Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Majoragius


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MAJORAGIUS (Marc-Antoine), professeur en éloquence à Milan, au XVIe. siècle, s’acquit beaucoup de réputation par la politesse de son style, et par son habileté dans les belles-lettres [* 1]. Il étudia à Côme sous un professeur qui était son proche parent (A) ; après quoi il s’en alla à Milan, où il trouva un patron[a] chez qui il logea cinq années, si appliqué à l’étude qu’il en pensa perdre la vie (B). Il se mit en tête de faire revivre la coutume de déclamer, qui faisait qu’anciennement la jeunesse se trouvait si tôt capable de haranguer éloquemment ; et après avoir donné sur cela des instructions fort utiles à quantité d’écoliers, et les avoir dressés à cet exercice dans une chambre, il résolut de s’employer à cette fonction publiquement. Les curateurs du collége lui furent si favorables, qu’ils lui conférèrent cet emploi dès qu’ils eurent connu ses intentions. Il n’avait alors que vingt-six ans. Il s’acquitta parfaitement bien de cette charge. Mais au bout de deux années on congédia tous les professeurs, à cause qu’on se voyait menacé d’une périlleuse guerre dans le Milanais. Il se retira à Ferrare, où il étudia en jurisprudence sous André Alciat, et en philosophie sous Vincent Magius. Il publia quelques pièces, où il se donna le nom de Marcus Antonius Majoragius (C). Les alarmes de la guerre étant apaisées, il retourna à Milan, et il y fut rétabli dans sa profession avec des gages plus considérables. Ses ennemis, qui avaient tâché inutilement d’empêcher cela, se déchaînèrent contre lui, et lui intentèrent un procès sur le nom qu’il avait pris à la tête d’un ouvrage (D). Il plaida sa cause publiquement, et la gagna [* 2]. Il continua d’enseigner avec une forte application, qui sans doute lui abrégea la vie ; car il ne vécut qu’environ quarante ans et six mois. Il mourut le 4 d’avril 1555. M. Moréri a donné le titre de quelques-uns de ses livres (E), et a fait quelques petites fautes (F). M. de Thou en a fait aussi quelqu’une (G).

Majoragius doit être mis dans le catalogue des personnes accusées de plagiat (H).

  1. * Voyez ce que dit Leclerc à l’occasion de l’article Mainus, ci-dessus, pag. 138.
  2. (*) Tiré de la Xe. Harangue de Majoragius. C’est celle où il se justifie du changement de son nom.
  1. Nommé Lancelot Fagniant.

(A) Il étudia... sous un professeur qui était son proche parent. ] Il avait bien du mérite, et s’appelait Premier le Comte, Primus Comes [1]. Ce nom fut le fondement d’une équivoque qui surprit Érasme ; car cet Italien, ayant mis son nom en latin au bas d’un billet, où il lui faisait savoir qu’il voulait lui rendre visite, fut cause qu’Érasme, tout infirme qu’il était, s’empressa de lui aller au-devant, bien persuadé que c’était quelque grand prince. Il fut bien étonné de ne trouver qu’un petit homme tout seul : mais il ne se repentit pas de s’être pressé ; la conversation de ce personnage lui plut beaucoup. Majoragius raconte cela beaucoup mieux que je ne fais ; il mérite qu’on l’entende. Cùm in Germaniam eâ de causâ profectus fuisset, ut Erasmi consuetudine per aliquod tempus frueretur, priusquàm ipsum Erasmum conveniret, ad eum litteras dedit, quibus adventûs sui causam declarabat, quarum in extremâ parte nomen suum, ut fit, ita subscripserat : Tui studiosissimus Primus Comes Mediolanensis. Hanc cùm Erasmus subscriptionem vidisset, credidit statim magnum aliquem adesse principem, sui visendi gratiâ. Quare licet admodùm senex et infirmus esset : tamen quo studio, quoque apparatu potuit, obviam consobrino meo longè processit. Sed postquam homunculum unum, nullo comitatu, nullo servorum grege stipatum : et benè quidem litteratum, sed nullo elegantiori cultu vestitum reperit, errorem suum ridere jucundissimè cœpit ; et tamen eum sibi multò gratiorem advenisse, quàm si magnus princeps fuisset, multis audientibus testatus est [2]. Il nous apprend au même lieu qu’une des raisons, pourquoi il quitta le nom de comte [3], fut qu’on s’y était laissé attraper ; car Gryphius, répondant à une lettre de Majoragius, avait pris le style d’un homme qui aurait écrit à un prince. Eâdem ratione deceptus aliquandò fuit in nomine meo vir insignis ac litteratus Sebastianus Gryphius. Cùm enim ad eum litteras dedissem, et me Comitem inscripsissem, ille mihi tanquàm alicui principi respondit, et clarissimum Comitem non semel appellavit [4].

(B) Il fut si appliqué à l’étude, qu’il en pensa perdre la vie. ] Les divertissemens, les jeux, les festins, n’avaient pour lui aucun charme ; et on avait beau l’avertir qu’une application si forte aux livres le tuerait, il ne se relâchait point ; mais enfin une dangereuse maladie lui fit sentir qu’il aurait fallu déférer aux exhortations de ses amis. C’est lui-même qui nous apprend. Fui apud hunc annos circiter quinque ; quo quidem tempore litterarum studiis adeò vehementem operam dedi, ut totum illud quinquennium in labore atque contentione animi contriverim, ut me non quies, non remissio, non æqualium studia, non ludi, non convivia delectarint. Testis est vir iste gravissimus atque ornatissimus Lancillottus Fannianus, patronus meus, qui mihi adest, de me sollicitus est, meum honorem atque existimationen tuetur. Qui cùm in studiis litterarum me continenter versari videret, magno quodam cum amore sæpissimè reprehendere solebat, quòd acquirendæ scientiæ desiderio, propriæ salutis obliviscerer. Testes sunt omnes, qui me nôrant eo tempore, ut non semel propter nimis assiduum studium, cùm in gravissimos morbos incidissem, de vitæ periculo dimicârim [5]. Après qu’il fut guéri, il n’eut pas moins de besoin qu’on l’avertît qu’il travaillait trop : l’amour des sciences et de la gloire l’entraînait de telle sorte, qu’il ne songeait point au préjudice que sa santé en pourrait encore souffrir. Quo quidem munere (oratoriam artem publicè docendi) duos annos ita perfunctus sum, ut (ne quid arrogantius de me dicam) nemo diligentiam aut industriam meam desiderârit. Quin potiùs ita noctes et dies in omnium doctrinarum meditatione versabar, ut non tantùm propinqui atque necessarii mei, sed etiam multi ex vobis, P. C. me sæpissimè reprehenderent, quòd nimios magnos labores et viribus meis impares assumere non dubitarem. Ardebam enim (ut ingenuè fatear) incredibili gloriæ cupiditate, quam in adolescente nequaquàm esse vituperandam sapientes omnes existimant. Nullum igitur omninò diem esse patiebar, in quo non aut publicè docerem, aut privatè mecum ipse meditarer, et vel scriberem, vel declamaren : frequenter autem eodem die hæc omnia faciebam [6].

(C) Il publia quelques pièces où il se donna le nom de Marcus Autonius Majoragius. ] J’ai de la peine à le trouver juste dans ses calculs. Il expose dans son plaidoyer [7], qu’étant à Ferrare il résolut par le conseil de ses amis de faire imprimer quelques traités. C’étaient des harangues, et l’Apologie de Cicéron contre Calcagninus [8]. Depuis qu’elles eurent vu le jour, il commença d’être connu à Ferrare sous le nom qu’il s’était donné à la tête de ses écrits. Ensuite il retourna à Milan, et il y reprit sa première profession, nonobstant les mauvais offices de ses ennemis. Quelque temps après on l’accusa de son changement de nom, comme nous le dirons dans la remarque suivante. On n’accorde pas cela aisément avec l’épître dédicatoire de sa Réponse à la Critique de Calcagninus : elle est datée du 8 de juillet 1543 ; et il y parle comme un homme qui exerçait tranquillement à Milan les fonctions de sa profession. Il n’est donc pas vrai que ce livre soit sorti de dessous la presse pendant que l’auteur se tint à Ferrare, où il s’était retiré lorsque les désordres de la guerre interrompirent les leçons publiques dans la ville de Milan. Autre remarque : il naquit le 26 d’octobre 1514 [9], et il fut fait professeur en rhétorique ayant à peine vingt-six ans [10], c’est-à-dire l’an 1540. Il exerça cette charge pendant deux ans, et puis il s’en alla à Ferrare [11]. Il y alla donc l’an 1542. Or il était à Milan au mois de juillet 1543, et il y faisait sa charge paisiblement ; et ce fut alors qu’il publia la Défense de Cicéron contre Calcagninus. Il s’abuse donc lorsqu’il expose que cet ouvrage parut pendant que la guerre interrompit ses leçons, et avant qu’il quittât Ferrare pour retourner à Milan. Passons plus avant. Il étudia en droit à Ferrare sous André Alciat, qui n’y commença ses leçons qu’en l’année 1543 [12]. Donc Majoragius débite un mensonge, quand il dit qu’il fut reçu professeur à l’âge de vingt-six ans, et qu’au bout de deux années il s’en alla à Ferrare, où il ouït les leçons d’Alciat. C’est en cela qu’il s’est abusé : passez-lui ce mensonge, il sera facile d’ôter toutes les autres difficultés, et d’établir la vraie époque de son voyage de Ferrare. Puisque les leçons publiques cessèrent à cause que l’armée de France était arrivée dans le Piémont [13], il faut mettre cette interruption en 1544. Le duc d’Enguien fut envoyé cette année-là en Italie avec un renfort de troupes, et gagna la bataille de Cérizolles. Majoragius, paisible dans sa maison au mois de juillet de l’année précédente, avait composé l’épître dédicatoire de son traité contre Calcagninus ; mais avant qu’il mît cet ouvrage sous la presse, il fallut qu’il s’en allât à Ferrare ; et ce fut pendant qu’il y séjourna qu’il le mit au jour. Cette même époque se peut prouver par quelques endroits de la harangue, où Majoragius se justifie sur le changement de nom. Il observe qu’il est âgé de trente-deux ans [14] : il se justifiait donc l’an 1546. Il observe qu’André Alciat avait enseigné le droit à Ferrare les quatre dernières années [15] : cela n’est pas incompatible avec l’an 1546. Il observe qu’il était revenu à Milan depuis un an [16]. Il y était donc revenu l’an 1545 : d’où l’on doit conclure que l’interruption de ses leçons, et son séjour à Ferrare, durèrent un an, pendant lequel il publia des harangues, et l’apologie de Cicéron.

J’ai montré ailleurs [17] que les doctes marquent quelquefois assez mal la date de leurs aventures. En voici un qui s’est fait plus jeune qu’il ne l’était à son entrée aux charges publiques.

(D) Ses ennemis... lui intentèrent un procès sur le nom qu’il avait pris à la tête d’un ouvrage. ] Son nom de baptême était Antoine, comme celui de son aïeul paternel [18]. Sa mère, de son autorité particulière, y joignit celui de Marie, tant à cause de sa dévotion pour la Sainte Vierge, qu’à cause qu’elle se plaisait à ouïr ce mot. Boni ominis gratiâ.... nomini meo Mariam addidit, ut sanctissimum illud divinæ matris nomen, maternâ quâdam pietate muliebrique religione mihi additum, gratiorem ex nomine meo sonum atque amabiliorem ad ipsius matris aures apportaret. Eam enim sæpissimè commemini dicere, se Marie nomine mirandum in modum solitam esse recreari [19]. Ainsi dès le berceau notre Majoragius fut appelé Antoine-Marie ; son père et tous les voisins lui donnaient ce nom ; et ce fut sous celui-là qu’on le connut dans la suite, partout où il se faisait connaître. On fut donc surpris de voir qu’à la tête de son premier livre il s’appelât Marc-Antoine, supprimant le nom vénérable de la Sainte Vierge qu’il avait toujours porté. Je m’étonne de ne voir point que ce fut la principale batterie de ses accusateurs, et qu’ils ne tâchassent pas de le convaincre d’avoir fait injure à la mère du fils de Dieu. La cause fut plaidée devant le sénat de Milan avec beaucoup d’apparat. Je ne sais point si le plaidoyer des accusateurs [20] fut rendu public ; mais nous avons la défense de l’accusé parmi ses harangues. Il se justifia fort éloquemment, et cita beaucoup d’exemples illustres de la liberté qu’il avait prise. Il avoua de bonne foi la raison qui l’avait mû à n’oser paraître en public sous le nom d’Antoine-Marie ; c’est qu’il était si scrupuleux dans le choix des termes, qu’il n’en osait employer aucun qui ne se trouvât dans les auteurs de la belle latinité. Or il n’y a point d’exemple dans l’antiquité romane, qu’un homme ait été nommé Marie, ni qu’il ait eu tout à la fois un nom masculin et un nom féminin. Voilà pourquoi il convertit le nom Maria en celui de Marcus, par l’allongement de la dernière syllabe, et le mit devant celui d’Antonius ; car c’eût été une barbarie, un usage inconnu à l’ancienne Rome, que de s’appeler Antonius Marcus. Il fallut donc non-seulement allonger l’un de ses noms, mais aussi lui faire changer de place. Comme nous avons ici un exemple des superstitions de la secte cicéronienne [21], il faut rapporter les propres paroles de cet auteur. In verborum delectu, quod C. Cesar eloquentiæ principium esse dictitabat, adeô diligens, et penè dixerim superstitiosus eram, ut nullum omninò verbum, nullam verborun : conjunctionem, nullam dicendi formulam admittendam mihi esse censerem, quam non apud veteres latinos atque probatos auctores invenissem. Id igitur in nomine meo præcipuè servandum esse statuebam, ne, cùm latine linguæ candorem et elegantiam profiterer, aliquis mihi barbarum nomen et inusitatum aliquandò posset objicere : atque eò magis, quòd mihi nullo modo convenire videbatur, ut muliebre nomen cum virili conjungeretur. Quis enim apud antiquos unquàm talem nominis conjunctionem vel legit, vel audivit, ut quis à viro et muliere nominaretur [22] ? Quant au nom de Majoragius, il le préféra à celui de Comes, par la raison que j’ai rapportée ci-dessus [23]. Ainsi, au lieu d’Antonius Maria Comes, qui étaient les noms qu’il avait portés avant que d’être agrégé au corps des auteurs, il se nomma Marcus Antonius Majoragius en s’érigeant en auteur. J’ajoute que Majoragius était le nom de son père, et que son père avait eu ce nom à cause qu’il était né dans le village de Majoraggio proche de Milan. Julianus Comes, homo cùm innocentiâ atque integritate vitæ, tùm officio, fide, auctoritate sui municipii facile princeps ; mihi pater fuit, P. C. qui cùm Majoragium vicum habitaret, atque ita se comiter liberaliterque gereret, ut vicinis omnibus gratus et carus haberetur : cognomen à loco sortitus est, et Majoragius appellatus [24]. Au reste, ce Julien Majoragius ayant épousé Magdeleine le Comte, se nomma Comes, à l’imitation de ses beaux-frères, qui ne trouvèrent point du bel usage de se dire de Comite ou de Comitibus. C’est notre Majoragius qui me l’apprend. Cùm hoc locutionis genus à consuetudine latini sermonis abhorreret, primò vir eruditissimus avunculus meus, qui permultos annos Mediolani magnâ cum gloriâ publicè docuit, cùm elegantiæ sermonis almodùm studiosus esset, non ampliùs se de Comitibus, ut cœteri faciebant, sed Petrum Comitem cœpit inscribere.... Hunc imitati sunt ejus fratres Jacobus et Aloysius, atque etiam pater meus Julianus, qui horum sororem Magdalenam, matrem meam in matrimonio habebat [25]. Notez que Julien et sa femme étaient issus de mêmes ancêtres [26].

(E) M. Moréri a donné le titre de quelques-uns de ses livres. ] Il a oublié les harangues et les préfaces, imprimées plusieurs fois. Je pense que la première édition fut faite à Venise, l’an 1582 [27], par les soins de Jean-Pierre Ayroldus Marcellinus. Elle comprend XXV harangues, XIV préfaces, et le dialogue de Eloquentiâ. Je me sers de l’édition de Leipsic, 1628, enrichie de notes marginales par Valentin Hartungus, professeur en médecine. On n’avait point osé publier en Italie la harangue de Majoragius contre l’avarice du clergé [28]. C’est une très-belle pièce, et aussi finement tournée qu’il se puisse. Elle fut publiée à Utrecht, l’an 1666, in-4°., sur le manuscrit de M. Gudius. M. Morhof ayant vu que les exemplaires en étaient devenus rares, la fit réimprimer avec un discours qu’il avait fait selon ce modèle, l’an 1690. L’une et l’autre de ces deux pièces se trouvent dans la collection des harangues et des programmes de M. Morhof, publié à Hambourg l’an 1698. Vous trouverez un fort long extrait de cette harangue de Majoragius dans le Luthéranisme de M. de Seckendorf [29]. M. Moréri devait un peu mieux expliquer le sujet de la querelle de Majoragius avec Calcagninus, et avec Nizolius. La querelle avec Calcagninus fut soutenue pour les Offices de Cicéron, contre lesquels Calcagninus avait publié XXV Disquisitions. Majoragius les réfuta toutes par autant de Décisions : c’est le titre qu’il donna à ses réponses, publiées l’an 1543. Jacques Grifolus réfuta aussi les Disquisitions de Calcagninus. Ces trois pièces, je veux dire la Critique de Calcagninus, et les Réponses de Majoragius et de Grifolus, furent publiées ensemble in-8°., au XVIe. siècle, M. Grævius a inséré tout cela dans son excellente édition des Offices de Cicéron. Quant à Nizolius, il se brouilla avec Majoragius par jalousie de métier : il eut du dessous, parce que peu d’habiles gens s’accommodaient de son caprice de cicéronien rigide. Hunc Tullianæ elucubrationis genium cùm inter cæteros ejus ætatis præferret etiam Marius Nizolius Brixellensis, orta est inter utramque de primæ laudis acquisitione contentio, multa vicissim sibi publicè objectantem, ac sua vicissim scripta carpentem : in quo tamen Nizolius ideò acerbiora eruditorum judicia, quòd subacri et tetricâ superstitione, in tantâ latinorum procerum fœcunditate ne hilum quidem à Ciceronis formulis recedendum arbitraretur. Sua igitur non inceptè tutatus placita Majoragius perdocti ac industrii ingenii nomen emeruit [30]. N’oublions pas que Gaudentius Mérula doit être compté au nombre des adversaires de Majoragius, qui l’accuse d’être un grand voleur [31].

(F) M. Moréri a fait quelques petites fautes. ] 1°. Il ne fallait pas dire que Majoragio était natif d’un château de ce nom ; car Majoraggio n’est qu’un village. Si l’on me dit que rien n’empêche qu’il n’y ait un château dans ce village, je l’avouerai ; mais j’ajouterai que Majoragius ne naquit point dans un château. Je le prouve par ces paroles [32] : Amphortius, qui ex illis [33] natu maximus erat, Majoragium vicum extruxit, atque in eo turrim, cujus adhuc in domo meâ paternâ, post septingentos atque ampliùs annos, quædam extant vestigia atque fundamenta ; hic nostri generis auctor fuit. Majoragius aurait-il parlé ainsi de son logis paternel, si c’eût été le château du lieu ? Joignez à cela qu’il avoue que son père était fort pauvre [34], mais non pas qu’il fût domestique du seigneur de son village. 2°. Ce ne fut point lui, mais son père, qui, à cause du village de Majoraggio où il demeurait, prit le nom de Majoragius. Voyez la remarque (D), citation (24). 3°. Il n’est point vrai que son nom fût Marc-Antoine Maria. 4°. Ni qu’il ait enseigné à Ferrare.

(G) M de Thou a fait aussi quelque faute. ] 1°. Il ne devait pas dire que Majoragio fut appelé de ce nom, d’un bourg où son père demeurait [35] : j’ai déjà fait voir que son père s’appelait Majoragius. 2°. Son épitaphe, dans le Museum d’Imperialis, porte qu’il enseigna pendant quatorze ans : mais dans le théâtre de Ghilini, elle porte qu’il n’enseigna que neuf ans. M. de Thou, dans M. Teissier, fait cesser la profession de Majoragio au bout de huit ans, et suppose qu’il la quitta, pour s’appliquer entièrement à l’étude de la théologie. Mon édition de M. de Thou porte que Majoragius ne commença cette étude qu’après avoir employé treize ans à instruire la jeunesse. 3°. Il dit, dans le même M. Teissier, que Majoragius a vécu quarante-deux ans. L’édition latine ne lui en donne que quarante. La vérité est qu’il vécut quarante ans et près de six mois.

(H) Il doit être mis dans le catalogue des personnes accusées de plagiat. ] Natalis Comes assure qu’il a ouï dire à d’habiles Florentins, que Majoragius, redevable à Pierre Victorius de ses éclaircissemens sur la rhétorique d’Aristote, l’avait payé d’ingratitude, et s’était paré insolemment d’un bien dérobé [* 1]. Qui locus (Aristotelis in 3 libro rhetoricorum) cùm antè nostram ætatem legeretur depravatus, Petri Victorii patricii Florentini ac viri clarissimi ingenio est integritati restitutus : ut mihi, cùm essem Florentiæ, multis rationibus probârunt viri quidam eximiæ integritatis et eruditionis, atque in primis Vincentius Borghinus, vir omnium quos unquàm cognovi, multiplici rerum cognitione præstantissimus. Horum gravium testium autoritate commotus non potui non summoperè improbare M. Antonii cujusdam Majoragii nescio impudentiam ne appellem, an exquisitam ambitionem : qui omni explicatione propè Aristotelicæ artis ipsius Victorii scriplis accepta, ut ex iisdem viris illustribus cognovi, ex hâc emendatione elatus, mox alibi in Victorium ipsum non semel insultavit, et per hujus loci correctionem viros omnes clarissimos suæ ætatis insectatus est : atque in primis Hermolaum Barbarum virum præstantissimum [36].

  1. * Joly dit qu’un docte allemand a bien justifié Majoragio de cette accusation, d’autant plus ridicule que Majoragio cite avec éloge Victorius : qui dans une édition subséquente de ses Commentaires sur la Rhétorique d’Aristote, combattit quelques idées de Majoragio, et ne dit rien de relatif au prétendu plagiat.
  1. Voyez Natalis Comes, Mythol., lib. IX, cap. V, pag. m. 960.
  2. Majoragius, orat. X, pag. m. 221, 222.
  3. Nous verrons ci-dessous, dans la remarque (D), que Majoragius s’appelait Antonius Maria Comes.
  4. Majoragius, orat. X, pag. 222.
  5. Idem, ibidem, pag. 196.
  6. Majoragius, orat. X, pag. 198.
  7. Orat. X, pag. m. 199.
  8. Ibidem, pag. 200.
  9. Hankius, de Rerum Roman. Scriptoribus, lib. I, pag. 215.
  10. Majoragius, orat. X, pag. 198.
  11. Ibidem.
  12. Voyez, tom. I, pag. 386, la citat. (35) de l’article Alciat (André).
  13. Cùm apud nos maxima esset belli suspicio, quoniam ingentes Gallorum copiæ jam Alpes transcenderant, atque in Taurinis consederant, omnes publici bonarum artium professores, ut fit, in ejusmodi temporibus, dimissi sunt et studia litterarum intermissa. Majorag., orat. X, pag. 198.
  14. Hic est exactæ vitæ meæ cursus, P. C. hæc studiorum meorum ratio ; hoc duorum et triginta annorum, quibus hactenùs vixi spatium. Majoragius, ibid., pag. 201.
  15. Majoragius, orat. X, pag. 199.
  16. Ibidem, pag. 190, 213.
  17. Dans l’article Agrippa, tom. I, p. 292, remarque (C).
  18. Hankius, de Romanar. Rerum scriptor., lib. I, pag. 215, se trompe, quand il dit : In avi materni memoriam... Antonius dictus est.
  19. Majorag., orat. X, pag. 195.
  20. Ils s’appelaient Fabius Lupus et Macrinus Niger.
  21. Majoragius était un Cicéronien mitigé : il ne dédaignait pas les termes dont Cicéron ne s’est pas servi, pourvu qu’ils fussent dans d’autres bons écrivains de l’ancienne Rome. Voyez la remarque (E), vers la fin.
  22. Majoragius, orat. X, pag. 199, 200.
  23. Dans la remarque (A), citation (3).
  24. Majoragius, orat. X, pag. 104. Il dit, pag. 222 : Cùm præsertim Majoragii cognomentum haberem adhuc à parte hæreditarium.
  25. Majoragius, orat. X, pag. 221.
  26. Idem, orat. VIII, pag. 141.
  27. Elle est in-4°.
  28. Elle a pour titre : Phylochrysus, sive de laudibus auri.
  29. Seckendorf, Hist. Luther., lib. III, p. 342 et seq.
  30. Joh. Imperialis, in Museo Hist., pag. 126.
  31. In Apologiâ, pag. 28, apud Almelovenium, in Plagiariorum Syllabo, pag. 27.
  32. Majoragius, orat. X, pag. 220.
  33. Il entend parler de trois frères, que Didier, roi des Lombards, leur oncle maternel, éleva à la dignité de comte, et à qui il donna plusieurs terres.
  34. Licet in tenuissimâ re familiari versaretur. Majorag., orat. X, pag. 236.
  35. Je me sers de la version dont M. Teissier s’est servi, Addit. aux Éloges, tom. I, pag. 105, édition de 1696. Le latin porte : A Majoragio vico in quo ejus pater habitabat, ità vocatus. Thuanus, lib. XVI.
  36. Natalis Comes, Mythol., lib. IX, cap. V, pag. m. 959.

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