Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 3/171-180

Fascicules du tome 3
pages 161 à 170

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 3, pages 171 à 180

pages 181 à 190


Ces définitions oratoires se font par l’énumération des parties d’une chose ; par ses effets ; par un amas de diverses notions, pour donner une idée plus magnifique de la chose, &c.

Définition, dans la Grammaire, signifie, l’explication des idées que les hommes sont convenus de lier à certains mots, & que l’usage y a attachées. Definitio, universa rei explicatio. Il faut bien distinguer la définition des mots, de la définition des choses. Celle des mots n’est autre chose que la déclaration de l’usage, & des idées que les hommes y ont appliquées. Port-R.

Définition. Terme de Capucin. C’est le lieu où s’assemblent les Définiteurs pour les affaires de l’Ordre. Consilium.

DÉFINITIVEMENT. adv. En jugement définitif. Cette affaire a été jugée définitivement. Ultimâ cognitione.

DÉFINITOIRE. s. m. Terme usité dans plusieurs Ordres Religieux. Definitorium. Lieu où s’assemblent les principaux Officiers d’un Chapitre Général ou Provincial. On a réglé cela au Définitoire. Il signifie aussi l’assemblée même de ces Officiers, des Définiteurs. Cela dépend du Définitoire. Quand un Religieux se croit traité injustement par son Supérieur immédiat, il s’adresse au Définitoire, il appelle au Définitoire.

DÉFLAGRATION. s. f. Terme de Chimie. Deflagratio. C’est l’inflammation du mélange d’un sel ou d’un corps minéral avec un sulfureux, inflammation qui se fait dans le creuset pour purifier le sel ou le régule d’un minéral, Harris. Opération par laquelle un corps est brûlé.

Ce mot vient du Latin Deflagratio, inflammation, embrasement, de deflagrare, brûler.

☞ DÉFLEGMATION, ou DÉPHLEGMATION. s. f. (Ces deux manières d’écrire sont également en usage.) Action de séparer d’un liquide composé, & qui contient de l’eau, que les Chimistes appellent flegme, une partie de cette eau. Rectification par laquelle on dégage les liqueurs, particulièrement les esprits, de leur flegme, en les distillant ou les cohobant. Phlegmatis purgatio.

DÉFLEGMER, ou DÉPHLEGMER. v. a. Terme de Chimie. Tirer le flegme d’un mixte, le dégager, le purger de sa partie flegmatique ou aqueuse, en séparer le flegme. Phlegma extrahere, separare. J’ai déflegmé l’acide de l’un, & j’ai rectifié le sel volatil de l’autre. Homberg, Acad. des Sc. 1701. Mém. p. 219. J’ai déflegmé ces deux esprits, de sorte que l’un dissolvoit fort bien l’or, & l’autre dissolvoit fort bien l’argent. Id. Acad. des Sc. 1700. Mém. p. 83.

DÉFLEGMÉ, ou DÉPHLEGMÉ, ée. adj. Terme de Chimie. Purifié, dégagé de son flegme, ou de sa partie aqueuse. Phlegmate purgatus. Ce terme se dit pour exprimer qu’un esprit est bien purifié, & bien séparé du flegme & de l’eau. Pour cet effet on le tire, c’est-à-dire, qu’on le distille plusieurs fois, & quand il est bien dégagé de toute l’eau & de tout le flegme, ou pour le moins autant qu’il le peut être, alors on dit que cet esprit est bien déflegmé. Harris.

☞ DÉFLEURIR. v. n. Qui se dit en parlant des arbres qui perdent leurs fleurs. Il faut attendre que les arbres soient défleuris, pour juger si les fruits sont noués. Deflorescere. Il est aussi actif, & signifie dans cette acception, faire tomber les fleurs des arbres. Flores decutere. Le vent a défleuri tous les abricotiers.

On le dit encore en parlant de certains fruits dont on ôte la fleur, le velouté de la peau en les touchant. Vous défleurissez ces prunes en les maniant. Deflorare.

DÉFLEURI, ie. part. Qui a perdu ses fleurs, dont les fleurs sont tombées. Spoliatus, nudatus floribus. On lève les lis pour ôter la grande abondance de peuple, après qu’ils sont défleuris, & aussi-tôt on les remet en terre. Morin. Prune, pêche défleurie, qui a perdu son velouté.

☞ DÉFLEXION. s. f. Terme de Physique. Action par laquelle un corps se détourne de son chemin, par l’action d’une cause étrangère, ou par le détour même. Acad. Fr. Il vient du Latin deflectere, détourner. Deflexio. Déflexion des rayons de lumière, propriété qui consiste en ce que les rayons de lumière qui rasent un corps opaque, au lieu de continuer leur chemin en ligne droite, se détournent en le pliant, & se plient d’autant plus qu’ils en sont plus proches. Newton dit inflexion, d’autres diffraction.

DEFLIS. adj. Vieux mot. Las.

DÉFLORATION. s. f. Action par laquelle on ôte de force la virginité d’une fille. Stupratio. La mort ou le mariage sont l’alternative ordonnée par les Juges en cas de défloration. Ce mot & les deux suivans ne se disent plus que dans le style grave, & principalement dans les procédures de Justice & dans les informations

DÉFLORER, v. a. Enlever la virginité à une fille. Vitiare, stuprare. Un ravisseur qui a défloré une fille par force est puni de mort par les Ordonnances. Plusieurs Anatomistes faisoient de l’hymen la véritable preuve de la virginité, persuadés que, quand on ne la trouve point, il falloit que la fille eût été déflorée. Dionis.

Défloré, ée. part. Fille déflorée.

DÉFLUER. v. n. Terme d’Astrologie. Ce mot se dit d’une planète légère qui a passe l’aspect ou la conjonction d’une autre plus pesante & plus tardive : elle déflue alors, c’est-à-dire, elle s’éloigne toujours de plus en plus.

DÉFLUXION. Il est hors d’usage. Voyez FLUXION, c’est la même chose. On trouve encore dans quelques Auteurs le mot de défluxion. Après avoir prescrit un régime de vivre, le premier but du Chirurgien doit être d’arrêter la défluxion. Degori.

Ce mot vient de defluo, je coule, je découle, parce que les humeurs coulent vers une partie, un endroit où elles s’amassent.

DÉFONCEMENT. s. m. Action par laquelle on ôte les douves qui servent de fond à un tonneau. Fundi exemptio.

☞ DÉFONCER, v. a. Terme de Tonnelier. Oter le fond d’un tonneau, d’un baril, les douves qui lui servent de fond. Dolio fundum detrahere. On a défoncé ce muid, cette futaille, pour y mettre de nouvelles douves.

Défoncer, terme de Corroyeur, signifie Fouler aux pieds un cuir de vache, après qu’on l’a mouillé, pour en ôter les fosses. Terere, proterere. Défoncer une vache.

Défoncer, terme d’Artificier, qui signifie l’effet de l’action du fer sur la composition d’un artifice, lorsque n’étant pas suffisamment retenue par un étranglement, ou du carton bien replié, elle est chassée hors du cartouche, avant que d’être consommée.

Défoncer, en Jardinage, signifie la même chose qu’effondrer. Voyez ce mot.

Défoncé, ée. part. Futaille défoncée. Terrein défoncé.

DÉFORMER, v. a. Gâter, ou corrompre la forme d’une chose. Formam detrahere, deformare. Il ne se dit guère que dans ces phrases ; déformer un chapeau, déformer un soulier.

Déformé, ée. part.

DEFORS. Vieux mot. Dehors.

DÉFOUETTER, v. a. Prononcez DÉFOITER. Terme de Relieur. C’est ôter la ficelle qui a servi à fouetter le livre, c’est-à-dire, à le bien serrer pour en marquer proprement les nerfs. Funiculum dissolvere. Il faut défouetter tous ces livres.

DÉFOURNER. v. a. Tirer du four. Le Boulanger n’a pas encore défourné son pain.

☞ On le dit, en termes de Verrerie, des ouvrages qu’on tire du four, quand ils sont assez cuits ou assez froids.

Défourner. Terme de Billard, qui signifie, faire passer sa bille dans la passe par l’endroit opposé à celui de la sonnette, lorsqu’elle étoit passée auparavant par l’autre. Il faut se défourner pour buter. Vous êtes fournier, il faut vous défourner. Il s’est défourné.

DÉFOYS. s. m. Vieux mot. Défense. On a dit aussi Désaise, qui a signifie encore défendu.

DÉFRAI. s. m. Payement de la dépense d’une maison, d’un équipage : Suppeditatio alineæ impensæ. Je ne voudrois pas entreprendre le défrai de cette maison, de cet équipage, pour mille francs tous les mois.

☞ Ce mot n’est plus en usage, quoiqu’on ait conservé défrayer.

DÉFRAYER, v. a. Payer la dépense de quelqu’un. Sumtus alicui suppeditare, subministrare. Le Roi défraie trois jours les Ambassadeurs étrangers dans l’Hôtel des Ambassadeurs extraordinaires. On donne tant de gages à ce Précepteur, & outre cela on le défraie de tout.

Défrayer la compagnie se dit figurément en parlant de ceux qui amusent agréablement une compagnie. Festivè delectare. On le dit aussi de ceux qui font rire la compagnie. Ridendi occasionem præbere. Et, dans un sens moins favorable, de ceux qui servent de risée. Ce mauvais Poëte a défrayé la compagnie pendant tout le repas. Dans ce sens il est du style familier.

Défrayé, ée. part.

DÉFRICHEMENT. s. m. Action de défricher : ce qu’on fait pour mettre en valeur une terre inculte. Agri novatio. Le défrichement de cette terre coûtera tant. Travailler au défrichement. Le Canada abonde en blé depuis le défrichement des terres.

Défrichement, se dit dans nos Colonies de l’endroit même que l’on défriche, ou que l’on a défriché. Ager novatus, novale. Il y avoit déjà là un beau défrichement, qu’il auroit bien augmenté.

DÉFRICHER, v. a. Mettre une terre en état d’être cultivée. Agrum ante incultum colere, rude solum arare. Dans plusieurs titres on trouve exemplare, comme si l’on disoit minus plenum reddere. Rendre un lieu, un champ, un terrein moins embarassé qu’il n’étoit, en abattant les bois, en arrachant les mauvaises herbes & les broussailles par des labours, pour le cultiver ensuite. On donne à ceux qui veulent aller faire de nouvelles habitations, autant de terres qu’ils en peuvent défricher.

Défricher, généralement parlant, signifie mettre en valeur une terre vague ou qui est en friche ; mais il signifie particulièrement, arracher les bois Deforestare, pour mettre la terre en une autre valeur, y semer du grain, planter de la vigne, &c. Duhamel.

Défricher, se dit figurément des affaires, des sciences qui sont embrouillées, & auxquelles on donne quelque éclaircissement ; que l’on débrouille & que l’on rédige en en méthode. Expedire, excutere, explicare, enucleare. Les Scaligers, les Casaubons, les Lipses, les Erasmes, sont ceux qui nous ont défriché les sciences dans le dernier siècle. Il y a des esprits d’une médiocre capacité, qui défrichent, qui préparent & qui entament les affaires. Balz. Défricher une langue, commencer à la cultiver, à la polir.

Défriché, ée. part.

DÉFRICHEUR. s. m. Qui défriche. Arator incultæ terræ. Il est juste que les défricheurs des terres en aient la propriété en recompense de leur travail.

DÉFRISER, v. a. Faire perdre la frisure à des cheveux. Crispatos capillos, calamistratam comam decutere, perturbare. Le brouillard défrise. Le grand vent, l’agitation du corps défrisent les personnes les mieux coëffees.

On dit aussi défriser ; pour dire, ôter les cheveux de dessous les papillotes. Défriser une perruque.

Défrisé, ée. part.

DÉFROC. vieux s. m. Désastre, désordre. Calamitas, malum, perturbatio.

DÉFRONCER. v. a. ôter les plis. Rugas explicare. On défronce des jupes, des hauts-de-chausses, des chemises qui ont été froncées ou plissées, en décousant ce qui entretient les plis.

On dit figurément défroncer le sourcil, pour prendre un air serein, se dérider le front, s’égayer. Frontem exhilarare. Les bons mots vinrent assez tard à la mode chez les Romains, où l’on ne défronçoit pas siaisement le sourcil. De Vign. Marv.

DÉFROQUE, s. f. Dépouille d’un Moine non reformé, d’un Chevalier qui a fait des vœux. Les biens meubles qu’un Moine ou un Bénéficier régulier laissent en mourant. Monachi vel equitis obligati votis hereditas. L’Ordre de Malte hérite, profite de la défroque des Chevaliers. La défroque des Moines appartient à l’Abbé.

Défroque, se dit aussi en un sens plus étendu, mais dans le style familier seulement, de la succession mobiliaire des autres personnes, lorsque quelqu’un en profite sans que ce soit par succession. Hereditas. Le bien de ce criminel a été confisqué, un tel courtisan a eu toute sa défroque. A la mort d’un Prince le Grand-Ecuyer a la défroque de l’écurie ; le Grand-Maître de la Garderobe celle des habits, &c. Il a vaqué plusieurs Bénéfices par la mort de cet Abbé, c’est un tel qui a eu toute sa défroque.

DÉFROQUER. v. a. Oter le froc ; quand on y joint le pronom personnel, il signifie, quitter le froc, l’état monacal, pour passer dans un autre état. Religosum alicui amictum detrahere, eripere ; aliquem religioso habitu exuere, spoliare. Un Moine se défroque, lorsqu’il obtient dispense de ses vœux, qu’il les fait déclarer nuls, quand il est fait Evêque, ou Cardinal. Quand on se défroque par libertinage, on est apostat.

☞ On dit populairement de ceux qui gagnent tout l’argent de quelqu’un au jeu, qu’ils l’ont défroqué. Exspoliare.

Défroqué, ée. part.

DÉFRUCTU. s. m. Terme tiré du Latin, dont on s’est servi en François, pour signifier le fruit, la menue dépense que fait celui qui prête sa table à ceux qui font des parties pour quelques repas où chacun apporte son plat ; comme bois, chandelle, linge, salades, desserts, &c. Il coûte souvent d’avantage à celui qui est obligé à payer le defructu, qu’à tous les autres. Voyez la Dissertation d’un Chanoine d’Auxerre sur l’origine de ce mot dans le Mercure de 1726. Celui à qui l’on annonçoit l’Antienne De fructu ventris tui, pendant l’Octave de Noël, étoit obligé de payer le souper.

DÉFRUIT. s. m. Provision, chose destinée à quelque usage. Il a acheté plusieurs arpens de bois, dont il vendra la meilleure partie ; & le reste sera pour son défruit. C’est un mot de Province.

DÉFRUITER. On a dit des arbres dans le vieux langage, se défruiter, pour dire, se dépouiller de ses fruits.

DEFTARDAR ou DEFTERDAR. s. m. Trésorier des Finances dans l’Empire Turc. Quæstor, Meninski l’appelle supremus Thesaurarius, Præses Cameræ, & après Castel, Qui libris accepti & expensi præest, ejusmodi codicum custos & minister ; Quæstor, Grand Trésorier, Camerlingue, Intendant des Finances ; c’est-à-dire, que la charge de Deftardar répond à celle-ci. Le Deftardar est celui qui tient les rôles, & les états de la milice & des finances chez les Persans & chez les Turcs ; c’est une des plus grandes charges de l’Etat, & qui a du rapport à celle de Surintendant ou Contrôleur Général des Finances en France. D’Herb. C’est le Deftardar qui reçoit les revenus du Grand-Seigneur, qui paie les troupes, & qui fournit toute la dépense nécessaire pour les affaires publiques, & par là cette charge est différente de celle du Chaznadar, dont nous avons parlé en sa place, & qui est Trésorier du Serail, de la maison du Prince ; au lieu que le Deftardar est Trésorier de l’Etat. Il y a un Deftardar dans chaque Beglierbeglic ou Gouvernement, & il est un des principaux Conseillers du Beglierbey, ou Gouverneur. Voyez Ricaut de l’Empire Ottoman.

Vigenère en parle aussi dans ses Illustrations sur l’Hist. de Chalcondyle, & il écrit Dephterderi, & non pas Deftardar. Il dit qu’il n’y a que deux Dephterderi, l’un pour l’Europe, & l’autre pour l’Asie, & qu’ils sont Surintendans Généraux des Finances, avant la charge de faire venir au Chasna, ou épargne tous les deniers, tant du Carazzi que des autres impositions & subsides ; qu’ils ont chacun quarante Commis sous eux, & ces Commis grand nombre de Clercs, qui vont & viennent de côté & d’autre pour le recouvrement des deniers, & pour s’informer des malversations ; que le Dephterderi d’Europe a dix mille écus d’état, & sous lui deux Commis Généraux, l’un pour la Hongrie, Transilvanie, Valaquie, Croatie, Servie, Bulgarie, Bosnie, & régions adjacentes ; l’autre pour la Grèce, la Morée & les Îles circonvoisines. Leurs Clercs, ou Sous-Commis, ont cinq ou six cens écus : quand le Grand-Seigneur va commander ses armées en personne, il a coutume de laisser ce Detpherderi d’Europe à Constantinople avec un des Bassas, pour commander en son absence ; que le Detpherderi d’Asie n’a que six mille écus de gages, & deux Commis, qui en ont deux mille chacun, l’un pour l’Anatolie, & l’autre pour la Syrie, l’Arabie & l’Egypte ; qu’ils ont pareillement plusieurs Sous-Commis, ou Clercs appointés comme ceux de l’Europe ; que les Dephterderi ont séance au Divan, & qu’ils entrent chez le Prince avec les Cadileschers, les Beglerbeys & les Bachas, & autres principaux du Conseil.

Ce mot est composè de דפתר, defter, nom Turc, qui signifie livre, cahier, mémoire, regitre, livre de compte où s’écrit la recette & la dépense ; & qui selon la conjecture très-vraisemblable de Méninski, est originairement un nom Grec que les Turcs ont pris des peuples qu’ils ont conquis : car διφθέρα signifie peau, sur laquelle on écrivoit autrefois, parchemin. Le second mot dont Defterdar est composé, est דאר, dar, nom Turc & Persan, qui signifie capiens, tenens, desorte que defterdar signifie celui qui tient le livre de la recette & de la dépense du Grand-Seigneur.

La charge de defterdar s’appelle דפתר דארלק Defterdarlyk.

DEFTEREMIM. s. m. Nom d’une charge de Finance dans l’Empire Ottoman. Quæstor. Vigenère qui en parle dans ses Illustrations sur l’Hist. de Chalcondyle, p. 109, écrit Dephteremim. Les Dephteremim, qui sont trois, l’un en Europe, l’autre en Anatolie, & le troisième en Syrie, Arabie & Egypte, sont presque comme nos anciens Trésoriers de France, qui ont leur bureau en la chambre du trésor, avec la charge du domaine. Car ceux-là connoissent de tout ce qui dépend du Timar. Ils ont sous eux au tant de Commis qu’il y a de Sangiacats, & ces Commis autant de Clercs qu’ils y a de Sabassis dans leur Sangiacat, pour faire les rôles des Timariots qui sont de leur ressorts. Les Dephteremim ont chacun quatre mille écus de pension ; leurs Commis cinq cens & leurs Clercs deux cens. Ils résident tous dans less lieux de leur département. Les Dephteremim n’entrent point au Divan, ni chez le Prince. Aussi ne viennent-ils guère à Constantinople. Vigenère, cité p. 109. & 110.

DÉFULER. v. a. Oter son chapeau. Caput aperire. Défulez-vous. Ce mot est bas & populaire. Les paysans de Normandie & de Picardie s’en servent ordinairement.

M. du Cange le fait venir de diffibulare.

DÉFUNER. v. a. Terme de Marine. Oser le funin, ou les cordages & les manœuvres des mâts & des vaisseaux. Funes nauticos tollere.

DÉFUNT, unte. adj. plus ordinairement substantif. Homme mort, décédé depuis quelque temps. Defunctus. On appelle le Roi défunt, le Roi dernier est mort. L’Eglise prie Dieu pour les défunts, pour les trépassés. Défunt mon père, défunt mon oncle avoient cette bonne coutume ; pour dire, feu mon père, feu mon oncle. Il faut élire un tuteur aux enfans du défunt. Les obsèques solennelles se font pour honorer les défunts.

Enfin, la mort aux morts ne laisse
De leur amour qu’un souvenir
Sans que leur défunte tendresse
Leur puisse jamais revenir. Mlle de la Vigne.

Dans ces Vers ce mot est employé dans un style naïf, simple & badin : ailleurs on ne s’en serviroit pas bien dans un sens métaphorique. Les bourgeois & le peuple disent la défunte, en parlant d’une femme morte, mais il semble qu’ils ne le font que lorsque sa mort est encore récente. Au Palais on s’en sert quelque temps qu’il y ait depuis la mort de celui, ou de celle dont on parle.

☞ Ce terme est plus du Palais que du beau langage. Les gens du monde ne disent point qu’un homme est défunt ; pour dire qu’il est mort. On dit feu mon père, plutôt que défunt. Le feu Roi, &c. pour la pauvre défunte, le pauvre défunt, c’est une expression tout-à-fait populaire.

Ce mot vient du Latin diem functus. Du Cange.

DEG.

DÉGAERIE. s. f. Terme de Coutumes. Charge, office de Dégan, exercice de la charge de Dégan.

☞ DÉGAGEMENT. Ce mot se prend ainsi que dégager dans différentes acceptions, tant au propre qu’au figuré. Il exprime en général l’action de rendre plus libre, plus aisé, de débarrasser ; l’état d’une chose dégagée, c’est ainsi qu’on dit le dégagement de la tête, de la poitrine, l’action par laquelle la tête, la poitrine est rendue plus libre, & débarrassée de ce qui l’incommodoit. Le dégagement de la parole, en parlant de l’action par laquelle on satisfait à une parole donnée, ou l’on en retire une dont l’accomplissement ne dépend pas de nous.

Dégagement est quelquefois synonyme à congé. On travaille au dégagement de ce jeune homme qui s’est enrôlé. Dans ce sens le mot congé est plus d’usage.

Dégagement. Terme de Maître d’armes. C’est une action qui consiste à dégager & débarrasser son épée d’avec celle de son ennemi, & à l’avoir toujours libre pour le percer. Expeditio, liberatio. Commencer ces dégagemens.

Dégagement, en termes de danse, est l’action de tirer avec grâce un pié placé & engagé par derrière pour le faite passer devant ou à côté.

Dégagement, en Architecture, est une issue secrète & dérobée qui sert à la commodité d’un logement. On appelle ainsi tout petit passage ou corridor pratiqué derrière un appartement, par lequel on peut s’échapper, sans passer par l’entrée ordinaire, par les grandes pièces. Occultus transitus. Un escalier de dégagement. Occultæ scalæ.

☞ En général on appelle dégagemens en Architecture, non seulement les petits passages, les escaliers dérobés, & les pièces d’appartement où l’on peut se retirer, & par où l’on peut se retirer, mais aussi une disposition de bâtiment & de ses parties qui donnent plus de jour, plus d’espace, plus de vide.

Dégagement s’est dit autrefois de l’action par laquelle on prend des gages. Pignoris acceptio. Voy. DÉGAGER.

DÉGAGER. v. a. Retirer une chose qu’on avoit mis en gage. Redimere, liberare, repignerare. Quand un pauvre Poëte a mis en gage son manteau, il a bien de la peine à le dégager. Dégager ses pierreries, sa vaisselle d’argent.

Dégager, signifie aussi, libérer une terre, une succession qui étoit chargée de dettes, d’hypothéques. Un bon Intendant doit avoir soin de dégager les biens de la maison de son Maître. Par son économie, il est venu à bout de dégager ses terres.

☞ On dit figurément dégager sa parole ; pour dire, retirer une parole qu’on n’avoit donnée que sous certaines conditions dont l’accomplissement n’a pas dépendu de celui qui l’avoit donnée. On dit aussi dégager sa parole, pour satisfaire à sa parole. Je vous avois promis votre argent : je viens dégager ma parole. Le voilà. Acad. Fr. Liberare fidem suam, exsolvere.

☞ On dit à peu-près dans le même sens dégager sa promesse, dégager sa foi.

☞ On dit aussi dégager son cœur, se dégager, se retirer de l’engagement où l’on étoit avec une femme. Il faut dégager son cœur des intérêts du monde. Etre dégagé des préjugés, de la crédulité populaire. Epicure dégageoit les voluptés des inquiétudes qui les précedent, & du dégoût qui les suit. S. Evr.

Dans une peine si cruelle
Le plus sûr seroit de changer ;
Mais tant qu’on vous verra si belle,
Le moyen de se dégager ? La Sabl.

Dégager la tête, la poitrine, la rendre plus libre, la débarrasser, la soulager de ce qui l’incommode.

Dégager, signifie aussi, Retirer d’un lieu périlleux & difficile. Expedire, liberare. Cet escadron étoit engagé au milieu des ennemis, on en a envoyé un autre pour le soutenir & le dégager. Ce cheval avoit le pied dans une ornière dont il a eu peine à se dégager. Se dégager de la presse.

Dégager s’est dit autrefois pour prendre gages. Pignus accipere, auferre. Quand ce mot étoit en usage dans le sens qui vient d’être expliqué, on écrivoit desgager.

Dégager, terme de Maître d’Armes. C’est, Débarrasser son épée d’avec celle de son ennemi, & l’avoir toujours libre pour s’en servir à son gré. Expedire, liberare. Dégager son épée. Liancourt. Contre-dégager se dit lorsque les deux parties dégagent, de sorte qu’après ce dégagement les deux épées se trouvent engagées comme auparavant.

Dégager, en termes de Maître à danser, c’est séparer avec grace un pied ou une jambe de l’autre.

Dégager, se dit aussi en Architecture. C’est, Oter la confusion des ornemens dans la décoration : c’est, Faciliter les dégagemens des appartemens, en leur donnant une autre issue que la principale, par des corridors, par des escaliers dérobés. Ædes pervias facere. Il faut avoir soin de dégager les chambres, les appartemens, par des corridors, ou des escaliers dérobés.

Dégager, en termes de Marine, se dit d’un vaisseau gardé sur lequel on chasse ; c’est le délivrer des ennemis qui le poursuivent, & le mettre en liberté de faire sa route.

En parlant d’un habit qui fait bien paroître la taille d’une personne pour qui il est fait, on dit qu’il dégage la taille. Ac. Fr.

Dégager, en termes de guerre, signifie retirer à prix d’argent un soldat qui s’est enrôlée. Les enfans libertins font la sottise de s’enrôler, & les peres font celle de les dégager.

Dégager, terme de Metteur-en-œuvre. C’est quand une pierre a reçu son premier serti, c’est à-dire, qu’elle a été serrée au poinçon, former à l’échope les griffes qui la doivent retenir, & dépouiller d’alentour la matière superflue. Encyc.

Dégagé, ée. part. & adj. L’amour de Dieu doit être simple & dégagé de tout motif de propre intérêt. Expeditus, solutus, liberatus. Fenel. La raison toute seule, quelque dégagée qu’elle puisse être des préjugés, ne suffit pas pour juger du véritable sens de l’Ecriture. Auraije l’audace de prononcer hardiment qu’il n’est pas possible à celui qui peut tout & qui fait tout, de multiplier d’une manière toute surnaturelle & toute divine la substance de N. S. libre & dégagée de ses qualités corporelles, avec lesquelles il est en un seul lieu, comme tous les autres corps ? Pélisson.

☞ Taille dégagée, air dégagé, taille aisée, air aisé. Avoir des airs dégagés, les avoir un peu trop libres, trop familiers.

☞ Degré dégagé. Petit degré qui sert d’issue secrète à un appartement. Appartement bien dégagé, quand il y a plusieurs portes ou escaliers par où l’on peut sortir d’une chambre sans passer de l’une en l’autre. Expeditus, commodus, pervius. Des offices, des écuries dégagées, quand elles sont dans une basse-cour, sans incommoder le maître. On dit aussi qu’une rue est dégagée, quand il n’y a plus l’embarras auquel elle étoit sujète auparavant : qu’une maison de campagne est bien dégagée, quand il n’y a rien qui lui ôte la vue.

DÉGAINE. s. f. Vieux mot qui n’est en usage qu’en cette phrase proverbiale. Il s’y prend d’une belle dégaine, pour dire de mauvaise grâce, d’une manière maussade. Ineptè, inconcinnè. Cette femme n’est elle pas d’une belle dégaine pour briller à la Cour ? Voilà une femme d’une belle dégaine.

DÉGAINER, v. a. Mettre une épée à la main, la tirer du fourreau. Ensem distringere. Il dégaina son épée, & se mit en défense. Il est un peu burlesque en ce sens. Il faut dire tirer l’épée.

Dégainer, quoique actif, s’emploie ordinairement sans régime, pour se battre. Allons il faut dégainer.

On dit figurément qu’un homme est brave jusqu’au dégainer, pour dire que c’est un homme qui fait le brave, & qui ne l’est pas dans l’occasion.

On le dit aussi de ceux qui ont promis merveilles en quelque sorte d’affaires que ce soit, & qui ne font rien quand il faut agir. Il m’avoit promis de me servir, mais il n’en a rien fait, il a été brave jusqu’au dégainer. Ce mot n’est guère d’usage que dans le style familier. Ac. Fr.

Dégainer, se dit figurément en Morale de ceux qui n’aiment point à tirer de l’argent de leur bourse. Pecuniam erogare. Cet homme est dur à la desserre quand il faut payer, il n’aime point à dégainer. Cela ne se dit qu’en riant.

Il se dit encore, mais bassement, pour Tirer des citations de sa mémoire, produire des témoignages d’Auteurs, des faits, &c. Je m’attendois bien qu’après avoir dégainé tant de Grec & de Latin, tu viendrois à la fin à parler Hébreu. Mascur.

On dit proverbialement : Il ne frappe pas comme il dégaine, pour dire que les effets ne répondent pas aux menaces.

Dégainé, ée. part,

DÉGAINEUR. s. m. Bretteur, ferrailleur, qui a toujour la flamberge au vent. Levi de causâ machæram educens.

Tous ces grands Dégaineurs sont gens que l’on évite. Dict. Com.

DÉGAN. s. m. Terme de Coutumes, Officier établi dans chaque paroisse. Il est parlé des Dégans dans quelques Coutumes.

DÉGANTER, v. a. Oter les gans. Chirothecas eximere. Se Déganter. Chirothecas ponere. Dégantez moi. Telle femme ne se dégante que pour montrer un beau bras.

Déganté, ée, part.

DÉGARNIR. v. a. Oter ce qui garnissoit. Nudare, spoliare. Dégarnir une maison, une chambre, un lit, des bas, une tapisserie. On le dit de toutes les choses qu’on n’avoit ajoutées que pour plus de perfection & de commodité.

On dit aussi, Se Dégarnir, pour dire, s’habiller plus légèrement. Levioribus uti vestibus. Il ne faut pas se dégarnir trop tôt, on est en danger de s’enrhumer.

Dégarnir, se dit aussi des places de guerre. Dégarnir une place, c’est-à-dire, en ôter les soldats & les munitions. Urbem nudare militibus. Sur la mer, dégarnir un vaisseau, c’est en ôter les agrès. Dégarnir le cabestan, c’est en ôter la tournevire & les barres.

Dégarnir un arbre, en termes de Jardinage, c’est retrancher les branches qui sont de trop, qui viennent mal, ou qui nuisent à la figure. On dit aussi qu’un arbre se dégarnit, pour dire qu’il perd ses branches, qu’elles périssent par quelqu’accident que ce soit, & qu’il n’en pousse point de nouvelles. Ramos amittere, non emittere. Cet arbre se dégarnit entièrement par le bas. Ce pêcher est tout dégarni, c’est-à-dire, qu’il n’a plus de branches pas le bas sur lesquelles on puisse faire une taille. Liger.

☞ On dit, dans le même sens, que la tête se dégarnit de cheveux. Nudari capillis.

Se Dégarnir, se dit aussi de quelqu’un qui a des effets ou de l’argent à un autre, qui lui doit d’ailleurs, & qui ne veut pas s’en désaisir qu’il ne soit payé de ce qui lui est dû.

Dégarni, ie. part. pass. & adj. Nudatus, spoliatus. Il se dit d’une place de guerre, dont on a ôté les soldats & les munitions. François I. voyant la Navarre dégarnie, voulut profiter de l’occasion pour regagner ce Royaume, dont Ferdinand avoit dépouillé Jean d’Albret, & que Charles V. retenoit contre le traité de Noyon. Bouh. Vie de S. Ignace. L. I.

DÉGASCONNER. v. a. Ce mot ne se dit qu’en badinant, pour dire, Défaire quelqu’un de ses façons de parler Gasconnes. Dedocere aliquem Vasconum loquendi morem. Malherbe se vantoit d’avoir dégasconné la Cour. Il y a des gens qui ne se dégasconnent jamais.

DÉGÂT. s. m. Terme général qui désigne particulièrement tous les maux que l’on peut causer à l’ennemi par la désolation de ses terres & par le ravage de ses biens, pendant le cours de la guerre. Depopulatio, vastatio. Les ennemis ont fait le dégât de leur propre frontière pour en empêcher l’entrée.

Dégât, en Agriculture, se dit des moindres ravages, des dommages qui causent de la perte. Le bétail & la fauve sont de grands dégâts dans les jeunes bourgeons. Les sangliers font du dégât dans les sémis. Les Picoreurs & les Usagers font un grand dégât dans les forêts. La grêle a fait un grand dégât dans les vignes.

Dégât, se dit encore d’une grande consommation de denrées, de vivres, qui se fait sans économie. On fait dans cette maison un grand dégât de bois, de vin. Sumtus.

Ce mot vient de devastatio. Nicot.

DÉGAUCHIR. v. a. Terme d’Artiste. C’est dresser le parement d’une pierre, applanir une pièce de bois, ou de métal, & ôter ce qu’il y a de trop en quelque endroit pour l’unir, & la rendre droite ; faire qu’elle ne soit plus gauche, irrégulière. Æquare, complanare, exæquare.

Dégauchir. Détourner, tourner vers un autre côté, changer la direction qu’une chose avoit. Distrahere, dispellere. Si une jeune plante est dégauchie de sa perpendiculaire par quelque cause violente, elle se redresse à l’extrémité, & reprend la perpendiculaire. Dodart. Ac. des S. 1700. Mém. p. 48.

Dégauchi, ie. part.

DÉGAUCHISSEMENT. s. m. L’action de dégauchir, de détourner, de donner une autre direction. Distractio, conversio. Cette seconde direction s’est faite par un dégauchissement insensible. Dodart. Ac. des Sc. 1700. Mém. p. 54.

C’est aussi l’effet de cette action, la situation d’une chose dégauchie, détournée de sa première direction. Ce dégauchissement a été causé par le raccourcissement des fibres. Id. p. 55. Cette seconde direction est faite comme la première par un dégauchissement insensible de l’extrémité de la première crosse. Id. p. 54.

☞ DÉGEL. s. m. Ce mot, dans l’usage ordinaire, signifie l’adoucissement de l’air qui fait fondre la glace, la neige. Il signifie aussi la fonte de la glace qui, par la chaleur de l’air, reprend son premier état de fluide. Glaciei ac nivis solutio. Il y a à craindre sur les ponts dans un grand dégel. Les rivières grossissent dans le dégel. Le vent est au dégel.

☞ Les causes générales du dégel sont le retour du soleil vers nous, les vents du sud chauds & humides, &c.

DÉGELER, v. a. Fondre la glace, redonner le mouvement à un fluide que le froid avoit glacé. Glaciem ac nivem solvere, regelare. Quand on fait dégeler le fruit gelé, il perd son goût. Quelques uns font dégeler les fruits dans l’eau froide, dans un lieu un peu chaud. Il se fait une croûte de glace tout à l’entour, laquelle étant ôtée, il se trouve aussi bon & aussi sain qu’auparavant.

Dégeler, est aussi neutre. Solvi, regelari. La rivière dégèle. La rivière commence à dégeler. Il se dit même fort souvent dans l’impersonnel & absolument. Il dégèle, il commence à dégeler.

☞ Il est aussi réciproque. La rivière commence à se dégeler. L’eau se gèle du centre à la circonférence, & se dégèle de la circonférence au centre.

On dit figurément qu’un homme se dégèle, quand il commence à parler, après avoir été long-temps morne & taciturne par timidité. Expression populaire.

Dégelé, ée. part.

DÉGÉNÉRATION. s. f. Action de dégénérer, dépérissement. Nous voyons en lisant les anciens Botanistes, que beaucoup de plantes qu’ils nommoient par un certain nom, ne sont point celles que nous connoissons aujourd’hui sous le même nom ; ou si elles le sont, elles ont si fort changé par dégénération ou autrement, qu’il est presque impossible de les avouer pour les mêmes. Merc. d’Août 1735. Ce mot est peu en usage.

DÉGÉNÉRER, v. n. Devenir moindre en valeur, en mérite. Se relâcher de la vertu, de la vigueur de ceux qui nous ont précédés. Degenerare, deflectere. Le monde dégénère, & va de mal en pis, selon l’opinion commune. Les Romains ont bien dégénéré de la vertu de leurs pères. Dégénérer de la piété de ses ancêtres. Patru. On dit qu’un homme dégénère, pour dire qu’il vaut moins qu’il ne valoit autrefois.

Dégénérer, se dit, en agriculture & en jardinage, des plantes qui cessent de porter d’aussi bons fruits qu’au commencement. Un oignon dégénère, quand il est inférieur en beauté à la mère qui l’a produit. Le bled dégénère, ou bise toujours : quoiqu’on ne séme que du pur froment, il viendra toujours du seigle parmi, & avec le temps ce ne sera plus que du méteil. C’est pour cela que les laboureurs renouvellent de temps en temps leurs semences, & vont en chercher dans les endroits voisins.

☞ On dit dans le même sens des animaux, qu’ils dégénèrent, pour dire qu’ils ne sont plus de la même beauté, qu’ils n’ont plus les mêmes qualités que ceux dont ils viennent.

Dégénérer, se dit figurément des choses spirituelles, & de tout ce qui se tourne ou se change de bien en mal. Le style pompeux dégénère souvent en galimatias. Le gouvernement d’un seul a quelquefois dégénéré en tyrannie. Cette fièvre quarte pourra enfin dégénérer en continue.

DEGGIAL. Voy. Daggial, Deghin ou Deghim, Royaume d’Afrique dans la Nubie, qui confine aux Provinces septentrionales de l’Abissinie ; il est peu connu.

DÉGINGANDÉ, ée. adj. Ce mot au propre signifie à demi-rompu, brisé ou disloqué. Il se dit ordinairement des machines automates qui ont quelque chose de détraqué. La plupart des fameuses horloges qui marquoient tant de mouvemens différens sont aujourd’hui dégingandées, comme celle de Strasbourg, dont le coq ne chante plus. Il y a une machine à l’Arsenal de Venise, avec laquelle on allume cinq cens mèches à la fois : machine un peu dégingandée. Misson.

Dégingandé, ée. adj. Terme burlesque, dont on se sert pour se mocquer d’une personne qui n’a pas une démarche, une contenance ferme & assurée. Incompositus, inconcinnus.

Dégingandé au figuré. Madame de Sévigné écrivant au comte de Bulli, emploie ce mot non-seulement en parlant des personnes, mais aussi des choses. Je vous écrirai quand vous m’écrirez, ou quand la fantaisie m’en prendra. Je pense qu’il ne faut rien de plus réglé à des conduites aussi dégingandées que les nôtres. Ce mot n’est que du style familier dans toutes ses acceptions.

DÉGLAVIER. v. a. Vieux mot. Faire mourir par le glaive. Il a signifié aussi tirer une épée hors du fourreau.

DÉGLUER. v. a. Il se dit au propre des oiseaux qu’on débarrasse de la glu. Aviculam visci tactu ligatam expedire. On dit aussi se dégluer les yeux, les laver, pour ôter la chassie qui colloit les paupières. Palpebras deglutinare.

DÉGLUTITEUR. s. m. Terme d’Anatomie. C’est le nom d’un muscle de l’estomac, ou plutôt du pharynx, qui se resserre comme un anneau, pour pousser en bas les alimens. Ce mot vient de degluare, avaler. Quelques Anatomistes donnent à ce muscle le nom d’œsophagien.

DÉGLUTITION. s. f. Terme de Médecine, qui se dit de l’action par laquelle on avale les alimens. Action par laquelle les alimens mâchés, hachés & broyés par les dents, humectés & pénétrés par les différens sucs salivaires, & ceux qui sont naturellement liquides, sont portés de la bouche dans l’œsophage, sont avalés & portés dans l’estomac. Voyez tous ces mots. Deglutitio. Elle se fait premièrement par le moyen de la langue qui pousse les alimens dans l’œsophage, & ensuite par la contraction du sphincter & des fibres charnues de ce même œsophage, qui les fait descendre dans l’estomac. La déglutition est empêchée, lorsqu’on ne peut avaler qu’avec peine, ou qu’on ne peut avaler certaines choses, quoiqu’on avale bien les autres.

Ce mot vient du Latin deglutire, avaler.

☞ DÉGOBILLER. v. a. Terme populaire & bas, qui signifie, Vomir les alimens solides ou liquides que l’on a pris avec excès. Vomere. Il a dégobillé son dîner.

Dégobillé, ée, part.

DÉGOBILLIS. s. m. Alimens dégobillés. Eructati cibi. Il est bas.

☞ DÉGOISER. v. a. En parlant du chant des oiseaux, synonyme de chanter, gasouiller. Garrire. Au propre on ne le dit plus.

☞ Au figuré, dans le style familier ou burlesque, on le dit de ceux qui parlent trop ou mal-à propos. Garrire quodlibet, effutire quidquid in buccam venit. Cette femme a dégoisé tout ce qu’elle savoit.

☞ Il est aussi neutre. On dit qu’un prisonnier a dégoisé, qu’on l’a fait dégoiser, pour dire qu’il a avoué des choses qu’il étoit de son intérêt de cacher.

☞ Femme qui aime à dégoiser, qui aime trop à parler. Garrulosa.

☞ DÉGORGEMENT. s. m. Épanchement, débordement des eaux & des immondices retenues. Effusio. Le dégorgement des égoûts de la ville de Paris. Le dégorgement d’un évier, d’une gouttière.

☞ On le dit de même en parlant de l’épanchement, du débordement des humeurs du corps humain. Il lui est survenu un dégorgement de bile. Effusio bilis, suffusio.

Dégorgement, Terme de Teinture & de Manufacture, se dit des étoffes. Expressio. Les moulins à Foulon servent au dégorgement des draps pour en ôter les graisses & le superflu de la laine. Voyez Dégorger.

DÉGORGEOIR. s. m. Terme d’Artillerie. C’est un gros fil de fer ou poinçon d’environ huit pouces de long, dont les Canonniers se servent sur mer pour percer ou crever la gargousse. On appelle aussi dégorgeoir, un petit fer ou fil d’archal dont on se sert pour ouvrir & dégorger la lumière du canon, lorsqu’il s’y est amassé de l’ordure.

Dégorgeoir, en Serrurerie, espèce de ciseau à chaud dont le Forgeron se sert, ou pour enlever, des pièces qu’il forge, des parties qu’il ne peut détacher avec le marteau, ou pour leur donner des formes qu’elles ne peuvent recevoir que d’un instrument tranchant.

DÉGORGER, v. a. Oter les ordures, ou le sable qui empêche de passer des eaux, des humeurs dans des tuyaux, des conduits, des passages. Expurgare, purgare. On a fait jouer toutes les eaux de Versailles pour dégorger les tuyaux. Dégorger un égoût, un évier.

Dégorger, est quelquefois neutre, & souvent réciproque, & se dit dans le même sens que se répandre, s’épancher, en parlant des eaux contenues par des digues, & des liqueurs contenues dans des vaisseaux. Effundere se. Si cet égoût vient à dégorger, tout le quartier sera infecté de l’odeur. Quand les pluies, les ravines font dégorger un étang, quand un étang se dégorge, il inonde les endroits bas. Quand la bile se dégorge, elle fait de grands ravages dans le corps.

Dégorger, se dit aussi des eaux qui tombent dans d’autres eaux. Effundere se, exonerare se. La rivière de Marne se dégorge dans la Seine. Le Volga & plusieurs autres grandes rivières se dégorgent dans la mer Caspie. Dégorger, en ce sens, n’est pas si usité que décharger.

Dégorger, en Chirurgie, signifie faire sortir du pus, quelque matière d’une plaie, d’un abscès. Quoique après l’ouverture du panaris, il n’en sorte quelquefois que de la sérosité du sang, cela ne laisse pas que de soulager la malade, en dégorgeant la partie. Dionis. On dit aussi à l’égard des chevaux qui ont les jambes gorgées, qu’il les faut promener pour les dégorger.

Dégorger, terme de Pêche, se dit du poisson, quand on le met dans une eau claire & courante pour lui faire perdre le goût de marée ou la senteur de la bourbe. Le poisson d’étang est meilleur, quand on l’a laissé dégorger quelque temps dans les boutiques qui sont sur les rivières. Les saumons se dégorgent en remontant dans les rivières.

Dégorger, en termes de Teinturier, signifié, Laver dans la rivière, des laines, soies & étoffes qu’on fait cuire avec du savon blanc, ou autre graisse, ou tremper dans l’alun, pour en faire sortir ce qu’il y a de superflu. Purgare, expurgare.

Dégorger, en termes de Corroyeurs, c’est à peu près la même chose que Drayer, ou écharner ; à la réserve qu’il ne se dit que des têtes de cuirs de veaux.

Dégorger les cuirs. Terme de Tanneur. C’est les faire tremper dans la rivière, pour ôter le sang & les autres immondices, & les disposer à être tannés.

Dégorger. Terme de Maréchallerie. On dit, Dégorger un cheval, pour dire, lui faire dissiper une enflure en le promenant.

On dit aussi chez les Menuisiers, Dégorger la lumière d’un rabot, quand elle est gorgée de copeaux.

Dégorgé, ée. part. Il a les significations de son verbe en Latin comme en François.

DÉGOTTER. v. a. Déplacer. Ce mot ne se dit qu’en badinant. Les cartes modernes ne s’accordent point avec les anciennes, & elles différent même entre elles, en sorte qu’on dégotte mille fois Paris. C’est ainsi que s’exprime une Demoiselle, qui a pourtant beaucoup d’esprit. Obs. sur les Ecrits mod. T. 21, p. 126.

DÉGOURDELLI. adj. Mot du vieux langage, qui se trouve dans la signification d’habile.

DÉGOURDIR. v. a. Oter l’engourdissement qui a été causé par un grand froid, redonner du mouvement, de la chaleur à ce qui étoit engourdi. Torporem discutere. Il faut se chauffer les mains pour les dégourdir, ou désengourdlr peu-à-peu. Mes mains commencent un peu à se dégourdir. On dit aussi, Dégourdir les jambes, quand on commence à les exercer, après avoir été engourdies. Ce cheval n’est pas encore dégourdi, quand il aura fait une lieue, il ira mieux le train. On dit aussi, faire dégourdir de l’eau, faire chauffer un peu l’eau, pour lui ôter sa grande froideur. Dans ce sens dégourdir est neutre. On dit aussi qu’une viande est à peine dégourdie, pour dire qu’il y a trop peu de temps qu’elle est au feu pour être cuite, & qu’à peine elle est échauffée. Vix primum calorem experta.

Dégourdir se dit aussi activement dans un sens figuré, mais dans le style familier seulement, pour façonner quelqu’un pour le commerce du monde, le rendre propre à quelque chose. Cautiorem & callidiorem reddere. Rien n’est plus capable de dégourdir un jeune homme que la fréquentation des bonnes compagnies.

☞ On dit, dans le même sens, se dégourdir. Ce jeune homme commence à se dégourdir.

Dégourdi, ie. part. On dit substantivement, c’est un dégourdi, un homme à qui on n’en fait point accroire. Cautus, vaser, emunctæ naris.

DÉGOURDISSEMENT. s. m. Action par laquelle les membres engourdis se dégourdissent & se rétablissent en leur premier état. Torporis discussio. Le dégourdissement se fait sentir par un picotement dans les nerfs.

DÉGOUT. s. m. Défaut d’appétit, se dit, en Médecine, des alimens que l’on a de la répugnance à prendre. Fastidium, cibi satietas. Il y a des gens qui ont du dégoût pour le vin, pour le sucre, &c. La maladie donne du dégoût pour les meilleures viandes.

Le dégoût est une maladie de l’estomac, c’est, disent les Médecins, un des principaux symptomes du ventricule. Le dégoût procède du défaut de sensation dans l’orifice supérieur du ventricule : ce défaut est causé par la trop grande abondance d’alimens, par des humeurs crasses & lentes qui sont dans le ventricule, par les alimens gras & visqueux, par l’intempérie chaude ou froide, par l’obstruction des veines lactées, par la suppression des évacuations ordinaires, par l’intermission d’un exercice accoutumé, par le vice des nerfs dont la faculté est abolie ou suspendue, comme dans l’apoplexie, la létargie, &c. Selon Sylvius, par une salive trop grasse & trop visqueuse, ou par une bile trop grasse qui remonte des intestins grêles dans le ventricule. Le dégoût a encore d’autres causes qu’on appelle non naturelles, qui sont la trop grande chaleur de l’air, l’excès dans le dormir, le repos & l’oisiveté, les grands chagrins, le cours de ventre. Toutes ces causes, quand elles sont légères, affoiblissent seulement l’appétit, & causent un léger dégoût. Solterfoth rapporte à ce propos qu’un enfant étant malade d’un grand dégoût, & vomissant tout ce qu’on lui faisoit prendre, remèdes & alimens, il ordonna qu’on lui donnât tout ce qu’il demanderoit ; l’enfant en vit par hasard un autre qui mangeoit des poires toutes vertes encore, il en demanda, on lui en donna une, il la mangea avec beaucoup d’appétit, dès le moment ses vomissemens cessèrent, peu à peu l’appétit lui revint, & il guérit.

Dégoût se dit dans un sens figuré de l’aversion qu’on prend pour les choses ou pour les personnes. Abalienatio, alienatio, fastidium. Témoigner du dégoût pour une personne. Rac. Il a un grand dégoût pour toutes les sciences vaines & conjecturales. Un Chrétien a un grand dégoût pour toutes les vanités du siècle. Cet enfant a du dégoût pour l’étude. Aversari.

Dégoût se prend aussi dans le sens figuré, comme synonyme de chagrin, déplaisir. Ceux qui n’aiment point à flatter, trouvent de grands dégoûts à la Cour. Les voluptés ne sont pas exemptes de dégoût. Satietas voluptatibus non deest. Epicure dégageoit les voluptés des inquiétudes qui les précèdent, & du dégoût qui les suit. S. Evr. C’est une des miséricordes de Dieu, de semer des amertumes & des dégoûts parmi les douceurs trompeuses du mondes Nicol. Les François ne sauroient recevoir un maître sans chagrin, ni demeurer les leurs sans dégoût. S. Evr.

DÉGOUTANT, ANTE. adj. Qui donne ou cause du dégoût, de l’aversion, du déplaisir. Fastidiosus. Il se dit tant au propre qu’au figuré, des Viandes, des personnes, & des autres choses. La laideur est fort dégoûtante. La saleté est dégoûtante. Cela va plus au corps qu’à l’esprit : on dit qu’un homme est dégoûtant, quand il est mal propre. Bouh. On ne laisse pas de l’employer au figuré. Il y a des gens dégoûtans avec du mérite, & d’autres qui plaisent avec des défauts. Rochef. Il arrive bien des choses dégoûtantes dans le monde. Acad. Fran.

☞ DÉGOUTER. v. a. Oter l’appétit, faire perdre le goût. Fastidium & satietatem afferre, creare, parere. On dégoûte les gens en leur donnant trop à manger. Trop d’avoine dégoûte un cheval.

Dégoûter, se dit figurément, pour Donner de l’éloignement pour une chose ou pour une personne, faire qu’on cesse de la trouver à son gré. Fastidium, satietatem afferre, creare. Ce jeune homme avoit quelque goût pour les Lettres ; mais à force de lui en parler, on l’en a dégoûté. Ce Novice avoit d’abord beaucoup de zèle pour la Religion ; mais les trop grandes austérités l’en ont dégoûté. La Comédie ne sert qu’à rendre le vice aimable, & à dégoûter de la vertu. S. Evr. Le peu d’utilité qu’on tire de la vertu dans le monde, dégoûte des fatigues où elle expose. Bail. La vie fatigante des Courtisans, & les rebuts qu’ils souffrent, ne les dégoûtent point de la Cour. M. Esp.

☞ Il est aussi réciproque. Se dégoûter, prendre du dégoût, de l’aversion, cesser de trouver une chose à son gré. Alicujus rei fastidio satietate affici. Il s’est dégoûté de son métier, de son emploi, de la vie champêtre, de sa femme. Puisqu’on se dégoûte quelquefois de soi-même, il est encore plus aisé de se dégoûter des autres. S. Evr.

Dégoûté, ée. part. & adj. Il ne faut pas être dégoûté, sous prétexte d’être délicat. Alicujus rei fastidio ac satietate affectus. Menag. Il se prend quelquefois substantivement. Il y a des gens d’une délicatesse affectée, qui prétendent se mettre au-dessus des autres, en faisant les difficiles & les dégoûtés. Bell.

☞ On dit en proverbe, & par contre-vérité, c’est un bon dégoûté, c’est-à-dire, un homme de bonne humeur, de bon appétit, qui aime la bonne chère.

☞ DÉGOUTTANT, ante. Qui dégoutte. Stillans. Il est tout dégouttant de pluie, de sueur. Ce linge est encore tout dégouttant d’eau.

☞ DÉGOUTTER, v. n. Couler goutte à goutte. Stillare, distillare, destillare. L’eau dégoutte dans les caves, dans les cavernes. Si le sang eût dégoutté par dehors, c’eût été un mauvais augure. Vaug.

☞ On le dit aussi des choses par où dégoutte quelque liquide. Les toîts dégouttent long-temps après qu’il a plu. Le front lui dégoutte de sueur.

☞ On dit proverbialement & figurément, s’il pleut sur lui, il dégouttera sur moi ; s’il lui arrive du bien ou du mal, j’en aurai ma part. Quand il pleut sur le Curé, il dégoutte sur le Vicaire.

On dit aussi par la même raison, qu’à la Cour, & auprès des Grands, s’il n’y pleut, il y dégoutte, pour dire, que si l’on n’y a pas toujours de grandes fortunes, on en tire du moins quelque grace, quelque avantage.

Dégoutter, se dit aussi d’un homme qui est si plein d’une chose, qu’elle en sort de tous côtés. Aliquid manare, diffluere aliquâ re, manare. Ainsi la Bruyère a dit en parlant de certaines gens enivrés de la faveur des Grands, que, quand on les preste, ils dégouttent l’orgueil, l’arrogance, la présomption. Dégoutter est là actif.

DÉGRADATION. s. f. Destitution ignominieuse d’un Ordre, d’une qualité, d’une dignité ou degré d’honneur, dans le cas d’une condamnation. Alicujus honoris de gradu dejectio, depulsio. La dégradation d’un Prêtre, d’un Gentilhomme, d’un Officier, se fait avec plusieurs cérémonies. Celle qu’on faisoit autrefois pour la dégradation de Noblesse est curieuse, & mérite d’être ici rapportée après Géliot & la Colombiere. Elle fut pratiquée du temps de François I. contre le Capitaine Frauget, qui avoit rendu lâchement Fontarabie. On assembloit vingt ou trente Chevaliers sans reproche, devant lesquels le Gentilhomme étoit accusé de trahison, & de foi mentie, par un Roi, ou un Héraut d’armes. On dressoit deux échaffauts ; l’un pour les Juges assistés des Rois, Hérauts & Poursuivans d’armes ; l’autre pour le Chevalier condamné, qui étoit armé de toutes pièces, & son écu planté sur un pieu devant lui, renversé & la pointe en haut. A côté assistoient douze Prêtres en surplis, qui chantoient les vigiles des morts. A la fin de chaque Pseaume ils faisoient une pause, pendant laquelle les Officiers d’armes dépouilloient le condamné de quelques pièces de ses armes, en commençant par le heaume, jusqu’à ce qu’ils l’eussent dépouillé tout-à-fait, & puis ils brisoient l’écu en trois pièces avec un marteau. Ensuite le Roi d’armes renversoit un bassin plein d’eau chaude sur la tête du condamné. Après les Juges prenoient des habits de deuil, & s’en alloient à l’Eglise. Le dégradé étoit descendu de l’échaffaut avec une corde attachée sous ses aisselles, & mis sur une civière & couvert d’un drap mortuaire, & les Prêtres chantoient encore à l’Eglise quelques prières pour les trépassés ; & puis on le livroit au juge Royal, & à l’Exécuteur de la Haute-Justice. Pour les Ecclésiastiques, on n’attend plus les formalités de la dégradation pour les exécuter à mort, à cause des difficultés, & des retardemens qu’on y apportoit. D’ailleurs, la dégradation n’efface pas le caractère. Du Bois. Boniface avoir décidé qu’il falloit six Evêques pour dégrader un Prêtre ; mais la difficulté d’assembler tant d’Evêques rendoit la punition des crimes presque impossible.

On trouve à Constantinople au VIIIe siècle un exemple de dégradation avant la condamnation à la mort. C’est dans la personne du Patriarche Constantin, que Constantin Copronyme fit mourir. On le fit monter sur l’ambon. Le Patriarche Nicétas envoya des Evêques pour lui ôter le Pallium & l’anathêmatisa ; puis on le fit sortir de l’Eglise à reculons. Quand Crammer, Archevêque de Cantorberi, fut dégradé pour ses crimes & son apostasie, on le revétit d’habits Pontificaux faits de cannevas seulement. On lui mit la mitre en tête, & la croix à la main ; en cet équipage on le montra au peuple, puis on l’en dépouilla pièce par pièce.

Il semble que la dégradation ne diffère de la déposition que par quelques cérémonies infamantes que la coutume y a ajoutées : c’est pour cela que dans l’affaire d’Arnoul Archevêque de Reims, jugé au Concile d’Orléans en 991. les Evêques, délibérèrent quelle forme on devoit suivre dans sa déposition, celle des Canons, c’est-à-dire, celle de la simple déposition, ou celle de la coutume, c’est-à-dire, celle de la dégradation ; & on déclara qu’il tendroit l’anneau, le bâton pastoral & le Pallium, mais qu’on ne lui déchireroit point ses habits. Les Canons ne prescrivent rien autre chose que la lecture de la sentence. Il paroît donc que ce que la coutume avoit ajoûté, étoit le dépouillement des ornemens & le déchirement des habits Pontificaux, ce que l’on a appelé dégradation.

Les Canonistes distinguent la dégradation en verbale & en actuelle. La dégradation verbale n’est autre chose que la déposition, & se fait par une sentence de l’Evêque, ou de son Vicaire-Général, sans dessein pourtant d’en venir à la dégradation actuelle. La dégradation actuelle se fait aussi par une semblable sentence, en conséquence de laquelle le coupable est publiquement dépouillé des habits propres, & de toutes les marques de son Ordre, & on lui rase la tête. Cela se doit faire par son Evêque, en présence de cinq autres Evêques, si le coupable est Prêtre, & de deux seulement, s’il n’est que Diacre. Comme il étoit difficile d’assembler tant de Prélats, la dégradation actuelle a cessé en France depuis la fin du XVIe siècle. Cependant, afin d’en faciliter l’exécution, le Concile de Trente a réglé que des Abbés crossés & mitrés pourroient suppléer au défaut des Evêques ; & des Ecclésiastiques doctes & constitués en dignité, au défaut des Abbés. La déposition & la dégradation différent de la suspense, en ce qu’elles privent absolument un Clerc de tout titre, de toute dignité, ce que ne fait pas la suspense, qui laisse un Prêtre, un Bénéficier, dans le rang & les honneurs de Prêtre & de Bénéficier.

Dégradation d’une dignité, est celle qui prive un Officier des marques d’honneur de sa charge.

☞ Quand un Officier de la Cour s’est montré indigne de son caractère, la Cour le condamne à paroître revêtu de sa robe de cérémonie, pour être publiquement lacérée sur lui par les Huissiers.

☞ Un Officier d’armée qui a mérité une telle peine, est, à la revue, chassé de son poste. On lui ôte d’abord son épée, & ensuite on lui donne l’expuslion avec ignominie.

Dégradation, en termes de Palais, est le dommage, la détérioration qu’on fait dans des terres, ses bois, des bâtimens, soit en les abattant, soit en négligeant de les réparer, ou de les cultiver. On nomme des Experts pour visiter & estimer des dégradations.

Dégradation, en termes de Peinture, signifie l’affoiblissement par degrés de la lumière & des couleurs d’un tableau. La dégradation des couleurs est nécessaire dans les perspectives & dans les lointains. Un bon Peintre doit bien entendre la dégradation des couleurs, pour approcher ou éloigner ses figures. Les dégradations des lumières & des ombres doivent être insensibles.

DÉGRADER, v. a. Priver, destituer quelqu’un avec de certaines formalités, d’une charge, d’une dignité, d’un rang d’honneur qu’il possédoit. C’est l’idée propre exprimée par ce mot : mais, dans l’usage ordinaire, on le prend quelquefois dans un sens plus doux, comme le verra par les exemples. Aliquem de gradu dejicere, depellere. Un Gouverneur qui rend lâchement sa place est dégradé de Noblesse. Si les usurpateurs étoient punis dans l’empire des Lettres, il y auroit bien des gens dégradés du bel esprit. Bouh. Une trop grande familiarité dégrade d’un certain air de dignité que donnent la retraite & le sérieux. Bell. Les Grands se dégradent de leur autorité quand ils en abusent. S. Evr. Personne n’a mieux pratiqué que vous cet art obligeant qui fait qu’on se rabaisse sans se dégrader, & qui accorde heureusement la liberté avec le respect. Boss. C’est dans l’Histoire que les Rois dégradés par les mains de la mort viennent subir sans suite le jugement de tous les siècles. Id. Infidèle à son auteur, cruel à soi-même, le Chrétien s’attache à des biens périssables qui le dégradent, qui l’avilissent. Roy.

Dégrader des armes un soldat criminel. Cette coutume s’observe encore dans quelques régimens ; mais il y en a beaucoup où on ne la pratique pas. Voici comme cela s’exécute : Le Sergent arme de pié en cap le soldat qui doit être dégradé, observant de tenir de la main droite la crosse du fusil. A l’instant il lui dit ces paroles : Te trouvant indigne de porter les armes, nous t’en dégradons. En même temps il lui ôte le fusil par derrière, & son ceinturon, épée, bandoulière, fourniment, qu’il lui fait passer par les piés, & lui donne un coup de pelle sur le cul. Ensuite le Sergent se retire, & l’Exécuteur se saisit du criminel. Il est à remarquer qu’on ne dégrade pas les soldats qui doivent passer par les armes, parce que c’est une exécution militaire qui n’est pas déshonorante.

Dégrader, signifie aussi, Détériorer des bâtimens, des terres, des vignes, des bois ; y faire un dégât considérable, ou les laisser dépérir par négligence. Evertere, sternere, labefactare. Il a laissé dégrader ces bâtimens faute d’entretenir les couvertures, c’est-à-dire, que le bâtiment est devenu inhabitable, faute d’y faire les réparations nécessaires. Il a dégradé ces terres, ces vignes, faute de les fumer, & en ôtant les échalas. Il a abattu plusieurs arbres, & a dégradé cette forêt. Silvam cædere, excidere. Les Mâçons disent dégrader une muraille, pour dire l’abatre par le pié.

Les Peintres disent aussi dégrader, pour dire, observer les dégrés d’éloignement des parties d’un tableau, & y proportionner les jours & les teintes, affoiblir par degrés insensibles la lumière ou les couleurs d’un tableau. Varios colorum gradus observare.

Dégrader, en termes de Marine, signifie ôter tout l’équipement des vaisseaux quand on les abandonne parce qu’ils sont trop vieux, & inutiles au service. Navim vetustate inutilem derelinquere.

Dégradé, ée. part. Il a les significations du verbe.

En termes de Mâçonnerie on appelle un mur dégradé, un mur dont l’enduit ou le crépi est tombé & dont les moellons sont sans liaison.

DÉGRAFFER. v. a. Quelques-uns disent désagraffer. Détacher une chose qui étoit attachée avec une agraffe. Uncinis rem aliquam expedire. On le dit aussi quand on défait le crochet de l’agraffe où il est passé. Uncinos ab annulis solvere, expedire. Dégraffer une jupe.

Dégraffé, ée. part.

☞ DÉGRAISSAGE. s. m. Terme de Manufacture en laine. Voyez Dégraissement.

DÉGRAISSEMENT, plus ordinairement dégraissage. s. m. Se dit particulièrement des étoffes de laine, & moins de celles de soie, parce que la laine naturellement est comme imbibée de la sueur & de la graisse de l’animal, & est nourrie sur la tête d’une substance adipeuse, au lieu que la soie tient plus d’un humide gommeux que gras, le ver à soie tirant cet humide gluant de la feuille du mûrier. Préparation qu’on donne 1o. Aux laines avant que de les employer, en les mettant dans un bain chaud d’eau claire, & d’un quart d’urine, après quoi on les dégorge à la rivière ; 2o. Aux étoffes de laine, en les faisant fouler avec la terre & l’urine pour en séparer l’huile ou la graisse.

DÉGRAISSER. v. a. Oter la graisse. Adipem detrahere. Cette soupe est trop grasse, il la faut dégraisser. On dit dans le même sens, qu’une longue maladie a dégraissé quelqu’un. Adipes tenuare.

☞ On le dit aussi des taches que la graisse a faites. Un Fripier dégraisse les habits avec de la terre à potier. Dégraisser un chapeau. Illuviem purgare, detergere.

Dégraisser les laines, les étoffes de laine Voy. Dégraissement.

Dégraisser, se dit aussi en parlant du mauvais effet que les torrens & les ravines d’eau font sur les terres labourables, en emportant ce qu’il y a de plus propre à les rendre fertiles. Les plaies ont dégraissé les terres qui sont sur cette colline.

Dégraisser le vin, c’est, lorsqu’il a tourné à la graisse en vieillissant, lui ôter cette mauvaise qualité par le moyen de la colle de poisson mise en morceaux, & dissoute à froid dans du vin blanc, qu’on jette dans le tonneau par la bonde, & qu’on remue à plusieurs réprises. On se sert aussi pour cela de blé grillé & arrosé d’eau de vie ; de cire jaune fondue & jetée dans le tonneau, d’alun blanc pulverisé & fricassé avec du sable, de cendres de sarment, &c.

Dégraisser, se dit figurément en Morale. Dégraisser quelqu’un, c’est-à-dire, lui ôter une partie de son bien. Fortunas, opes imminuere. On le dit ordinairement des richesses mal acquises. On a souvent dégraissé les Financiers. Cet homme avoit fait de prodigieux gains, mais on l’a bien dégraissé.

Dégraissé, ée. part. Il a les significations de son verbe, en Latin comme en François.

DÉGRAISSEUR. s. m. Celui qui dégraisse les étoffes, les habits. Purgator. Les Chapeliers sont des Dégraisseurs de chapeaux ; les Fripiers des Dégraisseurs d’habits. Il y a aussi des Dégraisseurs Teinturiers.

Les Teinturiers Dégraisseurs, & autres Ouvriers qui sont obligés de se servir de l’eau de la rivière pour leurs ouvrages, se pourvoiront par devers les Prévôt des Marchands & Echevins, afin de leur accorder la permission d’avoir des bateaux, s’ils en ont besoin, & de marquer les lieux où ils pourront les placer, sans incommodité de la ville, & sans empêcher le cours de la navigation ; &, lorsqu’ils n’auront pas besoin d’avoir des bateaux, ils se pourvoiront seulement pardevers le Lieutenant Général de Police. Edit du Roi de l’an 1700. De la Mare, Tr. de la Pol. Tom. I. p. 176.

DÉGRAISSOIR. s. m. C’est un instrument qui avec son moulinet, sert à tordre la laine trempée dans l’eau de savon, avant de la mettre sur le peigne.

DÉGRAPINER. v. a. Terme de Matelots. Il se dit d’un vaisseau qui se retire de dessus la glace dont il s’étoit approché, par le moyen des grapins.

DEGRAS. s. m. On appelle ainsi l’huile de poisson qui a servi à passer des peaux en chamois, & dans laquelle on les a fait bouillir. Les Corroyeurs s’en servent.

☞ DÉGRAVELER. v. a. En Hydraulique, c’est nettoyer un tuyau qui sert à la conduite des eaux ; en ôter le sédiment.

DEGRAVOIEMENT. s. m. C’est l’effet de l’eau courante qui déchausse & dégrade les murs des pilotis, &c. Voyez Déchausser.

☞ DÉGRAVOYER. v. a. Dégrader, miner, déchausser des pilotis, des murs. Atterere, suffodere. L’eau courante, par son mouvement continuel, dégravoie les pilotis, les murs.

Dégravoyé, ée. part.

DEGRÉ. s. m. Terme d’Architecture, synonyme d’escalier, partie d’un bâtiment qui sert à monter & à descendre. Scalæ. Le grand degré du Palais. Un petit degré. Un degré dérobé, de dégagement. Ce terme est devenu bourgeois. On dit aujourd’hui escalier.

Degré, est aussi chaque marche d’un escalier. Gradus. Il lui a fait sauter les degrés quatre à quatre. Les Anciens donnoient à leurs degrés neuf à dix pouces de hauteur de leur pié, qu’on appelle pié Romain antique, ce qui revient à neuf, ou un peu moins de notre pié de Roi ? ils donnoient de giron à leurs degrés les trois quarts de leur hauteur, c’est-à-dire, un de nos piés de Roi, plus ou moins, ce qui faisoit des degrés trop hauts & pas assez larges. Aujourd’hui l’on donne aux degrés cinq ou six pouces de hauteur, & treize ou quatorze de giron dans les grands escaliers, ce qui rend nos degrés beaucoup plus commodes que ceux des Anciens. Les siéges des théâtres des Anciens étoient en façon de degrés, & chaque degré servant de siège avoit deux fois la hauteur des degrés qui servoient à monter & à descendre. Voyez les notes de M. Perrault sur Vitruve, l. 3 & 5. Daviler, Cours d’Architecture.

☞ Ce mot se prend au figuré à-peu-près dans le même sens qu’au propre : c’est ainsi qu’en Grammaire on dit degré de comparaison ou de signification en parlant des adjectifs qui, par leur différente terminaison, ou par des particules prépositives servent à relever ou à rabaisser la signification de l’adjectif, c’est-à-dire, à marquer un rapport de plus ou un rapport de moins dans la qualité de deux ou de plusieurs choses comparées, ou cette même qualité portée au suprême degré de plus ou de moins. Voy. Positif, comparatif & superlatif.

Degré, se dit encore dans un sens métaphorique 1o. de la différence interne qui se trouve entre les mêmes qualités, lesquelles ne peuvent être distinguées que par le plus ou le moins de force qu’elles ont dans plusieurs sujets, ou successivement dans le même sujet. 2. Des différentes choses, des emplois, des dignités qui servent de moyens pour s’élever à de plus grandes, & généralement des choses qui sont susceptibles de plus ou de moins. Degrés de mouvement, degrés de chaleur. Gradus. De ce degré d’ambition qui fait les Héros, il y a peu de distance à celui qui fait des Usurpateurs & des Tyrans. P. Dan. Un Ministre d’Etat, pour laisser à ses créatures l’idée de la bassesse d’où il les tire, ne les fait monter que par degrés. S. Evr. Parvenir des emplois les plus bas aux plus élevés, c’est monter par degrés.

Ainsi que la vertu le crime a ses degrés. Racine.

Il faut aller de degré en degré. Gradatim. Pour venir au dernier degré de perfection, au plus haut degré d’honneur, de gloire, de vertu, de réputation. A quel haut degré de perfection l’éloquence de la Chaire n’a-t-elle point été portée de nos jours ? M. Dacier.

Mais dans l’art dangereux de rimer & d’écrire,
Il n’est point de degrés du médiocre au pire. Boil.

Il y a plusieurs degrés de gloire dans le Paradis, plusieurs degrés de peine dans l’Enfer. Le zèle se mesure par les degrés d’empressement que l’on a pour ramener les Hérétiques dans le sein de l’Eglise. On ne demande pas le degré le plus éminent d’évidence pour la révélation. Chacun raisonne selon le degré de compréhension & de capacité qu’il a reçu de Dieu. Id. Les vertus chrétiennes sont autant de degrés pour monter au ciel.

DEGRES MÉTAPHYSIQUES. Terme de Philosophie. On entend par-là les différentes propriétés ou perfections d’une même chose, & on les appelle degrés, parce que l’on monte de la plus simple & la plus générale, à la plus parfaite & la plus composée, qui renferme toutes les précédentes. Par exemple, Etre, substance, vivant, animalité, rationabilité. Gradus Metaphysici. On demande en Philosophie quelle distinction il faut admetre entre les degrés Métaphisiques. Les Scotistes répondent qu’il y a entre ces perfections une distinction formelle. Les Thomistes prétendent qu’elles ne sont distinguées que virtuellement, & les Nominaux qu’elles ne le sont que mentalement & par la raison. Question frivole, abandonnée aujourd’hui aux Irlandois.

On appelle aussi degrés de Jurisdiction, les Tribunaux dont on peut appeler à un autre. Jurisdictionis gradus. Il y a trois degrés de jurisdiction Seigneuriale, la basse, la moyenne & la haute justice. Voyez JUSTICE.

☞ On n’appelle point de la basse justice à la moyenne, on va droit à la haute ; ce qui est une exception de la règle qui veut que tout appel soit porté gradatim, au Juge supérieur non omisso medio.

☞ A l’égard des appellations interjettées des sentences du moyen justicier, elles vont conformément à la règle ordinaire, à la haute justice.

☞ Ainsi pour parvenir au Juge Royal, il ne peut y avoir que deux degrés de jurisdiction au plus.

☞ Il y a aussi trois degrés de jurisdiction Royale : savoir

☞ Celui des Châtelains, Prévôts Royaux ou Viguiers.

☞ Celui des Baillifs, Sénéchaux ou Présidiaux

☞ Et celui des Parlemens qui jugent souverainement & en dernier ressort les appellations desdits Baillifs & Sénéchaux-

☞ Il y a quatre degrés de jurisdiction Ecclésiastique ; celui de l’Evêque, celui de l’Archevêque, celui du Primat & celui du Pape.

☞ Il faut nécessairement passer d’un degré au suivant, gradatim & non omisso medio : de l’Official de l’Evêque à celui de l’Archevêque, de celui-ci au Primat, & du Primat au Pape ; excepté quand l’appel est interjeté comme d’abus : car il arrive directement, & sans moyen, au Parlement. Voy. appel comme d’abus. Il y a encore des cas particuliers où l’on n’est pas obligé de passer par ces quatre degrés de jurisdiction Ecclésiastique, par exemple lorsque les Evêques ou Archevêques sont immédiatement soumis au Pape.

☞ De plus on ne va pas toujours depuis l’Evêque jusqu’au Pape : car, quand il y a trois sentences définitives, qui sont conformes en jurisdiction Ecclésiastique, on n’en peut plus appeler.

Degré, se dit aussi, dans les Universités, des Lettres qu’on donne à quelqu’un pour lui permettre d’enseigner, après qu’il en a été jugé capable, ou plutôt, du pouvoir & du rang qui lui est conféré par ces lettres. Le degré de Maître ès Arts, de Bachelier, de Licentié, ou de Docteur ; ces trois derniers se donnent en Théologie, en Droit Civil & Canon, & en Médecine, qui sont les Facultés supérieures. Pour le degré de Maître ès Arts il faut avoir étudié deux ans en Philosophie. Pour le degré de Bachelier en Droit Civil, ou en Droit Canon, cinq ans. Pour celui de simple Bachelier en Théologie, six ans. Pour le degré de Docteur, ou de Licentié en Droit Civil, en Droit Canon ou en Médecine, sept ans ; & pour le degré de Docteur, ou de Licentié en Théologie, dix ans. Celui qui a acquis l’un de ces degrés doit obtenir des Lettres de l’Université où il les a pris.

☞ On confond assez souvent deux expressions qui signifient pourtant des choses bien différentes, avoir des grades, & avoir des degrés. Avoir des grades, c’est en France, avoir droit à certains Bénéfices en vertu du temps des études faites dans une Université, où l’on a reçu le titre de Maître ès Arts & avoir des degrés, c’est être de plus Bachelier, Licentié, ou Docteur.

Degré, en termes de Jurisprudence, se dit de la distance entre parens, ou des générations suivant lesquelles on compte la proximité, ou l’éloignement des parentés & alliances. Cognationis gradus. Grégoire le Grand fut le premier qui défendit les mariages jusqu’au septième degré. Les Canonistes ont long-temps maintenu cet usage. Le II. Concile de Latran sous Innocent III. a restraint la prohibition des mariages au quatrième degré inclusivement. L’ordonnance a permis les récusations & les évocations jusqu’au quatrième degré de parenté & d’alliance inclusivement, c’est-à-dire, jusqu’aux enfans des cousins issus de germains, & en matière criminelle, jusqu’au cinquième degré. Un père & son fils sont parens au premier degré. On se règle par la supputation Canonique pour les mariages & pour les récusations. Le Droit Civil compte les degrés de parenté autrement que le Droit Canon. Le Droit Civil compte les degrés par le nombre des personnes qui sont sorties d’une même souche, ensorte que chaque personne qui en est issue fait un degré : mais avec cette différence, qu’en ligne directe l’ordre commence par le premier degré, ainsi le père & le fils sont parens au premier degré ; mais en ligne collatérale l’on ne compte point de premier degré. Deux frères ne sont parens qu’au second degré, parce que le père, qui est la tige commune, fait le premier degré. Le Droit Canonique garde la même règle en ligne directe ; mais en ligne collatérale une génération ne fait qu’un degré. C’est le Pape Grégoire le Grand qui commença à compter les degrés autrement que le Droit Civil. Les frères sont au premier degré, & les cousins germains au second ; au lieu que le Droit Civil met les frères au second, & les cousins germains au troisième ; par conséquent deux degrés du Droit Civil n’en font qu’un selon le Droit Canonique. On suppute même entre deux personnes qui ne sont pas dans une égale distance, par celle qui est la plus proche ; comme entre l’oncle & la nièce, quand il s’agit d’un mariage. Ils sont du premier au second degré. Sous le premier degré est compris le second, & le troisième sous le second, ensorte que, ne pouvant épouser la mère, on ne peut épouser la fille. Le premier degré imprimant cette répugnance au second, c’est comme si ces degrés rentroient les uns dans les autres. On dit absolument,