Dictionnaire de théologie catholique/ÉDESSE (ÉCOLE D')

Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 417-418).

ÉDESSE (École d’), 363-489. Lorsque l’empereur Jovien eut cédé Nisibe aux Perses (363), une partie de la population chrétienne émigra vers l’ouest ; en particulier l’école, fondée par Jacques de Nisibe sous la direction de saint Éphrem, se transporta à Édesse et porta depuis lors le nom d’école des Perses ou d’école d’Édesse. Sous l’épiscopat d’Ibas, 435 au 28 octobre 457, elle devint un foyer de nestorianisme, mais, dès l’avènement de son successeur Nonnus (457), les monophysites reprirent l’avantage et les partisans de Nestorius, qui semblent avoir été surtout d’origine perse, se retirèrent à Nisibe ; enfin, à l’instigation de l’évêque Cyrus, l’école fut détruite par ordre de l’empereur Zénon (489).

Saint Éphrem a dirigé l’école de 363 à 373 ; après lui Cyoré (ou Qioré) a été « directeur et interprète », 373 à 437 ; enfin « après la mort de Cyoré, toute l’assemblée demanda Narsaï pour chef et directeur, car il n’avait point d’égal ». Patrol. orientalis, t. iv, p. 382, 383.

Il ne nous reste aucun document sur l’organisation de cette école, mais il est très probable qu’elle a été transportée, sans grandes modifications, à Nisibe ; nous pouvons donc nous en faire une idée d’après le règlement de l’école de Nisibe de l’année 496, qui nous a été conservé. À Nisibe, l’école était dans un monastère, et les étudiants menaient en somme la vie monastique ; ils étaient sous la direction d’un supérieur et d’un majordome ; des chefs de cellules veillaient au bon ordre ; des maîtres enseignaient la lecture, l’écriture, le chant, et commentaient les saintes Écritures. La Bible lue, transcrite, étudiée, chantée formait la base de l’enseignement ; toute la conduite des élèves était réglée par de nombreux et minutieux articles. Voir Nisibe (École de).

Il serait sans doute exagéré de rapporter à la seule école d’Édesse tout le mouvement littéraire qui eut lieu autour de cette ville du ive au vie siècle ; il est naturel du moins de le faire figurer sous ce titre. À cette époque et à cette ville se rapportent les plus anciens manuscrits syriaques conservés ; ils sont écrits en estranghélo et leur calligraphie, qui servira toujours de modèle, sera rarement égalée. Parmi les œuvres originales, une partie des poésies de saint Éphrem et de Narsaï (celles qu’ils ont écrites à Édesse) ; les œuvres des disciples de saint Éphrem (Cyrillona, Isaac d’Amid, Isaac d’Édesse, etc.), celles des Édesseniens contemporains (Jacques de Saroug, Philoxène, Étienne bar-Soudaili, etc.) ; des controverses théologiques (Rabboula, Ibas) et de nombreux documents hagiographiques (saint Alexis, Jean et Paul, Scharbel, Gouria, Schamona, Habib, Euphémie, etc.) ou de caractère apocryphe (légende d’Addaï) et en général tout le mouvement littéraire du ve au vie siècle, peuvent lui être rapportés. Elle semble surtout avoir créé un mouvement en faveur des études grecques auquel nous sommes redevables de nombreuses traductions. Un manuscrit de Londres, écrit à Édesse l’an 411, renferme la traduction syriaque des Récognitions, des discours de Titus de Bostra contre les manichéens, de la Théophanie d’Eusèbe et de l’histoire des martyrs de Palestine ; un manuscrit de Saint-Pétersbourg, écrit à Édesse l’an 462, contient la traduction syriaque de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe ; Rabboula, à qui M. Burkitt attribue la paternité de la Peschito, traduisit en syriaque le traité de saint Cyrille De recta fide ; Ibas, par contre, fit traduire les ouvrages de Théodore de Mopsueste et de Diodore de Tarse, et réunit à Édesse les ouvrages de Nestorius qui devaient y être traduits plus tard (vers 538).

C’est là, au point de vue théologique, la principale importance de l’école d’Édesse : elle a transmis aux Syriens les théories des écoles rivales d’Alexandrie et d’Antioche, et les Syriens nous les ont conservées. Celles de l’école d’Antioche, devenues nestoriennes, ont été adoptées par la majeure partie des Perses, compatriotes de Nestorius. Si nous en croyons Jean d’Asie, « ces Perses, en général, étaient ardents aux recherches » et se complaisaient déjà dans la philosophie naturelle de Bardesane, comme dans les spéculations de Marcion et de Manès, avant d’apporter leur concours à Nestorius et de « dépasser même sa méchanceté », Land, Anecdota syriaca, Leyde, 1868, t. ii, p. 77 ; ils ont cependant fourni aux jacobites les deux plus fougueux de leurs apologistes : Siméon de Beit-Arscham et Philoxène de Mabhoug. Nous avons encore rattaché à l’école d’Édesse Étienne bar-Soudaili, né dans cette ville durant la seconde moitié du ve siècle, ancien monophysite devenu panthéiste, qui exerça une grande influence sur la littérature pseudo-dionysienne en Syrie.

La cause de la fondation des écoles, par Mar Barḥadbšabbâ Arbayâ, évêque de Ḥalwan (vie siècle), dans Patrologia orientalis, Paris, 1908, t. iv, p. 380-386 ; Rubens Duval, Histoire d’Édesse, Paris, 1892, p. 145, 161, 176-181 ; F. Nau, Hagiographie syriaque : saint Alexis, Jean et Paul, Daniel de Galaš, Ḥanninâ, Euphémie, Sahdâ, etc., dans la Revue de l’Orient chrétien, t. xv (1910), p. 53-72, 173-197 ; I. Guidi, Gli statuti della Scuola di Nisibi, dans le Giurnale della Società Asiatica Italiana, t. iv (1890), p. 165-195 ; Rubens Duval, La littérature syriaque, 3eédit., Paris, 1907, passim.

F. Nau.