Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CIVETTE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 615-616).

CIVETTE. s. f. Petit animal quadrupède dont on tire un parfum de même nom. Feles odorata, zibetta. Elle est de la taille d’un chat, ou d’une grosse fouine. Elle a d’ordinaire vingt pouces de long, & sa queue dix. son poil, qui est court sur la tête & aux pattes, est fort long sur le reste du corps, ayant quatre pouces & demi sur le dos. Il est dur & rude, & entremêlé d’un autre plus court & plus doux, frisé comme de la laine, qui est gris-brun. Le grand poil est de trois couleurs, faisant des taches & des bandes, les unes noires, les autres blanches, & les autres roussâtres ; mais le noir est la couleur dominante sur le corps. Le nez, le ventre, le dessous de sa gorge, sont noirs, aussi bien que ses piés qui sont courts, qui aboutissent en cinq doigts & un ergot, & qui ont des ongles noirs, non crochus & peu pointus. Ses oreilles sont plus petites & moins pointues que celles d’un chat, noires par dehors, bordées de blanc, & blanches par dedans. Sa queue est noire par dessus, & mêlée d’un peu de blanc par dessous. Elle a les yeux enfermés dans deux taches noires, & on dit qu’ils éclairent la nuit comme ceux des chats. Le dessus de la tête, jusqu’aux oreilles, est gris. Elle a sur le cou quatre bandes noires sur un fond fort blanc. Elle a aussi quelques taches, que Pline appelle des yeux dans la panthère, mais qui ne sont point isolées. Ses dents sont canines, & souvent rompues, car c’est un animal farouche qui les rompt en mordant les barreaux de fer de sa cage, quand il est renfermé. La poche, ou le sac, où est le parfum qu’on appele civette, est au dessous de l’anus. Elle a deux pouces & demi de large, & trois de long. Sa capacité peut contenir un petit œuf de poule. On en fait sortir la liqueur odorante d’un grand nombre de glandes qui sont entre les deux tuniques de ses poches. Scaliger & Mathiole croient que le parfum de la civette, zibettæ odoramentum, n’est autre chose que sa sueur : mais cela est faux, aussi-bien que ce qu’ils disent qu’elle se perfectionne avec le temps, & que le reste du corps sent bon.

Barbe, dans son Parfumeur françois, a suivi l’opinion de Scaliger & de Matthiole, & dit que l’on tient cet animal enfermé dans une cage de fer, que les personnes qui gouvernent ces animaux savent connoître le temps qu’il faut prendre pour les faire suer, qu’ils mettent alors plusieurs réchauds plein de feu autour de leurs cages ; que cela aide au naturel de l’animal, & que comme la sueur en est fort épaisse, on ramasse avec un couteau d’ivoire toute la sueur qui se trouve sous ses écailles ou entre ses cuisses, & que c’est ce que nous appelons la civette. Tout cela est faux, & d’ailleurs cet animal n’a point d’écailles.

Plusieurs croient avec Bélon, que notre civette n’est autre chose que l’hyène dont parle Aristote, ou que c’en est une espèce. Mais Scaliger, Ruel, Matthiole, Léon Africain, Busbec, Aldrovandus, & autres modernes, veulent que la civette ait été inconnue aux Anciens, & que ce soit une espèce de chat. Les civettes sont fort communes au Royaume d’Issiny en Guinée. Les Nègres les suivent à la piste pour recueillir le suc qu’elles laissent sur les herbes. P. Loyer.

Ce mot vient de l’Arabe zibet ou zebet, qui signifie écume ; car en effet cette liqueur est écumeuse en sortant, & fort blanche ; & elle perd sa blancheur, quand elle est reposée. Cela est tiré des mémoires de M. Perrault. Le Pere Ange de S. Joseph dit qu’il a vu plusieurs fois à Bassora le gatto zibetto, & que c’est une fouine qu’on frappe avec un petit bâton jusqu’à tant qu’elle sue le musc. On enferme ces civettes fort étroitement, pour en tirer la sueur qui coule entre leurs aînes, & cela une fois par jour. Elle sont d’un grand revenu ; mais elles dépensent beaucoup. Toutes les fois qu’on en veut ramasser la sueur, on leur met le cou dans une fourche, afin de s’en rendre maître ; parce qu’elles sont fort méchantes, & ne s’apprivoisent point.

On appelle aussi civette, la liqueur épaisse & odoriférante qu’on tire de la civette.

La Civette, lorsqu’elle est nouvelle, est blanche, elle n’est pas encore en état d’être employée, & lorsqu’elle est trop vieille, elle est toute brune, elle n’est pas bonne non plus ; mais il faut qu’elle soit d’un jaune doré, & d’une très-forte odeur, qui soit pourtant agréable, & sur-tout qu’elle ne file pas, car il y auroit danger qu’elle ne fût mêlée de miel. Barbe.

☞ Il faut préférer la civette du mâle à celle de la femelle, laquelle est souvent mêlée avec l’urine de la bête, qui l’altère beaucoup. Histoire des voyages.

Civette est aussi un oiseau nommé plus communément Chouette. Voyez ce mot. Un des Erranti de Bresce, qui avoit pris le surnom d’Il Notturno, s’étoit donné pour devise une civette, avec cet hémystiche, Per amica silentia Lunæ.

Civette est aussi une petite plante potagère. Petite cive. Cepula minor. Elle se coupe menu, & s’emploie dans les salades & ragoûts. Voyez Cive.