Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ARCHE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 470-471).
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ARCHE. s. f. L’espace qui est entre les deux piles d’un pont couvert d’une voûte en arcade. Fornix. On le dit aussi d’un pont de bois, quoiqu’il soit seulement couvert d’un plancher soutenu sur des pieux. La maîtresse arche est celle du milieu qui est la plus large, & où l’eau est la plus profonde, qui est destinée au passage des bateaux. Fornix primarius. Il y a des ponts en Orient qui ont jusqu’à 300 arches.

Arche, est la même chose qu’arcade, c’est-à-dire, une voûte de peu de profondeur en portion de berceau ; mais le mot d’arche ne se dit que des ponts.

On appelle une arche en plein ceintre, celle qui est formée d’un parfait demi-cercle. Fornix integer. Arche elliptique, celle dont le trait est un demi-ovale, ou une ellipse. Fornix compositus. Arche surbaissée, celle qui a moins de montée, & dont la courbure n’est pas fort remarquable. Fornix diminutus. Arche extradossée, celle dont les voussoirs sont égaux en longueur, & parallèles à la doüelle, & ne font point liaison avec les assises des reins. La plûpart des ponts antiques sont ainsi construits. Arche d’assemblage, se dit de tout cintre de charpente bombé, & tracé d’une portion de cercle pour faire un pont d’une seule arche.

Arche, se dit aussi d’un coffre carré & plus long que large, qui s’ouvre par-dessus, & dont le couvercle ou l’ouverture est égale à toute la grandeur du coffre. Arca. Ce mot vient du latin, en aspirant, ou amolissant le c ; bien que le P. Pezron prétende qu’il a été pris des Celtes, qui disent arch pour marquer la même chose.

Arche, en termes de l’Ecriture, c’est le vaisseau que fit Noé au temps du Déluge, pour y retirer les hommes que Dieu en voulut sauver, & les animaux, pour en conserver l’espèce. Arca. L’Arche de Noé avoit 300 coudées de long, 50 de large, & 30 de hauteur, & sa fenêtre étoit d’une coudée. Noé fut cent ans à la construire, depuis l’an 1557 du monde, jusqu’au déluge, qui arriva l’an 1656. C’est le sentiment le plus commun. Origène, Liv. IV, contra Cels. S. Aug. De Civ. Dei, L. XV, Cap. 27, & contra Faust. Lib. XII, C. 18, & dans les questions sur la Gen. V, & XXIII. S. Grégoire, Hom. V, in Ezech. Rupert, Lib. IV, in Gen. XX, le tiennent, & ils sont suivis par Salien, Tomiel, & Sponde son abréviateur. Voyez ces Auteurs à l’an du monde 1557. Jean Pelletier de Rouen suit aussi ce sentiment, dans sa Dissertation de l’Arche de Noé, imprimée à Rouen en 1700. Il le prouve même par l’Ecriture, comme d’autres Auteurs l’ont fait avant lui. Voici comment il s’y prend, C. 3. On lit dans le sixième ch. de la Genèse, que Dieu se voyant obligé de punir les hommes à cause de leur malice, en avoit différé l’exécution pendant cent vingt ans, apparemment pour leur donner lieu de se repentir & d’appaiser sa colère, Eruntque dies illius centum viginti annorum. Dans le vingtième v. du même ch. il paroît que Noé eut trois enfans, Sem, Cham & Japhet. Dans le 31e v. du cinquième ch. on voit que ce Patriarche avoit 500 ans quand il les engendra (c’est-à-dire, quand il engendra le premier.) Dans le treizième v. du VIe. ch. on remarque que Dieu avoit averti Noé du dessein qu’il avoit de perdre les hommes. Dans le 14e v. du même ch. qu’il lui avoit commandé de bâtir une arche. Dans le 22e du même ch. que ce Patriarche avoit exécuté tout ce qu’il lui avoit ordonné ; & enfin dans le sixième v. du septième ch. il est marqué que Noé avoit 600 ans quand le déluge arriva. Or puisque l’indulgence pour le repentir précéda de 110 ans le déluge, qui arriva l’an 600 de Noé, il en résulte que Noé avoit 480 ans, lorsqu’elle fut accordée. Ce Patriarche avoit 500 ans quand il eut ses enfans. L’Ecriture semble dire que ce fut dans ce même temps que Dieu lui révéla la résolution qu’il avoit prise de perdre les hommes, qu’il lui ordonna de faire une arche : & elle remarque qu’il exécuta tout ce qu’il lui avoit ordonné. D’où l’on peut conclure que l’arche avoit été 100 ans à bâtir ; car Noé avoit 600 ans quand il y entra. Le faux Bérose dit que Noé commença à bâtir l’arche 78 ans avant le déluge. Salomon Jarchi veut qu’elle ait été 120 ans à bâtir ; & Tanchuma, dans les petits chapitres de R. Eliézer, qu’elle n’ait été que 52 ans. L’Ecriture semble favoriser l’opinion du second de ces Auteurs ; mais celles du premier & du dernier se trouvent sans appui. Le P. Fournier, dans son Hydrographie, suit l’opinion commune des Peres ; mais il croit qu’il n’y eut d’ouvriers pour y travailler que Noé & ses trois fils, & il apporte l’exemple d’Archias de Corinthe, qui bâtit le navire de Hiéron de Syracuse en un an, aidé de 300 Charpentiers ; car il n’est pas plus difficile, dit-il, que trois personnes aient bâti un navire en cent ans, que 300 en aient bâti un en un an. Le premier des trois enfans de Noé ne naquit que lorsqu’il commença à bâtir l’arche, & les autres ensuite. Ainsi ils ne furent pas sitôt en état de rendre service à leur pere. De plus, il fallut pour ce prodigieux bâtiment un très-grand nombre de gros arbres, qui demandoient un très-grand nombre d’ouvriers pour les manier seulement, bien loin que trois ou quatre personnes eussent pu les mettre en œuvre. L’Ecriture dit que Noé la construisit, & ne parle que de lui ; mais c’est qu’en hébreu comme en françois, bâtir & construire se disent également, & de celui qui met en œuvre, & des ouvriers qui travaillent. L’Ecriture, Gen. VI, 14, appelle le bois dont l’Arche fut bâti גפר עצי, etse, gopher. Les Septante ont traduit ces deux mots par ξύλα τετράγονα, des bois équarris. Onkélos & Jonathan ont rendu gopher par קדרוס, Kedros ; du Cèdre. Philon de Biblos l’a tourné de même ; S. Jérôme dans la Vulgate, par ligna lævigata, du bois aplani, rabotté, poli ; & ailleurs, ligna bituminata ; c’est à-dire, enduits de bitume, poissés, goudronnés ; les anciens Rabbins, par du bois de cèdre, aussi-bien qu’Onkélos ; Kimhi, du bois propre à flotter ; Vatable, du bois léger qui flotte sur l’eau sans s’y corrompre ; Trémellius & Junius, l’espèce de cèdre que les Grecs appeloient Κερδελάτη, & Buxtorf de même ; Avénarius & Munster, du pin, à cause que les Allemands nomment le pin Kyfer ; Fullerus, du cyprès, parce que si l’on ôte la terminaison de κυπάρισσος, il reste κυπάρ, très-approchant de gopher, dont il prétend que cupressus, cyprès, est dérivé. Bochart confirme ce sentiment dans son Phaleg. I, 4. Quelques-uns ont traduit du buis ; mais cet arbre est trop petit & trop pesant pour que cette opinion soit vraie. D’autres en général des bois incorruptibles ; d’autres du sapin ; Castalio, du térebinthe. Pelletier préfére le sentiment de ceux qui disent que l’arche étoit de Cèdre. 1.o Parce que cet arbre est incorruptible, & que sans cela l’arche ayant été cent ans à bâtir, une partie eût été pourrie. 2.o Parce que le cèdre est commun en Asie, & qu’Hérodote & Théophraste disent que les Rois d’Egypte & de Syrie faisaient construire des flottes de cèdre faute de sapin. 3.o La tradition de tout l’Orient, qui a cru que l’arche s’est conservée & se conserve même encore sur le mont Ararat ; & il cite sur cela S. Augustin, Bérose dans Josephe, Antiq. Liv. I, ch. 5. Abydène, Assirien, dans Eusèbe, Præp. Ev. Lib. IX, c. 12. Nicolas de Damas dans Josephe, Antiq. Liv. I, ch. 5. Théophile d’Antioche, Saint Isidore, Orig. Lib XIV 3 cap. 8, & Jean Struys, dont nous avons rapporté les revéries au mot Ararat, & Hayton dans son Histoire Orientale.

Il y avoit trois étages dans l’Arche, Gen. VI, 16. Josephe, Philon & plusieurs Commentateurs la divisent en quatre étages, dont le plus bas étoit destiné au lest, & à recevoir les immondices de l’arche. Dans chacun de ces étages il y avoit différens compartimens séparés par des cloisons, & destinés pour différentes espèces d’animaux, ou pour les fourrages & munitions nécessaires. Drexélius en dinstingue 300, le P. Fournier 333, l’Anonyme, Auteur des questions sur la Genèse, 400. Buteo, Temporarius, Arias Montanus, Hostus, & un grand nombre d’autres, en mettent autant qu’il y avoit de différentes espèces d’animaux. Pelletier n’en met que 72, c’est-à-dire, 36 pour les oiseaux, & il appelle ceux-ci volières, & 36 qu’il nomme etables, pour tous les autres animaux. Il croit que les autres multiplioient trop le nombre ; car si on divise 300, 333 & 400 par 8 personnes qui étoient dans l’arche, chaque personne auroit eu tous les jours 37, 41 ou 50 étables ou volières à nettoyer, ou à fournir de provisions, ce qui lui paroît impossible. Cependant si avec les cellules on ne multiplie pas les animaux, cette raison ne paroît pas bien forte ; car il n’est pas plus difficile, & peut-être moins difficile d’avoir soin d’un certain nombre d’animaux dans 400 ou 300 loges, que d’avoir soin du même nombre dans 72 loges. Quoi qu’il en soit, il trouve que 36 de ces loges dans chaque étage, 18 de chaque côte suffisent. Il donne à celles du second étage, dans lesquelles il place les animaux terrestres, 15 coudées 4/9 de long, 17 de large & 8 de hauteur, c’est-à-dire, selon lui, plus de 28 pieds & demi de long, plus de 13 & demi de haut, mesure de Paris. Au troisième étage il place les 36 volières de même, 18 de chaque côté, & leur donne à chacune 4 coudées 4/9 de long, 6 de large, & 4 de hauteur, c’est-à-dire, plus de 24 pieds de long, plus de 9 pieds & demi de large, & plus de 6 pieds & demie de haut. Il trouve encore de quoi placer un grand réservoir d’eau, & tous les magasins nécessaires, & prouve par là non-seulement qu’il n’y a rien d’incroyable dans ce que l’écriture nous rapporte de l’arche & du déluge, mais même que rien n’est plus croyable, & plus sensiblement vrai. Suellius dit que l’arche en sa longueur & largeur occupoit plus d’un demi-arpent. Cunius & un Géomètre nommé Buteo, ont aussi supputé les dimensions de l’arche, afin de montrer qu’elle pouvoit contenir tout ce qu’il étoit nécessaire d’y enfermer. Voyez encore Pererius Jesuite, dans ses Commentaires sur la Genèse, Arias Montanus, dans son Apparat de la Bible de Philippe II. Le P. Kirker, Jésuite, a fait aussi un Traité de l’arche intitulé Arca Noé, où il explique aussi les dimensions de l’arche, la hauteur & la division qu’on y peut faire de différentes étables, magasins & autres lieux nécessaires ; il montre comment tous les animaux, dont il est parlé dans la Genèse, ch. 7 purent tenir très-commodément, avec les vivres & fourrages qui leur étoient nécessaires pour un an.

On dit figurément des Hérétiques & Schismatiques, qu’ils sont hors de l’arche ; pour dire, qu’ils sont hors du vaisseau, hors de la communion de l’Eglise. On a comparé l’Eglise à l’arche, hors de laquelle il n’y a point de vie. Nicol.

On appelle aussi figurément arche, un lieu de retraite. Ainsi Colletet a dit figurément :

Viens me voir en mon fauxbourg,
Où vrai Patriarche
Contre les flots de la Cour
J’ai bâti mon arche.

On dit proverbialement d’une maison où il y a plusieurs ménages, que c’est l’arche de Noé, où il y a toutes sortes de bêtes. On dit la même chose d’un lieu où il y a plusieurs personnes différentes d’âge, de condition, de mœurs, de langage, &c.

Arche, signifie aussi le coffre où furent enfermées les deux tables de pierre, où Dieu avoit gravé ses commandemens, qui furent donnés à Moyse sur la montagne, & qui furent en grande vénération chez les Hébreux, chez lesquels elle fit plusieurs miracles. On l’appela l’arche d’alliance. L’arche fut prise par les Philistins, & renvoyée avec plusieurs présens. L’arche fut mise d’abord sous le Tabernacle, puis dans le Sanctuaire du Temple. L’arche, selon Josephe, étoit longue de cinq paumes, large de trois, & haute de même. Son bois dedans & dehors étoit revêtu de lames d’or, avec des gonds d’or. Sur la couverture de l’arche, qu’on appelait propitiatoire, il y avoit deux figures posées, appelées Chérub, qui sont des animaux ayant des ailes d’une nouvelle espèce de figure, & telles qu’on n’en vit jamais de semblables : mais Moyse en avoit vu la figure au Thrône de Dieu. Génebrard dit que les Rabbins prétendent que c’étoit la figure de jouvenceaux portant des ailes, comme le Liv. II, chap. 3 des Paralipomènes le démontre assez clairement. Aujourd’hui les Juifs ont encore dans leurs synagogues une espèce d’arche, ou d’armoire, dans laquelle ils conservent les Livres sacrés.

Les Juifs appellent cette arche, ou armoire, Aron. Léon de Modéne, Rabbin de Venise, en fait la description au Liv. I, ch. 10 des coutumes & cérémonies de ceux de sa nation, où il dit : Les Juifs ont dans chaque synagogue du côté d’Orient une arche, ou armoire, qu’ils nomment Aron, en mémoire de l’arche d’alliance qui étoit dans le Temple. Ils enferment dedans les cinq Livres de Moyse, écrits à la main sur du velin avec de l’encre faite exprès, &c. Il est parlé dans saint Epiphane & dans saint Jean de Damas, de l’Aron des synagogues. Quelques Auteurs ont confondu ce mot, qui signifie arche dans la langue hébraïque, avec le nom d’Aaron, frere de Moyse ; Tertullien appelle cette arche, armarium Judaicum, l’armoire des Juifs, d’où est venue cette expression, être dans l’armoire de la synagogue ; pour dire, être dans le rang des Livres divins & canoniques. Quelques Théologiens qui n’ont point su ce que c’étoit que l’Aron, ou l’arche des synagogues, ont avancé d’étranges choses touchant cette arche : Scaliger même, tout habile critique qu’il étoit, n’a point entendu le passage de saint Epiphane, où il est parlé de l’Aron. Voyez le mot Apocriphe.

Arche. Terme de Verrerie. Dans les Verreries, les arches sont les arcades ou ouvertures du four, dans lesquelles on met le verre recuire.

Arche de Noé. Terme de Conchyliologie. Nom que l’on donne à une espèce de coquillage marin. Arca Noé, concha. Deux petites arches de Noé coloriées. Cette espèce est rare à trouver coloriée, & conditionnée. Gersaint.

Arche, en termes de Marine, est la boëte de menuiserie qui couvre la pompe ; afin qu’elle ne soit point offensée.

l’Arche de Delft. On appela de ce nom sur la fin du XVI siècle, un vaisseau construit à Delft, parce que, comme l’arche de Noé, il marchoit sans voiles & sans rames, par le moyen des roues cachées au-dedans, que douze hommes faisoient incessamment tourner, & dont le mouvement causoit celui du vaisseau. Larrey. Tom. II, pag. 288.

Arche de triomphe, ou Archi-triomphante. s. f. Terme de Fleuriste. Sorte d’œillet. C’est un pourpre enfoncé sur un blanc passable ; son panache est gros : sa fleur ronde & large ; sa plante délicate, abondante en marcottes, & facile à prendre racines ; elle est sujette aux taches blanches, comme à une espèce de gale qui s’attache à ses fannes : elle vient de Lille.

Arche, terme de Manège. C’est une partie du mors. Il ne faut point se servir de martingale attachée aux arches du mors. Newg. C’est travailler les chevaux à faux, de le faire avec de fausses rênes attachées aux arches du mors : si vous les tirez, cela lâche la gourmette ; ainsi le cheval ne sera jamais bien affermi par ce moyen. Id.

Arche. Voyez Arc. Rivière de Savoye.