — À Falster, il y avait autrefois une femme fort riche qui n’avait point d’enfants. Elle voulut faire un pieux usage de sa fortune, et elle bâtit une église. L’édifice achevé, elle le trouva si bien qu’elle se crut en droit de demander à Dieu une récompense. Elle le pria donc de la laisser vivre aussi longtemps que son église subsisterait. Son vœu fut exaucé. La mort passa devant sa porte sans entrer ; la mort frappa autour d’elle voisins, parents, amis et ne lui montra pas seulement le bout de sa faux. Elle vécut au milieu de toutes les guerres, de toutes les pestes, de tous les fléaux qui traversèrent le pays. Elle vécut si longtemps qu’elle ne trouva plus un ami avec qui elle pût s’entretenir. Elle parlait toujours d’une époque si ancienne que personne ne la comprenait. Elle avait bien demandé une vie perpétuelle ; mais elle avait oublié de demander aussi la jeunesse ; le ciel ne lui donna que juste ce qu’elle voulait avoir, et la pauvre femme vieillit : elle perdit ses forces, puis la vue, et l’ouïe et la parole. Alors elle se fit enfermer dans une caisse de chêne et porter dans l’église. Chaque année, à Noël, elle recouvre, pendant une heure, l’usage de ses sens ; et chaque année, à cette heure-là, le prêtre s’approche d’elle pour prendre ses ordres. La malheureuse se lève à demi dans son cercueil et s’écrie : a Mon église subsiste-t-elle encore ? — Oui, répond le prêtre. — Hélas ! » dit-elle. Et elle s’affaisse en poussant un profond soupir, et le coffre de chêne se referme sur elle[7].

Impair. Une crédulité superstitieuse a attribué, dans tous les temps, bien des prérogatives au nombre impair[8]. Le nombre pair passait chez les Romains pour mauvais, parce que ce nombre, pouvant être divisé également, est le symbole de la mortalité et de la destruction ; c’est pourquoi Numa, corrigeant l’année de Romulus, y ajouta un jour, afin de rendre impair le nombre de ceux qu’elle contenait. C’est en nombre impair que les livres magiques prescrivent leurs opérations les plus mystérieuses. L’alchimiste d’Espagnet, dans sa Description du jardin des sages, place à l’entrée une fontaine qui a sept sources. « Il faut, dit-il, y faire boire le dragon par le nombre magique de trois fois sept, et l’on doit y chercher trois sortes de fleurs, qu’il faut y trouver nécessairement pour réussir au grand œuvre. » Le crédit du nombre impair s’est établi jusque dans la médecine : l’année climatérique est, dans la vie humaine, une année impaire.

Impostures. On lit dans Leloyer qu’un valet, par le moyen d’une sarbacane, engagea une veuve d’Angers à l’épouser, en le lui conseillant de la part de son mari défunt. Plus d’un imposteur a employé ce stratagème. Un roi d’Écosse, voyant que ses troupes ne voulaient pas combattre contre les Pietés, suborna des gens habillés d’écailles brillantes, ayant en main des bâtons de bois luisant, qui, se présentant comme des anges, les excitèrent à combattre, ce qui eut le succès qu’il souhaitait[9]. Nous aurions un gros volume à faire, si nous voulions citer ici toutes les impostures de l’histoire. On y pourrait joindre maints stratagèmes et ruses de guerre. Voy. Apparitions, Fantômes, Bohémiens, Jetzer, etc.

Imprécations. Ce qui va suivre est de Chassanion, huguenot, en ses Grands Jugements de Dieu : « Quant à ceux qui sont adonnés à maugréer et qui, comme des gueules d’enfer, à tout propos dépitent Dieu par d’horribles exécrations, et sont si forcenés que de le renier pour se donner au diable, ils méritent bien d’être abandonnés de Dieu et d’être livrés entre les mains de Satan pour aller avec lui en perdition : ce qui est advenu visiblement à certains malheureux de notre temps, qui ont été emportés par le diable, auquel ils s’étaient donnés. Il y a quelque temps qu’en Allemagne un homme de mauvaise vie était si mal embouché, que jamais il ne parlait sans nommer les diables. Si en cheminant il lui advenait de faire quelque faux pas ou de se heurter, aussitôt il avait les diables dans sa gueule. De quoi, combien que plusieurs fois il eût été repris par ses voisins, et admonesté de se châtier d’un si méchant et détestable vice, toutefois ce fut en vain. Continuant dans cette mauvaise et dam-nable coutume, il advint un jour qu’en passant sur un pont il trébucha et, étant tombé du haut en bas, proféra ces paroles : « Lève-toi par tous les cent diables. » Soudain, voici celui qu’il avait tant de fois appelé qui le vint étrangler et l’emporta.

» L’an mil cinq cent cinquante et un, près Mégalopole, joignant Voilstadt, il advint encore, durant les fêtes de la Pentecôte, ainsi que le peuple s’amusait à boire, qu’une femme, qui était de la campagne, nommait ordinairement le diable parmi ses jurements, lequel, à cette heure, en la présence d’un chacun, l’enleva par la porte de la maison et l’emporta en l’air. Ceux qui étaient présents sortirent incontinent, tout étonnés, pour voir où cette femme était ainsi transportée : laquelle ils virent, hors du village, pendue quelque temps en l’air bien haut, dont elle tomba en bas, et la trouvèrent à peu près morte au milieu d’un champ. Environ ce temps-là il y eut un grand jureur en une ville de Savoie, homme fort vicieux et qui donnait beaucoup de peine aux gens de bien, qui, pour le devoir de leur charge, s’employèrent à le reprendre et l’admonestèrent bien souvent, afin qu’il s’amendât : à quoi il ne voulut oncques entendre. Or, advint que la peste étant dans la ville, il en fut frappé et se retira en un sien jardin avec sa femme et quelques parents. Là, les ministres de l’Église ne cessèrent de l’exhorter à repentance, lui remontrant ses fautes et péchés pour le réduire au bon chemin. Mais tant s’en fallut qu’il fût touché par tant de bonnes et saintes remontrances, qu’au contraire il ne fit que s’endurcir davantage en ses péchés. Avançant donc son malheur, un jour, comme ce méchant reniait Dieu, et se donnait au diable et l’appelait tant qu’il pouvait, voilà le diable qui le ravit soudainement et l’emporta en l’air ; sa femme et sa parente le virent passer par-dessus leurs têtes. Étant ainsi transporté, son bonnet lui tomba du chef et fut trouvé auprès du Rhône. Le magistrat, averti de cela, vint sur le lieu et s’informa du fait, prenant attestation de ces deux femmes de ce qu’elles avaient vu. Voilà des événements terribles, épouvantables, pour donner crainte et frayeur à tels ou semblables jureurs et renieurs de Dieu, desquels le monde n’est que trop rempli aujourd’hui. Refrénez donc, misérables que vous êtes, vos langues infernales ; départez-vous de toutes méchantes paroles et exécrations, et vous accoutumez à louer et glorifier Dieu, tant de bouche que de fait[10]. »

Quand les femmes grecques entendent des imprécations, comme il s’en fait dans les chaudes colères de leur pays, elles se hâtent de mouiller leurs seins avec leur salive, de peur qu’une partie de ces malédictions ne tombent sur elles[11]. Voy. Jurements.

Imprimerie (L’), inventée, comme on sait, au quinzième siècle. Nous ne citons ici cette admirable découverte, instrument si prodigieux pour le bien, si terrible dans le mal, que dans la nécessité de remarquer l’étonnement qu’il fit naître à sa naissance, et l’humilité du parlement de Paris. Ce corps si vanté ne croyait pas les produits de l’imprimerie possibles au génie humain ;

 
Imprimerie
Imprimerie
 
il en attribuait les œuvres au diable, et il eût fait brûler les premiers imprimeurs comme sorciers, si Louis XI et la Sorbonne, plus lucides, ne les eussent pas protégés.

Incendie. En 1807, un professeur de Brunswick annonça qu’il vendait de la poudre aux incendies, comme un apothicaire vend de la poudre aux vers ; il ne s’agissait, pour sauver un édifice, que de le saupoudrer de quelques pincées de cette poudre ; deux onces suffisaient par pied carré : et comme la livre ne coûtait que sept à huit sous, et qu’un homme n’a que quatorze pieds de superficie, on pouvait, pour dix-sept sous six deniers (vieux style), se rendre incombustible. Quelques gens crédules achetèrent la poudre du docteur. Les gens raisonnables jugèrent qu’il voulait attraper le public, et se moquèrent de lui[12].

Incombustibles. Il y avait jadis en Espagne des hommes d’une trempe supérieure qu’on appelait Saludadores, Santiguadores, Ensalmadores. Ils avaient non-seulement la vertu de guérir toutes les maladies avec leur salive, mais ils maniaient le feu impunément ; ils pouvaient avaler de l’huile bouillante, marcher sur les charbons ardents, se promener à l’aise au milieu des bûchers enflammés. Ils se disaient parents de sainte Catherine et montraient sur leur chair l’empreinte d’une roue, signe manifeste de leur glorieuse origine. — Il existe aujourd’hui en France, en Allemagne et dans presque toute l’Europe, des hommes qui ont les mêmes privilèges, et qui pourtant évitent avec soin l’examen des savants et des docteurs. Léonard Vair conte qu’un de ces hommes incombustibles ayant été sérieusement enfermé dans un four très-chaud, on le trouva calciné quand on rouvrit le four. Il y a quelques années qu’on vit à Paris un Espagnol marcher pieds nus sur des barres de fer rougies au feu, promener des lames ardentes sur ses bras et sur sa langue, se laver les mains avec du plomb fondu, etc.; on publia ces merveilles. Dans un autre temps, l’Espagnol eût passé pour un homme qui avait des relations avec le démon ; alors on se contenta de citer Virgile, qui dit que les prêtres d’Apollon, au mont Soracte, marchaient sur des charbons ardents ; on cita Varron, qui affirme que ces prêtres avaient le secret d’une composition qui les rendait pour quelques instants inaccessibles à l’action du feu. Le P. Régnault, qui a fait quelques recherches pour découvrir les secrets de ces procédés, en a publié un dans ses Entretiens sur la physique expérimentale. Ceux qui font métier, dit-il, de manier le feu et d’en tenir à la bouche emploient quelquefois un mélange égal d’esprit de soufre, de sel ammoniac, d’essence de romarin et de suc d’oignon. L’oignon est, en effet regardé par les gens de la campagne comme un préservatif contre la brûlure.

Dans le temps où le P. Régnault s’occupait de ces recherches, un chimiste anglais, nommé Richardson, remplissait toute l’Europe du bruit de ses expériences merveilleuses. Il mâchait des charbons ardents sans se brûler ; il faisait fondre du soufre, le plaçait tout animé sur sa main, et le reportait sur sa langue, où il achevait de se consumer ; il mettait aussi sur sa langue des charbons embrasés, y faisait cuire un morceau de viande ou une huître, et souffrait, sans sourciller, qu’on excitât le feu avec un soufflet ; il tenait un fer rouge dans ses mains, sans qu’il y restât aucune trace de brûlure, prenait ce fer dans ses dents, et le lançait au loin avec une force étonnante ; il avalait de la poix et du verre fondus, du soufre et de la cire mêlés ensemble et tout ardents, de sorte que la flamme sortait de sa bouche comme d’une fournaise. Jamais, dans toutes ces épreuves, il ne donnait le moindre signe de douleur. Depuis le chimiste Richardson, plusieurs hommes ont essayé comme lui de manier le feu impunément. En 1774, on vit à la forge de Laune un homme qui marchait, sans se brûler, sur des barres de fer ardentes, tenait sur sa main des charbons et les soufflait avec sa bouche : sa peau était épaisse et enduite d’une sueur grasse, onctueuse, mais il n’employait aucun spécifique. Tant d’exemples prouvent qu’il n’est pas nécessaire d’être parent de sainte Catherine pour braver les effets du feu. Mais il fallait que quelqu’un prît la peine de prouver, par des expériences décisives, qu’on peut aisément opérer tous les prodiges dont l’Espagnol incombustible a grossi sa réputation ; ce physicien s’est trouvé à Naples.

M. Sementini, premier professeur de chimie à l’université de cette ville, a publié à ce sujet des recherches qui ne laissent rien à désirer. Ses premières tentatives ne furent pas heureuses ; mais il ne se découragea point. Il conçut que ses chairs ne pouvaient acquérir subitement les mêmes facultés que celles du fameux Lionetti, qui était alors incombustible ; qu’il était nécessaire de répéter longtemps les mêmes tentatives, et que, pour obtenir les résultats qu’il cherchait, il fallait beaucoup de constance. À force de soins, il réussit. Il se fit sur le corps des frictions sulfureuses et les répéta si souvent, qu’enfin il put y promener impunément une lame de fer rouge. Il essaya de produire le même effet avec une dissolution d’alun, l’une des substances les plus propres à repousser l’action du feu : le succès fut encore plus complet. Mais quand M. Sementini avait lavé la partie incombustible, il perdait aussitôt tous ses avantages, et devenait aussi périssable que le commun des mortels. Il fallut donc tenter de nouvelles expériences.

Le hasard servit à souhait M. Sementini. En cherchant jusqu’à quel point l’énergie du spécifique qu’il avait employé pouvait se conserver, il passa sur la partie frottée un morceau de savon dur, et l’essuya avec un linge : il y porta ensuite une lame de fer. Quel fut son étonnement de voir que sa peau avait non-seulement conservé sa première insensibilité, mais qu’elle en avait acquis une bien plus grande encore ! Quand on est heureux, on devient entreprenant : M. Sementini tenta sur sa langue ce qu’il venait d’éprouver sur son bras, et sa langue répondit parfaitement à son attente ; elle soutint l’épreuve sans murmurer ; un fer étincelant n’y laissa pas la moindre empreinte de brûlure — Voilà donc les prodiges de l’incombustibilité réduits à des actes naturels et vulgaires[13]. Mais ces découvertes ne peuvent atténuer la protection toute divine des saints qui ont résisté à l’action du feu, en des temps où aucune des découvertes qu’on vient de lire n’avait eu lieu.

Incrédules. On a remarqué, par de tristes expériences, que les incrédules, qui nient les faits de la religion, croient aux fables superstitieuses, aux songes, aux cartes, aux présages, aux plus vains pronostics, — comme pour montrer que l’esprit fort est surtout un esprit faible, et que, suivant cet axiome que les extrêmes se touchent, les incrédules, devant les vérités éternelles, sont les plus crédules devant les mensonges.

Incubes. Démons qui séduisaient les femmes. Servius Tullius, qui fut roi des Romains, était le fils d’une esclave et de Vulcain, selon d’anciens auteurs ; d’une salamandre, selon les cabalistes ; d’un démon incube, selon les démonographes.

Incubo, génie gardien des trésors de la terre. Le petit peuple de l’ancienne Rome croyait que les trésors cachés dans les entrailles de la terre étaient gardés par des esprits nommés Incubones, qui avaient de petits chapeaux dont il fallait d’abord se saisir. Si on avait ce bonheur, on devenait leur maître, et on les contraignait à déclarer et à découvrir où étaient ces trésors. Ces esprits sont nos gnomes et nos lutins.

Infernaux. On nomma ainsi, dans le seizième siècle, les partisans de Nicolas Gallus et de Jacques Smidelin, qui soutenaient que, pendant les trois jours de la sépulture de Notre-Seigneur, son âme, descendue dans le lieu où les damnés souffrent, y avait été tourmentée avec ces malheureux[14].

Infidélité. Quand les hommes de certaines peuplades d’Égypte soupçonnaient leurs femmes d’infidélité, ils leur faisaient avaler de l’eau soufrée, dans laquelle ils mettaient de la poussière et de l’huile de lampe, prétendant que, si elles étaient coupables, ce breuvage leur ferait souffrir des douleurs insupportables ; espèce d’épreuve connue sous le nom de calice du soupçon.

 
Calice du soupçon
Calice du soupçon.
 

Influence des astres. Le Taureau domine sur le cou ; les Gémeaux sur les épaules ; l’Écrevisse sur les bras et sur les mains ; le Lion sur la poitrine, le cœur et le diaphragme ; la Vierge sur l’estomac, les intestins, les côtes et les muscles ; la Balance sur les reins ; le Scorpion sur les parties secrètes ; le Sagittaire sur le nez et les excréments ; le Capricorne sur les genoux ; le Verseau sur les cuisses ; le Poisson sur les pieds.

Voilà en peu de mots ce qui regarde les douze signes du zodiaque touchant les différentes parties du corps. Il est donc très-dangereux d’offenser quelque membre lorsque la lune est dans le signe qui domine, parce que la lune en augmente l’humidité, comme on le verra si on expose de la chair fraîche pendant la nuit aux rayons de la lune : il s’y engendrera des vers, et surtout dans la pleine lune[15]. Voy. Astrologie.

Inis-Fail, nom d’une pierre fameuse attachée encore aujourd’hui sous le siège où l’on couronnait, dans l’église de Westminster, les rois de la Grande-Bretagne. Cette pierre du destin, que dans la légende héroïque de ces peuples les anciens Écossais avaient apportée d’Irlande, au quatrième siècle, devait les faire régner partout où elle serait placée au milieu d’eux.

Initiations. Voy. Sabbat.

Inquisition. Ce fut vers l’an 1200 que le pape Innocent III établit le tribunal de l’inquisition pour procéder contre les Albigeois, hérétiques perfides, qui bouleversaient la société et ramenaient les hommes à l’état sauvage. Déjà, en 1184, le concile de Vérone avait ordonné aux évêques de Lombardie de rechercher ces hérétiques rebelles et de livrer au magistrat civil ceux qui seraient opiniâtres. Le comte de Toulouse adopta ce tribunal en 1229 ; Grégoire IX, en 1233, le confia aux dominicains. Les écrivains qui ont dit que saint Dominique fut le premier inquisiteur général ont dit là une chose qui n’est pas. Saint Dominique ne fut jamais inquisiteur ; il était mort en 1221. Le premier inquisiteur général fut le pieux légat Pierre de Castelnau, que les Albigeois assassinèrent. Le pape Innocent IV étendit l’inquisition dans toute l’Italie, à l’exception de Naples. L’Espagne y fut soumise de 1480 à 1484, sous le règne de Ferdinand et d’Isabelle ; le Portugal l’établit en 1557. L’inquisition parut depuis dans les pays où ces puissances dominèrent ; mais elle ne s’est exercée dans aucun royaume que du consentement et le plus souvent à la demande des souverains[16].

Il faudrait plus d’espace que nous ne pouvons en occuper ici pour renverser tous les mensonges calomnieux que les ennemis de l’Église, protestants, jansénistes et philosophes, ont accumulés à l’envi contre l’inquisition. Dans les deux premières éditions de ce livre, l’auteur, jeune et stupidement égaré, a reproduit les hostiles et détestables quolibets de Voltaire sur ce grave sujet, les plates suppositions de Gilles de Witte, la fable de Montesquieu d’une jeune juive brûlée à Lisbonne, uniquement parce qu’elle était née juive, et d’autres contes pareils. Depuis, on a fait paraître, mais surchargée à dessein, l’Histoire de l’inquisition de Llorente ; et plus récemment on a publié, sous le titre de Mystères de l’inquisition, un énorme roman qui est un arsenal d’imputations fausses. On a même illustré de gravures ces divers pamphlets, et on a traduit pour les yeux, à l’usage de ceux qui ne savent pas lire, des mensonges souvent impurs à la charge de l’inquisition. Nous reproduisons ici une de ces planches d’imposture ; elle représente des faits imaginaires dont l’Espagne et le Portugal n’ont jamais eu le spectacle. À la place des archers, on a mis des moines ; bien plus, un de ces religieux, armé d’une torche, met le feu au bûcher ; ce qui ne s’est jamais fait. Les moines n’étaient aux auto-da-fé que pour donner aux condamnés les consolations suprêmes.

Après Joseph de Maistre, l’abbé Jules Morel et l’abbé Léon Godard ont fait pleine justice de ces tristes licences de la presse.

« Si l’on excepte un très-petit nombre d’hommes instruits, dit Joseph de Maistre, il ne vous arrivera guère de parler de l’inquisition sans rencontrer dans chaque tête trois erreurs capitales, plantées et comme rivées dans les esprits, au point qu’elles cèdent à peine aux démonstrations les plus évidentes. On croit que l’inquisition est un tribunal purement ecclésiastique : cela est faux. On croit que les ecclésiastiques qui siègent dans ce tribunal condamnent certains accusés à la peine de mort : cela est faux. On croit qu’ils les condamnent pour de simples opinions : cela est faux. Le tribunal espagnol de l’inquisition était purement royal. C’était le roi qui désignait l’inquisiteur général, et celui-ci nommait à son tour les inquisiteurs particuliers, avec l’agrément du roi. Le règlement constitutif de ce tribunal fut publié en l’année 1484 par le cardinal Torquemada, de concert avec le roi[17]. Doux, tolérant, charitable, consolateur dans tous les pays du monde, par quelle magie le gouvernement ecclésiastique sévirait-il en Espagne, au milieu d’une nation éminemment noble et généreuse ? Dans l’examen de toutes les questions possibles, il n’y a rien de si essentiel que d’éviter la confusion des idées. Séparons donc et distinguons bien exactement, lorsque nous raisonnons sur l’inquisition, la part du gouvernement de celle de l’Église. Tout ce que le tribunal montre de sévère et d’effrayant, et la peine de mort surtout, appartient au gouvernement ; c’est son affaire ; c’est à lui, et c’est à lui seul qu’il faut en demander compte. Toute la clémence, au contraire, qui joue un si grand rôle dans le tribunal de l’inquisition, est l’action de l’Église, qui ne se mêle de supplices que pour les supprimer ou les adoucir. Ce caractère indélébile n’a jamais varié. Aujourd’hui, ce n’est plus une erreur, c’est un crime de soutenir, d’imaginer seulement que des prêtres puissent prononcer des jugements de mort. Il y a dans l’histoire de France un grand fait qui n’est pas assez observé, c’est celui des templiers ; ces infortunés, coupables ou non (ce n’est point de quoi il s’agit ici), demandèrent expressément d’être jugés par le tribunal de l’inquisition ; car ils savaient bien, disent les historiens, que s’ils obtenaient de tels juges, ils ne pouvaient plus être condamnés à mort… Le tribunal de l’inquisition était composé d’un chef nommé grand inquisiteur, qui était toujours archevêque ou évêque ; de huit conseillers ecclésiastiques, dont six étaient toujours séculiers, et de deux réguliers, dont l’un était toujours dominicain, en vertu d’un privilège accordé par le roi Philippe III[18]. »

Ainsi les dominicains ne dirigeaient donc pas l’inquisition, puisque l’un d’eux seulement en faisait partie par privilège.

« On ne voit pas bien précisément, dit encore Joseph de Maistre, à quelle époque le tribunal de l’inquisition commença à prononcer la peine de mort. Mais peu nous importe ; il nous suffit de savoir, ce qui est incontestable, qu’il ne put acquérir ce droit qu’en devenant royal, et que tout jugement de mort demeure, par sa nature, étranger au sacerdoce. La teneur des jugements établit ensuite que les confiscations étaient faites au profit de la chambre royale et du fisc de Sa Majesté. Ainsi, encore un coup, ce tribunal était purement royal, malgré la fiction ecclésiastique ; et toutes les belles phrases sur l’avidité sacerdotale tombent à terre. Ainsi l’inquisition religieuse n’était, dans le fond, comme dit Garnier, qu’une inquisition politique[19]. Le rapport des Cortès de 1812 appuie ce jugement. Philippe II, le plus absolu des princes, dit ce rapport, fut le véritable fondateur de l’inquisition. Ce fut sa politique raffinée qui la porta à ce point de hauteur où elle était montée. Les rois ont toujours repoussé les avis qui leur étaient adressés contre ce tribunal, parce qu’ils sont, dans tous les cas, maîtres absolus de nommer, de suspendre ou de renvoyer les inquisiteurs, et qu’ils n’ont, d’ailleurs, rien à craindre de l’inquisition, qui n’est terrible que pour leurs sujets… » Ainsi tombent ces contes bleus de rois d’Espagne qui

 
L’une des gravures menteuses imaginées contre l’inquisition
L’une des gravures menteuses imaginées contre l’inquisition.
 
s’apitoyaient sur des condamnés sans pouvoir leur faire grâce, quand il est démontré que c’étaient ces rois eux-mêmes qui condamnaient.

On a dit que depuis trois siècles l’histoire était une vaste conspiration contre le Catholicisme. On ferait un volume effrayant du catalogue des mensonges qui ont été prodigués dans ce sens par les historiens. La plupart viennent de la réforme ; mais les écrivains catholiques les copient tous les jours sans réflexion. C’est la réforme qui la première a écrit l’histoire de l’inquisition ; on a trouvé commode de transcrire son odieux roman, qui épargnait des recherches. Vous trouverez donc partout des faits inventés qui se présentent avec une effronterie incroyable. Nous en citerons deux ou trois. « Si l’on en croit quelques historiens, Philippe III, roi d’Espagne, obligé d’assister à un auto-da-fé (c’est le nom qu’on donne aux exécutions des inquisiteurs), frémit et ne put retenir ses larmes en voyant une jeune juive et une jeune Maure de quinze à seize ans qu’on livrait aux flammes, et qui n’étaient coupables que d’avoir été élevées dans la religion de leurs pères et d’y croire. Ces historiens ajoutent que l’inquisition fit un crime à ce prince d’une compassion si naturelle ; que le grand inquisiteur osa lui dire que pour l’expier il fallait qu’il lui en coûtât du sang ; que Philippe III se laissa saigner, et que le sang qu’on lui tira fut brûlé par la main du bourreau… » C’est Saint-Foix qui rapporte ce tissu de faussetés, dans ses Essais sur Paris, sans songer qu’aucun historien n’est là pour appuyer ces faits ; qu’ils ont été imaginés quatre-vingts ans après la mort de Philippe III ; que Philippe III était maître de faire grâce et de condamner ; que l’inquisition ne brûlait pas les juifs et les Maures coupables seulement d’avoir été élevés dans la religion de leurs pères et d’y croire ; qu’elle se contentait de les bannir pour raisons politiques, etc.

Vous lirez ailleurs que le cardinal Torquemada, qui remplit dix-huit ans les fonctions de grand inquisiteur, condamnait dix mille victimes par an, ce qui ferait cent quatre-vingt mille victimes. Mais vous verrez pourtant ensuite qu’il mourut ayant fait dans sa vie six mille poursuites, ce qui n’est pas cent quatre-vingt mille ; que le pape lui fit trois fois des représentations pour arrêter sa sévérité ; vous trouverez dans les jugements assez peu de condamnations à mort. Les auto-da-fé ne se faisaient que tous les deux ans ; les condamnés à mort attendaient longuement leur exécution, parce qu’on espérait toujours leur conversion ; et vous regretterez de rencontrer si rarement la vérité dans les livres. Un gros ouvrage qui vient de paraître (le Dictionnaire universel de la géographie et de l’istoire, par M. Bouillet) porte à cinq millions le nombre des personnes que l’inquisition a fait périr en Espagne… C’est, de plus de quatre millions et neuf cent quatre-vingt-dix mille, une erreur, — pour ne pas dire plus.

Rapportons maintenant quelque procédure de l’inquisition. Le fait qui va suivre est tiré de l’histoire de l’inquisition d’Espagne, faite à Paris sur les matériaux fournis par D. Llorente, matériaux qu’on n’a pas toujours employés comme Llorente l’eût voulu ; car on a fait de son livre un pamphlet. — « L’inquisition faisait naturellement la guerre aux francs-maçons et aux sorciers. À la fin du dernier siècle, un artisan fut arrêté au nom du saint-office pour avoir dit dans quelques entretiens qu’il n’y avait ni diables, ni aucune autre espèce d’esprits infernaux capables de se rendre maîtres des âmes humaines. Il avoua, dans la première audience, tout ce qui lui était imputé, ajouta qu’il en était alors persuadé pour les raisons qu’il exposa, et déclara qu’il était prêt à détester de bonne foi son erreur, à en recevoir l’absolution, et à faire la pénitence qui lui serait imposée. J’avais vu (dit-il en se justifiant) un si grand nombre de malheurs, dans ma personne, ma famille, mes biens et mes affaires, que j’en perdis patience, et que, dans un moment de désespoir, j’appelai le-diable à mon secours : je lui offris en retour ma personne et mon âme. Je renouvelai plusieurs fois mon invocation dans l’espace de quelques jours, mais inutilement, car le diable ne vint point. Je m’adressai à un pauvre homme qui passait pour sorcier ; je lui fis part de ma situation. Il me conduisit chez une femme, qu’il disait beaucoup plus habile que lui dans les opérations de la sorcellerie. Cette femme me conseilla de me rendre, trois nuits de suite, sur la colline des Vistillas de saint François, et d’appeler à grands cris Lucifer, sous le nom d’ange de lumière, en reniant Dieu et la religion chrétienne et en lui offrant mon âme. Je fis tout ce que cette femme m’avait conseillé, mais je ne vis rien : alors elle me dit de quitter le rosaire, le scapulaire et les autres signes de chrétien que j’avais coutume de porter sur moi, et de renoncer franchement et de toute mon âme à la foi de Dieu, pour embrasser le parti de Lucifer, en déclarant que je reconnaissais sa divinité et sa puissance comme supérieures à celles de Dieu même ; et après m’être assuré que j’étais véritablement dans ces dispositions, de répéter, pendant trois autres nuits, ce que j’avais fait la première fois. J’exécutai ponctuellement ce que cette femme venait I de me prescrire ; cependant l’ange de lumière ne m’apparut point. La vieille me recommanda de prendre de mon sang et de m’en servir pour écrire sur du papier que j’engageais mon âme à Lucifer, comme à son maître et à son souverain ; de porter cet écrit au lieu où j’avais fait mes invocations, et, pendant que je le tiendrais à la main, de répéter mes anciennes paroles : je fis tout ce qui m’avait été recommandé, mais toujours sans résultat. Me rappelant alors tout ce qui venait de se passer, je raisonnai ainsi : S’il y avait des diables, et s’il était vrai qu’ils désirassent de s’emparer des âmes humaines, il serait impossible de leur en offrir une plus belle occasion que celle-ci, puisque j’ai véritablement désiré de leur donner la mienne. Il n’est donc pas vrai qu’il y ait des démons ; le sorcier et la sorcière n’ont donc fait aucun pacte avec le diable, et ils ne peuvent être que des fourbes et des charlatans l’un et l’autre. »

Telles étaient en substance les raisons qui avaient fait apostasier l’artisan Jean Pérez. Il les exposa, en confessant sincèrement son péché. On entreprit de lui prouver que tout ce qui s’était passé ne prouvait rien contre l’existence des démons, mais faisait voir seulement que le diable avait manqué de se rendre à l’appel, Dieu le lui défendant quelquefois, pour récompenser le coupable de quelques bonnes œuvres qu’il a pu faire avant de tomber dans l’apostasie. Il se soumit, reçut l’absolution et fut condamné à une année de prison, à se confesser et à communier aux fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte, pendant le reste de ses jours, sous la conduite d’un prêtre qui lui serait donné pour directeur spirituel ; à réciter une partie du rosaire et à faire tous les jours des actes de foi, d’espérance, de charité, de contrition, etc. Tel fut son châtiment.

Voici maintenant l’histoire d’un autre épouvantable auto-da-fé, extraite du Voyage fait en Espagne pendant les années 1786 et 1787, par Joseph Fownsend, recteur de Pewsey : « Un

 
 
mendiant, nommé Ignazio Rodriguez, fut mis en jugement au tribunal de l’inquisition pour avoir distribué des philtres amoureux, dont les ingrédients étaient tels que l’honnêteté ne permet pas de les désigner. En administrant le ridicule remède (il paraît que le prédicant anglais n’est pas sévère), il prononçait quelques paroles de nécromancie. Il fut bien constaté que la poudre avait été administrée à des personnes de tout rang. Rodriguez fut condamné à être conduit dans les rues de Madrid, monté sur un âne, et à être fouetté. On lui imposa de plus quelques pratiques de religion et l’exil de la capitale pour cinq ans. La lecture de la sentence fut souvent interrompue par de grands éclats de rire, auxquels se joignait le mendiant lui-même. Le coupable fut, en effet, promené par les rues, mais non fouetté ; et pendant la route, on lui offrait du vin et des biscuits pour se rafraîchir… »

Nous pourrions rassembler beaucoup de traits pareils, qui peindraient l’inquisition tout autrement que ne la montrent des livres infiniment trop menteurs. Bornons-nous à citer encore le témoignage d’un homme qui n’est pas suspect aux ennemis de l’Église catholique :

« Depuis le seizième siècle, dit le protestant Ranke, l’inquisition n’était qu’un tribunal royal muni d’armes spirituelles. » Les inquisiteurs n’étaient en effet que des fonctionnaires royaux, en partie laïques, soumis aux inspections royales, nommés et destitués par le roi, relevant d’un conseil qui siégeait à la cour. Tout le bénéfice des confiscations prononcées par eux revenait au roi ; aucune grandesse, aucun prélat ne pouvait se soustraire à ce tribunal, toujours docile. C’est par lui que Charles-Quint fit juger les évêques partisans des communes ; c’est à lui que Philippe II livra son ex-favori Pérez. Il en étendit la juridiction aux arts, au commerce, aux impôts et à la marine. « Ce tribunal, ajoute Ranke, fait partie de ces dépouilles du pouvoir ecclésiastique, dont le gouvernement s’est enrichi. » Le nonce Visconti écrivait en 1563 que l’inquisition espagnole avait diminué grandement l’autorité du saint-siège. Saint Charles Borromée en empêcha Rétablissement à Milan pendant sa vie ; le clergé de Sicile la combattit, et elle ne put être toute-puissante ni en Italie ni dans les provinces basques. » Voy. Tribunal secret.

Insensibilité. On a exposé souvent que le diable rendait les sorciers insensibles à la question ou torture, et ce fait s’est vu souvent avec certitude, notamment dans les possédés.

Institor (Henri), auteur, avec Sprenger, du Malleus maleficarum ; Lyon, 1484.

Interdit, censure de l’Église qui suspend les ecclésiastiques de leurs fonctions et qui prive le peuple de l’usage des sacrements, du service divin et de la sépulture en terre sainte. L’objet de l’interdit n’était, dans son origine, que de punir ceux qui avaient causé quelque scandale public, et de les ramener au devoir en les obligeant à demander la levée de l’interdit. Ordinairement l’interdit arrêtait les déréglements des monastères, empêchait les hérésies de s’étendre, mettait un frein aux excès des seigneurs tyranniques, des criminels puissants, des perturbateurs de la paix publique. Ainsi, après le massacre des vêpres siciliennes, le pape Martin IV mit en interdit la Sicile et les États de Pierre d’Aragon. Grégoire VII, qui fit grand usage de l’interdit, sauva plus d’une fois par cette mesure la cause de l’humanité, qui sans lui périssait de toutes parts. — L’interdit doit être prononcé dans les mêmes formes que l’excommunication, par écrit, nommément, avec l’expression de la cause et après trois monitions. La peine de ceux qui violent l’interdit est de tomber dans l’excommunication.

 
Le pape lançant l’interdit
Le pape lançant l’interdit.
 

Intersignes. Avis mystérieux et sympathique qui arrive d’une manière inexplicable. Dans le beau récit de M. Hippolyte Violeau, intitulé une Passion funeste, une mère, inquiète de son fils, l’entend qui l’appelle à son secours. Il était à une lieue d’elle ; cependant elle l’entend, court en hâte et le sauve d’une mort affreuse. Les Bretons croient aux intersignes, qu’on appelle aussi quelquefois des pressentiments.

Invisibilité. Pour être invisible, il ne faut que mettre devant soi le contraire de la lumière ; un mur, par exemple[20]. Mais le Petit Albert et les Clavicules de Salomon nous découvrent des secrets plus rares et plus importants pour l’invisibilité. On se rend invisible, par exemple, en portant sous son bras droit le cœur d’une chauve-souris, celui d’une poule noire ou celui d’une grenouille. Ou bien, disent ces infâmes petits livres de secrets stupides, volez un chat noir, achetez un pot neuf, un miroir, un briquet, une pierre d’agate, du charbon et de l’amadou, observant d’aller prendre de l’eau au coup de minuit à une fontaine ; après quoi allumez votre feu, mettez le chat dans le pot, et tenez-le couvert de la main gauche sans jamais bouger ni regarder derrière vous, quelque bruit que vous entendiez ; et après l’avoir fait bouillir vingt-quatre heures, toujours sans bouger, sans regarder derrière vous, sans boire ni manger, mettez-le dans un plat neuf, prenez la viande et la jetez par-dessus l’épaule gauche, en disant ces paroles : Accipe quod tibi do et nihil amplius ; puis mettez les os l’un après l’autre sous vos dents, du côté gauche, en vous regardant dans le miroir ; et si l’os que vous tenez n’est pas le bon, jetez-le successivement, en disant les mêmes paroles jusqu’à ce que vous l’ayez trouvé ; sitôt que vous ne vous verrez plus dans le miroir, retirez-vous à reculons. La possession de cet os vous rendra invisible toutes les fois que vous le prendrez entre les dents.

On peut encore, pour se rendre invisible, faire cette opération que l’on commence un mercredi, avant le soleil levé. On se munit de sept fèves noires : puis on prend une tête de mort ; on met une fève dans la bouche, deux dansées narines, deux dans les yeux et deux dans les oreilles ; on fait ensuite sur cette tête la figure d’un triangle, puis on l’enterre la face vers le ciel ; on l’arrose pendant neuf jours avec d’excellente eau-de-vie, de bon matin, avant le soleil levé. Au huitième jour, vous y trouverez un esprit ou démon qui vous demandera : — Que fais-tu là ? — Vous lui répondrez : — J’arrose ma plante. — Il vous dira : — Donne-moi cette bouteille, je l’arroserai moi-même. — Vous lui répondrez que vous ne le voulez pas. Il vous la demandera encore ; vous la lui refuserez jusqu’à ce qu’il tende la main, où vous verrez une figure semblable à celle que vous avez faite sur la tête ; vous devez être assuré dès lors que c’est l’esprit véritable de la tête. — N’ayant plus de surprise à craindre, vous lui donnerez votre fiole, il arrosera lui-même, et vous vous en irez. — Le lendemain, qui est le neuvième jour, vous y retournerez ; vous y trouverez vos fèves mûres, vous les prendrez, vous en mettrez une dans votre bouche, puis vous regarderez dans un miroir : si vous ne vous y voyez pas, elle sera bonne. Vous en ferez de

 
Un des trois se rend invisible
Un des trois se rend invisible.
 
même de toutes les autres ; celles qui ne vaudront rien doivent être enterrées au lieu où est la tête. — Pour cette expérience, ayez toutes les choses bien préparées avec diligence et avec toutes les solennités requises…

Il y a encore de malheureux niais qui croient à ces procédés. Voy. Anneau.

Invocations. Agrippa dit que, pour invoquer le diable et l’obliger à paraître, on se sert des paroles magiques : Dies mies jesquet benedo efet donvema enitemaüs ! Mais Pierre Leloyer dit que ceux qui ont des rousseurs au visage ne peuvent faire venir les démons, quoiqu’ils les invoquent. Voy. Évocations et Conjurations.

Io. Cette femme que Junon changea en génisse est traitée de sorcière dans les démonographes. Delancre assure que c’était une magicienne qui se faisait voir tantôt sous les traits d’une femme, tantôt sous ceux d’une vache avec ses cornes.

Ipès ou Ayperos, prince et comte de l’enfer ; il apparaît sous la forme d’un ange, quelquefois sous celle d’un lion, avec la tête et les pattes d’une oie et une queue de lièvre, ce qui est un peu court ; il connaît le passé et l’avenir, donne

 
Ipès.
Ipès.
Ipès.
 
du génie et de l’audace aux hommes, et commande trente-six légions.

Irlande. Parmi beaucoup d’opinions poétiques et bizarres, les Irlandais croient qu’une personne qui doit mourir naturellement ou par accident se montre la nuit à quelqu’un, ou plutôt son image, enveloppée d’un drap mortuaire. Cette apparition a lieu dans les trois jours qui précèdent la mort annoncée.

Irle-Khane. Voy. Khane.

Irmentrude. Une demoiselle provençale nommée Irmentrude, ayant épousé Isambard, comte d’Altorf, accoucha un jour de douze garçons, en l’absence de son mari. Comme elle n’en voulait nourrir qu’un, elle ordonna à sa servante d’aller jeter les onze autres à la rivière. Mais le comte Isambard, ayant rencontré la femme qui les avait dans son tablier, lui demanda ce qu’elle portait là. «Ce sont de petits chiens que je vais aller noyer, » dit-elle. Isambard voulut les voir : découvrant bientôt tout le mystère, il prit les onze enfants, les fit élever en secret et ne les présenta à sa femme que lorsqu’ils furent devenus grands. Ils prirent, en mémoire de cette aventure, le nom de Welf, qui en allemand signifiait chien, et que leurs descendants gardent encore. Voy. Trazégnies.

Is, ville bretonne, gouvernée par le roi Gralon. Toute espèce de luxe et de débauche régnait dans cette opulente cité. Les plus saints personnages y prêchaient en vain les mœurs et la réforme. La princesse Dahut, fille du roi, oubliant la pudeur et la modération naturelles à son sexe, y donnait l’exemple de tout genre de dépravation. L’heure de la vengeance approchait : le calme qui précède les plus horribles tempêtes, les chants, la musique, le vin, toute espèce de spectacle et de débauche enivraient, endormaient les habitants endurcis de la grande ville. Le roi Gralon seul n’était pas insensible à la voix du ciel. Un jour le prophète Guénolé prononça d’une

 
Is
Is
 
voix sombre ces mots devant le roi Gralon : « Prince, le désordre est au comble, le bras de l’Éternel se lève, la mer se gonfle, la cité d’Is va disparaître : partons. » Gralon monte aussitôt à cheval et s’éloigne à toute bride ; sa fille Dahut le suit en croupe. La main de l’Éternel s’abaisse ; les plus hautes tours de la ville sont englouties, les flots pressent en grondant le coursier du saint roi, qui ne peut s’en dégager ; une voix terrible se fait entendre : « Prince, si tu veux te sauver, renvoie le diable qui te suit en croupe. » La belle Dahut perdit la vie ; elle se noya près du lieu qu’on nomme Poul-Dahut. La tempête cessa, l’air devint calme, le ciel serein ; mais depuis ce moment le vaste bassin sur lequel s’étendait une partie de la ville d’Is fut couvert d’eau. C’est maintenant la baie de Douarnenez[21].

Isaacarum, l’un des adjoints de Leviathan, dans la possession de Loudun.

Isabelle ou Isabeau, prophétesse. Voy. Dauphiné.

Isis avait un temple à Isemberg (montagne d’Isis) au canton de Zurich. On croit qu’elle a eu aussi un culte à Paris.

Islandais. « Les Islandais sont si experts dans l’art magique, dit un voyageur du dernier siècle, qu’ils font voir aux étrangers ce qui se passe dans leurs maisons, même leurs pères, mères, parents et amis, vivants ou morts[22]. » Les Islandais prétendent encore avoir la seconde vue et voir les esprits.

Isle en Jourdain (Mainfroy de l’), habile devin qui découvrit par l’astrologie l’horrible conduite de deux chevaliers, Philippe et Gauthier d’Aunoy, lesquels étaient amants, l’un de Marguerite de Navarre, femme de Louis le Hutin, et l’autre de Blanche, femme de Charles le Bel ; on prouva encore qu’ils envoûtaient les maris de ces deux dames. C’étaient les deux frères de Philippe de Valois. Le roi Philippe en fit justice : les deux chevaliers furent écorchés vifs et pendus, et les deux dames périrent en prison.

Isparetta, idole principale des habitants de la côte du Malabar. Antérieurement à toute création, Isparetta se changea en un œuf d’où sortirent le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent. On le représente avec trois yeux et huit mains, une sonnette pendue au cou, une demi-lune et des serpents sur le front.

Israfil ou Asrafil. Voy. Asrafil.

Ithyphalle, nom d’une espèce d’amulette que l’on pèndait au cou des enfants et des vestales ; on lui attribuait de grandes vertus. Pline dit que c’était un préservatif pour les empereurs mêmes, qu’il protégeait contre les effets de l’envie.

Ivo le noir. Au pied de la tour d’Obod, un des plus vieux monuments du Monténégro, dans une sombre et profonde caverne, dort Ivo le noir, le héros, le fondateur ou plutôt l’organisateur sauvage de la nation ou peuplade qui habite le Monténégro. Quand la mer Bleue et Kataro seront rendus aux Monténégrins, alors Ivo sortira de son sommeil magique et se mettra de nouveau à la tête de ses descendants pour renvoyer les Autrichiens dans leurs humides et nuageuses contrées.[23]

Iwan Basilowitz. Voy. Jean.

Iwangis, sorciers des îles Moluques, qui font aussi le métier d’empoisonneurs. On prétend qu’ils déterrent les corps morts et s’en nourrissent, ce qui oblige les Moluquois à monter la garde auprès des sépultures, jusqu’à ce que les cadavres soient pourris.



  1. M. Salgues, Des erreurs, etc., t. III, p. 361.
  2. Delancre, Incrédulité et mécréance, etc., p. 267.
  3. Cette anecdote ne doit infirmer en rien la juste réputation du pèlerinage de Saint-Hubert, où il est avéré (comme il est facile aux curieux de s’en convaincre) qu’aucun malade n’est allé sans trouver la guérison.
  4. Bayle, République des lettres, 1684, t. III, p. 472, cité par M. Salgues.
  5. Bayle, République des lettres, 1686, t. III, p. 1018.
  6. Cornelii Gemmæ cosmocriticæ, lib. I, cap. viii.
  7. Marmier, Traditions de la Baltique.
  8. Numero Deus impure gaudet.
  9. Hertor de Boëce.
  10. Chassanion, Jugements de Dieu, p. 169.
  11. Mac-Ferlane, Souvenirs du Levant.
  12. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, t. III, p. 213.
  13. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés, t. II, p. 186 et suiv.
  14. Bergier, Dictionnaire théologique.
  15. Admirables secrets d’Albert le Grand, p. 18.
  16. Bergier, Dictionnaire théologique.
  17. Voyez le rapport officiel en vertu duquel l’inquisition fut supprimée par les Cortès de 1812.
  18. Joseph de Maistre, Lettres à un gentilhomme russe sur l’inquisition espagnole.
  19. Histoire de Francois Ier, t. II, ch. iii.
  20. Le comte de Gabalis.
  21. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. I.
  22. Nouveau voyage au septentrion, 1708, p. 66.
  23. M. Edmond Texier, Le prince de Monténégro, 1834.