Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Agrippa


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AGRIPPA (Henri Corneille), grand magicien, si l’on en croit beaucoup de gens (A), a été un fort savant homme dans le seizième siècle. Il naquit à Cologne le 14 de septembre 1486[a], d’une famille noble et ancienne (B). Voulant marcher sur les traces de ses ancêtres[b] qui, depuis plusieurs générations, avaient exercé des charges auprès des princes de la maison d’Autriche, il entra de fort bonne heure au service de l’empereur Maximilien. Il y eut d’abord un emploi de secrétaire ; mais comme il était aussi propre à l’épée qu’à la plume, il prit ensuite le parti des armes, et servit sept ans cet empereur dans l’armée d’Italie (C). Il se signala dans plusieurs rencontres, et il obtint en récompense de ses beaux faits le titre de chevalier. Il voulut joindre à ses honneurs militaires les honneurs académiques (D) : il se fit donc recevoir docteur en droit et en médecine. On ne peut nier que ce ne fût un très-grand esprit, et qu’il n’eût la connaissance d’une infinité de choses et de plusieurs langues (E) ; mais sa trop grande curiosité, sa plume trop libre et son humeur inconstante le rendirent malheureux. Il changeait éternellement de poste ; il se faisait partout des affaires, et, pour comble d’infortune, il s’attira par ses écrits la haine des gens d’église. On voit par ses lettres qu’il avait été en France avant l’année 1507[c], qu’il voyagea en Espagne l’an 1508[d], et qu’il était à Dôle en 1509[e]. Il y fit des leçons publiques (F) qui le commirent avec le cordelier Catilinet. Les moines, en ce temps-là, soupçonnaient d’erreur ou d’hérésie tout ce qu’ils n’entendaient pas ; comment auraient-ils souffert qu’Agrippa expliquât impunément le mystérieux ouvrage de Reuchlin de Verbo mirifico ? Ce fut la matière des leçons qu’il fit à Dôle, en l’année 1509, avec un fort grand éclat. Les conseillers même du parlement l’allaient entendre[f]. Pour mieux s’insinuer dans la faveur de Marguerite d’Autriche, gouvernante des Pays-Bas, il fit alors le Traité de l’Excellence des femmes[g] ; mais la persécution qu’il souffrit de la part des moines l’empêcha de le publier. Il leur quitta la partie et s’en alla en Angleterre[h], où il travailla sur les épîtres de saint Paul[i], quoiqu’il eût entre les mains une autre affaire fort secrète. Étant repassé à Cologne, il y fit des leçons publiques sur les questions de théologie qu’on nomme quodlibetales ; après quoi il alla joindre en Italie l’armée de l’empereur Maximilien, et y demeura jusqu’à ce que le cardinal de Sainte-Croix l’appelât à Pise. Agrippa y aurait fait paraître ses talens en qualité de théologien du concile, si cette assemblée avait duré. Ce n’eût pas été le moyen de plaire à la cour de Rome, ni de mériter la lettre obligeante qu’il reçut de Léon X (G), et d’où nous pouvons conclure qu’il changea de sentiment. Il enseigna depuis publiquement la théologie à Pavie et à Turin[j]. Il fit des leçons sur Mercure Trismegiste à Pavie, l’an 1515[k]. Sa sortie de cette ville, la même année ou l’année suivante, tint plus de la fuite que de la retraite. Cela paraît par sa lettre XLIX du premier livre comparée avec la LII. Il avait dès lors femme et enfans (H). Il paraît par le second livre de ses Lettres que ses amis travaillèrent en divers lieux à lui procurer quelque établissement honorable, ou à Grenoble ou à Genève, ou à Avignon, ou à Metz. Il préféra le parti qui lui fut offert dans ce dernier lieu, et je trouve que, dès l’an 1518[l], il y exerçait l’emploi de syndic, d’avocat et d’orateur de la ville[m]. Les persécutions que les moines lui suscitèrent, tant parce qu’il avait réfuté l’opinion commune touchant les trois maris de sainte Anne, que parce qu’il avait protégé une paysanne accusée de sorcellerie (I), lui firent abandonner la ville de Metz. Ce qui le poussa à écrire sur la monogamie de sainte Anne fut de voir que Jacques Faber d’Étaples, son ami, était mis en pièces par les prédicateurs de Metz, pour avoir soutenu ce sentiment[n]. Agrippa se retira en son pays de Cologne, l’an 1520, quittant volontiers une ville que ces inquisiteurs séditieux avaient rendue l’ennemie des belles-lettres et du véritable mérite[o]. C’est la destinée de tous les pays où pareil les gens s’impatronisent, de quelque religion qu’ils soient. Il sortit de sa patrie l’an 1521, et s’en alla à Genève[p] ; il n’y gagnait pas beaucoup d’argent, puisqu’il se plaint de n’être pas assez riche pour faire un voyage à Chambéri [q], afin d’y solliciter lui-même la pension qu’on lui faisait espérer du duc de Savoie. Cette espérance n’aboutit à rien, et alors Agrippa sortit de Genève et s’en alla à Fribourg en Suisse[r], l’an 1523[s], pour y pratiquer la médecine comme il avait fait à Genève. L’année suivante, il s’en alla à Lyon, et obtint une pension de François Ier. Il entra chez la mère de ce prince en qualité de médecin ; mais il n’y fit point fortune, et ne suivit pas même cette princesse[t] lorsqu’elle partit de Lyon, au mois d’août 1525, pour aller mener sa fille sur les frontières d’Espagne. On le laissa morfondre à Lyon, et implorer vainement le crédit de ses amis pour le paiement de ses gages. Avant que de les toucher il eut le chagrin d’être averti qu’on l’avait rayé de dessus l’état [u]. La cause de sa disgrâce fut qu’ayant reçu ordre de sa maîtresse de chercher par les règles de l’astrologie le cours que les affaires de France devaient tenir, il désapprouva trop librement que cette princesse voulut l’appliquer à ces vaines curiosités, au lieu de se servir de lui dans des choses plus importantes. La dame prit en mauvaise part cette leçon[v] ; mais elle fut encore plus irritée lorsqu’elle sut que l’astrologie d’Agrippa promettait de nouveaux triomphes au connétable de Bourbon (K). Agrippa, se voyant cassé, murmura ; pesta, menaça (L), écrivit, et dit tout ce que son humeur malendurante lui suggérait ; mais enfin il fallut songer à un nouvel établissement. Il jeta les yeux sur le Pays-Bas, et ayant obtenu à Paris, après une infinité de longueurs, le passe-port qui lui était nécessaire, il arriva à Anvers au mois de juillet 1528[w]. Une des causes de ces longueurs fut la brusquerie du duc de Vendôme, qui, au lieu de signer le passe-port, le déchira, en disant qu’il ne voulait point signer pour un devin[x]. En l’année 1529, Agrippa se vit appelé tout à la fois par Henri, roi d’Angleterre, par le chancelier de l’empereur, par un marquis italien et par Marguerite d’Autriche, gouvernante du Pays-Bas[y]. Il choisit ce dernier parti, et accepta la charge d’historiographe de l’empereur que cette princesse lui fit donner. Il publia pour prélude l’Histoire du gouvernement de Charles-Quint, et bientôt après il fallut qu’il fît l’Oraison funèbre de cette dame, dont la mort fut en quelque manière la vie de notre Agrippa ; car on avait terriblement prévenu contre lui l’esprit de cette princesse (M). On lui rendit les mêmes mauvais offices auprès de sa majesté impériale [z]. Le Traité de La Vanité des Sciences, qu’il fit imprimer en 1530, irrita furieusement ses ennemis[aa]. Celui qu’il publia bientôt après à Anvers [ab], de la Philosophie occulte [ac], leur fournit encore plus de prétextes de le diffamer. Bien lui valut que le cardinal Campège, légat du pape, et le cardinal de la Mark, évêque de Liége, parlassent pour lui[ad]. Leurs bons offices ne firent pas qu’il pût recevoir un sou de sa pension d’historiographe, et n’empêchèrent point qu’il ne fût mis dans les prisons de Bruxelles l’an 1531[ae]. Il n’y demeura pas long-temps. Il fit une visite l’année suivante à l’archevêque de Cologne[af] ; il lui avait dédié sa Philosophie occulte, et il en avait reçu une lettre remplie d’honnêtetés[ag]. La crainte des créanciers fut cause qu’il se tint dans le pays de Cologne plus long-temps qu’il aurait voulu [ah]. Il s’opposa vigoureusement aux inquisiteurs qui avaient fait arrêter l’impression de sa Philosophie occulte, lorsqu’il en faisait faire à Cologne une nouvelle édition, corrigée et augmentée. Voyez la XXVIe. lettre de son septième livre, et les suivantes. En dépit d’eux, on acheva l’impression ; c’est celle de l’an 1533. Il se tint à Bonn jusqu’en l’année 1535. Alors il eut envie de retourner à Lyon. On l’emprisonna en France pour quelque chose qu’il avait écrit contre la mère de François Ier. ; mais il fut élargi, à la prière de quelques personnes, et il s’en alla à Grenoble où il mourut la même année 1535[ai]. Quelques-uns disent qu’il mourut à l’hôpital ; mais, selon Gabriel Naudé, ce fut chez le receveur général de la province de Dauphiné, le fils duquel a été premier président de Grenoble[aj]. M. Allard, page 4 de la Bibliothéque de Dauphiné, assure qu’Agrippa mourut à Grenoble, dans la maison qui appartient à la famille de Ferrand, rue des Clercs, qui était alors au président Vachon, et qu’il fut enterré aux Jacobins. Il vécut toujours dans la communion romaine : ainsi on n’a pas dû dire qu’il a été luthérien (N). Je ne crois point qu’il ait écrit pour le divorce de Henri VIII (O). Quant à la magie dont on l’accuse, je consens que chacun en croie ce qu’il voudra. Une chose sais-je bien, c’est que les lettres qu’il écrivait à ses intimes amis, sans prétendre qu’elles fussent un jour imprimées, portent toutes les marques d’un homme stylé aux réflexions de religion et au langage du christianisme. Ses accusateurs n’ont pas été bien informés de ses aventures (P), et cela énerve leur témoignage. On aura lieu d’être surpris de leurs bévues, et de l’effet qu’ils ont produit, nonobstant la négligence avec laquelle ils ont recherché les faits. Après tout, s’il a été magicien, il est une forte preuve de l’impuissance de la magie ; car jamais homme n’a échoué plus de fois que lui, ni ne s’est vu plus souvent que lui dans la crainte de manquer de pain. Les financiers de François Ier. et ceux de Charles-Quint étaient sans doute très-persuadés de son innocence à cet égard, vu la manière dont ils le jouaient quand il s’adressait à eux pour toucher ses gages. Il y a des erreurs de fait dans les moyens dont quelques-uns se sont servis pour faire son apologie (Q). M. Moréri s’est déclaré hautement pour lui, et c’est ce qu’on ne devait pas attendre de sa plume. Ses fautes ne sont pas nombreuses dans cet article (R). Nous avons déjà marqué les principaux livres d’Agrippa, et nous en parlerons plus en détail dans les remarques. Il suffit d’ajouter qu’il a fait un Commentaire sur l’art de Raymond Lulle, et une Dissertation sur l’origine du péché, où il établit que la chute de nos premiers pères vint de ce qu’ils s’aimèrent impudiquement. Il promettait un ouvrage contre les Dominicains (S), qui aurait réjoui bien des gens, et hors de l’Église romaine et dans l’Église romaine. Il eut quelques opinions qui n’étaient pas de la routine (T), et jamais protestant ne parla avec plus de force que lui contre l’audace des légendaires [ak].

Il ne faut pas oublier la clef de sa Philosophie occulte. Il la gardait uniquement pour ses amis du premier ordre, et il l’expliquait d’une manière qui n’est guère différente des spéculations de nos quiétistes (V). Disons aussi que l’édition de ses œuvres, faite à Lyon, en deux volumes in 8°., est mutilée dans un endroit[* 1] qui pouvait déplaire aux gens d’église (X).

  1. * Ce n’est pas dans un endroit seulement que cette édition d’Agrippa est mutilée. Schelhorn, dans ses Amœnitates litterariæ, II, 521, a restitué beaucoup d’autres passages. Joly pense que ce fut Agrippa lui même qui avait fait ces retranchemens. Il s’appuie sur une édition posthume de Cologne, 1575, in-12, au frontispice de laquelle on lit : Ex postremâ authoris recognitione. Joly repousse l’idée que cette annonce ne soit qu’une fourberie de librairie.

    Cet article Agrippa a fourni, au reste, plus de treize pages de remarques à Joly, qui y revient encore dans ses additions et corrections ; mais c’est pour mettre des restrictions à l’éloge qu’il a fait d’Agrippa.

  1. Agrippa, Epistola XXVI, lib. VII, pag. 1041, edit Lugd., in-8.
  2. Agrippa, Epist. XVIII, lib. VI, pag. 970, et Epist. XXI, lib. VII, pag. 1021. Voyez aussi pag. 736.
  3. Agrippa, Epist. I, lib. I.
  4. Epist. X, lib. I.
  5. Epist. XVII, lib. I.
  6. Voyez son Expostulatio cum Joanne Catilineto, Fratrum Franciscanorum per Burgandiam Provinciali Ministro. Operum tomo II, pag. 508.
  7. Voyez l’Epître dédicatoire de ce Traité, datée d’Anvers au mois d’avril 1529.
  8. C’est de Londres que son Expostulatio est datée, en 1510.
  9. Agrippæ Defensio Proposit., pag. 596.
  10. Id. ibid., pag. 596.
  11. Agrippa. Operum tom. II, pag. 1073.
  12. Agrippa, Epist. XII, lib. II.
  13. Voyez sa IVe. Harangue, Operum tom. II, pag 1090.
  14. Epist. XXV, lib. II, pag. 743. Voyez aussi pag. 746.
  15. Epist. XXXII, lib. II, pag. 749.
  16. Epist. VII libri III, pag. 784.
  17. Epist XXIV libri III, pag. 794.
  18. Et non pas en Brisgaw, comme dit Melch. Adam.
  19. Agrippa, Epist. XLI libri III, et seq.
  20. Epist. LXXIX libri III, pag. 828.
  21. Epist. LII libri IV, pag. 869.
  22. Epist. XXXVII libri IV, pag. 859, item pag. 870.
  23. Agrippa, Epist. LI libri V, pag. 932.
  24. Conspecto, sive audito nomine meo, præcipiti irâ repentè dirupit papyrum totam, inquiens, se nequaquàm signaturum in favorem divinatoris. Epist. XXXIV libri V, p. 920.
  25. Epist. LXXXIV, libri V, pag. 951.
  26. Epist. XV libri VI, pag. 969.
  27. Epist. XX libri VI, pag. 974
  28. Epist. XIV libri VI, pag. 968.
  29. Voyez la remarque (Q).
  30. Agrippa, Epist. XX libri VI, pag. 975 ; Epist. XII libri VII, pag. 1010 ; Epist. XXI libri VII, pag. 1022.
  31. Epist. XXIII libri VI, pag. 980.
  32. Epist. VI libri VII.
  33. Epist. I libri VII.
  34. Epist. XXI libri VII, pag. 1024.
  35. Joh. Wierus, de Magis, cap. V, p. 111.
  36. Naudé, Apolog. des grands Hommes, pag. 427.
  37. Voyez la préface de son Traité de la Monogamie de sainte Anne, Operum tom. II, pag. 1053.

(A) Grand magicien, si l’on en croit bien des gens. ] Paul Jove, Thevet et Martin Del Rio, sont ses principaux accusateurs. Nous verrons dans la remarque (P) les bévues où ils sont tombés. Elles sont palpables ; et néanmoins une infinité de personnes se persuadent encore aujourd’hui, sur l’autorité de ces écrivains, qu’Agrippa était consommé dans la science du grimoire.

(B) D’une famille noble et ancienne. ] Elle s’appelait de Nettesheym. M. Teissier, à la page 99 du IIe. tome de ses additions aux éloges tirés de M. de Thou, assure qu’Agrippa était natif de Nettesheim, dans le pays de Cologne. Melchior Adam, qu’il cite, ne dit point cela : il le fait naître à Cologne même[1], et nous renvoie à une lettre d’Agrippa, où on lit ces propres paroles adressées aux magistrats de Cologne : Possem vobis horum verissima exempla referre, nisi civium vestrorum pudori parcendum et patriæ meæ rationem habendam ducerem. Sum enim et ego, si fortè neseitis, civitate vestrâ oriundus, et primâ pueritiâ apud vos enutritus [2]. Thevet, par une plus grande faute, a débité qu’Agrippa naquit à la ville de Nestre[3]. Je ne sais rien du père de notre Agrippa, sinon qu’il servit la maison d’Autriche[4], et qu’il mourut vers le commencement de l’année 1518[5].

(C) Il servit sept ans dans l’armée d’Italie. ] Le sieur Freher, qui ne se hasarde que rarement à sortir des bornes de ceux qu’il copie, a voulu ici agir en maître, et faire voir qu’il pouvait dire ce que Melchior Adam n’avait point dit. Mal lui en a pris ; car il fait commencer ces sept années à l’an 1508, et finir à l’an 1515. S’il avait bien su son Agrippa, il n’aurait pas ignoré que cet auteur était en Espagne l’an 1508 ; à Dôle l’an 1509 ; en Angleterre l’an 1510. Il faut que cette semaine d’années ait commencé en 1511, et qu’Agrippa ait prétendu avoir passé au service militaire de l’empereur tout le temps qu’il demeura en Italie. Mais ses propres lettres l’eussent trahi, si l’on se fût mis à compter. On ne voit point que depuis qu’il monta en chaire à Pavie, en 1515, il ait eu de l’emploi dans les armées. Quant au reste, le sieur Freher, en tout ce qu’il copie de Melchior Adam, se contente des fautes de cet auteur, il n’y en ajoute point d’autres. Voyez son Théâtre, à la page 1221.

(D) Il voulut joindre à ses honneurs militaires les honneurs académiques. ] Il est bon de voir comment il s’exprime. Utriusque juris et medicinarum doctor evasi, anteà etiam auratus eques ; quem ordinem non precariò mihi redemi, non à transmarinâ peregrinatione mutuavi, non in regum inthronisatione impudenti insolentiâ surripui, sed in publicis preæliis mediâ acie bellicâ virtute conmerui[6].

(E) Plusieurs langues. ] Il en savait huit ; et de ce grand nombre, il n’y en avait que deux qu’il n’entendît pas en perfection. Il nous le dira lui-même, sans faire trop le modeste : n’appréhendons pas de lui faire tort en l’estimant selon le prix où il se met. Octo linguarum mediocriter doctus, sed illarum sex adeò peritus, ut singulis non loqui modò et intelligere, sel et eleganter orare, dictare, et transferre noverim, tùm præter multimodam etiam abstrusarum rerum cognitionem, peritiam, et cyclicam eruditionem, utriusque juris et medicinarum doctor evasi[7]. Il travailla de fort bonne heure à la pierre philosophale, et il paraît qu’on l’avait vanté à quelques princes comme un excellent sujet pour le grand œuvre[* 1] ; ce qui mit quelquefois en risque sa liberté[8]. Il est sûr qu’un homme, qu’on croirait capable de faire de l’or, aurait à craindre que quelque prince ne l’emprisonnât. On voudrait se servir de lui, et empêcher que d’autres princes ne s’en servissent.

(F) Il fit des leçons publiques à Dôle. ] Il semble se contredire lui-même sur ce sujet ; car tantôt il assure qu’il les fit sans avoir de gages, et tantôt qu’il avait des gages : Publicis prælectionibus, quas ad honorem Illustrissimæ Principis Margaretæ et unici studii Dolani feci gratis. C’est ainsi qu’il parle dans sa plainte contre le cordelier Catilinet[9]. Mais ailleurs, il dit qu’il fut agrégé au corps des professeurs en théologie, et gratifié d’une pension. In Dolâ Burgundiæ publ. lecturâ sacras literas professus sum, ob quam ab hujus studii doctoribus in collegium receptus, insuper regentiâ et stipendiis donatus sum [10]. Le moyen d’accorder ces choses est de dire qu’au commencement il lisait gratis, et dans la suite pour de l’argent.

(G) La lettre obligeante qu’il reçut de Léon X[11]. ] Elle est datée de Rome, le 12 de juillet 1513, et signée Petrus Bembus. Il y est loué de son zèle pour le saint siége apostolique ; et cela, sur le bon témoignage que le nonce lui avait rendu : Ex literis venerabilis fratris Ennii episcopi verulani nuncii nostri, aliorumque sermonibus, de tuâ in sanctam sedem apostolicam devotione, deque tuo in ejus libertate incolumitateque tuendâ studio diligentiâque intelleximus : quod quidem nobis gratissimum fuit. Quapropter te in Domino magnoperè commendamus, laudamusque istum animum atque virtutem[12]. Notons que ce bref ne peut pas servir à disculper Agrippa par rapport aux accusations de nécromantie[13] ; car il précéda de plusieurs années la mauvaise réputation de cet homme-là.

(H) Il avait dès lors femme et enfans. ] Quoique je me serve du nombre pluriel, je sais qu’il n’avait qu’un fils : Quorsùm, quæso, in tam suspectâ tempestate unà cum uxore filioque ac familiâ confugissem, relictâ Papiæ domo ac supellectile, rebusque omnibus ? C’est ainsi qu’il parle dans la XLIXe. lettre du IIe. livre. Il était fort content de sa femme ; et voici ce qu’il en dit en un autre lieu : Ego quidem Deo omnipotenti innumeram habeo gratiam, qui uxorem mihi conjunxit secundùm cor meum, virginem nobilem, benè moratam, adolescentulam, formosam, quæ ita ad meam vivit consuetudinem, ut ne contumeliosum verbum inter nos intercidat, atque quò felicissimum me dixero, quorsùm se res vertunt, in prosperis et adversis, semper æquè mihi benigna, affabilis, constans, integerrimi animi, sani consilii, semper apud se manens[14]. Il n’y a qu’une chose qu’il ne dit pas : c’est si elle était riche ou non ; car, d’ailleurs, il la représente douée de tout ce qu’il pouvait souhaiter, belle, jeune, vertueuse, de famille noble, et d’une complaisance qui ne se démentait jamais. Il la perdit l’an 1521, et voulut, je ne sais pourquoi, qu’elle fût enterrée à Metz, où il ne demeurait plus[15]. Il avait soin de recommander que l’on s’acquittât de tous les anniversaires qu’il avait fondés pour l’âme de la défunte[16]. Il convola en secondes noces à Genève, l’an 1522[17]. Il ne se loue pas moins de cette seconde femme que de la première : Ante biennium hoc, dit-il[18], secundam uxorem duxi, virginem nobilem pulcherrimamque, quæ adeò ad meam vivit consuetudinem, ut nescias istane priorem, anne hanc illa, utra alteram in amando obsequendoque æquet an superet. La dernière surpassait de beaucoup l’autre en fécondité : il ne vint qu’un fils de la première ; la seconde accoucha trois fois dans deux ans, et une quatrième fois l’année suivante : Duos ista mihi filios peperit, ambo superstites, filiamque unam quæ vitâ excessit[19]... Uxor mea jam partui proxima est[20]. Il ne dit pas si elle était riche ; mais un de ses amis assure qu’elle l’était : Tu nunc degere Gebennis, illicque probâ, nobili, formosâ, ac locuplete ductâ uxore in artis Apollineæ experimentis clarere singulariter[21] : mais il ne me le persuade point ; car les lettres d’Agrippa, depuis le second mariage, ne prêchent pas moins la misère qu’auparavant. Le troisième fils qu’il eut de son second mariage eut le cardinal de Lorraine pour parrain[22]. Lorsqu’il partit de Paris pour Anvers, au mois de juillet 1528, il laissa sa femme grosse à Paris[23]. Elle accoucha de son cinquième fils à Anvers le 13 de mars 1529[24], et mourut au mois d’août 1529, à Anvers, extrêmement regrettée de son mari, comme on le voit dans la LXXXIe. lettre du Ve. livre : elle avait près de vingt-sept ans accomplis. Je n’ai point remarqué qu’il fasse mention de son troisième mariage dans ses lettres ; mais on sait d’ailleurs, qu’en l’année 1535, il répudia sa femme : Ubi conjugem Mechliniensem Bonnæ repudiâsset anno tricesimo quinto supra sesquimillesimum. C’est ce que nous apprend Jean Wier [25], qui avait été son domestique. Si Thevet avait su toutes ces choses, il ne se serait pas contenté de nous apprendre qu’Agrippa espousa mademoiselle Louyse Tyssie, issue de fort noble maison, l’an de son âge 23, et de salut 1509[26] : il eût parlé en général pour le moins des deux autres mariages. Melchior Adam en savait plus que Thevet ; car il n’a pas ignoré qu’Agrippa avait eu deux femmes : Duum uxorum maritus nobilium, et liberorum aliquot parens ; mais, outre qu’il paraît avoir ignoré le troisième mariage, il a fait plusieurs fautes de chronologie quand il a parlé du premier. Voici ses paroles : Mortuo Maximiliano, sub diversis et principibus et civitatum magistratibus per Italiam, Hispaniam, Angliam, Galliam, egit, multaque egregia facinora designavit. Tandem, laborum terrâ marique exantlatorum satur ac quietis et otii cupidus, ductâ uxore, virgine nobili, sedem in Allobrogibus fixit, ut procul negotiis sibi ac musis viveret. Invitatus autem ab inclytâ Mediomatricum repub. munus syndici, advocati, et oratoris, obivit[27]. Notez que l’empereur Maximilien mourut le 12 de janvier 1519, et qu’Agrippa fit le voyage d’Espagne en 1508, et celui d’Angleterre en 1510. Voilà donc déjà un anachronisme. Après son retour d’Angleterre, il s’arrêta à Cologne quelque temps, et puis s’en alla en Italie. Il y était encore l’an 1517 [28] : il était à Metz l’an 1518[29] ; il ne retourna point en Italie, depuis qu’il en fut sorti pour venir à Metz : voilà donc un nouvel anachronisme. Remarquez aussi qu’en l’année 1515 il était déjà marié[30]. Où sont donc ces grandes fatigues essuyées par mer et par terre, depuis la mort de l’empereur Maximilien, auxquelles il voulut mettre fin par le mariage ? Comment a-t-il pu se fixer avec sa femme au pays des Allobroges, lui qu’on voit mener une vie fort ambulatoire avec elle dans l’Italie ? Ajoutez à cela, qu’avant son voyage de Metz il m’avait point planté le piquet au pays des Allobroges ; et qu’il était syndic de Metz avant que Maximilien fût décédé. Melchior Adam est tout plein de semblables fautes. Une partie de celles que je viens de marquer sont d’autant plus excusables, qu’on les a faites après Agrippa, qui, faute de mémoire ou autrement, exposa à Marguerite reine de Hongrie, que depuis la mort de Maximilien il avait fait tels et tels voyages, etc. Voyez sa lettre XXI du VIIe. livre. Il ferait beau voir quelqu’un occupé à accorder Melchior Adam avec Thevet. Selon celui-ci, Agrippa se marie à vingt-trois ans ; selon l’autre, il ne se marie qu’après une infinité de voyages et d’affaires, soûl du travail, et cherchant enfin quelque repos.

(I) Il avait protégé une paysanne [* 2] accusée de sorcellerie.] Le dominicain Nicolas Savini, inquisiteur de la foi à Metz, voulait que l’on mit cette femme à la question, sur le simple préjugé que l’on tirait de ce qu’elle était fille d’une sorcière qui avait été brûlée[31]. Agrippa fit tout ce qu’il put pour faire observer exactement les procédures ; et néanmoins il n’empêcha pas que la femme ne fût appliquée à la question : mais il donna lieu à faire connaître qu’elle n’était point coupable. On condamna à l’amende les accusateurs[32]. La peine fut trop douce et trop éloignée du talion.

(K) Il promettait de nouveaux triomphes au connétable de Bourbon. ] Les plaintes d’être employé à des sottises d’astrologie étaient fort propres à déplaire : Scripsi seneschallo, ut admoneat illam ne ad tam indignum artificium ingenio meo diutiùs abutatur, nec in has nugas ulteriùs impingere cogar, qui multò felicioribus studiis illi inservire queam[33]. Mais le pis fut que ces sottises faisaient découvrir des prospérités pour le parti odieux. « Rediit in mentem scripsisse me seneschallo, comperisse me in Borbonii natalitiis revolutionibus illum frustratis vestris exercitibus etiam in hunc annum victorem fore..….. dixique intra me : O infelix propheta ! hoc vaticinio jam omnem principis tuæ gratiam concacâsti : hoc est ulcus, hic antrax, hic carbo, hic cancer ille, quem noli me tangere dicunt, quem tu imprudens tetigisti etiam cauterio[34]. » Ceux qui savent la carte de ce temps-là voient fort bien que notre astrologue ne pouvait pas faire plus mal sa cour à la mère de François Ier. qu’en promettant de bons succès à ce connétable. Agrippa fut dès lors regardé comme un bourboniste[35]. Pour réfuter ce reproche, il représenta le service qu’il avait rendu à la France en détournant quatre mille bons fantassins de suivre le parti de l’empereur, et en les attachant à celui de François Ier. Il allégua le refus qu’il fit des grands avantages qu’on lui promettait quand il sortit de Fribourg, en cas qu’il voulût entrer au service du connétable. Il paraît par la IVe. et par la VIe. lettre du Ve. livre, qu’il avait des correspondances étroites avec ce prince au commencement de l’année 1527. Il lui donnait des avis et des conseils, refusant pourtant de l’aller joindre, et lui promettait la victoire. Il l’assura que les murailles de Rome tomberaient dès les premières attaques : il n’oublia que le principal ; c’est que le connétable y serait tué : Jam fata illis propinquam stragem suamque perniciem denunciant : mox illa superba mænia vix oppugnata corruere videbis. Eja ergò nunc, strenuissime princeps, quem tantæ victoriæ ducem fata constituunt, rumpe moras, perge intrepidè quò cœpisti prosperè, aggredere fortiter, pugna constanter, habes electissimorum militum armatas acies : adest cœlorum fasor, aderit et justi belli vindex Deus ; nihil formidaveris, ingens siquidem temanet gloriæ triumphus [36]. La mort de ce connétable, arrivée avant qu’Agrippa sortît de Lyon, me fait songer à trois fautes de Melchior Adam. Il dit qu’Agrippa, attiré premièrement par le connétable, et puis par le chancelier, s’en alla à la cour de Bourgogne, et se trouva peu après fort malheureux, à cause de la mort de ces deux patrons. C’est tomber trois fois dans l’anachronisme. 1°. Le connétable était mort avant qu’Agrippa sortît de France, et jamais il n’avait songé à l’attirer à la cour de la princesse Marguerite[37]. 2°. Le chancelier Gattinara le voulut bien attirer, mais ce fut à la cour de Charles-Quint ; et c’était une vocation qu’Agrippa distinguait fort clairement de celle qui lui était proposée par rapport à la cour de Marguerite [38]. 3°. Il était déjà dans le Pays-Bas lorsque ce chancelier lui faisait faire des propositions.

(L) Agrippa se voyant cassé, murmura, pesta, menaça. ] Il avait usé de menaces avant même qu’on lui ôtât sa pension : le dépit de n’être point payé de ses gages et de se voir méprisé lui fit dire qu’il se porterait à faire quelque méchant coup : Crede mihi, écrit-il à un ami[39], eò se inclinant res meæ atque animus, ni tuis precibus illiusque celeri adjuver auxilio, malo aliquo utar consilio, siquidem et malis artibus nonnunquàm bona fortuna parta est. Après qu’il eut su sa destitution, il écrivit plusieurs lettres foudroyantes, et menaça de faire des livres où il découvrirait tous les défauts des courtisans qui l’avaient perdu[40]. Il se porta jusqu’à dire brutalement qu’il tiendrait désormais la princesse dont il avait été conseiller et médecin, pour une cruelle et perfide Jesabel : Nec ultra illam ego pro principe meâ (jam enim esse desiit), sed pro atrocissimâ et perfidâ quâdam Jesabele mihi habendam decrevi [41]. Que n’aurait-il point fait dans une telle colère et dans un tel désir de vengeance, s’il avait eu autant de crédit auprès des démons qu’on a voulu le persuader ? Je ne sache point que quelqu’un ait dit que cette indignation d’Agrippa devint funeste à quelque personne de la cour de France. Ce malheureux homme ne fut pas plus satisfait de la cour de Charles-Quint. Il présenta une requête au conseil privé de ce prince, dans laquelle il se fit tout blanc de son épée, et représenta qu’il pouvait faire du bien et du mal. Ses menaces étaient les plus intelligibles du monde ; mais on y fut insensible impunément : Cogeretis me acceptam eâ repulsâ injuriam ad novarum rerum licentiam transferre, et malo aliquo consilio (ceu quale Hermocles dedit Pausaniæ) uti oportere.... Quin et malis artibus sæpissimè bona fortuna parta est.... Sed intereà memineritis inter Æsopi Apologos esse, murem aliquando subvenisse leoni, et scarabæum expugnâsse aquilam[42].

(M) On avait... prévenu contre lui l’esprit de cette princesse. ] Voilà ce qu’il nous apprend là-dessus, après s’être plaint qu’on le laissait mourir de faim : Quod ad te scribam non habeo aliud, nisi quod ego hìc egregiè esurio, ab istis aulicis diis totus præteritus. Quid magnus ille Jupiter [43], suspicari nequeo. Ego quantò fuerim in periculo, jam primùm rescivi ; tantum enim dictum est mihi ; prævaluerant cuculliones illi apud Dominam, sed muliebriter religiosam principem, ut nisi illa mox periisset, jam ego, quod maximum crimen est, monachalis majestatis sacræque cucullæ reus tanquam in religionem christianam impius periturus fuissem[44]. Ordinairement une maîtresse est plus à craindre qu’un maître, quand on est accusé d’irréligion.

(N) On n’a pas dû dire qu’il a été luthérien. ] J’avoue que je n’ai point remarqué dans ses lettres que, quand il parle de Luther, il se serve de paroles ou de réflexions injurieuses. J’avoue aussi qu’il s’informe assez curieusement de ce que Luther ou les sectateurs de Luther publiaient sur les matières de controverses ; mais cela ne veut pas dire qu’il approuvât les dogmes de ce réformateur. Les plus rigides protestans de la confession de Genève ne pourraient-ils pas donner ordre qu’on leur achetât tout ce que les sectaires de Transylvanie font imprimer ; et ne serait-on pas bien ridicule de prétendre sur cela qu’ils sont du sentiment de ces hérétiques ? Ceux qui embrassaient la réformation de Luther ne traitaient pas ce docteur avec cette indifférence que l’on voit dans les lettres d’Agrippa, c’est-à-dire, sans le louer ni le blâmer. Si Agrippa était l’auteur de la LXXXIIe. lettre du IIIe. livre, il ne faudrait plus être en doute qu’il n’eût été un bon et franc luthérien ; mais encore qu’on ait mis au titre Agrippa ad amicum, il est certain qu’elle n’est pas d’Agrippa ; en voici la démonstration : Celui qui a écrit cette lettre marque que sa femme était accouchée d’un fils au mois de novembre 1525. Or, la femme d’Agrippa était accouchée d’un fils au mois de juillet précédent : cela est clair par la lettre LXXVIe. du IIIe. livre, où l’on voit même que le cardinal de Lorraine fut parrain de cet enfant. Il est donc incontestable qu’Agrippa n’a point écrit la lettre en question. Je laisse à dire qu’il n’était point à Strasbourg, mais à Lyon, au temps que cette lettre fut écrite de Strasbourg. Ainsi, ceux qui voudraient procurer une telle preuve à Sixte de Sienne, qui a dit qu’Agrippa était luthérien [45],[* 3] ne lui fourniraient rien qui vaille. Quenstedt a réfuté Sixte de Sienne par le VIe. chapitre du Traité de la Vanité des Sciences, où Agrippa traite Luther d’hérésiarque. Cette réfutation est infiniment plus solide que celle dont s’est servi un théologien d’Utrecht, en alléguant la profession de théologie à laquelle Agrippa fut élevé à Dôle et à Pavie, et l’emploi qu’il eut auprès du cardinal de Sainte Croix, pour le concile de Pise[46]. Cela ne prouve rien du tout, parce que tous ces honneurs d’Agrippa précédèrent la première prédication de Luther contre le pape. Si l’on me demande pourquoi Agrippa parle plus durement de Luther dans son livre de la Vanité des Sciences que dans ses Lettres, je ne répondrai point que c’est un ouvrage où il se proposait de critiquer tout le monde : j’aime mieux me servir d’une autre raison. Quand il composa ce Traité, il était apparemment revenu de l’espérance qu’il avait d’abord conçue de Luther. Je crois qu’aussi-bien qu’Érasme, il avait regardé au commencement ce réformateur comme un héros qui ferait cesser la tyrannie que les moines mendians et le reste du clergé exerçaient sur l’esprit et sur la conscience. Ignorans et voluptueux, ils fomentaient mille basses superstitions, et ne pouvaient souffrir qu’on étudiât les belles-lettres : ils ne voulaient ni sortir de la barbarie, ni souffrir que les autres en sortissent ; de sorte qu’il suffisait d’être bel-esprit, savant, poli, pour être l’objet de leurs violentes déclamations. Agrippa, Érasme, et quelques autres grands génies, furent ravis que Luther eût rompu la glace ; ils en attendirent une crise qui délivrerait de l’oppression les honnêtes gens ; mais quand ils virent que les choses ne prenaient pas le train qu’ils auraient voulu, ils furent les premiers à jeter la pierre contre Luther. Disons pourtant qu’Agrippa fut sujet à diverses alternatives. Il protestait à Erasme, en lui envoyant sa déclamation sur la Vanité des Sciences, qu’il n’avait point d’autres sentimens que ceux de l’Église catholique : Illud te admonitum volo, me de his quæ ad religionem attinent nequaquàm secùs sentire quàm sentit Ecclesia catholica [47]. Il souhaitait en dédiant l’apologie de cette Déclamation au légat du pape, que Dieu purgeât son Église de l’impiété des hérétiques[48] ; et peu après il écrivit à Melanchthon le plus honnêtement du monde[49] : il le pria de saluer de sa part invincible hérétique Martin Luther : Salutabis mihi invictum illum hæreticum Martinum Lutheram, qui, ut in Actibus ait Paulus, servit Deo secundùm sectam quan hæresim vocant ; et lui témoigna souhaiter de sortir de Babylone : Utinam hic Nabuchodonosor (il parle de Charles-Quint) aliquandò ex bestiâ rediret in hominem, aut ego relinquere possem istud Ur Chaldæorum[50] ? Un temps a été qu’on lui recommandait les frères[51] : ainsi, ce qu’on vient de voir qu’il écrivit à Mélanchthon, était un retour de certains premiers mouvemens que ses disgrâces et les injustes procédures des théologiens catholiques lui inspiraient. En tout cas, il est bien certain qu’il a vécu et qu’il est mort dans la communion romaine. Nous toucherons quelques-unes de ses opinions dans la remarque (T).

(O) Je ne crois pas qu’il ait écrit pour le divorce de Henri VIII. ] J’ai lu dans l’ouvrage d’un fort habile homme, que Crammer ayant fait « un voyage en Allemagne, où il acquit la connaissance du célèbre Cornélius Agrippa, l’entretint de l’affaire du divorce, et lui en représenta si bien la nécessité, que ce grand homme défendant avec chaleur les poursuites de Henri, fut fort mal traité par l’empereur, et mourut enfin en prison[52]. » Celui qui a critiqué cet ouvrage a repondu entre autres choses : 1o . que R. Wakfeld, qui écrivait en ce temps-là pour Henri VIII, a dit positivement qu’il répond au livre de l’évêque de Rochester, et à un autre qu’on croit être de Vivès ou d’Agrippa ; 2o . qu’Agrippa est mort en France, et nullement prisonnier en Allemagne[53]. J’ai trouvé dans les Lettres d’Agrippa certaines choses qui me persuadent qu’il ne fut point du sentiment de Crammer. L’ambassadeur de sa majesté impériale à Londres[54] écrivit à Agrippa le 26 de juin 1531, pour l’exhorter à soutenir les intérêts de la reine[55], et le fit souvenir d’un endroit de la Vanité des Sciences qui censure Henri VIII : Hodiè adhuc nescio cui regi persuasum audio, ut liceat sibi jam plus viginti annorum uxorem dimittere, et nubere pellici[56]. Agrippa fit réponse, que de bon cœur il s’engageait à cette entreprise, pourvu que l’empereur lui expédiât, ou ses ordres, ou sa permission. Il marqua très-fortement qu’il détestait ces lâches théologiens qui approuvaient le divorce ; et voici ce qu’il dit touchant la Sorbonne : Non est mihi incognitum queis artibus res hæc apud Parisiorum Sorbonam tractata est, quæ cæteris tanti sceleris ausum temerario porrexit exemplo. Vix me continere queo, quin imitatus poëtam illum exclamem : Dicite, Sorbonici, in theologiâ quid valet aurum ? Quantùm pietatis et fidei illorum pectore clausum putabimus, quorum venalis magis quàm sincera conscientia est, qui extimescendas universo orbi christiano determinationes auro venales fecerunt, ac servatam tot annis fidei et sinceritatis opinionem nunc tandem extremâ avaritiæ infamiâ corruperunt [57] ? Il ne laisse pas de représenter le péril où il s’exposerait en écrivant contre un divorce que tant de théologiens avaient approuvé : gens, dit il, qui me veulent beaucoup de mal à cause de ma Vanité des Sciences. L’ambassadeur revint à la charge, lui fit espérer que la reine d’Angleterre écrirait, ou à l’empereur, ou à la reine de Hongrie, touchant l’ordre d’écrire sur cette matière, et lui expliqua pourquoi Érasme, Vivés, et les autres bonnes plumes du temps, ne devaient pas être choisis aussitôt que lui[58]. Agrippa se comptait pour engagé à cet ouvrage ; car dans la lettre qu’il écrivit à la reine de Hongrie, après qu’il se fut retiré à Bonn, il représente comment il donnait toutes ses veilles à son emploi d’historiographe, quoiqu’il n’en eût encore retiré aucun profit. Je ramasse des mémoires, dit-il, pour l’histoire de la guerre d’Italie et de Hongrie ; et outre cela, j’ai un plus grand dessein en tête, c’est d’écrire pour la reine Catherine votre tante. Voici ses propres termes : Sed longè majus his negotium pro vestri sanguinis decore, pro tuâ, inquam, materterâ Angliæ celebratissimâ reginâ meis humeris impositum suscepi, in quo licet multi hactenùs operam suam collocârunt, nullus adhuc nodum rei dissecuit [59]. Je ne pense pas que ce dessein ait jamais été exécuté : l’auteur, en disgrâce à la cour impériale, trouva bon sans doute de ne se pas exposer à l’indignation du roi d’Angleterre. Si Crammer l’avait gagné[* 4], il faudrait qu’il eût fait cette conquête pour le plus tôt en l’année 1532 : et si Robert Wakfeld publia son livre avant l’année 1532[60], il est sûr que le traité qu’il réfute, et qui passait pour être de Vivès ou d’Agrippa, n’est nullement d’Agrippa. Notez que Sandérus, qui nomme plusieurs auteurs qui écrivirent contre le divorce [61], ne parle point de ce dernier.

(P) Ses accusateurs n’ont pas été bien informés de ses aventures. ] J’ai dit dans la première remarque, que Paul Jose, Thevet, et Martin Del Rio, sont ses principaux accusateurs, et j’ai promis de montrer leurs fautes ; les voici donc :

1°. Paul Jove le fait mourir à Lyon dans un méchant cabaret, et le charge du soupçon infâme de magie, par la raison que vous allez voir. Agrippa, dit-il[62], menait toujours avec lui un diable sous la figure d’un chien noir. Aux approches de la mort, comme on le pressait de se repentir, il ôta au chien un collier garni de clous qui formaient des inscriptions nécromantiques, et lui dit : va-t’en, malheureuse bête qui es cause de ma perte totale. Ce chien prit tout aussitôt la fuite vers la Saône, s’y jeta, et n’en sortit point. Cet auteur avait donné de grands éloges à Agrippa du côté de l’esprit et de la science, jusqu’à dire que cette science lui avait procuré la dignité de chevalier que l’empereur lui avait donnée : Vir educatus in litteris, et à Cæsare eruditionis ergò equestris ordinis dignitate cohonestatus [63]. Commençons par-là notre critique.

Il est certain, par le témoignage d’Agrippa, que son ordre de chevalerie fut la récompense de ses exploits militaires[64]. D’ailleurs, il n’est pas mort à Lyon ; et enfin, Jean Wier, son domestique, témoigne que ce chien noir était un vrai chien, et qu’il l’a souvent mené avec un cordon de crin. Silentio involvi, dit-il[65], diutiùs ob veritatis prærogativam non patiar quod in diversis aliquot scriptoribus [* 5] legerim, diabolum formâ canis ad extremum Agrippæ habitum comitem ipsi fuisse, et posteà nescio quibus modis evanuisse. Satis equidem mirari hìc nequeo tantæ existimationis viros tam insulsè aliguandò loqui, sentire, et scribere ex inanissimo vulgi rumore. Canem hunc nigrum mediocris staturæ, gallico nomine Monsieur, quod Dominum sonat, nuncupatum novi ego si quis alius familiarissimè, quem nimirùm non rarò ubi Agrippam sectarer, loro ex pilis concinnato alligatum duxi ; at verè naturalis erat canis masculus, cui aliàs femellam ferè colore et reliquâ corporis constitutione similem, quam Gallicè Mademoiselle (Dominam) appellabat, me præsente, adjunxit. Cet auteur ajoute qu’Agrippa aimait follement ce chien, qu’il le baisait souvent, qu’il le faisait quelquefois manger à sa table, qu’il le souffrait dans son lit, et que pendant que lui Wier et Agrippa étudiaient sur la même table, ce chien se tenait toujours couché entre eux deux au milieu d’un tas de papiers. Or, comme Agrippa était des semaines tout entières sans sortir de son poêle, et qu’il ne laissait pas de savoir presque tout ce qui se passait en divers pays du monde, il y avait des badauds qui disaient que son chien était un diable qui lui apprenait tout cela. Il n’y a pas long-temps qu’un soldat réfugié me disait fort sérieusement que, pourvu que M. de Mélac[66] eût son dogue, il revenait toujours victorieux. Il m’assura que, dans l’opinion générale des soldats, ce dogue était un esprit familier qui révélait à son maître les postes des ennemis, et leur nombre, leurs desseins, etc. M. de Mélac n’était point fâché peut-être qu’on crût cela : cette opinion pouvait. faire que les soldats ne craignissent rien sous sa conduite[67]. Voilà de quelle nature étaient les bruits sur lesquels Paul Jove s’était fondé.

2°. Passons à Thevet. On ne peut nier, dit-il[68], qu’Agrippa n’ait esté misérablement ensorcelé de la plus fine et exécrable magie qu’on puisse imaginer, et de laquelle, au veu et sceu d’un chacun, il a fait profession si évidente (ainsi que le présent discours le justifiera) qu’il n’est possible de reculer en arrière par négatives, palliations, ou déguisemens. Or, voyons à quoi se réduisent les preuves que ce présent discours apporte. En premier lien, Antoine de Lève chérissoit tellement ce personnage, que, par son conseil, advis et prudence, il venoit à bout des desseins de ses hautes et superbes entreprises ; ce qui a fait que certains envians à cet Espagnol ses victoires ont dit que par art magique et Agrippine il a grippé sur ses ennemis avec ses mains podacres et crochues, ce que beaucoup de vaillans capitaines n’eussent sceu par le cliquetis de leurs armes et combats furieux[69]. En second lieu, les enseignemens d’Agrippa sont tellement déraisonnables, que le docteur Jean Vuier, quoiqu’en plusieurs endroits de ses œuvres il le loue et exalte grandement comme son bon maistre, il est néanmoins quelquefois contraint de lui donner un coup de pied et le désavouer[70]. On nous renvoie au chapitre XLIV du IIe. livre des Illusions et Apparitions des Esprits[71], pour y trouver que Jean Vuier se moque (avec Cardan au XVIIIe. livre de la Subtilité) des resveries d’Agrippa, qui forgeoit des apparitions plus que ridicules. En troisième lieu, son livre de la Philosophie cachée a esté condamné et censuré par les chrestiens... ; et pour cette occasion, fut contraint Agrippa d’abandonner la Flandres, où il ne put estre souffert, faisant profession de la magie : de manière qu’il prit la route d’Italie, où il séjourna l’espace de trois ans ou environ, et y épancha plus que n’eût été requis du poison avec telle abondance, que plusieurs gens de bien appercevans qu’il en avoit en si peu de temps infecté l’air de l’Italie, lui donnèrent la chasse si vive qu’il n’eut rien de plus hastif que de se retirer à Dôle, où il eut publiquement le livre de Verbo mirifico[72]. En quatrième lieu, il obscurcit tellement la Bourgogne des fumées et brouillard de ses sciences noires, que s’il n’eust fait un trou à la nue, il est bien à craindre qu’avec le feu on ne l’eust éclairé de plus près qu’il n’eust sceu souhaiter. En cinquième lieu, il se rendit à Lyon, fort pietre et dénué de facultez ; il chercha tous les moyens qu’il put pour vivoter, remuant le mieux qu’il pouvoit la queue du baston, et il gagnoit si peu qu’il mourut en un chétif cabaret, abhorré de tout le monde, qui le détestoit comme un maudit et exécrable magicien, parce que tousjours il menoit en sa compagnie un diable sous la figure d’un chien. Thevet ajoute à cela le reste du conte que Paul Jove a inséré dans ses Éloges.

Il serait facile de montrer la nullité de ces cinq preuves. Il n’est pas besoin de réfuter la première, puisque Thevet a reconnu qu’Antoine de Lève ne s’adressait point à Agrippa pour quelques prestigieux et iniques charmes [73], mais plustost, pour la rare merveille de son esprit[74] ; et que l’empereur ne le prit à son service, par l’intercession d’Antoine de Lève, que pour l’asseurance qu’il avoit que par son meur et rassis jugement il pourroit survenir aux grandes affaires qui lui étoient tombées sur les bras. Voilà donc l’accusé hors d’affaire, par la confession même de l’accusateur : il est bien plus malaisé de justifier celui-ci d’une très-crasse ignorance. Je n’ai remarqué dans les Lettres d’Agrippa aucun vestige de ses liaisons avec Antoine de Lève, et je m’étonne que, sur la foi d’un auteur comme Thevet, tant d’habiles gens aient débité qu’Agrippa fut favori d’Antoine de Lève, et capitaine en ses troupes [75]. Il ne fut jamais au service des Espagnols : il ne servit que dans les troupes de l’empereur Maximilien ; et je ne pense pas que, depuis la harangue qu’il fit à Pavie, l’an 1515, il ait endossé le harnais. Voici quelques mots de cette harangue : Neque mireris, marchio illustris, Joannes Gonzaga strenuiss. militum dux, quòd cùm me proximis his annis felicissimis Cæsareis castris præfectum cognosceres, nunc me sacrarum litterarum præpositum pulpito cernas[76]. Il fit encore quelque séjour en Italie : il y eut pour patron Guillaume Paléologue, marquis de Monferrat, à qui il dédia son Traité De triplici ratione cognoscendi Deum, l’an 1516[77] : il enseigna à Turin, et il repassa les Alpes vers le commencement de l’année 1518[78]. Qu’on me montre qu’Antoine de Lève ait servi l’empereur Maximilien. Mais voici une ignorance encore plus crasse. Agrippa n’obtint le titre de conseiller et historiographe de Charles-Quint que par le moyen des amis qu’il rencontra à la cour de la princesse Marguerite, gouvernante du Pays-Bas. Charles-Quint n’était point alors dans le Pays-Bas : il y vint quelque temps après, si prévenu contre Agrippa, que, sans les bons offices du cardinal Campège, et du cardinal de la Mark, il l’aurait fait mettre dans un cachot. Le sieur Clavigni de Sainte-Honorine dit que la fin d’Agrippa n’eût pas été moins funeste que celle de Lucilius Vaninius, si le cardinal Campège, et Antoine de Léve, ses protecteurs, n’eussent détourné Charles-Quint de le faire punir[79]. Il ne vit point Agrippa, et ne lui fit point payer ses gages : tant s’en faut qu’il se soit servi de ses conseils pour se débarrasser des grandes affaires qui lui étoient tombées sur les bras. C’est une plaisante preuve de l’habileté d’Agrippa dans le droit, que de dire que Charles-Quint le reçut au nombre de ses conseillers. À la jurisprudence, dit Thevet[80], il avoit donné une si vive atteinte, que (comme j’ai ci-dessus remarqué) l’empereur Charles-Quint le reçut au nombre de ses conseillers. Il avait dit dans la page précédente, qu’Agrippa fut si bien reçu à la cour de cet empereur, qu’il fut du nombre de ses conseillers. Ne sait-on pas que le titre de conseiller du roi se donne à une infinité de gens, à des médecins, à des historiographes, à des auteurs qui entrent dans les conseils du prince aussi peu que le dernier de tous les bourgeois ? La deuxième raison de Thevet ne prouve rien. Agrippa a parlé de quelques apparitions si ridicules, que même l’un de ses meilleurs amis s’en est moqué ; donc il a été magicien. Que deviendraient Bodin, Martin Del Rio, le Loyer, et la plupart des démonographes, si cette manière de raisonner avait lieu ? La troisième raison fourmille de faussetés. Si Agrippa eût fait profession de magie, on ne se fût pas contenté de le faire sortir de Flandre ; on ne punit pas si doucement une telle profession. Il ne fut jamais en Italie depuis les censures de sa Philosophie occulte. Cet ouvrage ne parut qu’en 1531. Si Agrippa eût épanché dans l’Italie avec tant d’abondance le poison de sa magie, le cardinal de Sainte-Croix l’aurait-il choisi pour l’un des théologiens du concile de Pise ? Le pape lui aurait-il écrit un bref si honnête en l’an 1515 [81] ? Bien loin que notre Agrippa chassé d’Italie se soit retiré à Dôle, il n’alla en Italie qu’après avoir quitté Dôle. La quatrième raison suppose faux. Agrippa se fit des affaires à Dôle pour avoir donné dans les hypothèses de Capnion, dont il expliquait le livre de Verbo mirifico. On sait les longues querelles des moines et de Capnion. Le cordelier Catilinet, aimant mieux prêcher contre Agrippa devant la princesse Marguerite, que disputer ou s’éclaircir avec lui à Dôle, prit le parti de l’aller diffamer à Gand sur la chaire de vérité : mais il ne l’accusa point de magie ; il ne l’accusa que d’attachement à la cabale judaïque, et de pervertir l’Écriture par des explications cabalistiques[82]. Les déclamations mal placées de ce cordelier, qui, au lieu de prévenir la cour et le peuple contre un professeur absent, devait l’accuser dans les formes devant les juges académiques, n’empêchèrent point que le célèbre Jean Colet ne logeât Agrippa chez lui à Londres, et que l’empereur Maximilien, aïeul de la princesse Marguerite, ne lui donnât de l’emploi en Italie[83]. La cinquième raison de Thevet a déjà été réfutée : il n’a fait que copier Paul Jove ; et ils ont été l’un et l’autre assez imprudens pour parler de la misère d’Agrippa. Beau moyen de persuader à un lecteur judicieux, que cet homme était un grand magicien ! Belle méthode de le persuader au peuple, lorsqu’on sait d’ailleurs, que dès qu’il y a un prince ou seigneur auquel l’heur rit, soudain on lui jette le chat aux jambes qu’il courtise Agrippa[84] !

3°. Quant à Martin Del Rio, il raconte ces trois ou quatre choses : 1°. Agrippa en voyageant payait dans les hôtelleries en monnaie qui paraissait très-bonne ; mais, au bout de quelques jours, on s’apercevait qu’il avait donné des morceaux de corne ou de coquille[85]. 2°. Charles-Quint le chassa de sa cour et de ses états, et avec lui deux autres personnes de condition qui lui avaient promis de grands trésors par le moyen de la magie[86]. 3°. Le même empereur ne remit point la peine de mort à Agrippa ; mais il le condamna au bannissement aprés qu’il eut su sa fuite[87]. 4°. Agrippa tenait à Louvain un pensionnaire fort curieux. Un jour qu’il sortit hors de la ville, il recommanda à sa femme de ne laisser entrer personne dans son cabinet. Le pensionnaire en obtint pourtant la clef : il y entre, et y lit un livre de conjurations : il entend frapper à la porte une et deux fois sans interrompre sa lecture : le démon veut savoir qui l’appelle et pourquoi ; et parce qu’on ne sait que lui répondre, il étrangle le lecteur, Agrippa revenant à son logis, voit les démons qui sautent sur sa maison ; il les appelle, et apprend d’eux ce qui était arrivé. Il donne ordre à l’homicide d’entrer dans le cadavre et de lui faire faire quelques tours de promenade à la place la plus fréquentée des écoliers, et puis de se retirer. Cela fut fait. Le pensionnaire, après trois ou quatre tours de promenade tomba raide mort. On pensa long-temps que ce fut de mort subite ; mais certaines marques de suffocation rendirent la chose suspecte dès le commencement : ensuite, le temps apprit tout ; et Agrippa, fugitif dans la Lorraine, commença d’y vomir les hérésies qu’il avait retenues dans le cœur[88].

La misère d’Agrippa, et la peur qu’il fait paraître tant de fois dans ses épîtres de n’avoir pas de quoi manger, réfutent pleinement la première de ces histoires. Quand on a un moyen si court de payer ses créanciers, on ne doit pas être en peine de quoi vivre : c’est la pistole volante. Il n’est point vrai que Charles-Quint ait jamais chassé Agrippa de ses états : il était trop habile homme pour punir de cette manière un magicien dispensateur des trésors ; il aurait craint que les autres princes ne profitassent à son dommage des secrets d’un tel banni. Del Rio réfute la seconde historiette par la troisième ; car il prétend dans la troisième, que sa Majesté Impériale eût fait mourir Agrippa, si elle l’eût eu en sa puissance, et que l’arrêt de bannissement fut postérieur à la fuite de ce magicien. Pures fables. Agrippa présentait requête sur requête au conseil de cet empereur, ou pour être payé de ses gages, ou pour avoir son congé[89], et, quand il fut las de n’obtenir rien, il s’en alla à Cologne, où il parla le plus hardiment du monde aux magistrats, contre les moines qui arrêtaient l’impression de son ouvrage [90]. Il vécut tranquillement à Bonn, jusqu’à ce qu’il en partit pour aller en France. Charles-Quint aurait-il souffert cela à un homme qu’il aurait banni de ses états ? L’eût-il souffert à un magicien, qui n’aurait évité le dernier supplice que par la fuite ? Sur la quatrième historiette, soit renvoyé à Gabriel Naudé, dont voici les paroles : On la peut nier encore plus raisonnablement avec Ludwigius [* 6], que Del Rio ne l’asseure, veu qu’il l’a traduite mot pour mot d’un livre intitulé le Theâtre de la Nature, divulgué en italien et en latin sous le nom de Stroze Cicogna, et en français et espagnol sous celui de Valderama [91]. On peut se servir d’une autre réfutation ; la voici : Del Rio remarque que la femme qui avait prêté la clef au pensionnaire fut répudiée depuis par Agrippa. Il faut donc que ce soit la troisième femme de ce magicien. Or la seconde ne mourut qu’en 1529 : il faut donc que l’aventure du pensionnaire soit postérieure à l’an 1529 ; il faudrait donc qu’Agrippa eût pris la fuite vers la Lorraine depuis l’an 1530 ou environ : il faudrait que depuis qu’il fut installé à la charge d’Historiographe de Charles-Quint, il eût été louer une maison à Louvain pour y tenir des pensionnaires : mais rien n’est plus faux que cela ; car, 1°. il n’alla point en Lorraine comme fugitif : il y alla pour exercer une belle charge à Metz, laquelle lui avait été offerte avec tous les agrémens possibles, pendant qu’on lui présentait ailleurs des conditions honorables [92]. 2°. Il n’alla en Lorraine qu’en 1518, et il avait encore sa première femme. 3°. Les doctrines qu’il soutint en ce pays-là, et pour lesquelles il fut exposé aux vexations de quelques moines, n’étaient ni magiques, ni hérétiques ; elles roulaient sur la question si sainte Anne, mère de la sainte Vierge, a eu trois maris, et un enfant de chacun ; ou si elle n’a eu qu’un mari et une fille. Agrippa soutint ce dernier parti :[93], qui fait infiniment plus d’honneur que l’autre à la mémoire de sainte Anne. 4°. Il ne paraît point qu’il ait demeuré ailleurs qu’à Anvers et à Malines, depuis qu’il fut fait historiographe de l’empereur, jusqu’à ce qu’il se retira chez l’électeur de Cologne ; et je ne pense pas que jamais il ait tenu de pensionnaires à Louvain. On pourrait donc se dispenser de répondre à Martin Del Rio et à ses consorts, jusqu’à ce qu’ils eussent un peu arrangé les circonstances des temps et des lieux.

Je m’étonne que le célèbre Naudé n’ait pas eu la prévoyance d’objecter aux accusateurs d’Agrippa le grand nombre de faussetés historiques dont je viens de les convaincre.

(Q) Il y a des erreurs de fait dans les moyens...... de son apologie. ] J’ai Gabriel Naudé en vue[* 7]. Il tâche de justifier Agrippa, entre autres raisons, par la faveur de deux empereurs, et autant de rois[94]. C’est supposer que Charles-Quint eut de l’amitié pour Agrippa ; mais on n’a qu’à lire les plaintes de cet auteur[95] pour voir clairement le contraire. De plus, Naudé suppose qu’on ne s’avisa de crier contre la Philosophie occulte que long-temps après qu’elle eut été publiée ; il prétend qu’on ne cria contre ce livre que pour se venger des injures qu’on croyait avoir reçues dans celui de la Vanité des Sciences. Il est fort vrai que ce dernier livre irrita furieusement plusieurs personnes. Les moines, les suppôts des académies, les prédicateurs, les théologiens s’y reconnurent, Agrippa était un esprit trop ardent. Ex ejus libri (de Vanitate Scientiarum) qualicunque gustu deprehendi hominem esse ardentis ingenii, variæ lectionis, et multæ memoriæ, alicubi tamen majore copiâ quàm delectu, ac dictione tumultuosâ veriùs quàm compositâ. In omni genere rerum vituperat mala, laudat bona ; sed sunt qui nihil aliud sustinent quàm laudari[96]. Ses peintures étaient trop fortes ; les couleurs en étaient trop noires, ses traits étaient trop marqués. On s’en fâcha donc, je l’avoue ; mais il n’est pas vrai que cette colère ait eu un effet retroactif sur un livre qu’on eût laissé en repos plusieurs années. Naudé eût mieux fait de garder cette pensée pour une autre application : il eût trouvé où la placer tôt ou tard, quand même il n’aurait pas eu autant de lecture qu’il en avait. Je m’explique. Il n’est point rare que des zélateurs laissent long-temps en repos un livre et celui qui l’a composé, quel que puisse être d’ailleurs ce livre pourvu qu’il n’attaque point personnellement ces zélateurs. Mais si, au bout de dix, quinze, vingt ans, ils se brouillent avec l’auteur ; si quelque nouvel ouvrage vient faire des descriptions où l’on puisse reconnaître ce que l’on cache le plus soigneusement que l’on peut au peuple ; le premier livre ne peut plus jouir de son repos : il devient hérétique, impie, brûlable. On commence alors d’être rongé du zèle de la maison de Dieu, on le persuade aux bonnes gens ; mais ceux qui ne sont point dupes voient bien quelle est la passion honteuse que l’on couvre sous le beau masque des intérêts de la piété. Rendons justice aux théologiens de Louvain : ils ne méritent pas la flétrissure dont l’apologiste d’Agrippa les charge par un tel endroit. La Philosophie occulte ne fut imprimée qu’après la Déclamation de la Vanité des Sciences : il suffit de leur reprocher qu’ils usèrent de mille chicaneries pour trouver des propositions condamnables dans cette Déclamation. Voyez la forte réponse qui leur fut faite : elle est au second volume d’Agrippa, et commence à la page 252.

Faisons en peu de mots l’histoire de cette Philosophie occulte. Agrippa fit cet ouvrage dans ses jeunes ans[97], et le montra à l’abbé Trithème, dont il avait appris bien des choses[98]. Trithème en fut charmé, comme il paraît par la lettre qu’il lui écrivit le 8 d’avril 1510[99] ; mais il lui conseilla de ne le communiquer qu’à des personnes affidées. Je ne sais si l’auteur le communiqua à trop de gens, ou si les premiers qui en eurent une copie manquèrent de discrétion : la vérité est qu’il en courut diverses copies manuscrites presque par toute l’Europe. Il n’est pas besoin d’avertir que la plupart étaient fort défectueuses : cela ne manque jamais d’arriver en pareil cas. On se préparait à imprimer sur une de ces mauvaises copies : c’est ce qui détermina l’auteur à le publier lui-même avec les additions et les changemens dont il l’avait embelli depuis qu’il l’avait montré à l’abbé Trithème. Melchior Adam se trompe quand il dit qu’Agrippa, ayant corrigé et augmenté ce livre dans un âge plus avancé, le fit voir à l’abbé Trithéme. Il avait réfuté, dans son écrit de la Vanité des Sciences, sa Philosophie occulte ; et néanmoins il la publia, afin d’empêcher que d’autres ne l’imprimassent pleine de fautes et mutilée[100]. Il la fit approuver par des docteurs en théologie et par des personnes que le conseil de l’empereur commit spécialement à cette lecture : Liber ille jam nuper per aliquos Ecclesiæ prælatos et doctores sacrarum humanarumque litterarum eruditissimos, et ex Cæsaris consilio ad hoc specialiter deputatos commissarios examinatus et probatus fuerit, deindè etiam totius Cæsarei consilii assensu admissus, et ejusdem Cæsareæ majestatis authentico diplomate et appensâ in rubrâ cerâ Cæsaris aquilâ privilegiatus, insuper Antverpiæ, et posteà etiam Parisiis, sine contradictione impressus et publicé venditus et distractus sit[101]. Sur ces approbations il obtint un privilége de sa majesté impériale, il fit imprimer son livre à Anvers, et le dédia à l’électeur de Cologne. Son épitre dédicatoire est datée de Malines, au mois de janvier 1531 ; et c’est la treizième du VIe. livre de ses Lettres. Ce livre parut l’an 1531. Il fut réimprimé d’abord à Paris. Ces deux éditions se vendirent sans nul obstacle. L’auteur fit travailler à une troisième à Cologne. Le père Conrad d’Ulm, inquisiteur de la foi, en eut le vent, et fit arrêter l’impression ; mais la vigoureuse requête d’Agrippa aux magistrats eut sans doute son effet, puisqu’il y a une édition de Cologne de la Philosophie occulte en 1533. Elle contient trois livres, au lieu que les précédentes ne contenaient que le premier[102]. On y joignit, après la mort d’Agrippa, un quatrième livre qui n’est point du même auteur. Optimo jure his (libris magicis) annumeratur abominabilis libellus nuper in lucem ab impio homine emissus, tributusque Henr. Corn. Agrippæ, meo olim hospiti et præceptori honorando, ultra annos quadraginta jam mortuo, ut hinc falsò ejus manibus jam inscribi sperem, sub titulo quarti libri de occultâ philosophiâ seu de ceremoniis magicis : qui insuper clavis librorum trium de Occultâ Philosophiâ omniumque magicarum operationum jactatur [103]. C’est ainsi que parle Jean Wier. J’ai vu une édition in-folio de la Philosophie occulte, en 1533, sans le lieu de l’impression, le privilége de Charles-Quint y est à la tête, en français, daté de Malines, le 12 de janvier 1529, si je ne me trompe.

Voyons présentement les mensonges qui sont répandus dans ces paroles de Naudé : « Les théologiens de Louvain censurèrent rigoureusement sa Déclamation contre les Sciences : Jean Catilinet, cordelier, déclama publiquement contre l’explication qu’il avoit faicte à Dôle de Verbo mirifico : les jacobins de la ville de Metz escrivirent contre les propositions qu’il avoit divulguées pour soutenir l’opinion de Fabert Stapulensis, touchant la monogamie de sainte Anne ; et toutefois pas un de ces censeurs ne put trouver aucun sujet de rien dire ou remarquer sur les deux premiers livres de sa Philosophie occulte, qui furent imprimés long-temps auparavant toutes ces pièces, tant à Paris qu’à Anvers et ailleurs... [104]. »Notez qu’il répète ces mêmes mots, long-temps auparavant, dans la page 416. Pour comprendre toute la faute, il faut se souvenir que Catilinet déclama l’an 1509 ; que les jacobins de Metz écrivirent sur sainte Anne l’an 1519 ; et que la Déclamation sur la Vanité des Sciences parut en 1530, un an avant la Philosophie occulte. « L’avarice des libraires, et la vanité de certains esprits........, ajoute Naudé [105], font tort à la mémoire de cet auteur, lui attribuant un quatrième livre plein de cérémonies magiques, vaines, superstitieuses et abominables, et le mettant en lumière avec les trois de sa Philosophie occulte...... Wierus asseure [* 8], pour la défense d’Agrippa, que ce livre ne fut divulgué que vingt-sept ans après sa mort, et qu’asseurément il ne l’avoit point composé [106]. »

Ces paroles de Naudé, vingt-sept ans après sa mort, comparées avec le passage latin que l’on a vu ci-dessus [107], peuvent causer de l’embarras ; mais, pour débrouiller cela, il suffit de prendre garde aux diverses éditions de Jean Wier. Il revit et il augmenta six fois son ouvrage. Naudé avait sans doute une édition que l’auteur avait préparée l’an 1562. Il s’était alors passé vingt-sept années depuis la mort d’Agrippa. Mon édition fut préparée treize ou quatorze ans après : voilà pourquoi l’auteur y emploie cette phrase, ultra annos quadraginta jam mortuo. Il retint toujours son nuper, et il est blâmable en cela ; car il trompe par ce moyen ses lecteurs. Il leur fait accroire que le quatrième livre Philosophiæ occultæ ne fut imprimé que vingt-sept ou quarante ans après la mort d’Agrippa : ce qui est faux. Il arrive rarement à ceux qui augmentent plusieurs fois leurs livres, de changer partout les particules qui marquent les dates du temps.

En faveur de ceux qui n’auront pas les ouvrages d’Agrippa, je dirai ici comment on prouve que la Déclamation contre les Sciences fut imprimée l’an 1530, et la Philosophie occulte l’an 1531. Par une lettre imprimée avec celle d’Agrippa et datée le 10 de janvier 1531 [108], on apprend que l’électeur de Cologne avait reçu un exemplaire de la Vanité des Sciences, et vu quelques feuilles de la Philosophie occulte qui s’imprimait à Anvers. L’auteur de la Bibliothéque de Dauphiné a pris une peine bien inutile dans son errata : il y a fait mettre 1567, au lieu de 1467. Son livre porte que le traité de la Vanité des Sciences fut composé dans Grenoble, l’an 1467. Corrigez selon l’errata, vous supposerez que ce livre fut composé trente-deux ans après la mort de son auteur. Il aurait autant valu ne point corriger. Je pense qu’on se tromperait, quelque année que l’on mit ; car je ne crois pas que cet auteur eût séjourné jamais à Grenoble considérablement lorsqu’il y alla mourir.

(R) Les fautes de Moréri ne sont pas nombreuses dans cet article. ] 1°. On y voit Cohori, au lieu de Gohori ; ' Gastinaria, au lieu de Gattinara ; Rauclin, au lieu de Reuchlin ; Carlinetus, au lieu de Catilinetus. 2o. On y voit qu’Agrippa obtint une chaire de professeur à Padoue : cela est faux ; il fallait dire Pavie. M. Teissier a été trompé aussi par la ressemblance des mots : il a mis Paris pour Pavie ; peut-être n’est-ce qu’une faute d’impression : en tout cas, le lecteur doit être averti qu’il ne doit pas croire ce qu’il trouve dans M. Teissier, savoir, qu’Agrippa a été professeur des lettres saintes à Dôle et à Paris[109]. Il est à craindre que quelque compilateur ne ramasse tout ce qu’il trouvera épars en plusieurs livres, et qu’il ne nous vienne débiter l’un de ces jours qu’Agrippa a professé les lettres saintes à Dôle, à Paris, à Pavie, à Turin, à Padoue, à Cologne, etc. Il est arrivé sans doute plus d’une fois, par une semblable cause, qu’on a multiplié faussement les charges d’un homme avec bien des réflexions à son avantage sur l’étendue de son mérite. 3o. Ces paroles jettent dans la confusion : Le cardinal de Sainte-Croix le voulut engager à le suivre au concile qu’on devait assembler à Pise ; et, dans le même temps, le roi d’Angleterre, Marguerite d’Austriche, et Gatinaria, chancelier du même Charles V, l’appelèrent à leur service. Les règles de notre grammaire veulent qu’on rapporte tout cela à un même temps : et, sur ce pied-là, Moréri aurait débité un grand mensonge ; car ce fut en 1529, long-temps après l’affaire de Pise, qu’Agrippa se vit recherché par Henri VIII, par Marguerite d’Autriche et par le chancelier de Charles-Quint. Mais d’ailleurs, si l’on veut bien chicaner, on niera qu’on ait appliqué à la même année les offres de tous les emplois. Un lecteur prévoit la possibilité de ces chicanes ; et ainsi, il ne sait à quoi s’en tenir. 4o. Il n’y a point de chicanerie à trouver en faveur de ce qui suit : Mais Agrippa, qui aimait extrêmement la liberté, préféra le plaisir de voyager, à ces avantages ; et, auprès avoir passé quelque temps à Fribourg, à Genève et ailleurs, il se retira à Lyon. Pitoyable anachronisme, compliqué d’autres faussetés ! Moréri prétend donc qu’aucun parti ne fut accepté : néanmoins celui de la princesse Marguerite le fut ; et lorsqu’on l’offrit, Agrippa ne songeait plus à voyager : il en avait passé son envie ; il avait été à Genève, à Fribourg et à Lyon. 5o. Il n’est pas vrai que Paul Jove, Del Rio, Thevet, et quelques autres, soutiennent qu’Agrippa avait deux démons sous la forme de deux petits chiens, et qu’il en nommait un Monsieur, et l’autre Mademoiselle. Paul Jove, Thevet, etc. parlent seulement d’un chien, sans dire quel nom il portait. 6o. Il ne fallait pas distinguer le livre de la Vanité des Sciences d’avec les autres œuvres d’Agrippa, qui composent deux volumes ; car ce livre est en tête du second volume. Je ne dis rien du désordre qui règne dans le narré de Moréri, par rapport à la chronologie.

(S) Il promettait un ouvrage contre les Dominicains. ] Comme ils étaient les principaux directeurs de l’inquisition, il ne faut pas s’étonner qu’il leur en voulût plus particulièrement qu’à d’autres. La patience lui échappait lorsqu’il les voyait si indulgens pour les erreurs de leurs confrères, et si durs envers les propositions équivoques des autres gens. Cette indulgence aurait été moins scandaleuse si elle ne se fût trouvée qu’en eux ; mais le mal est que les peuples sont si sots, que pendant qu’ils louent le zèle d’un inquisiteur qui trouve des hérésies partout où bon lui semble, ils ne souffrent pas que l’on use de récrimination contre lui, et qu’on étale aux yeux du public ses doctrines pernicieuses. Agrippa devait là-dessus parler de la belle manière aux Dominicains, et sur d’autres choses aussi. Neque tamen putetis, dit-il[110] aux magistrats de Cologne, hunc solum articulum apud illum reperiri hæreticum, sed alii multi, quos cùm hic nimis longum vobisque tædiosum foret referre, enumerabo alibi, in eo scilicet libro, quem de fratrum prædicatorum sceleribus et hæresibus inscripsi ubi infecta sæpiùs veneno sacramenta, ementita sæpissimè miracula, interemptos veneno reges et principes, proditas urbes et respublicas, seductos populos, assertasque hæreses, et cætera ejusmodi heroüm illorum facinora flagitiaque in varias transfusa linguas, omnique populo exposita dilucidè narrabo.

(T) Il eut quelques opinions qui n’étaient pas de la routine. ] J’ai déjà touché celle qui regardait la chute d’Adam. Les autres n’étaient pas si scabreuses, et n’avaient point d’autre mal que d’être conformes aux hypothèses des réformateurs. Sa Dissertation du Mariage, dédiée à Louise de Savoie, mère de François Ier., donne de bonnes atteintes à la loi du célibat, et marque assez clairement que l’adultère rompt l’engagement conjugal. Un de ses amis[111] lui fit savoir que cette Dissertation avait déplu à la cour, et qu’on n’avait osé d’abord le présenter à la princesse. Voyez ce qu’il répondit. Il n’approuvait point les images, et de tout son cœur il aurait donné dans une réforme qui n’aurait pas produit l’érection d’autel contre autel[112].

(V) Il expliquait sa Philosophie occulte d’une manière qui n’est guère différente des spéculations de nos quiétistes. ] Citons encore une observation de Naudé, destinée à faire voir que, sous prétexte de cette clef, on ne peut pas soutenir qu’Agrippa est le vrai auteur du IVe. livre de la Philosophie occulte. Sans qu’il faille objecter, dit-il [113], ce que le mesme Agrippa dit en quelques endroits de ses épistres[* 9], qu’il se réservoit la clef des trois livres qu’il avoit publiés[114] : car, outre que l’on pourroit respondre avec beaucoup de probabilité, qu’il faisoit mention de cette clef pour se faire courtiser par les curieux, comme Jacques Gohory [* 10] et Vigenere[* 11] disent qu’il se vantoit à mesme dessein de savoir la pratique du miroir de Pythagore, et le secret d’extraire l’esprit de l’or d’avec son corps pour convertir en fin or l’argent et le cuivre, non toutesfois, si non autant que montoit le poids de celui duquel il avoit esté séparé, et non plus : outre cette raison, dis-je, il explique assez ce qu’il entendoit par une telle clef, quand il dit en la 19e. épist. du livre 5 : « Hæc est illa vera et mirabilium operum occultissima philosophia ; clavis ; ejus intellectus est : quantò enim altiora intelligimus, tantò sublimiores induimus virtutes tantòque, et majora, et faciliùs, et efficaciùs operamur. » Naudé s’est arrêté là ; mais M. de la Monnaie ne s’y est pas arrêté ; il m’a fait la grâce de m’avertir que les pensées d’Agrippa sont assez conformes à celles des quiétistes. On en sera persuadé si l’on examine ce que je vais rapporter. Agrippa fait mention de cette clef dans deux lettres qu’il écrivit à un religieux[115] qui s’attachait fort aux sciences occultes. Il lui représente que tout ce que les livres apprennent touchant la vertu de la magie, et de l’astrologie, et de l’alchimie, est faux et trompeur quand on l’entend à la lettre ; qu’il y faut chercher le sens mystique, sens qu’aucun des maîtres n’avait encore développé, et qu’il était presque impossible de découvrir : sans le secours d’un bon interprète, à moins qu’on ne fût illuminé de l’esprit de Dieu, ce qui arrive à très-peu de gens[116] : O quanta leguntur scripta de inexpugnabili magicæ artis potentiâ, de prodigiosis astrologorun : imaginibus, de monstrificâ alchimistarum metamorphosi, deque lapide illo benedicto, quo, Midæ instar, contacta æra mox omnia in aurum argentumve permutentur : quæ omnia comperiuntur vana, ficta, et falsa, quoties ad litteram practicantur[117]. Il ne faut point chercher hors de nous-mêmes, ajoute-t-il, « le principe de ces grandes opérations : il est chez nous ; c’est un esprit intérieur qui peut trés-innocemment effectuer tout ce que les magiciens et les alchimistes promettent. Je ne vous écrirai point sur cela ; car ce ne sont point des choses qu’il faille confier au papier. L’esprit les communique à l’esprit en peu de mots consacrés. » Atque hoc est, quod te nunc scire volo, quia nobis ipsis est omnium mirabilium effectuum operator : qui quicquid portentosi Mathematici, quicquid prodigiosi Magi, quicquid invidentes naturæ persecutores Alchimistæ, quicquid dæmonibus deteriores malefici Necromantes promittere audent, ipse novit discernere et efficere, idque sine omni crimine, sine Dei offensâ, sine religionis injuriâ. In nobis, inquam, est ille mirandorum operator,

Nos habitat, non tartara : sed nec sidera cœli.
Spiritus in nobis qui viget, illa facit.


Verùm de his nobis quàm latissimè tecum conferendum esset et coràm. Non enim committuntur hæc litteris, nec scribuntur calamo, sed spiritu spiritui paucis sacrisque verbis infunduntur, idque, si quando nos ad te venire contigerit [118]. Je tire ceci d’une lettre datée de Lyon, le 24 de septembre 1527. L’autre lettre fut écrite dans la même ville, le 19 de novembre suivant. Agrippa y étale son mystère : il dit que la vraie et la solide philosophie consiste à être uni avec Dieu par un contact essentiel et immédiat qui puisse nous transformer en Dieu. « L’entendement, ajoute-t-il, est la clef de cette philosophie ; mais, pour être uni avec Dieu, il doit être détaché de la matière, et mort au monde, à la chair, à tous les sens, et à tout l’homme animal. » Son latin exprimera mieux ce galimatias : Quod ad postulatam philosophiam attinet, te scire volo, quòd omnium rerum cognoscere opificem ipsum Deum, et in illum totâ similitudinis imagine ceu essentiali quodam contactu sive vinculo transire, quo ipse transformeris, efficiareque Deus, ea demùm vera solidaque philosophia sit : quemadmodùm de Moyse ait Dominus, inquiens : Ecce ego constitui te Deum Pharaonis. Hæc est illa vera et summa mirabilium operum occultissima philosophia. Clavis ejus intellectus est. Quantò enim altiora intelligimus, tantò sublimiores induimus virtutes, tantòque majora, et faciliùs, et efficaciùs operamur. Verùm intellectus noster carni inclusus corruptibili, nisi viam carnis superaverit, fueritque propriam naturam sortitus, divinis illis virtutibus, non poterit uniri (non enim, nisi sibi quam similibus congrediuntur) ac pervidendis illis occultissimis Dei et naturæ secretis omninò inefficax est : atque

Hoc opus, hic labor est, superas evadere ad auras.


........ Mori enim oportet, mori, inquam, mundo et carni, ac sensibus omnibus, ac toti homini animali, qui velit ad hæc secretorum penetralia ingredi : non, quòd corpus separetur ab animâ : sed, quòd anima relinquat corpus. De quâ morte Paulus scribit Colossensibus : Mortui estis, et vita vestra abscondita est cum Christo ; et alibi clariùs de seipso ait : Scio hominem, in corpore, vel extra corpus, nescio (Deus scit) raptum usque ad tertinm cœlum : et quæ reliqua sequuntur [119]. « Cette précieuse mort, continue-t-il, n’est accordée qu’à un petit nombre de gens chéris de Dieu, ou gratifiés d’une influence bénigne de l’étoile, ou soutenus de leurs mérites et du secret de l’art : » Hâc, inquam, pretiosâ in conspectu Domini morte mori oportet, quòd contingit paucissimis, et fortè non semper ; nam id

......... Pauci quos æquus amavit
Jupiter, aut ardens evexit ad æthera virtus,
Diis genii potuêre :


Primùm, qui non ex carne et sanguine, sed ex Deo nati sunt : proximè, qui naturæ beneficio ac cœlorum genethliaco dono ad id dignificati sunt : cæteri meritis nituntur et arte, dequibus viva vox te certiorem reddat[120]. Il reconnaît ingénument qu’il n’est pas du nombre de ces favoris du ciel, et qu’il n’espère pas même de parvenir à ce haut degré de bonheur : car il s’était toujours trouvé dans les tourbillons de la matière, homme sensuel, attaché à une femme, à la chair, au monde, aux soins domestiques, etc. Il veut seulement qu’on le considère comme un portier qui montre aux autres le chemin qu’il faut tenir[121]. Verùm hoc te admonitum volo, ne circa me decipiaris, ac si ego aliquando divina passus, tibi ista prædicem, aut tale quid mihi arrogare velim, vel concedi posse sperem, qui hactenus humano sanguine sacratus miles, semper ferè aulicus, tùm carnis vinculo charissimæ uxori alligatus, omnibusque instabilis fortunæ flatibus expositus, totusque à carne, à mundo, à domesticis curis transversum actus ; tam sublimia immortalium deorum dona non sum adsecutus : sed accipi me volo velut indicem, qui ipse semper præ foribus manens, aliis, quod iter ingrediendum sit, ostendo[122].

(X) Mutilée dans un endroit qui pouvait déplaire aux gens d’église. ] L’auteur déclame dans cet endroit-là contre la loi du célibat, et dit que peut-être ceux qui en sont les protecteurs, aiment mieux souffrir le concubinage que le mariage des prêtres, parce qu’ils retirent un gros revenu de la permission qu’ils leur donnent de tenir des concubines. Il ajoute qu’il a lu qu’un certain prélat se vanta à table d’avoir dans son diocèse onze mille prêtres concubinaires qui lui donnaient un écu chacun tous les ans. Voilà un passage qui ne paraît pas dans l’édition de Lyon. M. Crénius, qui a fait cette découverte, s’est bien plaint de cette supercherie. Voici ses paroles : Malâ fide, per Beringos fratres, Lugduni anno MDC in-8°., edita sunt Henrici Cornelii Agrippæ.... Opera ; utpotè in quâ multa omissa sunt editione, quæ in prioribus erant. Atque ne hoc gratis dixisse videar, capias exemplum è Tractatu de Incertitudine et Vanitate Scientiarum atque Artiùm, in cujus C. LXIV, pag. m. 189, de Lenoniâ, sequentia hæc, quæ ex optimâ, recognitâ, plenâ, et scholiis marginariis (retineo vocem in titulo libre positam) illustratâ editione, sine loci adjectione, anno MDXXXVI, in-8°., excusa, admodùm rara, daturus sum, in Lugdunensi planè dempta sunt. Jam verò etiam lenociniis militant leges atque canones, cùm in potentum favorem pro iniquis nuptiis pugnant, et justa matrimonia dirimunt : sacerdotesque sublatis honestis nuptiis turpiter scortari compellunt : raalueruntque illi legislatores sacerdotes suos cum infamiâ habere concubinas, quàm cum honestâ famâ uxores, fortè quia ex concubinis proventus illis est amplior. De quo legimus gloriatum in convivio quemdam episcopum, habere se undecim millia sacerdotum concubinariorum, qui in singulos annos illi aureum pendant. Hæc omnia, et alia fortè plura, neque enim integrum hactenùs contuli, pro more eraserunt adversarii, clarum relinquentes documentum illorum quid editionibus tribuendum sit[123].

  1. * Joly pense que ce ne fut pas son talent pour le grand œuvre qui compromit sa liberté, mais les découvertes qu’il avait faites de machines de guerre et de moyens de destruction. Il développe son opinion dans une note très-longue et curieuse.
  2. (*) Cette paysanne était de Vapey [Villa Vapeya], village situé aux portes de Metz, et appartenant au chapitre de la cathédrale. Du reste il avait paru dans le clergé messin, principal accusateur de cette femme, tant de passions basses, et en toutes manières une si grande ignorance des belles-lettres et de la bonne philosophie, qu’à cet égard, dans sa Lettre du 2 juin 1519, Agrippa traitant la ville de Metz d’omnium bonarum litterarum virtutumque noverca, ce pourrait bien être lui qui, par ces flétrissantes paroles, aurait donné lieu au proverbe Metis avara, scientiarum noverca. Rem. crit.
  3. (*) Agrippa, au ch. 19 de son Apologie, parle si magnifiquement de Luther, et avec tant de mépris des principaux adversaires de ce réformateur, que c’est apparemment là-dessus que s’est fondé Sixte de Sienne, pour avancer qu’Agrippa était luthérien. Comme c’était ici un endroit à alléguer cette pièce, plutôt que certaines lettres d’Agrippa, on peut croire que M. Bayle ne l’avait pas lue si exactement que ces lettres. Rem. crit.
  4. (*) Agrippa ne s’était pas encore laissé gagner en 1533, temps auquel, si je ne me trompe, il publia son Apologie contre les Docteurs de Louvain ; et il n’a pu le faire depuis, sans la même honteuse prévarication qu’il y reproche à la Sorbonne. Eodem, y dit-il, parlant de ce corps fameux, his recentibus annis determinavit, Papam non posse dispensare ut frater ducat uxorem fratris mortui sine liberis, atque proptereà matrimonium inter Angliæ Regem et Cæsaris amitam, velut contra jus naturale et divinum, indispensabile, pro incestuoso, abominabili, et sacrilego adulterio damnârunt, magnâ Sorbonæ infamiâ. Cùm non multis annis ante pro Augustino Furnario Civi ac Patricio Genuensi determinavissent oppositum. [Agrippæ Apolog., etc., cap. 2.] Ce n’est pas, au reste, dans la seule édition de 1536 que se trouve le passage que, sous la Lettre X, Crénius remarque avoir été retranché du Traité de la Vanité des Sciences dans l’édition de Lyon. Ce passage reparaît encore dans l’édition de 1539, et on le trouve dans toutes les précédentes éditions de ce Traité. Rem. crit.
  5. (*) Jovius in Elogiis, et ex hoc Andreas Houdorff in libro Exemplorum German. et alii.
  6. (*) Quæst. XV Dæmonomag., folio 187.
  7. * Bayle n’a pas relevé, dit Joly, toutes les fautes de Naudé, au sujet d’Agrippa. C’est à tort, par exemple, que G. Naudé avance qu’Agrippa se rétracta dans la préface de la Philosophie occulte, de ce qui pouvait s’être glissé de contraire à la doctrine de l’Église. La rétractation ne pouvait, dit Joly, être sincère, puisque Agrippa fit imprimer lui-même cet ouvrage peu de temps (trois ans) avant sa mort. On verra dans la remarque de Bayle les motifs qui portèrent Agrippa à cette publication.
  8. (*) Lib. II, de Præstigiis.
  9. (*) Epistola LVI libri IV, XIV libri V.
  10. (*) Libro de Myst. not. Comment. in Paracels. de Vitâ longâ, folio 61.
  11. (*) En ses Chiffres, folio 16 et 27.
  1. Melch. Adami Vitæ Med., pag. 16.
  2. Agrippa, Epist. XXVI, lib. VII, pag. 1041.
  3. Thevet, Histoire des Hommes illustres, tom. VII, pag. 222. Édit. de Paris, en 1671, en 7 vol. in-12.
  4. Agrippa, Epist. XVIII libri VI, p. 970.
  5. Idem, Epist. XIX libri II, pag. 736.
  6. Idem, Epist. XXI libri VII, pag. 1021. Voyez aussi pag. 735, 977.
  7. Idem, Epist. XXI libri VII, pag. 1021
  8. Idem, Epist. IV et X libri I.
  9. Idem, Operum tom. II, pag. 510.
  10. Idem, Defens. Proposit., pag. 596.
  11. C’est la XXXVIIIe. du Ier. livre, parmi celles d’Agrippa.
  12. Oper. Agrippæ, tom. II, pag. 710.
  13. On l’emploie à cet usage, en quelque façon, dans Crenii Animadv. Philol. et Histor., part. II, pag. 14 et 15.
  14. Agrippa, Epist. XIX libri II, pag. 736.
  15. Epist. VIII libri III, pag. 785.
  16. Epist XIX libri IV, pag. 846.
  17. Epist XXXIII libri IV, pag. 800. Vide etiam pag. 851.
  18. Epist. LX libri III, pag. 818.
  19. Ibid.
  20. Epist. LXXIV libri III, pag. 826.
  21. Epist. XXXIII libri III, pag. 800.
  22. Epist. LXXVI libri III, pag. 827.
  23. Epist. LV libri V, pag. 933.
  24. Epist LXVIII libri V, pag. 941.
  25. Wier. de Magis, cap. V, pag. 111.
  26. Thevet, Hommes illustr., pag. 222, 223.
  27. Melch. Adam Vit. Medicor., pag. 17.
  28. Agrippa, Epist. I libri II, pag. 722.
  29. Epist. XII libri II, pag. 730.
  30. Epist. XLVII et XLVIII libri I.
  31. Epist. XXXIX libri II, pag. 754.
  32. Epist. XL libri II, pag. 757. Vide etiam pag. 763.
  33. Epist. XXIX libri IV, pag. 854.
  34. Agippa, Epist. LXII libri IV, pag. 880.
  35. Ibid., pag. 831.
  36. Epist. VI libri V, pag. 900. Cette lettre fut écrite de Lyon, le 30 mars 1527.
  37. C’est celle que l’on entend par la Cour de Bourgogne.
  38. Agrippa, Epist. LXXXIV libri V, p. 951.
  39. Epist. XXV libri IV, pag. 850.
  40. Voyez la LIIe. et la LXIIe. du IVe. livre.
  41. Epist. LXII, lib. IV, pag. 884. Voyez la LIIe. Lettre du livre V, toute pleine de fureur, et la XXIIIe. du même livre où il dit que cette princesse serait fort mal conseillée, si elle le reprenait à son service.
  42. Agrippa, Epist. XXII libri VI, pag. 979.
  43. C’est-à-dire, Charles Quint.
  44. Agrippa, Epist. XV libri VI, pag. 968.
  45. Sixti Senensis Biblioth. Sancta, lib. V, Annotat. LXXIII, apud Quenstedt, de Patriis illustr. Virorum, pag. 144. Delrio, Disquis., lib. II, quæst. XVI, et Tannerus sur le Traité de saint Thomas, de Potentiâ Angelorum, quæst. III, font Agrippa protestant. Voyez Voet. Disp. part. III, pag. 616.
  46. Voetii Disputat. Theologic., part. III, pag. 616.
  47. Agrippa, Epist. XXXVI libri VI, p. 999.
  48. Epist. XII libri VII, pag. 1013.
  49. Voyez la lettre XIII du VIIe. livre, pag. 1013. Il paraît assez favorable à la nouvelle Religion dans les lettres XVIII et LII du IIIe. livre.
  50. Epist. XII libri VII, pag. 1013.
  51. Epist XVI et XXXIV libri III. Vide etiam Epist. XV ejusdem libri.
  52. Histoire de la Réformation d’Angleterre, par le docteur Burnet (à présent évêque de Salisbury), à l’an. 1530, liv. II, pag. 230, édition d’Amsterd.
  53. Le Grand, Histoire du Divorce de Henri VIII, tom. II, pag. 116. Voyez aussi tom. I, pag. 249.
  54. Il est nommé dans les Lettres d’Agrippa, Eustochius Chapusius, et dans celles d’Érasme, Eustathius Chapusius.
  55. Agrip., Epist XIX libri VI, pag. 973.
  56. Agrip. de Vanitate Scientiar., cap. LXIII, pag. 124.
  57. Agrippa, Epist. XX libri VI, pag. 974.
  58. Epist. XXIX libri VI, pag. 986. Vide etiam Epistol. XXXIII, pag. 996.
  59. Epist. XXI libri VII, pag. 1024.
  60. M. le Grand, tom. I, pag. 249, dit que cet Ouvrage est intitulé, Cotzer. Or, selon le Catalogue d’Oxford, pag. 246, le Cotzer fut imprimé à Londres, l’an 1527.
  61. Sanderi Hist. Schismatis Angliæ.
  62. Paulus Jovius in Elogiis, cap. XCI.
  63. Id. ibid.
  64. Voyez ci-dessus la remarque (D).
  65. Joann. Wier, de Magis, cap. V, p. 111.
  66. Lieutenant général dans les armées de France : il servait dans les armées d’Allemagne pendant la guerre qui a été terminée l’an 1697. Voyez la remarque (B) de l’article Landau, à la fin.
  67. Voyez ce que Plutarque rapporte de la biche de Sertorius, dans la Vie de ce général.
  68. Thevet, Hist. des Hommes illustres, tom. VII, pag. 221, édit. de Paris, en 1671, en 8 vol. in-12.
  69. Là même, pag. 223.
  70. Là même, pag. 225.
  71. Je n’ai point trouvé de livre qui ait ce titre ni cette division dans les Œuvres de Jean Wier, inprimées à Amsterdam, en 1660, in-4.
  72. Thevet, Hommes illustr., pag. 226.
  73. Là même, pag. 223.
  74. Là même, pag. 225.
  75. Naudé, Apologie des grands Hommes, pag. 405. Voyez aussi Teissier, Élog. tirés de M. de Thou, tom. II, pag. 99. Voyez ci-dessous Citation (79).
  76. Agrippa, Oper., tom. II, pag. 1075.
  77. Ibid., pag. 480 et 718.
  78. Voyez ses Lettres, pag. 728, 730.
  79. Clavigni de Sainte-Honorine, de l’Usage des Livres suspects, pag. 106.
  80. Thevet, Hommes illustr., pag. 222, 223.
  81. Agrippa, Epist. XXXVIII libri I, pag. 710.
  82. Voyez l’Expostulatio d’Agrippa, au IIe. tome de ses Œuvres, pag. 508.
  83. Agrippa, Oper, tom. II, pag. 596.
  84. Thevet, Hommes illustr., pag. 224.
  85. Del Rio, Disquisit. Magicar., lib. II, quæst. XII, num. 10.
  86. Ibid.
  87. Del Rio, Disquisit. Magicar. lib. V, sect. II.
  88. Ibid. ; lib. II, quæstion. XXIX sect. I.
  89. Vide Operum ejus volumen II, à pag. 975, usque ad paginam 984 : item pag. 1017 et sequent.
  90. Ibid., pag. 1033.
  91. Naudé, Apol. pour les grands Hommes, pag. 423.
  92. Agrippa, Epist. IX et X libri II, mais surtout voyez son Remercîment à messieurs de Metz, pag. 1092.
  93. Voyez les Œuvres d’Agrippa, tom. II, pag. 583, 747.
  94. Naudé, Apol. des grands Hommes. p. 409.
  95. Agrippa, Epist. libro VI, pag. 975, et alibi passim. Voyez le IIe. volume de ses Œuvres, pag. 251, 447, 584, et les endroits notés ci-dessus page 290 note (gg).
  96. Erasmus, Epist. lib. XXVII, p. 1083.
  97. Voyez-en la préface.
  98. Agrippa, Epist. XXXIII libri III, p. 800.
  99. Elle est à la tête du livre, et à la page 704 du IIe. tome de ses Œuvres.
  100. Voyez-en la préface.
  101. Agr. Epistola XXVI libri VII, p. 1033. Voyez aussi pag. 1045.
  102. Voyez l’épître dédicatoire du IIe. et du IIIe. livre au même électeur de Cologne.
  103. Wierus, de Magis, cap. V, p. 108.
  104. Naudé, Apologie pour les grands Hommes, pag. 411.
  105. Là même, pag. 413.
  106. Naudé, Apologie pour les grands Hommes, pag. 414.
  107. Citation (103).
  108. C’est la XIVe. du VIe. livre, pag. 968.
  109. Teissier, Élog. tirés de M. de Thou, tom. II, pag. 99, édition d’Utrecht en 1696.
  110. Agr. Operum tom. II, pag. 1037.
  111. Capellanus, médecin de François Ier. Voyez les Lettres d’Agrippa, p. 832, 833, 836.
  112. Vide Gesnerum in Biblioth., fol. 309, verso.
  113. Naudé, Apologie pour les grands Hommes, pag. 414, 415.
  114. Naudé se trompe, ils n’étaient pas publiés encore.
  115. Aurelius ab Aquapendente, Augustinianus.
  116. Nisi fuerit divino numine illustratus, quod datur paucissimis. Agrippa, Epist. XIV libri V, pag. 904.
  117. Idem, ibid.
  118. Idem, ibid.
  119. Idem, Epist. XIX libri V, pag. 909
  120. Agr. Epist. XIX libri V, pag. 909.
  121. Conférez avec cela les Suisses de la Foi, dont le sieur Parisot parle dans son livre de La Foi dévoilée par la Raison. On en trouve des Extraits dans les Nouvelles de la Républ. des Lettres, octobre, 1685, pag. 1140 et suiv.
  122. Agr. Epist. XIX libri V, p. 909, 910.
  123. Thomas Crenius, Animadvers, Philolog. Historic., part. II, pag. 13, 14.

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