Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 3/221-230

Fascicules du tome 3
pages 211 à 220

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 3, pages 221 à 230

pages 231 à 240


☞ DÉNIAISEMENT. Tromperie. Ne se dit point.

☞ DÉNIAISER. v. a. Terme du style familier, qui signifie rendre quelqu’un moins niais, plus rusé, plus fin qu’il n’étoit. Cautiorem, callidiorem reddere. Le commerce du monde l’a un peu déniaisé. Les affaires déniaisent les gens les plus simples. On se déniaise bien vite à la cour. Cautiorem, callidiorem evadere.

☞ On dit encore déniaiser quelqu’un, pour dire le tromper, abuser de la simplicité de quelqu’un, soit au jeu, soit dans une autre occasion. Rudem aliquem ac minime malum ludificari. Les filoux déniaisent les nouveaux débarqués. Ce provincial a été déniaisé dans une Académie de jeu.

Déniaiser, a été formé de niais.

Déniaisé, ée. part. & adj. Ce n’est pas d’aujourd’hui que cet homme est déniaisé. Cautior ac callidior factus. Vous aurez de la peine à me tromper, car je suis bien déniaisée. M. Scud. Cet homme est déniaisé, il n’y a rien à faire avec lui. Dans un siècle aussi déniaisé que le nôtre. Mad. Du Noyer.

Déniaisé, est aussi quelquefois un substantif. C’est un déniaisé, vous ne le tromperez pas. Callidus.

DÉNIAISEUR. s. m. Homme fin & adroit qui déniaise les autres. Versipellis, callidus, astutus. Il a peu d’usage.

DÉNICHLES. s. pl. Denicales feriæ. Terme de l’Histoire Romaine. C’est le nom d’une cérémonie qui se faisoit après les obsèques des morts pour purifier la famille.

DÉNICHER, v. a. Enlever, ôter du nid les petits oiseaux. Pullos nido detrahere. Dénicher des fauvettes, des merles.

Dénicher, v. n. Sortir du nid, quitter le nid. Nidum relinquere, proripere se nido. Les fauvettes, les merles ont déniché. J’avois trouvé un nid de rossignol, je croyois en avoir les petits, mais j’ai trop attendu, ils ont déniché.

Dénicher, v. n. Signifie aussi, sortir du lit, de la maison, d’un lieu où l’on s’étoit posté. Exilire, prosilire. Cet homme a un procès à solliciter, il déniche de grand matin. Ce locataire avoit peur des Sergens, il a déniché & a emporté ses meubles. Il est populaire.

Dénicher. v. a. Signifie aussi, faire sortir par force d’un lieu qu’on avoit occupé. On le dit particulièrement d’une bande de voleurs ou d’une troupe d’ennemis. Les Ennemis s’étoient saisis d’un château dont on a eu de la peine à les dénicher.

En voilà dans un jour plus de sept à huit mille
Qui, dans Maubeuge, Arras, Dinant, Philippevile,
Ont su si bien se retrancher,
Que sans un grand effort il sera difficile
De les en dénicher.

☞ Il est du style familier.

Dénicher, v. a. Oter une statue de sa niche, un Saint prétendu, du rang qu’on lui donnoit. Delere aliquem ex albo Sanctorum. Quel Saint dénicherez-vous du Ciel cette année ? disoit M. Godefroi à M. de Launoy. Ménage. On a dit que M. Chastelain déterroit les Saints, & que M. de Launoy les dénichoit. Voyez Dénicheur.

Déniché, ée. part. Il a les significations de son verbe. On dit proverbialement, les oiseaux sont dénichés, pour dire que les choses que l’on cherche ne se trouvent plus à leur place.

☞ DÉNICHEUR. s. m. Qui déniche les petits oiseaux. Qui pullos nido detrahit. On ne le dit guère en parlant des oiseaux. M. Ménage disoit que M. de Launoy étoit un grand dénicheur de Saints. Dénicheur ici vient de niche & non pas de nid : cependant en badinant on dit dénicheur dans le même sens que M. Ménage le disoit de M. de Launoy. Ce savant Critique prétendoit que le peuple reconnoissoit des Saints qui ne le sont pas en effet, & qu’on avoit souvent multiplié le même Saint en l’honorant sous différens noms. Et, comme on met dans des niches les statues de ceux qu’on reconnoît pour Saints, dénicheur de Saints, est celui qui montre qu’il faut ôter de leurs niches, plusieurs de ces statues.

☞ On appelle figurément un dénicheur de fauvettes, de moineaux, un Chevalier d’industrie fort ardent à rechercher les bonnes avantures, à découvrir tout ce qui peut contribuer à son plaisir, & adroit à en profiter. Loret dans ses lettres en vers, appelle les filoux, dénicheurs de fauvette.

De ces gens qui sont toujours-là,
Nommés dénicheurs de fauvette.
Ou courtisans de la pochette.

DÉNIER. v. a. Nier une chose, en contester la vérité. Soutenir qu’un fait n’est pas véritable. Negare. En ce sens il n’a guère d’usage, qu’en parlant d’un fait, d’un crime, d’une dette, d’un dépôt. Vous dites que vous êtes noble, je vous le dénie. C’est la plus noire des infidélités, de dénier le dépôt qu’un ami a mis entre nos mains. Vous prétendez que je vous dois telle somme, je dénie la dette. Philotas dénia le crime. Vaug. Les Templiers dénièrent à la mort les crimes qu’ils avoient confessés dans les tourmens. Mézerai. Il a tout dénié à la question.

Dénier, se dit aussi dans la signification de refuser, mais le plus souvent refuser une chose que l’on ne doit pas refuser, que la bienséance, la justice, l’équité veulent qu’on accorde. Denegare. Un fils ne doit pas dénier les alimens à son père. Un juge ne doit pas dénier la justice à ceux qui la demandent. On ne doit pas dénier son secours à la veuve, à l’orphelin. Tout ce que vous demanderez à mon père, en mon nom, dit J.-C. ne vous sera point dénié.

Dénié, ée. part. Signifie aussi, refuser, & le plus souvent refuser quelque chose que l’on ne doit pas refuser. Denegare. Ce Prince a dénié le passage à cette armée sur ses terres. Le devoir marital ne se doit point dénier entre conjoints. On ne doit point dénier sa protection aux veuves & aux orphelins. Toute audience est déniée en Justice à ceux qui n’ont pas refondé les dépens de la contumace.

Dénié, ée. part. Negatus, denegatus.

DENIER. s. m. Nom d’une ancienne monnoie d’argent, qui a été de diverse valeur suivant les lieux & les temps. Il paroît que le denier Romain, ou la dragme, qui étoit la même chose, suffisoit pour entretenir honnêtement une personne par jour. Ainsi comme le denier comprenoit douze as, on a quelque raison de prendre les as pour des sous. Tillem. Si cet Auteur a voulu dire que le denier valoit 12. sous de notre monnoie, il se trompe ; il valoit beaucoup moins, comme on va le voir. Le denier courant d’argent du temps de Jesus-Christ valoit trois sous & demi, monnoie de France, selon Budée. Jesus-Christ fut vendu trente deniers ; ces deniers servirent depuis à acheter un champ. Le premier denier Romain étoit d’argent du poids juste d’une drachme, ayant d’un côté l’empreinte de Janus, & de l’autre la figure du vaisseau qui l’avoit porté en Italie. Sur les premiers revers de la monnoie de Rome étoient Castor & Pollux, ou une Victoire poussant un chariot à deux ou quatre chevaux : ce qui les fit appeler deniers bigati, ou quadrigati, selon le revers ; on les avoit nommés auparavant ratiti, à cause du vaisseau qui se nomme ratis. Originairement le denier chez les Romains valoit dix as, ou quatre sesterces, dont chacun valoit deux livres & demie ; d’où vient qu’il a été appelé denarius, & qu’on le marquoit avec un X. Le denier consulaire valoit plus que le denier impérial. Le premier pesoit la 7e partie d’un once, & valoit 9. ou 10. sous de notre monnoie. Le second pesoit seulement la 8e partie d’une once, c’est à-dire, qu’il auroit valu 7. ou 8. sous monnoie de France, comme le prétendent quelques Savans, & avec raison.

Anciennement en France le denier se prenoit pour toute sorte de monnoie. Ainsi une pièce monnoyée d’or étoit appelée denier d’or ; & si elle étoit d’argent, on l’appeloit denier d’argent, comme on a dit en Latin nummus aureus, & nummus argenteus. Il y a eu des deniers tournois & des deniers parisis, dont ceux-ci valoient un quart davantage, & étoient appelés monnoie Royale, ou forte monnoie ; & alors quand on disoit un denier à valeur d’or, ou un denier d’or, cela ne vouloit pas dire que le denier fût d’or, mais seulement qu’il étoit parisis ou forte monnaie, valant un quart plus que le tournois, parce que l’évaluation de l’or étoit alors plus forte que celle de l’argent, comme il a été jugé par plusieurs arrêts. Il y a eu vers l’an 1308. des deniers d’or à la chaise valant 25. sous, des deniers d’or à la masse valant 22. sous six deniers ; & des deniers d’or à la Reine, valant 16. sous 8. deniers, &c. Ils ont été souvent nommés florins. Il y a eu aussi des deniers & sous Viennois, Lonisiens, Donisiens, Tolosains, Mansois, blancs, forts, nerets, Bourdelois, Barois, &c. qui ont changé de valeur suivant les temps & les lieux où ils ont été fabriqués. Il y a eu des deniers blancs en l’an 1348. appelés gros, qui valoient quinze deniers. Les deniers Mansois valoient le double des Normands : d’où vient qu’on a dit qu’un Manseau valoit un Normand & demi. En général le denier a signifié la douzième partie d’un sou appelé solidus, non pas en la signification où nous le prenons maintenant, mais comme signifiant un tout, ou une chose entière qu’on divisoit en douze parties, de la même manière que l’as des Romains signifioit un héritage entier.

Le denier d’Angleterre, sur la fin du XVe siècle, étoit une monnoie qui valoit la quatre vingtième partie d’un Noble ou Angelot, & quatre deniers valoient un gros. Lobineau, Hist. de Bret, T. I. L. XXI. p. 793.

Denier de gros, c’est aussi une monnoie de compte, en usage en Hollande, en Flandre & en Brabant.

Denier, en France, se dit maintenant d’une petite monnoie de cuivre qui vaut la moitié d’un double, & la douzième partie d’un sou. Denarius Francicus. On a décrié les doubles, ils ne valent plus qu’un denier. Un sou tournois vaut douze deniers ; un blanc cinq deniers ; un carolus dix deniers. Un denier se subdivise en deux mailles, & la maille en deux oboles. Je n’ai ni denier ni maille ; pour dire, je n’ai point du tout d’argent. On reprochoit un jour à un Evêque avare, que, si sa bénédiction valoit un denier, il ne la donneroit pas.

Ce mot, selon quelques-uns vient de æneus, parce que les deniers sont de cuivre. Mais il est évident que denier vient du latin denarius ; & Bouteroue dit que le mot denarius, denier, a été dit, parce qu’il valoit dix as, sur ce que Polybe dit qu’on donnoit une mine ou livre d’or pour dix d’argent, & qu’il y a apparence que ce fut en ce temps-là que le nummus aureus fut nommé denier, puisqu’il valoit dix deniers d’argent ; comme on appela celui-ci denier d’argent, à cause qu’il valoit dix deniers de cuivre, ou as. Ainsi la taille du denier d’or étoit alors de 40. à la livre, Voy. dans cet Auteur, des tables de divisions de la livre Romaine, de l’as Romain, des deniers d’argent, & des deniers de cuivre. Le nom de denier François a été donné à nos espèces à l’imitation des Romains, qui l’avoient donné à leurs premières monnoies d’argent qui furent fabriquées l’an 485. de sa fondation de Rome sous le Consulat de Fabius, selon le témoignage de Pline.

Denier, & plus souvent deniers au pluriel, se prend communément parmi nous pour toutes sortes de monnoies dont on se sert dans le commerce. Ainsi on entend par deniers comptans toutes les espèces qui ont cours en France, soit qu’elles soient d’or, d’argent ou d’autre métal. Pecunia. Les deniers sont meubles de leur nature, mais par une destination particulière ils peuvent être réputés immeubles.

On appelle deniers dotaux, l’argent qu’apporte une femme en mariage. Deniers pupillaires, c’est le revenu des biens des pupilles. On appelle deniers oisifs, l’argent qui ne porte point d’intérêt. Un Tuteur paie l’intérêt des deniers oisifs. Pecunia otiosa, par opposition avec pecunia quæstuosa, qui porte intérêt. Des deniers clairs & liquides, sont les sommes qu’on peut recevoir quand on veut, & sans contestation. Ceux qui reçoivent les deniers publics sont sujets aux recherches de leurs malversations. Les offres réelles se font en deniers à découvert. Pecunia præsenti numerata. Les paiemens en deniers ou quittances. Il faut faire mention que cette terre a été achetée de mes deniers, afin d’y conserver une hypothèque privilégiée. On dit aussi, les deniers revenans bons, de ceux qu’on retire, toutes charges faites. Faire bons les deniers, c’est garantir la somme. Deniers d’entrée sont ceux qu’on avance en entrant dans une ferme. Francs deniers, c’est-à-dire, exempts de toutes déductions. En la Coutume de Meaux, si l’on ne vend un héritage deniers francs au vendeur, c’est lui qui est tenu des lods & ventes. On appelle chez le Roi, le Maître de la Chambre aux deniers, celui qui préside au Bureau où se donne l’ordre de la dépense de la Maison du Roi.

Deniers d’octrois, sont certains droits accordés par le Roi aux villes & Communautés, pour servir à acquitter les dettes, & à fournir à tems besoins & nécessités. Les octrois s’accordent en vertu de Lettres-patentes, pour un certain temps seulement, après lequel expiré, l’impétrant est obligé d’en obtenir de nouvelles.

Deniers ameublis, est une manière de parler impropre, qui signifie les deniers qui sont mis par la femme en la Communauté par son Contrat de mariage, à la différence de ceux qu’elle s’est stipulé propres par une stipulation précise & expresse.

Deniers comptables, terme usité au Trésor Royal, & dans quelques autres affaires. Ce sont des deniers remis comptant à des Trésoriers ou Commis, pour employer au fait de leurs charges ou emplois, & dont ils doivent compter. Les Gardes du Trésor Royal mettent ordinairement dans leurs comptes, un chapitre pour les deniers comptables, c’est-à-dire, que les fonds qu’ils remettent à divers Comptables assignés sur le Trésor Royal, sont tous compris dans un chapitre, sous le titre de deniers comptables.

Deniers patrimoniaux, sont certaines rentes & héritages appartenans aux villes & Communautés, qui servent aussi à l’acquittement des charges de villes, comme les réparations des ponts, ports, entretenement du pavé, des fontaines, les gages des Secrétaires de ville, &c.

Deniers Royaux, sont ceux qui proviennent des Domaines, des Tailles, des Aides, des Gabelles, & qui forment les revenus du Roi.

Denier, se dit aussi d’une certaine part qu’on a dans une affaire, dans un traité, à proportion de laquelle on partage le gain ou la perte. Il a un denier dans telle ferme, c’est-à-dire, la douzième partie d’un vingtième.

Denier S. André, Droit qui se perçoit sur les marchandises qui passent de Languedoc en Dauphiné, Provence, ou Comtat, ou qui viennent de ces Provinces en Languedoc. Ce droit consiste en un denier pour livre sur le prix des marchandises qui traversent ces Provinces par terre, ou qui passent sur le Rhône, soit en montant, descendant ou traversant la rivière, depuis Rocque-Maurette en Vivarais, jusqu’au Bureau de Silvériat.

L’établissement de ce droit est fort ancien. Il fut nommé denier saint André, parce qu’il a été apparemment établi pour la construction, l’entretien, & les réparations du fort Saint André, qui est dans ces cantons.

Denier, se dit aussi des taux du Roi, ou du prix de l’argent qui court à intérêt. Usura. Le Roi a fixé les rentes au denier 20. à la vingtième partie du principal. Usura quincunx, quinaria. Il y a encore des rentes au denier 14. en Normandie. Les usuriers prêtent leur argent au denier fort.

Denier fort, ou fort denier, terme usité dans les recettes du Roi, se dit d’un ou deux deniers qu’on donne quelquefois de plus en payant les droits du Roi au Bureau. Un particulier, par exemple, veut faire entrer cinq livres de marchandises, qui doivent cinq deniers pour livre de droits. Sur ce pied, il revient au Roi 2 s. 1 d. juste ; mais, comme on ne peut pas taire 2 s. 1 d. juste, à cause de la valeur des petites monnoies, le particulier est obligé de donner 2 s. 3 d. qui est 2. d. de plus, c’est ce qu’on appelle denier fort.

Denier, en termes de Monnoyeurs & d’Orfèvres, est le titre de l’argent, comme le carat est celui de l’or. C’est un poids composé de 24 grains, qui marque les dégrés de bonté ou de pureté de l’argent. Pretium auri argentique ex nativæ obrussæ nota, nota probitatis auri argentique ex nativa obrussa. On le divise en demis, en quarts, & en huitièmes. L’argent le plus fin est de 12 deniers, & l’or de 24 carats. L’argent se peut purifier jusqu’à ce 12e. degré ; mais il ne laisse pas d’être très-pur jusqu’au titre de 11 deniers & 18 grains, c’est-à-dire, quoiqu’il y ait six grains de déchet. On dit un denier de fin, ou d’alloi, ou de loi. Il doit y avoir en la monnoie dix deniers de fin du moins, autrement elle passe pour billon. L’argent d’orfévrerie doit avoir onze deniers & douze grains de fin par l’Ordonnance de 1640. L’argent à ce titre est appelée argent-le-Roi parce que le Roi accorde cette vingt-quatrième partie de profit aux étrangers, qui en apportent. On dit aussi dans les monnoies, deniers de boëte & deniers courans. Le denier de boëte est une pièce de monnoie de chaque espèce, matière & prix, qui se fabriquent dans les Hôtels des Monnoies, que les Gardes, lorsqu’ils font la délivrance, sont obligés de mettre dans une boëte, pour servir au jugement que la Cour des Monnoies doit faire des espèces qui ont été fabriquées chaque année. C’est une pièce d’or qu’on prend sur 200, ou une pièce d’argent qu’on prend sur 18 marcs, qu’on met dans une boëte pour servir au jugement de tout l’ouvrage. Recentes a marculo monetæ nummi cujusque generis ac operæ pixidibus obsignatis a monetalibus probandi. Les deniers courans sont les espèces qui sont exposées dans le commerce, après que le Fermier a obtenu de la Cour des Monnoies le jugement de délivrance. Voyez Boizard Traité des Monn. p. 1. c. 13.

Denier, en matière de poids, est la vingt-quatrième partie de l’once, & la 192e. du marc. Scriptulum. Il pese 24 grains. Le gros pese trois deniers. En Médecine on l’appelle scrupule. Scrupulus. L’écu blanc doit peser tant de deniers trébuchans.

Denier de Monnoyage, se dit dans les Hôtels des Monnoies, de toutes sortes d’espèces d’or, d’argent, de billon & de cuivre, qui ont reçu leur dernière façon par les Monnoyeurs, qui les ont frappées au Balancier, comme un écu d’or est un denier de monnoyage d’écu, & ainsi des autres. Moneta.

Denier S. Pierre, en Anglois Remepeny ou Rome-Schot. Nom du Tribus que l’Angleterre payoit autrefois au Pape. Le denier saint Pierre ou la taxe du denier S. Pierre étoit une redevance qui se payoit au Pape, & dont une partie étoit employée à l’entretien d’une Eglise de Rome nommée l’Ecole des Anglois. C’étoit un denier de cens sur chaque maison, à payer au siège Apostolique. C’étoit rendre ce Royaume tributaire de l’Eglise. Ce cens fut augmenté par le Roi Atulphe, & se nommoit le denier S. Pierre. On le payoit encore, lorsque Henri VIII. se révolta contre l’Eglise. Godeau.

Olaüs, Roi de Suède, imposa un pareil tribut en faveur du S. Siège, que l’on appela le denier S. Pierre, qui fut aboli par ses successeurs. Baronius rapporte que Charlemagne en avoit imposé un pareil sur chaque maison de son Royaume en 840. comme témoigne le Pape Grégoire. On en établit aussi un en Pologne en l’an 1320. sur chaque tête d’homme & pareillement en Bohême, voyez Du Cange.

Le tiers denier. Autrefois on partageoit dans chaque Comté les amendes & les émolumens de Justice en trois parties. Le Roi en avoit deux, & le Comte avoit la troisième que l’on appeloit le tiers denier.

Denier à Dieu. s. m. Arrha, arrabo. C’est une arrhe, une pièce d’argent, une petite somme que donne, quand un marché est conclu, celui qui achète ou qui loue quelque chose à celui qui vend ou qui loue. Quelques-uns disent qu’on appelle cet arrhe denier à Dieu, parce qu’on le donne principalement pour en faire aumône aux pauvres. Peut-être est-ce parce qu’on le donne en disant adieu, en se séparant, lorsque le marché est conclu. Si l’on ne retire le denier à Dieu dans les 24 heures, après qu’on l’a donné, on ne peut plus rompre le marché qu’on a fait, & pour lequel on l’a reçu. On dit, donner le denier à Dieu, retirer, reprendre le denier à Dieu.

On dit que l’on mettroit bien son denier à une chose, pour dire que si elle étoit à vendre, on en feroit volontiers l’acquisition. Ac. Fr.

On dit proverbialement qu’un homme vendroit un autre à beaux deniers comptans, pour dire, qu’il est bien plus fin que lui. On dit aussi d’un valet musard, qui s’arrête souvent en chemin, qu’il n’y a point d’huis qui ne lui doive un denier. On dit qu’une chose vaut mieux denier qu’elle ne valoit maille, pour dire qu’elle est améliorée. On dit aussi, net comme un denier, ce qui s’entend d’un compte clair & exact, rendu jusqu’à un denier.

Gagne-denier. s. m. Crocheteur, Portefaix. Bajulus.

Denier-Morlas, Il est ainsi nommé d’une ville de Béarn : ce denier en vaut quatre. Denarius quadruplus.

Denier Tolza. Il y en a de deux sortes : celui qu’on appelle simplement denier tolza, vaut deux deniers tournois. Denarius duplus. Celui qu’on appelle denier tolza, forte monnoie, vaut deux deniers & demi. Sesqui duplus.

Le denier morlas & le denier tolza ne sont plus en usage dans les comptes.

☞ DÉNIGREMENT. s. m. Action de dénigrer, tout ce qui tend à rabaisser le mérite d’une personne ou d’une chose. Despicatio, Despicatus, despicentia. Il me semble que vous avez trop confondu les Académiciens que vous avez regardés comme vos Parties, j’en ai trouvé deux entr’autres qui peuvent avoir tort à votre égard, mais qui ne me paroissent pas mériter le dénigrement que vous en faites : c’est M. de Benserade, & M. de la Fontaine. Let. de Bussy à Furetiere.

Dénigrement, Il se dit aussi du mépris où tombe un homme dont la réputation est devenue mauvaise. Il est tombé dans un grand dénigrement. Despicatissimus.

☞ DÉNIGRER, v. a. Chercher à diminuer la réputation des personnes, ou le prix des choses, à les rendre méprisables. Elevare, deprimere, labem inferre alicui, labe aliquem aspergere. Les Auteurs critiques se dénigrent les uns les autres. On dit aussi qu’un homme s’est bien dénigré, quand on a découvert qu’il a fait quelque méchante action. Il est bas, & Danet le met au rang de ceux qui sont tout-à-fait hors d’usage. Cependant on peut s’en servir dans le style familier & comique.

Ami Marot, que je vous sai bon gré
D’avoir les sots en vos vers dénigré ! Rouss.

Dénigré, ée.

DENIN, ou DENAIN. Lieu des Pays-Bas, où il y a une Abbaye de Chanoinesses séculières fondée par S. Aldebert Comte d’Ostrevant, & par Sainte Reine sa femme, nièce du Roi Pépin vers l’an 764. & selon d’autres 750. Donomium. Les Bénédictins mettent cette Abbaye au nombre de celles qui étoient autrefois de leur Ordre, avant qu’elles se fussent sécularisées. Les fondateurs donnèrent tous leurs biens à dix filles, qu’ils avoient eues de leur mariage, & l’aînée nommée Rainfrède, fut la première Abbesse de ce Monastère, où ses sœurs firent avec elle vœu de chasteté. Dans la suite ces Religieuses se sont sécularisées, & composent aujourd’hui un Chapitre de dix-huit Chanoinesses, qui font preuve de noblesse de huit quartiers. Ce lieu est devenu célèbre par la grande bataille qu’y gagnèrent les François en 1712. le 14e. Juillet. Dénin est sur le chemin de Valenciennes à Douay.

DENIS. s. m. Nom d’homme. Dionysius. Saint Denis l’Aréopagite fut convent par S. Paul, comme il est rapporté par S. Luc dans les Actes des Apôtres, Ch. XVII. v. 34. On a cru long-temps que S. Denis Aréopagite, étoit S. Denis Evêque de Paris ; mais enfin le P. Sirmond montra dans la Dissertation De duobus Dionysiis, que ces deux Saints croient fort différens, & depuis ce temps-là les plus éclairés n’en ont point douté. On a cru de même très-longtemps que les livres attribués à S. Denis l’Aréopagite étoient effectivement de lui ; il est même encore des gens qui soutiennent cette opinion, mais le sentiment contraire est plus généralement reçu. Le P. le Quien, Dominicain, prétend même, dans sa nouvelle édition de S. Jean Damascène, que ces livres sont l’ouvrage d’un hérétique Monophysite. Ce qui est certain, c’est qu’on n’en trouve aucune mention avant le VIe siècle & que les premiers qui les produisirent, sont les hérétiques Sévériens, dans une conférence tenue en 532. dans le Palais de l’Empereur Justinien à Constantinople entre les Evêques Catholiques & eux. Pour S. Denis, Evêque de Paris, il vivoit dans le IIIe siècle, & l’Auteur de la vie, de S. Saturnin, Grégoire de Tours, Fortunat & Usuard, en parlent. Voyez aussi M. de Launoy, De duobus Dionysiis. Il y a plusieurs autres Denis, tant Chrétiens que Payens, que l’on distingue par des surnoms, & qu’il est bon d’apprendre ici à distinguer.

S. Denis d’Alexandrie étoit Patriarche de cette ville au milieu du IIIe siècle. C’est lui qui combattit Sabellius, & qui rejetant le terme de consubstantiel au sens de cet hérésiarque, fut toujours très-conforme aux décisions que fit le Concile de Nicée, le siècle suivant, ainsi que S. Athanase le prouve invinciblement contre les Ariens.

S. Denis de Corinthe, est un Evêque de Corinthe au IIIe siècle, qui écrivit quelques lettres, dont Eusèbe nous a conservé des fragmens, qui nous apprennent des traits singuliers de l’histoire Ecclésiastique, par exemple, que S. Pierre souffrit le martyre à Rome, que S. Denis l’Aréopagite fut Evêque d’Athènes, &c. S. Denis Evêque de Corinthe écrivit des lettres à l’Eglise Romaine, aux Lacédémoniens, aux Athéniens, aux Nicomédiens, aux Amastriens, à l’Eglise de Gortyne, aux Gnossiens & à Chrysophora.

S. Denis Pape est contemporain des deux précédens.

Denis de Milan gouvernoit cette Eglise vers l’an 350. & les suiv.

Denis le Petit, en Latin Dionysius Exiguus, ainsi surnommé pour sa taille, étoit un Moine Scythe, qui fut Abbé, & fleurit au commencement du VIe siècle & jusqu’en 540. Il est fameux, non-seulement par une Collection des Canons, & deux Lettres sur la Pâque écrites en 525. mais encore pour avoir introduit l’usage de notre ère vulgaire, & la manière de compter les années par Jesus-Christ.

Denis le Grand étoit confesseur du Roi Jean, qui lui donna l’Evêché de Senlis.

Denis le Chartreux, qui se nommoit Denis de Kikel, parce qu’il étoit natif de Kikel, petit bourg du Diocèse de Liège, s’est distingue dans le XVe siècle par un grand nombre d’ouvrages. Son attachement à l’Oraison lui fit donner le surnom de Docteur extatique.

Denis le Tyran. Quoiqu’il y ait eu trois Denis Tyrans, l’un tyran d’Héraclée dans le Pont, contemporain d’Alexandre le Grand ; & les deux autres de Syracuse, l’un qui vivoit environ 400 ans avant J. C. & l’autre fils & successeur de celui-là, & qui fut surnommé pour cela Denis le jeune ; cependant quand nous disons Denis le Tyran, nous entendons Denis I. Tyran de Syracuse, père du second, qui chassa les Carthaginois de Sicile, & fut si fameux par ses défiances & ses soupçons continuels, qui sur le trône lui firent mener la vie du monde la plus misérable.

Denis d’Halicarnasse, Historien, Auteur des Antiquités Romaines que nous citons quelquefois, vivoit sous Auguste.

Denis le Géographe, que nous citons aussi quelquefois, étoit de Carax, & a fait une Géographie en vers Grecs, sur laquelle Eustathius a donné de fort bonnes Notes. Vossius prétend qu’il fut envoyé par Auguste pour visiter les Provinces d’Orient, & lui en dresser des mémoires, avant que d’y envoyer C. César. Voss. de Poët. Gr. C. 9.

Il y a encore un très-grand nombre d’hommes du nom de Denis ; mais moins connus, & dont les noms sont moins dans l’usage.

Dans le style badin & comique on appelle quelquefois Bacchus Denis, parce que les Grecs le nomment Dionysius, Διώνυσος, que Vossius De Idol. L. I. C. 19. p. 76. croit s’être fait de Διὸς υἱός, fils de Jupiter, en transposant le premier ς après le υ, & en mettant aussi l’ι devant cet υ, & changeant ensuite cet ι en ν : de sorte que Bacchus ait été appelé fils de Jupiter Διὸς υἱός, comme Castor & Pollux Διόσκουροι. Il confirme cette conjecture, parce qu’il prétend que le nom de Liber qu’on donne encore à Bacchus, signifie non pas Libre, celui qui donne la liberté, qui délivre des soins, comme on le croit communément ; mais fils, comme Proserpine est appelée Κόρη, fille, parce que l’un & l’autre sont enfans de Jupiter.

Saint-Denis, ou Saint Denis en France. Ville de l’Île de France à deux lieues au nord de Paris. Catolacum. Vicus Catuliacus, ou Catolacensis. Dionysopolis. Sancti Dionysii fanum. On prétend que c’est l’ancien Catuliacus Vicus. L’Abbaye de S. Denis est une Abbaye de Bénédictins très-ancienne. On avoit dit jusqu’ici qu’elle avoit été fondée par Dagobert I. au VIIe siècle ; & le P. Mabillon lui-même s’en est tenu là dans ses Annales des Bénédictins, L. XII. n. 3. mais le P. Félibien, autre Bénédictin, qui imprima en 1706. l’histoire de cette Abbaye, prétend qu’il y avoit des Moines dès avant Dagobert. C’est dans cette Abbaye qu’est la sépulture de nos Rois. Le trésor S. Denis, c’est le trésor de cette Abbaye. La plaine de S. Denis, est la campagne qui est entre Paris & S. Denis. La porte S. Denis, est celle par où l’on sort de Paris pour aller à S. Denis. La rue S. Denis, celle qui va du Grand Châtelet à cette porte. Les talmouses de S. Denis ; c’est une espèce de gâteau qui se fait meilleur là qu’ailleurs. La chopine, la pinte, le pot de S. Denis, ce sont des mesures de la ville de S. Denis, beaucoup plus grandes que celles de Paris. Ce tonneau tient tant de pintes mesure de S. Denis. C’est environ le double de celle de Paris. La Foire de S. Denis, est une Foire qui se tient à S. Denis le 9 d’Octobre, fête de S. Denis.

Chanoines Réguliers de S. Denis de Reims. Ce sont des Chanoines Réguliers qui en 1067. furent établis à Reims par l’Archevêque Gervais, pour relever une Abbaye bâtie par Hincmar sous Charles le Chauve, & ruinée depuis pendant les guerres. Ils furent réunis à la Congrégation de France, ou de Sainte Géneviève en 1633. Ce sont les derniers qui ont retenu l’ancien habit des Chanoines, c’est-à-dire, le grand surplis qui descendoit jusqu’à terre, & l’hiver la chappe par-dessus sans aucune ouverture pour passer les mains. Hist. des Ord. Mon. & Relig. P. II. C. 60.

La Congrégation de S. DENIS. C’est une Congrégation de Bénédictins qui fut établie en France vers 1580. en conséquence du Décret du Concile de France, qui oblige les Monastères immédiatement soumis au S. Siège de s’unir en Congrégation, s’ils n’aimoient mieux se résoudre à la visite des Ordinaires. Elle étoit composée de l’Abbaye de S. Denis en France, qui lui donnoit le nom comme le Chef-lieu, de celle de Saint Pierre de Corbie, de S. Magloire de Paris, de S. Pierre de Chartres, de Bonnevas, de Coulombs, de Josaphat, de Neaufle-le-viel, de de S. Lomer de Blois, & de Monstierender. Paul V. la confirma l’an 1614. sous le nom de Congrégation de S. Denis, & donna à tous les Monastères immédiatement soumis au S. Siége la liberté de s’y associer. Elle a été anéantie par la Congrégation de S. Maur à qui leurs maisons ont été données. Voyez le P. Hélyot, T. V. C. 18.

S. Denis Mont-joye, ou Mont-joie S. Denis étoit autrefois le cri des François dans les batailles. Raoul de Prêles, & après lui Du Chêne, dans ses Antiquités & Recherches des Villes de la France, P. I. C. 33. disent que l’origine de ce cri fut la bataille de Tolbiac, dans laquelle Clovis se trouva en grand danger, s’adressa à S. Denis, disant, S. Denis mon jove, ou S. Denis mon joye.

DENISE. s. f. Nom de femme. Dionysia. Il y a une Sainte Denise martyrisée au Ve siècle en Afrique dans la persécution des Vandales. On appelle encore Denise les femmes qui ont cette Sainte, ou S. Denis pour Patron.

DÉNOMBREMENT. s. m. Compte & détail des personnes ou des choses. Enumeratio, census. Il a fait le dénombrement de tous les cas où les Juges peuvent recevoir des présens. Pasc. César avoit ordonné qu’on fît la description, le dénombrement du monde, ou plutôt du peuple sujet à son Empire, quand le Sauveur prit naissance. Bien d’habiles gens croient que ce dénombrement, dont parle S. Luc, ne fut point universel, mais seulement un dénombrement de la Judée, Voyez le Traité que Perizonius a fait De censu Judaïco, & Bergier, De viis milit. 1 Sect. 12. §. 8. &c. On faisoit souvent à Rome le dénombrement des familles. Ces dénombremens furent institués par Servius Tullius, qui fit le premier, qui ne fut que de 80 mille hommes. Pompée & Crassus en firent un qui fut de 400 mille hommes. Celui de César ne fut que de 100 000 hommes. Ainsi la guerre civile avoir fait périr 300 000 citoyens Romains. Auguste fit faire le dénombrement des citoyens de Rome qui montoient à 4 millions 63 mille. Il commença celui-ci l’année 725 de Rome, & ne l’acheva que l’année suivante. Tillem. L’an 746. on fit encore le dénombrement des citoyens Romains, qui se trouva monter à quatre millions 233 000. Id. La dernière année de sa vie 766 de Rome, Auguste acheva encore avec Tibère le dénombrement des citoyens Romains, dont le nombre se trouva monter à quatre millions 137 mille personnes. Id. Tacite rapporte à l’an 48 de J. C. la conclusion du dénombrement du peuple, c’est-à-dire, des citoyens Romains répandus dans tout l’Empire, fait par l’Empereur Claude. On en compta six millions 964 mille, selon ceux qui en mettent le moins ; d’autres le marquent autrement. Il se trouva alors à Boulogne un homme âgé de 150 ans, comme on le vérifia par les dénombremens précédens, & Claude eut la curiosité de s’en assurer. Après ce dénombrement il n’y en eut point jusqu’à celui que fit Vespasien, qui fut le dernier. Une médaille de Claude très-belle & très-incontestable, mais très-singulière, marque plus précisément le dénombrement fait par Claude, qu’elle appelle Ostensio ; & qu’elle fait monter à sept millions de personnes en état de porter les armes, sans parler des armées qui étoient sur pied, & qui montoient à 50. légions, 157 cohortes, & 60 soldats. Voyez sur ces dénombremens de l’ancien Empire Romain, Robortellus de Magistr. Imp. dans le Trésor des Antiq. Rom. de Grævius, T. III. p. 40. Manutius de Civit. Rom. dans le même Trésor, T. 1. p. 37. Horman. Antiq. Rom. XI.

Dénombrement, en termes de Rhétorique, se dit de la division des parties d’un discours, & sur-tout dans une narration où l’on fait mention en détail des choses qui servent au sujet. Enumeratio. Cet Orateur a fait un long dénombrement de tous les crimes qu’il reproche à sa partie.

Dénombrement, en termes de Jurisprudence Féodale, se joint toujours à aveu, & se dit de la déclaration qu’on fait au Seigneur dominant de tous les fiefs, droits & héritages qu’on reconnoit & avoue tenir de lui. Le mot d’aveu regarde principalement la reconnoissance qui est au commencement de l’acte. Celui de dénombrement se rapporte au détail qui est fait ensuite des dépendances du fief. Le vassal a 40 jours après avoir fait la foi & hommage, pour donner son aveu & dénombrement. Le Seigneur, dans autres 40 jours, peut blâmer le dénombrement qu’on lui a baillé. Les aveus & dénombremens ne font foi en Justice qu’entre les personnes qui les ont baillés, ou reçus. Le dénombrement doit être donné en parchemin, & passé pardevant Notaires. Les dénombremens ne font foi, & ne préjudicient qu’à ceux qui les donnent, & qui les reçoivent. Voyez M. le Prêtre, 3. cent. chap. 47. & 157.

DÉNOMINATEUR. s. m. Terme d’Arithmétique. Il ne se dit qu’en parlant des fractions, & du second terme d’un rapport ou d’une raison. Numerus denominans. C’est le nombre écrit au-dessous d’une ligne, qui marque en combien de parties l’unité est partagée par la fraction : ce qui est exprimé par le nombre de dessus, qu’on nomme le numérateur. Par exemple, font cinq cens cinquante soixante cinquièmes. Ce dernier nombre est le dénominateur. On marque un rapport comme une fraction, en tirant une ligne, & écrivant sur cette ligne le premier terme du rapport, & le second terme sous la même ligne. Ainsi marque le rapport de 6 à 2. De même a b marque le rapport de la grandeur représenté par a à la grandeur représentée par b, & on nomme antécédent le premier terme a, & conséquent le second terme b. On nomme aussi, comme dans les fractions, le premier terme a le numérateur, & le second terme b le dénominateur, & l’on regarde un rapport a b comme une fraction littérale. Reyneau. Scienc. du Calc. p. 18.

DENOMINATIF. adj. Terme qui marque le nom propre de quelque chose. Denominativum nomen ab alio derivatum. La Grammaire a ses termes, appellatifs, dénominatifs, superlatifs, &c.

DÉNOMINATION. s. f. Nom qu’on donne à quelque chose, & qui marque ordinairement quelque qualité qui y domine. Nuncupatio. On dit, en Philosophie, que les choses prennent leur dénomination de ce qu’elles ont de plus considérable. On dit en Mathématiques, réduire des fractions à même dénomination, pour dire, leur donner le même dénominateur. Quand on veut assembler & évaluer plusieurs fractions dont le dénominateur est différent, il faut le réduire à même dénomination. On peut réduire une grande fraction par une plus petite dénomination lorsque le numérateur & le dénominateur peuvent se diviser par un même nombre, &, quand cela ne se peut, il faut conclure que la fraction est à sa plus petite dénomination.

DÉNOMMER. v. a. Terme de Pratique. Nommer & comprendre quelque personne ; ou quelque chose nommément, ou par son nom dans quelque acte ou procédure. Denominare. Cet arrêt n’a point été rendu avec moi, je ne suis ni dénommé, ni compris dans les qualités. On n’oseroit dénommer ni comprendre personne dans un monitoire qu’on publie. Ce legs est dénommé & désigné expressément dans ce testament. Si les Etats… ne sont pas fidèles & que ceux qui sont dénommés aux trois précédens articles aient obmis frauduleusement quelques-uns de leurs effets. Art. X, de la Déclaration du Roi concernant les Justiciables, &c. du 17 Mars 1716.

Dénommé, ée. part pass. & adj. Denominatus.

DÉNONCER, v. a. Faire savoir par un acte, ou cri public, ce qu’on veut faire connoître au peuple, aux étrangers. Denunciare. Dénoncer la guerre, la paix, la publier. Dénoncer une fête. Dénoncer un excommunié. On dénonce ceux qui sont excommuniés, afin qu’étant connus, on leur réfuse l’entrée de l’Eglise & la participation aux saints mistères, & afin que les autres Fidèles n’aient point de communication avec eux ; si ce n’est dans les cas exceptés.

Dénoncer, se dit aussi de tout ce qu’on déclare à quelqu’un, de tout ce qu’on lui fait savoir par quelque moyen que ce soit. Dénoncer quelque malheur. Il envoya un des principaux de la Cour vers les Scythes, leur dénoncer qu’ils ne passassent pas le Tanaïs. Vaug. Il lui envoya dénoncer qu’il eût à lui payer le tribut. Id.

Dénoncer, signifie aussi, faire signifier par un acte fait en Justice quelque procédure. Dénoncer à un garant le trouble qui nous est fait par un tiers, afin qu’il prenne le fait & cause. Un poursuivant criées dénonce toutes les procédures & oppositions qui lui sont signifiées, afin que les parties lui administrent des moyens pour s’en défendre.

Dénoncer, signifie aussi déférer en Justice un crime & celui qui en est l’auteur, pour obliger la partie publique d’en poursuivre la punition. Deferre. Il dénonça deux Chevaliers Romains. Ablanc. Il est dangereux d’être dénoncé à l’Inquisition. On a dénoncé au Procureur Général cette conspiration. C’est une grande trahison de dénoncer son ami.

On dit proverbialement, je vous dis & je vous dénonce que je vais faire telle chose, pour dire, je vous le déclare.

Dénoncé, ée. part. pass & adj. Denunciatus. Un excommunié dénoncé à l’Eglise, c’est-à-dire, public, & déclaré.

DÉNONCIATEUR. s. m. Celui qui, sans se porter partie, dénonce au Procureur du Roi qu’un crime a été commis par quelqu’un, afin qu’il en fasse la poursuite en qualité de Procureur du Roi. Delator. Un dénonciateur est secret, & se doit inscrire sur le Registre du Procureur Général, & donner caution. Quand un homme est absous, la partie publique est obligée de nommer son dénonciateur, pour le faire condamner aux dommages & intérêts. Voici un grand crime dont Tubéron s’est rendu dénonciateur. Abl. Les deux dénonciateurs des Templiers périrent misérablement. Mezer. Il y a des Théologiens qui pretendent qu’en matière d’hérésies, on peut être dénonciateur & Juge tout ensemble ; mais cette prétention est odieuse. Un dénonciateur est trop intéressé dans sa dénonciation pour attendre de lui un jugement équitable. Un dénonciateur doit toujours être considéré comme partie.

☞ Dénonciateur, délateur, accusateur, ne sont point synonymes. Voyez au mot délateur les idées accessoires qui les distinguent.

DÉNONCIATION. s. f. Publication faite solennellement. Denunciatio. Tous les vaisseaux sont de bonne prise après la dénonciation de guerre. On a fait au prône plusieurs dénonciations & publications de bans, d’excommunications, &c. La dénonciation se fait, afin que la sentence d’excommunication soit entièrement exécutée. Eveillon.

Dénonciation, signifie aussi, la déclaration que l’on fait au Magistrat qui a en main la vindicte publique, d’un crime & de celui qui en est coupable, sans se rendre partie. Delatio. Cette dénonciation n’est pas essentielle pour l’instruction d’un procès criminel ; elle donne seulement ouverture au Juge pour informer. Une partie ne peut poursuivre un procès criminel où elle n’a point d’intérêts, que par la voie de la dénonciation. Philippe-le-Bel, Roi de France, sur la dénonciation de deux Templiers scélérats, fit arrêter en 1307 tous les Templiers de son Royaume. Mez.

Dénonciation & accusation que nos Dictionnaristes confondent ne sont pas plus synonymes que dénonciateur & accusateur. Voyez ces mots.

Dénonciation, se dit aussi des procédures qu’on signifie aux parties, afin qu’elle n’en prétendent cause d’ignorance. Monitio, denunciatio, significatio. Un acquéreur fait une dénonciation à son garant du trouble qui lui est fait.

Il y a aussi en Droit une action qu’on appelle dénonciation de nouvel œuvre, novi operis nunciatio dont il y a un titre exprès dans le Digeste, & dont on usoit pour empêcher une nouvelle construction faite par un voisin au préjudice d’un autre.

DÉNOTATION. s. f. Désignation de quelque chose par certains signes. Significatio. On a parlé de ces choses en général, sans aucune dénotation particulière. Ce mot & le suivant sont un peu vieux.

DÉNOTER. v. a. Marquer, désigner quelque chose, ou quelque personne, en sorte qu’on la puisse reconnoître. Denotare. La plupart de nos mystères nous sont dénotés par les figures de l’Ancien Testament. Les témoins ne déposent pas nettement contre cet accusé, mais il est pourtant si bien dénoté qu’il y a apparence que c’est lui.

Dénoter, se prend quelquefois dans la signification d’indiquer. Dans les fièvres intermittentes, le frisson dénote l’accès. Indicare.

Dénoté, ée. part. Indicatus, significatus.

DÉNOUEMENT. s. m. Ce mot ne se dit point au propre. Il est d’usage au figuré pour signifier ce qui démêle, ce qui développe le nœud d’une pièce de Théâtre, le point ou aboutit & se résout une intrigue épique ou dramatique. Nodi solutio. Le dénouement des Visionnaires est très naturel, & vraisemblable. Le dénouement des Romans se fait d’ordinaire par une reconnoissance, comme celui de l’Astrée. Dans le Poëme Epique le dénouement ne doit pas laisser le Héros malheureux ; les fins tristes ne sont bonnes que pour la Tragédie. P. le Boss. Le dénouement d’une pièce tragique doit naître du sujet même, sans avoir recours à une machine, ou à une Divinité, pour délier ce qui est trop embarrassé. Dac. Le dénouement doit être la partie la plus travaillée, parce que c’est ce qui fait la dernière impression sur l’esprit du Spectateur. Id. Le dénouement pèche le plus souvent, ou parce qu’il est mal préparé ou parce qu’il est trop embarrassé, ou parce qu’il est double. Id. Il faut que le dénouement soit une suite vraisemblable de ce qui a précédé ; qu’il soit naturel, & qu’il naisse du sujet. P. le Boss. Térence n’enflamme pas la curiosité, & ne jette pas l’esprit dans l’impatience de voir le dénouement des avantures. Dac.

Dénouement, se dit aussi en parlant des affaires & des intrigues du cabinet.

DÉNOUER, v. a. Défaire un nœud. Nodum solvere, expedire. Dénouer ses souliers, sa cravate. Alexandre ne put dénouer le nœud Gordien, mais il le coupa.

Dénouer, en parlant du corps & de ses parties se prend dans un sens figuré, & signifie rendre plus agile, plus souple. Voyez ces mots. Les différens exercices auxquels on accoutume les jeunes gens, la danse, la chasse, l’escrime, la paume, &c. dénouent le corps, les membres.

☞ En parlant de la langue, c’est lui donner la facilité de parler. Expedire.

Ma langue n’attend pas que l’argent la dénoue. Boil.

☞ On le dit aussi en Morale. Dénouer le nœud de l’amitié. Nodum, vinculum amicitiæ solvere, dissolvere. Quand l’intérêt seul forme le nœud de l’amitié, les moindres chagrins le peuvent rompre, ou du moins ils le peuvent dénouer. S. Evr. Le lien conjugal parmi les Chrétiens est un nœud qu’on ne peut dénouer.

Dénouer, en parlant des pièces de Théâtre, se dit encore figurément pour démêler, débrouiller une intrigue, le nœud. Voyez Dénouement. Ce Poëte a fort bien dénoué l’intrigue de sa pièce.

☞ Ce verbe est aussi réciproque tant au propre qu’au figuré. Ce ruban se dénoue. Ce jeune homme commence à se dénouer ; il n’est plus aussi lourd, aussi pesant qu’il étoit. L’intrigue de cette pièce se dénoue fort bien, se démêle, se développe. Son esprit se dénoue, comprend, conçoit plus aisément.

☞ On dit aussi qu’un enfant se dénoue, lorsque les parties de son corps qui étoient nouées, commencent à prendre la forme, l’étendue & le jeu qu’elles doivent avoir.

Dénoué, ée. part.

DENQUI. Vieux mot qui signifioit de-là.

DENOY. s. m. Vieux mot qui, selon le Dictionnaire des Arts, signifioit refus. Il vient évidemment de noy. Voyez ce mot.

DENRE. Voyez DENDRE.

☞ DENRÉE, s. f. Ce mot signifie particulièrement les fruits, racines, légumes propres pour notre nourriture, comme artichauts, navets, carottes, &c. Esculenta. Mais, en généralisant son acception, on l’applique à tout ce qui se vend pour la nourriture, la subsistance & l’entretien des hommes & des animaux. Blé, vin, bois, paille, foin, avoine, &c. & l’on appelle menues denrées les premières, & grosses denrées, les secondes. Dans les villes bien policées, le magistrat met le prix, le taux aux denrées sujettes à la Police. Men.

Ce mot vient de denarata, qu’on a dit au lieu es denariata, fait de denarius, comme si c’étoit une chose qu’on voulût réduire en deniers, ou un revenu de deniers. Dans les Acta Sanct. April. T. III. p. 232. C. le P. Papebroch dit plus exactement que denariata, denrée vient de denarius, denier, & s’est dit pour deniérées ; & que ces mots, tant le Latin que le François, signifient des marchandises qui se vendent en détail, & dont l’on peut acheter à très-bas prix & comme pour un denier, que c’est pour cela qu’on les a appelées denariata, deniérées, c’est-à-dire, ce qu’on peut avoir pour un denier, comme poignée signifie ce qu’on peut tenir dans le poing, & que de deniérées s’est fait denrée. L’Auteur de l’histoire des miracles de Saint Gengulfe C. II. §. 11. dit duas deneraras ceræ, deux denrées de cire, ce qui, selon le P. Henschenius, signifie deux petites bougies d’un denier chacune. Acta Sanct. Maii T. II. p. 650. F. & p. 652. E. L’Auteur de la vie de S. Norbert contemporain de ce Saint, c’est-à-dire qui écrivoit au commencement du douzième siècle, dit c. 18. une denrée de vin, ou d’hydromel, denariatam vini vel medonis, c’est-à-dire, ce qui s’en donnoit pour un denier. Act. Sanct. Jun. T. I. p. 855. C. Du Cange dit que, dans la basse Latinité, on appelle toutes sortes de marchandises, denarata, denariata, & denairada, & qu’on appeloit même denariata terræ aut vineæ, une portion de terre ou vignes qui valoit un denier de revenu. Guichort dit qu’il pourroit bien venir du mot Hébreu הדר, hadar, entant qu’il signifie vendre, débiter, vendere, distrahere per urbem.

Denrée, se dit aussi en mauvaise part de la marchandise qui ne vaut rien. Merx. Ce marchand s’est défait de ses plus belles étoffes, il n’a plus chez lui que de la denrée, du rebut. Cet homme là n’a été payé qu’en denrées, en méchantes marchandises. On dit généralement en parlant d’un homme qui vend bien ce qu’il a à vendre, que cet homme vend bien sa denrée. Acad. Fr.

☞ DENSE. adj. de t. g. Densus. Terme de Physique. Dont les parties sont serrées. Ce mot est essentiellement relatif : & quoiqu’on dise absolument que l’or, le plomb, sont des corps denses, il est clair qu’alors même, on le dit relativement à d’autres corps. Il est opposé à rare. Les corps denses ont moins de pores, ou les ont plus petits que les autres. Un corps dense est un corps qui occupe peu d’étendue avec beaucoup de matière. Rohault. Les masses de deux liqueurs différentes ne seront pas comme leurs volumes, & la liqueur la plus dense aura à proportion de sa densité, une plus grande masse sous un volume égal. Ibid.

DENSITÉ. s. f. Terme de Physique. Qualité d’un corps dense. Densitas, spissitas, concretio. La pesanteur de l’or vient de sa densité.

☞ On entend par densité ou par gravité spécifique d’un corps, la quantité de matière propre qu’il renferme sous tel volume. Le corps A sera plus dense que le corps B, si sous un égal volume il contient plus de matière propre, c’est-à-dire, s’il a plus de masse ou plus de poids que le corps B. & il sera moins dense ou plus rare, si sous un plus grand volume il n’a qu’un poids égal. Le fer est beaucoup plus dense que le liège, parce qu’un quintal de fer est renfermé sous un très-petit volume, tandis qu’un quintal de liège occupe un très-grand espace. De-là les Newtoniens concluent que la matière éthérée cartesienne est beaucoup plus dense que l’or. En effet un pied cubique d’or a beaucoup de pores qui sont vides, ou du moins qui ne sont pas remplis de la même matière que l’or. Un pied cubique de matière éthérée au contraire ne renferme, suivant Descartes, aucune espace qui ne soit rempli de matière éthérée.

☞ DENT. s. f. Dens, quasi edens, parce que les dents servent à manger. Petit os très-dur & très-compact, enchassé dans des loges particulières des gencives, qu’on nomme alvéoles, & qui sert aux hommes & aux animaux à briser, mâcher & broyer les alimens. L’homme & la plupart des animaux ont deux rangs de dents : l’homme a pour l’ordinaire 32 dents, 16 à la mâchoire supérieure, autant à la mâchoire inférieure.

☞ Les dents incisives, ainsi nommées parce qu’elles servent à couper les alimens, placées au nombre de quatre à la partie antérieure de chaque mâchoire sont appelées par quelques-uns premières ou dents de primeur, parce qu’elles paroissent les premières. Dentes priores, adversi. Quelques Médecins les appellent gélasines ou rieuses, ridentes, parce qu’on les montre quand on rit.

Il y a deux dents canines que le vulgaire appelle œillères, parce qu’une partie du nerf qui fait mouvoir les yeux, y est engagée, d’où vient le danger de les arracher. Dentes canini. Les dents incisives & canines n’ont qu’une racine ; les autres en ont deux, & quelquefois trois & quatre. Il y a dix dents mâchelières ou molaires. Celles de derrière s’appellent dents de sagesse, parce qu’elles viennent à l’âge de discrétion, vers l’âge de 20 ans. Maxillares, molares. Voyez Molaires. Les dents ont leurs veines & artères. Ce sont les seuls os qui croissent dans les animaux jusqu’à leur extrême vieillesse. M. de la Hire observe que l’émail des dents, qui est une substance bien différente de celle des dents, est la seule patrie des dents qui croît. On appelle dents de lait, les premières dents qui viennent aux hommes, & dont plusieurs tombent pour l’ordinaire. Denticuli, dentes lactei.

Quelques-uns sont nés avec toutes leurs dents, comme Marcus Curius Dentatus, & Cneïus Papirius Carbo. D’autres n’ont eu qu’une dent continue tout le long de la mâchoire, comme Pyrrhus, Roi des Epirotes, Prusias, fils du Roi de Bythinie. D’autres ont eu deux ou trois rangs de dents, comme quelques-uns l’ont dit d’Hercule. Les dents sont revenues à quelques-uns en vieillesse. Mentzelius, Médecin Allemand, dit qu’il a vu un vieillard à Clèves, en 1666 âgé de 120 ans, à qui les dents étoient revenues deux ans auparavant avec grande douleur, & qu’en même temps il se trouva un Anglois à la Haye à qui pareillement les dents étoient revenues en sa 118e année.

Un Médecin Danois, nommé Hagerup, a soutenu dans une thése que l’on peut entendre avec les dents. Sa preuve est que, si l’on met dans un clavecin un couteau, & qu’on le serre entre ses dents, on entend l’harmonie du clavecin, quoiqu’on ait les oreilles bouchées. De même les sourds ouvrent quelquefois la bouche pour entendre, & entendent effectivement. Mais on doit attribuer cet effet à la communication de l’oreille interne avec la bouche. Voy. Ouïe & Oreille. Martin Scochius dans son Traité du beurre, prétend qu’il n’y a point de meilleur moyen pour conserver les dents, & les avoir belles, que de les frotter tous les matins de beurre. Mais cet opiat n’est guère moins dégoûtant que celui des Espagnols, qui se les lavent tous les matins avec de l’urine. Pour le mal de dents, une pâte faite avec de la mie de pain & de la graine de Stamonia mise sur la dent malade, en engourdit la douleur. Let. éd. et cur.

On dit qu’on a les dents molles, lorsqu’elles ne sont pas avec leur fermeté ordinaire, & lorsqu’elles sont agacées par quelque acidité. La maladie des dents, c’est la carie qui les pourrit, qui les creuse, qui les fait tomber par pièces. Dens cariosus, putridus, corruptus. Le mal de dents est seulement une fluxion sur les gencives fort douloureuse. On dit que c’est Esculape qui a trouvé le premier le moyen d’arracher les dents. Les Poëtes appellent les dents blanches & bien rangées, des dents d’yvoire, des rangs de perles, un beau ratelier de dents. A Cumana vers Mexique, les peuples sont curieux d’avoir des dents noires, & regardent ceux qui ont les dents blanches comme des efféminés. Aux Indes Orientales ils les rougissent à cause du bètel & de l’aréca qu’ils mâchent incessamment.

On dit que les dents percent à un enfant quand elles lui viennent, qu’elles commencent à paroître parce qu’alors elles percent la chair ou la peau des gencives, & sortent dehors. Les enfans sont malades, & ont la fièvre, quand les dents leur percent. Dentitio, dentire. On dit ordinairement que la plupart des enfans meurent aux dents, pour dire, qu’ils meurent quand les dents leur viennent. Acad. Fr.

On dit, arracher les dents, nettoyer les dents, limer les dents, écarter ou desserrer les dents, boucher les trous des dents, remplacer les dents, ou en mettre d’artificielles à la places des naturelles qui sont tombées, ou qui ont été arrachées. On dit qu’une dent tombe, quand elle se détache d’elle même : qu’elle est arrachée, quand pour la détacher, & l’ôter de sa place, on emploie quelque instrument, quand on use de force. Une dent avance ou pousse en dehors, non pas quand elle s’eleve plus haut, ou qu’elle descend plus bas que celles qui sont à côté, mais quand la tablette extérieure de la dent qui touche à la lèvre s’avance plus en dehors que celle des autres dents. Alvéole de la dent, c’est le trou où la dent est enchassée. Tablette de la dent, est la face plate de la dent, tant la face intérieure qui est du côté de la bouche, que l’extérieure, qui est du côté des lèvres, & qui se voit quand on rit. Nerf de la dent, est un nerf qui tapisse le fond de l’alvéole de la dent. Racine de la dent sont des alongemens de l’os de la dent en forme de racine, qui servent à l’attacher à la mâchoire & à la tenir ferme dans son alvéole. Opérateur pour les dents, est un homme qui s’occupe uniquement de la cure des dents. Arracheur de dents, Dentiste. Une sur-dent, est une dent surnuméraire, qui pousse à l’une ou à l’autre mâchoire soit en dedans, soit en dehors, & qui n’est ni du nombre des autres, ni placée comme elles. Une fausse dent est une dent artificielle qu’on met à la place d’une dent naturelle qui manque. Il y a de vieilles femmes qui portent un ratelier tout entier de fausses dents. Les fausses dents se font ordinairement d’ivoire, mais, parce que l’ivoire jaunit en peu de tems dans la bouche, Fabricius conseille de les faire de l’os du jarret d’un bœuf. La coutume de mettre des dents d’ivoire à la place de celles qu’on a perdues, & de les lier avec un fil d’or, est très-ancienne ; les Romains en ont usé, Lucien & Martial en parlent. De Vign. Marv. Guillemeau donne la composition d’une certaine pâte pour faire de fausses dents : Il faut prendre de la cire blanche égrenée, & la faire fondre avec un peu de gomme élémi, y ajouter des poudres de mastic, de corail blanc & de perles. Cet Auteur prétend qu’avec cette pâte on peut former des dents artificielles qui ne jauniront jamais, & qui pourront remplir parfaitement les trous où on les mettra. Voyez Dionis sur les opérations qui se font aux dents.

Les dents, quoique séparées du corps avant la mort, étoient anciennement regardées comme des restes précieux que l’on avoit soin d’enfermer avec les cendres & les ossemens dans les urnes sépulchrales des défunts. Cohausen Ossilegium Historico-phys. Il est faux que les dents soient les seules parties du corps humain qui ne se consument point par le feu, comme l’a cru Riolan, trompé sans doute par l’autorité de Pline. On n’en a trouvé que deux dans les anciens tombeaux de Westphalie, encore l’une est-elle demi calcinée par le feu. Id.

Quant aux animaux, il y a quelques poissons qui ont des dents sur la langue comme les truites. La morue a des dents au fond du gosier, ce sont des pointes en quelque façon pareilles à celles qui sont sur la langue du lion, tournées vers le gosier. Les lamies ont six rangs de dents. Le grand chien de mer, qu’on appelle canis carcharias, a quatre ou cinq rangs de dents à chaque mâchoire dont quelques-unes ont un pouce de long, & sont extrêmement dures, tranchantes & pointues. Le requin a trois rangs & les crocodiles en ont trois toutes canines, n’ayant ni incisives ni molaires. Elles sont d’une dureté & d’une blancheur extraordinaire, d’une figure ronde, pointues & cannelées, comme une colonne Dorique & disposées de telle sorte, qu’il y a autant de plein que de vide. Aristote a cru qu’il n’y avoit que le scarus qui eût des dents propres à broyer, quoiqu’on en trouve en d’autres poissons. Les sèches n’ont point de dents, non plus que les crapauds, & ne laissent pas de mordre. Les vipères & les grenouilles de mer ont deux grandes dents canines, qui sont mobiles, & d’ordinaire couchées, & qui se relèvent, quand elles veulent mordre. Les dents du sanglier sont tournées en demi-cercle, & sont à trois pans comme un prisme. On tient que les licornes sont les dents d’un gros poisson. Voyez Licorne. La dent du brochet est venimeuse, & fait partie de sa mâchoire Les dents d’éléphant sont de grosses défenses pointues que cet animal porte en dehors, & qui font l’ivoire. Cardan prétend qu’on les peut amollir comme la corne de bœuf.

En termes de Manège, on dit que les dents du cheval marquent son âge. Il a 40 dents, 24 mâchelières au fond de la bouche, au-delà des barres, 12 de chaque côté du canal, rangées six dessus, & six dessous ; elles ne tombent jamais, & ne servent point à la distinction de l’âge : 12 de lait, qui sont sur le devant de la bouche, & quatre qu’on nomme les crocs. On nomme aussi les pinces, les quatre de devant, les quatre d’après sont les mitoyennes ; les quatre suivantes, les coins. On dit qu’un cheval met ses dents, qu’il change ses dents, & qu’il a mis ses coins, ou ses pinces, quand il pousse ses coins ou ses pinces au lieu de ses premières dents. A mesure qu’elles poussent elles indiquent les années du cheval. Les coins qui sont plus avant dans la bouche que les autres dents, sortent de la gencive à cinq ans. Alors ils deviennent creux, & marquent ordinairement jusqu’à 7 ou 8 ans, c’est-à-dire que ce creux où il y a une marque noire, qui ressemble à une fève, commence à se remplir, & la marque à s’effacer.

Dent de loup, chez les ouvriers, est celle qui leur sert à polir leur ouvrage.

On appelle aussi dent de loup, les gros clous ni attachent les poteaux des cloisons. Il faut mettre deux dents de loup à chaque poteau.

Dent de rat, terme de Rubannier. Petit ornement qui se forme sur les lisières de plusieurs ouvrages. Il ressemble assez à la denture d’une scie ; mais l’usage est de le nommer dent de rat. Encyclop.

Dent de peigne, chez les Tisserands ou dent de rot. Voy. Peigne & Rot.

En Sculpture on appelle dent de chien, un ciseau fendu par le bout, qui se divise en deux pointes. On l’appelle autrement double pointe. C’est aussi un instrument de Doreur.

Dent, se dit aussi par extension de plusieurs pointes ou entaillures qui sont faites en forme de dents. Denticulus. Les Médecins donnent le nom de dent à la seconde vertèbre du cou, à cause de sa figure. On dit qu’un couteau, ou autre ferrement taillant, a des dents, quand il est ébréché. Les dents d’une scie, d’un peigne de serans, d’une roue de moulin, d’une horloge, d’une lime, d’un râteau, d’une herse. On dit aussi les dents d’une clef, en parlant de ces entaillures, qui sont dans le panneton au museau de la clef, & dans lesquelles passent les gardes.

On appelle aussi dents de passement, ces petites pointes d’ouvrages qui avancent sur les bords d’un passement. Denticuli.

☞ On le dit aussi, en Botanique, des petites échancrures que l’on voit au bord de quelques feuilles ; & l’on dit des feuilles ainsi échancrées qu’elles sont dentelées.

☞ On dit figurément & familièrement, la dent de la médisance, de la satire, pour dire, médire de quelqu’un, ou dire quelque mot qui l’offense, qui le pique.

Dent, se dit proverbialement en plusieurs phrases. Arracher une dent à quelqu’un, pour dire, tirer de lui quelque argent, ou autre chose qu’il est contraint de donner malgré lui. On dit qu’on prendroit aussi tôt la lune avec les dents, pour dire, qu’une chose est impossible. On dit d’un homme qui a bien faim, qu’il a les dents bien longues ; de celui qui est pauvre, qu’il n’a pas de quoi mettre sous la dent ; d’un goulu, qu’il mange de toutes ses dents ; qu’il a beau être malade, qu’il n’en perdroit pas un coup de dent ; que ce qu’on lui donne n’est pas pour sa dent creuse. On dit aussi, qu’il n’en cassera que d’une dent, qu’il n’en croquera que d’une dent, pour dire, qu’il ne mangera point de quelque chose, ou qu’il n’obtiendra point ce qu’il prétend. On dit aussi, avoir une dent de lait contre quelqu’un, ou simplement une dent, pour dire, avoir quelque ressentiment contre lui. On dit montrer les dents à quelqu’un, pour dire lui resister en face, lui témoigner qu’on ne le craint pas. On dit aussi, lui parler des grosses dents, pour dire, le menacer. On dit, malgré lui, malgré ses dents, pour dire, quelque empêchement qu’il puisse y mettre, ou apporter. On dit aussi, déchirer quelqu’un à belles dents, pour dire, médire cruellement de lui. On dit encore, parler, murmurer entre ses dents, pour dire, tout bas & sans vouloir être entendu : & on dit rire du bout des dents, quand on rit par force & sans en avoir envie. On dit aussi, qu’un homme n’a pas desserré les dents, pour dire, qu’il n’a dit mot. Prendre le mors aux dents, ou le frein, se dit au propre du cheval qui s’emporte. On le dit, au figuré, dans des acceptions différentes 1o D’un homme qui s’abandonne, qui secoue le joug de la règle, de la loi, de la bienséance. 2o. D’un homme, qui, après avoir enduré de quelqu’un, s’affranchit de la sujétion. 3o. De celui qui, après avoir négligé son devoir ou ses affaires, s’y porte avec ardeur. On dit qu’on est sur les dents, que le grand travail a mis quelqu’un sur les dents, pour dire, qu’il est las & fatigué, qu’il n’en peut plus ; & on dit d’un agonisant, qu’il a la mort entre les dents. On dit, pour se moquer d’un pédant, qu’il est savant jusqu’aux dents. Ce proverbe vient de ce qu’autrefois on ne tenoit personne pour savant, jusqu’à ce qu’il fût passé Docteur : ce qui ne se faisoit qu’après de fort grands repas, ou l’on exerçoit bien ses dents. Depuis on y a ajoûte, qu’il a mangé son Bréviaire. On dit d’un Cavalier armé de toutes pièces, qu’il est armé jusqu’aux dents. On dit ironiquement d’une vieille sans dents, qui a perdu toutes ses dents, qu’elle n’a pas une dent en bouche. Au contraire, on dit d’un vieillard qui se porte bien, qu’il a encore toutes ses dents, qu’il a de bonnes dents. On dit de celui qui a quelque dent qui avance plus que les autres, que c’est Geoffroy à la grand’dent ; & de celui qui est mort, il y a long-temps qu’il n’a plus de mal aux dents. On dit aussi aux enfans qu’une chose a des dents, qu’elle mord quand on la manie, lorsqu’ils sont en danger de se blesser. Ses composés Trident, curedent, brèchedent, daquedent, Surdent, Tire-aux-dents, sont à leur ordre.

☞ Dans la plupart de ces phrases proverbiales le mot dent est pris dans un sens figuré.

En termes de Philosophie Hermétique, les dents du dragon que Cadmus sema, & dont il naquit des soldats qui s’entretuerent, signifient le fixe & le volatil qui agissent l’un contre l’autre, qui se détruisent l’un l’autre.

Dent de chien. s. f. Dens canis. Plante dont il y a deux espèces. La première pousse ordinairement deux feuilles & quelquefois trois répandues à terre ayant la figure approchante de celles du lis des vallées, mais plus charnues, arondies, marbrées de grandes taches blanches tirant sur le purpurin. Il s’élève d’entre elles un pédicule haut comme la main, lisse, rouge, portant une belle fleur à six feuilles, oblongues, pointues, penchées, & recoquillées vers le haut, quelquefois blanches, quelquesfois purpurines. Quand cette fleur est tombée, il lui succède un fruit presque rond & rélevé de trois coins de couleur verte, marbrée de rouge, qui renferme des semences jaunâtres. Sa racine est oblongue, blanche, charnue & plus menue en haut qu’en bas, & ayant en quelque manière la figure de la dent d’un chien. La seconde espèce ne diffère de la première qu’en ce que ses feuilles sont plus longues & plus étroites, que sa fleur est plus grande & sa racine plus grosse, leurs racines sont résolutives & amollissantes. Il ne faut pas confondre cette plante avec le chiendent que les Latins nomment Gramen.

Dent de lion. Dens leonis. Plante qui a pris ce nom de la découpure de ses feuilles, qu’on dit avoir quelque rapport avec l’arrangement & la disposition des dents du lion ; c’est sur tout dans l’espèce la plus ordinaire qu’on trouve cette prétendue convenance. Sa racine est grosse comme le doigt, & remplie d’un suc laiteux. Elle pousse à son collet plusieurs feuilles longues, plus ou moins suivant le terrein où elle naît, tantôt larges, tantôt étroites, & découpées le plus souvent sur les bords en manière de dent. D’entre ses feuilles s’élève un pédicule simple, creux, long comme le doigt, plus grand suivant la force de la plante, qui soutient une fleur composée de plusieurs demi fleurons jaunes, renfermés dans un calice qui se referme, lorsque les semences qui soutiennent chaque demi-fleuron, sont mûres. Elles sont chargées d’une aigrette qui s’étend en rond, & qui sert à les rendre plus légères, & plus propres à être emportées par le vent. Ces semences sont rougeâtres ou jaunâtres. Le vulgaire appelle cette plante le pissenlit. Lectiminga, peut-être parce qu’elle provoque les urines, & qu’elle est apéritive. On met dans les salades les nouvelles feuilles & les jeunes pousses de la dent de lion. La plante appelée hieracium ne diffère de la dent de lion, que parce qu’elle donne des tiges ordinairement branchues.

DENTAIRE, s. f. Dentaria. s. f. On a attribué ce nom autrefois à quelques plantes qui avoient leurs racines écailleuses & comme dentées ; à présent c’est celui d’un genre de plante, dont les fleurs sont en croix, & les racines sont plus ou moins écaillées. L’espèce la plus ordinaire a sa racine blanchâtre lorsqu’elle est nouvelle, noirâtre lorsqu’elle vieillit, garnies de quelques fibres & de plusieurs écailles ou inégalités en manière de dents rangées dans une mâchoire. Chaque écaille est ordinairement blanchâtre sur son bord. De cette racine s’élève une tige haute de sept à huit pouces ronde, verdâtre, droite & chargée de deux à trois feuilles, découpées jusqu’à leurs collets, le plus souvent en sept segmens oblongs, dentelées sur leurs bords, opposées par paire sur cette même côte qui est terminée par un seul segment. Le nombre de sept a fait donner à cette plante le nom de Dentaria heptaphyllos. Sa tige est terminée par un petit bouquet de fleurs en croix, purpurines, & pareilles à celles de la Juliane. Leur fruit est une silique à deux loges remplies de semences arrondies. Ce qu’il y a de particulier à cette silique, c’est que les deux lames qui la composent se roulent en manière de volute lorsque la semence est mûre. La Dentaire vient dans les bois. Il y en a deux autres qui sont de la même espèce que la précédente, dont l’une est appelée dentaria triphyllos, parce qu’elle n’a que trois feuilles attachées à une queue, & l’autre dentaria pentaphyllos, parce qu’elle en a cinq rangées sur la même côte. Il y a une autre plante que Matthiole appelle grande dentaire, qui vient sans feuilles ; ce qui la fait appeler par quelques-uns aphyllos. Elles a ses feuilles en masque, c’est un anblatum. Elle croît au commencement du printems dans les forêts, & autres lieux où les rayons du soleil ne donnent point. Sa racine est blanchâtre, grande, pleine de suc, frêle, & composée d’une infinité d’écailles. Elle pousse des tiges de la hauteur d’une palme, tendres, pleines aussi de suc, & semblables à celles de l’orobanche. Depuis le milieu jusqu’à leur cime il en sort des fleurs de pourpre, blanchâtres, velues, accompagnées à côté de petites feuilles presque de même couleur. Il y vient après de petits boutons dans lesquels est la graine semblable à celle de pavot. C. Bauhin l’appelle Orobanche radice dentatâ major.

Dentaire. Terme de Médecine. Qui appartient aux dents. Dentalis. M. Andry, dans son Traité de la génération des vers dans le corps humain, appelle dentaires ceux qui viennent aux dents.

DENTAL. s. m. Terme de Conchyliologie. C’est le nom que les Naturalistes Rocailleurs donnent à un petit coquillage fort rare, fait en forme de chalumeau, gros comme une plume à écrire, & diminuant peu à peu jusqu’à l’autre bout, ce qui lui donne la figure d’une dent, d’où il tire son nom. Dentalium. Il a environ trois pouces de long. Il est poli, luisant, verdâtre, marqué de lignes droites d’un bout à l’autre. On le trouve sur les rochers dans de vieux coquillages, & toujours vide & léger, parce que le petit ver qui naît au-dedans, le quitte pour aller chercher pâture. On lui donne encore le nom de Syringites, à cause de sa ressemblance au chalumeau.

☞ DENTALE. adj. f. Terme de Grammaire. Epithète par laquelle on désigne certaines consonnes qu’on ne peut prononcer qu’avec l’aide des dents, ou plutôt par un mouvement de la langue vers les dents. Les Grammaires distinguent les consonnes en labiales, dentales, palatiales, linguales, gutturales. D, T, &c. sont des lettres dentales. Voyez lettre, consonne, &c.

☞ DENTÉ, ée. adj. Qui a des dents. Dentatus. On ne le dit que de certaines choses qui ont des pointes, des avances qu’on appelle dents. Ainsi l’on dit qu’une roue d’horloge, de montre, de moulin, &c. est dentée.

On le dit aussi en Blason, des animaux armés de dents, lorsqu’elles sont représentées d’une autre émail.

Denté, se dit aussi, en Botanique, des feuilles de plantes qui sont dentelées, qui ont des formes de dents, des pointes serrées les unes contre les autres. Dentatus, a, um. Des feuilles dentées en leurs bords. Geoffroy. Acad. 1700. Mém. p. 135.

Ce mot ne diffère de dentelé qu’en ce que les découpures d’une chose dentée sont plus fines & beaucoup plus égales que celles d’une chose dentelée. Ainsi l’on dit que le calice des fleurs de l’olivier & du styrax est denté par les bords. Dict. de James.

DENTÉE. s. f. En termes de Chasse, se dit des coups de dents, qu’un lévrier donne à une bête qu’on chasse, ou d’un coup ou atteinte des défenses d’un sanglier, qui découd & éventre les chiens & les chevaux. Aprugni dentis ictus.

DENTELAIRE. s. f. Plante qui pousse plusieurs tiges d’environ deux pieds de haut, purpurines ou noirâtres & cannelées, se divisant en beaucoup de rameaux. Ses feuilles sont semblables à celles de l’herbe aux puces, mais plus petites, embrassant leur tige, dentelées en leurs bords, vertes-brunes, d’un goût âcre ; des fleurs naissent en ses sommités, de couleur purpurine & ramassées ensemble, formant un tuyau velu. Lorsque cette fleur est passée, son calice devient une capsule qui renferme une semence oblongue, presque aussi grosse qu’un grain de froment. Elle croît dans les pays chauds, & est réputée propre pour les écorchures qui se font près du fondement en allant à cheval.

DENTELER, v. a. Faire des entailles en forme de dents. Denticulos agere. Les corniches dentelées sont plus agréables que les autres.

Dentelé, ée. adj. Qui a des pointes, des entaillures en forme de dents, comme les scies, &c. Denticulatus. Ouvrage dentelé. Corniche dentelée. Roue dentelée.

Dentelé, ée. Terme de Botaniste, de Jardinier & de Fleuriste, qui se dit des feuilles d’arbre, de plante, ou de fleur, qui sont en quelque façon dentelées tout autour : c’est-à-dire, que les bords en sont découpés en forme de petites dents, comme l’ancienne dentelle. Les pétales, les feuilles & les calices dentelés ont leurs découpures moins égales & plus écartées que ceux qui sont dentés. La feuille de l’orme est dentelée.

En Anatomie, il y a un muscle qu’on appelle le petit dentelé, qui sert à faire mouvoir l’épaule en dedans. Il y en a un autre qu’on appelle le grand dentelé, qui sert à dilater la poitrine. Ces deux muscles sont appelés dentelés antérieurs, parce qu’ils sont situés sur le devant de la poitrine. Il y en a deux autres qu’on appelle dentelés postérieurs, parce qu’ils sont situés sur le dos. Le dentelé postérieur & supérieur tire les côtes en haut ; l’inférieur les tire en bas.

En termes de Blason, on appelle dentelées les pièces qui sont bordées de dents plus petites & plus aiguës que les dentées. Un chevron dentelé, une croix dentelée.

DENTELLE. s. f. Petit passement ou ouvrage de fil, de soie, d’or ou d’argent, qui se fait avec des fuseaux, qui sert à orner les habits & le linge. Textum e lino, vel e bombyce, vel ex auro, vel ex argento, denticulatum, variisque figuris descriptum. On a défendu les dentelles d’or & d’argent, les dentelles d’Angleterre, de Flandre, &c. On fait remplir les dentelles claires ou déchirées. On fait reborder les dentelles. Les points coupés & les dentelles de Flandre & autres furent défendus en 1629. 1635. De la Mare, Tr. de la Pol. T. I. p. 125. 395. On a donné à ces ornemens le nom de dentelles, parce que les premiers qui furent faites étoient en forme de dents.

☞ Les Relieurs appellent aussi dentelle un petit dessein ouvragé, qui se pousse avec un fer chaud, ordinairement d’or, sur le plat de la couverture d’un livre, en suivant le bord dans tous les sens.

☞ DENTELURE. s. f. Terme d’Architecture, de Sculpture & autres arts méchaniques, ouvrage fait en forme de dents, dentelé. Ornement qui représente des dents, des entaillures en forme de dents. Denticuli.

☞ On le dit aussi, dans l’usage ordinaire, des choses faites ou découpées en forme de dents, soit naturellement, soit par art. Faire avec des ciseaux des dentelures, deux, trois dentelures à un morceau de linge, de cuir, d’étoffe, &c. On appelle aussi dentelures, les petites dents des os du crâne par où ils s’unissent dans les sutures. La suture de l’os des tempes a un rebord qui cache les dentelures qui sont en dedans. Dionis.

DENTER. s. m. Poisson qui s’appelle autrement Synodon. Voy. ce mot.

DENTICULE. s. m. On dit aussi Dentelets. Denticuli. Terme d’Architecture. C’est une petite bande carrée qui fait partie de la corniche Ionique & Corinthienne, sur laquelle on fait ordinairement de petites