Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/721-730

Fascicules du tome 2
pages 711 à 720

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 721 à 730

pages 731 à 740


frere & sœur, ils n’avoient point de commerce ensemble, ils ont été plusieurs années ensemble sans avoir aucun commerce. Dans ces exemples, commerce s’entend d’un commerce légitime, & ce mot placé, comme il est, ne présente à l’esprit aucune idée de débauche ; c’est donc à tort que quelques Critiques se sont scandalisés de cette expression du Nouveau Testament traduit par le P. Bouhours : Marie sa mere ayant été mariée à Joseph se trouva enceinte par la vertu du S. Esprit, avant qu’ils eussent commerce ensemble, comme si le mot de commerce blessoit les oreilles chastes, & devoit passer pour une impropriété & un terme deshonnête.

Commerce se dit encore en Philosophie de la correspondance mutuelle de l’ame & du corps, c’est-à-dire, de l’action de l’ame sur le corps, & du corps sur l’ame. Ce commerce peut être conçu de deux sortes, comme physique ou moral. Commerce physique de l’ame & du corps, c’est, comme je l’ai dit, l’action mutuelle du corps & de l’ame l’un sur l’autre. Le commerce moral est celui qui seroit, s’il n’y avoit que des causes occasionnelles, c’est-à-dire, si c’étoit Dieu qui, à l’occasion de certains mouvemens du corps, produisît en l’ame certaines perceptions ou sentimens, & à l’occasion de certaines perceptions, certains mouvemens dans le corps. Ce commerce moral est une chimère dangereuse en matière de Religion & de mœurs, & qui détruit absolument la volonté, la liberté, le mérite & le démérite, & toutes les vertus & les mœurs.

Commerce. s. m. Jeu de cartes qui se joue avec le grand jeu complet, & depuis trois personnes jusqu’à huit ou neuf. L’as est la première carte, & les autres suivent à l’ordinaire : on en donne à chacun trois. Chacun met devant soi un pareil nombre de jetons appréciés à ce qu’on veut. Chacun vise à avoir tricon, séquence, ou le point ; car ce sont les uniques choses qui gagnent. Le tricon l’emporte sur tout, la séquence après, & le point le dernier. Pour parvenir à cet avantage, on commerce avec le Banquier, c’est-à-dire, celui qui a fait, en changeant une de ses cartes contre une du talon qu’il vous délivre, & lorsqu’on a trouvé ce que l’on cherche, on déclare qu’on s’y tient. Ce jeu se joue quelquefois d’une manière bien plus compliquée, mais quelquefois moins.

COMMERCER, v. n. Faire commerce. Habere commercium. Ce Banquier commerce d’argent. Ce Marchand ne commerce que d’épicerie, que de soies, &c. Commercer aux Indes, dans le Levant.

COMMERCI. Ville de Lorraine, capitale d’une Seigneurie de même nom. Commercium, Commerciacum. La Seigneurie de Commerci est dans le Duché de Bar. La ville de Commerci est sur la Meuse.

COMMERE, s. f. Celle qui a tenu avec quelqu’un un enfant sur les fonts de Baptême. Quæ puerum de sacro fonte suscepit ; Matrina. Celui qui a été le parrain d’un enfant, est le compere de celle qui en est la marraine, & réciproquement la marraine est la commere de celui qui en a été le parrain. Le pere & la mere de l’enfant sont comperes & commeres de ceux qui ont été parrains ou marraines de leurs enfans. Il y a alliance spirituelle entre le pere de l’enfant & la commere qui a servi de marraine ; ils ne se peuvent marier sans dispense. Le Pape Etienne appelle souvent dans ses lettres le Roi Philippe son compere & la Reine Bertrade sa commere, & les deux Princes leurs fils ses enfans spirituels ; ce qui fait croire qu’il fut leur parrain, & montre que ces noms consacrés par la Religion étoient alors des titres d’honneur ou du moins qu’ils n’étoient point du style bas & familier, comme aujourd’hui.

Commere. Ce mot, aussi-bien que celui de compere, se dit dans les apologues, des animaux entre lesquels on suppose de l’union & de l’amitié.

L’onde étoit transparente ;
Ma commere la carpe y faisoit mille tours
Avec le brochet son compere. La Font.

Commere se dit aussi d’une femme de basse condition qui fait l’entendue, qui parle de tout à tort & à travers, & qui veut savoir toutes les nouvelles du quartier. Mulier jactuosa, jactabunda, ostentarix, alicujus inter suos suasque nominis. Connoissez-vous cette femme ? c’est une commere, une vraie commere. On dit aussi, d’une femme, c’est une bonne commere ; pour dire, qu’elle est hardie & rusée, qu’elle va à ses fins sans se mettre en peine de rien.

On dit proverbialement, tout va par compere & par commere ; pour dire, que c’est la faveur & la recommandation qui font tout.

COMMETTAGE, s. m. terme de Cordier. Réunion de plusieurs fils, de plusieurs torons ou cordons par le tortillement.

COMMETTANT, s. m. Terme de Commerce & de Pratique. Celui qui donne à un autre commission de faire quelque chose. Son commettant lui a donné ordre d’acheter telles marchandises.

Commettant se dit aussi en termes de Négociations.

☞ COMMETTEUR, s. m. terme de Corderie. Celui qui commet. Voyez Commettre, terme de Corderie.

COMMETTRE, v. a. ☞ qui a plusieurs acceptions. Il est synonyme à faire : mais alors il ne le prend qu’en mauvaise part, & ne se dit que de ce qui est péché, crime ou faute. Commettre un crime, une faute, une mauvaise action. Faire est plus général, & se dit des actions bonnes & mauvaises. On ne peut pas dire commettre une bonne action. Facinus, scelus, flagitium committere, admittere ; scelere obstringere. Il a commis une méchante action, un crime, une faute légère, une irrévérence dans l’Eglise. C’est commettre une incivilité que, &c. commettre un assassinat.

Commettre signifie aussi, confier quelque chose à la prudence, à la fidélité de quelqu’un. Aliquid prudentiæ, fidei alicujus committere, credere, concredere. Cet homme est habile, on peut commettre à ses soins les choses les plus importantes. Il a commis la conduite de son fils aux soins, à la vigilance de ce Gouverneur. On lui a commis le soin de cette affaire.

Commettre signifie aussi, employer à quelque recouvrement, préposer pour quelque affaire. Rem aliquam alicui committere, mandare, demandare, præponere aliquem alicui rei. Ce Financier a commis plusieurs personnes en plusieurs Bureaux pour la recette des droits du Roi. Il a été commis pour avoir soin, &c.

Commettre signifie encore, donner pouvoir d’exercer une charge de Judicature, ou autre charge, en la place d’un Titulaire. Vicarias alicujus partes alteri tradere. On a interdit un tel Bailli & on a commis un tel pour l’exercice de sa charge. S’il néglige de se faire recevoir, on commettra à sa place. Un Intendant a pouvoir de commettre & de subdéléguer. Commettre quelqu’un à une charge, à un emploi. On ne le dit que des personnes.

Commettre se dit aussi au Palais, du pouvoir qui est donné par les Juges à des Officiers particuliers de leurs Corps, ou à des étrangers, de faire le rapport ou l’instruction d’une affaire. Curam, negotium mandare, demandare. Le Pape commet des Prélats du Royaume pour juger des appellations qui lui sont dévolues, pour faire la fulmination de ses Bulles. Les Présidens commettent des Conseillers pour faire des informations, des instructions à la barre des adjudications, pour voir des procès, les examiner, & en faire le rapport. Ils commettent des Juges de la Province pour faire des visites, des descentes, des arpentages, pour avoir des éclaircissemens sur les affaires. C’est M. le Chancelier qui commet les Rapporteurs au Conseil.

Commettre, en ce dernier sens, se dit aussi quelquefois absolument. C’est aujourd’hui que M. le Chancelier commet, pour dire, c’est aujourd’hui que M. le Chancelier nomme ceux qui doivent rapporter les instances devant lui.

On dit aussi commettre quelqu’un ; pour dire, l’exposer à recevoir quelque mortification, quelque revers. Aliquem periculo alicui exponere. Sur tout je vous prie de ne me point commettre ☞ Se commettre. S’exposer à recevoir quelque mortification, à tomber dans le mépris. Un Ambassadeur, un homme chargé d’une procuration se commet quand il excède ses pouvoirs. C’est se commettre que de se mesurer avec des gens de la lie du peuple.

On dit encore, commettre deux personnes l’une avec l’autre ; pour dire, les mettre mal ensemble, ou les exposer à se brouiller. Committere duos homines inter se. Il a fort imprudemment commis le pere avec le fils. C’est un indiscret qui commet tous les jours ses meilleurs amis les uns avec les autres. Se commettre avec quelqu’un, se mettre au hazard d’avoir une affaire, un démêlé, de se brouiller avec lui.

On dit aussi commettre le nom & l’autorité de quelqu’un ; pour dire, les employer en des choses de peu de conséquence, ou les exposer mal-à-propos au mépris de ceux auprès desquels on les emploie. Alicujus Auctoritatem temerè exponere.

Dans un sens à-peu-près semblable, on dit, commettre les armes au Prince, commettre la fortune de l’Etat ; pour dire, les exposer mal-à-propos au hazard.

Commettre son fief, terme de Jurisprudence féodale. Encourir la confiscation de son fief. Pour l’explication, voyez Commise.

Commettre, term de Cordier. Réunir plusieurs fils par le tortillement, pour faire des ficelles, des torons, des aussières, des cordons, des grelins. On dit commettre une corde ; une corde bien commise, &c. L’ouvrier qui commet, qui réunit ces fils, s’appelle commetteur.

COMMIS, ISE. part. & adj. Commissus, admissus. Crime commis. Juge commis. Affaire commise. On le dit aussi en terme de Corderie. Corde commise. Voyez Commettre.

On dit aussi, qu’une personne ou une communauté ont leurs causes commises, quand elle ont droit ou privilège de plaider en certaine juridiction. Ainsi ceux qui ont un droit de committimus, ont leurs causes commises aux requêtes du Palais, de l’Hôtel, &c. L’Université a ses causes commises au Châtelet de Paris. Les Religieux de Cluni & de S. Maur, & presque toutes les Congrégations les ont commises au Grand Conseil.

Commis (droit de), terme de Coutumes, de Palais, &c. C’est un espèce de confiscation de quelque bien, pour félonie, fraude, trahison, ou autre cause semblable. Voyez Commise.

☞ COMMILITON. s. m. Commilito. Terme de Milice romaine. Qui porte les armes avec un autres ; soldat de la même armée, & plus particulièrement, soldat de la même légion, de la même cohorte, de la même centurie, &c. Au lieu de ce mot, nous disons camarade.

COMMINATION. s. f. Ce mot se trouve dans Tachard, pour signifier menace. Comminatio. Il n’est pas d’usage.

COMMINATOIRE, s. m. & adj. terme de Palais. Clause opposée dans une loi, dans un arrêt, dans une lettre de chancellerie, qui porte une peine dont on menace les contrevenans, qu’on n’exécute pourtant pas à la rigueur. Comminationem continens, Comminatorius. Quand on enjoint à un banni de garder son ban à paine de la hart, c’est une peine Comminatoire, on ne le pend pas pour cela quand il ne l’observe pas ; mais on lui fait une itérative injonction de le garder : & le temps de son ban n’est compté que du jour du second arrêt.

☞ On appelle peines comminatoires, celles qui sont prononcées en termes vagues & généraux, & qui sont plutôt imposées dans le dessein d’arrêter la licence, ou d’empêcher la contravention, que dans la vue d’infliger une punition irrévocable.

☞ Les clauses pénales insérées dans les actes, sont ordinairement comminatoires, à moins que leur inexécution ne cause un dommage réel à la partie intéressée.

☞ Censure comminatoire ; un Supérieur Ecclésiastique que menace ceux qui contreviendront à ses loix ; elle n’est pas encourue par le seul fait, il faut une sentence du Supérieur.

Ce mot vient du verbe comminari, menacer, qui vient de minæ, minarum, menaces.

COMMINER. v. n. Terme de Casuistes, qui se dit en parlant des censures comminatoires. Menacer. Comminari. Les Conférences d’Angers se servent de ce mot, en parlant de l’excommunication comminatoire. Il est en usage chez les Canonistes pour les censures qu’on appelle ferenæ sententiæ.

Comminé, ée. part.

☞ COMMINGES. Voyez Cominge.

COMMIS. s. m. Celui qui est chargé par un autre, de quelque fonction, quelque emploi, quelque maniement ou recouvrement dont il doit rendre compte. Negotio Præfectus, Præpositus, cui demandatum est negotium, res commissa ; Vicarius, qui vices altertus gerit, vicariam alteri operam impendit. Les Secrétaires d’état, les Financiers ont des Commis dans leurs bureaux, des Commis aux portes, aux douanes, des Commis ambulans, des Commis aux recettes. Les Greffiers ont des Commis dans les greffes. Les Commis au greffe du Conseil & dans les Parlemens, sont des Officier titulaires. Les Marchands appellent quelquefois Commis, leurs facteurs, pour leur donner un nom honorable. Sous-Commis est celui qui travaille sous le Commis dans les affaires de sa commission, ou qui les fait à sa place.

Commis du grand comptant du Trésor royal est celui qui a le maniement des deniers royaux, & qui paie toutes les parties assignées sur le Trésor royal. C’est aussi le Commis du grand comptant qui donne toutes les assignations aux Trésoriers qui ont à recevoir de lui. On le nomme aussi Caissier du grand comptant. Chaque garde du Trésor royal a un Commis du grand comptant.

Commis du petit comptant. C’est un Commis du Trésor royal qui reçoit ses fonds du Commis du grand comptant, & qui paie toutes les parties au-dessous de 1000 liv. on le nomme aussi Caissier du petit comptant.

Le premier Commis du Trésor royal est celui qui présente la plume au Roi, lorsque Sa Majesté arrête les rôles & l’état au vrai ; c’est la raison pour laquelle il jouit de 1500 liv. de gages du Conseil, outre ses appointemens ordinaires.

Commis des Fermes. On comprend sous ce nom les Directeurs, les Receveurs, & tous les Préposés par les Fermiers des droits du Roi.

Commis aux descentes des sels. Ceux qui délivrent le sel aux Officiers & Commis du grenier, lorsque les voitures sont arrivées au lieu de leur destination.

Commis aux exercices, sont des Employés dans les Aides qui font la visite chez les Cabaretiers, pour inventorier & rouaner leur vin, & examiner s’ils ne font point la fraude. Les Commis des exercices aux Aides doivent être âgés de vingt ans au moins, & sont tenus de prêter serment pardevent les Officiers des élections où ils doivent être employés.

Commis des Traites. Ceux qui sont aux bureaux des traites dans les villes, ou aux portes & barrières, pour recevoir les droits du Roi.

Commis est aussi le nom qu’on donne dans quelques Communautés religieuses, & principalement chez les Bénédictins de la Congrégation de S. Maur, aux Artistes laïques, qui quittent le monde pour se donner à la Religion, & qui s’engagent par un contrat civil, à garder certaines règles, à s’occuper selon l’ordre des Supérieurs, dans les arts & métiers dont ils sont capables, sans prendre l’habit ni faire de vœux. Pierre Denys, ce fameux ouvrier en fer, qui a fait de si belles grilles d’église, & de si superbes rampes d’escalier, se donna Commis à l’Abbaye de S. Denys, & après deux ans de probation, il fit son contrat de stabilité en 1692, & mourut en 1733, âgé de 75 ans. Le Commis travaille sous les ordres du Prieur ou du Procureur. C’est de qu’on appelle dans d’autres ordres, un Donné ou un Oblat. Dans l’Abbaye de S. Waast d’Arras, le Commis aux ouvrages est chargé de la fabrique, tant au dedans qu’au dehors du Monastère. P. Helyot, T. VI, p. 261.

Ce nom se donne dans l’Ordre des Ermites de S. Jérôme de l’Observance de Lombardie, à un ordre ou degré de Freres lais qu’on y reçoit. Il y a dans cet Ordre, outre les Freres convers, des Freres Commis & des Donnés qui font des vœux. P. Helyot, T. III, c. 60, pag. 455. Les Augustins déchaussés de la Congrégation de France, appellent aussi leurs Freres lais, les Freres Commis.

COMMISE, s. f. terme de Jurisprudence féodale. ☞ Confiscation faite au profit d’un Seigneur féodal ; d’un fief pour félonie, ou désaveu de la part d’un vassal envers son Seigneur. Commissi culpa, cujus nomine prædium dynastæ committitur, vindicatur, commissum. Cette commise est appelée confiscation dans la Coutume de Paris. Cependant la confiscation se prend proprement pour l’adjudication qui se fait au profit du Roi, ou du Seigneur haut-justicier, des biens d’un homme condamné à la mort naturelle ou civile, dans les coutumes où la confiscation a lieu. Ferrière.

☞ Les fiefs étoient originairement donnés à vie ; & comme ils procédoient de la seule libéralité des donateurs, ils étoient appelés bénéfices, & la donation par conséquent pouvoit être révoquée pour cause d’ingratitude des vassaux envers leurs Seigneurs : & quoiqu’il y a long temps que les fiefs soient possédés en pleine propriété, & soient héréditaires comme les autres biens, ils sont toujours regardés comme une espèce de dépendance des Seigneurs de qui ils relèvent, comme si en effet les propriétaires ne les possédoient que par leur bienfait. De-là l’usage de la commise, qui n’est que la réversion des fiefs aux Seigneurs, causée par l’ingratitude des vassaux envers eux, a été conservé dans nos coutumes pour les fiefs, non pour les rotures, pour lesquelles on ne doit point de foi & hommage, & qui n’ont point été données originairement à titre de bénéfices, comme les fiefs.

Ce mot vient de commissum, qui signifie confiscation, dont il y a un titre exprès dans le digeste, qui est le 4 du 39 liv.

COMMISÉRATION, s. f. sentiment de compassion qu’on a pour quelque personne qui souffre. Commiseratio. Cette famille ruinée mérite de la commisération. Les soldats, à la prise d’une ville, n’ont aucune commisération, ni pour l’âge ni pour le sexe. Un bon Avocat doit porter les Juges à la commisération. Des airs superbes, ni une commisération affectée, ne conviennent point à un vainqueur généreux. S. Evr. La commisération est propre & naturelle à la Tragédie. Id.

COMMISSAIRE. s. m. Delegatus, Commissarius. C’est celui qui est commis, délégué, préposé pour quelque fonction particulière. On appelle généralement Commissaires, des personnes choisies, à la prudence & à la capacité desquelles on a confié le soin de quelque chose. Commissarius dicitur persona electa, cujus fidei, prudentiæ ac solertiæ res aliqua commissa est.

☞ On s’est servi de ce mot pour signifier des Officiers publics qui ont des fonctions ordinaires attachées à leurs charges. Quelquefois ce terme a été employé pour signifier des personnes qui ne sont chargées que pour un temps, de certains emplois extraordinaires & limités. Ainsi ce terme a parmi nous les deux significations du mot Curatores chez les Romains.

☞ Quelquefois ce mot est opposé au titre d’office, comme quand il est donné aux Intendans des provinces, aux Juges choisis extraordinairement pour des fonctions limitées qui ne sont point attachés à leurs offices : dans un autre sens il est donné à des Officiers de Compagnie, qui agissent dans des fonctions ordinaires, qui leur sont propres, attachées à leur offices & de leur compétence : mais qui leur tombent en partage par le choix qui est fait d’eux entre leurs confrères.

Commissaire. Quand il s’agit de procès, d’affaires ; c’est un Juge à qui le Roi attribue un pouvoir particulier & extraordinaire, de juger souverainement certaines affaires en des Chambres ou des Bureaux qu’il a établis à cet effet. Recuperator ; delegatus Judex. Les Chambres de la Marine, des Francs-fiefs, la Chambre de Justice, la Chambre-Royale, sont composées de Commissaires. On a fait juger ce prisonnier par des Commissaires. On lui a donné des Commissaires. Plusieurs grands-Seigneurs demandent des Commissaires au Conseil pour juger leurs affaires particulières.

Ce mot vient de committere, qui proprement signifie envoyer ensemble, & aussi charger quelqu’un de quelque chose, le commettre à quelque chose, pour faire quelque chose, lui en donner le soin. M. de la Mare, dans son Traité de Police. L. I, T. XI, c. 3, prétend que le nom de Commissaire vient de committo, pris au premier sens, & qu’il fut donné aux Commissaires ou Intendans, qui s’envoyoient autrefois dans les Provinces qui s’appelèrent d’abord Missi, & ensuite Commissi, parce qu’on les envoyoit deux ensemble. Il convient cependant que ce mot ne se trouve pas même dans la basse latinité. Les Commissaires des quartiers s’appeloient à Athènes Χορεπίσκοποι, & à Rome Curatores regionum urbis. M. de la Mare, dans son Tr. de la Police, L. I, T. XI, les appelle Conseillers-Commissaires-Enquêteurs & Examinateurs. Il prétend, c. 2, qu’ils ont été établis en France par les Romains, & conservés par nos premiers Rois. Il continue leur histoire dans les chapitres suivans jusqu’à nos temps. Au ch. 6 & 7, il explique leurs fonctions ; au 8 & 9e leurs qualités & leur rang, & au 10e leurs privilèges.

On appelle aussi Commissaires du Conseil, les Maîtres des Requêtes, ou Conseillers d’Etat, que M. le Chancelier nomme, afin de discuter une affaire avec le Rapporteur, auxquels il en doit communiquer avant d’en faire le rapport.

Commissaires est aussi le Juge particulier qui est commis pour l’instruction d’une affaire. Lectus, legatus alicujus causæ cognitor, disceptator. Quand on appelle de l’Ordonnance d’un Commissaire avec fondement, il ne peut plus être Rapporteur.

On appelle maintenant les Intendans de Justice, Commissaires départis en tel Province pour l’exécution des ordres de Sa Majesté. Legatus ad tuendam in Provinciis Regis auctoritatem. On appelle aussi Commissaires pour la revente du Domaine, ceux qui en font la nouvelle adjudication, & les Juges nommés pour la réformation des Coutumes des Eaux & Forêts.

Commissaires se dit aussi des Députés que le Roi nomme de sa part, pour regler les limites, & travailler à l’exécution des Traités de paix, ou autres grandes affaires, avec ceux qui sont nommés pour le même effet par les Princes étrangers, afin de tâcher de les regler à l’amiable. Legati de limitibus ac pactionibus statuendis.

On appelle grands Commissaires, au Parlement, ☞ un certain nombre d’anciens Conseillers (ils doivent être six) qui travaillent avec le Président dans le Palais, à l’examen & à la discussion d’une affaire importante. Telles sont les affaires où il y a au moins six chefs de demandes, appuyés par différens moyens, l’examen des comptes, les ordres de créanciers, &c. Les grands Commissaires jugent & donnent arrêt. Senatores antiquiores quibus certis de rebus supremum ferre judicium incumbit.

Les petits Commissaires, sont des Conseillers députés par la Cour, assemblés chez le Président, qui discutent un procès, qui en voient & examinent les pièces, pour en faire ensuite le rapport en pleine Chambre. Legato toto è numero Judices antiquiores ad præviam rei alicujus cognitionem. Ce procès est de petits Commissaires. On entre aujourd’hui de Commissaires. Ce Conseiller est ancien, il est de Commissaires.

☞ C’est ce qu’on appelle travailler de grands Commissaires, travailler de petits Commissaires. Les grands Commissaires peuvent rendre arrêt : les petits n’en ont pas le droit. De-là, les expressions, procès jugé de grands Commissaires, procès vu de petits Commissaires.

Commissaires aux Requêtes du Palais. Sont des Membres du Parlement, lesquels, outre le titre de Conseillers, ont une commission particulière pour juger les affaires de ceux qui ont droit de committimus. Un Commissaire à la barre du Parlement, est celui qui est commis pour faire quelque instruction ou adjudication, &c.

Commissaire est aussi un Officier royal & subalterne, qui a soin de tenir la main à l’exécution des réglemens de Police. Curator disciplinæ civilis politicæ. Les Commissaires du Châtelet, Conseillers du Roi, se qualifient Commissaires Enquêteurs & Examinateurs. Ils font les informations, les scellés, les ordres de créanciers, l’examen des comptes, visites de Police & captures.

Commissaire aux Saisies Réelles, est un Officier qui a soin du régime des immeubles saisis réellement, qui en fait faire les baux judiciaires, qui en reçoit le revenu, & qui en rend compte. Præfectus tradendis sub custodiam bonis. Commissaire aux saisies mobiliaires, est un gardien des meubles saisis, qui en empêche le dépérissement. Toute saisie réelle ou exécution doit porter un établissement de Commissaire ou de gardien.

Commissaire se dit en Allemagne, d’une personne de la première distinction, députée par l’Empereur pour présider à la Diète de l’Empire. Cette place de Commissaire de la Diète est le poste le plus honorable que l’Empereur ait à sa nomination ; jusque-là qu’un Commissaire ne cède point le pas à un Electeur ; & ses instructions portent même que si un Roi passoit à Ratisbonne, il ne doit point lui céder. M. le Cardinal de Lamberg eut quelque démêlé avec les Electeurs à la Cour de Vienne, pour avoir cédé le pas au Duc de Lorraine, qui, après la paix de Ryswic, passoit par Ratisbonne, pour prendre possession de ses Etats.

On appelle Commissaires ou gardiens, des personnes notoirement solvables qui se chargent des meubles saisies & exécutés, pour les représenter lorsque la vente en est ordonnée.

Commissaire Général de la Cavalerie. Officier principal qui commande la Cavalerie légère, sous l’autorité du Colonel Général & du Mestre de Camp Général, ou en leur absence. On appelle son Régiment, le Commissaire général. Acad. Fr. 1740. C’est lui qui a soin que tous les Officiers & Cavaliers soient dans le devoir, & bien équipés, qui fait les revues générales. Præfectus equitum levis armaturæ ad tuendam militaremn disciplinam.

Commissaire ordinaire des Guerres ou à la conduite, est un Officier établi pour avoir soin de la police des Troupes dans la marche, de régler les étapes & les logemens, & qui fait faire les revues & remontres. Aramaturæ militaris Inspector. Commissaire Provincial, Commissaire extraordinaire.

Il y a aussi des Commissaires pour l’Artillerie. Bellicarum machinarum Curator ; pour les Vivres. Annonæ militaris Præfectus. Le Commissaire pour la Marine est un Officier subordonné à l’Intendant de la Marine, qui dans les ateliers de construction & dans les ports, doit prendre garde aux gardiens, aux ouvriers, aux magasins, qui a soin de visiter les livres de recette & de dépense ; fait faire les armemens & désarmemens, qui sur les vaisseaux fait faire les revues, prêter les sermens, & fait faire l’inventaire des prises. Præfectus rei navalis. Il y a encore plusieurs autres Commissaires, qu’on distingue par le nom des choses dont ils sont chargés, comme le Commissaire général des fortifications, Commissaire pour l’enrôlement des Matelots, Commissaire des Montres en Hollande. Il y a encore en Hollande, aussi-bien qu’en France, plusieurs Commissaires différens.

Commissaire des Montres. C’est un Officier en Hollande, qui va faire les revues sur les vaisseaux, lorsqu’il n’y a point de Conseillers de l’Amirauté qui puissent y aller. Les Hollandois ont aussi des Commissaires dans tous leurs Ports, pour avoir inspection sur les vaisseaux des Provinces-Unies qui y entrent, & qui en sortent, & faire exécuter les règlemens rendus à cet égard ; & un Commisaire des ventes, qui prend soin de faire publier, & mettre les affiches pour les ventes qui se font publiquement de tout ce qui est confisqué.

Ce mot est aussi usité parmi les Capucins & quelques autres Religieux. Il signifie celui qui est commis de la part du Père Général ou Provincial, pour régler les différens qui naissent dans les Couvens parmi les Religieux de leur Ordre. Legatus à Superiore, ad componendas rixas ac contentiones.

Commissaire des Pauvres, est un Bourgeois que l’on commet pour recueillir les deniers de la taxe faite par le Bureau Général des Pauvres. Pauperum Quæstor ærarius. On reçoit tous les ans à Paris vingt-huit de ces Commissaires, qui ont soin, chacun dans sa paroisse, d’un certain nombre de Pauvres qu’on lui a marqués. On ne reçoit guère de Marguilliers qui n’aient été Commissaire des Pauvres : c’est le premier degré des honneurs bourgeois.

Commissaire du Grand Bureau des Pauvres. C’est un Bourgeois, qui, après avoir exercé la charge de Commissaire des Pauvres en honnête homme, a droit de voix active & passive dans le grand Bureau des Pauvres, & peut un jour devenir Directeur de l’Hôpital. Quæstorio pauparum jus habens suffragie & aliorum fruendi suffragiis.

On appelle Chère de Commissaire, un repas où l’on sert chair & poisson, parce que les Juges commis se font bien traiter, quand ils sont en voyage. Refertæ piscibus ac carnibus epulæ. Ce qui vient des commissions qui se donnoient dans les Chambres mi-parties, où il y avoit des Huguenots & des Catholiques, qui se faisoient traiter chacun à leur manière.

COMMISSARIAT. s. m. Bureau formé de plusieurs Commissaires, pour la direction de certaines affaires. Collegium Commissariorum. Il continue à travailler aux affaires du Commissariat, du soin desquelles le Roi lui avoit permis de se décharger.

COMMISSION, s. f. action par laquelle on péche, on commet quelque faute. Culpa, flagitium, peccatum. En ce sens, il n’est d’usage qu’en parlant du péché de commission ; on doit se confesser, non seulement des péchés de commission, mais aussi des péchés d’omission.

Pour avoir une idée juste du péché de commission opposé au péché d’omission, il faut savoir qu’il y a deux sortes de préceptes ; les uns qu’on appelle préceptes affirmatifs, qui nous ordonnent de faire quelque chose, & les autres négatifs, qui nous défendent de faire certaines choses. Le péché de commission est une transgression d’un précepte négatif, par laquelle nous faisons ce qu’il nous est défendu de faire ; & le péché d’omission est la transgression d’un précepte affirmatif, quand nous ne faisons point ce qui nous est commandé.

Commission est quelquefois opposé à titre, & signifie un pouvoir donné pour un temps à quelques personnes d’exercer quelque charge, ou de juger en des occasions extraordinaires. Vicaria muneris alicujus exercendi potestas. Cette charge de Président n’est exercée que par commission pendant l’interdiction du Titulaire. Legata muneris alicujus exercendi potestas. Les Greffes se peuvent exercer par commission, parce qu’ils sont domaniaux. Les Conseillers du Parlement achetent & revendent, quand il leur plaît, une commission pour être Conseillers aux Requêtes du Palais, pour être Présidens aux Enquêtes. Ces charges sont des commissions. Legata provincia, legatum negotium. La charge de Garde des Sceaux n’est qu’une commission qui est révocable. Les Intendance de Justice ne ont que de simples commissions.

On appelle Commissions extraordinaires, les établissemens de quelques Chambres ou Juridictions, qui ne doivent durer que quelque temps. Delegata juridictio extraordinaria. Les Grands Jours, les Chambres de Justice, les Francs-fiefs, la Chambre Royale, sont des commissions extraordinaires. Il n’y a que le Roi qui puisse donner des Commissions extraordinaires pour la vente du Domaine, pour la réformation des Coutumes.

Commission se dit aussi de la subdélégation, ou du pouvoir qu’on donne à un Juge particulier de faire quelqu’instruction d’un procès, quelque visite ou descente sur les lieux, quelqu’exécution d’Arrêt. Cura rei alicujus ab eo cui delegata est alteri demandata. Les Cours Souveraines n’adressent jamais leurs Commissions qu’à des Juges Royaux. Ce Conseillers est allé en Commission pour visiter les bois du Roi.

Commissions du Roi, sont des Charges que le Roi donne pour faire certaines choses, sans que ces Charges soient érigées en titre d’Office. Elles doivent contenir l’étendue des fonctions du pouvoir que le Roi accorde. Ces commissions sont ordinairement données sans limitation de temps, & sont révocables à la volonté du Roi.

Commission rogatoire est une commission qu’un Juge envoie à un autre Juge dont il n’est point le supérieur, pour le prier de faire dans son ressort quelqu’instrument nécessaire dans un procès qu’il a à juger, ou pour le prier de permettre un ajournement dans son ressort. Mandata rei alicujus, precibus interjectis, provincia.

Commission in partibus est une commission que la Pape donne, lorsque dans une affaire on appelle à lui, pour la faire juger sur les lieux, ou dans quelqu’endroit qui ne soit par éloigné. Commissio in partibus.

Commission est aussi un ordre du Conseil pour la levée des Tailles ou autres Droits. Mandata Vectigalium exigendorum provincia. La commission des Tailles s’envoie aux Intendans des Provinces qui en font le département général, qu’ils envoient ensuite aux Élus pour le vérifier ; & ceux-ci l’envoient aux Asséeurs & Collecteurs, pour en faire la distribution particulière dans chaque Paroisse.

Commission est aussi un ordre qu’on donne pour lever des gens de guerre. Procuratoi cogendæ militiæ. On a délivré des commissions pour la levée de tant de Compagnies de gens de pié, tant de Cornettes de Cavalerie. Chaque Capitaine ou Officier n’a pour titre que sa commission.

Commission sur mer ; c’est la permission & l’ordre que donnent l’Amiral, le Vice-Amiral ou d’autres Officiers. Cette commission est un pouvoir spécial du Roi ou de l’État pour aller en course enlever les vaisseaux ennemis, & butiner sur tout ce qu’il est possible. Les Armateurs qui font la course sans commission, sont réputés Pirates & Forbans, & comme tels, punis de mort.

Commission est aussi une Lettre de Chancellerie qui donne pouvoir de donner des assignations, de faire des exécutions de jugemens. Litteræ dicendi diei & pignerandi jus præferentes. Les Arrêts & Sentences en forme portent en eux-mêmes leur commission. Il faut attacher une commission à ceux qu’on a levés par extrait. La commission s’exprime en ces termes : Mandons au premiers Sergent sur ce requis, de mettre le présent jugement à exécution. Les Commissaires s’adressent quelquefois à des Juges. L’Ordonnance veut qu’on n’assigne personne en Cour Souveraines, qu’en vertu de commission expresse. Les jugemens portent souvent, que commission sera délivrée aux fins d’assigner un tel garant. Il y a des commissions du grand Sceau pour les affaires du Conseil & du Grand Conseil ; des commissions du petit Sceau, pour les affaires du Parlement ; & des commissions du Châtelet, pour y faire assigner ceux qu’on a droit d’y attirer en vertu de quelque privilège.

Commission se dit aussi de toute charge ou emploi qu’on donne à des gens qu’on commet pour avoir le soin de quelque chose, comme en des Bureaux pour des recettes, contrôles, paiemens, recouvremens, visites, ou autres. Data ri cujusvis provincia. Les premières commissions des Aides, des Gabelles, dont fort briguées. Il a une bonne commission dans les Vivres, dans l’Artillerie. Ce Partisan a tant de commissions à donner. On lui a donné une ordonnance de tant pour employer au fait de sa commission.

Commission signifie aussi la charge que l’on donne à quelqu’un de faire quelque chose, quelqu’emplette. Mandata rei cujuscumque faciendæ cura.

Les Provinciaux chargent ceux qui viennent à Paris de cent menues commissions Ce Facteur a commission d’acheter tant de pièces de draps.

☞ On dit qu’un Laquais fait bien les commissions qu’on lui donne ; pour dire, qu’il fait bien les messages dont on le charge ; & qu’il est allé en commission ; pour dire, qu’on l’a envoyé faire quelque commission.

COMMISSIONNAIRE se dit généralement de celui qui fait des commissions. ☞ Dans ce sens il ne se dit guère qu’en parlant de ces gens qu’on prend & qu’on paie pour faire des messages.

☞ Il se dit, principalement dans le Commerce, d’un Correspondant qui est chargé de l’achat ou de la vente de quelque marchandise. Un Commissionnaire peut obliger le maître pour qui il agit. Institor.

Commissionnaire se dit aussi de celui qui n’exerce une charge que par commission, non en titre. Le Garde des Sceaux n’est qu’un Commissionnaire. M. de la Châtre. Commissionnaire est opposé à Titulaire. Dans ce sens, il n’est pas usité.

COMMISSOIRE. adj. m. & f. Une clause commissoire est une clause, dont l’inexécution emporte la nullité du contrat. Jactura rei cujusvis clausulæ implendæ vitio. Par exemple, si l’on s’engage à retirer un héritage dans un certain temps précis & fixé par le contract, la commission est commissoire. Après le temps fatal expiré, l’héritage est censé confisqué, & ne peut être retiré. En matière bénéficiale, on appelle pourvu en forme commissoire, celui dont les provisions portent la clause in forma dignum, c’est-à-dire, qu’il est renvoyé à l’Ordinaire, pour juger des mœurs & de la capacité de l’Impétrant.

COMMISSURE, s. f. terme d’Architecte, vieux mot usité par le P. Déran, du latin Commissura, signifie ☞ la ligne selon laquelle deux corps appliqués sont unis ensemble. Le point d’union de deux corps appliqués.

Commissure, en termes d’Anatomie & de Chirurgie, signifie l’endroit où se joignent certaines parties du corps, comme les lèvres qui se joignent du côté des joues. Ce mot est nouveau, mais très-énergique. La langue se trouve unie en dedans à toute la lèvre inférieure jusqu’aux deux commissures des lèvres, par une chair fort solide.

Commissure se dit, dans le même sens, en termes de Jardinage, de l’endroit où finit la fente que l’on fait pour greffer. Il faut avoir soin de bien boucher les fentes & les commissures.

COMMITTANT. s. m. Committens. C’est le nom que quelques Auteurs donnent à celui qui envoie ou qui dépêche un Ambassadeur. Ce mot vient de Committens, committant, qui commet, formé de committere, commettre.

Les Envoyés, Résidens, Ambassdeurs & autres Ministres de cette nature, doivent veiller exactement, & ne faire aucunes démarches qui puissent préjudicier à leurs Committans. Viquefort. Il arrive assez souvent que des Députés qui représentent une ville ou une province, sont d’un avis contraire à celui de leurs Committans. Rapin.

COMMITTIMUS. s. m. Mot purement latin qui signifie nous commettons. Dans le style de Pratique, c’est un droit ou un privilège que le Roi accorde aux Officiers de sa Maison, & à quelques personnes, ou Communautés, de plaider en première instance, aux Requêtes de l’Hôtel ou du Palais, en toutes leurs affaires pures, personnelles, possessoires ou mixtes, tant en demandant, qu’en défendant, & d’y faire renvoyer, ou évoquer celles qui seront pendantes devant d’autres Juges, pourvu qu’elles ne soient point encore contestées, & que l’on n’y ait pas encore procédé. Prærogativa legendi opportunioris Judicis ex regio diplomate. Le Committimus du grand Sceau n’étoit autrefois que pour les Commensaux de la Maison du Roi ; mais il a été étendu depuis à plusieurs autres personnes. Il peut s’exécuter par tout le Royaume, avec cette restriction, que, pour distraire une affaire d’un Parlement à un autre, il faut qu’il s’agisse de 1000 liv. & au dessus. Le Committimus du petit Sceau ne s’étend, & ne peut être exécuté que dans le ressort du Parlement, & attire les affaires aux Requêtes du Palais. Les Privilégiés peuvent en user quand il s’agit de 200 liv. & au dessus. Ceux qui ont le droit de Committimus, tant au petit qu’au grand Sceau, peuvent indifféremment se pourvoir ou aux Requêtes de l’Hôtel, ou aux Requêtes du Palais : excepté seulement que les Officier des Requêtes de l’Hôtel ne peuvent plaider qu’aux Requêtes du Palais ; & réciproquement les Officiers des Requêtes du Palais, ni leurs veuves, ne peuvent plaider qu’aux Requêtes de l’Hôtel. Les Lettres de Committimus du petit & grand Sceau ne durent qu’un an, après quoi il faut les renouveller. On ne peut se servir du droit de Committimus contre le Roi, pour quelque cause que ce soit, parce que le Roi n’accorde jamais de privilège contre ses droits.

Committimus signifie aussi les Lettres qu’on expédie, au grand & petit Sceau, pour l’exécution de ce privilège. Prærogativa legendi Judicis commodioris sigillo consignata. J’ai fait sceller un Committimus. Les Committimus étoient, dans leur origine, des commissions, par lesquelles le Roi renvoyoit les affaires des Officiers de sa Maison devant les Maîtres des Requêtes du Palais. Cet usage des Committimus a commencé vers l’an 1367. Ils furent plus fréquens sous Charles VI. Le privilège qui étoit restreint à la Maison du Roi, fut alors étendu à tous les Officiers du Parlement, & ensuite plus loin. Voyez l’Ordonnance de 1699, art. 13 du titre des Committimus.

Ceux qui ont droit de Committimus du grand Sceau, sont les Princes du Sang, les autres Princes reconnus en France, les Ducs & Pairs, les Officiers de la Couronne, les Chevaliers & Officiers de l’Ordre su Saint-Esprit, les deux plus anciens Chevaliers de l’Ordre de saint Michel, les Conseillers d’État servans actuellement, ceux qui ont été employés dans les Ambassades, les Maîtres des Requêtes, les Huissiers du Conseil, les Présidens, Conseillers, Avocats & Procureurs Généraux, le Greffier en chef, & le premier Huissier du Grand Conseil, le Grand Prévôt de l’Hôtel, ses Lieutenans, l’Avocat & le Procureur du Roi, & le Greffier de cette Juridiction, les Secrétaires du Roi, & autres Officiers de la Chancellerie, les quinze anciens Avocats du Conseil, les Agens Généraux du Clergé pendant leur agence, les Doyen, Dignités, Chanoines & Chapelains de Notre-Dame de Paris, les quatre plus anciens de l’Académie Françoise, les Capitaines, Lieutenans, Sous-Lieutenans, Enseignes, Commissaires d’ancienne création, Sergent-Major & son Aide, Prévôt & Maréchal-des-logis du régiment des Gardes, les Officiers, Domestiques & Commensaux de la Maison du Roi, de la Reine, des Enfans de France, du premier Prince du Sang, dont les états sont portés à la Cour des Aides, & qui servent ordinairement, ou par quartier, aux gages de 60 liv. au moins.

Ceux qui ont droit de Committimus au petit Sceau, sont les Présidens, Conseillers, & autres Officiers du Parlement, Avocats, Procureurs du Roi, & Greffier en chef des Requêtes de l’Hôtel, le Greffier en chef des Requêtes du Palais, les Officiers des Chambres des Comptes, des Cours des Aides, de la Cour des Monnoies, les six anciens Trésoriers de France de la Généralité de Paris, les quatre anciens des autres Généralités, les Secrétaires du Roi établis aux Chancelleries des Parlemens, & autres Cours Souveraines, les Prévôts de l’un & de l’autre Châtelet de Paris, leurs Lieutenans Généraux Civils, de Police, Criminels & Particuliers, les Procureurs du Roi auxdits deux Châtelets, le Bailly du Palais, son Lieutenant, & le Procureur du Roi, le Président, le Doyen, & le Procureur du Roi de l’Election de Paris, Officiers vétérans de toutes les susdites qualités, après en avoir obtenu lettres ; le Collége de Navarre, pour les affaires communes de la Maison ; les Directeurs de l’Hôpital-Général de Paris, les Prevôt des Marchands & Echevins de Paris, pendant leur charge, les Conseillers & Procureurs du Roi, les Receveurs & Grefier de l’Hôtel-de-Ville, le Colonel des trois cens Archers de la Ville, les douze anciens Avocats du Parlement de Paris, & six des autres Parlemens.

Les veuves des Officiers décédés dans le service, & qui avoient droit de Committimus, en jouissent tandis qu’elles demeurent en viduité. Enfin les Chapitres & les Communautés qui ne sont pas exprimés dans l’article des Committimus de l’Ordonnance de 1669, qui ont présenté leurs titres à M. le Chancelier, & dont les titres ont été trouvés bons, ont le droit de Committimus.

COMMITTITUR, s. m. terme de Jurisprudence emprunté du latin. C’est la Requête qu’on donne au Conseil, ou au Parlement, pour avoir un Rapporteur, pour faire l’instruction d’une instance, ou de quelque incident ; avec l’ordonnance qui est apposée au bas, par laquelle un Maître des Requêtes, ou un Conseiller, est commis pour cette instruction. Libellus supplex ad postulandum alicujus causæ cognitorem.

☞ Dans les petites juridictions les Juges se commettent souvent eux-mêmes sur les requêtes qui leur sont présentées.

COMMODAT, s. m. terme de Jurisprudence. La concession gratuite de l’usage d’une chose, soit meuble, soit immeuble, que l’on fait à quelqu’un pour un certain temps, à la charge de restituer la même chose en espèce après le temps marqué : c’est une espèce de prêt & de contrat : Commodatum. Il y a pourtant cette différence entre le prêt & le commodat, c’est que le commodat se fait gratuitement, & ne transfère point de propriété. Il faut rendre la chose en essence, & sans la détériorer : en sorte que les choses qui se consument par l’usage ne peuvent être la matière d’un commodat, mais d’un prêt, parce qu’on ne peut les rendre en individu, quoiqu’on puisse les rendre en espèce.

☞ Ce contrat diffère aussi du précaire en ce que le précaire se fait sans définir l’usage & le temps pour lequel une chose est prêtée : ainsi celui qui à prêté une chose à titre de précaire, peut la redemander quand bon lui semble au lieu que dans le commodat, on ne peut pas redemander la chose avant que le temps, pour lequel on l’a prêté, soit expiré.

Le Commodat ne finit ni par la mort du commodant, ni par celle du commodataire ; mais par l’expiration du temps accordé par le commodant. Il y a deux sortes de commodats, l’un gratuit, l’autre utile : le commodat gratuit est purement au profit du commodataire ; le commodat gratuit est lorsqu’on prête quelque chose que le commodataire est obligé de rendre en essence & en individu, mais sans rien donner pour l’emprunt : le commodat utile, est lorsqu’on retire quelque chose pour le prêt, & alors c’est une espèce de location. Voyez Lhommeau.

COMMODATAIRE. s. m. & f. Celui ou celle qui a reçu le prêt ou le commodat. Commodatarius. Le Commodataire est tenu non-seulement de son dol, mais de sa faute la plus légère, & de quelque nature qu’elle soit ; parce que le commodat est gratuit & fait uniquement en faveur du Commodataire. Il répond de même du cas fortuit, s’il use de la chose prêtée au-delà du temps convenu ; car autrement il n’en est pas responsable.

COMMODE, adj. de t. g. Ce qui est aisé, propre, convenable ; dont l’usage est utile & facile. Commodus, aptus, opportunus. La litière est la plus commode de toutes les voitures. Cette chambre, cette maison est commode. Cet habit est commode pour le chaud, pour le froid,

☞ On le dit figurément des personnes, à peu près dans le même sens, on dit qu’une homme est fort commode dans la société ; pour dire qu’il est d’une société douce & aisée, d’un commerce facile & doux : qu’il a l’humeur commode, l’esprit commode. Pour être commode dans le monde, il ne faut pas s’attacher à de petites formalités. Plus on a de mérite, plus on doit prendre garde à ne point apporter de contrainte, & à se rendre commode ; car naturellement on craint les maîtres.

J’aime mieux un vice commode,
Qu’une fatigante vertu.

☞ Quelquefois ce mot a une signification plus étendue, & s’applique à ceux que l’on accuse d’être trop faciles, trop indulgens. C’est ainsi qu’on dit d’un mari qui ferme les yeux sur la mauvaise conduite de sa femme, que c’est un mari commode ; & d’une mère qui donne trop de liberté à sa fille, que c’est une mère commode.

☞ En matière de morale, il signifie quelquefois ce qui est trop doux, & même relâché. Mollior, remissior. Confesseur commode, Morale commode.

Et cherchant un discours aux Dames plus commode,
Font dire à Jésus-Christ des phrases à la mode.

Vill.

COMMODE. s. f. Coëffure des femmes. Commodus capitis mulierum ornatus. Voici les pièces qui entrent dans la composition d’une commode. C’est Palaprat qui en fait l’énumération.

La duchesse, le solitaire,
La fontange, le chou,
Le tête à tête, la culbute,
Le Mousquetaire, le croissant,
Le firmament, le dixième ciel,
La palissade & la souri.

COMMODE. s. f. Espèce d’armoire faite en forme de bureau, où il y a des tiroirs avec des mains & des ornemens de bronze, & qui est propre à serrer du linge & des habits. Le dessus en est ordinairement de marbre. On a appelé ce meuble commode, à cause de sa grande commodité. Arca commodæ. Ce mot est nouveau,

COMMODE. s. m. nom d’homme. Commodus. Luce Aurele Commode, fut fils & successeur de Marc Aurele, & de la jeune Faustine, mais il ressembla peu à son pere. Il s’abandonna à toutes sortes de crimes, & néanmoins se fit appeler Hercule. De-là cette peau de lion dont on lui voit la tête couverte sur ses médailles, qui ne sont un peu rares qu’en or, à la réserve de quelques-unes qui ont des inscriptions singulières. De-là aussi cette légende, Herc. Commodiano, qui est des rares, aussi-bien que celles-ci, Fortunæ Manenti. Optime Maxime. C. V. P. P. Pater Senatus Jovi ex superis genio. Aug. Felici. Jovi. Optimo. Maximo. Sponsori rel. Aug. Jovi defens. Salutis. Aug. Æl. Aure. Comm. Auc. P. Fel. I. O. M. Sponsor. Secur. Aug.

COMMODÉMENT. adv. D’une manière commode, propre, aisée. Commodè. On s’habille à présent plus commodément qu’on n’a jamais fait. Cet homme a du revenu, de quoi vivre commodément, à son aise. Il est logé commodément. Cet homme est doux & facile, on vit fort commodément avec lui. Ils ne pouvoient commodément tendre l’arc. Vaug.

☞ COMMODITÉ. s. f. Ce terme a plusieurs acceptions ; il signifie quelquefois la facilité qu’on a de faire une chose sans se gêner, sans peine, sans fatigue ; & le temps propre, l’occasion favorable. Commodum. Vous ferez cela à votre commodité, il faut prendre la commodité des gens.

☞ Quelquefois il signifie une chose commode, une situation, un moyen commode. Un carrosse est d’une grande commodité. Les dégagemens font toute la commodité d’une maison. Les commodités de la vie coûtent fort cher.

☞ Ce mot au pluriel est presque synonyme à aise, & désigne un état dans lequel on ne manque de rien, selon sa condition, où l’on joint des avantages qui servent à rendre la vie plus commode, plus douce & plus aisée. Bona, fortunæ commoda. Les raisons de fortune & de commodités temporelles ne doivent point entrer dans le choix d’une religion ; les hommes ne sont assemblés en société que pour les commodités nécessaires à l’infirmité humaine, & pour s’en assurer la possession par les forces réunies de la République. S. Evr. Pyrrhon, qui doutoit de tout, ne laissoit pas de jouir des commodités de la vie comme vraisemblables. Mont.

☞ On dit proverbialement : on n’a pas toutes ses commodités en ce monde.

Commodité se dit aussi des occasions favorables qui se présentent. Occasio, opportunitas. Il faut se servir de la commodité de ce courrier, pour envoyer cette expédition à Rome. Il faut prendre la commodité d’un bateau qui va partir. Pour aller de Paris à Lyon, on trouve toujours des commodités, des voitures à choisir.

Commodité est aussi le voisinage des lieux, la bienséance. Loci proximitas, opportunitas, commoditas. J’ai bâti dans cette vallée, à cause de la commodité des eaux. J’ai acquis cette maison, qui étoit à ma bienséance, parce qu’il faut acheter sa commodité.

Commodité, terme de négoce. Les Compagnies où Sociétés de Banque & des marchandises, sont de deux sortes ; sçavoir, la Compagnie libre, & celle de commodité. La Compagnie libre oblige non-seulement ceux qui en portent le nom, mais aussi les Associés, tant pour le fonds ou capital qu’ils y ont mis, que pour le plus qu’il pourroit y avoir de perte ; tout de même que si tous étoient nommés & solidairement obligés. La commodité ou Compagnie conditionnée oblige tous les Associés pour le fonds & capital, & non davantage. Partant, s’il arrive qu’ils perdent plus grande somme que leur fonds, il n’y a que ceux qui portent le nom de la Société qui soient obligés pour le surplus. M. Le Prestre, Cent. 2. c. m. 77 & 82. de l’Ed. de 1695.

☞ COMMODITÉS, en terme de bâtiment, est un petit endroit séparé du reste du bâtiment, où il y a un siége d’aisance : on l’appelle aussi Lieux, Latrina.

COMMOINE, s. m. se disoit anciennement par les Religieux qui parloient d’un autre Moine de leur Ordre.

COMMOTION. s. f. Terme de Médecine. Secousse violente, ébranlement de quelque partie du corps, causé ordinairement par une chûte ou par quelque coup. On le dit particulièrement du cerveau. Commotio. La convulsion est une commotion du cerveau. Une chûte cause une grande commotion au cerveau, d’où il arrive souvent un contrecoup dans la partie opposée, qui fait une rupture des vaisseaux, & une apostème par l’ébranlement de toute la masse du cerveau.

☞ C’est aussi un terme nouveau de physique expérimentale en fait d’Électricité, en parlant de ce que l’on éprouve en faisant une expérience de l’électricité. On l’appelle autrement le coup foudroyant. Le Phénomène de la commotion est des plus extraordinaire, & très-périlleux pour celui qui est le sujet de l’épreuve. Voyez Électricité.

COMMUER, v. a. terme de Palais. Changer une peine en une autre. Commutare. Le Roi n’a pas voulu faire grace entiere à ce criminel ; mais il a commué sa peine, il l’a adoucie. Cela ne se peut faire que par l’autorité du Prince. ☞ M. Pluche a employé ce verbe dans le sens de transmuer, terme de Physique & de Chimie. Les métaux ne peuvent se commuer ni se détruire. Il a dit dans le même sens, natures réciproquement commuables.

Commué, ée. part.

COMMUN, UNE. adj. Ce qui appartient à tous également, à quoi tout le monde participe, ou droit de participer. Communis. La terre est notre commune mere. Dans le siècle d’innocence tous les biens étoient communs, aussi-bien que le Soleil & les élémens. Le Pape dans l’Église est le Pere commun des Chrétiens. Il se fait dans l’Église un amas de nécessités, & de fragilités communes ; & par conséquent il faut qu’il y ait un trésor commun d’assistance & de charité. Fléch. L’Écriture est le principe commun sur lequel disputent les diverses sectes qui partagent les Chrétiens. S. Evr.

Commun se dit, en un sens plus étroit, des choses que quelques personnes possèdent ensemble par indivis, dont les uns & les autres ont également droit de se servir. Les murs mitoyens sont communs à deux maisons. Une allée, un passage commun, un puits commun. Il n’y a eu que les Sauvages & Platon, qui aient voulu que les femmes fussent communes. Une femme commune se dit aussi d’une femme prostituée. Prostibulum.

☞ COMMUN se dit aussi de ce qui est propre à différens sujets. La vie végétative est commune aux animaux & aux plantes : péril commun, intérêt commun.

Nos périls sont égaux, nos craintes sont communes,
Seigneur, associons nos cœurs & nos fortunes.

Commun, se dit aussi d’une Société, &c. Capistr. Commun, se dit aussi d’une Société que l’on contracte ensemble par quelque intérêt d’honneur ou de gain. Les Commissaires, les Huissiers, font bourse commune pour éviter la jalousie de leur emploi. Ils se sont associés en une telle affaire, pour la poursuivre à frais communs, & en partager le profit.

☞ COMMUN se dit aussi de ce qui est en général, universel, le plus universellement reçu. C’est le bruit commun, l’opinion commune. Res pervulgaris, pervulgata fama. Les plus communes opinions ne sont pas les plus certaines. Vulgaris opinio.

Le goût de l’amitié ne se sauroit éteindre :
Chacun sent qu’il est doux d’en observer les loix,
Et de tous les mortels c’est la commune voix.

Vill.

Cette grande roideur des vertus des vieux âges
Choque trop notre siécle, & les communs usages.

Mol.

Les soupçons importuns,
Sont d’un second hymen les fruits les plus communs.

Racine.

☞ En ce sens on attribue à l’ame une faculté particulière qu'on nomme sens commun, faculté par laquelle le commun des hommes juge raisonnablement des choses : ou jugement qu’on porte par la seule lumière naturelle commune à tous les hommes.

☞ Lieux communs, ou de Réthorique ; on appelle ainsi les propositions générales, les principes généraux d’où l’on prend les argumens & les preuves. Loci communes.

☞ Dans l’usage ordinaire, on appelle lieux communs, des matières triviales & rebattues. Son livre est rempli de lieux communs. Ses sermons ne sont que des lieux communs.

Commun signifie aussi ce qui est trivial, ordinaire, qu’on troue par-tout. Vulgaris, tritus, communis. Cet Orateur dans son discours n’a rien dit que de commun, rien de recherché, son style est fort commun, c’est un esprit fort commun. C’est un axiome commun, une notion commune. Le peuple souffre plus aisément un vice commun, qu’une vertu extraordinaire. Voit. La prononciation est bien trompeuse, elle fait valoir les choses les plus communes. P. Rap. On ne nous a servi en ce repas que des viandes fort communes. En ce sens il signifie, ce qui n’est pas rare, & qui est au plus vil prix. Ce Curieux n’a que des tableaux communs, de peu de valeur. Il ne s’habille que de l’étoffe la plus commune. Les diamans sont estimés, parce qu’ils ne sont pas communs.

☞ Le fréquent usage, dit M. l’Abbé Girard, rend les choses ordinaires, vulgaires, & triviales : mais il y a à cet égard un ordre de gradation entre ces mots qui fait que le trivial dit quelque chose de plus usité que vulgaire, qui à son tour enchérit sur commun, & celui-ci sur ordinaire.

☞ Il me paroît aussi qu’ordinaire est d’un usage plus marqué pour la répétition des actions ; commun pour la multitude des objets ; vulgaire pour la connoissance des faits, & trivial pour la tournure du discours. La dissimulation est ordinaire à la Cour ; les monstres sont communs en Afrique ; les disputes de Religion ont rendu vulgaires bien des faits qui n’étoient connus que des savans. De tous les genres d’écrire, il n’y a que le comique où les expressions triviales puissent trouver place.

☞ Ces mêmes mots considérés, non par rapport au fréquent usage, mais relativement au petit mérite des choses, ont encore un ordre de gradation, de façon que le dernier de ces mots, est celui qui ôte le plus au mérite. Ce qui est ordinaire, n’a rien de distingué : ce qui est commun, n’a rien de recherché : ce qui est vulgaire, n’a rien de noble : ce qui est trivial, a quelque chose de bas.

On dit, en terme de Palais, & en Généalogie, le pere commun des parties, quand on parle du pere de deux freres, ou sœurs, qui plaident ensemble. On dit que par la Coutume de Paris, le mari & la femme sont uns & communs en biens ; pour dire, qu’ils ont contracté société ensemble, & qu’ils partagent le gain & les pertes l’un de l’autre. On dit aussi, qu’un arrêt ou jugement est déclaré commun avec un tel, qui n’avoir pas été partie, ou avec le défaillant ; pour dire, qu’il sera aussi-bien exécutoire contre lui que contre ceux avec qui il a été rendu. On dit aussi, qu’une chose est du droit commun, par opposition aux privilège qui en exempte. On dit aussi, faire preuve, suivant la commune estimation, suivant la commune renommée. En cas d’estimation de fruit, on dit, faire une année commune ; pour dire, prendre le milieu entre une année fertile où les denrées sont à bon marché, & une année stérile, où elles sont cheres, pour en faire un prix commun & mitoyen, & compenser l’une avec l’autre : ce qu’on appelle autrement bon an, mal an. Communis.

On dit aussi, en matière bénéficiale, qu’une provision est expédiée en forme commune ; pour dire, qu’elle est expédiée sans grâces, sans privilèges.

Commun. (délit) Voyez Délit.

Commun. (droits) Voyez Droits.

Commun. (Dieux) terme de Mythologie. Dii communes. On donnoit ce nom chez les Romains aux Dieux qui étoient révérés par plusieurs nations, ainsi qu’à ceux qui protégeoient indistinctement l’ami & l’ennemi ; du nombre des premiers étoient Jupiter, Vénus, le Soleil, &c. du nombre des derniers, Mars, Bellone, la Victoire, &c.

Commun, en terme de Philosophie, se joint aux termes généraux, qui conviennent à diverses choses, ou qui renferment diverses espèces particulières. Le nom d’animal est commun à l’homme & à la bête. Celui de substance est commun au corps & à l’esprit. Il signifie aussi, pareil, ou analogue ; ces deux choses n’ont rien de commun ensemble.

Commun, en termes de Grammaire, est le genre qui convient aux deux sexes, au mâle & à la femelle.

☞ Ainsi un nom est du genre commun lorsqu’il a une terminaison qui convient également au mâle & à la femelle, auteur est du genre commun. On dit également un homme, une femme auteur, notre qui est de même du genre féminin ; un homme qui, une femme qui, &c.

☞ A l’égard des verbes, on appelle verbes communs, ceux qui, sous une même terminaison, ont la signification active & passive.

Commun, en termes de Poësie Françoise, se dit des vers de dix syllabes, qu’on appelle vers communs, tels que sont ceux-ci de Scarron.

Tel d’un Sénèque affecte la grimace,
Qui feroit bien le Scarron à ma place.

On se sert de vers communs pour les Epitres, les Balades, les Rondeaux, les Contes, & rarement pour les Poëmes, les Elégies, les Odes, les Sonnets ; ils doivent avoir le repos à la quatrième syllabe, quand elle est masculine, ou à la cinquième, quand elle a un e muet qui se perd dans la syllabe suivante.

Commun, en termes de Géométrie, se dit d’un angle, d’un côté, ☞ d’une base ou de quelque chose de semblable, qui appartient également à deux figures, & qui fait une partie nécessaire de l’une & de l’autre.

En parlant des termes ordinaires de la langue, on dit, les mots communs de la langue, par opposition aux termes qui ne sont en usage que dans les arts & dans les sciences. On dit d’un homme mort en peu de temps entre les mains de plusieurs mauvais Médecins, qu’ils l’ont expédié en forme commune. Cela n’est que du style familier. Acad. Fr.

Commun, au substantif, signifie le général, la plus grande partie des hommes. Ce bourgeois s’est distingué du commun du peuple. C’est un grand Philosophe, & qui est hors du commun. Non unus est è multis, non unus de vulgo, de populo, non vulgaris notæ. Il faut, pour bien raisonner, élever son esprit au dessus du commun. Il y a des gens qui n’étant pas les premiers dans pas une des sciences, passent en toutes l’ordinaire & le commun. Boil. Le Héros d’un Poëme ne doit être ni au dessus du commun des hommes par sa vertu, ni au dessous par ses vices. P. le Boss. Un Prince au comble des grandeurs, est au-dessus des afflictions qui font soupirer le commun des hommes. S. Evr. Les Héros les plus fameux qui se signaloient dans les combats, étoient dans la vie civile des hommes du commun qui se retrouvoient confondus dans la foule. Id.

Il penseroit paroître un homme du commun.
Si l’on voyoit qu’il fût de l’avis de quelqu’un. Mol.

Soyez plutôt Maçon, si c’est votre talent,
Qu’Ecrivain du commun, & Poëte vulgaire. Boil.

☞ On dit figurément qu’une personne, qu’une chose est du commun ; pour dire, qu’elle n’est pas de grand prix, de grand mérite, qu’elle n’a rien de recherché.

Commun, chez le Roi, les Princes & les Grands, est un nom collectif, qui signifie les Officiers les moins considérables d’une maison. Principis, Magnatum administris gradûs inferioris. Il a mangé à la table du commun, dans la salle du commun. On nous a servi du vin du commun. Il est couché sur l’état en qualité de Chirurgien du commun.

Commun, en Architecture, se dit chez le Roi, d’un bâtiment avec cuisines & offices, où l’on apprête les viandes pour la bouche du Roi & les Officiers de Sa Majesté.

☞ Dans un hôtel, c’est une ou plusieurs pièces où mangent les Officiers & les Domestiques.

☞ Chez le Roi, on appelle grand commun, les offices & cuisines destinées à la nourriture de la plupart des Officiers de la Maison du Roi.

☞ Et petit commun, quelques Officiers détachés du grand commun, pour la nourriture de quelques Officiers privilégiés de la Maison du Roi.

☞ On appelle aussi grand commun, un vaste corps de bâtiment où les Officiers travaillent, & qui est destiné pour leur logement. Pars ædium regiarum Officinis destinata. Il est logé au grand commun.

Commun, en termes de Bréviaire, se dit d’un Office général institué pour tous les Saints d’un même Ordre, d’une même classe, pour y prendre les Pseaumes, Leçons, Hymnes, Antiennes & Oraisons, quand l’Eglise n’a point réglé d’Office particulier. Officium commune. Le Commun des Saints, le Commun des Apôtres, des Evangélistes, des Martyrs, des Vierges, des Docteurs, des Confesseurs.

Commun de paix, terme de Coutume. Droit qui appartient au Roi, comme Comte de Rhodes, dans le Comté de Rouergue. Ce droit se lève sur les hommes, sur les bêtes, sur les moulins : il a été établi pour maintenir la paix, & empêcher les guerres privées qui désoloient le pays, & qui ne purent cesser que par l’autorité & la puissance du Roi.

Commun, en se dit adverbialement, pour dire, en communauté. Communiter. Ils possèdent cette terre en commun, par indivis. Ils ont mis tout leur bien en commun, ils vivent en commun.

Commun se dit proverbialement en ces phrases. L’âne du commun est toujours le plus mal bâté ; pour dire, que personne n’a soin que de ce qui lui appartient en propre, & néglige le bien public. On dit aussi par la même raison, qui sert au commun, ne sert à pas un. On dit, entre amis tous biens sont communs : & on dit plus généralement, en ce monde tous les biens sont communs ; il n’y a que les moyens de les avoir. On dit aussi qu’un homme vit sur le commun, lorsqu’il est écornifleur, qu’il n’a point d’ordinaire, & qu’il vit sur le tiers & sur le quart.

COMMUNAGE. s. m. Voyez Communes & Communaux.

COMMUNAISON. s. f. Ce mot s’est dit autrefois pour Communion, Cène. Communio.

COMMUNAL, ALE. adj. qui est commun aux habitans d’un ou de plusieurs villages. Un bien communal. Des biens communaux, terme de Coutume.

COMMUNALEMENT. adv. Unà, simul. Vieux mot qui veut dire, ensemble : on ne s’en sert plus.

COMMUNALISTE. s. m. Membre de certaine Communauté. Je dis de certaine Communauté, parce qu’on ne le dit pas des membres de toutes les Communautés, Coinmunalista. Il y a des Communautés de Prêtres qui sont obligées à certains Offices Canoniaux, & qui sont comme une espèce de Chapitre. C’est à ces Prêtres qu’on donne le nom de Communalistes. Il y en a à S. Léonard en Limousin. Ce nom au reste ne se dit que dans ces sortes de Communautés ou Chapitres, & dans l’usage ordinaire il est tout-à-fait ignoré.

COMMUNAUTÉ. s. f. assemblée de plusieurs personnes unies en un Corps, par l’autorité du Prince, & qui ont les mêmes loix, les mêmes règles, les mêmes usages. Congregatio hominum, Societas, Communitas. Quand les Edits parlent des Communautés, ils y comprennent les Villes, Bourgs, Villages, Paroisses, &c. On ne donne point ce nom à une nation entière, ni même aux habitans de toute une province. Les sociétés sont aussi des espèces de Communautés entre plusieurs personnes ; mais pour un temps seulement, au lieu que les vraies Communautés sont perpétuelles.

Les Communautés sont Ecclésiastiques ou Laïques : les Communautés Ecclésiastiques sont, ou séculières, comme les Chapitres des Eglises Cathédrales ou Collégiales ; ou régulières, comme les Couvens, les Monastères, &c. Les Communautés Laïques sont de plusieurs sortes ; les unes se contractent par la demeure fixe d’un an & d’un jour dans un même lieu ; les autres se forment par l’exercice d’une même charge, la profession d’un même art, certain lieu de Religion, comme celles des Paroisses & des Confréries, &c. Ainsi Communauté se dit des maisons pieuses, fondées pour entretenir & faire vivre plusieurs personnes sous un certain genre de vie régulière, ou séculière : tels sont les Couvens, Abbayes, Prieurés Conventuels, les Séminaires, Hospices, & toutes sortes de Maisons Religieuses. Communitas, Societas, Congregatio. Saint Augustin fit une Communauté de son Clergé, & vivoit en Communauté avec lui. Il exhorte quelquefois son peuple à ne rien donner aux particuliers, mais tout à la Communauté. Que personne, dit-il, ne donne ni habit, ni chemise que pour la Communauté, d’où j’en prends moi-même. On le dit aussi de ceux qui s’assemblent volontairement pour desservir une Cure, ou vaquer aux exercices de piété. La Communauté des Prêtres de S. Nicolas. Les Béguines de Flandres, sont des filles qui vivent en Communauté. En ce sens on dit, il a dîné à la Communauté ; pour dire, dans le réfectoire, en commun. On a parlé de cette affaire en pleine Communauté.

Communauté se dit aussi des Hôpitaux, des Collèges ; des Confréries, & autres lieux semblables qui possèdent des biens en commun, pour divers usages utiles au public, soit pour les infirmes, soit pour les pauvres étudians, &c.

Communauté se dit aussi de la société de plusieurs Corps établis par Lettres-Patentes, ou par autorité de la Justice, ou de la Police ; & pour faire observer la règle, la discipline de la profession. Ainsi on dit la Communauté des Marchands, des Orfèvres, des Secrétaires du Roi, des Notaires, & des Corps des Métiers.

Communauté se dit aussi des choses qui appartiennent également à tous les membres de la société. Communitas, communio. Platon & Lycurgue, avoient établi la communauté des femmes, & regardoient même comme une délicatesse ridicule sa jalousie des maris qui ne peuvent souffrir de partage : mais il étoit difficile d’empêcher les désordres d’une communauté si délicate. S. Evr.

Communauté d’habitans. On appelle ainsi le Corps des habitans des villes, bourgs ou des paroisses, considérés collectivement pour leurs intérêts communs. Quand même ces communautés ne seroient point établies par des Lettres particulières du Prince, elles pourroient toujours s’assembler pour leurs intérêts communs & pour nommer leurs Syndics & autres Officiers.

Au Palais, il y a la Communauté des Avocats & des Procureurs, qui est non-seulement une Société & Confrérie faite entr’eux pour s’aider les uns les autres ; mais encore une espèce de Tribunal établi pour y faire réformer les mauvaises procédures, blâmer les Procureurs qui les font, & en donner avis à la Cour. Societas, Tribunal. On a mandé ce Procureur à la Communauté sur cette procédure irrégulière. La Communauté a donné avis contre lui. On a ordonné que ce règlement seroit enregistré au Greffe de la Communauté.

Les Procureurs de Communauté sont ceux qu’on élit pour avoir soin des affaires du Corps, recueillir les aumônes & droits de la Chapelle ou de la Confrérie, faire dire le Service, assister les pauvres. Ils faisoient autrefois des festins au jour de la saint Nicolas, qui sont maintenant abrogés. Le Bâtonnier est un ancien Avocat nommé à son tout pour être le chef de cette Communauté.

Communauté se dit encore de quelques particuliers, qui ont mis leurs biens ensemble, soit pour négocier, soit pour vivre plus paisiblement ; ou bien qui possèdent ou qui ont à partager des biens en commun. Ils se sont associés pour fait de marchandises, & ils ont mis tant de fonds en leur Communauté. On dépense moins quand on se met deux ou trois pour vivre en Communauté. Ce qu’on a donné en avancement d’hoirie doit être rapporté à la Communauté des héritiers, quand on veut entrer en partage.

Communauté se dit plus particulièrement de la Société de biens qui sont communs entre le mari & la femme. Bonorum Communio, Communitas. L’effet de la Communauté est, que le mari & la femme sont communs en biens meubles, & conquêts immeubles faits durant le mariage, & en toutes dettes mobiliaires contractées avant, ou pendant le mariage. Dans la Coutume de Paris, & en quelques autres, on stipule dans les contrats de mariage ; que des deniers dotaux il entrera une telle somme dans la Communauté. Le mari est le maître de la Communauté. Les successions collatérales entrent en Communauté. Une veuve peut renoncer à la Communauté, ou la continuer avec ses enfans. Il faut faire clorre son inventaire, quand on veut dissoudre une Communauté. La Communauté est une espèce de succession, & l’acceptation de la Communauté ressemble à l’addition d’hérédité. La Communauté a été introduite en faveur des femmes, pour les faire entrer en partage des biens de leurs maris. Dans tous les pays de Droit Ecrit la Communauté n’a point lieu, ni en beaucoup de pays coutumiers. On a trouvé qu’elle étoit trop onéreuse aux hommes, & qu’il n’étoit point juste que les femmes, qui n’ont point de part à la peine & au travail, en partagent le profit & les avantages. G. G. Autrefois la part de la femme dans la Communauté n’excédoit point le tiers. La Reine elle-même entroit en partage de la Communauté avec le Roi, & emportoit le tiers des trésors & meubles de la maison Royale. Pasq. Autrefois, par l’ancien Droit François ; il y avoit Communauté de biens entre le mari & la femme ; & à la mort du mari, la femme prenoit le tiers des biens de la Communauté, comme il est porté par le Capitulaire de Charlemagne. C. I, IV, c. 9.

Communauté continuée, est une Communauté qui a lieu entre le survivant des deux conjoints par mariage, & les enfans mineurs issus de ce mariage ; lorsque le survivant n’a point fait inventaire des biens qui étoient durant le mariage.