Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/111-120

Fascicules du tome 1
pages 101 à 110

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 111 à 120

pages 121 à 130


Ainsi, fidèle, grand, &c. sont adjectifs, & censés tels dans la Grammaire. Au contraire, les mots Roi, Vainqueur, Magistrat, &c. ne sont jamais censés adjectifs dans l’usage de la Grammaire, quoiqu’ils le soient en effet très-souvent. Souvent il se tourne en substantif, comme blanc, sage, vertueux. Nous avons trois adjectifs qui ont deux terminaisons pour le masculin : vieux & vieil, beau & bel, nouveau & nouvel.

Ce terme de Grammaire vient du Latin adjicio, ajouter, parce qu’on le joint au substantif, sans lequel il ne peut faire un sens fixe & positif. C’est pourquoi, à proprement parler, les adjectifs n’ont point de genre : ils ont seulement une propriété & une terminaison différente pour se joindre avec les divers genres. Il n’est pas aisé de décider en quel genre doit être mis l’adjectif, lorsqu’il est mis après deux substantifs qui sont de différent genre. Par exemple, faut-il dire, il avoit les pieds & la tête nue, ou nus ? Selon la Grammaire Latine, le dernier doit l’emporter, parce que le masculin prédomine toujours, lorsqu’il se rencontre avec le féminin. Cependant l’usage s’est déclaré pour le féminin, lorsqu’il touche immédiatement le substantif féminin : il a le nez & la vue courte. Mais lorsqu’ils sont séparés par un verbe, & qu’ils régissent un pluriel, il faut mettre l’adjectif au masculin, quoiqu’il soit plus proche du substantif féminin. Le mari & la femme sont importuns. Vaug. Corn.

Observez qu’en matière d’outrages, les adjectifs sont beaucoup plus offensans que les substantifs. Par exemple, c’est un fourbe, est plus injurieux que si l’on disoit, il a fait une fourberie. La raison est que l’adjectif marque une habitude ; & le substantif seulement un acte. Cependant il est bon de remarquer que souvent le substantif est plus fort, & plus significatif que l’adjectif, & presque toujours on y ajoutent même. Ce n’est point un fourbe, c’est la fourberie même. C’est la paresse même que cet homme-là ; pour dire, c’est un paresseux achevé, c’est la négligence même, c’est-à-dire, un homme très-négligent. Alors on personnifie en quelque sorte ces substantifs, & ils ont bien plus d’énergie que l’adjectif. Il en est de même en Grec & en Latin. Appeler un homme scelus, slagitium, perjurium, c’est plus que de l’appeler scelerate, slagitiose, perjure. La raison est qu’un fourbe, un scélérat, un paresseux, &c. peut changer & devenir homme de bonne foi, homme de bien, diligent, &c. mais la fourberie, le crime, la paresse, ne peut pas ne pas être fourberie, crime, paresse, il lui est essentiel d’être telle ; & de même dans le bien. M. de Balzac n’a osé décider la question, si l’adjectif doit suivre ou précéder le substantif. En effet, il n’y a point de règle fixe ; il faut s’attacher à l’usage, pour donner la préséance à l’un ou à l’autre : ☞ Il y a des adjectifs qui ne vont qu’après leurs substantifs. Habit rouge. Accent gascon. Air indolent. Beauté Romaine. Coutume abusive, &c.

☞ Il y en a d’autres qui précèdent toujours les substantifs qu’ils qualifient. Grand Général. Brave Soldat. Profond respect. Dernière misère, &c.

☞ D’autres enfin se placent également bien devant ou après leurs substantifs. C’est un savant homme, c’est un homme savant. Ami véritable, véritable ami. Regards tendres, tendres regards.

☞ Quelquefois même la position de l’adjectif avant ou après le substantif, change entièrement la valeur du substantif. Honnête homme, homme honnête, gentilhomme, homme gentil. Sage-femme, femme sage, Galant homme, homme galant. Homme plaisant, plaisant homme.

☞ Nous n’avons sur ce point de la position de l’adjectif, soit avant, soit après son substantif, d’autre règle que le seul bon usage, c’est-à-dire, le commerce des personnes qui font le bon usage. C’est une règle générale, & très-commune, que l’adjectif doit s’accorder avec le substantif en nombre, en genre, & en cas. On dit cependant des Lettres-Royaux. Voyez au mot Lettre. Quand certains noms sont suivis du génitif, on fait accorder l’adjectif pour le genre avec ce second nom qui est au génitif, & non pas avec le nom collectif. Une troupe de gens étourdis. Un grand nombre de soldats y furent tués.

ADJECTION. s. f Terme dogmatique. Jonction de quelque corps à un autre. Adjectio, Copulatio. L’accroissement des corps naturels se fait par adjection de parties.

ADJECTIVEMENT. adv. D’une manière adjective. Adjective more, modo. La plupart des noms s’emploient tantôt adjectivement, tantôt substantivement.

ADIEU. adv. Terme de compliment, dont on se sert quand on prend congé les uns des autres, quand on se sépare. Vale. Il y eut bien des larmes répandues quand ils se dirent adieu. Il est parti sans nous dire adieu. Il ne dit jamais adieu à ses amis.

Iris, lorsqu’il me faut retirer de chez vous.
Plus de vingt fois en un quart-d’heure,
Je dis adieu, puis je demeure. La Sabl.

Adieu, est quelquefois un s. m. Un tendre adieu déchire le cœur d’un amant bien touché. S. Evr. Il s’emploie élégamment au pluriel. Rien n’étoit plus touchant que leurs tristes adieux. Portez-lui mes adieux, & recevez les siens. Racine. Il n’eut pas la force de recevoir des adieux si tendres, sans être attendri lui-même. Bouh. Xav. I. III.

On dit familièrement, adieu jusqu’au revoir : sans adieu, pour marquer qu’on se reverra bien-tôt. Je ne lui veux dire que bon jour & adieu ; pour dire, je ne lui veux dire qu’un mot.

Adieu, se dit figurément, mais en style de conversation seulement, d’une personne en danger, ou d’une chose qui court grand risque. Si la fièvre redouble, adieu le malade. Actum est. Si vous laissez approcher cet étourdi, adieu mes porcelaines.

Adieu, se dit aussi des choses qui passent, qui nous échappent, & que nous regrettons. Valedicere. Dès que la S. Martin est venue, adieu les beaux jours. Quand on a passé 60 ans, il faut dire, adieu la joie & les plaisirs.

On dit aussi, dire adieu au vin, au jeu, aux femmes, à la débauche, au commerce, & au monde ; pour dire, y renoncer, se retirer des choses pour lesquelles on avoit de l’attachement. Renuntiare, nuntium remittere. En ce cas il marque de la tendresse & du regret. Se dire adieu pour jamais : se dire un éternel adieu : se dire le dernier adieu : cela marque une longue séparation, & une résolution, ou une nécessité, de ne se revoir jamais.

Adieu, je vais, le cœur trop plein de votre image,
Attendre, en vous aimant, la mort pour mon partage.

Rac
.

Adieu, est aussi un terme de commandement, de chagrin, ou de refus, lorsqu’on chasse, ou congédie quelqu’un. Adieu, vous m’importunez trop. Apage te. Adieu, en voilà assez ; j’entends votre affaire.

On dit proverbialement, adieu la voiture, adieu vous dis, c’est fait de lui ; pour dire, qu’un homme se meurt, qu’il est perdu. Adieu paniers, vendanges sont faites ; pour dire, qu’on n’a plus besoin de certaines choses, quand la saison où l’on s’en sert est passée. Adieu mon argent, adieu mes espérances ; pour dire, qu’on a perdu son argent, ses prétentions.

On dit en termes de Marine, adieu va, ou parez à virer, pour avertir l’équipage, afin qu’il manœuvre de concert, lorsqu’on veut faire virer le vaisseau pour changer de route.

Adieu-tout. Manière de parler dont se servent les Tireurs d’or, pour avertir ceux qui tournent le moulinet que la main est placée surement, & qu’ils n’ont plus qu’à marcher. Encyc.

Adieu command. Vieille façon de parler, qui se disoit du temps de Marot ; pour dire, adieu vous dis, ou plutôt c’est : A Dieu je recommande. Adieu commande votre amitié, je renonce à votre amitié, je l’abandonne & la recommande à Dieu, ne m’en embarrassant plus.

Le Cap d’Adieu est le même que le Cap Farwel, nom qui signifie la même chose. Il est vis-à-vis la pointe la plus orientale de l’Estotilande.

ADIGE. s. f. Athesis. Rivière d’Italie, qui prend sa source au mont Brennet, dans le Tirol, & après avoir passé le Trentin & le Véronnois, se jette dans la mer Adriatique, au midi de la côte de Venise, & au nord de l’embouchure du Pô.

☞ ADIMA. Ville de la Tartarie Moscovite, à l’orient de la rivière de Mokscha qui la baigne, & va ensuite se jeter dans l’Occa.

ADIMANTE. s. m. Nom propre d’homme. Adimantus. Un fameux Manichéen & disciple de Manès, se nommoit Adimante.

ADIMION. s. m. Terme de Fleuriste. C’est une tulipe amaranthe, avec un peu de rouge & de blanc de Lait.

ADIMAIN. s. m. Animal privé, qui ne se trouve que dans les déserts de la Lybie. Il ressemble au mouton. Il porte une laine courte & très-fine. Il n’y a que la femelle qui ait des cornes. Il a les oreilles fort longues & pendantes. C’est tout le bétail de Lybie, qui fournit aux habitans quantité de lait & de fromage. C’est un animal fort paisible, qui se laisse monter aux enfans, & les porte sur son dos plus d’une lieue ; il est aussi grand qu’un moyen veau. Ablanc. Traduct. de Marmol. Voyez encore Jean Léon l’Africain, Descript. de l’Afrique. P. IX.

ADINÉRER. v.a. Qui vient du Latin Adæneum, aut æris pretium constituere. Ce terme étoit autrefois usité dans les licitations, pour dire, mettre à prix.

ADJOINDRE. v. a. Donner un collègue, associer quelqu’un pour servir d’aide & de conseil, & quelquefois de contrôleur dans une affaire, ou dans une négociation importante. Adjungere. On dit, adjoindre à un rapporteur deux évangélistes, lorsqu’il rapporte un procès, pour examiner l’inventaire & les pièces. Il ne se dit que des personnes.

ADJOINT, OINTE, part.

Adjoint. s. m. Celui qui est joint avec un autre pour lui aider dans son ministère, ou pour en partager les fonctions, ou pour prendre garde à ses actions. Socius, Collega. Ce Syndic ne sauroit rien conclure seul ; il faut négocier avec son Adjoint. On a créé en titre d’office des Adjoints aux enquêtes, pour être présens à la confection des enquêtes avec le Juge commis pour la faire. Le Syndic des Imprimeurs & Libraires a aussi ses Adjoints.

On donne dans l’Académie des Sciences cette qualité à quelques Académiciens. Ce sont ceux qu’on appeloit autrefois Elèves. Ce terme ayant déplu à plusieurs habiles gens, qui ne vouloient point entrer dans l’Académie sous la qualité d’Elèves, on a changé ce nom en celui d’Adjoints, & on les a ainsi appelés, parce qu’ils sont Adjoints à un ancien Académicien, dont ils ont embrassé le genre d’étude ; par exemple, à un Géomètre, à un Botaniste, à un Astronome, à un Anatomiste, à un Chimiste, &c. au lieu qu’autrefois, on les appeloit Elèves de cet Académicien. Les Adjoints, au nombre de douze, composent la troisième classe des Académiciens. Les Adjoints ont succédé à la classe des Elèves par un règlement que le Roi fit en 1716. Voyez l’Histoire de cette Académie pour cette année-là. Adjunctus.

Adjoints, en termes de Rhétorique & de Grammaire, se dit des mots, ou des choses qu’on joint à d’autres pour en augmenter la force, ou pour amplifier le discours : comme les mots adjectifs, ou les épithètes sont adjoints aux substantifs, pour marquer leur nature & leurs qualités. Adjuncta. En Rhétorique on appelle particulièrement adjoints, adjuncta, les lieux communs où l’on peut puiser les argumens : toutes les circonstances d’où naissent les preuves du fait. Quis, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando. Le lieu, le temps, le pourquoi, le comment, &c.

☞ ADJONCTION. s. f. Addition, liaison, jonction. Adjunctio. Ch. Etienne Dict.

Adjonction. Terme de Palais. Jonction d’une personne avec une autre. En France aucun particulier n’a droit de poursuivre la vengeance des crimes : c’est pourquoi on conclut toutes les requêtes de plaintes en matière criminelle, en demandant l’intervention, & en requérant l’adjonction de M. le Procureur-Général, du Procureur du Roi, ou du Procureur Fiscal. Subscriptio.

ADJOURNEMENT. Voyez Ajournement.

ADJOURNER. Voyez Ajourner.

ADJOUSTER, ou ADJOUTER. Voyez Ajouter.

ADJOUSTÉE, ou ADJOUTÉE. Voyez Ajoutée.

ADJOUTAGE. s. m. Voyez Ajoutage.

ADIPEUX, EUSE. adj. Terme d’Anatomie, qui signifie gras. Pinguis, Obesus. Il se dit particulièrement d’un rameau qui sort d’un tronc de la veine cave, qui est un des cinq rameaux iliaques, qui va à la tunique extérieure des reins, parce qu’il est environné de graisse. La membrane appelée pannicule, est adipeuse dans l’homme, & charnue dans les bêtes. Cette membrane est la base des cellules adipeuses. Cellulæ adiposæ. Elle est double, & peut se diviser en deux parties ; l’une intérieure, dans laquelle sont plusieurs petites cellules pleines de graisse ; l’autre extérieure, que les Anatomistes ont confondue avec la membrane charneuse, parce qu’elle a un grand nombre de vaisseaux sanguins. Harris. C’est dans les espaces des fibres de la membrane adipeuse, ou graisseuse, & dans les petites cellules qu’elle forme, que la graisse s’embarrasse & se fige. Les membranes adipeuses sont le troisième des tégumens qui couvrent & environnent le corps. Dionis. Le même auteur appelle aussi la membrane des reins, adipeuse. Les conduits adipeux. Adiposi ductus. C’est ainsi qu’on nomme les sacs, ou vésicules adipeuses, qui portent l’adeps, ou la graisse dans les interstices des muscles, ou dans les parties entre chair & cuir. Id. Ce mot vient du Latin adeps, graisse.

ADIPSOS. s. m. Palmier d’Egypte. Ἄδιψος, C’est un grand arbre qui ne vient pas droit, vert, ayant l’odeur du coignassier, la feuille du myrthe, le fruit du caprier. Ce fruit a une odeur agréable ; mais il n’est pas bon à manger, & n’est point renfermé dans une coquille. Ce fruit cueilli avant qu’il soit mûr, a la propriété d’étancher la soif.

ADIRBEITZAN. s. m. Province de Perse, que l’on nomme aussi Adilbégian, Aderbeigian, & Adzerbaijan. Provincia Aderbezzana. Elle est entre celle d’Erivan au nord, les Cardes & une partie du Diarbek au couchant, le Hierac-Agemi au midi, & le Kilan avec la mer Caspienne au levant. L’Adirbeitzan est l’ancienne Médie Trapatène.

ADIRER. v. a. Ancien terme de Palais. Egarer quelque titre ou papier. Amittere. Cette pièce étoit le fondement de mon procès, le malheur a voulu qu’elle ait été adirée. Adirer les pièces d’un procès. Il vaut mieux se servir d’égarer. Dans une ancienne inscription de l’Eglise du Saint Sépulcre de Rouen, le mot adirer signifie laisser tomber. Ici adira le Prestre le Cors Nostre Seigneur. Voyez la Descrip. Geogr. & Hist. de la haute Norm. tom. II. p. 123.

Quelques uns dérivent ce mot de aderrare, qui a signifié autrefois aberrare à via. Il y a plus d’apparence, disent quelques autres, qu’il vient de, trouver à dire, qui signifie manquer. Mais peut-être trouver à dire vient-il lui-même d’adirer.

ADIRÉ, ÉE. part. Querelles des choses adirées. Cout, Ancien, de Normand.

De la cuillé qu’il a trouvée
Qu’ils ont au manger adirée. Roman de Rou.

Adiré, ée. Perdu, égaré. Amissus. Ce même participe signifie encore, rayé, effacé. Son nom est addiré de l’Etat des Officiers.

ADIRES. Les petits animaux que l’on appelle en Espagne, Adires, sont une espèce de chiens de Barbarie. Ces animaux sont fins & rusés naturellement, ensorte qu’il seroit bien difficile de les attraper, s’ils n’étoient voraces & goulus, ou pour mieux dire, si étant poussés par la faim, ils n’entroient dans les maisons qu’ils trouvent ouvertes : quand ils y rencontrent quelque chose à manger, ils font des cris pour appeler les autres, & ne songeant point à se cacher avec la même ruse dont ils savent si bien se servir dans toutes les autres occasions, se trahissent eux-mêmes, & se font prendre. Les adires (de Perse) sont plus grands que ceux de la même espèce que nous avons vus à Goa, car ils sont aussi forts qu’un grand chien couchant. Mais ceux du pays (c’étoit à Schiras) nous assuroient que ceux qui se retirent dans les jardins & dans les buissons plus éloignes de la ville, sont beaucoup plus grands. Les chiens n’osoient attaquer ces adires ; & ces adires ne manquoient jamais d’éviter la rencontre d’un gros dogue qu’on lâchoit contr’eux. Ils sont la plûpart de même couleur que ceux de Goa, & il y en a qui sont à demi-blancs, la couleur se rapportant à celle des chiens, avec lesquels, ils se mêlent, dit-on, naturellement ; ce que néanmoins j’ai de la peine à me persuader, parce que c’est une toute une autre espèce, quoiqu’il y ait quelque rapport pour la couleur & pour la taille. Vicqfort. Ambass. de Figueroa en Perse.

ADITHAÏM. Ville ancienne de la tribu de Juda, au nord-est de cette tribu, sur les confins de Dan. Adithaim. Jos. XV. 36.

ADITION. s. f. Terme de Jurisprudence, qui se joint toujours avec le mot d’hérédité. Adition d’hérédité. C’est l’acceptation d’une hérédité, ou la déclaration que fait l’héritier, qu’il veut jouir du droit que la nature & la loi lui donnent. Acceptio. L’adition d’hérédité oblige solidairement à toutes les dettes de la succession. Dans le Droit civil on ne se servoit du terme aditio, que quand un étranger étoit appelé à succéder par le testament. A l’égard des héritiers par la loi du sang, & ab intestat, on disoit immixtio.

ADJUDANT. s m. Voyez AJUDANT.

ADJUDICATAIRE. s. m. & f. (La plûpart ne prononcent plus le D.) Le plus offrant & dernier enchérisseur à qui on a adjugé le bail, ou la propriété d’un héritage qu’on afferme, ou qu’on vend en Justice. Manceps. L’adjudicataire d’un héritage est tenu de consigner le prix de son adjudication dans huit jours ; autrement il y peut être contraint par corps. L’adjudicataire d’une ferme est tenu des frais du bail.

On le dit aussi de ceux à qui on adjuge en Justice des ouvrages, ou des réparations au rabais.

Adjudicataire, se dit absolument des Fermiers des droits du Roi. L’adjudicataire général des Gabelles, des Aides, est un Commis sous le nom duquel on fait toutes les poursuites & contraintes pour le recouvrement des deniers des Gabelles & des Aides.

ADJUDICATIF, IVE. adj. Qui adjuge ou qui a adjugé. Qui adjudicat. Il a un arrêt adjudicatif de sa demande. La sentence du premier Juge étoit adjudicative des dépens. ☞ On le dit dans le même sens d’un arrêt ou d’une sentence qui porte adjudication au profit du plus offrant, d’un bien vendu par autorité de Justice, ou qui défère au moins demandant une entreprise de travaux ordonnés judiciairement.

ADJUDICATION. s. f. (La plûpart ne prononcent plus le D.) Acte par lequel on adjuge au dernier enchérisseur une chose qui se vend en Justice, soit un meuble dans un encan, soit un bail d’une ferme, soit la propriété d’un héritage qu’on décrète, soit un ouvrage ou une entreprise au rabais. Adjudicatio. L’effet d’une adjudication par décret est de purger les dettes, & les hypothèques du vendeur. Poursuivre une adjudication. On appelle adjudication la sentence même par laquelle on a adjugé l’héritage décrété.

ADIVE. s. m. Animal qui naît en Afrique. Il est un peu plus grand qu’un renard, & du même poil. Il en a toutes les finesses & toutes les ruses. Il hurle comme un chien.

ADJUGER. v. a. (On ne prononce plus le D.) Déclarer en jugement qu’une chose contestée appartient à l’une des parties. Adjudicare. On lui a adjugé des dépens, dommages & intérêts. Cette succession lui a été adjugée comme au plus prochain héritier. On lui a adjugé le prix de l’éloquence, & la préséance parmi les Orateurs.

Adjuger, signifie aussi, vendre & délivrer en Justice au plus offrant & dernier enchérisseur un meuble à l’encan, un bail, un héritage par décret, & un ouvrage ou des réparations au rabais.

ADJUGÉ, ÉE. part. Adjudicatus.

ADJURATION. s. f. Obsecratio, obtestatio, imperium. Terme ecclésiastique. Injonction, commandement qu’on fait au Démon, de la part de Dieu, de sortir du corps d’un possédé, ou de déclarer quelque chose.

ADJURER. v. a. Faire des adjurations, des exorcismes. Adjurare, obtestari, imperare. Je t’adjure par le Dieu vivant, &c. c’est à-dire, je t’exhorte, je te conjure, je te commande. Ce mot vient du Latin adjurare. Quoiqu’il ne signifie pas la même chose, on ne laisse pas néanmoins de s’en servir dans les exorcismes.

ADJURÉ, ÉE. part.

ADJUTEUR. s. m. nom propre, Voyez AJOUTRE.

ADJUTOIRE. s. m. Vieux mot. Aide, secours. Adjutorium, auxilium.

Dents qu’à la langue êtes mur & renfort,
Et de vieillesse adjutoire & confort. Marot.

Ce nom a été fait du Latin adjutorium., & peut-être est-ce Marot qui l’a fait pour son vers.

ADJUTORIUM. Nom qu’on donne en Anatomie à l’os du bras ou à l’humérus.

ADM.

ADMETE. s. m. Roi de Phères en Thessalie, fut un des Argonautes, & un des Chasseurs de Calydon : il étoit cousin de Jason. Apollon ayant été chassé du ciel, par Jupiter, fut contraint de se mettre au service de ce Prince, pour avoir soin de ses troupeaux, &c.

Admete. s. f. Fille d’Euryschée, inspira à son père l’ordre qu’il donna à Hercule de lui apporter la ceinture de la Reine des Amazones, parce que cette fameuse ceinture avoit tenté Admete.

ADMETTRE. v. a. Recevoir, donner entrée, rendre participant de quelque avantage. Admittere. Admettre quelqu’un aux charges. Admettre un Ambassadeur à l’audience. Ce Prêtre a été jugé capable, il a été admis aux Ordres sacrés. Un honnête homme est admis & bien reçu dans toutes les bonnes compagnies. Admettre à la Communion, à la Sainte-Table.

Admettre. Reconnoître pour vrai, quelquefois approuver, trouver bon. Admettre une proposition. Admettre les excuses de quelqu’un, c’est-à-dire, les recevoir pour bonnes, pour valables. C’est un principe admis par tous les Philosophes. Je ne puis admettre les raisons que vous alléguez.

Admettre. quelqu’un à se justifier, à ses faits justificatifs, à ses preuves justificatives ; terme de Jurisprudence, lui permettre de fournir les preuves juridiques de son innocence.

Admettre. recevoir, dans une signification synonyme. Pour être admis, il suffit d’avoir une entrée libre. Il faut pour être reçu, du cérémonial. Le premier annonce une grâce accordée. Par le second en met en possession d’une place qu’on doit occuper, on installe. On est admis dans une société. On est reçu à une charge, dans une Académie. Encyc.

☞ Ces deux mots ont encore une autre nuance qui les distingue. Admettre semble supposer un objet plus intime & plus de choix ; & recevoir quelque chose de plus extérieur & de moins libre. On admet dans sa confidence ceux qu’on en juge dignes. On reçoit dans les cercles ceux qu’on y présente. Recevoir dans ce sens, n’emporte pas une idée de précaution qui est attachée à admettre.

Admettre. Terme de Finances. C’est recevoir une partie, ou un chapitre, ou article, en recette dans un compte, en vertu des pièces justificatives qui sont rapportées. Ce Commis en rendant ses comptes n’a jamais pu faire admettre trois ou quatre articles aux Fermiers Généraux ; mais ils lui ont passé tous les autres. On dit aussi passer dans le même sens.

ADMIS, ISE. part. Admissus.

ADMINICULE. s. m. Terme de Jurisprudence. Commencement de preuve, ou preuve imparfaite; circonstance ou conjecture, qui contribue à former, à fortifier une preuve. Adminiculum. Il y a tant de présomptions et d’adminicules contre cet accusé, qu’on pourroit lui donner la question. Un puissant adminicule. En termes de Médaillistes, on appelle adminicules les ornemens avec lesquels Junon est représentée sur les médailles. Il se dit aussi, en termes de Médecine, de tout ce qui peut servir à faciliter le bon effet d’un remède.

ADMINISTRATEUR, ADMINISTRATRICE, s. m. & f. Celui qui régit les biens de quelqu’un, qui est chargé du soin de les administrer. Administrator, Curator, procuratrix. Un pere est le légitime tuteur & Administrateur de ses enfans. On l’applique à ceux qui prennent soin du salut & de la conscience de ceux qui leur sont commis. Dieu a établi les Anges pour des esprits Administrateurs. Boss. On l’étend encore à ceux qui distribuent la Justice, & qui exercent la puissance publique.

Administrateur, se dit aussi de celui qui est un des Directeurs d’un Hôpital, ou de quelque maison religieuse ; qui a soin d’en recevoir les revenus, de les distribuer, & d’en ordonner. Il y a plusieurs Administrateurs de l’Hôtel-Dieu, de l’Hôpital général. Ces Administrateurs sont les tuteurs des pauvres. Les Administrateurs de l’Hôtel-Dieu de Paris assistent aux Assemblées générales de police. De la Marre. Les Administrateurs des revenus publics doivent être vigilans, & désintéressés. Les Administrateurs des Léproseries jouissoient autrefois de leur revenu.

Administrateur, en parlant des États possédés par divers Princes d’Allemagne, se dit de celui qui pendant la minorité du Prince a le gouvernement de l’État. Le Prince Administrateur. L’Administrateur de Wirtemberg. Il se dit aussi de quelques Princes d’Allemagne qui tiennent des évêchés Luthériens, réunis à leur Souveraineté. L’Administrateur de Magdebourg. L’Évêque Administrateur.

ADMINISTRATION. s. f. Conduite, gouvernement des Affaires, exercice de la Justice distributive. Administratio. Les Rois fainéans se reposoient de l’Administration de leur État sur leurs Ministres. Les guerres civiles pendant les minorités ont d’ordinaire pour prétexte la mauvaise administration des affaires, ou les abus qui se commettent dans l’Administration de la Justice.

Administration, se dit aussi de la régie, du maniement, & de la direction des biens d’un mineur, d’un furieux, d’un interdit. Il faut qu’un tuteur rende compte de l’Administration qu’il a eue des biens de son pupille. On le dit aussi de la régie des Hôpitaux, tant pour le temporel, que pour le spirituel. L’administration de cet Hôpital est en bonne main.

☞ M. l’Abbé Girard expose ainsi la différence délicate des mots Régie, Direction, Administration, Conduite, Gouvernement, qui ne se ressemblent que par une idée commune. La Régie regarde uniquement des biens temporels, confiés aux soins de quelqu’un, pour les faire valoir au profit d’un autre à qui ils appartiennent, desquels on doit rendre compte de clerc à maître. La Direction est pour certaines affaires où il y a distribution, soit de finances, soit d’occupations, & auxquelles on est commis pour y maintenir l’ordre convenable. L’Administration a des objets d’une plus grande conséquence, tels que la justice ou les finances d’un État. Elle suppose une prééminence d’emploi qui donne du pouvoir, du crédit, & une sorte de liberté dans le département dont on est chargé. La Conduite désigne quelque sagesse & quelque habileté à l’égard des choses, & une subordination à l’égard des personnes. Le Gouvernement résulte de l’autorité & de la dépendance, il indique une supériorité de place sur des inférieurs, & a un rapport particulier à la politique.

Administration, se dit encore des fonctions ecclésiastiques. C’est un tel Prêtre qui est chargé de l’Administration des Sacremens dans une telle Paroisse. On interdit l’administration des sacremens à un Prêtre irrégulier ; c’est-à-dire, on lui défend de les conférer. En matière bénéficiale on distingue deux sortes d’administration : l’une au temporel, & l’autre au spirituel. L’administration au temporel consiste dans le droit d’administrer la Justice, de recevoir les redevances, de donner à ferme, &c. L’Administration au spirituel consiste dans le pouvoir d’excommunier, de corriger, de conférer les Sacremens, &c. Le mot d’administration se dit souvent du maniement & de la régie des deniers publics. On ne doit confier l’administration des deniers publics qu’à des gens dont la probité ne soit pas équivoque.

Administration, se dit aussi au Palais, des titres, preuves, ou témoins qu’on fournit à quelqu’un en Justice. Suppeditatio. Un dénonciateur doit faire l’administration des témoins au Procureur Général.

Administration. s. f. On donnoit autrefois ce nom à une maison Religieuse, où il n’y avoit qu’un très-petit nombre de Religieux ; c’est à peu près ce que nous nommons Hospice. Le vingt-septième Canon du Concile de Sens, de l’an 1528, porte, que dans les Administrations ou Prieurés où il n’y a qu’un Religieux, parce que le revenu n’est pas suffisant pour en entretenir plusieurs, l’Évêque unira les Administrations, ou Prieurés, au plus prochain Monastère. Dupin.

Administration. Les Espagnols du Pérou nomment ainsi le magasin d’entrepôt établi à Colao, petite ville située sur la mer du Sud, qui sert de port à Lima, capitale de cette partie de l’Amérique méridionale.

☞ ADMINISTRATRICE. s. f. Voyez Administrateur.

ADMINISTRER. v. a. Gouverner, régir. Administrare. Il est difficile d’administrer les affaires publiques au gré de tout le monde. Administrer les affaires, les revenus publics, les finances.

☞ On le dit de même de la conduite des affaires particulières. Un tuteur administre les biens de son pupille. Les Hôpitaux font bien ou mal administrés.

Administrer, relativement à l’exercice de la justice avec autorité publique. Les Parlemens administrent la justice. Ce Magistrat a fort bien administré la justice pendant qu’il a vécu.

Administrer, se dit aussi en matière ecclésiastique, pour conférer. Ce Curé a administré les Sacremens à cet agonisant.

Administrer, signifie aussi au Palais, Fournir des preuves, des titres & des témoignages. Suppeditare. Il a administré des témoins suffisans au Procureur général, pour vérifier la dénonciation. Un poursuivant criées somme tous les opposans de lui administrer & fournir titres & moyens, pour faire débouter un nouveau créancier de sa demande.

ADMINISTRÉ, ÉE. part. Adminitratus.

ADMINISTRERESSE. s. f. Dans le Parlement de Bordeaux les Avocats disent Administreresse, au lieu d’Administratrice, pour désigner une mère qui a l’administration des biens de ses enfans pupilles ou mineurs.

ADMIRABLE. adj. m. & f. Digne d’admiration, qui attire l’admiration. Admirabilis, mirandus, mirificus. Pétrone est admirable dans la pureté de son style, & la délicatesse de ses sentimens. S. Evr. Ce Peintre est admirable pour son coloris. Cet homme est admirable dans sa conduite. Jean Bacon a été nommé par excellence, le Docteur admirable.

Admirable, dans le discours familier, signifie charmant, excellent, beau. Ce vin est admirable. Ce ragoût est admirable. Faire une chère admirable. Voici une saison admirable.

On s’en sert dans le style familier, pour dire, qu’on est surpris, qu’on est scandalisé de ce qu’un homme dit ou fait. Vous êtes un homme admirable, de vous laisser persuader si aisément ces bagatelles ! Je vous trouve admirable d’oser me plaisanter ! Le détour est fort bon, & l’excuse admirable ! Mol.

Admirable. s. f. Espèce de Pêche. Malum Persicum dictum admirabile. La Pêche admirable a presque toutes les bonnes qualités qu’on peut souhaiter, & n’en a point de mauvaises. Elle est des plus grosses & des plus rondes ; elle a le coloris beau, la chair ferme, fine & bien fondante, l’eau douce et sucrée, le goût vineux & relevé ; elle a le noyau petit, & n’est point sujette à être pâteuse ; elle mûrit vers la mi-Septembre. Les Pêches admirables qui mûrissent les dernières sur l’arbre, sont d’ordinaire les meilleures. Ce ne sont pas des fruits à mûrir hors de l’arbre, quoique, après les en avoir détachées, on les puisse garder trois ou quatre jours sans se gâter. A moins que l’arbre ne soit très-vigoureux, cette Pêche est sujète à tomber demi-mûre, verdâtre & velue ; & pour lors ce qu’elle devroit avoir de goût vineux & relevé, se tourne en amertume & en âcreté : cette chair qui doit être si fine & si fondante, se trouve grossière & presque sèche ; enfin, le noyau en est plus gros qu’il ne devroit être, s’ouvre même quelquefois. Id.

Admirable-jaune. Autre espèce de Pêche. Malum Persicum admirabile flavum. L’admirable-jaune tardive est aussi nommée la Pêche d’abricot & Sandalici. C’est un mirlicoton, de même que la Pavie jaune : elle ressemble entièrement par sa figure, & par sa grosseur, à la pêche admirable ; mais elle en est différente par le coloris jaune qui est dans sa peau & dans sa chair, qui lui a fait donner ce nom. La Quint. L’une & l’autre admirable colorent assez au soleil ; & ce rouge pénètre même un peu davantage auprès du noyau de la jaune, qu’auprès du noyau de la blanche. L’admirable-jaune est de très-bon goût, mais sujète à devenir pâteuse. Id.

ADMIRABLEMENT. adv. D’une manière admirable, parfaitement bien. Admirabiliter, mirifica. Il parle admirablement bien sur la Physique. Cela vous sied admirablement.

ADMIRAL. Voyez Amiral.

ADMIRATEUR, ATRICE. adj. presque toujours employé substantivement. Celui qui admire. Admirator. Miratrix. C’est un admirateur de tous les beaux esprits. Il est passionné admirateur des Anciens. Boil. Sans l’amour nous serions de tranquilles admirateurs des beautés les plus parfaites. S. Evr. On est bien souvent son premier & son unique admirateur. M. Scud. Les grands admirateurs sont la plûpart de sottes gens. S. Evr. Notre siècle est fertile en sots admirateurs. Boil.

De ses tristes écrits admirateur unique,
Plaint en les relisant l’ignorance publique. Boil.

☞ ADMIRATIF, IVE. adj. Il n’est guère en usage que dans ces phrases, point admiratif, particule admirative. On appelle Point admiratif, une ponctuation qui se marque ainsi  !, & qui sert à faire connoître qu’il y a exclamation & admiration dans le discours. On appelle Particule admirative, une particule qu’on emploie pour marquer de l’admiration. Acad. Fr.

☞ Les Imprimeurs disent simplement Admiratif, & alors ce mot est substantif masculin, ou adjectif pris substantivement en sous-entendant point.

☞ Le ton admiratif. Le geste admiratif est un jargon du grand Vocabulaire.

☞ ADMIRATION. s. f. Sentiment qu’excite en nous la présence d’un objet, quelqu’il soit, auquel nous attachons de grandes perfections ; par lequel nous regardons avec une haute estime ou avec étonnement quelque chose de beau, de grand, de parfait. Admiratio. Les prodiges excitent l’admiration. Felib. Le Tasse & l’Arioste voulant représenter un homme dans l’admiration, le font paroître comme immobile. Idem. L’admiration qu’on a pour les actions glorieuses, est souvent accompagnée d’un secret déplaisir de n’en pouvoir faire autant. Cost. Rien n’attire plus l’admiration de tout le monde que la vertu. Dur. Vous ne plairez jamais à un homme si fier, à moins que vous ne soyez dans une admiration continuelle pour tout ce qu’il fait. Rochef. L’admiration gâte & corrompt le cœur. Maleb. Ce qui fait l’admiration du peuple, ne divertit pas toujours les gens d’esprit. S. Evr. Ce qui rend la solitude insupportable à la plupart des gens, c’est qu’elle les éloigne de l’admiration Port-R. Quand l’homme ne regarde Dieu que comme son Juge, il cesseroit de l’admirer, s’il pouvoit lui refuser son admiration. Abad.

Admiration, se dit aussi de la chose qui se fait admirer. Ce Prince est l’admiration de son siècle. S. Chrysostôme a été l’honneur de son siècle, & l’admiration de la postérité. Nicol.

On dit ordinairement que l’admiration est la fille de l’ignorance : c’est dans ce sens que S. Evremont a dit, que l’admiration est la marque d’un petit esprit.

☞ Ce qui ne peut se dire que de l’admiration des choses communes. Mais plus un homme a de discernement, plus il pénètre les secrets de la nature, plus il admire.

☞ Il ne faut pas confondre l’admiration avec la surprise. Une chose belle ou laide, pourvû qu’elle ne soit pas ordinaire dans son genre, cause de la surprise. Il n’est donné qu’aux belles de causer la surprise & l’admiration. Ces deux sentimens peuvent aller ensemble ou séparément.

Admiration. (point d’). Voyez Admiratif.

☞ ADMIRATRICE. Voyez Admirateur.

ADMIRER. v. a. Considérer avec surprise ; regarder avec étonnement une chose à laquelle nous attachons des perfections. Admirari, mirari. On n’admire rien tant qu’un homme qui sait être malheureux avec courage. Racin. Les hommes vains ne songent qu’à se faire regarder, & à se faire admirer. S. Evr. Nous aimons toujours ceux qui nous admirent ; & nous n’aimons pas toujours ceux que nous admirons. Rochef. La seule chose qui puisse rendre l’homme heureux, c’est de n’admirer rien ; parce qu’alors on ne désire rien. Dac. Les hommes n’aiment point à vous admirer ; ils ne cherchent qu’à être applaudis eux-mêmes. La Bruy. Biens des gens admirent un faux merveilleux enveloppé d’une obscurité qu’ils respectent. Fonten. Un sot trouve toujours un plus sot qui l’admire. Boil. Nous admirons souvent ce qui est au-dessus de nos forces, ou de nos connoissances.

On dit aussi ironiquement & en mauvaise part : Pour moi je vous admire ; pour dire, je ne comprends pas à quel point va votre foiblesse : j’en suis surpris. N’admirez-vous pas la folie des hommes ; J’admire l’avarice de cet homme qui a des richesses immenses. On le dit dans ce sens des choses dont on blâme l’excès.

Il se met aussi avec le pronom personnel. Un sot, content de ce qu’il fait, s’admire lui-même. Boil.

ADMIRÉ, ÉE. part.

ADMISSIBLE. adj. m. & f. Valable, recevable, qu’on peut admettre. Legitimus, Probabilis. Il ne se dit guère qu’en ces phrases. Cette raison n’est pas admissible. Ces moyens de faux ont été déclarés pertinens & admissibles.

ADMISSION. s. f. Action par laquelle on est admis à une place ou dignité. Admissio. Ce terme se dit spécialement de la réception aux ordres ou à quelque degré dans une faculté. La calomnie qu’on a débitée contre cet Ecclésiastique, a empêché son admission aux Ordres.

Admission, se dit aussi au Palais des preuves & des moyens qui sont reçus comme concluans & pertinens.

☞ On dit aussi en droit Canonique, l’admission d’une démission, d’une résignation, en parlant du consentement que le collateur donne à cet acte qui est fait entre les mains. Sans cet acte approbatif de la part du collateur, le bénéfice n’est pas censé vacant.

☞ ADMISSIONALES. On donnoit ce nom chez les Romains aux Esclaves qui introduisoient chez les Princes.

ADMITTATUR. s. m. Billet que donnent les Examinateurs, portant certificat qu’un homme est capable d’obtenir des degrés dans une Faculté, ou digne d’être promu aux Ordres. Ce Prêtre a reçu du grand-Vicaire son admittatur.

ADMODIATEUR. Voyez Amodiateur.

ADMODIATION. Voyez Amodiation.

ADMODIER. Voyez Amodier.

ADMODIÉ, ÉE. Voyez Amodié.

ADMONESTEMENT. s. m. Vieux mot. Avis, avertissement. Monitum, admonitio.

Mais de quoi sert tant d’admonestement ?
Fais seulement que si bien te reçoive,
Que recevoir je puisse promptement. Marot

☞ ADMONÉTER. v. a. Terme de Palais. Faire une légère correction verbale, en matière de délit. Admonere. C’est une peine qui s’impose en matière criminelle, lorsque le délit ne mérite pas une grande punition. Le Juge mande le coupable, pour lui faire une remontrance à huis clos, avec défense de récidiver. Un tel a été admonété ; on l’a admonété. Cette peine n’emporte point l’infamie, comme le blâme, à moins qu’elle ne soit accompagnée de l’amende : ce qui arrive rarement.

☞ ADMONÉTÉ, ÉE. part. Admonitus. ☞ Ce mot employé substantivement désigne l’action d’admonéter, ou la correction verbale dont on vient de parler, L’admonété n’emporte point l’interdiction.

ADMONITEUR. s. m. Celui qui avertit, qui admonète, qui donne un avis. Monitor, admonitor. Je vous supplie de ne pas prendre ce discours comme la prédiction d’un malheur, où je souhaite que vous tombiez ; mais comme un avertissement de ce que vous avez à appréhender, & comme le meilleur office que vous puisse rendre un Admoniteur prévoyant & zélé. P. le Valois. Il n’est pas d’usage. Les Vocabulistes ne nous en disent rien, & le présentent comme un terme d’un usage ordinaire.

En quelques Communautés religieuses on appelle Admoniteur, le Novice à qui l’on donne le soin de marquer ce que les autres Novices ont à faire, & de les en avertir.

C’est aussi le nom d’un Officier dans quelques Maisons religieuses. C’est un religieux préposé pour admonéter, pour avertir le Supérieur, pour lui donner les avis nécessaires. Admonitor.

C’est aussi le nom qu’on donne chez les Jésuites à une espèce de contrôleur, que l’Ordre met auprès du Général, pour l’avertir en secret de ce qu’il trouve d’irrégulier dans sa conduite ; mais il lui est enjoint de le faire avec beaucoup d’égards & de circonspection, & même avec un profond respect. C’est la Congrégation générale qui choisit & élit l’Admoniteur.

ADMONITION, s. f. Avertissement, action par laquelle on admonète. Admonitio. ☞ En termes de Palais c’est une remontrance que fait le Juge en matière de délit, au délinquant à qui il remontre sa faute en l’avertissant d’être plus circonspect à l’avenir.

☞ Elle est moindre que le blâme, & n’est pas flétrissante, à moins qu’elle ne soit suivie d’amende.

Admonition, se dit aussi en matière Ecclésiastique ; & alors il signifie la même chose que Monition. Il y a un arrêt d’admonition & d’interdiction contre cet Officier. Un bénéficier scandaleux doit être privé par le Juge de ses bénéfices après trois admonitions. On a fait plusieurs admonitions au prône ; pour dire, plusieurs publications de censures.

ADMONITRICE. s. f. Celle qui avertit, qui donne des avis. Admonitrix. Les filles de la Congrégation de Saint Joseph ont une Admonitrice. C’est le nom qu’elles donnent à une des Officières, ou Supérieures de leur Congrégation. L’Admonitrice a le même soin dans les monastères de Filles. La Supérieure des Religieuses de la Congrégation de Notre-Dame a quatre Conseillères, ou Assistantes, & une Admonitrice, qui se nomme autrement Mère Discrète, laquelle représente à la Supérieure ce que les Conseillères, ou autres personnes sages lui ont suggéré. P. Hélyot. T. VI. p. 354.

ADN.

ADNORN. Lieu près de Sarepta en Syrie. Adnornum. À trois quarts de lieue de Sarepta, il y a une assez longue chaîne de rochers, dans lesquels on a creusé des enfoncemens en forme de croix, qui ont cinq ou six pieds de profondeur, & dont l’entrée n’est que d’un peu plus de deux pieds en carré. Il est assez difficile de dire à quels usages ils ont été faits. Les gens du pays prétendent que c’est l’ouvrage des anciens Solitaires qui s’y retiroient, & qui s’étoient fait des sépulcres pour penser jour & nuit à la mort. Je serois plutôt de l’avis de ceux qui croient que ces enfoncemens étoient des sépulcres destinés à la sépulture des personnes les plus considérables de Sarepta. Quoiqu’il en soit, on appelle ces cellules, ou sepulcres, les Grottes d’Adnorn. Mém. des Miss. du Lev. T. V. p. 9. & 10.

ADNOTATION. s. f. Terme de Chancellerie Romaine. Les Adnotations ou signatures sont des Requêtes ou Suppliques répondues par la seule signature du Pape. Hist. du Droit Can.

ADO.

ADOD. s. m. Terme de Mythologie. Nom que les Phéniciens donnoient au Roi, ou Maître des Dieux.

ADOLER, & ADOLORER. v. n. Qui veut dire, selon Perceval, être dolent. Mœrere, dolere. Ce verbe n’est plus en usage.

ADOLESCENCE, s. f. La fleur de la jeunesse, l’âge qui suit l’enfance, depuis 14 ans jusqu’à 25. Adolescentia, adulta ætas. Cet homme dès son adolescence s’est mis dans les voies de la fortune. La Bruy. Clément Marot a fait un recueil des vers faits en sa jeunesse, qu’il appelle l’adolescence Clémentine. Il ne se dit que des garçons.

☞ Les Romains l’appliquoient indistinctement aux garçons & aux filles, aux uns depuis 12 ans jusqu’à 25, aux autres depuis 12 jusqu’à 21.

Adolescence, se dit figurément du premier âge du monde. On ne l’emploie que dans le style élevé. On feroit encore mieux de ne l’employer nulle part. L’innocence & la vertu regnoient parmi les hommes, lorsque le monde étoit encore dans son adolescence.

ADOLESCENT. s. m. Jeune homme depuis 14 ans jusqu’à 25 ans. Adolescens. Il ne se dit guère qu’en plaisantant. C’est un jeune adolescent ; pour dire, c’est un jeune homme étourdi, sans expérience.

Ce mot vient d’adolesco, mot latin qui signifie croître ; parce que le temps de l’adolescence dure tout autant que le corps croît & se fortifie, tant que les fibres continuent de croître & d’acquérir de la consistance. Après l’âge de l’adolescence, le corps ne reçoit plus guère d’accroissement.

☞ C’est par abus des termes, que quelques écrivains emploient indifféremment ceux de juvenis & d’adolescens, pour toutes sortes de personnes en deçà de 45 ans.

ADOM. Bourg de la basse Hongrie. Adoma, anciennement Salina, Salinum. Il est au-dessous de Bude sur le Danube.

Adom. Petit royaume en Guinée. Voyez Adon.

ADOMESTIQUÉ. adj. Mot hors d’usage, qui signifie demeurant dans la maison de quelqu’un, & vivant avec lui. Le Perroniana a été recueilli par Christophe du Puy, Procureur de la Chartreuse de Rome, lequel étoit dans ce temps-là Aumônier du Roi, & adomestiqué chez le Cardinal du Perron. Anti-Baillet. Ce mot se trouve dans le Dictionnaire François & Anglois de Cotgrave, où est aussi le verbe adomestiquer, écrit avec dd dans Furetière, qui dit que c’est un vieux mot hors d’usage, qui signifioit, se rendre familier, ou domestique chez quelqu’un.

ADOMESTIQUER. v. n. Vieux mot & hors d’usage, qui signifioit, se rendre familier chez quelqu’un, s’attacher à lui. Insinuare se in familiaritatem. Ce mot vient du Latin domesticus, de domus, maison.

ADOMMIM. La montagne d’Adommim est un lieu de la tribu de Benjamin, autrefois fort infesté de voleurs. On prétend que son nom, qui en Hébreu signifie Rouge, lui fut donné, parce que ce lieu étoit souvent ensanglanté par les meurtres que les voleurs y commettoient. Il étoit sur le chemin de Jérusalem à Jéricho.

ADONAÏ. s. m. C’est un des noms de Dieu, qui signifie proprement Seigneur ; car quoiqu’en Hébreu il soit pluriel, il n’a cependant qu’une signification singulière, comme bien d’autres dans l’Hébreu & dans toutes les langues. Quelques Auteurs le tirent de אדן eden, base, & disent qu’il convient à Dieu, parce qu’il est le fondement, la base, le soutien de toutes les créatures. Il est plus naturel de le tirer de דון juger, être Juge ou Magistrat, gouverner, dominer. Les Septante le traduisent par Κύριος & la Vulgate par Dominus, Seigneur ; & les Juifs le mettent & le prononcent à la place du nom propre de Dieu Jehovah, que le Grand Prêtre seul avoit droit de prononcer quand il entroit dans le sanctuaire. Adonaï se dit aussi des créatures ; mais le plus souvent quand il se dit des hommes, il y a dans l’Hébreu Adoni au singulier, ou Adonaï au pluriel par un a bref ; & quand il se dit de Dieu, jamais qu’Adonaï au pluriel par un a long. Quelquefois il le dit au pluriel pour un seul homme ; comme d’Abraham, Genes. xxiv. 9. de Putiphar, Genes. xxxix. 2. de Pharaon, Genes. xl, 1. de Joseph, Genes. xlii, 30, &c. Au reste, la forme seule de ce nom ne prouve pas qu’il soit pluriel ; mais les autres endroits où l’on trouve Adonim & Adone, qui sont dits d’un seul, ou bien avec d’autres pronoms, comme Adonecha, ne laissent aucun lieu de douter qu’il ne se dise au pluriel également bien d’un ou de plusieurs. Buxtorf le fils, & beaucoup d’autres prétendent que quand il se dit des Anges, c’est moins de ces Ministres de Dieu qu’il se dit, que de Dieu agissant lui-même par le ministère des Anges. Cela ne doit s’entendre que d’Adonai écrit par un Kamets, ou a long.

ADONC. adv. Vieux mot, qui signifioit, alors, ou donc. Tunc, igitur.

Adonc, répondit l’épousée,
Je ne vous ai pas mors aussi. Mar.

ADONÉA. s. f. Nom d’une Divinité Païenne. Adonea. Elle présidoit aux voyages, comme Alcone.

ADONÉE. s. m. Les Arabes appeloient ainsi le Soleil, & l’adoroient sous ce nom, en lui offrant chaque jour de l’encens & des parfums. Ils donnèrent le même nom à Bacchus, dit Ausone.

ADONIEN. adj. m. Terme de Poësie grecque & latine. Il se dit d’un vers composé de deux pieds seulement ; un dactyle & un spondée. Ce vers est le quatrième de chaque strophe dans les Odes Saphiques. On lui a donné le nom de son inventeur. On en peut voir des exemples en Grec dans le fragment qui nous reste de la belle Ode de Sapho. Horace en fournira plusieurs en Latin, par exemple, L. I. Od. 22.

Integer vitæ scelerisque purus,
Non eget Mauri jaculis, neque arcu,
Nec venenatis gravidà sagittis,
Fusce, pharetrà.

Nec mori per vim metuam, tenente
 Cæsare terras. Hor.

Il est à remarquer qu’on trouve quelquefois des vers Saphiques qui ne sont point suivis de vers Adoniens, & des vers Adoniens détachés des vers Saphiques. On trouve des exemples de tout cela dans les Anciens.

Claude Buret le premier, & après lui Ronsard, ont aussi fait des vers Adoniens en notre Langue, dans les Odes Saphiques qu’ils ont tâché d’imiter des Grecs & des Latins. Voyez Pasquier dans ses Recherches. L. IV. chap. 32.

ADONIES, ou ADONIENNES. s. f. plur. Adonia. Fêtes instituées à l’honneur d’Adonis, dans lesquelles les femmes imitoient les lamentations de Vénus après la mort d’Adonis, ensuite chantoient ses louanges, & se réjouissoient comme s’il eût été ressuscité ; ou plutôt, selon le sentiment de Meursius, cela faisoit deux fêtes en différens temps de l’année, à six mois l’une de l’autre ; parce que l’on s’imaginoit qu’Adonis passoit six mois avec Proserpine & six mois avec Vénus. Les Grecs, les Egyptiens & les Babyloniens célébroient cette fête, & donnoient le surnom de Salambon à Vénus, ou à la fête même, comme Lampridius l’a fait, en disant que Hélagabale célébra Salambon à la manière des Syriens, avec de grands cris & de grandes lamentations. Saint Jérôme parle de cette fête dans son Commentaire sur Ezéchiel viii. 14. La 31e Idylle de Théocrite contient une fiction jolie sur la mort d’Adonis ; mais ce n’est rien moins qu’une description de la fête Adonienne, comme un nouveau Dictionnaire le dit. La première Idylle de Bion pourroit bien plutôt passer, non pas pour une description de cette fête ; mais pour une lamentation propre à être chantée dans cette Fête. Voyez Meurs. De Græc. fer. p. 3. Castellan Eortologion imprimé à Anvers in-18o. & Beger, t. 1. p. 93 & 200, jusqu’à 207.

ADONIQUE. Voyez ADONIEN. adj. Terme de Poësie.

ADONIS. s. m. Jeune homme d’une rare beauté, né de l’inceste de Cyniras, Roi de Chypre, & de Myrrha sa fille. Il fut tué par un sanglier & Vénus, qui l’avoit tendrement aimé, le changea en une fleur, qui fut teinte de son sang. C’est l’anemone rouge. Quelques auteurs ont fait Adonis hermaphrodite. Les Egyptiens le prennent pour Osiris ; & Plutarque dit qu’il a souvent été pris pour Bacchus. S. Jérôme, sur Ezech. viii. 14. le prend pour Thammuz, dont parle Macrob, liv. premier, Saturn. C. 21. & Onomacrite pour le Soleil. ☞ M. Huet, Demonst. Évang. Propos. 4. c. 3. prétend que l’Adonis des Payens est Moïse.

☞ Les Anciens ont parlé des jardins d’Adonis comme d’une merveille. Ces jardins ne sont pas tout-à-fait un ouvrage de leur imagination. Ils n’ont fait que déguiser à leur manière un reste de tradition du jardin délicieux d’Eden. C’est de-la que le nom d’Adonis a passé aux Grecs qui doivent au mot Eden le mot ἡδονὴ, dont ils se servoient pour exprimer le plaisir, la volupté. Les Poëtes Grecs ont fait des vers sur la mort d’Adonis. M. Ménage a fait sur le même sujet un petit Poëme en vers Grecs Adoniques, qui mérite d’être comparé aux Anciens, dans lesquels il a pris les pensées les plus délicates & les expressions les plus polies.

Adonis, en termes de Jardinage. Plante qui vient dans les blés. Elle approche de la renoncule. Elle a la feuille de la camomille, la fleur en rose ; ses semences sont renfermées dans des capsules oblongues. Il y en a de deux sortes. Adonis hortensis, flore minore, atro, rubente ; Adonis ellebori radice, buphthalmi flore.

Adonis. s. m. Adonis. Fleuve de la Phénicie, ainsi appelé d’Adonis. Il se jette dans la mer de Syrie, proche Biblos, où Adonis étoit particulièrement honoré.

Adonis. s. m. Rivière d’Afrique. Elle a sa source dans les montagnes, au midi de Tetouan, & se jette dans l’Océan, entre Tanger & Arzille, dans le Royaume de Fez. Bochard.

Adonis, étoit aussi une danse des anciens Grecs, selon Meursius ; il est vrai qu’il y avoit chez les Anciens une danse dans laquelle un Comédien ou une Comédienne, imitoient Adonis. Cela paroit dans Arnobe, Liv. vii, & par Prudence περὶ στεφ, hymne 10, mais il ne suit pas de ces Auteurs qu’elle s’appelât Adonis, quoique cela soit vraisemblable.

Sallon d’Adonis. Anciennement on appeloit ainsi un Sallon de verdure & de fleurs, dont la mode étoit venue de Syrie. Œcus Adonidis. Appollonius trouva Domitien dans un Sallon d’Adonis. Fleury.

☞ ADONISER. v. a. Ce verbe, qui est un terme de plaisanterie & de pure conversation, signifie parer, ajuster quelqu’un, le rendre beau comme Adonis. Ornare. Il faut vous faire adoniser. L’envie que j’avois de paroître agréable à cette dame, me fit employer trois bonnes heures pour le moins à me faire adoniser.

☞ Il s’emploie aussi avec le pronom personnel, pour marquer le trop grand soin que prend un homme de s’ajuster, pour paroître plus jeune ou plus beau. Ornare se, bellulum agere. Il passe tout son temps à s’adoniser.

Il s’écoute, il se plaît, il s’adonise, il s’aime. Rousseau.

ADONISÉ, ÉE. part, paré, galamment ajusté.

ADONISEUR. s. m. Celui qui adonise. Le Spectateur Suisse dit, en parlant d’un petit Maître, qu’un Barbier venoit de friser & de poudrer : tout cela s’est fait avec beaucoup de patience de part & d’autre, je veux dire de celle de l’Adonis & de l’Adoniseur. Merc. Déc. 1723. On voit par ce dernier terme, ajoute l’Auteur du Mercure, que notre prétendu Misantrope (c’est ainsi qu’il appelle le Spectateur Suisse) commence à s’humaniser avec le jargon du temps.

ADONNER. v. qui ne s’emploie qu’avec le pronom personnel, s’adonner ; se livrer, s’appliquer, s’attacher à quelque chose avec chaleur. Dedere se. Ce jeune homme s’est adonné à l’étude de la Jurisprudence. Celui-là s’est entièrement adonné aux Mathématiques.

☞ On dit aussi s’adonner aux femmes, au vin, au jeu. Heureux celui qui s’adonne à la vertu.

☞ On dit encore, s’adonner à un lieu, à une personne : pour dire, fréquenter un lieu, une personne, voir fréquemment une personne. Dict. Acad.

On dit quelquefois d’un chien, qu’il s’est adonné à une maison ; pour dire, qu’il y est venu de lui-même, qu’il s’y est apprivoisé. On le dit aussi des hommes qui s’intriguent & se familiarisent dans quelque maison. Admiscere se.

On dit en termes de Marine, que le vent adonne, quand il change, & devient plus favorable qu’il n’étoit.

On dit aussi s’adonner, en parlant de chemin : Je vous prie de passer chez moi, quand votre chemin s’adonnera de ce côté-là. Cum iter feret. Dans ce sens il est du style très-familier.

ADONNÉ, ÉE. part. Deditus. Ce mot vient de ad & de donare.

ADONQUES. Vieux adv. Ainsi, donc. Itaque.

Adonques Molinet
Aux Vers choisis, le grave Châtelain. Marot.

ADOPTER. v. act. Prendre un étranger pour le faire entrer dans la famille, comme son propre fils, & lui donner droit à sa succession, en cette qualité. Adoptare. La coutume d’adopter étoit fort familière aux Romains, ils l’avoient prise des Grecs, qui l’appeloient ὑίωσις ; mais elle n’est point en usage en France. Elle a encore lieu en quelques endroits de l’Empire. Celui qui étoit adopté passoit dans la famille, & entroit sous la puissance paternelle de celui qui l’adoptoit ; mais il n’étoit point délivré de celle de son père naturel, qui conservoit ses droits.

Du Cange dit que ce mot vient du Latin adoptare, d’où on a fait dans la basse Latinité adobare, qui signifie, faire Chevalier, ceindre l’épée : d’où est venu aussi le mot de miles adobatus, qui signifioit un Chevalier nouvellement fait, parce que celui qui le faisoit Chevalier, en faisoit une espèce d’adoption.

On dit aussi, par la Passion de Jesus-Christ, nous sommes adoptés enfans de Dieu ; nous avons part à l’héritage céleste. Les Religieux ont mis la réforme dans un tel Couvent, & l’ont adopté & uni à leur Congrégation.

Adopter, se dit dans un sens figuré, pour approuver l’opinion d’un autre, dont on fait la sienne propre. J’adopte votre façon de penser. Je n’adopterai jamais une pareille opinion.

ADOPTÉ, ÉE. part. Adoptatus.

ADOPTIF, IVE. adj. Celui qui est adopté. Adoptativus, filius adoptivus. L’Empereur Adrien préféroit les enfans adoptifs aux enfans naturels, parce qu’on choisit les enfans adoptifs, & que le hasard donne les enfans naturels. Les enfans adoptifs, chez les Romains, partageoient avec les enfans naturels. C’est pourquoi ils prenoient le nom & le surnom de celui qui les adoptoit ; seulement pour marquer leur extraction & leur naissance, ils ajoutoient le nom de la maison d’où ils descendoient, ou le surnom de la branche particulière dont ils étoient issus. ☞ Dans le langage de l’Ecriture, J. C. nous fait enfans adoptifs de son père. M. Ménage a fait imprimer un livre d’éloges, ou de vers qu’on lui a adressés, & qu’il appelle un livre adoptif, qu’il a joint à ses œuvres. D. Heinsius & Furstemberg de Munster ont aussi publié des livres adoptifs ; c’étoient des recueils de Poësies faites à leur honneur. Voyez Adoption.

Adoptif, ive, ou Adoptien, enne. Adoptivus, ou Adoptianus. Nom de Secte. Les Adoptiens eurent pour Chefs Elipand de Tolède, & Félix d’Urgel, qui avoit été son précepteur. Le premier écrivit à l’autre pour savoir de lui comment il entendoit que Jesus-Christ fut Fils de Dieu. Celui-ci lui répondit, que selon la nature humaine il n’étoit poins fils naturel, mais seulement fils adoptif. Ils répandirent tous deux cette doctrine sur la fin du viiie siècle ; & c’est ce qui les fit appeler Adoptifs, ou Adoptiens, eux & leurs Sectateurs. Félix fut convaincu & condamné à Narbonne en 788, à Ratisbonne en 792 ; à Francfort sur le Mein en 794, peu de temps après par le Pape Hadrien ; en 799 par Léon III, & encore la même année à Urgel dans un Synode. Félix & Elipand revinrent de leur erreur. Félix a décrit toute cette affaire dans la confession de foi qu’il envoya après son retour aux Clercs de son Diocèse. Nous avons aussi un ouvrage d’Alcuin contre Félix & Elipan. Il soutient que c’est retomber dans le Nestorianisme, de distinguer en Jésus-Christ deux Fils de Dieu, l’un naturel, & l’autre adoptif ; & deux Dieux, l’un vrai, & l’autre nuncupativus, qui ne l’est que de nom. On appelle Féliciens ceux qui suivirent Félix & Elipand, du nom de Félix, qui en étoit Auteur. Feliciani. Et leurs erreurs, l’Hérésie Félicienne. Hæresis Feliciana. Il y a dans les Nouvelles Littéraires de la mer Baltique 1699, au mois d’Août, p. 238, & suivantes, une Dissertation de Jean Trelland sur cette Hérésie. Voyez aussi les Acta Sanct. Benedic. IV. Sæc. p. 1, præf. §. I.

ADOPTION. s. f Action par laquelle on adopte ; acte par lequel un homme en fait entrer un autre dans sa famille, comme son propre fils, & lui donne droit à la succession, en cette qualité. Adoptio. L’Adoption se faisoit par un acte public, & avec certaine formule. C’étoit une imitation de la nature, inventée pour la consolation de ceux qui n’avoient point d’enfans ; cette imitation de la nature étoit si régulière, que les Eunuques ne pouvoient adopter, parce qu’ils étoient dans l’impuissance actuelle d’avoir des enfans. Il n’étoit pas non plus permis au plus jeune d’adopter le plus vieux, parce que cela eût été contre l’ordre naturel ; & il falloit que celui qui adoptoit, eût 18 ans plus que l’enfant adoptif, afin qu’il pût être père : car l’adoption eût été un monstre, si le fils eût été plus âgé que le père. Chez les Romains on distinguoit deux sortes d’adoptions : l’une qui se faisoit devant le Préteur ; & l’autre par l’assemblée du peuple, dans le temps de la République, & depuis par un rescrit des Empereurs. La première regardoit un fils de famille, & alors on s’adressoit au Préteur devant lequel le père naturel déclarait, qu’il émancipoit son fils, & qu’il consentoit qu’il passât dans la famille de celui qui l’adoptoit. La seconde regardoit une personne libre, & cette espèce d’adoption s’appeloit adrogation. Adrogatio ou arrogatio. Celui qui étoit adopté changeoit tous ses noms, & prenoit le prénom, le nom & le surnom de celui qui l’adoptoit. Du temps du Pape Benoît II, l’Empereur Constantin Pogonate envoya à Rome les cheveux de ses deux fils, Justinien & Héraclius, qui furent reçus par le Pape, le Clergé & l’armée. C’étoit une espèce d’adoption usitée en ce temps-là ; & celui qui recevoit les cheveux d’un jeune homme, étoit regardé comme son père. Fleur. Le Pape Jean VIII avoit adopté Boson premier Roi d’Arles, comme il parle dans une de les lettres. A peine trouvera-t-on d’autre exemple de l’adoption dans l’ordre ecclésiastique ; la loi, qui imite la nature nécessairement, n’osant pas donner des enfans à ceux à qui ce seroit un crime de s’en faire. Chorier. Hist. de Dauph. l. x. t. i, p. 693.

Les anciens Gaulois appeloient l’adoption une affiliation. L’adoption ne se pratique point en France : on en trouve seulement quelques vestiges dans la coutume de Saintonge, qui porte que l’affilié ne succède à l’affiliant qu’aux biens meubles, & non aux héritages, pour lesquels l’adoption ne lui peut profiter. Au reste, les enfans par adoption n’étoient point distingués des autres, & ils entroient dans tous les droits que la naissance donne aux enfans à l’égard de leurs pères. C’est pourquoi ils devoient être ou institués héritiers ou nommément exhérédés par le père qui les avoit adoptés ; autrement le Testament étoit nul. Cependant l’enfant adoptif ne succédoit point aux parens du père adoptant, à moins qu’ils n’eussent consenti à l’adoption. Les Chrétiens sont enfans de Dieu par adoption. C’est une espèce d’adoption que la réception d’un Religieux. C’est aussi une espèce d’adoption honoraire que l’institution d’un héritier universel, à la charge de porter le nom & les armes de la famille. Cette adoption testamentaire étoit aussi en usage chez les Romains : mais comme cette espèce d’héritier n’étoit qu’un simple légataire, plutôt qu’un enfant adoptif, il falloit que l’adoption par testament fut confirmée par le Peuple. Ainsi, lorsqu’Auguste se trouva adopté par le testament de César, M. Antoine retarda la confirmation de l’assemblée du Peuple, parce qu’il ne vouloit point qu’Auguste fût appelé le fils de César en vertu d’une adoption juridique. Nous avons quelques adoptions marquées sur les médailles. Celle de Trajan. Imp. Caes. Nerva Trajan. Aug. Germ. Au revers. Adoptio. Une figure en habit de guerre, tenant de sa main gauche une haste, tend la main droite à une figure qui est en habit de Sénateur. Celle d’Hadrien par Trajan. Caes. Trajanus Hadrianus Aug. & au revers, Adoptio parth. divi Trajan Aug. p. m. tr. p. cos. Monsieur Boussac dans ses Notæ Theologicæ 14, 15 & 16e Dissertation, explique diverses sortes d’adoptions, dont l’une se faisoit au Baptême, l’autre par l’épée, & la dernière par les cheveux. M. de Cordemoy a cependant remarqué à la fin de l’Histoire de Dagobert, que l’adoption étoit permise quand on n’avoit point d’enfans ; elle se faisoit devant le Roi, qui en donnoit des lettres ; & celui qu’on adoptoit étoit considéré comme fils : il jouissoit dès ce moment des biens de son pere adoptif, à la charge de lui fournir toutes les choses dont il avoit besoin pour vivre commodément suivant sa condition.

ADOR. Ville, ou Château de la Terre-Sainte, dont il est parlé I. Mach. XIII. 20. Adrichomius prétend avec assez de fondement, que c’est la même chose que Dor.

ADORABLE. adj. m. & f. Digne d’être adoré, qui mérite le plus profond des respects. Adorandus. Dieu seul est adorable. Les mystères de la Religion sont adorables.

☞ Ce terme qui ne convient qu’à Dieu, s’applique abusivement & hyperboliquement aux personnes dont les qualités éminentes méritent nos hommages & notre amour. Un prince adorable. On l’applique aussi aux vertus. La bienfaisance est une vertu adorable. Venerandus.

☞ Dans le style familier nous disons, d’un homme d’un commerce doux & agréable, que c’est un homme adorable.

☞ Dans l’ivresse de sa passion, un amant dit que sa maîtresse est adorable. Alors ce terme ne désigne qu’un excès d’attachement, de passion.

ADORATEUR, ATRICE. s. m. & f. Celui ou celle qui adore, qui rend un culte, & des hommages religieux, Cultor, venerator, Cultrix. Les adorateurs du vrai Dieu. Il y a beaucoup d’observateurs des coutumes, & des bienséances, mais peu d’adorateurs en esprit & en vérité. Flech.

On le dit abusivement de celui qui estime, ou qui aime passionnément, ou qui admire extrêmement. Ce galant est l’adorateur de toutes les belles. Les femmes du monde font vanité de traîner avec elles une foule d’adorateurs. S. Evr. Ce Poëte est l’adorateur de ses propres ouvrages. On le dit encore de ceux qui font la cour avec trop de soumission & de bassesse, aux personnes élevées au dessus d’eux. Les favoris trouvent plus d’adorateurs que d’amis. Bouh.

Je n’ai percé qu’à peine,
Les flots toujours nouveaux d’un peuple adorateur,
Qu’attire sur ses pas sa prochaine grandeur. Rac.

Adorateurs d’un bien fragile,
Dupes d’un cœur ambitieux,
Jusques à quand un cœur d’argile
Charmera-t-il nos foibles yeux ?
Recueil des vers imp. par le P. Bouhours.

ADORATION. s. f. Action par laquelle on rend le plus grand des respects, & des honneurs divins, soit par une posture humiliée, soit par d’autres actes d’une profonde soumission. Culte suprême qui n’appartient qu’à Dieu. Adoratio. L’adoration suprême n’est dûe qu’à Dieu. Notre culte & nos adorations sont absolument inutiles s’il est vrai que Dieu a décidé de nous par un décret éternel. Port-R. Le plus grand des péchés est l’adoration des Idoles.

☞ Quand on dit l’adoration de la Croix, aller à l’adoration de la Croix, en parlant de la cérémonie qui est en usage dans l’Église Romaine le jour du Vendredi Saint, par laquelle on se prosterne devant l’Image de la Croix ; il ne faut pas prendre ce mot à la lettre, mais seulement par relation à J. C. qui a opéré le mystère de notre Rédemption sur la Croix. Voy. au mot Adorer les différentes acceptions de ce mot.

On le dit aussi des choses & des personnes, pour lesquelles on a beaucoup d’amour & d’admiration, & une estime accompagnée d’un profond respect. Cultus, veneratio. L’amour que les peuples ont pour un Prince vertueux & bienfaisant, va jusqu’à l’adoration. Les femmes qui ont de la beauté, s’imaginent que nous leur devons des adorations comme à des divinités. S. Evr.

Adoration du Pape. Cérémonie qui se pratique au Conclave à l’élection d’un Pape, qui a lieu dans deux cas différens.

On crée un Pape par l’adoration, ou par le scrutin. L’élection par l’adoration se fait lorsque les Cardinaux vont brusquement, & comme inspirés du S. Esprit, à l’adoration d’un d’entr’eux, & le proclament Pape. Cette manière d’élection est dangereuse, parce qu’étant confuse & tumultueuse, & n’étant point accompagnée d’une délibération tranquille, il arrive qu’elle se fait par surprise. Car les indifférens se laissent entraîner sans réflexion dans ces occasions imprévues ; & ceux qui ont d’autres vues, n’osant se hasarder à être les derniers à donner leur consentement au nouveau Pape, se joignent presque malgré eux au torrent qui les emporte. Hist. des Concil. ☞ On appelle aussi adoration du Pape, l’hommage extérieur que les Cardinaux rendent au Pape qui vient d’être élu. Lorsque le Pape est élu, il est placé sur l’autel, & les Cardinaux vont à l’adoration, c’est-à dire, se prosternent devant lui. C’est le premier hommage qu’on lui rend, pour reconnoître la supériorité attachée à la place éminente de Vicaire de Jésus-Christ.

Les Filles ou Religieuses de l’Adoration perpétuelle. Ce sont des Religieuses Bénédictines, qui font profession d’adorer continuellement le Saint Sacrement ; c’est-à-dire, que jour & nuit il y en a quelqu’une dans chaque maison, qui prie devant le Saint Sacrement. On en parlera au mot Bénédictine.

ADORER. v. a. Rendre un hommage souverain avec la plus profonde soumission ; rendre à Dieu le culte suprême qui lui est dû. Adorare. Il n’y a que Dieu seul qu’on doive adorer véritablement. Les Payens adorent les Idoles. L’adoration du vrai Dieu s’appelle culte de latrie. L’adoration des faux Dieux se nomme idolâtrie. Il se met quelquefois sans régime, & alors il signifie faire un acte de Religion. Les Israélites alloient adorer en Jérusalem. Fleury.

Adorer, signifie quelquefois simplement, révérer, respecter, rendre une espèce de culte subalterne, & inférieur à celui qui n’est dû qu’à Dieu. Venerari, colere. Dans ce sens on dit, adorer les Saints, qu’on honore simplement d’un culte religieux ; mais ce culte est d’un ordre inférieur à celui qu’on rend à Dieu ; adorer les reliques, les images, pour lesquelles on a seulement de la vénération.

Il y a plusieurs passages, tant dans la Sainte Écriture, que chez les Écrivains Ecclésiastiques, où le mot d’adorer se dit seulement d’un simple honneur qu’on fait à quelqu’un, ou de la vénération qu’on a pour lui. La Reine Esther adora le Roi Assuérus. Le mot d’adorer, en sa plus étroite signification, & en sa première origine, ne signifie autre chose que porter la main à la bouche, Manum ad os admovere ; c’est-à-dire, saluer, faire la révérence, ou baiser les mains. Le Pape Saint Martin ayant envoyé quelques personnes de son Clergé à l’Exarque de Ravenne Callipas, qui étoit venu à Rome en 653, avec le Chambellan Théodore, & l’Armée de Ravenne ; l’Exarque les reçut dans le Palais, croyant que le Pape étoit avec eux ; mais ne l’y trouvant pas, il dit aux premiers du Clergé : Nous voulions l’adorer ; mais demain, qui est Dimanche, nous irons le trouver & le saluer. On voit ici les mots adorer & saluer employés indifféremment, & il y avoit long-temps que l’on disoit adorer l’Empereur. Fleury.

L’adoration se prend en deux manières. Il y a celle que nous rendons à Dieu, seul adorable par sa nature, & qui s’appelle latrie. Il y en a une autre que nous rendons à cause de Dieu, à ses amis, & à ses serviteurs ; comme quand Josué & David adorèrent des Anges ; ou aux lieux & aux choses consacrées à Dieu, ou aux Princes qu’il a établis, comme quand Jacob adora Esaü, son frere aîné, & quand Joseph fut adoré par ses freres. Il y a aussi une adoration qui n’est qu’un honneur rendu réciproquement, comme entre Abraham & les enfans d’Hémor. Fleury, d’après Saint Jean Damascène. Le second Concile de Nicée, dans sa lettre à l’Empereur, Session sixième, explique ainsi le mot d’adoration. Adorer & saluer sont le même en Grec, προσϰυνεῖν & ἀσπαζεϑαι. Car dans l’ancien Grec ϰύνειν signifie, saluer ou baiser, & la proposition προς marque une plus forte affection. Nous trouvons la même expression dans l’Ecriture Sainte. Il est dit que David se prosterna sur le visage, & adora trois fois Jonathas, & le baisa. Saint Paul dit que Jacob adora le haut du sceptre de Joseph. Ainsi quand nous saluons la Croix, nous chantons : Nous adorons la Croix, Seigneur, & nous adorons la lance qui a percé votre côté ; ce qui manifestement n’est qu’un salut, comme il paroît en ce que nous les touchons de nos lèvres. Que si l’on trouve souvent l’adoration dans l’Ecriture & dans les Pères, pour le culte de latrie en esprit, c’est que ce mot a plusieurs significations : car il y a une autre adoration mêlée d’honneur, d’amour & de crainte ; comme quand ils disent : Nous adorons votre Majesté. (Les Pères parlent à l’Empereur). Il y en a une de crainte seule, comme quand Jacob adora Esaü. Il y en a une d’action de grâces, comme quand Abraham adora les enfans d’Heth. C’est pourquoi l’Ecriture voulant nous instruire, dit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, & ne serviras que lui seul. Elle met l’adoration indéfiniment, comme un terme équivoque, qui peut convenir à d’autres : mais elle restreint à lui seul le service λατρείαν, que nous ne rendons qu’à lui seul. Fleur, d’après le Concile.

Cependant quelques nouveaux Critiques ont prétendu que dans une version françoise de l’Ecriture, on ne devoit se servir du mot adorer, que lorsqu’il étoit parlé du culte qui se rend à Dieu seul. Il est vrai que le mot latin adorare, dans l’ancienne édition de la Bible, qui a été traduit par adorer dans les versions françoises, est de lui-même équivoque ; & l’équivoque vient du verbe Hébreu שחה schahha, qui simplement signifie se courber, se prosterner devant quelqu’un pour le saluer. M. Simon au contraire, dans sa réponse aux sentimens de quelques Théologiens de Hollande, Ch. 16, croit qu’on doit conserver toujours le mot d’adorer dans les versions françoises de l’Ecriture, comme un terme consacré & autorisé dans l’Eglise par un long usage. Il ajoute qu’il est facile de remédier à l’équivoque de ce mot par une simple note, & qu’il n’est pas possible de retrancher entièrement les équivoques qui sont dans toutes les Langues, parce qu’il n’y a pas autant de mots, qu’il y a de choses : Res infinitæ, voces finitæ.

En effet, au Ch. 2 de Saint Mathieu, v. 2, où il est dit que les Mages vinrent pour adorer l’Enfant Jésus, il a ajouté cette note à la marge de sa version : le mot d’adorer signifie en général dans l’Ecriture, se mettre à genoux, ou se prosterner devant quelqu’un ; mais quand il est appliqué à Dieu, il signifie une véritable adoration. Sur le vers. 11 du même Chapitre, où il est dit que les Mages se prosternant, adorerent l’Enfant Jésus ; il ajoute cette autre remarque : c’est la manière de saluer qui étoit en usage dans une bonne partie de l’Orient, & plusieurs peuples l’observent encore aujourd’hui à l’égard de leurs Rois. On lit aussi sur ce même endroit, dans la version françoise de toute la Bible, imprimée à Anvers en 1534, avec privilége de Charles V, & l’approbation de quelques Docteurs de Louvain : les Hébreux usent souvent de ce mot adorer, pour honorer avec prosternation de corps, comme on fait encore aux Rois & aux Princes en Orient. Lorsqu’il s’agit du culte que les Mages rendirent à l’Enfant Jésus, on fait bien de garder le terme d’adorer, parce que les Mages, par leur culte reconnurent la Divinité de Jésus-Christ, & l’adorerent effectivement. Mais il ne faut pas pour cela garder dans les versions le terme d’adorer, par-tout où le Latin porte adorare ; le terme François est bien plus déterminé que le Latin ; & par conséquent il n’est pas permis de mettre indifférement l’un pour l’autre ; comme il seroit ridicule de mettre dans une version Françoise Concile, par-tout où le Latin porteroit Concilium ; & Eglise, par-tout où le Grec porteroit ἐϰϰλησία. C’est un défaut des premières versions, qu’on a rendues très-mauvaises à force de vouloir les rendre trop littérales. Voyez là-dessus la préface du Père Bouhours, sur sa Traduction du Nouveau Testament.

Il est vrai que les Grecs ont deux mots différens pour exprimer l’adoration qu’ils rendent à Dieu, & celle qu’ils rendent aux choses créées. Ils expriment ordinairement la première par le verbe λατρεύειν, & la seconde par προσϰυνεῖν. Ils se servent de ce dernier quand ils parlent de l’adoration des Images, de l’adoration du Livre des Evangiles, & de celle des saints Dons, c’est-à-dire, des symboles du Pain & du Vin, avant qu’ils soient consacrés. Voyez les mots Image, Evangile, Dons.

On dit, Adorer la Croix : mais c’est dans un autre sens qu’adorer Dieu, & seulement par relation à Jésus-Christ. Acad. Fr.

Adorer Dieu, ses mystères, &c. se soumettre avec respect à ses ordres, à sa volonté, à ce qui lui plaît de faire & d’ordonner. Dieu a parlé : il faut croire, se taire & adorer. C’est dans ce sens qu’il est employé dans le beau Sonnet de des Barreaux.

 
Tonne, frappe, il est temps ; rends moi guerre pour guerre.
J’adore en périssant la raison qui t’aigrit,
Mais dessus quel endroit peut tomber ton tonnère,
Qui ne soit tout couvert du sang de Jésus-Christ ?

Adorer, signifie aussi hyperboliquement, avoir beaucoup d’amour, une soumission extrême, ou une admiration aveugle pour quelqu’un. J’adore jusqu’à vos dédains & vos rigueurs. S. Evr. On adore Virgile dans son Enéide. Je ne saurois adorer toutes vos fantaisies ; c’est-à-dire, je ne les respecte point ; je ne vous applaudis point aveuglément. Cette mère adore ses enfans ; c’est à-dire, elle les aime éperduement.

 
L’absence ni le temps, je vous le jure encore,
Ne peuvent vous ravir ce cœur qui vous adore.

Racin

Adorer, signifie quelquefois simplement témoigner du respect, de la considération, du dévouement. Les Courtisans adorent les Favoris, & ceux dont ils attendent des bienfaits. Le mérite qui fait adorer les Princes, attire aux particuliers la haine & l’envie. Bouh.

 
Je ne vais point au Louvre adorer la fortune. Boil.

☞ On le dit aussi des choses auxquelles nous prostituons des honneurs qui ne sont dûs qu’au mérite. J’ai vû l’impie adoré sur la terre. Racine. Vidi impium exaltatum.

L’audace est triomphante & le crime adoré.

Breb
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☞ Dans ce sens on dit proverbialement & figurément, adorer le veau d’or, donner des marques extérieures de respect & de considération à un homme qui n’en est pas digne, & dont tout le mérite consiste à avoir beaucoup d’or & d’argent : par allusion au veau d’or qu’adorerent les Israélites au pied du Mont Sinai.

Adorer, honorer, révérer, s’employent également dit M. Diderot, pour le culte de Religion & pour le culte Civil. Dans le culte de Religion on adore Dieu, on honore les Saints, on révère les Reliques & les Images. Adorer, c’est rendre à l’Etre suprême un culte de dépendance & d’obéissance. Honorer, c’est rendre aux êtres subalternes, mais spirituels, un culte d’invocation. Révérer, c’est rendre un culte extérieur de respect & de soin à des êtres matériels, en mémoire des êtres spirituels auxquels ils ont appartenu. ☞ Dans le culte Civil, on adore une maîtresse ; on honore les honnêtes gens ; on révère les personnes illustres