Dictionnaire de Trévoux/5e édition, 1752/Tome 1/051-060


Fascicules du tome 1
pages 041 à 050

Dictionnaire de Trévoux, 1752
Tome 1, pages 051 à 060

pages 061 à 070



fruits, ou des fleurs, ou qui ne peignent que de miniature, ou qui s’appliquent à la gravure, ou à quelque autre partie qui regarde le dessein.

☞ Pour service, l’Académie de Peinture a deux Huissiers pour ouvrir & fermer les portes, & tenir l’Appartement propre : le premier fait la fonction de Concierge. Elle a encore deux hommes entretenus pour servir de modéle dans l’école.

☞ Louis le Grand a donné à cette Académie, comme aux autres, un Appartement au Louvre, composé d’un grand nombre de piéces ornées d’une grande quantité d’ouvrages excellens de Sculpture & de Peinture.

☞ L’Académie de Peinture & de Sculpture doit son établissement à Martin Charmois.

☞ Il y a deux modéles, c’est-à-dire, deux hommes bien faits de corps, que l’on expose nuds tous les jours à six heures du soir, & que l’on fait mettre en différentes postures ou attitudes, pour donner lieu de se perfectionner aux jeunes gens qui ont du génie pour le dessein, & pour apprendre de la nature même l’art de dessiner correctement. Le jour de la fête de saint Louis on distribue des prix à ceux qui ont le mieux réussi. Cette Académie tient ses assemblées au Louvre le dernier Samedi de chaque mois. Une de ses principales constitutions, est que tous ceux qui la composent, sont obligés d’exposer au public de leurs ouvrages à la saint Louis. Ils s’exposent dans les galeries du Louvre, & restent exposés pendant quinze jours.

☞ Outre-cette Académie de Peinture & de Sculpture, établie au Louvre, il y en a encore deux autres à Paris, dont l’une est à l’Hôtel Royal des Gobelins, sous les ordres de l’Académie Royale du Louvre ; & l’autre est dirigée par les Maîtres Peintres & Sculpteurs, & leur Bureau est rue des Hauts-Moulins, près de saint Denis de la Chartre.

Il y a aussi une Académie de Politique. Regia Rerum Politicarum Academia. Elle est composée de six personnes, qui se rendent certains jours de la semaine au Louvre, dans la chambre où sont les papiers & les mémoires qui regardent les affaires étrangères : ils lisent les choses qu’on leur met entre les mains, suivant les ordres de M. de Torcy, qui fait connoître au Roi leur capacité & les progrès qu’ils font, afin que Sa Majeste puisse les employer dans les affaires, selon qu’elle le jugera à propos.

Académie Royale de Musique. Regia Musicae Academia. Voyez OPERA.

Il y a aussi dans la plûpart des Villes d’Italie des Académies, dont les noms sont curieux à cause de leur bisarrerie. A Sienne on appelle les Académiciens, Intronati : à Florence, Della Crusca ; à Rome Humoristi, Lyncei, Fantastici : à Bologne, Otiosi : à Gènes, Addormentati : à Padoue, Ricovrati, & Orditi : à Vincenze, Olympici : à Parme, Innominati : à Milan, Nascosti : à Naples, Ardenti : à Mantoue, Invaghiti : à Pavie, Affidati : à Cesene, Offuscati : à Fabriano, Disuniti : à Fayence, Filoponi : à Ancone, Caliginosi : à Rimini, Adagiati : à Cita del Castello, Assorditi : à Perouse, Insensati : à Ferme, Rafrontati : à Macerata, Catenati : à Viterbe, Ostinati : à Alexandrie, Immobili : à Bresse, Occulti : à Trevise, Perseveranti : à Verone, Filarmonici : à Cortone, Humorosi : à Luques, Oscurri : Mr Pelisson en a donné ce Catalogue dans son Histoire de l’Académie. Mascurat ajoûte les Sileni, à Ferrare : les Agitati, à Cita di Castello, mettant les Assorditi à Urbin. On a dit d’un Perroquet :

Ce petit animal plein de sens & d’esprit,
N’entendoit rien qu’il ne comprît ;
Parla si bien François tout le temps de sa vie,
Que si tout son mérite avoit été connu,
Assurément il auroit eu
Une place à l’Académie. Pavill.

Il y a encore à Florence une Académie de Physique nommée del Cimentò, où l’on fait plusieurs expériences Physiques & Astronomiques. Elle a été établie par Laurent de Médicis, & est souvent citée par Francisco Redi Médecin. Au reste, l’Académie della Crusca à Florence est différente de l’Académie de Florence, laquelle est plus ancienne que celle della Crusca. On les a souvent confondues, & le Tasse même s’y méprit d’abord. Il attribua à l’Académie


de Florence la critique que quelques Académiciens della Crusca firent de ses Ouvrages dans les premiers temps de l’établissement de cette Académie. Voyez tout cela fort bien débrouillé dans l’Aminta diffesa du savant Mr Fontanini. Il falloit aussi ajoûter l’Académie des Arcadiens à la liste des autres. Car quoique ces Messieurs ne se donnent point le titre d’Académiciens, & qu’ils affectent de ne se servir que de termes conformes à la qualité qu’ils prennent de Bergers d’Arcadie, cependant on appelle Académie ce qu’ils ne veulent appeller que Ragunanza, ou Assemblée, parce qu’effectivement on se propose à peu près le même but dans leurs Assemblées que dans les autres Académies, qui sont établies pour entretenir une noble émulation parmi les Savans, & sur-tout parmi ceux qui cultivent la Poësie, & ce qu’on appelle plus particulièrement les belles Lettres. On a depuis peu établi à Venise une Académie de Savans ; une autre à Dublin, une autre à Oxford, qui travaillent à l’avancement des Sciences. Il y a eu une Académie en Allemagne, établie sous le titre d’Académie des Curieux des secrets de la Nature dans le Saint Empire Romam. L’Empereur lui donna sa protection en 1670. Elle fut établie dès 1652. par le Sieur Bauch Médecin. L’une des plus fameuses de toutes les Académies, est celle qui est établie à Londres, sous le nom de Société Royale d’Angleterre, qui est composée de plusieurs Savans de qualité, qui nous ont fait voir plusieurs beaux Ouvrages, & dont on a vû aussi d’excellens Journaux, sous le titre de Philosophical Transaction. Au reste, quoique ces Académies soient dans l’approbation commune, elles ne sont pas toutefois dans celle de ce grand Chancelier d’Angleterre, François Bacon, ni, pour le dire vrai, dans la mienne. Car je vois que du temps de Léon X. que l’on doit comparer à celui de l’Empereur Auguste, ces façons d’exercer la jeunesse avec tant de montre, de pompe & d’éclat n’étoient point en usage, desorte que l’on pourroit dire avec Pétrone à tous ces MM. les Académistes, Pace vestrâ liceat dixisse, Primi omnium eloquentiam perdidistis, &c. Mascur. Charlemagne établit par le Conseil d’Alcuin une espèce d’Académie, dont il voulut être lui-même, & qui étoit composée des plus beaux Esprits, & des plus Savans de la Cour. Dans ces conférences Académiques chacun rendoit compte des anciens Auteurs qu’il avoit lûs ; & même ceux qui en étoient, prirent chacun un nom de quelque Auteur ancien qui étoit le plus à son goût, ou de quelque homme fameux dans l’antiquité. Alcuin, dont les Lettres nous apprennent ces particularités, prit celui de Flaccus, qui étoit le surnom d’Horace ; un jeune Seigneur, nommé Angilbert, prit celui d’Homère ; Adelard, Abbé de Corbie, s’appella Augustin ; Riculfe, Evêque de Mayence, se nomma Dametas ; le Roi lui-même prit le nom de David. P. Dan. Il paroît par-là que Mr Baillet n’étoit pas assez instruit, quand il a dit que c’est en suivant le génie des gens de Lettres de son temps, amateurs des noms Romains, qu’Alcuin s’est appellé Flaccus Albinus.

l’Académie Espagnole. C’est une Académie établie à Madrid sur le modéle de l’Académie Françoise à Paris, pour perfectionner la langue Espagnole. Academia Hispanica. Dom Manuel Fernandez Pacheco, Marquis de Villena, Duc d’Escalone, Chevalier de la Toison d’or, &c. en doit être regardé comme le Fondateur. Elle s’assembla pour la premiére fois sous le bon plaisir & une permission verbale du Roi Philippe V. dans le Palais de son Fondateur, qui fut nommé Directeur. Elle demanda au Roi sa protection & une approbation authentique : le Prince la donna le 14 Octobre 1714. & accorda aux Académiciens tous les priviléges, graces, prérogatives, immunités & exemptions dont jouissent les Officiers domestiques qui sont actuellement au service dans le Palais Royal. La Compagnie ainsi autorisée, nomma de nouveau pour son Directeur le Marquis de Villena, Duc d’Escalone, pour l’être toute sa vie. Après lui les Directeurs doivent changer tous les ans. Sa devise est un creuset dans le feu, avec ces mots Espagnols : Lempia, fija, y da esplendor. Elle fit des statuts qui le 24 Janvier 1715. furent en état. La fin de cette Académie est de purifier & de perfectionner la langue Castillane. Les ouvrages de l’Académie sont un Dictionnaire, une Grammaire, une Poëtique & une Histoire de la Langue Espagnole. Il n’y eut d’abord que huit huit Académiciens, ensuite on en ajoûta quatorze. Outre le Directeur, elle a un Secrétaire. La fondation & les statuts de cette Académie, d’où ceci est tiré, ont été imprimés à Madrid à l’Imprimerie Royale en 1715. in-4o.

On dit aussi Academie en parlant des Ecoles des Juifs, & des endroits où ils ont des Rabbins & des Docteurs pour enseigner aux jeunes gens de leur nation la Langue Hébraique, leur expliquer le Talmud, leur apprendre la Cabale &c. Les Juifs n’ont eu de ces sortes d’Académies que depuis le retour de la captivité de Babylone. Les Académies de Tibériade, de Babylone, ont été fameuses.

Quelques Auteurs ont employé ce terme pour signifier aussi ce que nous appellons Université. L’Académie d’Oxford est si illustre, que son Chancelier est toujours un des premiers Seigneurs du Royaume. Larrey. Ce n’est pas parler assez juste. Il est vrai que M. Harris, dans son savant Dictionnaire des Arts, définit le mot Académie, une espèce de hautes Ecoles, ou Université, dans laquelle de jeunes gens sont instruits dans les Arts Libéraux & dans les Sciences ; mais il parle Anglois, & explique ce que signifie ce mot en Anglois. De même en Latin on appelle Académie, ce que nous appellons Université, & tout le VIII. livre de Lymnaeus de Academiis, regarde les Universités. Mais quand on écrit en François, il faut distinguer ces deux choses, qui dans notre langue sont fort différentes. Académie est une Assemblée de gens doctes, qui tiennent entre-eux des conférences sur des matières d’érudition. Université est un Corps composé de Docteurs, de Bacheliers qui aspirent au Doctorat, de Régens qui enseignent dans les Colléges, & de jeunes gens, ou Ecoliers qui étudient sous ces Régens. On peut cependant appeller Académies les lieux où les jeunes gens étoient instruits & élevés. Ainsi l’on dit que pendant que les Romains étoient les Maîtres de la Gaule, il y avoit des Académies à Autun, à Bourdeaux, à Marseille, à Narbonne, à Tours & à Trèves. Le Gendre. Mais en parlant de nos temps cela fait un équivoque qu’il faut éviter, en distinguant ces deux choses, Académie & Université, comme en effet l’usage les distingue.

Académie, se dit aussi des maisons, logemens & manèges des Ecuyers, où la noblesse apprend à monter à cheval, & les autres exercices qui lui conviennent. Epheborum Gymnasium. C’est ce que Vitruve appelle Ephebeum. Au sortir du collège on a mis ce gentilhomme à l’Académie. Newcastle dit que l’art de monter à cheval prit naissance en Italie ; que ce fut à Naples que la première Académie pour monter à cheval fut établie, & que Frédéric Grison, Napolitain, fut le premier qui en écrivit ; ce qu’il fit en vrai cavalier & en grand maître. Henri VIII fit venir en Angleterre deux Italiens, écoliers de Grison, qui remplirent le Royaume d’écuyers. Gui Allard dit que Pluvinel est le premier qui a établi en France des Académies pour apprendre à monter à cheval. Il étoit du Dauphiné. Newcastle dit aussi que le plus célèbre écuyer qui fut jamais en Italie, étoit à Naples & Napolitain, nommé Pignatel ; que la Broue monta cinq ans sous lui, Pluvinel neuf, & S. Antoine plusieurs années ; que ces trois François, qui firent leur apprentissage sous Pignatel, remplirent la France d’Ecuyers François, qui étoit auparavant pleine d’Ecuyers Italiens. Il croit que la Broue a été le premier qui a écrit en François de l’art de monter à cheval.

Académie. Terme de Peinture. C’est une figure entière, dessinée d’après le modèle, qui est un homme nu, ou la copie d’un pareil dessein. Cette Académie ne m’a coûté qu’une heure de travail.

Académie, se dit abusivement du Brélan, ou des lieux publics où l’on reçoit toutes sortes de personnes à jouer aux dez & aux cartes, ou à d’autres jeux défendus. Les Juges de Police sont obligés de veiller à ce qu’on ne tienne point des Académies de jeu. Voulons que les ordonnances de Police pour chasser ceux chez lesquels se prend & consomme le tabac, qui tiennent Académie, brélans, jeux de hasard, & autres lieux défendus, soient exécutées. Ordonnance de 1666. Ces lieux que l’on appelle fort improprement Académies, mais beaucoup mieux du nom infâme de Brélan, tout homme d’honneur doit les éviter, & les loix les condamnent. De la Mare. Cet Auteur montre dans son Traité de la Police, L. III. Tit. iv. C. 2 & 3, que non-seulement les Peres & les Loix ecclésiastiques, mais les Loix civiles chez les Païens, ont défendu ces sortes d’Académies. Les maîtres de ces Académies étoient si infâmes & si odieux, que s’ils étoient volés ou maltraités dans le temps du jeu, ils n’avoient aucune action en justice pour en demander réparation. L. i. Præt. ait. ff. de alea. & ibi gloss. Ulpian.

Académie. Il se prend aussi pour les écoliers mêmes. Ce jour-là un tel Ecuyer fit monter toute son Académie. Acad. Fr.

ACADÉMIQUE, adj. m. & f. Qui appartient à l’Académie des Arts & des Sciences. Academicus. Les Questions Académiques de Cicéron. Les exercices Académiques continuent en une telle ville.

ACADÉMIQUEMENT, adv. D’une maniére Académique. Academicè. Cette question a été traitée académiquement, pour dire, suivant la méthode des Académiciens.

ACADÉMISTE, s. m. Ecolier qui fait ses exercices chez un Ecuyer, qui apprend à monter à cheval, à faire des armes, à danser, &c. Equestris disciplinae tyro.

ACADIE, s. f. Acadia. Grande Province de l’Amérique Septentrionale, entre le Fleuve de S. Laurent & la nouvelle Angleterre. Elle a environ cent lieues d’étendue. Les Anglois la céderent aux François par la paix de Bréda en 1667. La France l’a rendue à l’Angleterre par celle d’Utrècht, en 1713.

☞ Denys dans sa description de l’Amérique Septentrionale, décrit exactement l’Acadie. La côte d’Acadie commence au sud de la rivière de Pentagouet, dont nous avons parlé en son lieu. De là à celle de Saint Jean, il y a quarante à quarante-cinq lieues. La premiére riviére que l’on recontre est celle des Etéchemins. Continuant vers la riviére de Saint Jean, on rencontre des isles & de grandes anses qui en sont remplies, & à quatre ou cinq lieues des Etéchemins, il y a une autre riviére qui a environ demi-lieue de large. Allant toûjours vers la riviére de Saint Jean, on rencontre des isles & de grandes anses, qui en sont aussi remplies ; & à quatre ou cinq lieues des Etéchemins, il y a une autre riviére qui a environ demi-lieue de large, dans laquelle montant deux ou trois lieues, on rencontre de petites isles couvertes de sapins, bouleaux, chênes & autres bois. Plus haut il y a un saut qui empêche les bâtimens de passer outre : les canots y peuvent aller. Je n’ai pû sçavoir son étendue : Il y a quelques montagnes qui paroissent dans le haut, & nombre de prairies qui la bordent, dont quelques-unes sont assez grandes. Tous les bois y paroissent beaux ; il y a force chênes, & d’autres espéces d’arbres dont on a déja parlé. On tient que ce lieu s’appelloit autrefois Sainte-Croix. Plus loin paroissent des isles, dont la plus grande s’appelle Ménane, qui se voit de loin, venant de la mer, & sert de connoissance pour la riviére de Saint Jean, quoiqu’elle soit éloignée de six à sept lieues de son entrée. Dans toutes ces isles, qui sont en mer, à deux ou trois lieues de la grande terre, il y a grand nombre de toutes sortes d’oiseaux, qui vont au printemps y faire leurs petits, & entre autres force margots, des outardes, des canards, des moyaques, des goislans, des esterlets, des perroquets de mer, des pigeons de mer, & de toutes autres sortes d’oiseaux en grand nombre. De la derniére anse en allant à la riviére Saint Jean, ce ne font que des rochers, six ou sept lieues durant : la côte en est fort dangereuse ; & environ trois quarts de lieue, plus en mer que l’isle Ménane, il y a un rocher qui ne se découvre que tous les six ou sept ans, & qui au rapport des Sauvages, est de lapis lazuli. L’entrée de la riviére Saint Jean est de dangereux abord. Pour ce qui la regarde, voyez au mot Jean. Depuis l’entrée de la riviére de Saint Jean jusqu’à celle de Port-Royal, il y a douze lieues de trajet qui forment ce que nous appellons la Baie Françoise, qui s’enfonce dix à douze lieues dans les terres. En sortant de la riviére de Saint Jean sur la main gauche ; il y a une pointe qui s’avance en mer ; & l’ayant doublée, on entre dans une grande baie qui s’avance dans la terre environ une lieue, au fond de laquelle il y a deux isles ; & continuant le long de la côte, environ trois ou quatre lieues, l’on trouve deux petites baies distantes d’une lieue l’une de l’autre, où l’on dit qu’il y a des mines de fer. Continuant cette route, on voit une grande pointe qui avance vers la mer, derrière laquelle il y a une petite riviére. Allant plus avant, on voit un cap que l’on nomme le Cap des deux baies, dont les entrées sont étroites, & qui avancent dans les terres quinze ou seize lieues ; il y a force rochers dans ces baies qui sont dangereux, en ce que la mer y monte huit ou dix brasses, & les couvre ; on est obligé de mouiller l’anchre à quinze ou seize brasses pour être en sûreté : il y a plusieurs riviéres qui tombent dans ces baies, par le moyen desquelles les Sauvages vont dans celle de Saint Jean : d’autres par où ils vont dans des lacs, qui vont vers Campseaux & le cap Saint Loüis, qui est dans la grande baie de Saint Laurent. Ces baies s’appellent des mines, parce qu’il y a de ces pierres de mines dont on se servoit autrefois pour les arquebuses à rouet ; on dit aussi qu’il y a des mines de cuivre en plusieurs endroits. Dans ces baies il y a force montagnes dans les terres, & quelques-unes bien hautes : il y a aussi du plat-pays, & grand nombre de pins, sapins, prusse, mêlés d’autres bons bois, mais peu sur les bords de la mer. Tout le tour des deux baies a environ une lieue ou une lieue & demie. Plus avant dans les terres, il y a de beaux bois beaucoup plus clairs ; il se trouveroit là nombre de mâsure & de bordages, tant chênes qu’autres espéces.

☞ En sortant de ces baies des mines, & continuant son chemin vers le Port-Royal, il y a une isle d’une grande hauteur, & de cinq quarts de lieue de tour, ou environ. Elle est platte au-dessus, & nonobstant sa hauteur, il y a une source d’eau : on dit qu’il y a aussi une mine de cuivre. De-là rangeant la terre six à sept lieues durant, qui ne font que rochers, on trouve l’entrée du Port-Royal. Voyez Port-Royal.

☞ Sortant du Port-Royal, allant vers l’Isle Longue, à deux ou trois lieues, l’on trouve une grande anse où des vaisseaux peuvent mouiller : il y a bon fond, mais l’abri n’est pas général, & ce n’est proprement qu’une rade. Continuant le long de la côte six ou sept lieues, l’on trouvesdes anses & rochers couverts d’arbres jusqu’à l’Isle Longue, qui a environ six à sept lieues de long ; elle fait un passage pour sortir de la Baie Françoise, & aller trouver la terre d’Acadie. Il y a entre l’Isle Longue & la terre du Port-Royal, des rochers qui font le grand & le petit passage. Les courans y sont fort rudes, entr’aucres au petit passage qui n’est que pour des barques.

☞ Sortant de la Baie Françoife pour entrer en la côte d’Acadie, prenant la route vers le Cap Fourchu, qui est distant de l’Isle Longue de douze ou quinze lieues ; toute cette côte est saine & sans rochers ; & à six lieues de l’Isle Longue, il y a une riviére où de petits navires peuvent entrer ; elle se nomme la riviére aux Ours. Elle prend son nom du grand nombre qui s’y en trouve : il y a peu de pins & de sapins, mais quantité de chênes mêlés d’autres beaux arbres : le pays est beau & paroit assez plat ; il y a force prairies tout le long, & la terre y doit être très-bonne. Il y a, Pêche de morue à la côte & de fautnoms, truites & eperlans au haut de la riviére.

☞ Continuant jusqu’au Cap Fourchu, la côte paroît fort belle : il y a peu de sapins, mais beaucoup d’autres espéces de bois, & de grandes prairies. Il y a belle chasse tour le long de cette côte de toute sorte de gibier. En continuant la même route, on trouve à cinq lieues de la riviére aux Ours, une entrée entre deux rochers pour une chaloupe ; il y a quantité d’étangs d’eau de mer, remplis de canards, outardes, oies, cravans, sarcelles & tout autre gibier. Il y a quantité de beaux arbres ; le pays est plat, & la terre n’y peut être que très-bonne, la situation y est très-agréable ; il peut y avoir de-là au Cap Fourchu six ou sept lieues… Au Cap Fourchu la pêche de la morue est abondante & n’est pas loin de terre ; elle s’y fait plûtôt qu’en aucun lieu de l’Acadie. Le pays y est très-beau & très-bon ; pour les bois, ils font comme les autres, mais il y a des chênes, érables & trembles en plus grand nombre.

☞ Du Cap Fourchu allant au Cap de Sable, on trouve une grande baie, dans laquelle il y a force isles, qu’on appelle les Isles du Tousquet : elles sont toutes couvertes de beaux & bons bois, de mêmes espéces que les autres dont nous avons parlé ; il y a force prairies en ces isles,


où abondent toutes sortes d’oiseaux qui y font même leurs nids ; il y a des oies, grues, outardes, canards, sarcelles, hérons, beccasses, beccassines, corbeaux, tournevires, chevaliers, & tant d’autres sortes d’oiseaux, que cela est surprenant. Ce pays est des plus agréables & des meilleurs ; il est plat, & la terre y est très-bonne ; la pêche y est abondante en truites & saumons, & l’éperlan y donne au printemps en grande quantité, dans les ruisseaux où il vient jetter ses œufs : il est grand pour l’ordinaire comme un moyen hareng.

☞ On va de-là au Cap de Sable qui a des battures & des rochers au large ; néanmoins le port est bon, & la pêche de la morue y est abondante. Entre le Cap Fourchu & le Cap de Sable, trois ou quatre lieues en mer, il y a plusieurs isles, les unes d’une lieue, les autres de deux, trois & quatre de tour, que l’on nomme les Isles aux Loups marins, parce qu’ils vont là faire leurs petits, qui sont grands & forts ; elles sont assez difficiles à approcher, à cause des rochers qui sont à l’entour ; elles sont couvertes de sapins, bouleaux & autres bois qui n’y sont pas fort gros. Sur ces isles aux Loups marins, il y a un si grand nombre de toutes sortes d’oiseaux, que cela n’est pas croyable, & sur-tout pendant le printemps, qu’ils y font leurs nids. Si l’on y va, on en fait lever une si grande quantité, qu’ils font un nuage en l’air que le soleil ne peut pénétrer ; & pour les tuer il ne faut point de fusils, mais seulement des bâtons, car ils sont paresseux à se lever de leurs nids : pour des petits, on en prend tant qu’on veut, jusqu’à charger des chaloupes de ces oiseaux, & même de leurs œufs.

☞ De-là traversant la baie de Tousquet, on va trouver le Cap de Sable, qui est une isle qui fait une pointe qui avance dans la mer ; & entre la grande terre & l’isle, il y a passage pour des barques, mais au delà de l’isle vers l’eau, il y a des rochers & battures qui avancent une bonne lieue en mer. Les ayant passées environ de deux lieues, l’on entre dans la baie de Sable, qui est fort grande. Les navires y peuvent mouiller en toute sûreté. La terre est platte dans le fond de cette baie, les arbres que j’ai nommés ci dessus y sont très-beaux ; il n’y a pas si grand nombre de sapins. Plusieurs ruisseaux tombent dans cette baie ; il s’y pêche du poisson, de petites morues, maquereaux, plaises de mer, &c. & aux entrées des ruisseaux force éperlans au printemps. Il y a aussi une riviére où il se pêche du saumon & de la truite ; & tirant vers le Cap de Sable, l’on y trouve nombre de coquillages, comme coques, bourgos, moules, coutelliéres & autres coquilles, & des houmars fort gros. On trouve quantité de belles prairies en montant cette riviére, & le long des ruisseaux qui s’y déchargent.

☞ Sortant de la baie de Sable, continuant son chemin, on apperçoit un petit cap ou pointe, & quelques isles qui sont le long de la côte, couvertes d’arbres & de sapins ; il y a force oiseaux tout autour, qui y viennent faire leurs nids au printemps ; la côte en est aussi pareillement garnie, le pays ne paroît pas montagneux ; cette côte est remplie de rochers qui avancent en la mer, ce qui fait qu’elle est fort dangereuse à aborder.

☞ A trois ou quatre lieues de-là on trouve un port, où il y a une petite riviére qui entre assez avant dans les terres. Le port est bon, & des vaisseaux de raisonnable grandeur y peuvent mouiller en toute sûreté. Il s’appelle le Port du Cap Maigre. Tous les bois y sont semblables à ceux que j’ai nommés. La terre y est bonne, & la pêche de la morue fort avantageuse.

☞ Passant au-delà, on trouve une grande isle qui fait un bon port entre la terre & elle, qui se nomme le Port aux Moutons. Les vaisseaux y peuvent entrer & sortir des deux côtés. On y pêche de la morue en avançant deux lieues ou deux lieues & demie, & on la fait sécher sur des vignaux. L’isle est couverte de bois, & il y a force sapins. Au derriére de cette isle vers la grande terre, est une grande baie qui a bien trois bonnes lieues de large & autant de profondeur ; dans le fond il y a deux petites riviéres où l’on ne peut entrer bien avant avec des chaloupes, à cause des gros rochers qui y sont en grand nombre ; la terre y est quasi toute couverte de pierres ; il ne s’y voit point de montagnes au haut des riviéres, & les arbres y paroissent beaux & grands.

☞ Venant le long de la côte pour trouver l’autre côté de la baie, l’on rencontre une grande étendue de marécages d’environ deux lieues de longueur & une de largeur, où la marée monte, & fait une grande quantité de petits étangs qui sont tout remplis de gibier, outardes, cravans, canards, sarcelles, oies blanches & grises, beccasses, beccassines, allouettes, corbegeos & beaucoup d’autres sortes de bon gibier ; & tous ces marécages sont couverts de très-honne herbe de pré.

☞ Continuant la route le long de la côte, l’on trouve un petit havre qui est à l’autre extrémité de la baie, distante de l’isle aux Moutons de deux lieues ; il s’appelle le Port-Rossignol. Il est très-bien situé pour la pêche de la morue, qui y est en abondance. On a voulu y établir une pêche sédentaire.

☞ Continuant la route on trouve une côte, & tout le long des isles de distance en distance. Il y a passage pour de petites barques & des chaloupes, entre la grande terre & les isles, qui sont couvertes de sapins & bouleaux. Ayant fait six à sept lieues le long de cette côte, on trouve une petite riviére dont l’encrée est bonne pour des barques ; elle ne vient pas de bien loin dans la terre, mais c’est un très-beau & crès-excellent pays. De-là à la Haive il y a par terre environ une demi-lieue de traverse, & par mer une lieue. Il n’y a qu’une pointe à doubler pour entrer dans le havre de la Haive ; à son entrée à la gauche est l’isle aux Framboises, à droite le cap doré. L’entrée est entre l’isle & le cap ; elle n’est pas large. Etant dedans on trouve un beau bassin qui tiendroit bien mille vaisseaux. A une lieue de l’entrée il y a une petite pointe qui a d’un côcé une riviére, & de l’autre un étang & des marais qui s’avancent dans la terre environ cinq cens pas. La riviére monte cinq à six lieues dans les terres jusques où on peuc aller avec des chaloupes ; cela passé, il faut se servir de canons. Tout le long de cette riviére ce sont de belles & bonnes terres, fort bon bois de toutes les espéces qu’on a nommées jusqu’ici, mais les chênes & les ormeaux y sont plus abondans des deux côtés de la riviére, dans laquelle il y a une infinité de connistes. L’anguille y est très-bonne, l’alose, le saumon, la morue & d’autres sortes de bons poissons. La chasse n’y est pas moins abondante toute l’année de toutes sortes d’oiseaux déja nommés.

☞ Sortant de la Haive, & ayant doublé le Cap doré environ à une Lieue, l’on entre dans la baie de Mirligaiche, pleine d’isles.

☞ Sortant de La baie, allant le long de la côte à trois ou quatre lieues de-là, l’on rencontre une riviére qui a deux entrées, par le moyen d’une isle qui est au milieu. Du côté de la premiére entrée il y a de très-belles & bonnes terres couvertes de grands & beaux arbres ; à l’autre entrée à la droite on ne trouve point de beaux bois, que l’on ne monte avant dans la riviére ; il n’y a que des roches pelées, assez hautes ; entre ces roches il y a un petit havre où les navires mouillent, & où il y en a souvent qui font leur pêche, & font sécher leur poisson sur les roches qui sont isolées, & les chaloupes qui vont en pêche entrent & sortent des deux côtés. Un peu au large de ces isles la pêche est bonne & abondante en morue, les maquereaux & le hareng donnent fort à la côte ; ce lieu s’appelle Passepec. Du côté de la mer ce ne sont que rochers qui sont tous pelés l’espace de quatre à cinq lieues. Le long de cette côte ce n’est que sapins mêlés de quelques autres bois.

☞ Continuant l’espace de cinq à six lieues le long de la côte, on trouve une baie d’environ une lieue de large, où il y a quelques isles. Là les arbres & la terre commencent à être agréables, & vis-à-vis trois ou quatre lieues au large, il y a une isle de roches qui est grande, avec de petits bois dessus, elle est assez malaisée à aborder. Il y a une si grande quantité d’oiseaux dessus, qu’ils font quand ils s’élévent un nuage si épais, que les rayons du soleil ne peuvent penetrer au travers.

☞ Continuant la même route environ cinq lieues, on trouve la riviére de Théodore ; à cinq lieues de cette riviére, continuant le long de la côte, l’on trouve la baie de toutes les isles. Sortant de cette baie, à trois ou quatre


lieues de-là, on trouve une riviére où de petits navires peuvent entrer ; mais il y a une forme d’isle qui jette des battures de sable au large, où la mer brise fort dessus. Il les faut passer, & puis revenir le long de la terre ; il y a un petit canal par ou l’on peut entrer ; étant dedans l’on trouve assez d’eau, & la riviére paroît fort belle ; le pays est beau & plat : les arbres y sont beaux, ce font toûjours les mêmes espéces de bois dont on a parlé ; la chasse y est très-bonne, & il y a force gibier.

☞ Continuant sa route, après avoir fait cinq lieues, on trouve une autre petite riviére qui a une petite isle ronde à l’entrée, couverte d’herbes, qui s’appelle l’Isle Verte, & la riviére a été nommée Sainte-Marie. Les chaloupes ne peuvent aller qu’à trois lieues au-dessus de son embouchure. Le pays est plat depuis l’embouchure jusque-là, & plus haut ce sont tous rochers. De la riviere Sainte-Marie au cap de Campseaux il y a bien dix lieues ; ayant fait quatre ou cinq lieues le long de la côce, l’on trouve une baie où il y a des roches : il n’y a de retraite que pour des chaloupes. Environ trois lieues au large, il y a des isles où un ou deux navires peuvent mouiller, mais avec peu de sûreté. Là ils font leur pêche & font sécher le poisson sur les isles, où il n’y a pas grand bois. De cette baie continuant son chemin tout le long de la côte, il y a des terres hautes & rochers sans retraite. Cette côte finit par le havre & le cap de Campseaux. Voyez ce mot.

☞ Entrant dans le fond de la baie de Campseaux, qui a huit lieues de profondeur, & allant le long de la côte, l’on trouve trois lieues durant des rochers ; après cela l’on trouve une grande anse qui a une isle au milieu, derriére laquelle les chaloupes se peuvent mettre à couvert : plus l’on va en avant dans la baie, plus le pays se trouve beau ; & à trois lieues de cette anse on trouve une petite riviére nommée par quelques-uns, la riviére du Saumon, & par les Sauvages, Chédabouctou. Voyez ce mot.

☞ Sortant de Chédabouctou, allant à l’entrée du petit passage de Campseaux, l’on passe quatre lieues de terres hautes, & de rochers qui vont en descendant jusqu’à une petite isle ; & là les terres sont plattes, marécageuses & pleines de petits étangs d’eau salée, dans lesquels il se trouve grand nombre de gibier : une lieue plus avant on trouve une autre baie, où il entre un grand courant de marée ; l’entrée en est étroite, il y a une barre de sable, & les chaloupes n’y peuvent entrer que de pleine mer, le dedans assèche de basse mer. Il y tombe deux petits ruisseaux. On nomme ce lieu, la riviére du Mouton. la chasse est excellente dans les terres qui sont trèsbonnes, le pays agréable, les bois beaux ; il y a peu de sapins, & toure Ja côte est de même jusqu’à l’entrée du petit passage de Campseaux, qui est entre la terre ferme & l’isle du Cap Breton, où paroît un gros cap de terre rouge.

☞ Continuant huit ou neuf lieues, on trouve un grand cap fort haut, & toute cette côte est haute avec des rochers couverts de grands sapins. Au bas de ce grand cap qui est escarpé à pied droit, il y a une anse où les vaisseaux qui vont dans la grande baie de Saine Laurent pour faire leur pêche, & qui arrivant à la côte de trop bonne heure, ne peuvent entrer dans la grande baie de Saint Laurent par le grand passage à cause des glaces, viennent chercher ce petit passage, & se mettent à l’anchre pour laisser passer les glaces. Ce lieu s’appelle Fronsac. On y a vû huit ou dix vaisseaux ; & quoique le courant soit extrêmement fort dans ce petit passage, les glaces n’incommodent point les vaisseaux en cet endroit, à cause d’une grande pointe qui avance & qui détourne la marée, qui pourroit apporter les glaces de la grande baie, & les rejette du côté de l’isle du Cap Breton, & celles qui pourroient venir de l’autre côté, sont jettées aussi par le gros cap du côté de cette isle.

☞ Sortant de cette anse, avant que d’en passer la pointe, il y a des étangs d’eau salée, où il se trouve quantité de bonnes huîtres & fort grosses, & des moules encore davantage. Passé la pointe, on trouve une petite riviére où des chaloupes peuvent encrer ; étant dedans, on trouve une isle qui sépare une grande baie en deux ; il s’y rencontre aussi force huitres & moules. Le pays est agréable. Les arbres y sont comme les autres, mais il y a plus de cédres & de trembles : la terre y est basse : la baie a bien deux lieues de tour, & est platte en des endroits ; elle assèche de basse mer ; ce sont sables vaseux, & l’on y trouve quantité de coquillages de toutes façons, bons à mpanger : c’est la plus grande subsistence des Sauvages pendant le printemps.

☞ De-là, après avoir fait encore deux lieues, suivant la côte, on trouve une autre baie qu’on nomme Atticouguelche. Suivant la côte, ce sont tous sables qui de basse mer assèchent bien trois lieues vers l’eau ; & à l’entrée des terres il y a force étangs d’eau salées, & de belles priries où l’on trouve grand nombre de gibier ; & plus avant que les prairies, les terres y sont bonnes, & il y a de très-beau bois. Puis ayant avancé environ six lieues, continuant la route le long de la côte, l’on trouve une riviére. Continuant le tour de la baye, la terre y est diversifiée d’étangs & de prairies, à la réserve de quelques lieux couverts de sapins & de cèdres : & dans le fond de la baie l’on trouve une petite entrée entre deux pointes, qui va dans une grande anse toute platte, dans laquelle il y a un canal par où les chaloupes peuvent entrer. À une bonne portée de canon de cette entrée, l’on trouve la rivière de Mirliguesche qui donne le nom à cette baie. Elle est profonde, & s’étend bien avant dans les terres. Pendant le printemps & l’automne cette anse est toute couverte d’outardes, canards, farcelles & de toutes autres sortes de gibier. Ils y demeurent jusqu’après la Toussaint. En ce même lieu il y a des huîtres excellentes, & à l’entrée de la riviére à gauche il y en a encore davantage. Elles sont en roches, les unes sur les autres : En montant la riviére, il y a du côté gauche deux lieues durant des roches de pâtre qui sont assez hautes. Cela passé, les terres sont bonnes trois lieues durant de tous côtés, & couvertes de beaux arbres gros & fort hauts, entremêlés de chênes & de quelques pins. Au bout de ces crois lieues l’on rencontre deux autres riviéres en fourche, qui tombent dans celle-là, qui viennent de loin dans les terres, par où les Sauvages qui y sont en grand nombre, viennent au printemps pour le trafic de leurs peaux : la chasse y est assez bonne ; le pays y est plat avec une grande étendue de prairies des deux côtés. Ces deux riviéres viennent des lacs qui sont dans le haut, & dans lesquels les Sauvages tuent quantité de castors.

☞ A trois lieues de cette riviére, en continuant la route le long de la côte, l’on trouve une petite anse où la marée entre, dont le fond n’est que vase, & au milieu de laquelle passe un ruisseau. Pendant le printemps & l’automne l’on y pêche une grande quantité de bars. De-là la côte va jusqu’au cap Saint Louis, toûjours en montant quatre lieues durant ; ce cap est aussi extrêmement haut. Il y a de beaux arbres forts hauts & fort gros. En descendant du côté de la baie de Saint Laurent, la terre est couverte de même bois. Au pied de ce cap il y a des rochers qui font un petit bassin où l’on se peut mettre à l’abri du mauvais temps, en cas de besoin, avec une chaloupe ; il y a entrée des deux côtés. Il se trouve quantité de homars entre toutes ces roches-là, aussi bien que de canards & de moyaques. Les brisans de la mer y sont furieux lorsque les vents portent à la cote. Encore qu’il ne fasse de vent que pour faire enfler la voile, la hauteur de ce cap fait une rafale furieuse.

☞ Partant du cap Saint Loüis à dix lieues de-là, on trouve une petite riviére dont l’entrée a une barre qui se bouche quelquefois lorsque le temps est mauvais, & que la mer pousse les sables à l’entrée ; mais quand la riviére se fait grosse, elle passe par-dessus & fait l’ouverture. Il n’y peut entrer que des chaloupes : elle ne va pas avant dans les terres, qui sont assez belles, & couvertes d’arbres de toutes les espéces que j’ai nommées.

☞ Continuant la route environ douze lieues, la côte n’est que rochers, à la réserve de quelques anses de différentes grandeurs : les terres sont basses en ces endroits-là, elles paroissent bonnes & couvertes de fort beaux arbres, parmi lesquels il y a quantité de chênes. L’on arrive ensuite à une grande riviére, dont l’entrée est toute platte environ une lieue & demie vers la mer, & a bien trois lieues de large à son embouchure, qui asséche presque par-tout de basse mer. Son fond est de sable ;


il n’y peut entrer que de petits bâtimens de pleine mer, comme barques de douze à quinze tonneaux. On trouve même à l’entrée quelques battures de roches. À la gauche de cette embouchure est une petite riviére qui n’est séparée de la grande que par une pointe de sable, elle entre avant dans les terres, & est fort étroite à l’entrée.

☞ Cela passé, l’on trouve une grande ouverture où il se fait plusieurs anses par le moyen des pointes de terre basses ou prairies, dans lesquelles sont plusieurs étangs où il y a une prodigieuse abondance de gibier de toutes les sortes. La terre n’y est pas moins bonne que la chasse ; il y a quelques petits côteaux qui ne sont pas désagréables ; tous les arbres y sont très-beaux & gros ; il y a des chênes, des hêtres, des érables, des mignenogons, des cédres, des pins, des sapins, &c. La grande riviére est droite à l’entrée. Les chaloupes vont sept à huit lieues dedans ; après quoi l’on rencontre une petite isle couverte des mêmes bois & lambrusques de vignes, au-delà de laquelle on ne peut monter plus haut vers sa source, qu’avec des canots. La terre des deux côtés de la riviére vers sa source, est couverte de pins gros & petits l’espace d’une lieue. En remontant des deux côtés ce sont tous beaux arbres : les côteaux y sont un peu plus hauts que ceux de la petite riviére, mais la terre n’y est pas moins bonne. Il y a aussi le long de ses bords des anses & culs de sac, avec des prairies où la chasse est bonne. Cela s’appelle la riviére de Pictou. À une lieue & demie dans la riviére il y a une grande anse, où l’on trouve quantité d’excellentes huîtres : les unes en un endroit sont quasi toutes rondes, & plus avant dans l’anse elles sont monstrueuses : il s’y en trouve de plus grandes qu’un soulier, & à-peu-près de même figure ; elles sont toutes fort pleines & de bon goût ; & à l’entrée de cette riviére sur la droite, à demi-lieue de son embouchure, il y a encore une grande baie qui entre près de trois lieues dans la terre, & qui contient plusieurs isles & nombre d’anses des deux côtés, où il se trouve force prairies & du gibier en abondance. Allant trois Lieues plus avant, on rencontre une autre anse bien plus grande, aussi garnie de quantité d’isles d’inégale grandeur, les unes couvertes d’arbres, les autres de prairies, & il y a une infinité d’oiseaux de toutes les espéces : toutes les terres sont belles & bonnes, point trop montagneuses, mais couvertes de beaux arbres, entre lesquels il y a quantité de pins & de chênes.

☞ Passant huit ou neuf lieues plus avant, la côte est basse avec des rochers ; elle n’est pas fort saine. L’on y trouve pourtant quelque anse où la terre est basse, mais il n’y a pas beaucoup d’abri pour des chaloupes, & la mer y brise fort. On trouve une autre riviére qui a force roches à son entrée, & un peu au large vers la mer une autre petite isle couverte de bois que l’on appelle l’isle de l’Ormet. Avant que d’entrer dans cette riviére, l’on trouve une grande baie de deux bonnes lieues de profondeur & d’une de largeur ; en plusieurs endroits la terre basse est toujours couverte de beaux arbres. Dans le fond de cette baie l’on voir deux pointes de terre qui s’approchent, & font un détroît qui est l’entrée de la riviére qui vient de trois ou quatre lieues dans les terres : elle est platte à son entrée, les chaloupes n’y entrent pas bien avant : le pays est assez beau : il paroîr quelques montagnes dans les terres d’une médiocre hauteur : il s’y pêche aussi force huîtres & coquillages.

☞ Sortant de-là, suivant la côte à deux lieues ou environ, l’on trouve encore une autre riviére qui entre assez avant dans les terres : les deux côtes sont montagneuses.

☞ Passant plus avant, suivant La côte environ douze lieues, l’on va trouver le cap Tourmentin. Cette côte n’est que montagnes & rochers très-dangereux, qui sont fort au large vis-à-vis de ce cap : les uns paroissent, & les autres se découvrent de basse mer seulement. Ayant doublé cette pointe, & fait environ dix lieues le long de cette côte, l’on trouve une autre riviére ou les barques entrent : il faut bien prendre le canal, passé une petite isle, on est bien à couvert, & l’o n trouve assez d’eau. L’on mouille l’anchre devant une grande prairie qui fait une anse d’une raisonnable étendue, où l’on se met à l’abri J’ai nommé cette riviére la riviére de Cocaigne, à cause du grand nombre de gibier & de poisson que j’y trouvai pendant huit jours que le mauvais temps m’obligea d’y demeurer : outardes, canards, farcelles, pluviers, beccasses, beccassines, tourttes, lapins, perdrix, perdreaux, saumons, truites, maquereaux, éperlans, huîtres, &c. Le pays est très-agréable : le terroir est plat, couvert de très-beaux arbres, tant en grosseur qu’en hauteur, de toutes les sortes que j’ai nommées. Il y a aussi de grandes prairies le long de la riviére, qui entre environ cinq à six lieues dans les terres ; le reste n’est navigable qu’en canot, & il s’y trouve beaucoup plus de pins que d’autres arbres.

☞ La riviére de Richibouctou est environ à dix lieues de la derniére. Voyez ce mot. Sortant de Richibouctou pour aller à Miramichi, à la gauche, l’on trouve de grands platins de fable qui avancent fon au large dans la mer, & même le long de toute la côte, qu’il ne faut pas approcher de trop près l’espace de huir à dix lieues ; après quoi l’on trouve une grande baie qui entre plus de deux lieues dans les terres, & qui a bien autant de large. Toute cette baie est aussi de platins, dont la plus grande partie découvre de basse mer, & la mer y est très-dangereuse de mauvais temps, parce qu’elle brise par-tout. Il y a pourtant un petit canal qui est bien tottu, qui conduit dans la riviére ; il le faut bien sçavoir pour y encrer, encore n’y peut-il passer que des barques de douze à quinze tonneaux de pleine mer. Toute l’étendue de ces platins continue jusqu’à l’embouchure de la riviére de Miramichi, dont l’entrée est fort étroite, à cause d’une petite isle qui est à la droite en entrant, qui ferme l’ouverture. Cela passé, l’on trouve une belle riviére large d’une portée de canon, qui est assez profonde : les deux côtés sont des rochers assez hauts, sur lesquels il y a de beaux bois : l’on y trouve pourtant quelques petites anses basses, où l’on peut aborder & descendre avec des chaloupes ou canots. Cette riviére a cinq ou six lieues de long, où les bâtimens peuvent monter, & là on trouve deux autres riviéres assez grosses qui tombent dedans, & aboutissent toutes les deux en pointe & forme une fourche ; mais il n’y peut monter que des canots à cause des roches qui y sont çà & là. Celle qui est à gauche en montant, va à la riviére de Richibouctou ; l’autre qui est à droite va du côté de la baie des Chaleurs : du haut de cette riviére l’on va tomber par le moyen d’un portage de canot, en la riviére de Népigiguit, qui est dans le fond de la baie des Chaleurs. Les Sauvages m’ont dit que dans le haut de ces riviéres la terre est belle & platte ; que les arbres y sont beaux, gros & clair-semés, & qu’il n’y a point de petits arbres qui les empêchent pour la course de l’élan. Ce sont les mêmes espéces de bois que j’ai ci-devant nommées. Dans les vallons où les eaux font un marécage, il y a force sapins, mais petits & fort épais. Pour le bas des riviéres où se fait la fourche à la gauche, ce sont rochers, & à la droite c’est un plat-pays, où il y a une grande prairie de plus de deux lieues de long & demi-lieue de large en un endroit, & de trois quarts de lieue en un autre. Il y a quelques petits arbres dedans & fort éloignés les uns des autres : il s’y trouve aussi grande quantité de : fraises & framboises, & il s’y amasse un grand nombre de tourtes. Il entre dans cette riviére une si grande quantité de plongeons, que la nuit on ne peut dormir, tant est grand le bruit qu’ils font en tombant sur l’eau, après s’être élancés en l’air : ce qui vient de la peine qu’ils ont eue à passer ces platins, pour le peu d’eau qu’il y a ; après quoi ils s’égaient à leur aise lorsqu’ils rencontrenr plus de fond ; ensuite ils montent dans les riviéres qui vont bien avant dans les terres, & qui descendent de plusieurs lacs qui dégorgent les uns dans les autres. En tous ces lacs on trouve force castors, & peu d’orignaux ; pour la chasse du gibier, elle est très-bonne & très-abondante. Le coquillage n’y manque pas, les platins en sont remplis. Les Sauvages sont dans ces riviéres en plus grand nombre que dans les autres.

☞ La riviére Miscou est à dix lieues de-là, en suivant la côte qui est quasi toûjours de sable : il s’y trouve plusieurs anses grandes & petites, où il y a des prairies & des étangs d’eau salée que la mer fait en montant ; il se trouve aussi quelques gros ruisseaux ; & en tous ces endroits la


chasse des oiseaux de toute espéce n’y manque point : la côte est toute remplie de bois pareils aux autres, à la réserve que les cédres y sont plus communs. Deux lieues avant que de trouver les isles de Miscou, l’on rencontre une grande anse qui est le passage de Caraquet, qui aboutit à la baie des Chaleurs. Après avoir fait deux lieues le long de la côte, l’on trouve une autre petite entrée pour des barques, qui est entre les deux isles de Miscou : l’entrée est dangereuse de mauvais temps, parce qu’il y a une barre de sable qui brise furieusement ; des deux côtés des isles il y a des pointes de sable qui rendent l’entrée étroite ; mais dès qu’on les a passèes, le dedans s’élargit. A la droite en entrant est la petite isle de Miscou, qui a quatre ou cinq lieues de tour. Ayant pasé la pointe, il en paroît une partie comme une grande étendue de terres sans arbres, qui ne font que des marécages tous pleins de brandes. Lorsqu’on a passé ces marais, on trouve de la terre couverte de sapins, mêlés de quelques petits bouleaux ; après quoi l’on rencontre une grande pointe de sable qui fait une anse d’une grandeur considérable : c’est là que mouillent les navires qui y vont faire leur pêche, à l’abri des deux isles. L’eau douce est fort éloignée de ce quartier-là ; mais en récompense, à quelques deux cens pas de la côte, vis-à-vis ou environ le milieu des bois dont je viens de parler, il sort du fond de la mer un bouillon d’eau gros comme les deux poings, qui conserve fa douceur dans un circuit de vingt pas, sans se mêler en façon quelconque, soit par le flux ou le reflux de la mer, ensorte que le bouillon d’eau douce hausse & baisse comme la marée. Les pêcheurs y vont faire leurs eaux avec leurs chaloupes pleines de barriques qu’ils emplisenr à sceaux, comme s’ils puisoienr dans le bassin d’une fontaine. A l’endroit où est cette fontaine extraordinaire, il y a une brasse d’eau aux basses marées, & l’eau est salée tout autour comme le reste de la mer. Le passage des vaisseaux est entre la grande isle & la grande pointe de sable de la petite isle. IJ faut côtoyer la grande isle, pour prendre le bon chenal qui a toûjours brasse & demie & deux brasses d’eau. Sortant de-là il faut entrer dans la baie des Chaleurs, & en faire le tour pour aller à l’isle Percée.

☞ Pour entrer dans la baie des Chaleurs, étant sorti du havre de Miscou, laissant la grande isle à la gauche, on la côcoie environ trois lieues durant, après quoi on trouve le petit passage qui vient de la baie de Miramichi. On passe le long des isles de Tousquet, & sortant de la baie de Tousquet, & entrant dans la baie des Chaleurs, l’on côtoie dix lieues de roches escarpées, au pied desquelles la mer bat, ensorte que si un navire s’y perdoit, il ne s’en sauveroit personne. Le dessus est couvert de méchans petits sapins. Voyez Baie des Chaleurs.

☞ Le bout de la baie des Chaleurs est le cap d’Espgir, à une lieue de-là le cap Enragé. De-là à l’isle Percée, toute la côte est fort haute de roches coupées : la mer bat au pied, mais dans le milieu on trouve une petite anse où une chaloupe se peut mettre à couvert. La pêche est très-abondante aux environs de l’isle Percée. On y prend grand nombre de maquereaux & harengs pour la boite, l’éperlan & le lauson donnent aussi à la côte, où ils s’échouent, parce que la morue les fuit. A une portée de fusil de la côte est la haute montagne, appellée la Table à Rolant. Il y a d’autres montagnes aussi hautes qui la joignent.

☞ Ces montagnes vont toutes en descendanr jusqu’au fond de la baie des Momes, qui est à trois bonnes lieues de l’isle Percée. A une lieue de l’isle Percée est l’isle de Bonne-Aventure.

☞ Sortant de Bonne-Aventure & de l’isle Percée, l’on entre en la baie des Morues. A la pointe septentrionale de cette baie, nommée le Forillon, il y a une petite isle. De cette isle en la riviére de Gaspé, l’on compte quatre bonnes lieues ; sçavoir, deux lieues à l’entrée de la riviére, & deux où sont les vaisseaux. Sortant de cette riviére l’on passe un grand cap, & à trois ou quatre lieues de-là, pa roit le cap des Rosiers. Voilà l’étendue des côtes, depuis la Nouvelle Angleterre jusqu’à la grande riviére de Saint Laurent. Denys. P. i. C. i. 9.

☞ De la derniére anse, allant à la riviére de Saint Jean, ce ne sont que des rochers six ou sept lieues durant : la cote en est fort dangereuse, & environ trois quarts de lieue lieue plus en mer que l’isle de Ménane, il y a un port qui est bon & fort spacieux. Son entrée est entre deux pointes, & a moins de cent pas de large. Les vaisseaux de trois ou quatre cens tonneaux y peuvent entrer de toutes marées. L’anchrage est bon, & quand les cables manqueroient, l’on n’echoueroit que sur des vases. Le havre peut contenir mille vaisseaux ; le bassin est entouré de montagnes de roches fort hautes. Les navires peuvent mettre le beaupré en terre à la droite en entrant. La roche y est escarpée. Il y a quelques petites riviéres & ruisseaux qui tombent dedans, & qui viennent de toutes ces montagnes. Au bout, ou extrémité du havre, il y a une montagne de roche blanche comme lait, & qui est aussi dure que le marbre : en un autre endroit il y a une terre mêlée de petits cailloux de plusieurs couleurs ; il en est tombé des morceaux à la côte d’assez bonne grosseur, contre lesquels la mer bat, sans qu’ils se mettent en piéces ; au contraire ils s’endurcissent si fort à l’air & à l’eau, que les outils n’en sçauroient faire sortir la moindre petite pierre : ce qui me fair croire qu’ils ne seroient pas moins beaux ou polis que le marbre, aussi-bien que la roche blanche dont je viens de parler, si l’on en vouloit faire l’essai. Il y a pêche de saumon dans le havre, & le maquereau y est abondant. Il s’y en pêche de monstrueux en grosseur & en longueur. On les prend à la ligne à l’entrée du havre : c’est une pointe de sable où l’on trouve force coquillages. Il y a aussi des étangs au bas des montagnes, ou il y a très-bonne chasse d’outardes, de canards & de toutes autres sortes de gibiers. Io.

☞ On peut faire du sel en Acadie, & l’on y en a fait. ID. P.u.c. x.

☞ ACADINE. s. f. Fontaine de Sicile proche des deux lacs de soufre & de feu, nommés Delles. Elle étoit consacrée avec les deux lacs aux deux freres Paliques, fils de Jupiter & de la nymphe Thalie ou Actua, & fameuse par les preuves des fermens qu’on y faisoit. On ne doutoit point de la vérité du serment, lorsque les planches de bois, sur lesquelles on avoit écrit le serment, alloient à fond ; le serment étoit réputé faux, & sur le champ le parjure étoit aveuglé, ou même brûlé par les flammes des lacs, lorsqu’elles surnageoient. Aristote, Etienne de Byzance, Diodore de Sicile, Le Clerc & Moreri parlent de cette fontaine.

☞ AÇAFRAN. s. m. Nom propre d’une riviére d’Afrique, qu’on nommoit autrefois Quinalaf, & que quelques-uns appellent aujourd’hui Vetxilef. Acafranus Fluvius. Il est dans le royaume de Tremecen. La ville de Col des Modechaves est sur le bord de l’Açafran.

ACAJA, autrement, IBAMETARA. C’est un des plus grands arbres du Bresil, dont Pison parle, l. IV. c. 16. & qu’il distingue de l’Acajou dont il avoit parlé, c. 6. Il paroît cependant que ce n’est qu’une espèce de l’Acajou ; car il appelle aussi cet Arbre Acaja iba, comme celui-ci.

ACAJOU, s. m. Arbre d’Amérique de la hauteur de nos pommiers, branchu & chargé de beaucoup de feuilles. L’écorce de son tronc est ridée & cendrée. Son bois est rougeâtre, ses feuilles sont sèches, fermes, luisantes, arrondies, & ont cinq pouces de longueur sur trois de largeur. Les extrémités de ses branches se terminent par un bouquet de fleurs panachées de rouge & de verd, d’une seule pièce taillée en entonnoir. De plus de cent fleurs qu’il y a quelquefois sur un bouquet, il n’y en a que trois à quatre qui nouent ; c’est le pistille de la fleur qui devient un fruit de la figure d’une poire grosse comme un œuf d’oie, qui en mûrissant est tantôt rouge, tantôt jaune, & tantôt également teint de ces deux couleurs, & dont la grande acreté diminue à mesure qu’il mûrit. De l’extrémité de ce fruit pend une semence ou amande bonne à manger, revêtue de deux écorces, dont la première est gris de souris, & l’autre brune, entre lesquelles est contenue une liqueur huileuse, très-caustique, & dont on se sert en Amérique pour emporter les dartres & faire tomber les cors des pieds. Le suc de cette poire, qui soutient la semence, quand il est nouvellement exprimé, est blanc, laiteux, & d’une acreté si grande, qu’il prend à la gorge, & qu’on ne peut le boire qu’après qu’il a fermenté & qu’il s’est éclairci ; pour lors il est agréable, & a le goût du vin. Il coule du tronc de l’Acajou une gomme pareille à celle qu’on nous apporte du Sénegal ; mais elle est en plus gros morceaux ; elle


se fond dans l’eau comme la gomme Arabique. Thevet, Pison, & la plupart des Voyageurs nous ont parlé de cet arbre.

Il y a d’autres arbres qu’on nomme dans les Isles d’Amérique Acajou rouge, Acajou blanc, Acajou à planches, Acajou à canot ; mais le caractère de ceux-ci ne nous est pas si connu. Monsieur Louvillers de Poinci, dans son Histoire naturelle des Antilles, le décrit plus exactement & différemment de ceci. Voici ce qu’il en dit. Il y a trois sortes d’arbres qui portent le nom d’Acajou. Mais il n’y en a qu’un qui porte du fruit. C’est un arbre de moyenne hauteur, qui panche ses branches jusques à terre. Ses feuilles sont belles & larges, arrondies par-devant, & rayées de plusieurs veines. Il porte des fleurs qui sont blanches, lorsqu’elles s’épanouissent nouvellement ; puis après elles deviennent incarnates, & de couleur de pourpre. Elles croissent par bouquets, & elles exhalent une très-douce odeur. Ces fleurs ne tombent point jusqu’à ce qu’elles soient poussées par une espèce de chataigne faite en forme d’oreille, ou de rognon de lièvre. Quand cette chataigne a pris son accroissement, il se forme au-dessous une belle pomme longuette, qui est couronnée de cette crête, qui devient en mûrissant d’une couleur d’olive, pendant que la pomme se revêt d’une peau délicate & vermeille au possible. Elle est remplie au-dedans de certains filamens spongieux, qui sont imbus d’un suc tout semblable, doux & aigre, qui désaltère grandement, & que l’on tient être très-utile à la poitrine, & aux défaillances de cœur, étant tempéré avec un peu de sucre. Mais s’il tombe sur quelque linge, il y imprime une tache rousse qui demeure jusqu’à ce que l’arbre fleurisse de nouveau. Les Indiens font un breuvage excellent de ce fruit, lequel étant gardé quelques jours, a la vertu d’enyvrer aussi promptement que le meilleur vin de France. La noix qui est au-dessus étant brûlée, rend une huile caustique, de laquelle on se sert pour amollir & même pour extirper les cors des pieds. Si on la casse, on trouve dedans un pignon couvert d’une tendre pellicule, laquelle étant ôtée, est d’un très-bon goût, & a la vertu d’échauffer & de fortifier l’estomac. Cet arbre ne porte du fruit qu’une fois l’an, d’où vient que les Brésiliens comptent leur âge avec les noix qui croissent sur cette pomme, en réservant une par chaque année, laquelle ils conservent avec grand soin dans un petit panier qui n’est destiné qu’à cet usage. Si on fait une incision au pied de cet arbre, il jette une gomme claire & transparente, que plusieurs ont prise pour celle qui vient d’Arabie. La semence de l’arbre est en la noix, qui produit aisément étant mise en terre.

Les autres Acajous sont des arbres propres à bâtir. On en fait cas à cause de leur hauteur & de leur grosseur si excessives, que les Caraibes tirent souvent d’un seul tronc ces grandes chaloupes, qu’ils appellent Pyranguës, qui sont capables de porter 50. hommes. Il pousse plusieurs branches fort touffues, & qui sont un ombrage fort agréable, & même quelques-uns tiennent qu’il contribue à la santé de ceux qui s’y reposent. Il y a deux sortes d’Acajou, qui ne diffèrent qu’en la hauteur de leur tronc & en la couleur de leur bois. Le plus estimé est le rouge, qui outre ce qui en a été dit ci-dessus est de bonne senteur, & fort facile à mettre en œuvre. Il ne se pourrit point dans l’eau. Les armoires qui en sont faites donnent une bonne odeur aux habits, & les préservent des vermines qui s’y engendrent, ou s’y glissent, dans les coffres d’une autre matière. Ces propriétés sont cause que quelques-uns ont cru que cet arbre étoit une espèce de Cèdre. On en fait de l’escente pour couvrir les maisons. L’Acajou blanc est semblable au dehors à l’Acajou rouge ; mais il n’est pas tout-à-fait si haut. Il est facile à mettre en œuvre, quand il est fraîchement coupé ; mais si on le laisse à l’air il se durcit en telle sorte, qu’on a bien de la peine à s’en servir. Il est sujet aux vers, & se pourrit en peu de temps. Si on fait une incision au pied de ces arbres ; ils jettent une grande abondance de gomme. Voyez aussi l’Histoire des Antilles du P. Du Tertre Tr. III. C. 4. §. 4. & C. 5. §. 6. & Pison L. IV. C. 6. Il l’appelle du nom que lui donnent les Sauvages, Acaja Iba.

ACALIFOURCHONNÉ, ÉE, adj. qui est à califourchon, terme bas & peu en usage. Le rustre s’étoit acalifourchonné sur mon cheval, & déja comme sien le talonnoit de bonne grace. Cyrano.

☞ ACALUS. Voyez Calus.

☞ ACAMANTIDE. s. f. C’étoit une des dix Tribus des Athéniens, ainsi nommée d’Acamas, fils de Thésée. Acamantis.

☞ ACAMARCHIS. s. f. Terme de Mythologie. C’est le nom d’une nymphe de la mer, fille de l’Océan, dont parle Diodore de Sicile, Liv. VI.

☞ ACAMAS. s. m. Fils de Thésée & de Phèdre, ou d’Antiope, fut un des princes Grecs qui allerent au siége de Troye.

☞ ACANES. Nom de deux villes d’Afrique. Acana. Elles sont dans la Guinée. Acanes la grande est sur la rivière de la Volta, vers sa source : Acanes la petite est aussi sur la Volta, au midi d’Acanes la grande.

ACANGE. s. m. Excursor, Prædator, Velo. Espèce de soldat Turc, qui ne fait qu’aller en course pour butiner. Les Turcs les appellent Akingi, nom qui vient du mot Turc Akan, ou plutôt Akin, & signifie, Proie, butin, course. Meninski. Les Acanges sont des volontaires Turcs, qui ne reçoivent point de solde, & ne font la guerre que dans l’espérance du butin. Gratiani. Histoire de Chypre.

☞ ACANIE. Nom d’un royaume des Négres, Acania. Il est dans le pays des Négres. L’Acanie est bornée par Cuiforo & Bonoé à l’ouest, par Daroé, Ati & Abramboé au sud ; par Inta au nord, & Ahim à l’est.

☞ ACANIEN, ENNE. s. m. & adj. Nom du peuple qui habite l’Acanie. Acanianus, a, um. Les Acaniens sont tous adonnés au commerce, riches en esclaves & en or, & braves. La langue Acanienne est la même que celle de Fétu, d’Ati, & de Cibou, de Commendo & d’Abramboé, mais elle est plus douce. Voyez La Croix, Relat. d’Afrique.

☞ ACANTHABOLE. s. m. Instrument de Chirurgie, fait en forme de pincettes, dont on trouve la description dans Paul Eginète. On s’en sert pour enlever les esquilles d’os cariés, les épines, les tentes, & tout autre corps étranger qui se trouve dans une plaie, ou pour arracher les poils des paupières qui incommodent & irritent les yeux, ceux des narines ou des sourcils. Ἄϰανθα, épine ; βάλλω, jeter dehors, chasser.

ACANTHE, ou ACANTE. s. f. Acanthus. On croit que c’est sur la figure du feuillage de cette plante que Callimachus, Sculpteur Athénien, a formé ces ornemens du chapiteau Corinthien. Les Botanistes modernes reconnoissent, avec Dioscoride & Pline, deux espèces d’Acanthe, dont l’une est sans épine, & l’autre en est armée. Celle qu’on nomme ordinairement Achante molle, a ses racines rougeâtres, longues, assez tendres & visqueuses. Ses feuilles sont grandes, larges, lisses, découpées assez profondément en plusieurs segmens, qui sont encore recoupés en de plus petits lobes, charnues, d’un verd obscur & luisant en dessus, & plus pâle en dessous. Entre ces feuilles s’élève une tige haute de trois à quatre pieds, de la grosseur du doigt, garnie vers sa partie moyenne de quelques petites feuilles, au dessus desquelles se forme un bel épi de fleurs, mais très-piquant ; chaque fleur est d’une seule pièce applatie & découpée par le haut en trois, retrécie & terminée par le bas en un tuyau court & en forme d’anneau. Quatre étamines chargées de leurs sommets tiennent lieu de la lèvre supérieure de la fleur. Le calice est formé par quelques feuilles, dont la supérieure est voûtée, & semble suppléer au défaut de la lèvre supérieure de la fleur, soit par sa situation, soit par une teinte de pourpre dont elle est colorée, & que les autres n’ont point. Le pistille qui s’élève du fond du calice & de la fleur, devient un fruit de figure d’un gland, & partagé en deux cellules, qui contiennent chacune quelques semences, applaties & jaunâtres.

L’Acanthe épineuse se distingue de la molle par ses feuilles plus finement découpées, & dont chaque segment se termine par un piquant assez roide & fort aigu ; le vert est aussi plus obscur. Ces deux espèces ne changent point par la culture, & l’une ne dégénère jamais en l’autre. On doit donc être très-assuré que ces deux espèces sont très-distinctes & très-constantes.

On appelle l’Acanthe, Branca ursina, branche ou branque ursine, à cause de la prétendue ressemblance de ses feuil-


les avec la patte d’un ours, & Branca hircina, à cause que ces mêmes feuilles se contournent en quelque façon comme les cornes d’un bouc ; mais ces dénominations sont assez mal fondées. Le rapport qu’ont les feuilles de certaines plantes à celles de l’Acanthe, a aussi donné lieu à quelques Botanistes d’attribuer le nom d’Acanthium à plusieurs chardons, ou plantes épineuses, & celui de Branca ursina Germanica à la Berce, en latin Sphondylium, Plantes souvent de différens genres. On dit que plus l’Acanthe est pressée, mieux elle pousse. C’est ce qui a donné lieu d’en faire une devise, qui a pour mot : Depressa resurgit, pour exprimer que la vertu tire des forces de l’affliction. L’Abbé Picinelli en fait aussi le symbole de la pénitence, avec ce mot : Tabida curat : Elle guérit la corruption.

Acanthe. Terme d’Architecture. Ornement dont on embellit les chapiteaux des colonnes. Acanthina folia. Un chapiteau taillé à feuilles d’Acanthe. Felibien. La feuille d’Acanthe, qui a été le sujet de l’invention du chapiteau Corinthien, a aussi donné le nom à cet ouvrage d’Architecture. Il y en a de deux espèces : la cultivée & l’épineuse ou sauvage. C’est de cette dernière, qui est la moins belle, que se sont servis les Sculpteurs Gothiques, qui l’ont mal imitée. Pour l’Acanthe cultivée, qui est plus refendue, & plus découpée, & assez semblable au persil, elle est la plus parfaite. C’est ainsi qu’elle a été taillée aux chapiteaux Composites des arcs de Titus & de Septime Sévère à Rome, & au Corinthien de la cour du Louvre. Sur les Côtes de Barbarie cette plante sert de haie aux jardins.

Acanthe. s. f. Acantha. C’est, selon quelques Anatomistes, l’avance de derrière des vertèbres, appelée autrement Epine du dos. Spina dorsi. Harris.

Acanthe. s. f. Terme de Mythologie. Nom d’une Nymphe, qui fut aimée d’Apollon. Acanthe. ce Dieu en récompense la changea en la plante nommée Acanthe.

ACAPATHI. s. m. Plante de la nouvelle Espagne, qui porte le poivre long. Elle a son tronc contourné à la façon des sarmens ; & le tronc a des feuilles qui ressemblent à celles du poivre blanc, mais plus longues & aiguës. Son fruit est rond & long ; sa graine n’acquiert jamais une parfaite maturité sur la plante : c’est pourquoi on la cueille dès qu’elle commence à rougir. On la met sécher au soleil, où elle achève de mûrir, & on la seme. On la mange séche, & verte ; & elle donne un bon goût aux viandes. Voyez Poivre. ☞ On lit Acapalti dans le Dictionnaire de Corneille ; mais Acapathi est meilleur.

☞ ACAPULCO. Nom propre d'une ville de l’Amérique septentrionale. Acapulcum. Elle est dans l’Audience de Mexique, à cent lieues environ & au midi de la ville de Mexique, dont elle est comme le port.

☞ La différence du méridien d’Acapulco à celui de Paris, est, selon M. Harris, 7°. 14’. 11’’. occid. ou 85°. 35’. 15’’. Sa latitude 17°. 30’. 5’’. D’autres le mettent à 18°. 4°’. Lat. mérid.

☞ ACARADI. Province de la Nigritie, en Afrique. Acaradia. Elle a au couchant Caunnanah, à l’occident Quahoé, au midi Ningo & Latabi : elle est abondante en fort bon or.

☞ ACARAÏG. Nom propre d'une ville de l’Amérique méridionale. Acaraga. Elle est dans le Paraguay, sur la rivière de Parana. On la nomme autrement la ville de la Nativité.

☞ ACARE. s. m. Mot dérivé du Grec κειρᾷν, couper, & de α privatif, comme qui diroit Animal qu’on ne peut couper à cause de sa petitesse, {{corr|Ciron|Ciron. C’est un petit animal qui a huit pieds, & qui est engendré de l’œuf d’une mouche ordinaire, en laquelle il se change ensuite, conservant toujours une petitesse qui est telle qu’on ne peut l’appercevoir, ou du moins que très-difficilement, sans le secours du microscope. Voyez le Dictionnaire de James.

ACARER. Voyez Accarer.

ACARIÂTRE. adj. m. & f. Qui est d’une humeur farouche, aigre, difficile, opiniâtre, & qu'on ne peut gouverner. Morosus, acerbus, pertinax. Je ne puis traiter avec cet homme-là, c’est un esprit & une humeur acariâtre. C’est une femme acariâtre, qui crie jour & nuit contre son mari & ses domestiques. Il a aussi autrefois signifié Fol.

Sylvius dérive ce mot de saint Acaire, parce qu’il guérit les acariâtres. Ménage veut qu’il vienne du mot Latin acariasser, & Nicod du mot Grec Κάρη, signifiant caput, comme si on disoit acaris, un homme sans tête & écervelé ; ou plutôt un homme têtu & opiniâtre. Capito, ou, comme dit Prudence, capitosus. D’autres le tirent du Grec ἀκαριέστερος, qui signifie, Opiniâtre, ennemi de la complaisance, dont les mœurs & les paroles sont désagréables, & tirent vers la folie. Borel le dérive de cara, vieux mot François venu d’Espagne, qui signifioit un visage refrogné.

ACARIÇOBA. Plante du Japon, que les Portugais appellent Erva do Capitaon, herbe du Capitan. Elle vient dans les lieux humides, & le long des ruisseaux & des fontaines. Sa feuille est ronde, lisse & assez épaisse ; sa fleur est d’un gris blanchâtre. Elle a beaucoup de racines qui sont blanches, & serpentent à terre. Elles sont longues, distinguées par des nœuds, bulbeuses, & pleines de suc. Elle est chaude & aromatique, & très-agréable au goût. Ses principales qualités sont dans ses racines. Elles sont apéritives, & guérissent les obstructions du foie & des reins. Pison, L. iv. C. 50.

ACARNA, ou ACORNA. s. m. Chardon à fleur large & jaune : ses têtes sont oblongues, garnies d’épines ; sa semence ressemble à celle du Carthame. L’étymologie est ἄκορνα, plante épineuse.

☞ ACARNAN, ou ACARNE. s. m. Acarnus, Acarnanus. Poisson de mer qui, par sa figure & par sa taille ressemble au rouget, mais il est blanc & couvert d’écailles argentines : sa tête est grosse ; son museau est aquilin, sa gueule petite, ses dents menues. Sa chair est fort blanche, bonne à manger & de facile digestion. Il contient beaucoup d’huile & de sel volatil, & les Médecins le croient propre à purifier le sang & à exciter l’urine.

ACARNANIE. Acarnania. Province de l’Epire en Grèce, qui avoit à l’orient l’Ætolie, dont elle étoit séparée par le fleuve Achéloüs ; à l’occident le golfe d’Ambracie, que nous nommons aujourd’hui golfe de Larta, & au midi la mer Ionienne, & les îles d’Ithaque & de Céfalonie. On l’appelle aujourd’hui Despotat, ou Petite Grèce, ou Carnie ; mais quand on parle de l’Antiquité, il faut dire Acarnanie. Les chevaux d’Acarnanie étoient estimés chez les Anciens.

Acarnanie est aussi le nom d’une ville de Sicile célèbre par un temple dédié à Jupiter.

ACARNANIEN, ENNE. s. m. & f. Qui est d’Acarnanie. Les Acarnaniens ne faisoient, dit-on, leur année que de six mois. Les Acarnaniens se faisoient couper les cheveux pardevant, apparemment pour ne donner point par-là de prise à leurs ennemis dans les combats. ☞ Ils passoient anciennement pour un peuple invincible.

ACARNAR. Nom de la dernière étoile du fleuve Eridan.

ACARNE. Voyez Acarnan.

☞ ACASTE. s. f. Terme de Mythologie. C'est le nom d’une nymphe, ou naïade, fille de l’Océan & de Thétis. Voyez Hésiode, dans sa Théogonie, ou Génération des Dieux.

Acaste. s. m. Fils de Pélias, Roi de Thessalie, & parent de Jason, fut un des Argonautes. Pline veut qu’Acaste soit le premier qui ait fait célébrer des Jeux funèbres : ce qu’il fit en l’honneur de son père.

ACAT. s. m. Vieux mot, au lieu duquel on dit aujourd’hui Achat, comme acheter, au lieu d’acater ; & acheteur, au lieu d’acateur.

ACATALECTE. adj. est un terme de Poësie latine, qui se dit des vers qui sont exactement parfaits, qui n’ont pas une seule syllabe de trop ou de trop peu. Ainsi le définit Mon-


sieur Harris. Pour parler juste, & selon la force du mot, il faut dire que ce sont les vers auxquels il ne manque point de syllabe à la fin, à la différence des vers catalectiques, auxquels il manque à la fin quelque syllabe. Car ces mots sont Grecs, & viennent de λήγω, cessio, desino. De-la ϰαταληϰτός, & ϰαταληϰτιϰός, à qui il manque quelque chose à la fin ; & avec l’α privatif ἀναταληϰτιϰός, à qui il ne manque rien à la fin. Par exemple, dans la Ve Ode du I Livre d’Horace, chaque strophe est de trois vers, dont les deux premiers sont acatalectiques, & le troisième catalectique.

Solvitur acris hyems gratâ vice
Veris & Favoni,
Trahuntque siccas machinæ carinas.

Dans la Poësie Françoise on peut appeler acatalectiques, les vers de sept syllabes, tels que sont ceux-ci composés sur la mort de M. le Dauphin & de Madame la Dauphine, morts à quelques jours l’un de l’autre.

En vain la mort & l’amour
D’une funeste victoire
Se disputent-ils la gloire,
Ils sont vainqueurs tour à tour.
Sitôt que la mort jalouse,
A l’époux ravit l’épouse,
Aussitôt l’amour jaloux
A l’épouse rend l’époux.

Et de même les vers de trois syllabes :

La cigale ayant chanté
Tout l’été, &c.

Ou bien ces termes de Marot :

Damoiselle de Torcy,
Cet an cy
Tel étrène vous désire,
Qu’un bon coup vous puissiez dire :
Grand’mercy.

☞ ACATALEPTIQUE. s. m. & f. Nom d’une secte d’anciens Philosophes. Acatalepticus, a. Les Acataleptiques étoient une branche de l’ancienne Académie. Ils doutoient absolument de tout : non-seulement ils disoient qu’on ne sait rien certainement, mais même ils prétendoient qu’il étoit impossible d’avoir aucune connaissance certaine. C’est ce qui les distinguoit des Sceptiques & des Pyrrhoniens. Car quoique ceux-ci doutassent de tout, ils avouoient néanmoins qu’on pouvoit acquérir quelque connoissance certaine.

☞ ACATISTE. s. f. Nom d’une fête que les Grecs célébroient à Constantinople, le samedi de la quatrième semaine de Carême, en l’honneur de la sainte Vierge, qui avoit préservé trois fois cette ville de l’incursion des Barbares. L’hymne que le Clergé chantoit pendant l’office, s’appeloit aussi Acatiste. Ce mot vient du Grec, Ἀκάθιστος, parce qu’on se tenoit debout pendant tout l’office de la nuit. Voyez les fêtes mobiles d’Adrien Baillet.

A CAUSE. Préposition qui gouverne le génitif : & a cause que, conjonction, qui veut après soi, l’indicatif. ☞ Voyez au mot Cause.

☞ ACAXI, ou AKAS. Ville du Royaume de Farima, dans l’île de Niphon, au Japon. Acaxium. Elle est sur la côte au sud-ouest de Méaco.

☞ ACAXUTLA. Petite ville & Port de l’Amérique méridionale. Acaxutla. Elle est dans la Province de Guatimala, entre la ville de S. Ïago de Guatimala, & celle de Léon de Nicaragua, sur la côte de la mer du sud, ou mer pacifique.

ACAZER. v. a. Terme de Coutume. C’est proprement donner en fief, inféoder.Infeodare. Voyez Caseneuve, dans son Traité du franc-alleu. L. i, Ch. ii. Du Cange sous le mot Casare. De Lauriere.

Acazer, dans la Coutume de Bordeaux, Art. 101, signifie aussi, Bailler à rente. Id.

ACAZEMENT. s. m. Terme de Coutume. Il a les significations de son verbe, & signifie inféodation ou bail à rente.

ACC.

ACCABLANT, TE. adj. Qui accable, ou qui jette dans l’accablement. Opprimens. Un fardeau accablant ; une tristesse accablante ; une nouvelle accablante, &c.

☞ Il signifie figur. Importun, incommode. Ainsi on dit, Un homme accablant, Des visites accablantes. Acad. Fr.

ACCABLEMENT, s. m. Bouleversement, accident par lequel une chose succombe sous une charge excessive. Eversio, oppressio. Pendant ce tremblement de terre il y eut un accablement général dont personne ne se put sauver. On ne l’emploie point au propre. Il est plus en usage au figuré. Il signifie embarras, langueur, abattement, redoublement d’affliction, multitude de choses. Oppressio, Mœror Je n’ai pas de ces heures de chagrin & d’accablement qui vont jusqu’à l’ame. Voit. Il est dans un grand accablement d’esprit, de douleur, &c. Il est dans un grand accablement d’affaires ; pour dire, il est chargé d’un nombre infini d’affaires.

Accablement de pous. Terme de Médecine. Dérèglement de pous, lorsque l’accès commence, ou redouble, Venæ inordinatæ. Dog.

ACCABLER, v. act. Faire tomber une chose pesante sur une autre, qui l’oblige à succomber sous un poids excessif. Opprimere. Il a été accablé sous la ruine de cette maison. Les Ennemis l’accablerent par leur nombre. Leur multitude pouvoit accabler notre valeur. Sarras.

Cambden dérive ce mot de l’Anglois cablu, qui signifie, Opprimer.

Accabler, signifie aussi périr de quelque façon que ce soit dans quelque renversement général de l’Etat. Il y eut à Rome bien des gens accablés sous les ruines de la République. L’Empire Romain courant à sa ruine, entraîna avec lui les belles Lettres, qui se trouvèrent accablées sous le poids de sa chûte. Bail.

Accabler, se dit figurément en Morale de gens trop chargés d’affaires, de dettes, d’impôts, de malheurs, ou d’infirmités. Obrutus negotiis, aere alieno, doloribus oppressus. Il est accablé de chagrin, de gens qui l’importunent. Accablé de vieillesse. Accablé de sommeil. Ne vous venoit-il jamais aucun scrupule sur tous les éloges dont on vous accabloit ? Font. On accable la nature en la chargeant d’alimens, ou de remèdes. On dit d’un homme excessivement civil, qu’il accable le monde de complimens. Si un Ouvrage est trop chargé de pensées, leur nombre accable, & lasse l’esprit. Nicol. Jesus-Christ afflige les ames qu’il aime, mais il ne les accable pas. Abbé de la Trape.

A vaincre tant de fois, les Etats s’affoiblissent,
Et la gloire du Trône accable les sujets. Corn.

Sire, les Muses désolées
Aujourd’hui sans force & sans voix,
Viennent vous remontrer qu’elles sont accablées.
Sous le nombre de vos exploits.

On le dit même en bonne part. Accabler de présens, de bienfaits ; pour exprimer qu’On est comblé de graces & de faveurs. Il se dit aussi avec le pronom personnel, s’accabler de travail.

Accablé, ée, part. pass. & adj. Oppressus, obrutus.

s’ACCAGNARDER. v. a. Verbe neutre, qui ne se dit qu’avec le pronom personnel, s’Accoquiner, mener une vie fainéante, libertine, ou débauchée, soit en s’attachant au jeu, au vin, aux femmes ; soit en demeurant au com de son feu, au lieu de prendre un honnête emploi. Inertiæ, ignaviæ tradere se.

☞ Il s’accagnarde au cabaret
Entre le blanc & le clairet.
Je m’accagnarde dans Paris,
Parmi les amours & les ris. Boisr.

☞ On le dit aussi activement, La mauvaise compagnie l’a accagnardé. Il est du style familier.

Nicod dérive ce mot de cagnard, qui est un lieu à l’abri du vent, ou exposé au soleil, où les gueux s’assemblent pour fainéanter, qu’on appelle pour cela cagnardins, & cagnardiers.


Accagnardé, ée, part. & adj.

☞ ACCAÏN. Ville de la Terre Sainte. Accaïn. Elle étoit dans la Tribu de Juda, vers le désert de Thérué, près du lieu où la Laure de saint Sabas fut bâtie dans la suite. Jos. XV. 57.

☞ ACCAPAREMENT. s. m. Achat de Marchandises, défendu par les Ordonnances. Emptio vetita. Voyez l’art. fuir.

☞ ACCAPARER. v. a. Amasser, faire de grands amas de quelque chose, les mettre en réserve. Colligere, coacervare. N. célébre partisan, accaparoit des blés dans un temps de disette. Ch. De Rior. Ce mot se prend presque toujours en mauvaise part, & signifie ordinairement, enlever des foires & des marchés, toute une certaine sorte de marchandise, pour la vendre plus cher en la rendant plus rare, & se faisant seul le maître de la vente.

☞ ACCARA. RNom propre d’un royaume d’Afrique. Accara. Il est dans la Guinée sur la côte d’Or. Voyez La Croix, Relat. d’Afrique. La Capitale de ce royaume porte le même nom, aussi-bien qu’une autre petite ville de Guinée. C’est la grande Accara & la petite Accara.

ACCARER. v. a. Terme de Palais, usité dans quelques-unes de nos provinces méridionales les plus voisines d’Espagne. Confronter les témoins & les criminels. Testes cum reo componere. Ce mot vient de cara, qui en Espagnol signifie la tête ou le visage de l’homme. Ainsi accarer les accusés, c’est les mettre tête à tête. Il envoya prier la Reine de ne faire mourir ce malheureux, qu’il ne fût premièrement accaré à lui. Brant. Accariation, c’est la confrontation des témoins.

ACCAREMENT, ou ACAREMENT. s. m. Confrontation. Voyez Accarer

ACCARON. s. m. Accaron. Ville de la Palestine, & l’une des cinq Satrapies ou gouvernemens des Philistins, où ils garderent quelque temps l’Arche d’Alliance, après l’avoir prise. Ce n’est aujourd’hui qu’un village. Postel prétend que c’est le Portus Jamnetorum, ioμνετῶν, de Ptolomée. On y adoroit l’Idole de Béelzébuth, qui est appelé le Dieu d’Accaron au 4e Liv. des Rois, C. i. v. 6. Elle est à 3 lieues de la mer, & à 3 de Jaffa. Ceux de Geth envoyerent l’Arche de Dieu à Accaron. Saci.

Je ne sçais dans quel Pline l’Auteur d’un de nos Dictionnaires a pris que Accaron, Achoron, & Acharon, sont les Dieux des mouches, selon Pline, L. x. C. 28. Ce Chap. n’a que trois lignes que voici : Invocant & Ægyptii Ibes suas contra serpentium adventum : & Elei Mylagron Deum, Muscarum multitudine pestilentiam afferente, quæ protinùs intereunt quâ litatum est illi die. Il est vrai que quelques Mss. au lieu de Mylagron, ont mis Myiacoren ; mais c’est manifestement une faute.

ACCASTILLAGE. s. m. Terme de Marine, qui se dit en parlant des châteaux qui sont sur l’avant & sur l’arrière d’un vaisseau. Et on appelle un Vaisseau accastillé, quand il est accompagné de ces deux Châteaux.

☞ ACCÉDER. v. n. Terme de Négociation & de droit public. entrer dans un traité fait par des Puissances étrangères, signer ce traité, se joindre aux Puissances contractantes. Accedere ad fœdus aliquod, illi subscribere. Une des conditions de ce traité, est que les Puissances qui voudroient accéder dans six mois, y seront reçues. Il fut stipulé que la guerre contre les Suédois ne se feroit point en Poméranie, ni dans aucune des provinces de l’Allemagne ; & que les ennemis de Charles XII pourroient l’attaquer par-tout ailleurs. Le Roi de Pologne & le Czar accéderent eux-mêmes à ce traité. Voltaire.

☞ ACCÉLÉRATEUR. s. m. Terme d’Anatomie, qui se dit de quelques muscles. Qui accélere. Accelerator. L’urètre est resserrée par les deux muscles accélérateurs, dont une partie naît du sphincter de l’anus, & l’autre qui est beaucoup plus considérable, naît de la partie intérieure & postérieure de l’urètre, & s’inserent chacun à la partie latérale inférieure du corps caverneux, de son côté vers la racine de la verge. Lettre A. d. s. 1700 Mem. p. 310. Il se détache de la partie antérieure de chaque muscle accélérateur quelques fibres charnues, qui, après avoir rampé sur les côtes de la verge, se terminent au prépuce. Id.

☞ M. Couper dit que les Auteurs se sont bien trompés, quand ils ont rapporté l’origine de ces muscles au sphincter,