Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COMMUNE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 731-732).
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☞ COMMUNE, s. f. C’est proprement le corps du peuple, le corps des Bourgeois d’une ville, ou des habitans d’un bourg, d’un village. Commune. La commune s’émeut facilement. Il ne faut pas irriter la commune. La commune de tel endroit a pris les armes.

☞ Ce mot au pluriel signifie les peuples de la campagne, les habitans d’une paroisse. C’est dans ce sens qu’on dit assembler les communes pour délibérer sur les affaires de la Communauté.

☞ Autrefois en appeloit les Milices Bourgeoises & les Milices de la Campagne, les communes. On enjoignit aux communes de leur courir lus.

☞ On a aussi donné le nom de communes à une sorte de société que les habitans d’un même lieu, d’une même ville, d’un même bourg formoient entr’eux par la permission du Souverain, au moyen de laquelle ils formoient un Corps, avoient droit de s’assembler, de se choisir des Officiers, &c. C’étoit une espèce de nouveau gouvernement, qui s’étoit établi dans plusieurs endroits du Royaume, avec l’agrément du Souverain, sous le règne de Louis VI, dit le Gros, pour détruire le pouvoir des Seigneurs qui tyrannisoient le peuple, & mettre les habitans, en les unissant d’intérêts, en état de se maintenir contre les grands Seigneurs.

Voici comment les communes s’établirent. L’excommunication de Philippe I, & son inapplication aux affaires, avoient presque ruiné son autorité en France ; & jamais les violences des Seigneurs & des Gentilshommes, & d’une infinité de brigands & de scélérats, qui s’avouoient d’eux, n’allèrent à de plus grandes extrémités, sur tout contre les Ecclésiastiques, sans qu’on pût y remédier, parce que ceux qui devoient fournir des troupes les refusoient souvent. Louis le Gros, à qui Philippe son père avoit abandonné la conduite de l’Etat sur les dernières années de sa vie, délibéra avec les Evêques du domaine Royal des moyens de remédier à ces maux, & imagina avec eux une nouvelle police pour la levée des troupes, & une nouvelle forme de justice dans les Villes, pour empêcher l’impunité des crimes. Au lieu qu’auparavant c’étoient les Baillis seuls qui levoient les Soldats dans les Provinces, il fut déterminé que ce seroient les Evêques & les Bourgeois, qui en certaines Villes se chargeroient désormais de cette commission ; que les levées se feroient par paroisses ; que dans chaque paroisse, tous ceux qui seroient en état de porter les armes seroient obligés de marcher sous les bannières de leurs Eglises, & que les Curés iroient avec eux pour leur administrer les Sacremens, & pour les autres fonctions de leur ministère. On accorda à cette occasion de grands avantages aux villes où cette police fut établie. On y créa un nouveau Tribunal, composé d’un certain nombre de Juges, tirés de la Bourgeoisie, auxquels on donna la connoissance de plusieurs crimes & de plusieurs différens, qui regardoient les bourgeois & la banlieue de la ville. On leur accorda un sceau particulier, le droit de cloche dans le lieu où ils s’assembloient, pour convoquer les Bourgeois, celui d’un beffroi pour faire la garde, & d’autres privilèges semblables, dont Du Cange nous a donné le détail. Des Gentilshommes, & d’autres gens de dehors, entrèrent dans ces communes, & il paroît que tout le territoire, qui ressortissoit auparavant à la justice de ces villes administrée par les Baillis, y participoit aussi. Ainsi, quand on dit dans notre Histoire, que la commune d’une telle ville marcha à l’armée du Roi, cela se doit entendre des troupes levées dans tout le territoire qui en dépendoit, & ces troupes étoient distinguées de celles que les Seigneurs & les Gentilshommes Vassaux du Roi étoient obligés de lui fournir en vertu de leurs Fiefs. Nos Historiens de ce temps-là appellent celles-ci Milites ; & les communes, Bursenses. Ces communes étoient fort commodes pour avoir aisément des troupes. Aussi passerent-elles du domaine du Roi dans celles de ses plus puissans Vassaux, comme des Ducs de Bourgogne & de Normandie, des Comtes de Flandre & de plusieurs autres. Mais d’ailleurs par ce moyen on établit dans les villes comme autant de petites républiques, qui firent souvent de la peine au Souverain. P. Daniel, au commencement de Louis le Jeune, T. I, p. 1167 & suiv.

C’est de là qu’est venue l’autorité & la juridiction des maisons de villes, leurs revenus, les divers offices dont elles sont composées ; car même, en plusieurs chartes, on donne à ces Juges le nom d’Echevins, Scabini, & au Chef de cette juridiction le nom de Major ou de Maire des Gentilshommes.

☞ Par l’établissement des communes, les villes étoient devenues presque indépendantes : aussi dès que les Seigneurs furent réduits, les Rois ne tardèrent pas à dépouiller petit à petit les villes des privilèges qu’ils leur avoient accordés. Voyez la fameuse Ordonnance de Moulins qui ôte la connoissance des affaires civiles entre les parties aux Maires, Echevins, Consuls, Capitouls, en un mot à tous les Administrateurs des Corps de Ville.

Dans le Parlement d’Angleterre il y a deux Chambres : la Chambre Haute est celle des Seigneurs, Curia superior ; la Chambre basse est celle des communes ; inferior Curia ; elle est composée des Députés des Villes, & représente le Tiers-Etat. C’est de cette Chambre que sortent les Bills pour lever de l’argent sur les sujets de l’Etat, Bills auxquels la Chambre Haute ne peut faire aucun changement.

Communes, sont aussi des terres qui appartiennent à des villes, à des bourgs ou villages, où les habitans envoient paître les bestiaux, couper du bois pour leurs usages, & s’en servir dans leurs autres besoins. Agri communes. Les Seigneurs des lieux usurpent souvent les communes des paysans. Les communes ne sauroient être aliénées, & si elles l’étoient, les habitans y pourroient rentrer de plein droit. Journal des Aud. On les appelle en quelque pays des communaux. Festus appelle compascuus, un champ abandonné au pâturage des bestiaux du commun.

Commune, (à la) adv. Communément, grossièrement, vulgairement. Vulgari more, vulgato more. Il philosophe à la commune. Gomb. Il n’est pas d’usage.

Commune, terme de Mythologie, par lequel on désigne une fête que célébroient les Payens. La fête que les Payens nommoient Commune, étant arrivée, Julien retourna au temple de la Fortune. C’est sans doute la fête de tous les Dieux que Festus appelle Communicarius dies.