Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/411-420

Fascicules du tome 2
pages 401 à 410

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 411 à 420

pages 421 à 430


Chambré, ée. Terme de Conchyliologie. Il s’entend d’une coquille qui est cloisonnée, ou séparée dans son intérieur, comme le nautille, la corne d’Ammon & quelques lépas.

CHAMBRERIE. s. f. ☞ Justice qui étoit attachée autrefois à la charge de grand Chambrier de la Couronne, qui fut supprimée avec l’office de Chambrier en 1545.

Chambrerie, dans les Chapitres, est un office ; & dans quelques-uns, une dignité, qui consiste à avoir soin des revenus communs & à en faire des rapports au Chapitre.

☞ On appelle aussi Chambrerie, office de Chambrier, certain bénéfice qui est un des principaux offices claustraux dans les grandes Abbayes. Præfectura cubicularis apud monachos.

CHAMBRET. s. f. Diminutif. Petite chambre. Angustum cubiculum. Il est du style familier.

CHAMBRETTE. s. f. Sorte de poire ☞ ainsi nommée de la paroisse de Chambret en Limousin. Elle mûrit en Octobre : elle est de couleur jaune, d’une grosseur raisonnable. En mûrissant elle devient pâteuse. Elle dure peu de temps. C’est une assez mauvaise poire.

CHAMBRIER. s. m. Grand Officier qui avoit soin de la chambre ou du Trésor chez les Rois & les Empereurs. Regio cubiculo, vel ærario præpositus, supremus Regii cubiculi vel ærarii administer. En France le Chambrier donnoit les ordres dans la Chambre du Roi. Le Gendre. Il signoit autrefois les Lettres-Patentes en qualité de Grand Officier de la Chambre du Roi. Le Grand Chambrier avoit juridiction par lui-même & par ses Lieutenans sur tous les Marchands & Artisans du Royaume, mais il ne jugeoit pas en dernier ressort. On appeloit de lui au Grand Conseil. Charles V, dans des Lettres-Patentes données en 1368, dit que le Chambellan avoit dix sous sur chaque Maîtrise, & le Chambrier six. Quelques-uns prétendent que le premier Chambrier que l’on connoisse est Renaud, qui l’étoit sous Henri I, en 1060. M. Du Chesne remonte jusqu’à Dagobert, sous lequel l’étoit Taltus ; & il en trouve encore sept autres dans la première & la seconde race. L’office de Chambrier fut supprimé en 1545, par François I, après la mort de son fils Charles de France, Duc d’Orléans, qu’il en avoit pourvu après la mort de Charles III, Duc de Bourbon. A la place du Chambrier il créa un premier Gentilhomme de sa Chambre. Quelques-uns prétendent qu’autrefois le Chambrier étoit la même chose que le Grand Chambellan. Voyez Chambellan, & du Tillet, P. I, 46, 79, 315, 395, 410, & suivantes.

On trouve Cambrerius dans la basse latinité, aussi bien que cambra, pour camera, chambre. Voyez Chambre.

Chambrier dans les couvens. Officier claustral qui est pourvu d’une chambrerie ; qui a soin des revenus de la maison, des greniers, du labourage & des provisions, tant pour la bouche que pour le vestiaire. Monasterii Provisor. On l’appelle en quelques endroits Proviseur.

Chambrier. Nom d’un Officier Ecclésiastique. Camerarius. L’Evêque de Coire ou Chur en Suisse, publia un Mandement l’an 1644, adressé à tous les Doyens, Chambriers, Curés, Coopérateurs & Chapelains de son Diocèse. P. Hélyot, Tom. VIII, p. 120

On appelle aussi Chambrier, dans les Eglises, celui qui a soin des revenus communs. A Lyon on le nomme Chamarier, dans quelques endroits Proviseur. Chez quelques Religieux c’est celui qui préside à une Chambre particulière, ou petit Chapitre, où on règle la dépense & les menues affaires de la maison.

On appelle dans la conversation, Grand Chambrier, un Conseiller de Grand’Chambre. La vie d’un grand Chambrier est fort laborieuse.

CHAMBRIÈRE. s. f. Servante des personnes de petite condition. Ancilla. Ce mot n’est plus en usage qu’en parlant des servantes de ceux qui n’ont qu’un petit ménage, ou qui n’ont pour tout domestique qu’une servante. Cependant en Provence, en Languedoc, on use du mot Chambrière pour toutes sortes de servantes. En quelques autres Provinces, le peuple conserve aussi le même usage, qui néanmoins commence à s’abolir.

Chambrière en terme de manège, est un long fouet fait d’une grande courroie de cuir attachée au bout d’un bâton, qui sert à fouetter les chevaux pour les faire obéir au cavalier. Flagellum è corrigiâ.

Chambrière. Terme de Fileuse. Petit ruban, ou autre chose pliée & attachée au haut du sein, qui tient la quenouille en état lorsqu’on file. Tæniola ad sustinendum columen comparata.

On donne encore ce nom à un demi-cercle de fer, suspendu par une anse aussi de fer, que l’on accroche à la crémaillère d’une cheminée. On se sert de la chambrière pour fricasser plus commodément, parce que l’on pose la poêle dessus, pour soulager ses bras, & laisser bouillir ce que l’on fricasse. On ne lève la poêle de dessus la chambrière, que lorsqu’on veut tourner ce que l’on fricasse ; ce qui fatigue beaucoup moins que s’il falloit toujours supporter la poêle à frire avec ses bras. ☞ On appelle aussi chambrière une espèce de chandelier à l’usage des charrons & autres ouvriers, servant à porter leur chandelle quand ils travaillent le soir.

CHAMBRILLON. s. f. Petite servante qui gagne peu de gages. Ancillula. Il est bas.

☞ CHAME ou CAME. Nom générique de coquillages qui comprend plusieurs espèces, telles que les flammettes, les lavignons, les palourdes. Voyez Came.

CHAMEAU. s. m. ☞ Animal quadrupède, haut de jambes, qui a le cou fort long, & qui rumine, propre pour la charge, & non point pour tirer. Camelus. Il est fort commun en Orient. Le chameau arabesque a une grosse bosse sur le dos : le médois en a deux. Sa charge ordinaire est de mille livres pesant. Le chameau a cela de particulier, qu’on l’accoutume, dès qu’il est né, à se baisser pour recevoir sa charge : on lui plie les quatre pieds sous le ventre, on lui met sur le dos un tapis, dont les bords sont chargés de pierres, afin qu’il ne se puisse relever pendant vingt jours. Il a le pié large & solide, & non pas dur : car il est couvert d’une simple peau. Le poil de chameau sert à plusieurs ouvrages & étoffes. Le chameau est dix à douze jours sans boire ni manger. Quand il est en chaleur, il se retire à part avec sa femelle, & la couvre tout le jour. ☞ Pendant qu’il est en rut, il est furieux : cela dure quarante jours. La femelle s’accroupit pour recevoir le mâle. Elle porte onze mois & ne fait qu’un petit à la fois. Les mâles coupés sont plus forts. On n’en laisse qu’un entier pour dix femelles. On ne se sert point d’etrille pour le panser. On le frappe seulement avec une petite baguette comme sur un tapis pour en ôter la poussière. Le maître le suit en chantant & en siflant. Plus il chante fort, & mieux il marche. Il est sujet à s’écarter : c’est pourquoi lorsque les caravannes passent dans des terres glissantes, on étend des tapis sous les chameaux, quelquefois jusqu’au nombre de cent. Tavernier. Voyez Dromadaire.

Les chameaux gardent de l’eau dans leur estomac fort long-temps pour se rafraîchir, par le moyen d’un grand ventricule qu’ils ont, autour duquel on trouve un nombre considérable de sacs enfermés entre ses tuniques, dans lesquels il y a apparence que ces animaux mettent leur eau en réserve. On prétend même que c’est la dernière ressource des Caravannes, d’ouvrir le ventre de ces animaux pour se servir de cette eau. Mais par les Observations Physiques, &c. que les Jésuites ont faites à la Chine, il paroît que ces réservoirs prétendus ne se trouvent point dans les chameaux ; ils ont vérifié le fait par la dissection de divers chameaux. P. Gouye. Mais on ne doit pas regarder ces observations comme bien exactes : il est certain que les chameaux, outre les quatre parties du ventricule qu’on trouve dans tous les animaux ruminans, ont une cinquième poche d’une capacité assez considérable, qui ne le trouve point dans les autres : c’est dans cette espèce de réservoir qu’ils mettent une grande quantité d’eau qui s’y conserve sans se corrompre, parce que les autres liqueurs du corps ne peuvent s’y mêler. C’est de ce reservoir que le chameau, par la seule contraction des muscles fait remonter dans sa panse, & jusqu’à l’œsophage, une partie de cette eau, quand il en a besoin. C’est à cette conformation particulière qu’on doit attribuer la facilité qu’a le chameau de s’abstenir de boire pendant plusieurs jours.

Le chameau qui porte l’étendard d’or, que la Caravanne de Pélerins va offrir tous les ans sur le tombeau de Mahomet à la Mecque, est exemt de porter aucun fardeau pendant le reste de sa vie. La Croix. Ils prétendent même que cet heureux chameau ressuscitera, & jouira des félicités du Paradis. Chevr. Ils ont de l’aversion pour le cheval, le lion, & le thon. Ils vivent, selon quelques-uns, jusqu’à cinquante ans ; & selon quelques autres jusqu’à cent. Le lait de la femelle du chameau est un souverain remède pour guérir l’hydropisie. Il faut en boire tous les jours une pinte pendant trois semaines. Au printemps, tout le poil tombe au chameau en moins de trois jours ; la peau lui demeure toute nue, & les mouches l’importunent fort ; il n’y a point d’autre remède que de lui gaudronner le corps. Tavernier.

On dit chameau mâle, chameau femelle.

Sur les médailles, le chameau est le symbole de l’Arabie. P. Jobert. Et s’il se trouve sur les médailles de quelqu’autre peuple, comme sur celles de la famille Plautia, sur laquelle on voit une tête de femme avec une couronne murale, A Plautius aed. cvr. s. c. Et au revers dans le champ Ivdæus & dans l’exergue Bacchius, & pour type un homme à genoux qui tient de la main gauche un chameau par la bride, & qui tient de la droite une palme ; c’est une marque de société avec l’Arabie. Beger.

Ce mot vient de l’hébreu gamal, selon Nicot ; d’où l’on a formé κάμηλος en grec, camelus en latin, & ensuite chameau en françois. Mais selon Iso Magister, il vient du grec καμπύλον, qui signifie curvum, à cause des bosses qu’il a sur le dos. Charleton dit qu’il peut venir de κάμνω, je travaille, parce que cet animal porte de grands fardeaux ; mais cette étymologie est forcée.

Chameau moucheté. Autre espèce d’animal ressemblant au vrai chameau par la tête ; mais par le reste du corps, au cheval & au bœuf. Camelopardalis. Pomey.

On appelle aussi chameau, le poil de chameau filé en forme de laine fort déliée, du quel se servent les Ferrandiniers dans leurs ouvrages. Filus camelinus.

En termes de Blason, on appelle un chameau emmuselé, qui est représenté avec une muselière. Camelus os obstrictum habens, ou capistratus.

Il y a une herbe qu’on appelle pâture de chameau, à cause que les chameaux en sont fort friands. On l’appelle autrement juncus odoratus, ou scœnantum.

Chameau se dit d’un gros & grand bâtiment qu’on voit en Hollande, & qui n’a été inventé que vers la fin du siècle passé. Le chameau sert à enlever un vaisseau d’un lieu où il y a peu d’eau, & à le transporter dans un autre où il y en a davantage, par le moyen des machines dont est rempli le vaisseau qu’on appelle chameau.

☞ On a donné à cette machine le nom de chameau à cause de sa grandeur & de sa force.

CHAMELÆA TRICOCCOS. Arbrisseau branchu, qui s’élève à la hauteur d’environ un pié & demi, ou de deux ; & qui est toujours garni de feuilles assez semblables à celles de l’olivier, obtuses, charnues, fermes, d’un vert foncé en dessus, & teintes d’une couleur un peu plus claire en dessous. Ses fleurs naissent des aisselles des feuilles, & sont composées d’une seule pièce découpée en trois parties, d’un jaune verdâtre. Ses fleurs sont soutenues par un pédicule fort menu, long à peu près d’une ligne. Le pistile qui occupe leur centre devient un fruit verd à trois coques arrondies, dures, grosses comme des petits pois, qui renferment chacune une petite semence blanche. Cette plante est commune en Languedoc & en Espagne. Le suc de ses feuilles est hydragogue, & purge violemment. Ces mêmes feuilles appliquées sur le ventre des hydropiques, procurent souvent un flux d’urine considérable.

CHAMELIER. s. m. Celui qui panse & qui conduit des chameaux. Qui camelos curat, Camelarius. On appelle aussi chameliers, les Marchands qui font trafic de chameaux. Le premier métier de Mahomet fut d’être chamelier. Chamelier est appelé camelarius, dans la vie de Saint Macaire d’Egypte, & dans celle de Saint Alexandre l’Acœmete.

CHAMES. s. f. Voyez Chame & Came.

CHAMFRAIN. Voyez CHANFREIN.

CHAMFRAINER. Voyez Chanfreiner.

☞ CHEMFRER, Voyez Chamfrer.

CHAMICO. s. m. Sorte de semence du Pérou, semblable à celle des oignons, mais dont la propriété est telle, dit-on, que si l’on boit l’eau dans laquelle elle aura bouilli seule, ou avec du vin, elle provoque un sommeil de vingt-quatre heures ; & si quelqu’un l’a bue en riant ou en pleurant, il demeure fort long-temps dans ce même état. ☞ Ces propriétés paroissent trop singulières pour être crues légèrement. Attendons des observations plus exactes sur la nature du Chamico.

☞ CHAMLEMY, Petite ville de France en Nivernois à huit lieues de Nevers.

CHAMOIS. s. m. Animal quadrupède ruminant, espèce de chèvre sauvage qui habite sur le haut des rochers & des montagnes. Rupicapra. Le chamois a la queue longue de trois pouces, les oreilles de cinq. Il a de grands yeux, avec une paupière interne & rouge. Sa lèvre supérieure est fendue comme au lièvre. Ses cornes sortent au devant du front fort peu au dessus des yeux. Elles sont longues de neuf ou dix doigts, & sont noires, rondes, & rayées circulairement. Ce qui l’a fait appeler par Oppian στρεψίκερος, c’est à-dire, qui a les cornes tournées en arrière. Il a le pié fourché & creusé par dessous, & non rempli de chair comme la gazelle. Il marche sur ses ongles, & court fort vite. Il a trois ventricules pareils à ceux des bœufs. Ses intestins ont quarante piés de long. Il est plus grand, & a les jambes plus longues que la chèvre, mais le poil plus court, qui est pourtant de deux sortes. Le petit est fin, frisé & ondé, & caché sous le grand. Il y en a une partie de couleur de minime brun. Le reste est un blanc sale & roussâtre. Scaliger veut que le caprea des Anciens soit notre chamois, quoique Jonston veuille que ce soit le chevreuil. Pline dit que les chamois vivent de poisons comme les cailles ; ou qu’ils mangent le doronicum, qui est une espèce d’aconit. On trouve quelquefois dans le ventricule des chamois des pierres, qu’on appelle bézoard d’Allemagne. La peau en est fort estimée, parce qu’étant préparée, elle est chaude & douce sur la chair, & se peut savonner. Elle sert aussi à purifier le mercure qu’on fait passer par ses pores, qui sont fort étroits.

Le Chamois est un animal timide. Il y en a beaucoup dans les montagnes du Dauphiné. Leur principale retraite est la montagne de Donoluy, auprès de Rochecourbe, jusques à celle de Montziou, dans le Gapençois. Il en paroît souvent dans ces lieux des troupes de cinquante & plus. Ils marchent sous la conduite de l’un d’entre eux, qui est à leur tête. Les chasseurs lui font toujours essuyer les premiers coups. Quand ils le tuent les autres paroissent dans un si grand étonnement, qu’il est aisé aux moins adroits d’en abattre plusieurs. Ils aiment le sel, & l’on en répand aux lieux où l’on veut les attirer. Comme ils sont très-peureux, ils ne s’amusent pas à paître beaucoup. Ils ne choisissent jamais de pâturage abondant ni fertile, & se contentent de l’herbe qui croît dans le gravier, & parmi les cailloux. Pendant qu’ils paissent, l’un d’eux fait le guet à cent pas de-là, sur la pointe d’un rocher, & d’abord qu’il apperçoit un homme, il avertit par un siflement aigu les autres de prendre garde à eux. Ainsi il est difficile d’en prendre de vivans, & plus encore de prendre des petits. Ces petits meurent d’abord qu’ils sont portés ailleurs. Un air plus doux est mortel pour eux. Ils diffèrent beaucoup des bouquetins : car ils semblent rouges en été, & gris en hiver. De plus ils n’ont que de petites cornes assez larges, & dont le bout est fort crochu. Leur vitesse & la rapidité avec laquelle ils s’élancent de rocher en rocher, ne cède point à celle des bouquetins : mais ils ont cet avantage, que souvent ils s’y attachent par le bout de leurs cornes, & demeurent ainsi long-temps suspendus en l’air jusqu’à ce qu’enfin ils s’en arrachent d’une force incroyable, & se jettent au lieu où ils veulent aller. Chorier. Hist. de Dauph. Liv. I, p. 64.

Ménage dérive ce mot de l’italien, camuccia ou camoccia ; mais Belon dit que ce nom vient du grec κεμὰς.

Chamois veut dire dans les Troupes, un homme qui ne quitte point son Régiment pour venir faire sa cour, & qui est uniquement appliqué à son métier… Ce nom vient de ce que les vieux Officiers de Cavalerie qui ne quittent point les Troupes, ont d’ordinaire une veste & des chaussés de chamois… Mots à la mode.

Chamois se prend aussi pour la peau de chamois. Pellis rupicapræ. Ainsi on dit, gants de chamois, caleçons de chamois.

Chamois est aussi une couleur tirant sur l’isabelle, dont les curieux de tulipes font grand cas. Melinus & subalbidus color.

CHAMOISERIE. s. f. Lieu où l’on prépare les peaux de chamois, ou d’autres peaux, qu’on veut faite passer pour telles, en les apprêtant & les passant en huile.

☞ Il se dit aussi de la marchandise même préparée par le Chamoiseur. Commerce de Chamoiserie.

CHAMOISEUR. s. m. Celui dont la profession est de préparer & passer en huile des peaux de chamois, ou de travailler à les imiter avec d’autres peaux.

CHAMOS. s. m. Terme de Mythologie. Nom d’une Idole des Ammonites & des Moabites, dont il est parlé au IIIe Liv. des Rois, XI, 7, 33, ; IVe Liv. des Rois, XXIII, 13 ; Jérém. XLVIII, 7, 13. Chamos. Saint Jérôme sur Isaie, Liv. V, dit qu’il étoit adoré sur le mont Nabo ou Nébo ; & il ajoûte que Chamos est le même Dieu que Béelphégor, parce que l’un & l’autre sont un Dieu des Moabites ; mais, dit le Père Kirker, il faudroit montrer que les Moabites n’avoient qu’une idole. Selden suit néanmoins ce sentiment, de Diis Syris Synt. I, c. 5, sur la fin. Vatable & Sanctius disent que c’étoit Priape, ce qui revient au même ; car, selon Selden, Béelphégor & Priape sont la même chose. Cornélius à Lapide, Tirin & Sanctius, sur la ressemblance de Chamos & Comus, prennent Chamos pour Comus, le Dieu de la Bonne-Chère & de l’ivresse. Pierre Martyr prétend que, parce que כמס, Camos, en hébreu signifie occultare, c’est-à-dire, cacher, il se pourroit bien faire que Chamos fût Pluton le Dieu des Enfers. Le Père Kirker croit que Chamos est le même qu’Osiris, ou le Bacchus Egyptien, & qu’il a été appelé Chamos, du mot hébreu כמס, recondere, abscondere, cacher ; ou bien d’une solennité que les Egyptiens faisoient tous les ans en l’honneur de Bacchus, en courant par réjouissance & en folâtrant de village en village : d’où cette fête avoit été nommée Comasia, de κῶμος, village. Enfin, le P. Kirker ne veut point qu’on méprise le sentiment qui dérive ce mot de כמס, & qui confond Chamos avec Pluton, parce qu’en effet on confond très-souvent Pluton, Dis, Osiris, Dionysius, Sérapis. Il consent même qu’on dise que c’est Béelphégor, pourvu qu’on tienne que Béelphégor est Priape adoré par les Egyptiens.

Les Moabites sont appelés Peuples de Chamos, Nomb. XXI, 29, Jérém. XLVIII, 46. Vous êtes perdus, peuples de Chamos. Voyez Vossius, De idol. L. II, c. 8.

Ce nom est hébreu, כמוש, Chemos. Plusieurs Modernes l’écrivent & le prononcent ainsi selon l’hébreu. Les Septante & la Vulgate disent Chamos. Prononcez Camos.

CHAMP. s. m. du latin Campus. ☞ Espace plus ou moins grand de terre propre à être labourée : c’est proprement une certaine étendue de terre bornée par des limites naturelles ou artificielles, pour la distinguer des champs voisins. Ager. Champ cultivé. Cultus ager. Champ en friche. Ager incultus.

Hésiode à son tour, par d’utiles leçons,
Des champs trop paresseux vint hâter les moissons. Boil.

Champ. Terme d’Histoire ancienne. Campus. Nom donné par les Latins à certaines plaines de Rome, dans lesquelles il n’y avoit point de maisons, destinnées pour les spectacles, les assemblées du Peuple, & plusieurs autres usages, comme le Champ de Mars, Campus Martius. Le champ de Flore. Campus Floræ, &c.

Le champ de Mars étoit une place ainsi nommée à cause d’un temple du Dieu Mars qui y étoit : on y tenoit les assemblées appelées comices. Dans la suite, Tarquin le superbe prit cette place pour son usage particulier : mais après qu’il eut été chassé de Rome, les Consuls Brutus & Collatinus firent du champ de Mars le lieu des assemblées & des élections. Le champ de Mars n’étoit au commencement qu’un pré au bord du Tibre où l’on faisoit paître les chevaux, & où la jeunesse s’exerçoit à la guerre : on en fit depuis une place magnifique, qu’on orna d’une grande quantité de statues & d’une belle horloge enrichie d’or. Voyez Aulu-Gelle, Denys d’Halycarnasse, Strabon, Pline, Barthélemi Marlianus dans sa Topographie de l’ancienne Rome, &c. Le champ de Flore est une place à Rome où l’on fait la publication des Bulles, des Constitutions, &c. ☞ C’étoit autrefois un lieu consacré à cette Déesse, où se représentoient les jeux appelés Floralia, institués en son honneur.

Champ criminel. (le) Campus sceleratus. Place dans Rome, près de la porte Colline, où l’on enterroit toutes vives les Vestales qui n’avoient pas su conserver leur virginité.

Champ du Rire, (le) Campus Ridiculi. Place où Annibal avoit campé pendant le siège de Rome, qu’il eût pu prendre aisément, s’il n’eût point levé le siège, épouvanté par de vaines terreurs & de certains fantômes qui le troublèrent. Ce qui fut cause que les Romains, voyant Rome délivrée par la retraite d’Annibal, se mirent à faire de grands éclats de rire, & élevèrent là un temple au Dieu du Rire. Antiq. Grecq. & Rom.

On appeloit anciennement en France Champ de Mars, les assemblées de toute la nation, que le Roi convoquoit tous les ans, ou pour dresser de nouvelles loix, ou pour décider des grandes affaires du Royaume. On les nomma ainsi, soit parce qu’elles se tenoient d’ordinaire au mois de Mars, soit à l’imitation du champ de Mars qui étoit destiné à Rome pour de pareilles assemblées. On le nomma depuis le champ de Mai, parce qu’on transporta & qu’on tint ces assemblées au mois de Mai. Dans Grégoire de Tours il est appelé Campus Martius, dans Frédégaire, Part. IV, c. 125 & 130. Campus Madius, & dans les Annales de Metz, Campus Magius. C’est Pépin qui le fit nommer Campus Maius, d’où l’on a fait par erreur ou par corruption, Madius & Magius.

Le P. Daniel prend le Champ de Mars, non pas pour l’assemblée, mais pour le lieu où se faisoit la revue générale des Troupes ; & on le nommoit ainsi, dit cet Historien, non pas que ce fût le nom particulier de quelque champ ; ces revues se faisoient tantôt en un endroit, & tantôt à un autre ; mais, ou à cause que Mars chez les Païens étoit le Dieu de la guerre, ou plutôt, à cause que la revue se faisoit ordinairement à la fin du mois de Mars : d’où vient que dans la suite on l’appela le Champ de Mai, parce que la coutume étant venue de se mettre plus tard en campagne, on ne faisoit la revue qu’au mois de Mai. P. Dan. Tome I p. 7. Voyez aussi M. de Marca, Hist. de Béarn, Liv. I, c. 28, & M. Le Gendre, Mœurs des François, page 12. Ailleurs, Tome I, page 409, il dit comme les autres, que ce sont ces diètes ou assemblées générales des François qu’on avoit appelées d’abord le Champ de Mars, & qui s’appellèrent depuis le Champ de Mai, parce que Pepin en changea le mois. Pepin tenoit actuellement l’assemblée ordinaire, ou le champ de Mai. P. Dan. Sous la troisième race, ces assemblées ont pris le nom d’Etats Généraux. Regni comitia. Voyez les Articles relatifs.

Champ de bataille, en termes de Guerre, signifie le lieu où se donne quelque bataille ou combat. Pugnæ, prælii locus. Ce Général est demeuré maître du champ de bataille. Coucher sur le champ de bataille.

On dit figurément qu’un homme a bien pris son champ de bataille, pour dire, qu’il a pris ses avantages pour réussir en quelque chose. Et que le champ de bataille lui est demeuré, pour dire, qu’il a été supérieur dans une dispute, & qu’il a réduit son adversaire à céder, ou à ne rien dire.

On dit, prendre mal son champ de bataille, d’une personne qui ne prend pas bien le temps & le lieu propre à cela : ce qui se dit encore d’un homme qui, dans une dispute, auroit proposé un objet qu’il lui seroit difficile de soutenir, une difficulté à résoudre qu’il auroit de la peine à éclaircir. Vous prenez mal votre champ de bataille ; ce n’est guères ici le temps ou le lieu propre à cela. Me du Noyer.

On appeloit autrefois champ clos, ou camp clos, l’espace fermé de barrières, où les Chevaliers faisoient des joutes & tournois, ou des combats à outrance. Septus ad certamen locus, arena. Le champ est demeuré à un tel Chevalier. On disoit : prendre du champ, pour dire, faire un tour, une caracole, pour mieux fournir sa carrière.

☞ On dit pourtant le Juge du camp, & non le Juge du champ.

☞ Dans les Arts, ce terme est employé, dans un sens figuré, pour désigner un fond sur lequel on peint, on grave, on représente quelque chose.

Champ, en termes de Blason, se dit du fond de l’écu, qui est chargé des diverses pièces dont se composent les armoiries. Area scuti. La bannière de France est un champ d’azur fleurdelisé. On dit plus ordinairement Ecu & Ecusson.

Le champ d’un tableau, d’une tapisserie, c’est le fond, lequel est d’ordinaire obscur, & où il n’y a rien de peint. Area. Il faut rembrunir le champ de cette tapisserie, pour en relever davantage les couleurs ; le champ de ce tableau, pour en détacher les figures. Le champ, le fond & le derrière d’un tableau, signifient la même chose. On appelle aussi le champ d’une médaille, le fond où il n’y a rien de gravé. On dit encore qu’une draperie, ou un morceau de bâtiment sert de champ à une figure, quand la figure est peinte sur la draperie ou sur le bâtiment.

Champ, chez les Orfèvres. C’est le fond sur lequel sont distribués les ornemens.

On dit, mettre des solives de champ, pour dire, les poser sur la partie la moins large ; Tignum quâ parte angustius est collocare ; en sorte qu’une solive qui a six pouces d’un sens, & quatre de l’autre, est mise de champ, si elle est sur la partie de quatre. Il en est de même de toutes les autres pièces de bois équarries, que l’on doit mettre de champ, pour leur donner plus de force, & pour empêcher qu’elles ne plient.

Champ est aussi un terme de Peignier. C’est le milieu du peigne d’où sortent les dents de chaque côté.

Champ, en termes de Méchanique, se dit de ce qui est posé horisontalement, latu horisonti ad libellam respondente collocatus. Les sablières se couchent de champ.

☞ On appelle roue de champ, celle qui est horisontale, & dont les dents sont perpendiculaires. Celle qui fait l’échappement, s’appelle roue de remonte.

Champ, chez les Opticiens, se dit de l’étendue qu’embrasse une lunette d’approche. Cette lunette n’a pas assez de champ.

Champ se dit, dans un sens figuré, pour sujet, matière. Campus, materies, argumentum. Les Poëtes Païens avoient un beau champ à s’exercer, à cause de la liberté de leurs fictions. Les louanges du Roi sont un beau champ pour exercer les Historiens. Voilà un beau champ pour étaler votre éloquence. Amplissima materia ad dicendum.

Il faut, pour démasquer ce superbe hypocrite,
Flater de son amour les désirs effrontés,
Et donner un champ libre à ses témérités. Mol.

On dit de ceux à qui on donne permission de dire ou d’écrire quelque chose ; vous le pouvez, le champ vous est libre.

Champs, au pluriel, se dit par opposition à ce qui est enfermé dans les villes. Rus. Aller aux champs, à la maison des champs.

Pour réparer les maux pressans
Que le tonnerre a fait à ma maison des champs,
Ne pourrois-je obtenir, Sire, avant que je meure,
Un quart d’heure de votre temps ?

Sanguin, dans le Recueil de Vers fait par le Père Bouhours, I. édit. pag. 215.

☞ Maison des champs n’est pas une façon de parler noble ; il faut dire Maison de campagne. Les Vocabulistes auront soin de faire entrer cette remarque dans la seconde édition de leur Dictionnaire, quoiqu’elle ne se trouve point dans celle de l’Académie. Il faut distinguer les termes bourgeois, des autres.

Champs, au pluriel, signifient aussi toutes sortes de terres, tant labourables que prés, bois, bruyères, &c. pris tout-ensemble. Mener les vaches, les brebis aux champs. Acad. Franç.

☞ En Poësie, les champs de Mars, c’est la Guerre ; les champs de Neptune, la Mer.

{{|Quand par-tout dans les champs de Mars ou de Neptune, Sous tes heureux drapeaux combattait la Fortune.}}

On dit, en termes de Guerre, battre aux champs, signum profectionis indicere, pour dire, battre la marche pour décamper, pour partir. On dit aussi qu’on bat aux champs, pour dire que l’armée se met en marche.

Les Païens ont appelé les Champs Elysées, le lieu des Enfers où ils croyoient que les âmes des gens de bien & des Héros alloient après leur mort, pour y être heureux. Campi Elysii. Quelques-uns ont cru qu’ils étoient dans les îles Canaries. Virgile fait la descrinion des Champs Elysées, dans le sixième de l’Enéïde. On dit aussi Champs Elysiens.

Quand Segrais, affranchi des terrestres liens,
Descendit plein de gloire aux Champs Elysiens,
Virgile en beau français lui fit une harangue ;
Et comme à ce discours Segrais parut surpris,
Si je sais, lui dit-il, le fin de votre langue,
C’est vous qui me l’avez appris.

On appelle à Paris Champs Elysées, un lieu agréable hors de Paris, planté d’arbres qui forment des allées en tout sens. Ce nom a été donné à ce lieu-là par allusion aux champs Elysées des Anciens.

Les Champs Elysées étoient aussi des cimetières où les Païens enterroient leurs morts séparément & dans des tombeaux de pierre. On en peut voir quelques restes dans la ville d’Arles. Les Turcs imitent ces sortes de cimetières : & ce grand nombre de tombeaux élevés fait un aspect qui ressemble à une ville.

Champ se dit adverbialement en ces phrases. A travers champ, pour dire, hors des chemins. Passim, extrà viam. A chaque bout de champ, quocumque tempore, quâlibet datâ occasione, pour dire, à toute heure, à tout propos. Sur le champ, pour dire, présentement, à l’instant. Extemplo, illicò, continuò, statim, ipso temporis articulo.

On dit aussi, parler sur le champ, discourir sur le champ, pour dire, parler, discourir sans préparation, ex tempore dicere. Un discours fait sur le champ, extemporalis oratio. Facilité à parler sur le champ, extemporalitas. M. de Harlay, Archevêque de Paris, avoir une facilité merveilleuse à parler sur le champ.

Champ, se dit en ces phrases proverbiales. Il y a assez de champ pour faire glane ; pour dire qu’il y a assez de besogne pour tout le monde, ou de quoi se contenter. On dit qu’un homme a un œil aux champs & l’autre à la ville, pour dire qu’il est fort vigilant, & qu’il sait ce qui se fait auprès & au loin. On dit aussi qu’un homme court les champs, court les rues, pour dire qu’il est fou ; qu’il se met aux champs, quand il s’emporte de colère ; & qu’on lui donne la clef des champs, quand on lui donne la liberté de s’en aller de s’enfuir, de faire tout ce qu’il voudra.

A champ, à plein champ. Termes de Jardinage. Semer à champ, à plein champ ou à volée, se dit proprement des graines, qui, au lieu d’être mises dans des trous préparés, sont semées indifféremment, sans rayons ni allignement, soit sur une couche, soit en pleine terre, comme les grains en plein champ. Indiscriminatim serere, terræ mandare. On seme à plein champ les choux, les laitues, les raves, les navets, &c.

CHAMPACAM. s. m. C’est un grand arbre qui croît dans les Indes orientales, & qui porte deux fois l’année des fleurs extrêmement odorantes ; mais il ne donne du fruit que long-temps après qu’on l’a planté. Sa racine étant desséchée, & son écorce pilée & mêlée avec du lait épais, appelée dayr, sert à mûrir les abcès : dans de l’eau chaude, elle excite les règles & hâte l’accouchement. Ses fleurs étant pilées & cuites dans l’huile, composent un onguent pour les maux de tête, les maladies des yeux & la goutte. L’eau distillée des fleurs a une odeur très-agréable, & ranime les esprits. Ray, cité par James.

CHAMPADA. s. m. Arbre qui croît à Malaca. Le champada est un arbre fort grand & touffu ; ses branches sont de couleur cendrée, noueuses, & jettent une liqueur gluante & âcre comme le tithymale, lorsqu’on y fait une incision ; le fruit naît du tronc & des grosses branches. Il sort d’abord un bouton qui s’ouvre en plusieurs feuilles, entre lesquelles naît le fruit : il devient d’une grosseur fort considérable, ayant 12 à 14 pouces de long, & autant de circonférence, de la figure de nos melons ; son écorce est verte, toute divisée en petits pentagones, au milieu desquels il y a un petit point noir : le pédicule, qui est gros & ligneux, entrant dans la substance du fruit, se divise en plusieurs gros filamens, qui, traversant tout le corps du fruit, vont se rejoindre vers la pointe. Il y a plusieurs grosses châtaignes couvertes d’une pulpe blanchâtre qui tiennent toutes à ces filamens : de sorte que fendant l’écorce & une substance spongieuse qui environne toutes ces châtaignes, elles se dégagent toutes de leurs compartimens, & demeurent attachées à la queue comme les grains du raisin à la grappe : on suce cette pulpe qui est autour de la châtaigne : elle est sucrée & d’un assez bon goût, mais d’une odeur un peu forte & indigeste. Les gens du pays aiment fort ce fruit, parce qu’il échauffe & entête, mais moins que le durion. Les Châtaignes se mangent cuites dans l’eau ; mais elles ne valent pas les nôtres. Observ. Phys. &c.

CHAMPAGNE. Province de France, qui est bornée au septentrion par la Flandre, à l’orient par la Lorraine, au midi par la Bourgogne, au couchant par l’Île de France, & une partie de la Picardie. Campania. La Champagne se divise en neuf contrées, qui sont la Champagne particulière, le Rémois, le Châlonnois, le Pertois, le Bassigni, le pays d’Argone, le Rételois, la Brie & le Sénonois. On la divise encore en haute & basse Champagne ; la haute est sa partie septentrionale, & la basse est celle qui est au midi. La Champagne a titre de Comté. Elle a même eu des Ducs sous la première race. Les comtes de Champagne ont pris le titre de Comtes Palatins & les Comtes de Joigny, de Rétel, de Brienne, de Roucy, de Grand-Pré, & de Bar-sur-Seine, portoient la qualité de Pairs de Champagne, & y tenoient les grands jours. La capitale du Comté de Champagne est Troyes.

La Champagne particulière renferme les territoires de Troyes & de Châlons. Le gouvernement de Champagne est un des douze grands gouvernemens de France.

Ce nom a été donné à cette Province à cause de ses belles campagnes fertiles, sur-tout en grains & en vins.

☞ On appelle Champagne pouilleuse, une certaine partie de cette Province, située à l’ouest de Vitri-le-François, qui est d’un moindre rapport que les autres contrées de la Province.

Les vins de Champagne sont renommés dans toute l’Europe. Deux Poëtes (M. Coffin & M. Grenan,) ont fait plusieurs pièces, l’un en faveur du vin de Champagne, & l’autre pour le vin de Bourgogne.

Champagne se prend souvent pour le vin même de cette Province. L’Ephore Biberius, qui noie souvent son jugement dans les flots du Coulange & du Champagne, ne laisse pas d’être un homme de probité. Ecole du Monde.

Champagne. s. m. C’est un nom que l’on donne à un valet ou laquais, qui est de Champagne. Où est Champagne ? Qu’on me fasse venir Champagne.

Champagne. Terme de Blâson. C’est l’espace en bas qui occupe le tiers de l’écu vers la pointe. Campus. On l’appelle autrement plaine. Cette pièce est rare en armoiries, selon le P. Ménestrier.

☞ Droit de Champagne. Terme de Coutume & de Finance. On appeloit ainsi un droit qui appartenoit aux Auditeurs des Comptes, sur les baux à ferme du Domaine de Champagne. Il étoit de vingt sous pour les fermes de mille livres & au-dessous, & de quarante sous pour les fermes qui excèdent mille livres. Ce droit ne subsiste plus.

Champagne. s. f. Chez les Teinturiers, espèce de réseau formé sur un cercle de fer, de plusieurs cordes nouées & entrelacées les unes dans les autres, que les Teinturiers suspendent dans la cuve, pour empêcher que l’étoffe qu’on met à la teinture ne touche au marc & à la pâtée.

Champagne (la) Petit pays de France dans la partie orientale du Berri. On l’appelle assez souvent la Champagne du Berri.

Champagne-Mouton. Petite ville de France en Poitou, près de l’Angoumois, à quatorze lieues de Poitiers.

CHAMPAGNOL. s. m. Fungus. Ce mot, qui n’est plus en usage veut dire potiron. Champagnol approche fort de champignon.

CHAMPAN. Terme de Coutume. Droit qu’a un Seigneur de prendre un certain nombre de gerbes sur les champs qui dépendent de sa Seigneurie.

CHAMPANE. s. f. Bâtiment des Indes de 60 à 80 tonneaux, qui n’a que des courcives : il est construit sans cloux, les membres étant seulement arrêtés avec des chevilles de bois, & les bordages emboîtés. Navigium Indicum.

☞ CHAMPANELLES. s. m. Grands singes, qui ressemblent si fort à l’homme, qu’ils n’en diffèrent, dit-on, que parce qu’ils sont privés de l’usage de la voix. Encyc.

CHAMPART. s. m. Terme de Coutumes. Droit qu’a un Seigneur de prendre sur le champ une certaine partie des blés ou d’autres fruits d’une terre labourable, avant que celui qui tient la terre en champart, enlève ce qui en doit rester pour lui. Jus agrarii solarii legendi. Ce droit est appellé champart, quasi pars vel partus agri quem sibi Dominus reservavit. On l’appelle aussi agries ou terrage, & il oblige celui qui tient une terre en champart, non-seulement à laisser la part du Seigneur ; mais aussi à le faire appeler avant que d’enlever ce qui doit rester pour lui, sous peine d’amende : la part du Seigneur est plus ou moins forte, suivant les différens endroits. Dans quelques-uns, c’est la dixième partie des fruits, dans d’autres la douzième ou la quinzième, suivant l’usage des lieux.

☞ La dixme, qui est la part que la terre doit à Dieu, doit être levée avant le champart qui équipole au cens. Ainsi le champart ne peut être pris que sur le restant des gerbes, après la dixme payée. Il y a des terres qui payent la dixme, d’autres le champart. Favin semble les confondre dans son Histoire de Navarre, Liv. VII, p. 401, où il dit que ces terres payoient le dixième, & que pour cela elles étoient appelées agri decumates. Le droit de champart emporte lods & ventes s’il est seigneurial, & tient lieu de chef-cens, autrement, & si ce n’est qu’un droit foncier constitué après le cens, il n’emporte point lods & ventes. Lange. On levé aussi le champart sur les légumes.

☞ CHAMPARTAGE. s. m. Dans la basse latinité, Campartagium. Second droit de champart que quelques Seigneurs dans la coutume de Mantes sont fondés à percevoir, outre le premier qui leur est dû. Héritages, tenus à champart & champartage. Ce second champart peut être seigneurial comme le premier.

☞ CHAMPARTEL, ELLE. adj. Terme de Coutumes. Terre Champartelle, sujette au droit de champart.

CHAMPARTER ou CHAMPARTIR, selon quelques-uns, v. a. Lever le droit de champart. Agri solarium cogere. Un laboureur ne peut enlever aucunes de ses gerbes, que le champ ne soit champarté. Il vient du latin partiri Campum.

CHAMPARTERESSE. adj., qui se dit de la grange seigneuriale où se mettent les champarts. Horreum manipulorum decumanorum. Les Tenanciers des terres sont obligés de conduire à leurs frais les gerbes, prises par le Champarteur dans la grange champarteresse, avant que d’enlever aucune de celles qui leur appartiennent.

CHAMPARTEUR. s. m. Fermier ou homme commis par le Seigneur pour lever son droit de champart. Coactor agrarii solarii.

☞ On peut aussi appeler Champarteur, le Seigneur qui jouit du droit de champart.

☞ CHAMPARTIR, dans quelques Coutumes, synonyme à Champarter.

☞ CHAMPAY. s. m. Terme employé dans la Coutume d’Orléans, formé des mots champ & paître, pacage des bestiaux dans les champs.

☞ CHAMPAYER. Faire paître dans les champs. C’est encore un terme de coutume.

☞ CHAMPDENIERS. Petite ville de France, en Poitou, à quatre lieues de Niort.

CHAMPÉ. adj. Terme de Blason, se dit lorsqu’on ne veut expliquer que la qualité du champ. Middelbourg porte un château champé de gueules. Campus minio affectus.

☞ CHAMPEUGE. s. m. Terme de coutume qui paroit synonyme à Champay. C’est un terme du Mâconnois.

CHAMPELURE. s. f. C’est ainsi qu’on appelle en Normandie la fontaine ou le robinet d’un muid, ou autre vaisseau qu’on a mis en perce. Guerin. Exercices des aides de Normandie. On dit aussi chantepelure lorsque le dernier quart de la pièce est entamé, & qu’elle est à peu près au huitième restant, & sur le point d’être levée : le commis doit la faire lever en la présence, & après avoir rompu & biffé la rouanne qu’il y a posée, faire un X de deux demi-tours de rouanne près de la champelure l’un dans l’autre, à droit & à gauche, pour marquer que la pièce est levée, afin qu’on ne la remette pas en son premier état sur le chantier… Id. ibid. Voyez Chantepleure.

CHAMPENOIS, OISE. s. m. S : f. Qui est de Champagne. Campanus, Campanensis. Nicolas Perrot d’Ablancourt de l’Académie-Françoise, dont nous avons des traductions d’Auteurs Grecs & Latins, souvent citées dans cet ouvrage, étoit Champenois. Eudes II, Comte de Blois, fut surnommé le Champenois, parce qu’après la mort d’Etienne de Vermandois son cousin il s’empara de la Champagne, quoique le Roi Robert s’y opposât. Les Champenoises Demoiselles ont anobli leurs maris. Ce fut une suite de la bataille de Fontenay en Champagne entre les enfans de Louis le Débonnaire. Car, dit Gollut, Mem. des Bourauignons, Liv. IV, ch. 6, la noblesse de Champagne y demeura presque toute ; de sorte qu’il fut permis aux Demoilélles d’anoblir leurs maris.

☞ On dit proverbialement, un Champenois & quatre-vingt-dix-neuf moutons font cent bêtes, pour faire entendre qu’un Champenois est rarement un homme d’esprit. Si on a pu le dire autrefois, l’expérience prouve aujourd’hui le contraire.

☞ CHAMPÊTRE. adj. de t. g. Epithète qu’on applique à ce qui tient quelque chose de la campagne, à ce qui appartient aux champs. Rusticus. Ce berger jouoit des airs champêtres sur son chalumeau.

Rien ne charme davantage les esprits délicats, que le rustique & l’innocence des plaisirs champêtres. S. Evr.

Et dans mon cabinet assis au pied des hêtres,
Faire dire aux échos des sotises champêtres. Boil.

Tous les soins sont bannis des demeures champêtres.
On y vit sans sujets, mais on y vit sans maîtres. Vill.

Les Païens appeloient Dieux champêtres & Divinités champêtres, les faux Dieux qui présidoient aux biens de la terre, & qui étoient particulièrement adorés aux champs.

Champêtre. Il se prend quelquefois substantivement. Ce champêtre est fort agréable. Acad. Fr. On appelle un champêtre, un champ en friche, ou fort éloigné des habitations.

☞ CHAMPIGNI. Campiniacum. Ville de France en Touraine, sur la rivière de Vende.

CHAMPIGNON. s. m. Fungus. Plante dont la substance est d’une tissure différente de celle de toutes les autres plantes, sans fleurs & sans semences apparentes : aussi son caractère ne se tire point de ces parties-là, comme dans les autres plantes, mais seulement du port extérieur de ses espèces. Le vulgaire appelle indifféremment champignon toutes plantes fongueuses, qu’on distingue cependant en celles qui croissent sur les arbres, & en celles qui croissent sur terre, & sont composées d’un pédicule & d’une tête ou chapiteau, convexe pour l’ordinaire en dehors, concave par-dessous, & garni de plusieurs lames ou feuillets ou de petits tuyaux rangés les uns auprès des autres, ce qui rend sa surface interne toute poreuse. On remarque en général que le champignon est toujours suspect dans son usage ; l’expérience l’a fait quelquefois éprouver aux plus friands. Il est vrai cependant qu’il y en a de plus ou moins nuisibles ; ceux qu’on mange plus volontiers sont le mousseron. Fungus parvus, mousseron dictus ; on en trouve en plusieurs endroits du Royaume. On mange presque toute l’année à Paris le fungus pestris albus supernè, inferne rubeus. On fait une couche avec du terreau préparé, & il ne manque guère d’en lever lorsque la couche est bien faite. La plupart des autres espèces sont nuisibles, surtout les espèces qui ont des feuillets noirs, & qui sentent mauvais.

On appelle agaric un champignon qui croît sur le mélèze : on le distingue en mâle & en femelle. Le mâle sert aux Teinturiers en noir ; la femelle au contraire est un purgatif hydragogue. Agaricus, sive fungus laricis ; le mâle croît sur les noyers, & le nomme Agaricus pedis equini formâ. Le fongoïde ne diffère du champignon que par sa figure extérieure. En effet, ce champignon est ordinairement forme en coupe. La morille, bolatus, est même une sorte de champignon ; elle est à présent en usage comme le mousseron & les champignons bons à manger. Ce dernier, fungus, est criblé comme les rayons d’une ruche. La vesse-de-loup est une autre sorte de champignon, qui en se séchant se réduit tout en poudre : cette poudre est bonne pour arrêter les hémorrhagies des hémorrhoïdes ; fungus sive crepitus lupi, lycoperdon vulgare. Les corraloïdes ont été ainsi appelés à cause que cette plante, quoique fongueuse, est branchue comme le corail ; on mange quelques-unes de leurs espèces. Le champignon de sureau est estimé pour la squinancie, fungus sambuccinus, sive auricula judæ. On met enfin la truffe, tuber, parmi les plantes fongueuses. Il y a quelques espèces de champignons dont on a vu tomber une semence noire en forme de poussière. L’Empereur Claude fut empoisonné en mangeant des champignons ; & parce qu’il fut mis après sa mort au nombre des Dieux, on les appela le ragoût des Dieux.

Il y a des champignons qu’on appelle porcini, ou champignons de pourceaux, qu’on fricasse à l’huile & au beurre, parmi lesquels il y en a de venimeux. Rhasis fait mention d’un champignon, dont la poudre mise sur un bouquet, empoisonne quand on le flaire. Matthiole dit qu’il a vu des champignons qui pesoient trente livres, qui étoient jaunes comme de l’or ; & qu’il y en a à Rome & à Naples qui viennent sur des pierres qu’on arrose. Il observe aussi que les meilleurs champignons ne valent rien quand on en mange trop ; qu’ils surmontent & éteignent la chaleur naturelle : & il nomme le champignon la vraie enseigne du logis de la mort. Ferrantes Impératus dit avoir vu des champignons qui pesoient plus de cent livres. Clusius parle d’un qui étoit assez gros pour nourrir plus d’un jour toute une famille ; & & on dit que dans les confins de la Hongrie & de la Croatie il en croît de si gros, qu’un seul peut remplir & faire la charge d’un chariot. XVe Journ. des Sc. 1678. Credat Judæus apella. On a vu un homme en Allemagne, dont les reins, à ce que l’on jugeoit, étoient d’une substance de champignon, parce qu’après d’épouvantables douleurs qu’on avoit cru être causées par la pierre, il jetta de temps en temps de petits champignons, comme les autres font des pierres. Ib. 1679, p.

☞ On ne sauroit prendre trop de précaution dans le choix des champignons. On doit les choisir d’une grosseur médiocre, avant qu’ils soient développés, bien charnus, blancs en dessus, rougeâtres en dessous, fermes, & serrés, & d’une odeur agréable.

☞ Les champignons viennent de graines comme les autres plantes. La nature est uniforme dans ses opérations. On apperçoit même de ces semences avec la loupe sur quelques champignons ; & la manière dont on fait venir les champignons sur nos couches, prouve que ces graines imperceptibles sont renfermées dans le crotin de cheval, où elles germent quand il est suffisamment échauffé, se développent & paroissent comme de petits filets blancs, dont une des extrémités s’arrondit & devient un champignon, la partie intérieure un pedicule.

☞ S’il arrive qu’on soit incommodé pour avoir mangé de mauvais champignons, il faut sur le champ avoir recours aux vomitifs ; & si on n’en a point, on boira coup sur coup beaucoup d’eau tiède dans laquelle on aura fait dissoudre du sel marin. Cette eau irrite l’estomac & provoque au vomissement. Après quoi l’on fait usage des savoneux & adoucissans.

Ménage tient que ce mot vient du latin campinto, à cause qu’il naît dans les champs sans être semé.

On dit proverbialement d’un homme qui s’est élevé, qui a fait fortune en peu de temps, qu’il est venu en une nuit comme un champignon.

☞ On appelle aussi champignon, un bouton qui se forme à l’extrémité du lumignon d’une bougie, d’une chandelle ou d’une lampe qui n’a pas été mouchée. Lucernis fungus. On lui a donné ce nom à cause de sa ressemblance.

Champignon, en Médecine, est aussi une tumeur, ou une excrescence de chairs spongieuses qui naissent en plusieurs parties du corps, comme aux paupières aux parties honteuses, ou à la tête, quand le crâne a été trépané ou rompu, & que les membranes du cerveau ont été blessées. Fungosæ carnis tumor. Il y en a qui sortent hors des fractures des os & qui sont faites effectivement comme des champignons ; ce qui leur en a fait donner le nom.

Champignon, en Architecture. Espèce de coupe renversée, taillée en écailles par dessus, qui sert aux fontaines jaillissantes à faire bouillonner l’eau d’un jet ou d’une gerbe, en tombant. Fungus.

Champignon de Mer. Espèce de petit poisson assez commun sur les côtes de Normandie. Ces poissons ne quittent point le lieu où ils se sont use fois attachés ; quand ils se tiennent renfermés, ils sont semblables à des champignons, ce qui leur en a fait donner le nom ; & à une anémone, quand ils ouvrent ou déplient leurs trompes. Voyez le Spect. de la Nat.

CHAMPIGNONNIÈRE. s. f. Couche de fumier, préparée pour y faire venir des champignons bons à manger. Il faut faire là un champignonnière. On accommode des champignonnières dans des caves.

☞ On ne dit plus champignonnière. Il faut dire couche. Voyez ce mot.

☞ CHAMPION. s. m. Ce mot signifie en général celui qui combat en champ clos pour sa propre cause, ou pour la cause d’un autre ; & plus particulièrement celui qui se bat pour un autre. Pugnator. Les injures faites à l’honneur des Dames se vengeoient autrefois par le combat de deux champions. Ce Prince avoit plusieurs braves champions dans son armée.

Ménage dérive ce mot de campio, suivant les Gloses d’Isidore, qui campo decertant. En ce cas le mot de camp étoit pris pour le duel qui se faisoit dans un champ clos. Campion signifie aussi en allemand un homme qui se bat en duel, camp un duel, & campen, se battre en duel. Ces mots viennent de camp, qui signifie champ, le lieu où l’on se bat, du latin campus. C’est la remarque des Bollandistes, Mart. T. II, p. 494. D. Ce mot campio est très-ancien, quoiqu’il ne soit pas de la bonne latinité. Il se trouve dans Grégoire de Tours. Du Cange dérive champion de l’allemand kampff, qui signifie combat : & il remarque qu’on appeloit proprement, champions ceux qui se battoient pour d’autres, qui, étant obligés selon la coutume d’accepter le duel, avoient pourtant une juste excuse pour s’en dispenser ; s’ils étoient par exemple trop vieux, trop jeunes, ou infirmes, ou Ecclésiastiques. Dans tous ces cas, ils étoient obligés de donner des champions, qu’on appeloit aussi avoués. Il ajoûte que c’étoit le plus souvent des mercenaires qu’on louoit pour de l’argent, & qui passoient pour infâmes. Il y avoit aussi des vassaux, qui par leur foi & hommage étoient obligés envers leurs Seigneurs de se battre pour eux en cas de besoin. C’étoient seulement des combattans à pied armés d’un bâton & d’un bouclier. Il rapporte fort au long les cérémonies de ces combats, & les peines des vaincus.

Cette coutume de décider les différens qu’on avoit, par le combat, vint autrefois du Nord en Allemagne, en France, en Bourgogne, & passa insensiblement dans tout le reste de l’Europe. On choisissoit deux champions pour soutenir le pour & le contre. Avant que d’en venir aux mains, il falloit qu’il y eût sentence qui autorisât le combat. Quand le Juge avoit prononcé, l’accusé jetoit un gage (d’ordinaire c’étoit un gant.) Ce gage de bataille étoit relevé par le Juge & quelquefois par l’accusé avec la permission du Juge ; ensuite les deux combattans étoient envoyés en prison, ou mis à la garde de gens qui en répondoient. Celui des deux qui s’enfuyoit étoit déclaré infâme, & convaincu d’avoir commis le crime qu’on lui imputoit. Les gages reçus, l’accusé & l’accusateur ne pouvoient plus s’accommoder que du consentement du juge. Ils ne l’obtenoient qu’avec peine, & jamais sans payer l’amende que le Seigneur avoit droit de prendre sur la succession du vaincu. C’étoit le Juge ou le Seigneur qui fixoit le jour du combat. C’étoient eux qui étoient tenus de préparer le champ, & de fournir aux combattans des armes sortables. Si le combat se faisoit à pied, les champions ne pouvoient avoir qu’une épee & un bouclier ; s’il se faisoit à cheval on les armoit de toutes pièces. Ces armes étoient portées au son des fifres & des trompettes, par le Juge, au milieu du champ ; & là, bénites par un Prêtre avec de grandes cérémonies. Avant que de s’approcher, les combattans juroient qu’ils n’avoient sur eux aucun charme, & qu’ils se comportoient en loyaux & preux Chevaliers. Ensuite les parreins leur ceignoient l’épée, & d’autres gens leur présentoient, l’un le cheval, l’autre la lance. Enfin par un cri public les Hérauts défendoient au peuple de faire ni signe, ni bruit, ni de favoriser en quelque manière que ce fût l’un ou l’autre des combattans.

L’action commençoit par force démentis que se donnoient les champions ; puis les trompettes ayant sonné, ils en venoient aux mains. Après qu’ils s’étoient donné le nombre de coups de lance, d’épée ou de dague qui étoient marqués dans le cartel, les Juges du combat jetoient en l’air une baguette pour avertir les champions que le combat étoit fini. S’il duroit jusqu’à la nuit avec un succès égal, l’accusé étoit réputé vainqueur : la peine du vaincu étoit celle qu’eût mérité le crime dont on l’accusoit. Si le crime méritoit la mort, le vaincu étoit désarmé, traîné hors du champ, & exécuté aussi-tôt. Il n’y avoit que les Ecclésiastiques, les malades, les estropiés, les jeunes gens au-dessous de 20 ans, & les hommes au-dessus de 60 qui fussent dispensés du combat. Tous étoient obligés de combattre en personne, ou de mettre un homme en leur place. On nommoit proprement champions ces braves de profession, qui moyennant bien de l’argent entroient en lice pour un autre. Si le crime dont il s’agissoit méritoit une peine capitale, le champion qui succomboit étoit, sans forme de procès, mis à mort le moment d’après, avec l’accusateur ou l’accusé qui l’employoit. Le Gendre.

Champion du Roi, en Angleterre, est un Héraut qui, après Le couronnement du Roi, entre à cheval & armé de toutes pièces dans la salle du festin, jette le gant par terre, & présente un cartel à quiconque oseroit nier que le nouveau Prince soit légitime Roi d’Angleterre.

On dit figurément, que les Martyrs ont été de braves champions de la foi, parce qu’ils l’ont défendue au péril de leur vie. Et en général, il se dit de toutes sortes d’assaillans braves, généreux, illustres. Martin, Secréraire du Pape Félix V, a fait un Poëme en faveur des Dames, qu’il a intitulé, le Champion des Dames.

Une palme si vulgaire,
N’est pas pour un tel champion. Voit.

Champion ne se dit guère aujourd’hui que dans le style familier ou le style burlesque, & en riant. Tandis que les coups de poing alloient & que nos champions songeoient à se défendre. La Fontaine.

On dit par raillerie, d’un homme qu’on estime peu vaillant, que c’est un vaillant champion. Ac. Fr.

Champions. (Eau de deux) Voyez Eau.

CHAMPISTEAUX. adj. On l’a dit autrefois pour dépiteux. Morosus, fastidiosus.

☞ CHAMPLEMY, Ville de France dans le Nivernois, à sept lieues de Nevers.

☞ CHAMPLEVER. v. a. Chez les Bijoutiers, c’est surbaisser avec une chape le champ d’une pièce, & le réduire à la hauteur précise où il doit rester, pour y incruster des pierreries ou y placer des émaux. Encyc.

☞ Chez les Fourbisseurs & les Ciseleurs, c’est creuser & découvrir au burin, sur un morceau d’acier, les figures qu’on y a dessinées, & qu’on doit mettre en bas-relief.

☞ CHAMPLITTE. Petite ville de France en Franche-Comté, sur la rivière de Salon, à trois lieues & demie de Gray.

☞ CHAMPLURE. s. f. C’est ainsi qu’on appelle dans quelques campagnes une petite gelée qui endommage les vignes.

☞ CHAMPTOCEAUX. Ville de France en Anjou, avec titre de Baronnie, à neuf ou dix lieues d’Angers sur la Loire.

CHAMSIE. s. m. & f. Nom d’une secte de gens qui se trouvent en Syrie. Chamsius, a. Les Chamsies adoroient le soleil. Le zèle des Missionnaires a fait qu’on ne voit presque plus aujourd’hui les superstitions de ces hommes, que l’on appelle Chamsies. Mémoires des Missions du Levant T. IV, 38.

CHAN. Voyez Cham, & prononcez Kan.

Chan. s. m. C’est une Hôtellerie chez les Turcs, & la même chose que Caravenseras. Voyez ce mot. Les Chans servent de retraite aux Voyageurs, soit dans les campagnes où il n’y a point d’habitations, soit dans les villes mêmes ; & l’on y loge gratis.

CHANAAN. s. m. C’est le nom propre d’un fils de Cham, qui donna son nom à la terre que sa postérité eut en partage, & dont nous allons parler. Les enfans ou la postérité de Chanaan fut maudite par Noé. Chanaan est quelquefois la même chose que les Chananéens, la postérité de Chanaan ; de même qu’Israël signifie souvent les Israëlites. Les Sidoniens, Amalec & Chanaan vous ont opprimé. Jud. X, 12. Chanaan signifie aussi quelquefois le pays qu’on appelle plus communément la terre de Chanaan. Ainsi l’on trouve dans l’Ecriture les bornes, les confins de Chanaan, les Rois de Chanaan. La langue de Chanaan, c’est-à-dire, chananéenne ou des Chananéens, est celle que nous nommons plus ordinairement la langue phénicienne. C’étoit la même langue que l’hébreu ; ou du moins elle en différoit très-peu, comme nous le voyons par tous les noms de cette langue qui sont dans l’Ecriture, & par les mots puniques que saint Augustin & les autres anciens nous ont conservés.

Chanaan. La terre de Chanaan. Terra Chanaan, Chanaanitis. C’est la terre qu’occupèrent les Chananéens, promise ensuite à Abraham, & donnée à sa postérité, & appelée la Terre promise, la Terre de promission, la Terre-Sainte. Elle comprenoit en général ce qui est enfermé entre l’Arabie déserte au midi, la mer Morte & le Jourdain au levant, la Phénicie & l’Anti-Liban au nord, la Méditerranée & les Philistins au couchant, & outre cela les Royaumes d’Og & de Basan à l’orient du Jourdain. Cependant, quoique les Rois & les peuples de ces deux Royaumes fussent des Chananéens, on ne les comprend point communément dans ce qu’on appelle la Terre de Chanaan. Elle étoit divisée en plusieurs Royaumes, dont il est parlé dans les Livres de Moïse, & sur-tout dans celui de Josué. De la Rue a fait une carte de la Terre de Chanaan. Depuis que les Israélites en furent les maîtres, elle fut autrement divisée, comme nous le dirons au mot Terre-sainte.

CHANANÉEN, ENNE. s. m. & f. Beaucoup d’Auteurs écrivent aujourd’hui Cananéen pour Chananéen ; mais mal. Jamais cette Chananéenne de l’Evangile ne se vit exposée à de tels rebuts. Bourd. Exh. I, p. 329. En parlant de cette femme de l’Evangile, communément on dit Chananée, & non pas Chananéenne. La Cananée ou Chananée, l’Evangile de la Chananée. Ainsi la Dame pénitente qui a fait les réflexions sur la miséricorde de Dieu, a dit : Seigneur, inspirez moi par votre sainte grace les mêmes dispositions avec lesquelles la Chananée se vint prosterner à vos pieds.

CHANCE. s. m. Premier coup de dez qu’on jette pour en faire jouer un autre. Primi tesserarum jactus, fortuita puncta. Ainsi on dit, livrer chance à quelqu’un, pour lui donner lieu de jouer un coup ensuite.

Chance, se dit non seulement pour le point qu’on livre à celui contre lequel on joue aux dez, mais encore de celui qu’on amène pour soi-même. On livre chance à quelqu’un ; & l’on amène sa chance.

On dit figurément, livrer chance à quelqu’un ; pour dire, défier, provoquer quelqu’un à la dispute.

Ce mot vient du latin cadentia, selon quelques-uns ; mais il y a plus d’apparence qu’il vient de chance, vieux mot celtique, ou bas-breton, qui signifie cas fortuit.

Chance, est aussi un jeu particulier de dez qui se joue avec certaines règles, & qui ne tombe que sur certains points. Certus tesserarum jactus.

Chance, signifie figurément coup heureux, ☞ un événement heureux, qui dépend du pur hasard. En quoi le mot chance est distingué du bonheur qui s’étend à tous les événemens. On peut, par une sage conduite, contribuer à son bonheur. On ne peut augmenter sa chance.

Votre arrivée m’a porté chance. On dit que la chance a tourné, lorsque d’heureux au jeu qu’on étoit, on devient mal heureux. Fortuna vertit. J’ai gagné au commencement ; mais la chance a tourné.

L’an passé, qu’un dessein quelque peu hasardeux
Vous avait fait sortir de France,
A tel jour qu’aujourd’hui je fis pour vous des vœux,
Et mes vœux vous ont porté chance, R.

On dit proverbialement, chance vaut mieux que bien jouer. Fi du jeu qui n’a chance ; pour dire que quelque précaution que l’on prenne, rien ne réussit quand on est malheureux.

On dit proverbialement, qu’un homme a conté sa chance ; pour dire, son histoire, sa bonne ou mauvaise fortune.

CHANCEL ou CHANCEAU, ou plutôt CANCEL. Voyez ce mot.

CHANCELADE. Voyez Chancellade.

☞ CHANCELAGUA. Plante de la Nouvelle Espagne, fort commune dans les environs de Panama. Elle est aussi amère au goût que la centaurée. Elle facilite, dit-on, la transpiration ; & on s’en sert dans les catharres, dans les rhumatismes & dans les fièvres malignes

CHANCELANT, ANTE. adj. verbal. Qui chancelle, qui panche de côté & d’autre, comme s’il alloit tomber ; qui n’est pas ferme, stable, assuré. Titubans, vacillans. Aller d’un pas chancelant, démarche chancelante.

On le dit aussi au figuré. La fortune est fort chancelante, n’est jamais assurée. Les esprits foibles sont chancelans dans leurs opinions, sont irrésolus. Etre chancelant dans son devoir. Ablanc. La multitude étoit déjà toute ébranlée & chancelante. Vaug. Combien de familles chancelantes ont été soutenues par son secours. Fléch.

CHANCELER, v. n. N’être pas ferme & assuré sur ses pieds, pancher de côté & d’autre, comme si on alloit tomber. Titubare, vacillare. La marque d’un homme qui a trop bû, c’est qu’il chancele, qu’il marche en penchant le corps, tantôt d’un côté, & tantôt de l’autre. Vacillare ex vino. Il s’apperçut que le Roi chanceloit, & laissoit aller ses armes de foiblesse. Vaug. On ne voit point mes pas sous l’âge chanceler. Boil.

Il se dit aussi au figuré des choses qui sont sujettes à varier, à manquer, à changer. Alexandre vit ce jour-là chanceler sa fortune. Vaug. Sa mémoire chancela dès le commencement de sa harangue. Ces gens ne seront pas long-temps amis, leur amitié chancèle déjà.

Sous le coupable effort de sa noire insolence,
Themis a vu cent fois chanceler sa balance. Boil.

Chanceler, se dit aussi figurément de ceux qui sont incertains dans leurs opinions, dans leurs décisions. Animo titubare, vacillare. Il ne faut pas qu’un Auteur grave chancelle dans ses opinions, il faut qu’il décide nettement. Il est encore irrésolu, il chancelle.

Quelques-uns dérivent ce mot de cancellare.

CHANCELIER. s. m. Premier Officier de la Couronne en ce qui regarde la Justice, & qui est le Chef de tous les Conseils du Roi. Franciæ Cancellarius. La principale fonction du Chancelier, c’est de garder le Sceau Royal. On ne dépossède point un Chancelier. Le Chancelier de France est Président né du Grand Conseil. Les Cours Souveraines lui rendent les premiers honneurs après le Roi ; il a seul le droit d’y présider. Il ne prête le serment qu’entre les mains du Roi. Il ne porte jamais le deuil pour quelque raison que ce soit. La raison de ce privilège est qu’il se détache de lui-même, pour ne plus représenter que la Justice, dont il est le Chef. Le Maît. Les Rois ont rassemblé dans le Chancelier l’autorité de toutes les Magistratures : c’est pourquoi ses Lettres sont présentées dans toutes les Cours souveraines. Il a chez lui les marques de la Majesté Royale ; sa maison est ornée de fleurs de lys. Id. Le Chancelier a séance, & opine le premier après les Princes du Sang ; & au Parlement il précède le Connétable. Le P. Anselme. Le Chancelier est la bouche du Prince & l’interprète de ses volontés. Le Maît. Le Chancelier fut du temps du Roi Dagobert appelé Grand Référendaire, comme on recueille d’un passage d’Aimoin. Sous Hugues Capet, il apposoit seulement son seing aux Lettres-Patentes, après la signature du Grand Maître, du Grand Chambellan, du Grand Echanson, & du Connétable.

M. Boyer, de l’Académie Françoise, faisant au nom de sa Compagnie, compliment à un Chancelier, lui dit : Souffrez qu’elle (l’Académie) vous contemple sur le plus auguste & le plus glorieux tribunal de l’univers, où vous êtes devenu la première intelligence de l’Etat, sous le plus grand Roi de la terre ; l’organe de sa justice souveraine, l’oracle de ses loix, le dispensateur de ses grâces, & le dépositaire de son autorité.

On ne peut pas douter que Pharamond, & Clodion & Mérouée ses successeurs, n’ayent eu des Chanceliers & des Sécrétaires, quoique l’histoire ne rapporte point leurs noms. Quelques Auteurs modernes font Widiomare Chancelier, ou Référendaire du Roi Childeric, mais sans aucun fondement. Grégoire de Tours ne lui donne point cette qualité. Le premier Référendaire, (car c’est le nom dont les Chanceliers de France ont été appelés sous la première race de nos Rois) se nommoit Aurélien. Il exerça cette charge sous Clovis, cinquième Roi des François. Hincmar dit qu’il portoit l’anneau ou le sceau de ce Prince. Tessereau. D’autres font Aurélien Grand Chambellan, & non pas Référendaire. Voyez Bardin, & ci-dessus au mot Chambellan. Valentinien est le premier qu’on trouve qui ait signé les Chartres de nos Rois en qualité de Notaire, ou Sécrétaire. Amanuensis. Il fit cette fonction sous Childebert Roi de Paris, & fils de Clovis. Tessereau, qui donne une suite Chronologique des Référendaires & Chanceliers de France, au commencement de son Hist. Chronol. de la Chancel. Grégoire de Tours, ch. 28 des miracles de S. Martin, donnent à entendre que le Référendaire avoit sous lui plusieurs Chanceliers. Ainsi ce mot en ce temps-là se prenoit pour Notaire, ou Sécrétaire. Ces Chanceliers, comme dit M. de Cordemoy, ne servoient qu’à écrire ou à signer les actes que les Référendaires devoient sceller ; & par succession de temps, le nom de ces petits Officiers a été donné à celui non-seulement qui garde le sceau du Prince, comme faisoient les Référendaires, mais qui préside encore à tous les Conseils, comme le chef de la Justice & le premier des Magistrats. Sous la seconde race de nos Rois, les Chanceliers ne sont plus appelés Référendaires, mais Aprocrisiaires, Archichanceliers, Archinotaires, Archichapelains, & souverains ou suprêmes Chanceliers. Cette dignité augmenta beaucoup sous la troisième race, sous laquelle le seul nom de Chancelier est resté à celui qui en est pourvu. C’est Louis le Jeune qui donna aux Chanceliers le droit d’assister avec les Pairs aux jugemens des Pairs. Philippe le Bel leur donna, dans le Parlement qu’il établit à Paris l’an 1302, rang immédiatement après un Evêque, un Prince du Sang, & avant tous les autres Juges. Voyez sur tout cela, & tout ce qui regarde le Chancelier, Tessereau, déjà cité.

La charge de Chancelier ne se vend point. Elle n’étoit autrefois que la cinquième charge de la Couronne. Il y avoit au-dessus de lui le Sénéchal, le Chambrier, le Grand Maître & le Connétable. Le Chancelier ne se mêloit que de l’expédition des Lettres. On l’a appelé Référendaire, comme on l’a dit, puis Chancelier ; Référendaire, parce que c’étoit lui qui rapportoit toutes les lettres devant le Roi ; Chancelier, parce qu’il les barroit quand elles n’étoient pas bien dressées, ou plutôt parce qu’il les scelloit dans un endroit fermé de grilles, autrefois appelées chanceaux, en latin cancelli. Son pouvoir s’accrut fort sous la troisième race, par la suppression de quelques-unes de ces grandes charges qui avoient rang avec la sienne. Le Gendre. Il y a dans le procès de M. Fouquet de grandes Dissertations, savoir, si le Chancelier peut être récusé.

Il y a apparence que ce mot vient du latin cancellum, qui signifie chassis, à cause de sa ressemblance avec le paraphe du Roi, qui est fait en grille, auprès duquel le Chancelier appose le sceau. D’autres croient que ce mot vient de canceller, à cause qu’il faisoit plusieurs traits de plume, sur les lettres qu’il refusoit, comme prétend Nicot, & quand il les trouvoit inciviles ; & aussi parce qu’il casse les arrêts des Cours supérieures, lorsqu’il préside au Conseil. Cancellare en latin, signifie biffer, rayer, passer une ligne sur quelque chose. Sarisber. In Euthetico, parlant d’un Chancelier, dit,

Hic est qui regni leges cancellat iniquas,
Et mandata pii Principis æqua facit.

C’est aussi le sentiment de Turnèbe, qui favorise le vers synonyme de Briton,

Cancello scribo, Cancello grammata findo.


Comme Naudé le remarque dans son Mascurat. Mais Ménage dit qu’il vient à cancellis, c’est-à-dire, du chancel ou treillis où étoit l’Empereur quand il rendoit la justice ; parce que le Chancelier étoit à la porte de la clôture qui séparoit le Prince, du peuple. Naudé préfère cette opinion, qui est, comme il dit dans son Mascurat, de Pithou, de Casaubon, & de tous les bons Auteurs, & qui se prouve par Cassiodore, & par le Moine Erricus en la vie de Saint Germain, où il appelle un Chancelier.

Atque à cancellis prisco de more minister.


Du Cange, après Joannes de Janua, dit que ce mot vient de la Palestine, où les toits étoient plats & faits en terrasse, avec des parapets ou garde-fous grillés qui s’appeloient cancelli, & que ceux qui montoient sur ces toits pour reciter quelque harangue, s’appeloient Cancellarii ; & qu’on a étendu ce nom à ceux qui plaidoient dans les barreaux, qu’il appelle cancelli forenses. Et depuis on a appelé Chanceliers, ceux qui étoient les premiers assis en ces barreaux : & enfin ce nom s’est donné à ceux qui étoient les Sécrétaires des Rois, qui gardoient leurs cachets & leur sceau.

☞ Celui qui portoit ce nom dans l’Empire Romain n’étoit qu’un Officier peu considérable, qui se tenoit dans un lieu fermé de grilles ou barreaux, pour copier les sentences des Juges & les autres actes judiciaires, comme à peu près nos Greffiers ou Commis du Greffe. Ils étoient payés par rôles de leurs écritures.

On trouve aussi des Chanceliers dans l’Empire Grec, Καγκελλάριος ; mais ce ne sont que des Trésoriers, Quæstores, ou des Logothètes, c’est-à-dire des Officiers qui faisoient rendre des comptes. Voyez Cujas, ad l. 2, Cod. de petition. bonor. sublat. & ad l. ult. de discuss. l. 10, c. & Paratit. L. I, Cod. tit. 30.

On trouve encore des Chanceliers des Eglises. Tel est dans le VIe Concile, Act. VIIIe, Etienne, Diacre & Chancelier ; & dans Sigebert, Jean Chancelier de l’Eglise Romaine, qui succeda au Pape Paschal. On croit que ces Chanceliers étoient les Chefs des Notaires ou Scribes. Voyez le Glossaire de Fabrot sur Nicétas Choniates, au mot ΚΑΓΚΕΛΛΑΡΙΟΣ.

Chancelier, signifie aussi, celui qui garde les Sceaux des Princes de la Maison Royale, ou de quelques Communautés. Le Chancelier de la Reine, de Monsieur. Cancellarius Reginæ, unici Regis fratris Cancellarius, &c.

Le Chancelier de l’Université, est celui qui scelle les Lettres des grades & des provisions qu’on donne dans l’Université. Academiæ Cancellarius. Toutes les Commissions de la Cour de Rome pour l’Université, sont adressées au Chancelier. Il y a deux Chanceliers dans l’Université de Paris : l’un qui est établi dans la Cathédrale, d’où vient que les bonnets & les degrés de Docteurs en Théologie sont pris au Palais épiscopal ; & ce Chancelier est du Corps du Chapitre. Il y en a un autre pour les actes, qui est un Religieux de sainte Geneviève, parce que cette Maison a été tirée de S. Victor, où se tinrent autrefois les premières écoles, après celles de la Cathédrale. Ils ont tous deux un pouvoir égal, & sont établis il y a plus de huit cens ans. Du Chêne, Belleforêt, & autres Historiens François, donnent le droit d’ancienneté au Chancelier de Sainte Geneviève.

Il y a des Chanceliers dans les Ordres de Chevalerie, du Saint Esprit, de S. Lazare. Il y a aussi un Chancelier du Grand Prieuré de France. C’est lui qui scelle les Commissions & les Mandemens du Chapitre de l’Assemblée des Chevaliers ; qui tient le Registre des Délibérations, & qui en délivre les actes sous le sceau de l’Ordre.

La dignité de Chancelier de tout l’Ordre est attachée au Pilier de Castille, Léon & Portugal. Il présente le vice-Chancelier au Conseil ; il doit être présent aux Bulles que l’on scelle avec le sceau ordinaire, & doit signer les originaux. L’Abbé de Vertot.

L’Académie Françoise a aussi son Chancelier, qui préside en l’absence du Directeur.

☞ Il y a aussi des Chanceliers dans les Académies de Peinture & de Sculpture. Il y en a de même dans quelques Académies des villes de Province, & dans quelques Sociétés littéraires.