Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/451-460

Fascicules du tome 1
pages 441 à 450

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 451 à 460

pages 461 à 470



si indignée de sa vanité, qu’elle rompit le métier, & brisa les fuseaux. La superbe Arachné fut si outrée de cette disgrace, qu’elle s’en pendit de désespoir, & Minerve la métamorphosa en araignée.

ARACHYDNA, ou ARACHIDNOÏDE. s. f. C’est une des quatre plantes légumineuses, qui, selon Rai, portent fruit dans la terre & hors de la terre. Voyez Arachidna.

ARACHIDNOÏDE. adj. Pris substantivement. Arachidnoïde. Terme d’Anatomie, qui se dit d’une tunique déliée comme une toile d’araignée, qui enveloppe le cristallin. On l’appelle aussi Cristalloïde.

☞ C’est encore le nom de la membrane fine, mince & transparente qui enveloppe toute la substance du cerveau, la moelle alongée, & la moelle de l’épine.

Ce mot vient du grec ἀράχνη, araignée, toile d’araignée, & εἶδος, forme ; parce que cette tunique a la forme de toile d’araignée. Elle s’appelle aussi Cristalloïde ; elle est diaphane, afin que les images des objets y paroissent comme dans un miroir. Lionis.

☞ ARACK. s. m. Voyez Arak.

ARACLÉA, ou PÉRINTHO. Ville de la Turquie, en Europe. Peraclea, Perinthus, Mygdonia. Elle est dans la Romanie, sur la mer de Marmara, entre la ville de Sélivrée & celle de Rudisto. C’étoit autrefois une ville du Bosphore, qui fut d’abord nommée Périntho, & ensuite Héraclée. Elle avoit un amphithéâtre fameux, qui passa pour une des sept merveilles du monde. Nous avons encore beaucoup de médailles de cette ville avec l’inscription ΠΕΡΙΝΘΙΩΝ. Voy. Nonnius. Tab. XXVI, & les médailles des villes grecques, frappées pour les Empereurs, par Vaillant. Ce médailles montrent que cette ville a conservé le nom de Périnthe jusque sous Gallien. Il y a néanmoins des médailles de Gordien le Pieux, & même de Trajan, sur lesquelles on lit ΗΡΑΚΛΕΩΤΑΝ ΜΑΤΡΟΠΟΛΙΤΑΝ. Si elles sont de cette ville, elles prouvent qu’elle avoit dès ce temps-là le nom d’Héraclée. Au reste il faut dire Héraclée ou Périnthe, quand il s’agit de l’antiquité, & Aracléa, quand on parle de ces temps-ci.

ARACLIOTE. s. m. & f. Qui est d’Aracléa. Heracleotes.

ARACOUA, ou ARACHOUA. Bourg de la Livadie, en Grèce. Aracova, autrefois Ambrissus. Ville située au pied du mont Parnasse, dans la Phocide.

ARACUJE, ou ARACUITE & ARAGUITE. s. m. & f. Nom de peuple. Aracuitus, a. Les Aracujes, ou Aracuites sont un peuple du Brésil, dans l’Amérique méridionale. Ils habitent un pays voisin du gouvernement de Fernambouc, ou Pernambouc.

ARAD. Ville des Chananéens, & le siége d’un de leurs Rois. Arad. Elle étoit au midi de la tribu de Juda, près de la mer morte. Les Israëlites la détruisirent.

ARADA. Lieu de l’Arabie déserte. Arada. Ce lieu fut le vingt & unième campement des Israëlites, après leur sortie d’Egypte.

ARADIEN, ENNE. s. m. & f. Qui est d’Aradus. Aradius, a, um. Il y a beaucoup de médailles des Aradiens avec des époques de l’ère des Séleucides. Voyez Strabon sur ce peuple.

ARADUS. Nom de lieu. Aradus. Il y en a trois de ce nom dans l’Antiquité. Le premier étoit une île de Phénicie. Cette île étoit petite, & toute entière occupée par une ville de même nom, & si peuplée, dit Mêla, qu’il étoit permis d’y bâtir sur la maison d’un autre. Pline dit qu’elle étoit séparée du continent par un canal de mer de cinquante coudées. On y conduisoit l’eau douce d’une fontaine, par un canal de cuir, comme celui des pompes, dont on se sert aujourd’hui à Paris dans les incendies.

Le second lieu, nommé Aradus, étoit une île de la mer rouge, dont les habitans se disoient une Colonie de Tyr, & d’Aradus en Phénicie.

Le troisième étoit une ville de Crète, dont parle l’Auteur du premier Livre des Machabées, C. XV. ℣. 23.

On peut en ajouter un quatrième d’après Ptolémée, qui place dans le golfe persique une île de ce nom.

ARÆOMÉTRE. s. m. Voyez Aréometre.

ARÆOSTILE. s. m. Terme d’Architecture. C’est un édifice dont les colonnes sont extraordinairement éloignées. Il est opposé au Pycnostyle, dont les colonnes sont par trop pressées. Aræostile vient d’ἀραίος, rare ; & στυλὴ, colonne. Voyez Aréostyle.

ARAGNE. s. f. Vieux mot ; qui signifie araignée, & qui peut encore être employé dans la poësie naïve ou marotique.

ARAGON. Aragonia. Royaume d’Espagne, qui a au nord les Pyrénéees, la Castille au couchant, Valence au midi, la Navarre au nord-ouest, la Catalogne au levant. Quelques-uns croient qu’il a pris son nom d’une petite rivière qui l’arrose, & qui se nomme Aragon. C’est le sentiment du P. d’Orléans. D’autres pensent que c’est une corruption de Tarracone, qui donnoit son nom à tout ce pays qu’on appeloit Taraconensis Hispania. C’est le sentiment d’Antonius Nebrixa, & de Vasæus. D’autres, au rapport de Valla, disent qu’il s’est fait du nom des Antrigons, peuples qui habitoient ce pays anciennement. Enfin, d’autres veulent qu’il y ait eu dans cette partie d’Espagne un autel d’Hercule auprès duquel se célébroient des jeux en l’honneur de ce Dieu, & que de ara, autel, & agonoles, jeux, combats, s’est fait Aragon. L’Aragon a été partie du royaume de Castille. En 1035, les fils de Sanche III partagerent les états ; Ferdinand fut Roi de Castille, & Ramir eut l’Aragon. Quelques-uns prétendent néanmoins que dès le IXe siècle l’Aragon eut ses Rois particuliers, dont Abarca fut le premier en 898. En 1479, l’Aragon fut réuni aux royaumes de Castille & de Léon, par le mariage de Ferdinand d’Aragon avec Isabelle de Castille.

Aragon. Aragonius. rivière d’Espagne qui a sa source dans les Pyrénées, parcourt un coin de l’Aragon, après quoi il entre dans la Navarre, où il se jette dans l’Ebre.

☞ ARAGONNET. Port de Gascogne, sur les frontières d’Espagne, assez fréquenté, pour aller à Sarragosse.

ARAGONOT, OTE, ou ARAGONOIS, OISE. s. m. & f. C’est un nom que l’on donne quelquefois aux Côtéreaux, ou Brabançois. Voyez ces mots.

ARAIGNÉE. s. f. Quelques-uns disent Arignée, mais très-mal. Petit insecte venimeux, qui avec ses pieds fait un merveilleux tissu de filets pour se suspendre en l’air, & prendre de petites mouches dont il se nourrit. Aranea.

M. Bon, Premier Président de la Chambre des Comptes de Montpellier, & Associé honoraire de la Société royale des Sciences, a fait une dissertation sur les araignées, dans laquelle il en donne la description. La nature a divisé cet insecte en deux parties. La première est couverte d’un têt, ou écaille dure remplie de poils : elle comprend la tête & la poitrine, à laquelle huit jambes sont attachées, toutes bien articulées en six endroits : elles ont encore deux autres jambes, qu’on peut appeler leurs bras, & deux pinces armées de deux ongles crochus, attachées par des articulations à l’extrémité de la tête : c’est avec ces pinces, qu’elles tuent les insectes qu’elles veulent manger, leur bouche étant immédiatement au-dessous. Elles ont aussi deux petits ongles au bout de chaque jambe, & quelque chose de spongieux entre deux : ce qui leur sert sans doute pour marcher avec plus de facilité sur les corps polis. La seconde partie du corps de cet insecte n’est attachée à la première que par un petit fil, & n’est couverte que d’une peau assez mince, sur laquelle il y a des poils de plusieurs couleurs, elle contient le dos, le ventre, les parties de la génération, & l’anus. Autour de l’anus il y a cinq mamelons, qu’on prend d’abord pour autant de filières, par où le fil doit se mouvoir ; car il est certain que toutes les araignées filent par l’anus. M. Bon a trouvé que ces mamelons étoient musculeux, & garnis d’un sphincter. Il en a remarqué deux autres un peu en dedans, du milieu desquels sortent véritablement plusieurs fils en assez grande quantité, tantôt plus, tantôt moins. Les Araignées s’en servent lorsqu’elles veulent passer d’un lieu à un autre. Martin Lister, membre de la Société royale de Londres, dans un Traité de araneis, dit encore quelques autres particularités des parties internes de ces insectes ; mais il avoue que leur petitesse l’a empêché d’y rien découvrir de certain. Il ne donne donc ceci que pour des conjectures ; & dit que l’uterus n’est composé que d’une cellule dans celles qui font tous leurs œufs en une seule fois ; & de deux ou plusieurs dans celles qui ne les déposent qu’à plusieurs fois ; que la conformation des intestins n’est pas la même dans toutes les espèces, puisque les excrémens de quelques-unes sont liquides & durs aux autres, quoiqu’elles vivent toutes également de mouches.

Il y a différentes espèces d’araignées. M. Bon les réduit en général en deux : celles qui ont les jambes longues & celles qui les ont courtes. A l’égard de leurs différences particulières, on les distingue, dit-il, par la couleur ; car il y en a de noires, de brunes, de jaunes, de vertes, de blanches, & quelques-unes de toutes ces couleurs mêlées ensemble. On les distingue encore par le nombre & l’arrangement de leurs yeux ; les unes en ayant six, les autres huit & les autres dix, rangés différemment sur le sommet de la tête. Lister ne convient point de ce fait. Il en reconnoît qui ont huit yeux & d’autres qui n’en ont que deux ; ce sont-là, selon lui, les deux espèces générales. Peut-être y en a-t-il qui ont six yeux, mais il en doute. Il distingue encore la première espèce en deux, dont les unes sont celles qui prennent des mouches par le moyen des toiles qu’elles font ; & il en trouve encore sous cette espèce 28 ou 30 différentes sortes, qui sont distinguées, ou par leurs couleurs, ou par la figure de leurs corps, ou par la forme de leurs toiles, ou par la manière dont elles font leurs œufs. Les autres sont celles qui attaquent les mouches à découvert, & sans leur tendre des embuches avec des filets ; qui sont, 1.o les araignées loups, qui sont de quatre sortes. 2.o Les araignées qui ont la forme d’un Cancre, dont le propre est d’avoir les pieds de derrière très-courts, & qui ne sont que de deux sortes 3.o Les araignées phalanges, qu’il range en quatre classes. Pour la seconde espèce générale, qui sont celles qui ont deux yeux, il la subdivise en quatre espèces subalternes, qui ne différent que par leurs couleurs & leurs crêtes. M. Bon croit que les araignées sont androgynes, ayant toujours trouvé les marques du mâle dans celles qui font des œufs. Lister est d’un sentiment contraire. Il y reconnoît deux sexes ; il dit qu’elles s’accouplent, mais que le mâle & la femelle ne vivent ensemble que dans ce temps-là ; qu’elles ne couvent point leurs œufs ; qu’ordinairement les petits ne sont éclos que vingt-un jours après qu’elles ont mis bas leurs œufs ; que cependant celles qui ne font leurs œufs qu’au mois de Septembre n’ont des petits qu’au commencement du Printemps, ou même un peu plus tard.

Toutes les araignées filent par l’anus. Elles le remuent avec beaucoup de facilité en tous sens, à cause de plusieurs anneaux qui y vont aboutir. Elles jettent plusieurs fils tout à la fois. M. Bon en a distingué jusqu’à quinze ou vingt au sortir de leur anus. Le premier qu’elles dévident est foible, & ne leur sert qu’à faire cette espèce de toile dans laquelle les mouches vont s’embarrasser. Le second est beaucoup plus fort que le premier : elles en enveloppent leurs œufs, pour les mettre à couvert du froid & des insectes qui pourroient les manger. Ces derniers fils sont entortillés fort lâches autour de leurs œufs, & d’une figure semblable aux coques de vers à soie, qu’on a préparées & ramollies entre les doigts pour les mettre sur une quenouille. Ces coques d’araignées sont grises d’abord, ensuite elles deviennent noirâtres à l’air. C’est de ces coques que M. Bon a trouvé le secret de tirer la soie, dont on parlera au mot SOIE.

Voici la description de l’araignée, selon M. Homberg. Tout le corps de l’araignée se peut diviser en partie antérieure, en partie postérieure & en pattes. La partie antérieure contient la poitrine & la tête ; la postérieure est son ventre. Ces deux parties tiennent ensemble par un étranglement, ou par un anneau fort petit. La plûpart des araignées ont la partie antérieure, ou la tête & la poitrine couverte d’une croûte dure ou écailleuse, & le ventre, ou la partie postérieure est toujours couverte d’une peau souple. Les pattes tiennent à la poitrine & sont dures comme toute la partie antérieure. Cette structure est différente de celle de plusieurs autres insectes rampans & volans : par exemple, les demoiselles & plusieurs autres ont le ventre & la poitrine attachés ensemble tout d’une venue & sans étranglement fort étroit. Les fourmis, les guêpes & la plûpart des mouches ont la poitrine attachée au ventre par un étranglement, & la tête attachée à la poitrine par un autre étranglement.

Toutes les araignées sont couvertes de poils, aussi bien les parties dures que les souples.

Elles ont sur différens endroits de la tête plusieurs yeux fort bien marqués, de différentes grosseurs, différens en nombre, & différemment placés. Ces yeux sont tous sans paupières & couverts d’une croûte dure, polie & transparente.

Elles ont dans la partie antérieure de la tête une espèce de serres ou de tenailles, semblables en quelque façon aux serres ou aux pattes d’écrevisses, qui font avec le front de cet animal tout le devant de sa tête. Ces tenailles consistent en deux branches un peu plates, couvertes d’une croûte dure. Elles sont attachées perpendiculairement à la partie inférieure du front par une peau simple qui leur sert d’articulation ou de charnière, pour ouvrir & fermer ces tenailles. Ces branches sont garnies de pointes fort dures aux deux bords qui se joignent ; elles servent à attraper leur proie & à la tenir auprès de leur bouche, qui est derrière ces tenailles pour en tirer ce qui leur sert de nourriture. Les branches de ces tenailles ont à leurs extrémités inférieures chacune un ongle crochu, ressemblant en quelque façon aux ongles d’un chat. Ces ongles sont grands, fort durs & articulés, de sorte que l’animal les peut remuer de haut en bas & de bas en haut, sans qu’il ait besoin de remuer les branches de ces tenailles. Il y a apparence que ces ongles servent pour fermer le bas des tenailles & pour embrasser la proie afin qu’elle n’échappe pas des serres. Car moyennant ces ongles, l’ouverture des serres ou des tenailles fait un triangle clos de toutes parts, qui sans cela n’auroit que les deux côtés. Ces ongles étant articulés, peuvent servir aussi pour hausser & pour baisser la proie que l’araignée tient dans ses tenailles.

Toutes les araignées ont huit jambes articulées de même que les jambes des écrevisses : elles ont à l’extrémité de chaque jambe deux grands ongles crochus & articulés. Il y a à l’extrémité de chaque jambe entre les deux ongles, un paquet comme une éponge un peu mouillée, semblable à celui qu’on observe aux extrémités des pattes des mouches. Ce paquet spongieux sert apparemment aux mêmes fins que celui des mouches, pour marcher les jambes en haut contre des corps polis, comme une glace de miroir, où l’usage des crochets des extrémités de leurs pattes n’a pas de lieu : mais ces éponges, fournissant une liqueur un peu gluante, suffisent pour les y coller. Cette liqueur gluante tarit avec l’âge aussi bien aux araignées qu’aux mouches, de sorte qu’elles ne peuvent plus marcher long-temps de bas en haut contre une glace de miroir ; & même une vieille araignée étant tombée par hasard dans une jatte de porcelaine un peu profonde, elle n’en sauroit sortir, & est obligée d’y mourir de faim. Il en arrive autant à la matière qui fournit leur toile. Peut-être est-ce la même que celle des pattes, ou qu’elle lui est analogue, puisqu’avec l’âge elles tarissent à peu près de même.

Outre les huit jambes dont nous venons de parler, & qui servent à marcher, les araignées en ont encore deux autres plus proches de la tête, avec lesquelles elles ne marchent pas, mais qui leur servent de bras & de mains, pour placer & pour retourner la proie qu’elles tiennent dans leurs serres, afin de la présenter de toutes manières & en différens sens à leur bouche, qui est placée immédiatement derrière leurs tenailles. Cette cinquième paire de jambes, ou ces bras ne sont pas faits de la même manière dans toutes les espèces d’araignées. Dans quelques-unes elles ressemblent parfaitement aux autres jambes, & dans d’autres elles en sont tout-à-fait différentes.

Il y a autour de l’anus de toutes les araignées quatre petits mamelons musculeux, larges vers leurs bases, & pointus vers leurs extrémités. Ces mamelons ont un mouvement fort libre en tous sens. Du milieu d’entre ces mamelons, sort, comme par une filière, la liqueur gluante qui produit le fil dont elles font leurs toiles & leurs nids. Cette filière a un sphincter pour s’ouvrir & pour se resserrer, moyennant quoi elles peuvent filer plus gros & plus fin ; & l’araignée étant suspendue en l’air par ce fil, s’arrête lorsque la filière se resserre, & elle continue de descendre par son propre poids quand la filière s’ouvre.

Voici à peu près la manière dont les araignées fabriquent leurs toiles. Lorsqu’une araignée fait un ouvrage dans quelque coin d’une chambre, & qu’elle peut aller aisément en tous les endroits où elle veut attacher ses fils, elle écarte les quatre mamelons dont nous venons de parler, & en même tems il paroît à l’ouverture de la filière une très-petite goutte de cette liqueur gluante, qui est la matière de ses fils : elle presse avec effort cette petite goutte contre le mur, qui s’y attache par son gluten naturel, & l’araignée, en s’éloignant de cet endroit, laisse échapper par le trou de la filière le premier fil de la toile qu’elle veut faire. Etant arrivée à l’endroit du mur où elle veut terminer la grandeur de la toile, elle y presse avec son anus l’autre bout de ce fil, qui s’y colle de même, comme elle avoit attaché le premier bout. Puis elle s’éloigne environ l’espace d’une demi-ligne de ce premier fil tiré ; elle y attache un second fil, qu’elle tire parallèlement au premier. Etant arrivée à l’autre bout du premier fil, elle attache l’autre bout du second contre le mur, ce qu’elle continue de même pendant toute la largeur qu’elle veut donner à sa toile ; l’on pourroit appeler tous ces fils parallèles, la chaîne de cette toile. Après quoi elle traverse en croix ces rangs de fils parallèles par d’autre fils perpendiculaires sur ceux-ci, & parallèles entr’eux, qu’elle attache de même par les deux bouts. C’est comme la trame de sa toile ; & comme ces fils fraîchement filés se collent à tout ce qu’ils touchent, ils se collent les uns sur les autres, & c’est ce qui fait la fermeté de cette toile. Afin que les fils qui se croisent, se collent ensemble avec plus de fermeté, l’araignée manie avec les quatre mamelons de son anus, & comprime en différens sens tous les endroits où les fils se croisent à mesure qu’elle les couche les uns sur les autres. Elle triple ou quadruple les fils qui bordent la toile, pour les fortifier & les empêcher de se déchirer aisément.

Une araignée peut fournir deux ou trois fois de la matière pour faire une toile neuve, pourvû qu’elle n’en ait pas fait une trop grande la première fois. Après cela, si elle manque de toile, il faut qu’elle occupe par force la toile d’une autre araignée, ou qu’elle trouve quelque toile abandonnée : car les jeunes araignées abandonnent leurs premières toiles pour en faire de neuves, & si les vieilles araignées, c’est-à-dire les domestiques, n’en trouvent pas, il faut qu’elles périssent. Voilà pour les toiles qui se font dans les coins des chambres.

Pour les toiles des jardins, l’araignée se met en un temps calme au bout de quelque branche d’arbre, ou sur quelqu’autre corps qui s’avance en l’air : elle s’y tient ferme sur ses six pattes seulement, & avec les deux pattes de derrière elle tire de son anus peu à peu un fil de la longueur de deux ou trois aunes, ou plus, qu’elle laisse flotter en l’air, jusqu’à ce que le vent l’ait poussé contre quelque matière solide, où ce fil se colle promptement par son gluten naturel : l’araignée tire de temps en temps ce fil à soi, pour connoître si le bout qui flotte en l’air s’est attaché quelque part ; ce qu’elle connoît par la résistance qu’elle sent lorsqu’elle tire ce fil. Alors elle bande un peu ce fil, & l’attache avec les mamelons de son anus à l’endroit où elle se trouve. Elle double & quadruple ce fil, passant dessus comme sur un pont : puis se mettant au milieu, elle tire encore de son anus un autre fil, qu’elle laisse flotter & s’attacher de même que le premier, & de même un troisième, un quatrième, &c. de sorte que le milieu du premier fil devient le centre de ces rayons. Tous les rayons étant faits, elle attache un nouveau fil au centre, & le couche & l’attache en spirale sur les rayons, depuis le centre jusqu’à la grandeur qu’elle veut donner à sa toile. Cela étant fait, elle se niche dans le centre de sa toile, la tête toujours en bas. M. Homberg donne la cause de cette posture.

L’araignée ne se tient dans le centre de sa toile que pendant le jour. La nuit, ou quand il pleut, ou quand il fait grand vent, elle se retire dans une petite loge qu’elle s’est faite à l’extrémité de sa toile, sous la feuille d’un arbre ou d’une plante, ou en quelqu’autre endroit plus solide que sa toile. Elle choisit ordinairement cet endroit vers la partie la plus élevée de sa toile, apparemment pour s’y réfugier promptement dans la nécessité : car la plûpart des araignées montent fort aisément & bien plus vite qu’elles ne descendent.

Quand une mouche s’est prise dans sa toile, si elle est petite, elle la prend entre ses tenailles & l’emporte dans son nid pour s’en nourrir. Quand la mouche est un peu grosse, en comparaison de l’araignée, elle l’entoure de fils qu’elle tire de son anus & la garotte, puis l’emporte paisiblement. Si la mouche est trop forte & se défend, l’araignée la délivre, même en rompant sa toile, qu’elle refait incontinent après, ou elle en fait une neuve.

Toutes les araignées mâles sont plus petites que les araignées femelles. Cinq ou six araignées mâles ne pésent pas plus qu’une femelle : ce qui est assez commun dans la plûpart des insectes, tout au contraire des quadrupèdes.

Les araignées de toutes les espèces sont ovipares. Les unes, comme celles des jardins, & les faucheurs font une grande quantité d’œufs, & les autres en font fort peu, comme les domestiques, &c. Elles font leurs œufs sur une partie de leur toile, les lient ensemble dans un peloton, & les couvent dans leur nid. Quand on les chasse pendant qu’elles couvent, elles prennent ce peloton d’œufs dans leurs tenailles & l’emportent avec elles.

Aussitôt que les petits sont éclos, ils commencent à filer, & grossissent presque à vue d’œil, sans que j’aie pû découvrir qu’ils prennent de nourriture.

Il y a six principales espèces d’araignées, 1.o L’araignée domestique, c’est-à-dire celle qui fait sa toile sur les murs & dans les coins des appartemens. 2.o L’araignée des jardins, c’est-à-dire, celle qui fait une toile à l’air, d’un tissu plus serré, & qui se niche pendant le jour dans le centre de cette toile. 3.o L’araignée noire des caves, & qui demeure dans les trous des vieux murs. 4.o L’araignée vagabonde, ou qui ne se tient pas tranquillement dans un nid comme les autres. 5.o L’araignée des champs, appellée le Faucheur, qui a les jambes fort longues. 6.o L’araignée enragée, ou la fameuse Tarentule.

L’araignée domestique a huit yeux placés sur son front en ovale. Ils sont petits, & à peu près de même grandeur. Cette araignée fait une grande & large toile dans les coins & contre les murs des chambres. Ses bras ressemblent parfaitement à ses jambes, à la réserve qu’ils sont un peu plus courts, & qu’elle ne les pose jamais à terre. Cette espèce quitte sa dépouille tous les ans, ce que ne font pas les autres. Elle vit longtemps, grandissant peu de corps, mais beaucoup de jambes.

Dans les pays chauds il vient à cette araignée une maladie qui la fait paroître toute couverte d’écailles hérissées & pleines de petits animaux semblables aux poux, qu’elle fait tomber en se secouant & se remuant beaucoup.

L’araignée des jardins fait une toile ronde en l’air. Elle a quatre grands yeux, placés en carré au milieu du front, & deux plus petits à chaque côté de la tête. Les femelles de cette espèce ont les plus gros ventres que j’aie vu aux araignées. Les mâles en sont fort menus. Elles sont de différentes couleurs, ordinairement feuille morte, tachetées de blanc & de gris, quelquefois toutes blanches, comme j’en ai trouvé à Toulon parmi des fleurs tubéreuses. Il y en a aussi de vertes, de différents verts. Les vertes sont les plus petites, & les grises les plus grosses de toutes.

L’araignée de cave, & celle qui fait son nid dans les vieux murs, n’ont que six yeux, au lieu que toutes les autres espèces en ont huit. Ces yeux sont placés deux au milieu du front, & deux à chaque côté de la tête, tous six à peu près de même grandeur. Cette espèce est noire & fort velue. Elles ont les jambes plus courtes, sont plus fortes, plus méchantes & vivent plus que les autres. Quand on les a prises, elles se défendent & mordent l’instrument dont on les a prises : ce que ne font point les autres. Quand on lui a percé le ventre, elle vit quelquefois plus de vingt-quatre heures, au lieu que les autres meurent sur le champ. Au lieu de toile, celle-ci ne fait que tirer des fils de sept à huit pouces de long, qui sortent de son nid comme des rayons, & sont attachés au mur autour du trou qu’elle habite. L’insecte qui marche sur ce mur, & qui heurte contre quelqu’un de ces fils, en l’ébranlant, avertit l’araignée, qui dans le même instant sort de son trou avec une vîtesse extraordinaire.

L’araignée vagabonde n’est point sédentaire dans son nid comme toutes les autres ; elle va chercher sa proie, la chasse avec beaucoup de ruses & de finesses. Elle a deux grands yeux au milieu du front & deux plus petits aux extrémités du front ; deux de la même grandeur sur le derrière de la tête, & deux forts petits entre le front & le derrière de la tête. Les araignées de cette espèce sont de différentes grandeurs & de différentes couleurs, blanchâtres, noires, grises & tachetées. L’extrémité de leurs bras se termine en un bouquet de plumes, au lieu qu’à toutes les autres elle se termine en deux crochets, comme celle des jambes. Ce bouquet de plumes est ordinairement de même couleur que le reste du corps, & quelquefois égal à la longueur de la tête. L’araignée s’en sert pour les jeter sur les ailes de la mouche qu’elle a attrapée, afin d’en arrêter le mouvement ; ce qu’elle ne peut faire comme les autres, en les embarrassant dans les filets de sa toile, n’en ayant point. Homberg, Mém. de l’Acad. des Sc. 1707. p. 339.

M. Lister distingue des toiles d’araignées en forme d’écu, d’autres en rond, d’autres en peloton, & d’autres qui sont dans des trous.

Les naturalistes tiennent que l’araignée a le sens du toucher plus exquis que tous les autres animaux. Les araignées pilées rendent l’eau de couleur bleue. Aristote dit qu’il y a deux espèces d’araignées, dont l’une est plus grande & noire ; l’autre qui pique. Pline appelle phalanges les araignées venimeuses en leurs morsures & piqûres. Les Grecs distinguent & divisent les araignées en phalanges & en loups araignées. Il y a des fourmis araignées, appelées myrmecion. Ætius met six espèces d’araignées phalanges, qui ont la tête de fourmis, & ont le corps noir, moucheté de taches blanches, qui piquent comme les guêpes. Solin parle d’une araignée, appelée solifuga, ainsi nommée, parce qu’elle fuit le soleil, ou la clarté. Elle blesse sans qu’on s’en apperçoive.

Il y a des araignées de l’Amérique qui ont huit yeux disposés en deux rangs distincts. On voit en plusieurs des Antilles de grosses araignées, que quelques-uns ont mises au rang des phalanges, à cause de leur figure monstrueuse & de leur grosseur si extraordinaire, que quand leurs pattes sont étendues, elles ont plus de circonférence que la paume de la main n’a de largeur. Tout leur corps est composé de deux parties ; dont l’une est plate & l’autre ronde, qui aboutit en pointe comme un œuf de pigeon. Elles ont un trou sur le dos, qui est comme leur nombril : leur gueule ne peut être aisément discernée, parce qu’elle est presque toute couverte sous un poil d’un gris blanc, entremêlé quelquefois de rouge. Elle est armée de part & d’autre de deux crochets fort pointus, qui sont d’une matière solide, & d’un noir très-poli & très-luisant ; les curieux les enchassent dans de l’or, & en font des curredents estimés, parce qu’ils préservent de douleur & de corruption les parties qui en sont frottées. Quand ces araignées sont vieilles, elles sont couvertes d’un duvet noirâtre, qui est aussi doux & aussi pressé que du velours. Leur corps porte sur dix pieds, qui sont velus par les côtés & hérissés en dessous de deux pointes, qui leur servent à s’accrocher plus aisément par-tout où elles veulent grimper. Tous ces pieds sortent de la partie de devant ; ils ont chacun quatre jointures, & sont munis d’une corne noire & dure, qui est divisée en deux comme une petite fourche. Elles quittent tous les ans leur vieille peau, comme les serpens, & leurs deux crochets. Leurs yeux sont petits & enfoncés. Elles se nourrissent de mouches & de semblables insectes. En quelques endroits elles filent des toiles si fortes, que les petits oiseaux ont bien de la peine à s’en débarrasser. On dit la même chose des araignées des Bermudes ; apparemment c’est la même espèce. Lonvillers. Voyez aussi le P. du Tertre, Hist. des Antilles, Tr. VI. Ch. 4. pag. 3. Il dit que la partie de derrière de cette araignée est grosse comme un œuf de poule ; qu’elles font une petite bourse grande comme la coque d’un œuf, dont la première peau est un cuir délicat comme le cannepin sur lequel les Chirurgiens éprouvent leurs lancettes : tout le dedans est rempli d’une filasse douce comme de la soie, dans laquelle elles posent leurs œufs. Elles tiennent cette bourse sous leur ventre & la portent par-tout avec elles. Quelques habitans des Îles assurent que cette araignée est aussi dangereuse que la vipère. Si on l’agace elle jette un venin subtil, qui rendroit aveugle s’il tomboit dans les yeux. Le poil même de cette bête est venimeux, si on le touche lorsqu’elle est en vie ; il picque & brûle presque comme des orties : si on la presse tant soit peu, elle picque d’un aiguillon plus subtil que celui d’une abeille, mais si venimeux, qu’on a bien de la peine à sauver la vie d’un homme qui en est piqué ; il n’y a presque que le petit cancre de mer qui y puisse remédier. P. du Tertre. Le même Auteur parle encore d’une autre espèce d’araignées peu communes. Elles se trouvent dans les bois, sont toutes plattes, & pas plus épaisses qu’un écu, larges d’un pouce, longues d’un pouce & demi, la partie antérieure a la forme d’un écusson divisé par petits carreaux, & le ventre, ou la partie postérieure, est un ovale assez joliment moucheté & rayé par-dessus. Elles sont toutes grises & ont les jambes fort longues, dures & hérissées, comme les griffes d’un cerf-volant. Quelques relations de la Guinée parlent aussi d’araignées extrêmement grosses ; & Gonzalve Fernando d’Oviédo, dans son Hist. gén. des Indes, dit qu’il y en a aussi dans l’Île Espagnole.

Il y a une araignée qui saute comme les puces pour attrapper sa proie ; on l’appelle aranea pulex. Il y en a une autre, qui pour bien couver ses œufs, les porte avec elle, comme dans une petite corbeille, qui est décrite dans le livre de Harvée, de la Génération des Animaux. C’est apparemment la même que celle dont parle le P. du Tertre, & que nous avons décrite ci-dessus. Il y en a encore une autre à longues jambes, décrite par le sieur Goëdart. Il y a aussi des araignées d’eau volantes, qui se meuvent avec une extrême vîtesse, & qui ont un aiguillon dans leur bouche, de même que les punaises. Jacob de Hoëfnagel a peint trente-cinq sortes d’araignées dans son livre des Insectes.

Lister, de Araneis, Part. I. ch. 8. dit que les araignées macérées dans quelque liqueur que ce soit chassent la fièvre ; cuites dans l’huile, ou de l’eau rose, elles appaisent les douleurs d’oreille, & sont bonnes pour les yeux ; appliquées en emplâtre sur le nombril, elles sont salutaires dans la suffocation de la matrice ; bonnes pour les tumeurs & les douleurs de rate, pour la coagulation du lait, pour la goutte, pour arrêter le sang d’une plaie, pour guérir des ulcères, pour le saignement de nez, &c.

Les araignées sont farouches, d’un naturel féroce & vorace ; les plus fortes & les plus grosses mangent les plus petites, du moins quand elles n’ont point d’autre nourriture. Elles ne mangent ni feuilles ni fruits, mais seulement des insectes comme des mouches, des cloportes, des mille-pieds, des chenilles, des papillons, des vers de terre, quand on leur en donne par morceaux : elles aiment fort la substance molle & tendre, qui remplit les plumes des jeunes oiseaux, avant qu’elles soient parvenues à leur partait accroissement ; les jeunes araignées qui ne font que d’abandonner leurs coques, la préférent à toute autre nourriture ; mais ni les grandes, ni les petites ne mangent point de chair. Voyez l’Hist. de l’Acad. des Sciences, 1710, où il y a une dissertation de M. de Réaumur, principalement sur les araignées qui donnent de la soie.

Edouard II, Roi d’Angleterre, avoit pour dévise une araignée faisant sa toile, malgré un grand vent qui l’agitoit, avec ce mot, Ardentiùs ibo. Des araignées qui s’attachoient à un étendart, passoient chez les Romains pour un mauvais augure. Bulenger en rapporte des exemples. De Prodig. ch. 33.

On appelle la Vive, Dragon ou Araignée de mer. Vitruve, Liv. IX, dit qu’Eudoxe Astrologue inventa un cadran sur la figure d’une toile d’araignée : & en effet le cadran équinoxial se peut faire en forme d’une toile d’araignée, dont on voit des exemples dans la Gnomonique de Clavius.

Araignée se dit aussi de la simple toile, & des fils que font les araignées. Araneæ tela. Les maisons des pauvres sont pleines d’araignées. Ainsi Maynard a dit dans une épigramme aux Muses,

Et c’est pour vous avoir peignées
En Demoiselles du Marais,
Que mon coffre est plein d’araignées.

Maynard a pris cette pensée & cette expression de Catulle ;

… Nam tui Catulli
Plenus sacculus est aranearum,

pour dire, qu’il est pauvre, qu’il n’y a point d’argent dans sa bourse, dans son coffre.

On dit d’une toile fort fine, qu’elle est claire comme une toile d’araignée. On dit aussi des doigts d’araignée, pour dire, des doigts longs & maigres. Un Ancien disoit, que les lois étoient des toiles d’araignées : elles arrêtent les mouches, & les frelons les rompent. ☞ M. Bon, dont on a parlé au commencement de cet article, a tiré des araignées une soie, dont il est parvenu à faire des bas & autres ouvrages aussi forts, & presque aussi beaux que les ouvrages faits avec la soie ordinaire. Voyez au mot Soie.

Araignée, en terme de guerre, se dit du travail d’un Ingénieur, lorsqu’ayant dessein de faire une mine, & que rencontrant quelque obstacle qui l’empêche de la faire dans le lieu destiné, il est contraint de s’écarter par plusieurs rameaux, branches ou canaux, qui finissent tous par de petits fourneaux. On fait jouer tous ces fourneaux à la fois, par le moyen des traînées de poudre qui y portent le feu.

Araignée, en terme d’Astronomie, est le nom qu’on donne à la dernière platine de l’Astrolabe, qui est percée à jour, où sont marquées les étoiles fixes, & qu’on pose sur toutes les autres, quand on veut faire quelque opération.

Araignées, en terme de Marine, sont des poulies particulières par où viennent passer des cordages appelés marticles, qui ont plusieurs branches & filets représentant une toile d’araignée. ☞ Elles se réunissent en même tems sur l’étai. Il y a à l’avant de chaque hune, une araignée qui empêche la voile de frotter contre la hune.

Araignée, sorte de filet qu’on tend pour prendre les oiseaux de proie, avec le duc.

Araignée se dit encore d’un crochet de fer à plusieurs branches qu’on attache à une corde, pour tirer d’un puits des sceaux qui se sont détachés de la chaîne. On ne dit plus en Anjou, comme du tems de Ménage, Irentaigne ; mais Iraigne.

Araignée. Terme de Conchyliologie. Nom d’un coquillage de mer de la famille des Univalves. Araneus concha, Aranea. Il y a l’araignée mâle, & l’araignée femelle. Une petite araignée mâle. Gersaint.

Ce mot vient du grec ἀράχνη, que quelques-uns font venir d’ἀραίος, qui signifie, rare, délié, subtil. Il n’y a rien de plus délicat que les toiles d’araignées. Il est bien plus vraisemblable que ce mot vient de l’hébreu ארג, arag ; non pas que ce mot signifie dans cette langue araignée, comme on l’a dit, & fait dire à Bochart très-mal à propos dans le Moréri, où l’on n’a pas entendu le Dictionnaire d’Hofman que l’on traduisoit ; mais parce que ce verbe signifie texere, faire un tissu, faire de la toile, qui se dit en Is. LIX. 5. de l’araignée, que David de Pomis définit un insecte qui fait de la toile, שאורג ארג, pour prendre des mouches aux fenêtres, se servant deux fois de ארג, & pour marquer l’action, & pour marquer l’ouvrage de cet animal, qu’un autre Rabin, appelé Menahhem, nomme ארוגח, aruga la toile de l’araignée. Ainsi il faut dire que le ג ou G hébreu s’est changé en grec en χ de même que souvent le χ grec se change en G latin, comme en χάλϐανη, Galbanum ; λείχω, linge ; ἄγχω, ango &c. qu’ensuite d’ἀράχνη on a fait en latin aranea, comme lana de λείχνη, en retranchant le χ, comme le prétendent plusieurs Grammairiens. C’est-là ce que dit Bochart, Hieroz, Liv. IV, ch. 23, p 608. Voyez aussi le P. Thomassin dans son Glossaire.

ARAINS. s. m. pl. Armoisins, ou taffetas rayés & à carreaux, qui viennent des Indes. Voyez Armoisin des Indes.

ARAIRES. adj. pris substantivement. Terme de Coutume. En Bresse on appelle araires les instrumens de l’agriculture. Agriculturæ instrumenta. Ce mot vient du mot latin arare, labourer, qui s’est formé d’ἀρόω, qui vient, selon Guichard, d’ἀρόσσω, qui s’étoit fait, à ce qu’il croit, de l’hébreu חרש, hharasch : d’arare s’est formé Ararium, & de-là Araires.

ARAISNIER. v. a. Vieux mot. Arrêter, toucher quelqu’un, lui parler. Poësies du Roi de Navarre.

ARAK ou ARACK. s. m. Espèce d’eau-de-vie que font les Tartares Tungutes, sujets du grand Duc de Moscovie. Cette eau-de-vie se fait avec du lait de cavalle qu’on laisse aigrir, & qu’ensuite on distile à deux ou trois reprises entre deux pots de terre bien bouchés, d’où la liqueur sort par un petit tuyau de bois. Cette eau-de-vie est très-forte & enivre plus que celle du vin. C’est la même liqueur que celle qu’on appelle tafia en Amérique.

ARALIA. s. f. Espèce d’Angélique. Ses fleurs ont plusieurs feuilles ; ses feuilles sont disposées en forme de roses. Elles sont nues, croissent à la sommité de l’ovaire ; quand la fleur est passée, le calice devient un fruit globuleux, doux, succulent & plein de semences oblongues. On compte quatre sortes d’Aralia.

ARALIASTRUM. s. m. C’est une espèce de plante dont la fleur est parfaite, régulière, à plusieurs feuilles, & hermaphrodite, posée sur l’ovaire qui est surmonté d’un calice découpé en plusieurs parties, qui se change en une loge, dans laquelle on trouve pour l’ordinaire deux semences plates & demi-circulaires, qui représentent une espèce de cœur. La tige qui est seule, se termine en une ombelle, dont chaque pointe ne porte qu’une fleur. Sur le milieu de la tige s’élèvent plusieurs pédicules, de l’extrémité desquelles sortent plusieurs feuilles semblables à des rayons, ou à une main ouverte.

ARAM. Pays que les Septante ont pris pour la Mésopotamie. Aram. Balec, Roi des Moabites, avoit fait venir Balaam d’Aram, pour faire des imprécations contre les Israëlites.

On prend aussi ce nom pour la Syrie, d’où vient que la langue syriaque s’appelle la langue aramique. ☞ Ce nom fut donné à la Syrie, à cause d’Aram, cinquième fils de Sem, dont les descendans peuplerent la Syrie, & furent nommés Araméens. Voyez Gen. ch. 10. v. 22.

Aram est encore le nom d’une ville de la demi tribu de Manassé, d’au delà du Jourdain. Aram.

ARAMA. C’est la ville appelée autrement Jérimoth. Voyez ce mot. C’est aussi le nom d’une ville forte de la tribu de Nephthali, aux confins de la tribu d’Aser.

ARAMBER. v. a. Terme de Marine. C’est accrocher un bâtiment pour venir à l’abordage. Manum ferream, ou uncum ferreum in navim injicere.

ARAMBÉ, ÉE. part.

ARAME. s. m. Terme de Relation. C’est ainsi que les Perses appellent les palais de leurs Rois, que les Turcs appellent Sérail. Palatium, ædes, domus Regis Persarum. Basilica, ædes regia apud Persas. L’Arame, ou Sérail est au milieu, & comme au centre du jardin. Wicqf. Amb. de Fig.

ARAMÉENS. Voyez ARAM.

ARAMIE. s. f. Ce vieux mot tiroit sa signification d’Aramir ; & parce qu’Aramir signifioit, s’engager à faire preuve de quelque chose dans un combat, Aramie vouloit dire, guerre, guerre ouverte, bellum, bellum indictum.

Mes Pépin ne l’aceva mie.
Ensi demora l’aramie. Mouskes cité par Du Cange.

Borel croit qu’Aramie veut dire furie, & pour le prouver, il cite ces paroles tirées d’un manuscrit de Merlin : Oncques ne vites tournay par si grande aramie.

ARAMIQUE. adj. de t. g. Synonyme de Syriaque. Aramæus, Syriacus, a, um. La langue aramique est la langue syriaque. Le langage aramique ; une grammaire aramique.

Ce mot vient d’Aram, qui dans l’Ecriture est pris pour la Syrie & les Syriens.

ARAMIR. v. Ce mot n’est plus en usage depuis fort long-temps ; il vouloit dire autrefois, promettre de faire preuve de quelque chose, ou en se battant en duel ou autrement, ou simplement promettre, s’engager.

Pour biau néant s’est arami
D’avoir mandé trop de personnes. Guiart.

☞ ARAMONT. Petite ville de France, dans le Languedoc, au diocèse d’Usez, près du Rhône, généralité de Montpellier.

ARAN. (la mer d’) C’est la même chose que la mer de Zanguebar.

Les îles d’Aran, ou d’Arén, ou d’Arron. Îles situées sur la côte occidentale d’Irlande, Araniæ insulæ. Les unes s’appellent South-Aran, îles d’Aran méridionales ; & les autres North-Aran, les îles d’Aran septentrionales, suivant leur situation.

☞ ARAN. Vallée dans les Pyrénées, à la source de la Garonne, qui la traverse avant que d’entrer dans le pays de Comminges. Elle est à l’Espagne.

Aran. Petite rivière de France, en Provence, qui se jette dans une petite anse, entre l’île Rousse & la rade de Bruse.

ARANATA. s. m. Animal des Indes. Il est de la grandeur d’un chien. Cependant il monte sur les arbres avec beaucoup de légèreté. Il jette des cris horribles.

ARANDA de Duero. Nom d’une ville d’Espagne. Aranda ad Durium. Autrefois Randa. Elle est dans la vieille Castille, sur le Duoro, entre la ville de Boa & celle de Borgo d’Osma.

☞ ARANDA de EBRO. Autre ville de la vieille Castille, que M. de Vayrac place sur l’Ebre. Les Cartes ne la marquent point.

ARANDORE, ou ARANDARI. Ville de l’île de Ceylan. Arandora. Elle est dans le royaume de Candy, à cinq lieues du Pic d’Adam.

ARANÉA. Minerai d’argent qui ne se trouve que dans les mines du Potosi, & encore dans la seule mine de Catamito. Son nom lui vient de quelque ressemblance qu’il a avec la toile d’araignée, étant composé de fils d’argent pur, qui paroissent à la vue comme un galon d’argent qu’on auroit brûlé pour en ôter la soie. C’est le plus riche de tous les minerais.

ARANIOS. Rivière de Transylvanie. Aranus. Elle a sa source près de Clausenbourg, & se décharge dans le Maros ou Mérisch.

ARANJUEZ. s. m. Maison de campagne du Roi d’Espagne, dans la nouvelle Castille, près des rivières du Tage & de Zamara, qu’il faut passer pour y entrer sur deux ponts de bois peint, au bas desquels leurs eaux se vont joindre. Ce château est dans une grande plaine, entourée de collines & de forêts, avec de très-belles avenues. On y voit dans une cour qui est pavée de marbre, la statue de Charle-Quint tenant à ses pieds l’hérésie, représentée par quatre Hérésiarques. Le Jardin de cette maison est charmant. Davity.

☞ ARANJUEZ est aussi le nom d’une petite ville de l’Amérique septentrionale, dans la nouvelle Espagne ; dans la province de Nicoya, qui fait partie du pays de Nicaraga, sur les frontières des sauvages nommés Chomes.

Araniwar. Fort de Transylvanie, au Comté de Weissembourg, sur la rive septentrionale du Maros.

☞ ARANTELLES. s. f. pl. Terme de Vénerie, qui se dit de ces filandres qui se trouvent au pied du cerf, ainsi nommées à cause de la ressemblance qu’elles ont avec les toiles d’araignées. Araneosæ lanugines.

ARAPABACA. s. m. Plante dont la fleur est en forme d’entonnoir, & découpée. Il sort du calice un pistil qui est attaché à la patrie inférieure de la fleur, comme un clou, & qui devient dans la suite un fruit composé de deux capsules, & rempli de petites semences. Encyc.

☞ ARAPEDE. s. m. Terme de Conchyliologie. Espèce de coquillage, qu’on appelle aussi Patelle en Provence, plus généralement connue sous le nom de Lepas. Voyez ce mot.

ARAQUIL, & Huerta Araquil. Ville de la Navarre. Araquilla. Elle est près des confins de l’Alva & du Guipuscoa. Quelques Géographes la prennent pour l’ancien Aracillum, Arocelis, ville des Cantabres, que d’autres mettent à Araciol, village de Navarre, entre Calahorte & Tudelle ; & d’autres à Nodales, village de la Castille vieille, entre Siguença & Médina-Cœli.

ARARA de Clusius. C’est le nom qu’on a donné à un fruit de l’Amérique, long, couvert d’une écorce dure & noire, attache à une longue queue ; il contient une noix noire, grosse comme une olive sauvage. On en fait une décoction pour guérir les vieux ulcères.

ARARAT. Pays que les Septante & la Vulgate prennent pour l’Arménie, & avec raison. Ararat. S. Jérôme rend le mot hébreu Ararat, Gen. VIII. 4. par Armenia, & les Septante ont mis Ἀραρὰτ, de même que S. Jérôme a mis Ararat en Isaïe Chap. XXXVII. v. 38 où les Septante ont traduit Ἀρμένιαν.

Ararat. Montagne proche la ville d’Erivan ; c’est la plus haute, dit-on, de cette contrée, excédant la hauteur du Caucase & du Taurus. C’est sur son sommet que l’Arche de Noé s’arrêta, lorsque les eaux du déluge commencerent à se retirer. S. Jérôme, dans ses Commentaires sur Isaïe, prétend que le pays d’Ararat est une campagne très-fertile, arrosée de l’Araxe, & que l’Arche de Noé ne s’arrêta pas sur des montagnes d’Arménie, qui furent appelées Ararat ; mais sur les hautes cimes du mont Taurus, qui dominent sur les campagnes du pays Ararat. Voyez aussi les Notes du P. Lubin sur le Martyrologe. Au reste, il faut écrire Ararat sans H à la fin. C’est un ט en hébreu. Un jour qu’il étoit (Sennachérib) au temple de Nesroch son Dieu, & qu’il l’adoroit, Adtamelech & Sarafar ses enfans le percerent de leurs épées, & s’enfuirent à la terre d’Ararat. Saci. Jean Struis Hollandois a fait une relation du mont Ararat. Il dit qu’étant esclave à Erivan, il monta jusqu’au haut en 1670, pour donner quelques remèdes à un hermite italien qui y demeuroit, & qui étoit malade. Il fut sept jours à monter, faisant cinq lieues par jour. Quand il fut à la région de l’air où se forment les pluies, les nuages & les neiges, il pensa mourir de froid ; en avançant il trouva un air beaucoup plus tempéré. L’hermite malade l’assura que depuis vingt ans qu’il étoit là, il n’avoit senti ni chaleur, ni froid, ni vent, ni vu tomber de pluie. Il voulut lui persuader que l’Arche de Noé étoit encore toute entière sur cette montagne, que la température de l’air l’avoit conservée jusqu’ici ; qu’il étoit entré dedans : il lui fit même présent d’une croix de bois, qu’il lui dit être faite d’un morceau de cette Arche. On voit assez combien tout cela est fabuleux. Voyez ce que Tournefort dit de cette montagne, t. 2. p. 147.

ARAS. Voyez ARRAS.

ARASE. s. f. Pierres plus hautes ou plus basses que les autres corps d’assise, pour parvenir à une certaine hauteur. Telle est celle d’un cous de plinthe, ou celles des cimaises d’un entablement.

ARASEMENT. s. m. ☞ Terme de maçonnerie & de menuiserie, qui se dit des pièces égales en hauteur, unies & sans saillie. Voyez Araser.

ARASER. v. a. En Architecture, c’est mettre des pierres, ou élever des murailles à une même hauteur, & conduire horizontalement les assises. Lapides ad eamdem absitudinem horizonti respondentem, ad libellam collocare, ordinare. On arase un mur qui est d’inégale hauteur en différens endroits. En menuiserie, c’est mettre des pannaux, des pièces de bois de niveau, qui aient une égale saillie, qui ne débordent pas plus l’une que l’autre. Ainsi on dit, une porte arasée, qui est unie, & également épaisse.

ARASE, ÉE. part. Ad libellam collocatus, ordinatus.

☞ ARASSE. Ville maritime d’Italie, dans l’état de Génes, & dans l’Évèché d’Albengue, à un mille de Santoglia. Elle est commerçante & fort peuplée.

ARATE. s. m. Poids de Portugal, qui est aussi en usage à Goa & dans le Brésil. On le nomme assez souvent Arobe, qui est le nom qu’il a en Espagne. L’Arate, ou Arobe portugaise est de beaucoup plus forte que l’Arobe espagnole ; celle-ci ne pesant que vingt-cinq livres, & celle-là trente deux ; ce qui revient, poids de Paris, à près de vingt-neuf livres ; celle de Lisbonne & celle de Madrid, seulement à vingt-trois & un quart.

ARATÉES. s. f. pl. Terme de Mythologie. Fêtes célébrées en l’honneur d’Aratus, célébre Capitaine, qui combattit long-temps pour la liberté de la Grèce contre les Tyrans, & qui mérita de sa patrie des monumens héroïques, selon Plutarque.

ARATICUPANA. s. m. Arbre du Brésil de la grandeur d’un oranger. Il porte un fruit odorant, & d’un goût agréable. Il est dangereux d’en manger souvent.

ARAVA. Voyez Arva.

ARAUCAIN, aine. s. m. & f. Habitant de la vallée d’Arauco. Araucanus, a. Les Araucains sont une nation très-féroce, fort ennemie des Espagnols. Ils sont dans le Chili, sous le 37 & 38e degré de latitude. Ce sont les plus belliqueux & les plus braves des peuples du Chili. Ils sont fort adonnés à l’ivrognerie. Ils ont des mœurs différentes de tous leurs voisins, ont un grand nombre de magiciens parmi eux, ont un chef, & sous lui des Caciques. Les principaux de la nation s’appellent Ulmans. Les armes qu’il leur a plu de se choisir dès l’enfance, sont celles dont ils se servent toute leur vie, afin d’exceller dans le maniement de ces armes, persuadés que la vie de l’homme ne suffit pas pour bien apprendre à se servir de plusieurs sortes d’armes. Quand il y a quelque sujet de guerre, ils s’assemblent pour examiner en commun s’il est de leur intérêt de faire la guerre. Ils se régalent pendant trois jours, & déliberent dans leurs festins. Après quoi il n’est pas permis de rien changer à ce qui a été ainsi arrêté. Leur coutume de choisir le chef de la guerre, étoit de mettre sur les épaules des principaux de la nation, une grande & grosse pièce de bois. Celui qui la portoit le plus loin, étoit leur Général. Les fréquentes guerres qu’ils ont avec les Espagnols, leur ont formé grand nombre de bons guerriers, & d’excellens Capitaines. Voyez Hist. Soc. Jes. L. XXIII. C. 24. Del Techo, Hift. Parag. L. I. C. 17. L. III. C. 14, 15.

ARAUCO. Forteresse du Chili, dans l’Amérique méridionale. Araucum. Il est entre la ville de la Conception & l’Impérial. Il est sur une colline dans une vallée à laquelle il donne son nom. C’est la meilleure des forteresses du pays. Elle est au 36e. degré de latitude australe, & peu éloignée de la côte.

La vallée d’Arauco. Araucana vallis. Vallée du Chili, près de celle qu’on appelle Purena vallis. On y voit le château de Saint Ildefonse, & la forteresse d’Arauco qui lui donne son nom. Elle s’étend environ vingt lieues en carré. Voyez le P. Del Techo dans son Hist. du Paraguay, L. I. C. 2. L. III. C. 15. L. IV. C. 18.

ARAVI. Rivière de l’Amérique méridionale. Aravus. Elle est dans le Brésil, & se jette dans la mer vis-à-vis de l’île de Tamaraca.

ARAVIDA. Village de l’Estramadure de Portugal. Aravida. Il est entre la ville de Leira & la côte de la mer. Quelques Géographes le prennent pour l’ancienne Arabrig, ville de la Lusitanie ; mais d’autres mettent cette ville à Callégo, village près de Leira, & d’autres à Castanheira, village situé sur le Tage, entre Lisbonne & Sautarein.

ARAW. Petite ville du canton de Berne, en Suisse. Aravium. Elle est sur une petite colline, dont la rivière d’Aar baigne le pied.

ARAXAI. Rivière du Brésil, dans l’Amérique méridionale. Araxaius. Elle coule dans le gouvernement de Paraïba, & se joint à la rivière de Mongegauha.

ARAXE. Araxes. Fleuve d’Arménie, dont Eustathius dit que le nom vient du verbe ἀρασσειν, parce qu’il rompt & emporte tout dans ses débordemens. Aussi emporta-t-il les ponts qu’Aléxandre, & avant lui Xerxès, y avoir voulu construire. Peut-être aussi a-t-il été ainsi nommé, parce que, comme dit Méla, Liv. III. Ch. 1. il se brise avec violence contre les rochers qu’il rencontre dans son lit. Mais quelle apparence qu’un nom en usage avant l’empire des Grecs en Asie, soit grec ? Autant vaudroit-il peut-être le tirer de רחש, racash, qui signifie bouillonner, parce qu’en se brisant contre ces rochers il bouillonne.

Les anciens parlent de la source & du cours de ce fleuve si différemment, qu’il faut nécessairement qu’il y eût plusieurs fleuves de ce nom. Certainement celui qu’Hérodote décrit sous le nom d’Araxe, Liv. VI, est l’Oxus. Voyez les Notes de Vossius sur Méla, p. 244. Il ne doute point que l’Oxus avant la conquête d’Aléxandre ne s’appelât Araxe. Les Perses appellent l’Araxe, Arass, disent quelques Ecrivains ; mais l’Auteur de l’Ambassade de D. Garcias de Silva Figuéroa en Perse, dit qu’ils l’appellent Cradamir.

ARB.

☞ ARBALESTRILLE. s. f. Instrument qui sert à prendre en mer la hauteur des astus. Acad. Fr. Elle n’est presque plus en usage. Voyez Arbalète, terme de marine.

ARBALÈTE. s. f. Arcus scapo instructus, Balista. Plusieurs disent arbalètre, mais mal, l’usage étant entièrement pour arbalète. C’est une sorte d’arme qui n’est pas à feu. Elle est composée d’un arc d’acier, monté sur un fût de bois, qu’on appelle monture, d’une corde & d’une fourchette. On la bande avec effort par le secours d’un fer propre à cet usage. Elle sert à tirer des balles, & de gros traits appelés matras ; & alors on la nomme Arbalète-à-jalet. Il est défendu aux ecclésiastiques de tirer de l’arc, ou de l’arbalète. Thiers, Traité des Jeux. Les Anciens avoient aussi de grosses machines à jeter des traits, qu’on appeloit arbalètes, ou balistes. On dit proverbialement d’une chose qui va vîte & droit, qu’elle va comme un trait d’arbalète ; & d’une chose qui n’est pas éloignée ; qu’il n’y a qu’un trait d’arbalète.

Ce mot vient de arcubalista. Ménag. Ou plutôt d’Arbalista, qui s’est dit pour arcubalista. Arbalista. se trouve dans la vie du B. Charles le bon, Comte de Flandre : sur quoi Henschénius dit Arbalistis, quasi arcubalistis huic Gallica vox Arbalète, Arcus instructus scapo, seu balista. Acta. Sanct. Mart. Tom. I. p. 204. Borel le dérive à d’arcus, & de βάλλω, puis il revient à l’autre étymologie tirée d’arcus & de balista ; elle est en effet plus naturelle & plus juste. On tient que l’invention de l’arbalète & de la fronde est due aux Phéniciens, quoique Vègèce donne cette dernière à ceux de Majorque.

Arbalète, se dit aussi de l’astragale, qui est le premier os du tarse, & qu’on appelle Os de l’arbalète.

Arbalète, terme de Marine, ou Arbalestrille, ou Bâton de Jacob, est un instrument dont on se sert sur mer pour prendre les hauteurs. Il est composé de deux bâtons ou règles de bois, ou de cuivre, qui se mettent à angles droits, & qui ont des divisions sur les bords. La croisée s’appelle marteau, ou traversier ; & le montant la flèche. Le marteau est mobile sur la flèche, & a des pinnules à ses extrémités. C’étoit autrefois un quart de cercle gradué, & attaché par le milieu à une règle  : ainsi il avoit la figure d’une arbalète, dont il a pris son nom. On l’appelle aussi Croix géométrique, & Verge d’or. On l’appelle aussi quelquefois Radiométre, ou Rayon Astronomique, ou simplement Flèche. Il y a aussi un instrument nommé Demi-arbalète, qui n’a qu’un des bras du marteau, dont ont parlé quelques Routiers Hollandois. Il y en a quelques-uns au contraire qui ont trois marteaux.

☞ ARBALÈTE. cheval en arbalète. C’est un cheval attaché seul à une voiture devant les deux chevaux du Timon.

Arbalète. Espèce de piége dont on se sert pour prendre des loirs.

ARBALÉTER. v. a. Il y en a qui disent arbalètrer, mais mal. C’est un terme d’Architecture, qui signifie, appuyer avec des arbalétriers, ou petites forces. Canteriis minoribus aliquid fulcire.

ARBALÈTES. s. f. pl. qu’on nomme autrement fourches. Ce sont des ficelles qui servent à monter le métier des Férandiniers faiseurs de gaze de soie. Chaque arbalète tient cinq lisettes ; ensorte qu’il y a cinq fois moins d’arbalètes que de lisettes. Les ouvriers disent arbalêtres.

ARBALÉTRIER. s. m. Quelques-uns disent Arbalétiers. Homme armé d’arbalète, comme il y en avoit plusieurs autrefois. Sagittarius, Jaculator, Balistarius, Albalista, Alabastarius, Arcubalistarius.

☞ Il y avoit en France un Grand-Maître des arbalétiers. C’étoit le premier Officier de l’armée, après le Connétable. Depuis l’invention des armes à feu, il s’est appelé le Grand-Maître de l’artillerie. Quelques-uns disent simplement Maître des Arbalétriers. Le Galois de la Baume, Maître des Arbalétriers de France. Lobineau. Hist. de Bret. Les Arquebusiers s’appellent aussi du nom d’Arbalétriers, dans leurs Lettres de Maîtrise ; parce que c’étoient eux qui faisoient autrefois les arbalètes. Le concile général de Latran tenu en 1139. fit un canon contre les Arbalétriers & Archers, leur défendant d’exercer leur art contre les Chrétiens & les Catholiques. Mais il ne paroit pas que cette défense ait jamais été observée. Fleury.

On appelle aussi par ironie Arbalétriers, ceux qui font les braves, sur-tout en amour, & qui promettent de faire des choses au-dessus de leurs forces, comme on dit un chaud Lancier. Cet homme a beau se vanter, c’est un méchant Arbalétrier ; c’est-à-dire, il n’est pas d’une complexion forte & vigoureuse.

On appelle figurément, Arbalétriers, ou Carabins, des gens qui viennent dans quelque assemblée tirer leur coup, & puis disparoissent, pour faire quelque proposition ou enchère qui oblige à de nouvelles procédures ou délibérations.

Arbalétriers, en termes de Charpenterie, sont des pièces de bois qui sont au-dessus de la ferme, & qui se joignent au haut du poinçon. Canterii minores. Ou plutôt ce sont plusieurs pièces de bois qui servent à la charpente d’un bâtiment ; & qui sont appuyées par un bout l’une contre l’autre en forme d’arc, portant de l’autre bout sur une poutre mise en bas en forme de corde, avec une quatrième mise au milieu en forme de flèche : & c’est pour cela qu’on les appelle arbalétriers, ou selon quelques-uns arbalétiers. On les appelle aussi, Petites forces, & ils forment la petite ferme qui est au-dessus de la grande.

ARBALÈTRIÉRE. d’une galère. s. f. Terme de marine. C’est le poste où combattent les soldats, ordinairement derrière une pavesade.

ARBALÉTRILLE. s. f. Terme de Marine, Voyez Arbalestrille & Arbalètes. Terme de Marine.

☞ ARBAN. Ville de France, au Bugey, sur les frontières Bourgogne. L’Auteur du Dénombrement de la France écrit Arbent, & n’en fait qu’une bourgade.

☞ ARBARINE. Petite rivière de France, dans le Bugey, disent les Vocabulistes après Corneille. Le vrai nom est Alberine, & non pas Arbarine.

☞ ARBATTES. Ville de la Palestine, dans la Galilée. Elle fut prise & ruinée par Simon Machabée. l. 1. c. 5. v. 31.

ARBE ou RAB. île des "Vénitiens. Arba, Arbum. Elle est dans le golfe de Venise, sur la côte de la Morlaquie, entre les îles de Végia & de Pago.

Arbe, ville capitale de cette île. Arba. C’est le siége d’un Evêché, suffragant de Zara.

ARBECA. village de Catalogne en Espagne. Arbeca. Il est entre Lérida & Tarragone. On croit que c’est l’ancienne ville Urbicus, Urbeacæ, Urbicum des Celtibères.

ARBÉE. subst. dont quelques-uns font un nom de ville, qu’ils disent être la même qu’Hébron. Ils se trompent. Hébron ne s’appeloit point Arbée tout court, mais la ville d’Arbée, c’est-à-dire, la ville des quatre. Arbée n’est donc point un nom de ville ; c’est un nom numéral, qui signifie quatre. Hébron sous les Chananéens s’appela Cariath-Arbée, la ville des quatre, ☞ à cause que quatre des plus illustres Patriarches y furent enterrés ; savoir, Adam, Abraham, Isaac & Jacob : d’autres disent, parce que quatre des plus illustres matrones y ont leur sépulture ; savoir, Eve, Sara, Rebecca & Liah. Mais, dit D. Calmer, on ne peut faire aucun fond sur ces traditions Rabbiniques.

ARBELES, ou ARBELLES. s. m. pl. Ville de la tribu de Nephthali, dans la Galilée supérieure. Son territoire s’appeloit de même. Arbela. Il ne faut pas la confondre avec la suivante.

Arbéles. Arbela. Ville d’Asie, que l’on place au 89e degré de longitude, & au 34e ou 35e degré 52 m. de latitude. Cette ville n’est fameuse que par la grande bataille qu’Aléxandre gagna contre Darius, & qui le mit en possession de l’empire d’Asie. On la place sur le Lycus. Quelques-uns tirent ce nom d’un certain Arbélus, fils d’Athomonéus. D’autres le dérivent de עיר, hir, ville, & du nom de Bélus, comme qui diroit la ville du Dieu Bélus.

☞ Ce n’est point à Arbéles, mais auprès du village de Gangameles que Darius perdit la bataille & l’empire. Mais les Macédoniens, voyant que ce village étoit peu connu, au lieu qu’Arbéles étoit une ville fort considérable, aimerent mieux dire que cette bataille s’étoit donnée auprès de cette dernière ville. Les Historiens le dirent après eux. L’erreur, refutée tant de fois, se maintient encore aujourd’hui, & l’on dit toujours la journée d’Arbéles.

ARBEN. Ancien bourg situé sur le lac de Constance. Arbenna.

☞ ARBENGIAN. Petite ville d’Asie, dans la Tartarie, au Zagatai, dans la vallée qu’on appelle la Sogde de Samarcand

ARBERG. Voyez Aarberg.

ARBI. Ville ou peuplade de la Terre-Sainte. Arbi. Adrichomius place ce lieu dans la tribu de Benjamin.

Arbi. Petit pays de l’Amérique méridionale. Arbia. Il est près des Andes, entre le Popayan & la nouvelle Grenade.

ARBIA. Petite rivière d’Italie. Arbia, Alma. Elle a sa source dans le Florentin, passe dans le Siennois, & va se mêler à l’Ombrone, vis-à-vis du bourg de Buonconveno.

ARBILLON. s. m. Assumentum corii. On se sert en Dauphiné de ce mot, pour signifier une pièce de cuir recousue à la semelle d’un soulier. Il vient d’ἀρϐύλη, qui étoit une sorte de souliers chez les Grecs. Chorier, Hist. de Dauph. T. I. p. 100.

ARBITRAGE. s. m. ☞ Jugement porté par un tiers, qui n’est point établi par la loi, mais choisi volontairement par les parties, auquel elle donne pouvoir par un compromis de juger leurs différens. Arbitrium, Arbitratus. Ces plaideurs se sont mis en arbitrage. Cet Avocat est fort employé dans les arbitrages. Se soumettre, s’en tenir à l’arbitrage.

Arbitrage, en matière de change, veut dire une combinaison ou assemblage que l’on fait de plusieurs changes, pour connoître quelle place est plus avantageuse pour tirer & remettre.

☞ ARBITRAIRE. adj. de t. g. formé du latin arbitrium. Choix, volonté. Ainsi ce mot signifie littéralement ce qui dépend de la volonté de chaque personne. Arbitrarius. L’Eglise n’a point prononcé là-dessus ; cela est arbitraire. L’agrément est arbitraire & dépendant du goût & de l’opinion. la Bruy.

On le dit pareillement de ce qui n’est point fixé par le droit ni par la loi, mais qui dépend uniquement de la volonté des particuliers. C’est ainsi qu’on dit peine arbitraire, amende arbitraire. L’amende pour un tel délit est arbitraire, & dépend des Juges. C’est une erreur de croire qu’en France les peines des crimes soient arbitraires. Il y a des loix arbitraires, qui ne sont ni justes ni injustes par leur nature, & qui dépendent de l’institution des hommes. Launay. On appelle pouvoir arbitraire, un pouvoir absolu qui n’a pour règle que la volonté du Souverain. Dans ce sens, on le dit toujours en mauvaise part.

Arbitraire, se dit aussi à l’égard de Dieu, quand on examine jusqu’où il peut porter le pouvoir absolu qu’il a sur les créatures. Il est dangereux d’alléguer, que Dieu agit à l’égard des hommes par des loix arbitraires, & en vertu de son pouvoir absolu de Créateur. Port-R.

☞ ARBITRAIREMENT. adv. D’une façon arbitraire. Arbitrariò, arbitratu suo, ad arbitrium. Agir, gouverner arbitrairement. On le dit en mauvaise part d’un pouvoir absolu, qui ne connoît point de loi, qui agit despotiquement. Un bon Prince ne doit point gouverner arbitrairement.

ARBITRAL, ALE. adj. se dit d’un jugement, ou d’une sentence prononcée par des Arbitres. Judicium arbitrarium ; sententia arbitriaria ; arbitralis judicatio. Sentence arbitrale. Jugement arbitral. Arbitrari, arbitrare.

Nul ne lui savoit gré ; l’arbitrale sentence,
Toujours selon leur compte inclinait la balance.

La Font.

ARBITRALEMENT. adv. qui ne se dit qu’en cette phrase : c’est une affaire jugée arbitralement, c’est-à-dire, par des Arbitres. Per arbitros. Affaire vidée arbitralement. Arbitrata quæstio.

ARBITRATEUR. s. m. Terme de Droit. Arbitrator. On appelle Arbitrateurs, ou amiables Compositeurs, les Arbitres à qui on donne pouvoir de se relâcher de la rigueur du droit, déterminer un différent à l’amiable.

Ce mot se mettoit autrefois après celui d’Arbitre. On en a cité un exemple à l’article Apaisanteur. En voici un autre, tiré d’une ancienne traduction des Métamorphoses d’Ovide, sous le nom du Grand Olympe, in-16. Paris 1549. c’est à la fin du feuillet 266. « Jupiter, pour ce qu’il est juste Juge, droicturier & souverain, fut estably par commun consentement (des trois Déesses) Arbitre, Arbitrateur & amiable Compositeur entre-elles, pour en cognoistre & discuter jusques en diffinitive ; mais point n’en voulut accepter la charge, ains s’en excusa, disant qu’il ne vouloit encourir la malle grace de l’une partie ne de l’autre… »

Il faut observer une différence entre les Arbitres & les Arbitrateurs ou amiables Compositeurs ; en ce que les Arbitres sont tenus dans l’instruction & le Jugement de garder les formalités de Justice & l’ordre de droit : c’est pourquoi l’Ordonnance de 1667. tit. 31. art. 2. porte : Que les Arbitres seront tenus, en jugeant les différens, de condamner indéfiniment aux dépens celui qui succombera. Néanmoins, le même article permet aux parties de mettre dans les compromis la clause portant pouvoir aux Arbitres de remettre les dépens, de les modérer & liquider. Mais les Arbitrateurs & amiables Compositeurs accordent les différens de ceux qui se sont rapportés à leur jugement, sommairement & sans s’arrêter aux règles de Droit, ni aux formalités de Justice. Ferriére, tom. 2. de la Science des Notaires, in-40. 1715. p. 1053. 1054. Bornier a fait la même observation. ☞ Il y avoit à Rome un portique à cinq colonnes, consacré à Jupiter Arbitrateur.

ARBITRATION. s. f. Terme de Jurisprudence. Liquidation faite en gros sans entrer dans le détail. Æstimatio.

ARBITRE. s. m. Puissance que la volonté a de choisir, de se déterminer à une chose plutôt qu’à l’autre. On joint toujours à ce mot l’épithète de franc ou de libre. Dieu a donné aux hommes leur franc arbitre, leur libre arbitre. Arbitrium, libera volontas. De bons Auteurs aiment mieux libre arbitre que franc arbitre. Il est plus usité. Ménage préféroit libéral arbitre à libre arbitre. Il le fait venir de liberale qu’on a dit pour liberum dans la basse latinité. Libéral arbitre qu’on disoit autrefois ne se dit plus que parmi le peuple. En voulant accorder la grace avec le libre arbitre, il blessa l’honneur de celle-là, & flatta l’orgueil de celui-ci. God. Le libre arbitre est une faculté de la raison & de l’entendement, parce que la raison est considérée comme un arbitre, ou comme un Juge qui examine, qui consulte, qui délibère, & qui enfin décide ce qu’il faut choisir. Bern. Pour détruire le Pélagianisme, l’on s’est jeté dans les extrémités opposées en ruinant le franc arbitre, & rétablissant la fatalité inflexible des Stoïciens. Boss. S. Justin, dans sa première apologie, prouve le libre arbitre par le blâme & la louange, par le changement des mœurs en bien ou en mal ; parce qu’il n’y auroit ni vice, ni vertu, & que le bien & le mal ne seroient que dans l’opinion des hommes. Ce qui est, dit-il, la souveraine impiété, & la souveraine injustice, comme la droite raison le montre. Fleury. Voyez Liberté.

Arbitre, est aussi un Juge nommé par le Magistrat, ou choisi volontairement par les parties, auquel elles donnent pouvoir par un compromis de juger de leur différent. Arbiter. Les Arbitres compromissaires doivent juger à la rigueur, aussi-bien que les autres Juges. En Provence on envoie les parens qui plaident pour être jugés en première instance par-devant des Arbitres. Chez les Romains on pouvoit se soumettre à l’arbitrage d’une seule personne, mais ordinairement on en choisissoit plusieurs, & presque toujours en nombre impair. Quand ils étoient en nombre pair, & qu’ils ne s’accordoient pas, ils ne pouvoient prendre eux-mêmes un tiers, il falloit que les parties en convinssent, ou que le Préteur en nommât un d’office. Il n’étoit pas permis de convenir d’Arbitres dans les affaires où le public avoit intérêt, comme les crimes, les mariages, les questions d’Etat. On ne pouvoit appeler d’une sentence arbitrale, parce que l’effet d’un appel est de suspendre l’autorité d’une juridiction, & non pas d’une convention. Enfin, l’arbitrage finissoit par la mort de l’un des Arbitres, ou de l’une des parties. En France nous avons trois sortes d’Arbitres ; savoir, ceux qui en vertu du compromis sont obligés de suivre la rigueur du droit, ceux à qui les parties donnent pouvoir de se relâcher de cette rigueur, & ceux par-devant lesquels on est renvoyé par le Juge. On ne peut choisir d’Arbitres pour les choses qui concernent l’Etat, ou le Public, mais bien pour les choses qui en résultent : ainsi on ne peut pas suivre l’avis des Arbitres pour raison de crimes, mais on le peut pour des réparations civiles. Toutes sortes de personnes peuvent être Arbitres, excepté, 1.o Ceux qui sont morts civilement au monde, ou qui leur sont comparés. 2.o Ceux qui sont infâmes. 3.o Ceux qui sont mineurs de vingt-un ans. 4.o Les Juges par devant lesquels étoit pendant le différent, pour lequel on a compromis. A l’égard des femmes, on peut se soumettre à leur jugement, lequel, quoiqu’il ne soit d’aucune autorité, a pourtant l’effet de faire condamner celui qui n’y veut pas déférer, à payer la peine portée par le compromis : cependant il y a un arrêt contraire, rapporté par M. le Prestre, cent. 3, chap. 32. On peut appeler de la sentence des Arbitres, quand même on auroit stipulé qu’on ne pourra appeler ; parce que si cette convention avoit lieu, il seroit libre à des particuliers de donner une autorité souveraine à d’autres qu’à ceux que le Roi a choisis pour juger à sa place. Voyez Rebuffe sur les Ordonnances, Tit. de Arbit. & les Ordonnances de 1667, 1673, &c.

Justinien a généralement défendu de prendre une femme pour Arbitre, parce que ces sortes d’emplois ne conviennent pas à son sexe. Le Droit Canon a excepté les femmes d’une qualité éminente, ou qui ont quelque autorité sur les personnes qui ont compromis sur elles. Le Pape Alexandre III, confirma une sentence arbitrale, rendue par une Reine de France, même dans un cas où il s’agissoit du temporel de l’Eglise. Les arbitres sont obligés de rendre leur jugement dans le temps qui leur est limité, & de ne point excéder les bornes du pouvoir qui leur est prescrit par le compromis. De Launay. Les arbitres compromissaires sont tenus de juger à la rigueur, quand cela est stipulé par le compromis : mais si les parties les ont autorisés à prononcer selon la bonne foi, & selon l’équité naturelle, sans les astreindre à la rigueur de la loi, alors ils ont la liberté de retrancher quelque chose du bon droit de l’une des parties, pour l’accorder à l’autre, & de prendre un milieu équitable entre la bonne foi, & l’extrême rigueur. Id.

Arbitre, se dit figurément de celui qui est maître absolu. Summus Arbiter. Le Roi est l’arbitre de toute l’Europe, il est l’arbitre de la paix & de la guerre. Un amant dit que sa maîtresse est l’arbitre de son sort. Dieu est l’arbitre du genre humain. Il est devenu l’arbitre de la mort des citoyens. Vaug. Etre libre, c’est être seul arbitre de ce que l’on fera, ou de ce que l’on ne fera pas. La Bruy. Le Père du Cerceau dit en s’adressant aux Parques.

Arbitres du destin, Divinités terribles,
Accordez à nos vœux des jours doux & paisibles.

ARBITRER. v. Terme de Palais. Liquider, estimer une chose en gros, & sans entrer dans un détail particulier. ☞ Summatim estimare. On a arbitré le dommage à tant, c’est-à-dire, évalué en gros.

☞ C’est aussi estimer, décider, régler en qualité d’arbitre ou de Juge. Æstimare, arbitrari, arbitrare. Dans certains cas, c’est au juge à arbitrer l’amende. Les juges ont arbitré les dépens, dommages & intérêts, à telle somme. Les Experts ont arbitré les réparations ou dégradations de cette maison à tant. Il falloit arbitrer les pensions des Religieux, qui ne pouvoient prendre la réforme. Patru.

ARBITRÉ, ÉE. part. Æstimatus.

Si l’on en croit Guichard, de רוב, Rub. litigare, disceptare, contendere, & ריב, rib, contentio, disceptatio, &c. ραϐεύω en grec a été dérivé, comme de βραϐεύω, redoublant cette radicale ב ou bien la préposant comme on fait de ρόδον, βρόδον, rose βραϐεύω, signifiant, dijudico, constituto, arbitror, βραϐευτὴς, arbiter ; & il lui semble même que préposant a à ces radicales, de רוב, rub, quasi arub, arbiter ait été dérivé en latin.

ARBO, ARBOGEN. Ville de Westmanie en Suède. Arboga, Arbogia. Elle est aux confins de la Néricie & de la Sudermanie, sur la petite rivière d’Arbon, un peu au-dessus de son embouchure dans le lac Méler.

ARBOIS. Petite ville de la Franche-Comté en France. Arborosa. Elle est sur la rivière de Laustine, entre Salins & Poligny. ☞ Les vins blancs d’Arbois sont connus.

La Bulle d’Arbois est une fameuse Charte donnée par l’Empereur Frédéric à l’église de Lyon. Cet acte fut dressé à Arbois le 18 Novembre 1157. Il se garde dans les archives de l’église de Lyon. Quoiqu’il n’y ait pas un terme que les différens intérêts des personnes qui l’ont interprété, n’ait fait expliquer fort différemment, on y voit toujours que Frédéric y dit avoir donné pleinement à Héraclius, Archevêque de Lyon, l’investiture de tout le corps de la communauté de l’église de Lyon, & de toutes les régales établies au-dedans & au-dehors dans l’étendue de l’archevêché, selon que l’église de Lyon sembloit en avoir joui anciennement, & s’y être maintenue jusqu’au temps présent, & il la donne non-seulement à Héraclius, mais à tous ses successeurs à perpétuité ; & le fait Exarque de la cour du royaume de Bourgogne, le chef suprême de son conseil, & le premier dans toutes ses affaires & expéditions. P. F. H. D. l’E. G. L. XXVI.

ARBOLADE. s. f. Terme de Cuisine. C’est un ragoût qui se fait avec un peu de beurre, de la crème, des jaunes d’œufs, du jus de poires, du sucre, & fort peu de sel. Cuis. Franç.

ARBON. Petite ville du Turgaw, en Suisse. Arbona. Arbor felix. Elle est sur le lac de Constance, au septentrion de la ville de S. Gal.

Arbon, est aussi le nom d’une rivière de la Morée, Arbona, anciennement Asopes. Elle arrose la Sacanie, & se décharge dans la mer, vers le fond du golfe de Lépante, entre les villes de Lastrocari & de Vasilica.

☞ ARBORER. v. a. Planter quelque chose haut & droit à la manière des arbres. Figere, defigere. Arborer les enseignes. Arborer la croix. Arborer les drapeaux sur la brèche. Il a arboré l’étendard de la Croix dans les pays infidèles. Ils arborèrent l’étendard de France, & implorèrent le secours du Roi. Hist. de Louis XIV.

Pasquier dit que c’est l’Amiral de Châtillon qui a le premier introduit cette façon de parler, lorsqu’il exerçoit la charge de Colonel de l’infanterie. ☞ Corneille dans le Cid, a dit arborer des Lauriers. Ce n’est pas, dit M. de Voltaire, les mettre en terre pour les faire croître, les planter : mais comme on coupoit des branches de laurier, en l’honneur des vainqueurs, c’étoit les arborer, que de les porter en triomphe, les montrer de loin, comme si c’étoient des arbres véritables. Ces figures ne sont-elles pas permises dans la poësie ? Corneille avoit été repris par Scudery & par MM. de l’Académie, avec raison, dit Ménage : car on ne dit point arborer un arbre : le mot d’arborer ne se prenant que pour les choses que l’on plante figurément en façon d’arbres, comme arborer un étendard.

On dit aussi en termes de Marine, arborer le pavillon ; pour dire, montrer & déployer le pavillon, ensorte qu’il puisse voltiger au gré du vent. Arborer le pavillon de France.

Arborer, signifie aussi, dresser, élever un mât. Malum erigere. Et au contraire, désarborer, c’est l’abattre & le couper. Le mât de hune est arboré sur le grand mât.

Arborer, se dit aussi au figuré, pour se déclarer ouvertement pour quelque parti. Il a arboré le Quiétisme. Il a arboré l’impiété. Profiteri.

ARBORÉ, ÉE. parr. Fixus, defixus, erectus. Ces mots viennent du latin arbor.

ARBORIBONZE. s. m. Les Arboribonzes sont une espèce de Prêtres du Japon, toujours errans & vagabonds, & ne vivant que des aumônes qu’on leur fait. Ils se retirent dans des cavernes. Leurs bonnets sont d’un tissu d’écorce d’arbres, dont la figure est en pointe, d’où sort une espèce d’aigrette fait de crin, ou de poil de chèvre. Leur ceinture qui fait deux tours, est d’une étoffe fort grossière. Leur robe de dessus est fort courte avec des demi manches, & n’est d’ordinaire que de coton ; celle de dessous est de peau de bouc, & de quatre ou cinq doigts plus longue. Ils ont une corde à la ceinture, où pend un gobelet, qu’ils tiennent d’une main en marchant, & de l’autre un bâton d’un arbre sauvage, nommé Soutan, dont le fruit ressemble à nos nèfles. Ils ont pour chaussures des sandales attachées aux pieds avec des courroies, & garnies de quatre fers, qui ne font guère moins de bruit que ceux des chevaux. Leurs barbes & leurs cheveux sont si sales, & si mal peignés, qu’on ne les peut voir sans horreur. Les Arboribonzes se mêlent de conjurer le Démon, mais ne commencent à le faire qu’à trente ans. Ambass. au Japon, P. 1, p. 89 & 90.

ARBORIQUE. s. m. Arboricus. Nom de Nation. Entre les peuples qui habitoient entre Tournai & le Vahal, les plus considérables étoient les Arboriques. Ils étoient