Dictionnaire de Trévoux/5e édition, 1752/Tome 1/041-050


Fascicules du tome 1
pages 031 à 040

Dictionnaire de Trévoux, 1752
Tome 1, pages 041 à 050

pages 051 à 060



subtile, qui est enfermée dans le centre de notre terre, ayant forcé & rompu les croûtes qui la couvrent, l’aura fait devenir Soleil ; si les Livres de Mr Descartes subsistoient dans quelque autre tourbillon, où il y eût des hommes, ne regarderoient-ils pas comme des fables tout ce qu’il dit de notre Monde ? Voyage du Monde de Descartes. ☞ Ce mot n’est point dans le Dictionnaire de l’Académie Françoise. Il est rude, & ne peut s’employer que dans le style dogmatique, où tous les termes expressifs sont bons.

ABSOUDRE, v. act. Décharger d’une accusation, de la peine d’un crime. Remettre un crime commis. J’absous, tu absout, nous absolvons, vous absolvez, ils absolvent. Imparf. j’absolvois. Fut. j’absoudrai. Subj. que j’absolve. Part. act. absolvant. Part. passif, absous. Absolvere. Absoudre un Pénitent, lui remettre ses péchés dans le Tribunal de la Confession. Dans le doute il est plus expédient d’absoudre un criminel, que de condamner un innocent. Court. On l’a absous à pur & à plein. On dit aussi dans le discours familier, en parlant d’un défunt, que Dieu absolve, c’est-à-dire, à qui Dieu fasse miséricorde.

☞ Ce mot vient d’absolvere, d’où l’on a fait absoulre, absouldre, absoudre.

ABSOUS, oute. part. & adj. Affranchi, ou déchargé de crime. Absolutus, Quand on est absous de la coulpe du péché, il reste encore communément à satisfaire à la peine qu’il mérite.

Absous, se dit aussi en matière civile. Un défendeur conclut toujours à être renvoyé quitte & absous de la demande qu’on lui a faite.

ABSOUTE, s. f. Absolution publique & solemnelle qui se donne au Peuple. Absolution. L’Evêque en fait la cérémonie le Jeudi Saint, ou le Mercredi au soir dans les Cathédrales. L’absoute se fait aussi par les Curés dans les Paroisses le jour de Pâques.

☞ On donne aussi ce nom au discours qui se fait pour préparer le peuple à l’absolution générale, qui se nomme Absoute.

ABSTÊME, s. m. Terme dogmatique. Qui ne boit point de vin. Abstemius. Pline dit vini abstemius, L. XXII. Et Apulée a fait Invinius. On s’en sert en Théologie, pour parler de ceux qui dans la Communion ne pourroient prendre les espèces du vin, à cause de l’aversion naturelle qu’ils ont pour cette liqueur. Mr de Meaux s’est servi de l’éxemple des abstêmes, pour défendre le retranchement de la Coupe. Les Dames Romaines dans les premiers temps étoient abstêmes ; & afin qu’on pût s’appercevoir si elles buvoient du vin, les Loix de la Civilité Romaine étoit qu’elles donnassent le baiser à leurs Parens, quand elles les abordoient. Plin. l. 22. c. 24. Aulu-Gelle l. 10. c. 22. ☞ On a vû un célébre abstême dans les commencemens du Christianisme, ce fut Apollonius de Thyane. Eméric, fils de saint Etienne roi de Hongrie, fut abstême ; mais peut-être plûtôt par mortification que par aversion pour le vin. Nous avons vû dans le dernier siécle le fameux jurisconsulte Tiraqueau, & le célébre Voiture qui ont été de véritables abstêmes. Les Journalistes de Trévoux faisant parler un Caloyer du mont Athos à un missionnaire : Comment, lui dit le Caloyer, trouver des missionnaires qui soient aussi abstêmes & aussi grands jeûneurs que nos Grecs ?

Ce mot est formé de la préposition abs, & tementum, ancien mot, qui signifioit du vin. Cependant à l’endroit de Pline que nous avons cité, & dans Horace L. 1. Ep. 12. abstemius semble être pris pour un homme qui s’abstient de quelque boisson, ou même de quelque mets que ce soit.

ABSTENIR, v. n. Qui ne se dit qu’avec le pronom personnel. Se défendre l’usage, se contenir à l’égard de quelque chose, se priver de quelque plaisir. Abstinere, temperare. Conjuguez, je m’abstiens ; je m’abstenois ; je m’abstins ; je me suis abstenu ; je m’abstiendrai ; je m’abstiendrois, &c. Ils sentent, à chaque péché qu’ils commettent, un avertissement intérieur de s’en abstenir. Pasc. Il faut se garder, & s’abstenir de se mettre en colère. Ils disoient qu’Auguste s’étoit abstenu de la qualité de Dictateur. Ablanc. Il faut s’abstenir du vin pendant la fièvre. Les Chrétiens ne s’abstenoient de viande pendant leurs jeûnes, que pour mortifier les sens. Du Pin. Les Juifs étoient


obligés de s’abstenir de leurs femmes pendant certains temps. Il ne se peut abstenir de jouer, de parler. Il faut s’abstenir de manger des choses défendues par la Loi. S’abstenir de certaines expressions. Peliss. On le dit quelquefois absolument. Il est plus aisé de s’abstenir que de se contenir.

Abstenir, se dit aussi en matière de récusation de Juges ; & quand la Cour la trouve bien fondée, elle dit pour adoucir l’expression, que le Juge s’abstiendra, c’est-à-dire, de rapporter le proces, ou d’y opiner.

☞ ABSTENIR. v. p. Se dit aussi d’un héritier en ligne collatérale, qui déclare par acte passé au greffe, ou pardevant notaires, qu’ils s’abstient & n’entend point prendre la qualité d’héritier du défunt.

☞ ABSTERGENT. s. m. Terme de Médecine, qui se dit comme Absorbant, émolliant, &c. Abstersif, détersif, qui a la vertu de nettoyer. Abstergens. Les abstergens sont les remédes dont on se sert pour nettoyer la peau, ou les parties superficielles d’un corps des ordures qui s’y sont amassées, & qui bouchent les pores. Harris.

☞ ABSTERSION. s. f. Terme de Médecine, qui exprime l’action des abstergens sur les corps. Abstersio : l’action d’absterger. En ce sens il se prend activement. Il se prend aussi passivement, & alors c’est, dit Mr Harris, l’effet produit par les abstergens, & en général tout nettoiement, si l’on peut parler ainsi.

ABSTINENCE, s. f. Vertu morale par laquelle on s’abstient de certaines choses, en vertu d’un précepte moral, ou d’une institution cerémonielle. Abstinentia. C’est une espèce de la tempérance, & elle se confond quelquefois avec la sobriété. Le grand jeûne, dit S. Augustin, est l’abstinence des vices. Les Athlètes, pour se rendre plus robustes, vivoient dans une abstinence générale de tous les plaisirs. Dac. L’Eglise a enjoint aux Ecclésiastiques l’abstinence des femmes : elle a marqué aussi certains jours de jeûne, & d’abstinence. Il se dit aussi de la simple modération dans l’usage des alimens. On fait des abstinences par un pur régime de vivre, comme de vin, de salines, &c. La diète & l’abstinence sont nécessaires, pour rétablir l’estomac affoibli par la débauche.

Abstinence, signifie quelquefois une simple privation de manger de la chair. Abstinentia carnium. L’abstinence des viandes assaisonnée de dévotion, & accompagnée de la prière, est un des moyens les plus efficaces pour avancer notre sanctification. Boss. L’Eglise ordonne simplement l’abstinence le jour de Saint Marc, & non pas le jeûne. Les Mercredis sont des jours d’abstinence, chez plusieurs Religieux. Les dévots font aussi des abstinences, & des macérations volontaires.

ABSTINENT, ente, adj. Tempérant à l’égard du boire & du manger. Sobrius. Les Peuples du Midi sont plus abstinens que ceux du Septentrion.

Abstinent, s. m. Nom qu’on donna à certains Hérétiques qui s’éleverent dans les Gaules & en Espagne au 3e. siècle, pendant la persécution de Dioclétien & de Maximien, parce qu’ils blâmoient le mariage. Les Abstinens étoient les mêmes que les Hiéraclites, selon Baronius ; & selon d’autres c’étoient des Encratites, nom Grec qui signifie la même chose à peu-près qu’Abstinent. Quoi qu’il en soit, tout le monde convient que les Abstinens étoient une branche des Gnostiques & des Manichéens. Ils faisoient aussi profession de ne point manger de viande, comme étant de soi mauvaise, & ayant été créée par Satan. Voyez Philastrius hær. 83. Ces Hérétiques furent nommés Abstinens, à cause qu’ils s’abstenoient de l’usage du vin & de plusieurs viandes. God.

ABSTERGER, v. Act. Abstergere. Ce mot vient du Latin. Terme de Médecine & de Chirurgie. Purger, nettoyer une plaie, ou ulcère, c’est la nettoyer d’une quantité de pus. Cela se fait par le moyen des amers, comme l’aloës, la myrrhe, & les herbes vulnéraires, qui absorbent un acide lequel ronge les fibres, & tuent de petits vers qui se forment dans les ulcères, & les rendent difficiles à se sécher.

ABSTERSIF, ive, adj. Qui purge & nettoie. Smegmaticus, smecticus. Médicament, purgation abstersive. Smegma.

ABSTRACT, acte. Terme de Philosophie. Il est un peu barbare en François. Ce qu’on détache par la pensée de toute autre chose, afin d’en avoir une connoissance simple, & par lui-même. Species abstracta per mentem. La quantité est un terme abstract, quand on la considère en elle-même, & sans être attachée à un corps, quoiqu’elle ne puisse subsister naturellement sans lui, ni lui sans elle. La blancheur est un terme abstract, quand on la considère détachée d’un sujet. De la connoissance des abstracts on parvient à celle des concrets, qui est le terme opposé.

ABSTRACTION, s. f. C’est une action de l’esprit, par laquelle on considère quelque partie d’un tout, sans faire attention aux autres : ou un détachement qui se fait par la pensée de tous les accidens ou circonstances qui peuvent accompagner un Être, pour le considérer mieux en lui-même. L’abstraction est l’action ou l’éxercice d’une faculté, ou puissance propre & particulière à l’esprit de l’homme, & qui distingue entièrement & essentiellement son ame de celle des bêtes ; faculté qui consiste en ce que l’homme peut, en élevant ses idées au-dessus des Êtres particuliers, en faire des représentations générales du tout de la même espèce, auquel tous les Philosophes donnent le nom d’universel. Actio animi speciem aliquam abstrahentis. On considère par abstraction, lorsque dans un mobile on considère le mouvement, sans faire attention au corps mû. Si mon œil me représente de la blancheur sur une muraille, je puis par abstraction considérer cette qualité de blancheur en elle-même, & en faire un attribut général de plusieurs autres choses différentes, comme de la neige, du lait, &c. Cette qualité, quelle qu’elle soit, considérée ainsi à part & sans le concret, ou le sujet auquel elle est inhérente, est une qualité considérée par abstraction. Harris. Ce sont les Mathématiciens qui, qui considérant la quantité sans matière, supposent dans leur empire d’abstraction des indivisibles sans parties : mais il n’est pas permis aux Physiciens de faire ces sortes d’abstractions, ni de sortir des bornes de la matière. Bern. La Métaphysique considère aussi les Êtres par abstraction, & c’est proprement son objet. En Arithmétique nombres abstracts sont ceux que l’on considère précisément comme nombre, sans les appliquer à aucun sujet. Harris. En terme de Mathématique, la Mathématique abstraite est opposée à la Mathématique mixte ; le premier terme signifiant purement la Géométrie & l’Algèbre ; & le second l’Optique, la Gnomonique, la Navigation, & les autres parties, dans lesquelles la Physique est jointe à la Mathématique. Id. Pour bien juger d’un homme, il faut faire abstraction de tout ce qui nous peut préoccuper, ou pour, ou contre lui. Rien n’est plus digne de compassion que ces Fanatiques, qui se font une piété à leur mode, & qui, sous le prétexte d’être tous spirituels, trouvent le secret de faire des abstractions, & des séparations, qui n’ont jamais été imaginées, que de ceux qui ont renoncé à la vie de l’esprit, pour s’abandonner à celle des sens. Abbé de la Trape.

On dit qu’un homme est dans des abstractions continuelles, pour dire, qu’il rêve continuellement, qu’il est appliqué à toute autre chose qu’à celle dont on parle, ou qu’il a sous les yeux.

ABSTRAIRE. v. act. faire une abstraction, un détachement de toutes les qualités d’une chose, pour ne considérer que son essence.. Abstrahere. J’abstrais, tu abstrais, il abstrait ; nous abstrayons, vous abstrayez, ils abstraient. Quand on raisonne en Algèbre, on abstrait la quantité, le nombre de toutes sortes de matières & de sujets. Il y a plusieurs temps de ce verbe qui ne sont point usités, comme l’imparfait, le prétérit indéfini, &c.

ABSTRAIT, aite, part. & adj. se dit figurément en Morale d’un esprit qui ne s’applique à rien, qui n’entre point dans la conversation ; qui se sépare & s’éloigne des choses sensibles par le moyen de l’esprit : d’un homme qui détache ses regards de tous les objets qui l’environnent, pour ne s’attacher qu’à la contemplation de celui qu’il a dans la pensée. Abstractus. Cet homme est abstrait, dédaigneux, & semble toujours rire en lui-même de ceux qu’il croit ne le valoir pas. La Bruy. On dit qu’Un homme est abstrait, quand il ne répond pas à celui qui lui parle, parce qu’il songe à autre chose.

On dit encore des raisonnemens abstraits, pour exprimer qu’ils sont trop subtils. Argumenta tenui filo diducta. Ces


idées sont abstraites, & ne tombent point sous l’imagination. Malb. C’est une Philosophie abstraite & chimérique. Port-R. pour dire, une Philosophie trop dégagée des choses sensibles, trop métaphysique & trop difficile à pénétrer. On ne doit pas confondre la définition d’une idée abstraite & arbitraire, avec la définition des choses qui éxistent réellement. Le Cl. Il est aussi subst. La rondeur est un abstrait, & le rond est un concret.

ABSTRUS, use. adj. qui est caché & inconnu au commun du monde, qui demande une extrême application pour être entendu. Abstrusus. L’Algèbre, les Sections Coniques, sont des Sciences, des matières fort abstruses, où peu de personnes peuvent pénétrer. ☞ Afin que le peuple Juif, qui étoit encore aux rudimens, ne pouvant bien entendre les sens abstrus & cachés des écrits, se contentât de les admirer. Goerée. Les esprits curieux commencérent à vouloir pénétrer dans les choses les plus abstruses. Idem. Théon fut pere de l’incomparable Hypathie, & il eut soin de lui faire apprendre les sciences les plus abstruses.

ABSURDE, adj. masc. & fém. Terme de Philosophie. Ce qui choque le sens commun, qui est impertinent, incroyable, impossible. Absurdus. Proposition absurde. Quand on suppose une chose absurde, on en tire mille conséquences absurdes. Il prouve une chose absurde, par une chose plus absurde.

ABSURDEMENT. adv. d’une manière absurde. Absurdè. C’est conclure absurdement, que de dire, &c.

ABSURDITÉ, s. f. Qui contient quelque chose d’absurde. Absurdè dictum aut factum. Il s’ensuivroit de grandes absurdités d’une telle supposition. La plus grande des absurdités est la contradiction. Quelle foi peut-on ajoûter à des gens qui proposent sérieusement d’aussi grandes absurdités ? Le Gend.

ABSUS. s. m. Herbe qui croit en Egypte, à la hauteur de quelques doigts. Ses feuilles ressemblent à celles du triolet ; & ses fleurs blanches, & d’un jaune pâle, produisent une semence noire, renfermée dans de petites cellules. Cette description est tirée de P. Alpin. On doit ranger cette plante parmi les Casses, & la nommer, Cassia sylvestris, Ægyptiaca, tetraphyllos. Bauhin l’appelle loto affinis Ægyptiaca. Pin. 332.

ABSYNTHE, ou ABSINTE. subst. masc. & fém. Selon Malherbe ; & selon Vaugelas, toujours masculin. On le fait plus ordinairement féminin. L’Académie Françoise le fait fépminin. Ménage veut qu’on écrive apsynthe par un p, sans doute à cause de l’étymologie. Plante médécinale. Les Botanistes anciens ne faisoient mention que de quatre espèces d’absynthe ; savoir, la vulgaire ou romaine, la menue ou pontique, la marine, & la santonique ; mais les Modernes en distinguent plus de trente espèces. Voyez Bauhin, Tournefort, Plukenet & Barrelier. L’absynthe vulgaire, grande absynthe, ou absynthe romaine, a ses racines branchues, chevelues, & éparpillées. De ses racines s’élèvent ordinairement plusieurs tiges, hautes de trois à quatre pieds, blanches & garnies de feuilles semblables à celles de l’armoise, branchues des deux côtés. Ses fleurs naissent à l’extrémité des branches & des tiges, & sont disposées en épi assez long, blanchâtre, & garni de petites feuilles qui soutiennent les fleurs. Chaque fleur est un bouton composé de plusieurs fleurons dorés, & renfermés dans un calice écailleux. Ces fleurons sont portés sur des embryons, qui deviennent des semences menues, oblongues & nues. Cette absynthe vulgaire est la plus en usage dans la Médecine. Plusieurs croient que c’est la barbotine qu’on appelle semen sanctum ; mais Mathiole dit que c’est une plante bien différente. Quelques-uns prétendent que l’absynthe est l’aurone femelle. L’absynthe menue, petite absynthe, ou absynthe pontique, est beaucoup plus basse ; ses tiges sont plus menues ; ses feuilles plus petites, plus finement découpées & moins blanches. Ses fleurs ont la même structure & le même arrangement que celles de la vulgaire ; mais elles sont un peu plus petites. Son amertume & son odeur ne sont pas si insupportables que celles de la vulgaire. La marine se distingue de la pontique par ses feuilles plus épaisses, moins découpées, & par son goût salin. A l’égard de la santonique, on a confondu sous ce nom diverses plantes, Voyez Barbotine.

L’absynthe est stomacale, apéritive, fébrifuge, bonne contre les vers & pour les vapeurs, les coliques, la jaunisse & les pâles couleurs. On la prend en infusion dans du vin ; c’est ce qu’on appelle vinum absynthites, en extrait, extracyum absynthii ; en sirop, syrupus de absynthio. On l’emploie dans les fomentations & dans les cataplasmes, pour arrêter les progrès de la gangrène. On ne se sert que des feuilles & des sommités de cette plante. Et de l’eau d’absynthe, aqua absynthites. On a aussi donné à l’absynthe le nom d’alvine, ou alvyne. Voyez ce mot.

Absynthe, figurément, signifie Douleur, amertume, déplaisir. Dolor animi. Mais je ne voudrois pas l’employer au pluriel comme Malherbe, qui a dit, adoucir toutes nos absynthes.

Ce mot vient d’α, particule privative en Grec, & πίνθιον ; c’est-à-dire, impotabile, non potable ; & les Comiques Grecs la nomment en effet ᾶπίνθιον, parce que c’est une plante si amère, qu’on a de la peine à boire une liqueur dans laquelle elle aura trempé. Quelques-uns le font venir du Grec ἅπτω, toucher, ἅψισθον, ᾶψεσθαι & veulent que ce nom ait été donné à cette plante par antiphrase, parce que nul animal n’en peut goûter, ni la toucher, à cause de son amertume. Cette étymologie n’est pas vraisemblable, & il est étonnant que d’habiles gens aient pu la hasarder ; ἅπτω est aspiré, & absynthium ne l’est pas : on dit ἀψίνθιον & non ἅψιστον ; l’un a un θ, & l’autre un τ, & le premier n’a pu se former du second, ni de ἅψεσθαι. D’autres le font venir d’ἀψίνθιον, qui veut dire désagréable, indelectabile, & qui s’est formé de l’α privatif, & de ψίνθος, plaisir, delectatio, à cause de l’amertume qui rend cette plante désagréable. Cette étymologie paroît plus juste, & justifie en même temps l’orthographe d’absinthe, sans y.

☞ ABSYRTIDE. s. f. Nom que l’antiquité a donné à des isles de la mer Adriatique. Absyrtis. Les Absyrtides ont l’Itrie au couchant, & la Dalmatie au levant. Elles ont pris leur nom d’Absyrte, fils d’Acetas roi de Colchos, parce qu’il y fut tué par Médée sa sœur.

ABU.

☞ ABUCCO, ABOCCO ou ABOCCHI. s m. Poids dont on se sert dans le royaume de Pégu. Un abucco est de douze Teccalis & demi. Deux abuccos font l’Agiro, qu’on nomme aussi Giro. Deux Giri font une demi-Biza, & la Biza pese cent Teccalis, c’est-à-dire, deux livres cinq onces poids fort, ou trois livres neuf onces poids léger de Venise.

☞ ABUDIACOM. Ancienne ville de la Vindélicie. Abudiacum. Selon quelques Auteurs, Abudiacom est le village d’Apping, en Bavière ; & selon d’autres, celui d’Abach, dans le même Duché.

☞ ABUHINAN. Petit village & château du Bilédulgérid, en Afrique. Abuhinanum. Il est sur la rivière de Géhir.

☞ ABUIA. Nom de deux Îles Philippines. Abuya, Abaca. L’une est près de l’île de Cébu, entre celles de Luçon & de Mindanas : l’autre n’en est pas loin, entre Bohol & Cubarao.

☞ ABUKESB. s. m. C’est la valeur du Daalder, ou écu de Hollande ; il se nomme ainsi par les Arabes & les Turcs du Caire, & parmi tous les négocians des villes maritimes d’Egypte. Mais à Smyrne & à Constantinople, on n’appelle point le daalder de Hollande de ce nom ; on l’appelle Aslani. C’est le nom dont on se sert aussi dans les Echelles du Levant. La raison de cette diverse dénomination vient de deux noms ; du nom Aslani, qui, en langue Turque, signifie lion, parce que l’on voit l’empreinte d’un lion sur chaque côté de ces pièces d’argent, que les Arabes ont pris pour un chien, qui, en leur langue est nommé abukesb.

ABUNA, ou ABOUNA. s. m. Terme Arabe, qui se trouve dans les Relations, & qui signifie proprement, Notre Père. L’on s’en sert en parlant des Religieux Chrétiens Arabes. Ainsi ils disent, Abouna Ephrem ; c’est-à-dire, Notre Père Ephrem, qui est la même chose que si nous disions, Le Père Ephrem, en parlant d’un Religieux de ce nom, ou Père Ephrem, en parlant à lui même. Selon


Portel, il faut dire Abana, אבאנא, & l’interprète Arabe l’écrit ainsi, Matth VI. 9. On dit cependant, Abouna, אבונא

☞ ABURRA. Vallée du nouveau royaume de Grenade, dans l’Amérique méridionale. Aburra.

ABUS, s. m. Dérèglement, ce qui se fait contre les règles, le bon ordre. Abusus. Il y avoit des abus dans tous les ordres de l’état, qui ont été réformés par Louïs le Grand. Les Conciles, les Ordonnances, tendent à réformer les abus contre la Discipline & la Police. C’est le Grand Constantin, qui, en introduisant les richesses dans l’Eglise, y a introduit en même-temps les abus, & le relâchement de la Discipline. Port-R. Ce Ministre a réformé les abus des Finances ; ce Président les abus de la Justice.

Ce mot se met quelquefois absolument pour rejetter ce qu’un autre a dit :

Abus, s’écria-t-il, hé ! devenez dévote. Deshoul.

Vous croyez réussir par-là, abus, abus ; vous n’en viendrez jamais à bout.

Abus, signifie aussi, Mauvais usage d’une chose. On commet bien de l’abus dans la distribution des aumônes. Les abus qu’on fait de l’Ecriture ne naissent pas de la lecture innocente du Peuple. Gomber. Le Concile de Trente a défendu les abus qu’on fait de l’Ecriture ; c’est-à-dire, les mauvais usages, les applications qu’on en pourroit faire à des choses profanes, mauvaises, criminelles.

Abus, signifie aussi, Erreur, mécompte, tromperie. Error. Si vous croyez que cela soit, c’est un abus ; c’est-à-dire, C’est une erreur, un mécompte ; vous vous trompez. C’est un abus que de croire telle chose, pour dire, que c’est se tromper. C’est un abus que de s’imaginer de réussir dans le monde sans avoir de puissans patrons. C’est un abus que d’exhorter un jeune libertin à songer à la mort ; pour dire, cela est inutile, on n’y gagne rien. C’est dans ce dernier sens que Mr de la Fontaine a dit fort élégamment dans ses fables :

Alléguer l’impossible aux Rois, c’est un abus ;

c’est-à-dire, que quand un Roi veut quelque chose, il faut lui obéir, quand même la chose seroit très-difficile, & paroîtroit impossible. Les Mahométans vivent dans l’abus ; ils suivent les abus de leur faux prophète. Dans ce dernier exemple, il signifie tromperie, & se prend activement. Il se dit plus ordinairement dans l’autre sens, qui est passif. En Arithmétique, quand la preuve ne se trouve pas bonne, on connoît qu’il y a de l’abus dans le calcul.

Appel comme d’abus. In abusu dicendi juris ad Regium superius Tribunal provocatio. C’est un appel qu’on interjette au Parlement, des sentences des Juges ecclésiastiques, quand ils entreprennent sur la Puissance séculière ; quand ils jugent des choses qui ne sont point de leur juridiction, ou quand ils jugent contre les saints Canons & la Discipline de l’Eglise. Les appels comme d’abus ont été introduits, autant pour s’opposer aux entreprises de la Juridiction ecclésiastique sur la Juridiction temporelle, que pour mettre ordre aux attentats de la Cour de Rome sur les libertés de l’Eglise Gallicane. Il est certain en effet que l’entreprise des Evêques alla si loin, qu’ils se rendirent les maîtres de toutes les affaires civiles sous des prétextes de piété, & qu’ils dépouillèrent presqu’entièrement la Juridiction séculière. On ne peut point déterminer tous les cas où l’on peut appeler comme d’abus, parce qu’on ne peut pas limiter toutes les contraventions dont les Ecclésiastiques sont capables pour relever leur autorité. Bouchel. L’abus ne se couvre point par quelque sentence, par quelque possession, ou prescription que ce soit. Quand l’Official juge du possessoire des dixmes inféodées, du possessoire des bénéfices, il y a abus. On appelle comme d’abus, des unions des bénéfices, des Rescrits de Cour de Rome, des fulminations des Bulles d’excommunication, quand elles sont contre les loix de l’Eglise reçues en France. Alors la Cour prononce qu’il y a abus. Quelquefois l’on convertit l’appel comme d’abus en appel comme de grief. L’appel comme d’abus a commencé d’être en usage du temps de Philippe de Valois, lorsque Pierre de Cugières, son Avocat-Général, se plaignit des entreprises que faisoient les Ecclésiastiques sur les personnes & la Justice séculières. Au lieu d’appeler des usurpations, des entreprises du Juge épiscopal, on se servit du terme d’abus, comme le moins dur, pour exprimer qu’il abusoit de son autorité. Pour se venger de Pierre de Cugnières, les Chanoines de Notre-Dame firent mettre au côté du chœur un petit marmot, que par dérision ils appelèrent Pierre de Cugnet. Le Clergé étoit alors si redoutable, que les laïques n’eurent pas tout d’un coup la hardiesse de reprendre leurs droits. Enfin, François I par son ordonnance de 1539, sapa les fondemens de la Jurisdiction ecclésiastique ; & le remède des appels comme d’abus a été si fréquemment mis en usage, que la puissance royale se trouve rétablie dans tout son lustre, & remise en possession de toute son autorité. Voyez Pasquier dans toutes ses Recherches, Liv. 3, C. 33. Févret, Avocat de Dijon, a fait un fort beau volume de l’appel comme d’abus. Les appellations comme d’abus ne se relevent qu’au Parlement, et ne se plaident qu’à la Grand’Chambre, suivant l’édit de 1606 & 1610 : les appels comme d’abus devroient être scellés au grand Sceau ; mais en conséquence d’un renvoi de M. le Chancelier le Tellier en 1678, on les prend au petit Sceau, en y attachant une consultation de trois Avocats. On appelle comme d’abus de l’exécution du Rescrit du Pape, & non du Rescrit même, pour ne blâmer que l’Impétrant ; mais on appelle comme d’abus de l’octroi d’un Evêque, ou de la sentence d’un Official. Quand on dit, Le Parlement a jugé qu’il y avoit abus ; cela signifie que le Parlement a jugé que l’appel comme d’abus a été bien interjeté, & que le juge a excédé son pouvoir Acad. Fr.

☞ ABUSAÏD. Montagne d’Afrique, dans la province de Ténez, & de la dépendance de la ville de ce nom.

ABUSER. V. n. Faire un mauvais usage de quelque chose. Abuti. Il ne faut pas abuser des sacremens ; abuser de la bonté de Dieu. Il n’y a rien de si saint, dont la malice des hommes ne puisse abuser. Port-R. Alexandre tua Clitus qui avoit abusé de sa patience. Vaug. Que seroit-ce que justice & piété, que des noms vains dont on abuse, si après cette vie il n’y a plus rien à espérer ? Gomber. Ce Magistrat abuse de sa charge, de son pouvoir, de son Autorité, quand il en use pour ses intérêts particuliers.

Abuser, signifie encore, Interpréter mal la pensée de quelqu’un, & y donner un mauvais sens. Vous abusez de quelques paroles ambiguës qui sont dans ses lettres. Pasc. Les hérétiques abusent de l’Ecriture, ils en corrompent le sens. Abuser de l’Écriture, c’est aussi en faire de mauvaises applications.

Abuser, v. a. Signifie aussi, tromper, séduire. Fallere, decipere. Les faux prophètes, les charlatans, abusent les peuples. Notre amour propre nous abuse, nous fait suivre nos passions, qui nous abusent, qui nous trompent.

Il conçoit le néant des objets qui l’abusent :
Il gémit sous sa chaîne, & n’ose la briser. Breb.

Quand l’amour est ardent, aisément il s’abuse.
Il croit ce qu’il souhaite & prend tout pour excuse. Corn.

Abuser, a. signifie plus particulièrement, suborner une femme, corrompre, séduire une fille, lui arracher les dernières faveurs, Vitiare, comprimere. Il faut être bien malhonnête homme pour abuser de la femme de son ami, pour abuser de la fille de son hôte. Etoit-il juste d’emprunter mon nom & ma ressemblance, pour abuser de ma maîtresse. Ablanc. On s’en sert aussi dans un cas encore plus odieux. On dit que Néron avoit abusé plusieurs fois de Britannicus. Ablanc.

Abusé, ée. part. Falsus, deceptus, corruptus, vitiatus, compressus.

ABUSEUR. s. m. Qui abuse, qui séduit, qui trompe, trom-


peur. Deceptor, veterator. Mahomet a été un grand abuseur de peuples. Ce terme ne peut être employé que dans le discours familier.

☞ Un Réfugié de Hollande a dit : Ils ont été séduits par les esprits abuseurs, pour établir le culte des démons. Ce mot n’est pas françois, & ces écrivains réfugiés n’étant pas des auteurs classiques en notre langue, & ils ne sçauroient autoriser les mots qu’ils forgent, ou qu’ils emploient sans sçavoir l’usage & contre l’usage.

ABUSIF, ive. adj. Où il y a de l’abus. Abusivus, Errori obnoxius. Une union de Bénéfice sans cause véritable & importante est abusive. Un jugement d'Official contre un Laique, & pour cause profane, est abusif. En termes de Grammaire, prendre un mot dans un sens abusif, c'est le placer mal ; c'est en faire une mauvaise application ; c'est le prendre improprement, impropriè, contra usum & loquendi consuetudinem.

☞ ABUSION. s. f. Vieux mot. Abus, erreur, fausse démarche, mauvaise conduite. Abusus, error, allucinatio.

Parquoi concluds que c’est abusion
Qui d’aucun mal donne l’occasion. Marot.

Lui-même fait mal & abusion. Id.

Parquoi concluds que c’est abusion
D’être amoureux. Marot. Rond. 35.

ABUSIVEMENT. adv. d’une manière abusive. Abusivè, per abusum. La Cour, en infirmant les sentences des juges de l’Eglise, prononce : Mal, nullement, & abusivement jugé. Il y a plusieurs mots de la langue qu’on prend quelquefois abusivement, qu’on dit improprement.

ABUTER. v. n. Terme de joueur de quilles. C’est tirer à qui jouera le premier, en jetant chacun une quille vers la boule, en sorte que celui dont la quille est la plus proche de la boule, ait l’avantage de jouer le premier. Sortiri, experiri quis prior ludat. On abute avant que de jouer aux quilles. On a abuté, & je suis le premier. On abute de même au jeu de palets & autres.

Ce mot est formé de la préposition Françoise à, qui, dans la composition, se met souvent pour la préposition Latine ad, & a sa signification, & du mot François but, tirer au but.

ABUTILLON, s. m. ou guimauve de Théophraste, s. f. Abutilon. Plante annuelle qui s’éleve depuis deux pieds jusqu’à cinq. Ses tiges sont droites, rondes, revêtues de duvet, branchues & garnies de feuilles drapées, blanchâtres, taillées en forme de cœur, semblables, par leur figure, à celle du tilleul ; mais bien plus grandes, & portées sur des pédicules qui ont quelquefois plus de demi-pied de longueur. Ses fleurs sont semblables à celles de la guimauve ordinaire, mais elles sont jaunes. Son fruit est une tête aplatie ordinairement par-dessus, cannelée & composée de plusieurs graines membraneuses, assemblées autour d’un poinçon. Chaque graine, en s’entr’ouvrant, laisse tomber des semences taillées en forme de rein. Ces semences sont adoucissantes, & recommandées pour la gravelle. L’écorce des tiges sert aux Îles de l’Amérique pour faire des cordages.


ABY.

ABYDE, ou ABYDOS. Abydus & Abydon. Ville maritime de Phrygie, vis-à-vis de Sestos, dont elle n’est éloignée que de sept stades ; c’est-à dire d’environ une bonne demi-lieue. Si l’on en croit Virgile, on y pêchoit des huîtres. I. Georg. V. 207. C’étoit la patrie de Léandre. Les habitans d’Abydos étoient mous & efféminés. On disoit proverbialement : Ne touchez pas sans précaution à Abydos, pour signifier, qu’il faut éviter la compagnie des gens débauchés.

On disoit encore en proverbe, un banquet d’Abyde ; pour marquer un festin fâcheux ; parce que c’étoit une coutume parmi les habitans d’Abydos de porter leurs enfans autour de la table, quand ils faisoient un festin, afin qu’on les baisât. Abydos a eu un Evêque suffragant de l’Archevêque de Lampsaque. Abydos & Sestos sont aujourd’hui ce que nous appelons les Dardanelles dans le détroit de Gallipoli. On l’appelle encore aujourd’hui Avido & Aveo. Mais Monsieur Wéler assure qu’on ne voit point de marque d’antiquité près de ce Château, & que les ruines d’Abyde se trouvent à une lieue de-là du côté du Nord, où est effectivement l’endroit le plus resserré du Détroit ; & il juge, avec quelques Auteurs, que le vieux Chateau de Natolie est bâti sur les ruines de l’ancien Dardanum, ou Dardana, d’où est venu le nom de Dardanelles, que porte ce Château, conjointement avec celui de Romanie, qui lui répond. Maty. & M. Corneille, disent Abydos & Abyde ; d’autres disent seulement Abydos. Xerxès fit un pont sur l’Hellespont qui joignoit Abydos & Sestos.

Autrefois du Persan l’étonnant appareil,
Sur les eaux d’Hellespont fit un chemin pareil ;
Joignit Abyde à Seste, & l’Europe à l’Asie. Breb.

Il y avoit encore une Ville de ce nom en Egypte.

☞ Aujourd’hui Abydos est un des châteaux des Dardanelles, dont l’entrée est toûjours interdite aux Chrétiens, & à toute sorte de personnes, une heure avant que le soleil se couche, & durant la nuit. La porte de ce château est entre le levant & le septentrion. Son plan est quarré, & il y a dans le milieu une grosse tour faite en maniére de donjon. Les fossés qui l’environnent sont tellement comblés en certains endroits, qu’on peut dire qu’il n’y en a plus vers le couchant ; le marais que fait le fleuve Simoïs à son embouchure, pourroit lui en servir, s’il y avoit plus d’eau, mais nous y étions à pied sec. Duloir. Voyag. de Lev. p. 209, 210. Abydos est plus fort que Sestos, étant bâti au bord d’une plaine d’une grande étendue, qui rend sa situation bien plus avantageuse & plus forte ; les grands vaisseaux y peuvent aborder des deux côtés, & y demeurer à l’ancre, ce qu’ils ne peuvent pas faire à Sestos. Le paysage en est aussi bien plus beau ; mais le séjour y est mal sain. Id. p. 211.

ABYLA, s. f. Abyla, ae. Nom de Montagne & de Ville. Abyla étoit dans le détroit de Gibraltar sur la Côte de Mauritanie. C’étoit une des Colonnes d’Hercule, & Calpe l’autre, sur la Côte d’Espagne. Quelques-uns ont cru qu’Abyla Ville, étoit Alcudia, & qu’Abyla Montagne, étoit celle que les Espagnols nomment aujourd’hui Sierra de la Ximera. D’autres plus vrai-semblablement veulent qu’Abyla Ville, soit Ceuta, Septa, Evêché dépendant de l’Archevêque d’Evora, & que la Montagne de même nom, soit une haute Montagne proche de Ceuta, que nos François appellent le mont des Singes, & les Hollandois Scheminckellerg.

Abyla est aussi le nom d’une Ville de la Coelésyrie, qui donnoit son nom à une petite Contrée dont elle étoit Capitale. Cette Ville s’appelloit aussi Abyla de Lysanias. La contrée d’Abyla étoit enfermée de l’Antiliban au couchant & au midi, du fleuve Abana du côté de l’Orient, & elle avoit au Nord la Chalcide. Il en est parlé en S. Luc C. 3. v. 1. où il est dit que Lysanias étoit Tétrarque de la Contrée d’Abyla, ainsi qu’a traduit le P. Bouhours. Monsieur Simon a mis le Pays d’Abyla. Le Port-Royal a mis Abylène. Le P. Lubin prétend que la ville d’Abyla étoit celle qui s’appelle aujourd’hui Bevines ou Bellines.

☞ ABYLÈNE. s. f. Nom propre d’une contrée de Syrie. Abilina, Abilena. Elle étoit près de la Trachonitide & de la Pérée. Vers l’an quinziéme de l’empire de Tibère, trentiéme de Jesus-Christ, elle avoit titre de Tétrarchie. Lysanias en étoit Tétrarque. Luc. III. 1. Joseph. Antiq. Jud. L. XX. c. 8. Après la mort de Lysanias, elle fut attribuée à la Syrie. L’an 52 de J. C. l’empereur Claude la donna à Agrippa II. & Néron la lui confirma. Joseph. De Bello Jud. II. c. XII. §. 8. XIII. §. 2. Elle tiroit son nom d’Abila, ville de son territoire. Quelques-uns l’appellent la contrée d’Abila. Voyez Abila.

☞ L’Abylène étoit une région de la Coelésyrie, & avoit l’Antiliban au midi & au couchant, la Chalcide au septentrion, & la riviére Abana à l’orient. P. Lubin.

ABYSME, s. m. Gouffre profond où on se perd, d’où on ne


peut sortir. Gurges, vorago. Il y a d’horribles abysmes dans ces montagnes, dans ces mers. L’Océan étoit jaloux de voir sonder ses abysmes. Ablanc.

Le ciel suspend ses coups ; la terre, les enfers,
N’offrent point à mes pas leurs abysmes ouverts.

Ce mot vient du Grec ἄβυσσος, qui signifie la même chose, & qui est formé de l’α privatif, & de δυω, entrer, pénétrer, en changeant le δ en β ; ou plutôt de βύω, βώσω, βιβυϰα, βέβυσμαι, βέβυσαι, d’où est venu βυσος. De sorte qu’ἄβυσσος signifie ce que l’on ne peut pénétrer, ce qui n’a point de fond. Dans l’Ecriture il se prend pour les eaux que Dieu créa au commencement avec la terre, & qui l’environnoient de toutes parts, dont il est dit, Gen. i. 2. Les ténebres étoient sur la surface de l’abyme. Il se prend encore pour les cavernes immenses de la terre, où Dieu rassembla toutes ces eaux le troisième jour, & que Moyse appelle le grand abyme. Gen. vii. 11. C’est encore en ce sens que ce mot est pris en beaucoup d’autres endroits, comme Job. xviii. 14. xxxviii. 16. Psalm. xxxiii. 7. &c. Le Docteur Woodward, savant Anglois, dans son Histoire naturelle de la terre, prétend qu’une partie des eaux est enfermée dans les entrailles de la terre, & qu’elles forment un grand globe dans son centre ; que sur la surface de ses eaux est étendue une couche de la terre ; que c’est là ce que Moyse a appelé le grand abyme. Et il prouve ce système par un grand nombre d’observations. Il dit que ces eaux de l’abyme, ont communication avec celles de l’Océan, par des canaux qui aboutissent au fond de la mer. Il suppose que ces eaux de l’abyme, & celles de l’Océan, ont un centre commun, autour duquel elles sont placées ; que cependant la surface de l’abyme n’est point de niveau avec celle de l’Océan, ni en égale distance de leur centre commun, parce que celles de l’abyme sont la plûpart pressées par la terre, qui les arrête & qui pese dessus ; mais que partout où cette couche de terre qui les enveloppe, est percée, ou poreuse, ces eaux y pénétrent, y montent & remplissent toutes ces fentes, qui leur donnent issue, tous les vides, tous les pores de la terre, de la pierre, & de toutes les autres matières qui sont autour du globe de la terre, jusqu’à ce qu’elles soient arrivées au niveau de l’Océan.

Abysme, se dit figurément en Morale des choses immenses, & infinies, où l’esprit humain se perd quand il raisonne. La Physique est un abysme ; on ne peut pénétrer dans les secrets de la Nature. Les jugemens de Dieu, les mystères de la Religion, sont des abysmes dont on ne peut sonder la profondeur. Il a été précipité du faîte de la gloire dans l’abysme du néant. Ablanc. Le passé est un abysme qui engloutit toutes choses, & l’avenir est un autre abysme impénétrable. Nicol.

Il signifie encore, Un fond immense, une abondance extraordinaire. Par son imprudence il s’est plongé dans un abysme de malheurs. Cet homme est un abyme de science. Le cœur d’un avare est un abysme que les torrens & les fleuves ne sauroient remplir. S. Evr. Nous avons besoin de profonds efforts, pour nous retirer de l’abysme de misère où le péché nous a plongés. Port-Royal. On dit aussi, C’est un abysme de maux, de souffrances, de malheurs.

Abysme, se dit absolument des enfers. La rébellion des Anges les fit précipiter dans l’abysme.

Abysme, se dit aussi des choses qui demandent, & qui consument des sommes excessives, dont on ne peut juger avec certitude. On ne peut certainement régler la dépense de la Marine, c’est un abysme. La dépense de cette maison est excessive, c’est un abysme, On dit en proverbe, qu’un abysme attire l’autre, quand d’un mal on tombe en un plus grand.

Abysme, Terme de Blason. C’est le centre, ou le milieu de l’Ecu, en sorte que la pièce qu’on y mot ne touche & ne charge aucune autre pièce. Scuti centrum, scuti pars media, ou partium aliquot scuti medium. Ainsi on dit d’un petit Ecu qui est au milieu d’un grand, qu’il est mis en abysme. Et tout autant de fois qu’on commence par toute autre figure que par celle du milieu, on dit que celle qui est au milieu est en abysme, comme si on vouloit dire, que les autres grandes pièces étant relevées en relief, celle-là paroît petite, & comme cachée & abysmée. Il porte trois besans d’or, avec une fleur de lis en abyme. Ainsi ce terme ne signifie pas simplement le milieu de l’écu : car il est relatif, & suppose d’autres pièces, au milieu desquelles une plus petite est abysmée.

☞ ABYSME. s. m. Terme de Chandeliers. C’est le vaisseau de bois dans lequel ils mettent le suif fondu, où ils trempent leur mèche pour fabriquer leur chandelle. Ce vaisseau est de forme triangulaire, & posé sur un des angles ; ensorte qu’il y a une ouverture de près d’un pied par en haut, ce qui fait une espèce de prisme renversé.

ABYSMER. v. act. Jetter dans un abysme, y tomber, se perdre, se noyer, Mergere, demergere. Les ouragans abysment les vaisseaux. Ce terrein s’est abysmé, il y avoit dessous une carrière. Subsidere, sidere. Il est quelquefois neutre. Cette ville abysmera un jour à cause des abominations qui s’y commettent. Alors il signifie, Périr, tomber dans un abysme. Hauriri, absorberi.

Abysmer, se dit figurément en Morale, pour dire, Perdre, ruiner entièrement. Evertere, pessumdare. Les gros intérêts ont abysmé ce marchand. Ce chicaneur a abysmé sa partie, il l’a ruinée de fond en comble. Il a abysmé cet homme-là. Il se dit plus ordinairement avec le pronoim personnel, & plus au figuré qu’au propre. En ce cas il marque un grand excès. C’est un voluptueux qui s’abysme dans les plaisirs. Acad. Fr. c’est-à-dire, qui y est entiérement occupé, & qui s’y abandonne sans aucune réserve. On dit, il est abysmé dans la douleur. Port-R. parce qu’il en est tout rempli & tout pénétré. C’est un contemplatif qui s’abysme, parce qu’il s’applique profondément à la contemplation, soit dans la prière, soit dans l’étude. Il signifie encore se jetter dans quelque embarras fâcheux, s’engager dans une affaire malheureuse. On dit aussi s’abysmer devant Dieu ; pour dire, s’humilier profondément, reconnoître son néant devant lui, Deprimere se, minuere. On dit en matière de dispute & de raisonnement, Ce Docteur a été abysmé par son adversaire, qui l’a réduit à ne rien répondre. On dit encore, C’est un homme abysmé, pour dire, C’est un homme perdu de crédit, de réputation, de biens, &c.

Abysmé, ée, part. Demersus. Il y a eu plusieurs villes abysmées par les tremblements de terre. Un joueur, un marchand, un plaideur ; en général, un homme abysmé, est celui qui a perdu tout son fonds, qui est sans ressource. Bonis eversus.

☞ ABYSO. Rivière de la vallée de Noto, en Sicile. Abysus. Elle a sa source à Cérétano, & se décharge dans la mer d’Ionie, au lieu où étoit autrefois la ville d’Elorus, d’où vient qu’on l’appelle en latin Abysus Elorum. Elle porte aujourd’hui le nom d’Acellaro ou Atellaro.

ABYSSIN, ou ABISSIN. ou plutôt Abassin ou Hhabassin, comme prononcent les Arabes, qui appellent un Abyssin חבש, Hhabasch, ou חבשי, Hhabaschi, & le pays qu’ils habitent חבשת, Hhabaschath. Ainsi ce nom ne vient point de la côte d’Aben, qui est la côte occidentale de la mer Rouge, le long de laquelle ils habitent ; ou si c’est le même nom, ce sont ces peuples qui ont donné ce nom à cette côte, au lieu de l’avoir pris d’elle.

Les principaux auteurs sur les Abyssins sont Jean de Léon & Marmol, Description de l’Afrique. Franc. Alvarez, Balthasar Tellez, d’Alméida Jésuit. Hist. de la haute-Eth. Ludolf. L’Hist. de la Comp. de Jes. T. i. L. 15. T. ii. L. 1. T. iv. L. 5. T. v. L. 22. Louis de Urreta Dominicain, Hist. de l’Ethiopie en Espagnol. Marmol. L. XC. 23. Juan. Nicol. Pechlin a fait un Livre De habitu & colore Æthiopum, imprimé à Francfort en 1684. Le P. Urreta, Dominicain, rapporte d’autres étymologies dans son Histoire d’Ethiopie, p. 3. Strabon dit, L. xvii. qu’Abassie signifie en Egyptien, un pays inhabitable entouré de déserts & de montagnes impraticables, de l’α privatif, & de βάτος, qui vient de βαίνω, je vais, comme qui diroit, un pays où l’on ne peut aller ni pénétrer. D’autres disent qu’Abassie signifie une terre puissante, abondante en hommes, en fruits de la terre, en mines & en richesses. Mais cet auteur rejette avec raison ces opinions, & s’en tient à celle que nous avons rapportée d’abord. Ce sont les peuples de l’Ethiopie, qui est au-


jourd’hui nommée Abassie. Ce sont les Arabes qui leur ont donné ce nom, que les Abyssins ont rejeté long-temps comme injurieux, & qu’ils ne prennent point encore dans leurs Livres, parce qu’en Arabe il signifie un mélange, un assemblage de plusieurs Nations. Ils s’appellent Ethiopiens, Itiopiavian, & leur pays Mangesta-Itiopia, Royaume d’Ethiopie, ou d’un nom plus particulier encore, Geez, ou Beera Agazi, Pays de liberté, oumedera Agazian, la terre des Libres, ou des Francs ; car ils se donnent le nom de Agasi, Libre, Franc, & au pluriel Agasian, Libres, Francs, ou bien Gens qui ont décampé, qui sont venus d’un endroit éloigné, de sorte qu’ils s’appellent ainsi, ou pour se vanter d’être libres, ou pour marquer qu’ils ont passé de l’Arabie heureuse, où est l’ancienne Ethiopie, dans le pays qu’ils occupent, & dans lequel ils passerent pendant la servitude des Israëlites en Egypte, si l’on en croit Eusèbe, ou vers le temps de Josué & des Juges, selon Syncellus, p. 151. Ludolf croit que ce sont des Homérites, ou Sabéens, appelés autrement par les Grecs Axumites, ou pour le moins une colonie de ces peuples qui passa la mer Rouge, & vint s’établir dans l’Afrique. Etienne le Géographe appelle Abesins, Αβήσινος, un peuple de l’Arabie ; & son Commentateur croit que c’est le peuple qui a passé en Afrique. Si cela est, ce nom est très ancien, & ne leur a pas été donné à cause de leur passage. Les Abyssins sont Mores, Olivâtres, ou noirs selon les diverses provinces qu’ils habitent. Maty.

☞ Les Abyssins qui dominent aujourd’hui dans l’Ethiopie, ne s’en emparerent que plusieurs siècles après l’invasion des Ethiopiens. On ignore le temps précis de leur conquête : on sait seulement qu’elle a précédé la fin de l’empire de Constantin. Ils sont originairement de l’Arabie heureuse, du Royaume d’Yémen, c’est-à-dire, du midi, dont Saba étoit la capitale. Le peuple portoit le nom d’Homérites. La Reine qui vint voir Salomon, régnoit sur eux ; & si l’on en croit la tradition ancienne, & constante de ce peuple, elle eut de Salomon un fils nommé Mevilehec. La Reine & le peuple embrasserent la religion Juive. Les Empereurs d’Ethiopie prétendent descendre de ce fils de Salomon.

☞ Une partie des Homérites passa la mer, courut d’abord la province de Tigré sur les Ethiopiens, & fonda le royaume d’Axuma.

☞ Les Abyssins ne sont point Nègres, leur conquit est olivâtre ; ils sont fort différens des Nègres, & ordinairement ils sont bien faits & ont grand air.

☞ La cour Abyssine. Mem. des Miss. du Lev. T. IV.

Les Abyssins, pour le temporel, sont gouvernés par un Prince qu’ils appellent Négus ; titre qui répond à celui de Roi, & qui peut paroître, avec probabilité, très-ancien, puisque nous trouvons dans l’Ecriture un Roi d’Egypte nommé Pharaon Nécao, & dans Hérodote Νεϰός Necus. Linschot dit qu’il se nomme aussi Belgian, que Bel signifie très-haut & très-parfait ; Gian, Prince ou Seigneur ; que le nom de David est un surnom, tel que celui de César, que les Empereurs Romains portent ; & que les Ethiopiens le nomment Talac, ou Avia Négous. Il se dit être de la Tribu de Juda, & s’appelle fils de David & de Salomon, dont ils prétendent que la Reine de Saba eut un fils duquel ils descendent, si l’on veut en croire leurs fables. Ils prétendent encore avoir été convertis à la foi Chrétienne par l’Eunuque de la Reine Candace, baptisé par S. Philippe, Act. VIII, 27. Pour le spirituel ils sont gouvernés par un Evêque, ou Métropolitain, que leur envoie le Patriarche Cophte d’Alexandrie, qui réside au Caire ; desorte qu’ils suivent en toutes choses la Religion des Cophtes, à la réserve de quelques cérémonies qui leur sont particulières. Le Canon 42. du Concile de Nicée, dans la Collection Arabe & Ethiopienne, dit en termes formels, qu’il est défendu aux Abyssins de se faire un Métropolitain de leurs Savans ou Docteurs, à leur façon & selon leur bon plaisir, parce que leur Métropolitain dépend du Patriarche d’Alexandrie, auquel il appartient de leur donner un Catholique, ou Métropolitain. Le P. Vanslèbe qui a rapporté ce Canon dans son Histoire de l’Eglise d’Alexandrie, Chap. 9. a remarqué en même temps qu’en 1670, les Abyssins comptoient cent seize Métropolitains, qu’ils ont reçus des Patriarches d’Alexandrie, depuis Frumentius leur premier Evêque, qui leur fut envoyé par S. Athanase.

Ces Peuples ont témoigné en plusieurs rencontres, vouloir se réunir avec l’Eglise Romaine. David, qui prend la qualité d’Empereur de la grande & haute Ethiopie, & de quelques autres Royaumes, écrivit à Clément VII une lettre pleine de soumission ; mais il est constant que les Ethiopiens, ou Abyssins, n’ont eu recours à Rome & aux Portugais, que lorsque leurs affaires ont été en désordre, comme on le voit dans les Histoires des Portugais. Jean Bermudes fut fait Patriarche d’Ethiopie, & consacré à Rome à la sollicitation des Abyssins. Ils feignirent même de ne vouloir plus avoir d’autres Métropolitains à l’avenir, que ceux qui leur seroient envoyés de Rome. Mais aussitôt que leurs affaires furent en meilleur état, ils rejeterent ces sortes de Patriarches, & envoyerent au Caire pour avoir un Métropolitain de la main du Patriarche des Cophtes.

Alexis Menesès, de l’Ordre de S. Augustin, ayant été fait Archevêque de Goa, prit la qualité de Primat de l’Orient ; & en cette qualité de Primat des Indes, il prétendit étendre sa juridiction jusque dans l’Ethiopie : il y envoya des Missionnaires avec des lettres pour les Portugais qui étoient en ce pays-là, & il écrivit en même temps au Métropolitain des Abyssins. L’Histoire de ce que Menesès a fait dans les Indes pour la Religion, a été imprimée à Bruxelles en 1609, et elle mérite d’être lue.

Cet Archevêque & plusieurs autres Missionnaires se sont trompés, quand ils ont accusé les Ethiopiens de judaïser, parce qu’il y en a plusieurs parmi eux qui se font circoncire. La circoncision des Ethiopiens est fort différente de celle des Juifs qui la regardent comme un précepte, au lieu que les premiers ne la considerent que comme une coutume qui n’appartient point à la Religion, comme le témoigne Claude, Roi d’Ethiopie dans sa confession. L’on circoncit même parmi eux les filles, en coupant une certaine superfluité qu’ils croient nuire à la conception. Voyez URRETA Dominicain, Histoire d’Ethiopie, Liv. II. Ch. 6. Les Cophtes observent la même chose. Il y a bien de l’apparence que cet usage de la circoncision, qui est fort ancien chez ces peuples, n’y a été introduit que pour rendre les parties qu’on circoncit plus propres à la génération. Marmol assure néanmoins qu’ils observent la circoncision comme un sacrement, & [51] qu’elle se fait le huitième jour dans le logis, & par un prêtre : ce qui a bien plus l’air d’une cérémonie de Religion, que d’une simple opération de Chirurgie.

Leur canon des saintes Ecritures est tout semblable au nôtre, & l’on y voir Tobie, Judith, Esther, le Livre de la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch, & les deux Livres des Macchabées. Ils honorent & prient les Saints ; ils prient pour les morts. Ludolf lui-même l’a remarqué, Liv. iii. Ch. 6. Ils croient la présence réelle, &c.

Les Ethiopiens ont une langue particulière, qu’ils nomment Chaldéenne, parce qu’ils croient qu’elle tire son origine de la Chaldée. Quoiqu’elle soit différente du Chaldéen ordinaire, elle a cependant beaucoup de rapport à cette Langue, aussi-bien qu’à la Langue Arabique, & il semble qu’elle en soit formée. On l’appelle Langue Ethiopienne ; mais elle n’est pas la même que l’Ethiopien d’aujourd’hui. Leurs Liturgies & leurs autres Offices divins sont écrits en cet ancien Ethiopien, que le peuple n’entend plus. Cette Langue a des caractères particuliers, & elle n’a pas de points voyelles séparés des consonnes, comme il y en a dans l’Hébreu & dans les autres Langues orientales ; mais elles sont attachées aux consonnes mêmes, en-sorte que dans l’Ethiopien il n’y a point de consonne qui ne porte avec elle sa voyelle, & ne fasse une syllabe. Voyez de Moni, Histoire de la Créance & des coutumes des nations du Levant, chap. XI. On peut voir aussi l’Histoire Ethiopienne faite en Latin par M. Job Ludolf, dont nous avons aussi la Grammaire, le Dictionnaire & le pseautier Ethiopique. Jamais Européen n’a si bien entendu cette langue que lui, & n’a eu plus de zèle pour la faire connoître en Europe.

Les Abyssins servent toujours parmi leurs mets trois plats, dans l’un desquels il y a des poires coupées en forme de croix, dans l’autre des cendres, & dans le troisième du


feu. Ce sont des mets pour l’esprit, & destinés à les faire souvenir de la Passion du Sauveur, de la mort, & de l’enfer. Leurs prêtres portent toujours une croix à la main. Maty. Les Abyssins ne fortifient point de place. Ils ne mettent, disent-ils, la force d’un pays que dans les bras & les armes des combattans, & non pas dans des pierres & des murailles. Voyez Ablancourt, traduction de Marmol, L. I. de l’Afrique, C. 20 & L. X. C. 23. Les Abyssins ne mangent point de cochon, ni de sang, ni d’animaux suffoqués, ni le nerf du jarret, que les Juifs appellent le nerf défendu. Ludolf, L. III, C. I.

ABYSSIN, INE. adj. Abyssinus. L’Eglise Romaine, la Grecque, ou l’Abyssine. Peliss.

ABYSSINIE, ou ABISSINIE. s. f. Abassia, Abyssinia, Æthiopia superior, ou interior. Grand pays dans la partie méridionale de l’Afrique, au-dessous de l’Egypte, connu des Anciens sous le nom d’Ethiopie ; & dans des siècles plus voisins du nôtre, sous le nom d’Inde moyenne. On le renferme aujourd’hui entre le 62e degré 50 minutes, & le 73e d. 40 min. de longitude, & entre le 7e & 16edegré 9 min. de latitude septentrionale. On comptoit autrefois dans l’Empire d’Abyssinie 36 Royaumes & 14 provinces principales. Mais en 1537 les Galles, peuple situé au midi de l’Abyssinie, en conquirent plusieurs provinces. Ce pays est arrosé de trois grandes rivières principales ; le Nil, qui y prend sa source, le Tagaze, ou Thékaze, & le Maleg. Ces fleuves le rendent très-fertile dans les endroits où ils coulent : ailleurs ce ne sont souvent que des rochers & des cavernes affreuses. Il y paroît souvent des sauterelles en si grand nombre, qu’elles obscurcissent l’air, & ravagent toutes les campagnes où elles s’arrêtent. Il n’y a point de villes considérables dans l’Abyssinie ; mais les provinces fertiles sont remplies de villages fort près les uns des autres. Voyez Ablancourt, traduction de Marmol, L. i. C. 20.

ACA.

☞ ACA. s. f. Nom d'une habitation d'Afrique, sur les confins de la Libye & des Sénéques. Elle consiste en trois ou quatre villes assez proches l'une de l'autre. Ce sont des Hidétes, race d'Arabes, qui s'y sont établis, & dont plusieurs se sont alliés avec les naturels du pays. Aca. Voyez Marmol.

ACABIT, s. m. Bonne ou mauvaise qualité d'une chose. Natura, genus. Les Rôtisseurs s'en servent en parlant de leurs viandes. On le dit particulièrement des fruits & des légumes, selon qu'ils sont de bonne nature, de bon plan, & de bon terroir. Des poires d'un bon acabit ; ce qui veut dire proprement qu'elles sont d'un bon débit. Quelques-uns le disent aussi des viandes & des étoffes. Ménage dit que le Peuple a dit d'un bon acabit ; pour dire, d'un bon achat. Boursaut a dit acabie. On le dit quelquefois des personnes par métaphore.

On s'en promet en vain quelque chose de mieux,
Il est d'un acabit malfaisant, vicieux,
Sur ce noir sauvageon c'est en vain que l'on greffe, &c.

ACABLEMENT, ACABLER. Voyez ACCABLEMENT, ACCABLER.

ACACALIS, s. m. C'est le fruit d'un arbrisseau qui croît en Egypte.

☞ ACACALLIS. s. f. C'est le nom d'une Nymphe dont parle Pausanias, qui fut aimée d'Apollon, & dont il eut deux fils dans l'isle de Créte, nommés Philachis & Philandre, qui furent alaités par une chévre.

ACACE, s. m. Acacius. Nom d'homme qui est originairement Grec, & vient de l'a privatif, & de ακαζα, malice, comme qui diroit sans malice. Plusieurs personnages fameux ont porté ce nom, parmi lesquels il en est qui ont bien fait du mal à l'Eglise. Acace de Césarée, surnommé le Borgne, disciple & successeur d'Eusèbe, se rendit fameux au IVe. siècle par ses inconstances en fait de doctrine. Acace Patriarche de Constantinople, & successeur de S. Gennade, est le premier qui ait voulu l'emporter sur les Patriarches d'Alexandrie, d'Antioche & de Jérusalem. Acace de Béroé en Palestine, Evêque savant, vertueux, zélé, & qui n'abandonna jamais dans l'Episcopat les pratiques de la vie Monastique dans laquelle il avoit été élevé dès l’enfance, fut cependant un des plus grands persécuteurs de S. Jean Chrysostome. Acace, Evêque d’Amide en Mésopotamie au Ve Siècle, homme d’une piété rare, & d’une charité extraordinaire, vendit les vases sacrés pour nourrir les Esclaves Persans que Théodose le jeune fit dans la guerre contre Varanes. Le Patriarche d’Antioche successeur de Basile en 458. est le moins recommandable des Acaces. Acace Alexandrin, Capitaine dans les troupes de l’Empereur Adrien, fut pendu pour la Foi. Nous avons quelques Ouvrages d’Acace de Mélitene. Quand on parle de tous ces Acaces, il ne faut point dire Acacius. Au contraire, quand on parle du Rhéteur Acacius, fameux sous l’Empire de Julien, on ne dit point Acace. Ce sont nos Livres sur la Religion & nos Auteurs de l’Histoire Ecclésiastique qui ont fait qu’on a donné une forme Françoise à ce nom, dans le premier cas, au lieu que dans l’autre il est resté Latin, parce qu’on parle peu de ce Rhéteur.

ACACIA, s. m. Terme de Botanique, qu’on donne à divers arbres, quoique fort différens entre-eux. Acacia. Il y a un acacia, qu’on appelle aussi Cassie, ou selon Mr d’Herbelot Gagie, en Latin spina Ægyptia, qui croît en Egypte, & qui est un grand arbre épineux, dont la fleur est jaune en quelques-uns, & blanche en d’autres : son fruit, qui est contenu dans des gousses, est semblable au lupin. Cet arbre nous fournit la gomme Arabique, & un suc qu’on appelle le Vrai acacia. Les Arabes appellent cet acacia d’Egypte Om Gailan, la mère des Satyres, ou des Démons des forêts. D’Herb. Il y a une sorte d’arbre qui croît à Malabar, & à Cranganor, qu’on appelle aussi acacia. En Mésopotamie près du Tygre, & dans les déserts d’Arabie près de l’Euphrate, on donne ce même nom à d’autres Arbres, qui sont pourtant différens. Il y a encore un acacia du Brésil, & un de Virginie. Il y en a un autre différent des précédens, qu’on appelle acacia de l’Amérique, ou acacia Americana Robini. Cet arbre étranger n’est devenu commun en France que depuis 1650. Les premiers pieds qui ont paru ont été élevés au Jardin Royal des Plantes de Paris par Vespasien Robin, qui en a reçu le premier la semence. Monsieur Tournefort l’a nommé Pseudo-Acacia vulgaris, pour le distinguer de l’acacia des Anciens, ou cassie, arbre d’un autre caractère. L’acacia d’Amérique s’élève fort haut ; son tronc est assez ample : son bois est très-dur, jaunâtre, cassant, & couvert d’une écorce brune. Les jeunes branches de cet arbre sont moëlleuses, garnies de quelques épines courtes & d’un rouge obscur. Ses feuilles sont comme rangées par paire sur une côte terminée par une seule feuille : elles ont un pouce environ de longueur sur un tiers moins de largeur. Ses fleurs sont légumineuses, blanches, d’une bonne odeur, & naissent en épi. A ces fleurs succèdent des gousses, à deux cosses courtes & applaties, entre lesquelles sont renfermées des semences brunes applaties, & de la figure d’un rein. Cet arbre donne de l’ombre, & n’est pas difficile à élever. Il fleurit en Juillet & Août. Ses racines ont un goût de réglisse. Ses fleurs distillées sont bonnes pour les vapeurs. Son bois est cassant & se fend trop aisément pour être employé aux gros ouvrages de menuiserie. Le nom acacia est indéclinable. Deux acacia au pluriel. Ménage.

Acacia, Voyez CASSIE.

Acacia. Terme de Pharmacie. C’est le nom d’un suc épaissi qu’on apporte du Levant dans des vessies. Il paroît noir extérieurement ; mais étant cassé il est haut en couleur & d’un rouge foncé. On le nomme Acacia du Levant, Acacia vera en Latin, pour le distinguer du faux acacia, autre suc épaissi & extrait des prunelles. C’est un excellent astringent d’un grand usage en Egypte pour arrêter les dévoiemens, les dissenteries, les pertes, & pour se préserver de la goutte.

Acacia (Germanica) d’Allemagne, est le suc tiré par expression du fruit de prunier sauvage, qu’on cuit en consistence d’électuaire, & qu’on substitue à la place du vrai acacia. On appelle aussi acacia d’Allemagne, l’arbre même.

Acacia. s. m. Nom qu’on donne à une espèce de sachet, ou de rouleau long & étroit, qui se voit dans les Médailles, à la main des Consuls, & des Empereurs, depuis Anastase. On ne sait pas trop de quoi étoit composé ce rouleau, & il n’est pas aisé d’en deviner le mystère. Les uns disent que c’étoit un mouchoir plié, que jettoit celui qui présidoit aux jeux, pour les faire commencer. D’autres


disent que c’étoit un rouleau de mémoires que l’on présentoit à l’Empereur ou aux Consuls. Monsieur Du Cange, dans sa Dissertation sur les Médailles des Empereurs de Constantinople, qui est à la fin de son Glossaire Latin, a traité de l’acacia pris en ce dernier sens. Voyez sur-tout le n. xiii.

ACACIEN, enne, s. m. Acacianus. Secte d’Ariens, ainsi nommée d’Acace de Césarée leur Chef.

ACADÉMICIEN, s. m. Sectateur de Platon, qui est le fondateur de l’Académie. Les Académiciens tenoient qu’il ne faut rien affirmer, & que nous ne savons qu’une chose, c’est que nous ne savons rien : Unum scio, quod nihil scio. Ils prétendoient que l’esprit doit demeurer en suspens, parce qu’il ne peut se déterminer que sur des vraisemblances, & sur des apparences qui le peuvent tromper. Platon avoit pris de Socrate le fonds & la substance de sa Doctrine. Au reste, en apprenant à ses disciples à douter de tout, c’étoit moins pour les laisser toujours flotans, & suspendus entre l’erreur & la vérité, que pour s’opposer aux décisions précipitées des jeunes esprits, & pour les mettre dans une disposition plus propre à se garantir de l’erreur, en examinant sans préjugé. Mr Descartes entre les Modernes a adopté ce principe des Académiciens ; mais il y a bien de la différence dans l’usage qu’il en fait. Les Académiciens doutoient de tout, & vouloient toujours douter. Monsieur Descartes commence par douter de tout, mais il declare qu’il ne veut pas douter toujours, & qu’il ne doute d’abord, qu’afin d’être ensuite plus ferme dans ses connoissances. Je ne prétends pas décider ici s’il y a bien réussi, & s’il s’y est pris comme il faut : je dis seulement que c’est-là son intention, bien différente de celle des Académiciens. C’est à ce propos que les Partisans de Descartes lui appliquent ce qu’Horace a dit d’Homère :

Non fumum ex fulgore, sed ex fumo dare lucem
Cogitat, ut speciosa de hinc miracula prodat
Antiphatem, Scyllamque & cum Cyclope Charibdim.

Dans la Philosophie d’Aristote, disent ces Messieurs, on ne doute de rien, on promet de donner raison de tout, & cependant on n’explique rien, que par des termes barbares & des idées confuses & obscures ; au lieu que Monsieur Descartes commence par vous faire oublier même ce que vous saviez auparavant, & ensuite vous mene comme pied-à-pied dans mille belles connoissances, qu’il vous fait découvrir, & qu’il vous rend si claires & si évidentes, que vous n’en pouvez plus douter. Voilà ce que disent les Partisans de Monsieur Descartes ; mais avant eux Aristote avoit dit que pour bien savoir une chose il falloit en avoir bien douté, & que c’étoit par le doute que toutes nos connoissances devoient commencer.

Académicien, enne, s. m. & f. Qui est reçu dans une Académie d’Arts, ou de Sciences. Academicus. On a ajoûté un féminin en faveur de Madame des Houlières. L’Académie d’Arles lui a envoyé des Lettres d’Académicienne. C’est la première de son sexe à qui l’on ait déféré cet honneur en France ; car en Italie la chose n’est ni nouvelle ni extraordinaire. Il y a des femmes dans l’Académie, ou Ragunanza d’Arcadie à Rome, & la Reine Christine en est comme la Fondatrice. Voyez l’Histoire de cette Académie publiée depuis quelques années en Italie par Mr Crescembeni, qui en étoit pour lors le Custode, ou Président. Voyez aussi l’Histoire des Femmes savantes dans Mr Ménage & autres Auteurs.

ACADÉMIE, s. f. Lieu délicieux, ou maison de plaisance, située dans un Fauxbourg d’Athènes à un mille de la Ville. Ceux qui ont fait venir ce nom de Cadmus, parce qu’il sut le premier Instaurateur des Lettres chez les Grecs, se sont trompés. D’autres disent que ce mot est composé de deux mots Grecs, δείζ, qui signifie remède, & δέμοζ, qui veut dire Peuple, comme si les Académies étoient le remède du Peuple. Sa véritable origine vient d’Academus, ou Ecademus, nom propre d’un Bourgeois d’Athènes, dont la maison servit à enseigner la Philosophie. Il vivoit du temps de Thésée. C’est dans sa maison située dans le fauxbourg d’Athènes, que Platon enseigna la Philosophie. Cimon l’orna, & l’embellit de fontaines & d’allées d’arbres, pour la commodité des Philosophes qui s’y assembloient. On y enterroit les grands hommes qui avoient rendu de signalés services à la Patrie. Depuis Platon tous les lieux où se sont assemblés les gens de Lettres, ont été nommés Académie. Sylla sacrifia aux loix de la Guerre les délicieux bocages, & les belles allées que Cimon avoit fait dresser dans l’Académie d’Athènes, & employa ces arbres à faire des machines pour battre la Ville. Cicéron avoit une maison près de Pouzzol, à qui il donna le même nom : c’est là qu’il écrivit ses Questions Académiques & ses livres de Naturâ Deorum, de Amicitiâ, & de Officiis, dit Mr Harris.

Académie se prend aussi pour la Secte des Philosophes. On compte trois Académies, trois Sectes académiciennes. Quelques-uns en comptent même jusqu’à cinq. Platon fut le Chef de l’ancienne. Arcésilas, l’un de ses successeurs, apporta quelques changemens dans sa Philosophie, & fonda par cette réforme ce qu’on appelle la seconde Académie. On attribue à Lacides, ou à Carnéades, l’établissement de la troisième ou nouvelle Académie. Quelques Auteurs ajoûtent deux Académies. Une quatrième fondée par Philon & Carmides ; & une cinquième fondée par Antiochus, & nommée Antiochienne, qui allioit l’ancienne Académie avec le Stoïcisme. Voyez sur tout cela les Questions Académiques de Cicéron ; personne n’a mieux débrouillé les différens sentimens, ou plutôt les différentes méthodes de traiter la Philosophie, dont se servoient ceux qu’on appelloit de son temps les partisans de la nouvelle, & les partisans de l’ancienne Académie. L’ancienne Académie doutoit absolument de tout, & alloit même jusqu’à douter s’il falloit douter, se faisant une espèce de principe de ne jamais rien assurer, & de ne jamais rien nier, de ne tenir rien ni pour vrai, ni pour faux. La nouvelle Académie étoit un peu plus raisonnable, elle reconnoissoit plusieurs vérités, mais sans s’y attacher avec assurance. Ces Philosophes s’appercevoient bien que le commerce même de la vie & de la société est incompatible avec ce doute absolu & général de l’ancienne Académie ; mais cependant ils regardoient les choses comme probables, plutôt que comme vraies & certaines ; & par ce tempérament ils croyoient se tirer des absurdités dans lesquelles tomboit l’ancienne Académie. Voyez encore Vossius de Sect. Philos. c. 12. 13. 14. 15. & Georg. Hornius Hist. Philos. L. 3. C. 20.

Académie, s. f. Assemblée des gens de Lettres, où l’on cultive les Sciences & les beaux Arts. Academia. Le premier Instituteur des académies, & qui le premier leur a donné des réglemens, est Antonio Panormita, sous le regne d’Alfonse I. d’Aragon roi de Naples, qui favorisa beaucoup cette institution. Voyez Bernardino Tafuri Dell’invenzioni uscite dal regno di Napoli, dans le Racc. d’Opusc. XII. p. 380, & suiv.

☞ Jovianus Pontanus succéda au zéle & au soin qu’avoit eu Panormita de cette académie. Une partie des académiciens qui s’y firent recevoir, surent André Matthieu Acquaviva duc d’Atri, Alphonse Janvier, Alphonso Gianuario, Alexander ab Alexandro, Antoine de Ferrariis, Antoine Giarlone seigneur d’Alifé, Antoine Tebaldo, Bélisaire Acquaviva duc de Nardo, Elie Marchèse, Ferdinand d’Avalos marquis de Pesara, François Puderico, Jean de Sangro, le Cardinal Jérôme Séripando archevêque de Salerno, Jérôme Carbone, Junianus Maggius maître de Sannazaro, Jean Aniso, Jérôme Angeriano, Jérôme Borgia, Gabi Altilio, Jean Eliseo d’Anfratta, dans l’Apouille, Jacques Sannazareo, Luc Graffo, Maxime Cruino, Pierre-Jacques Gianuario, Pierre Compare, Pierre Summonte, Rutilio Zenone, Trojano Cabaniglia comte de Troja & de Montella, Tristan Caracciolo, Thomas Fusco, &c. Les étrangers furent M. Anton. Flaminius de Sicile, M. Ant. Michele Vénitien, Barthélemi Scala de Florence, Basile Zanchi de Lucques, Cariteo Espagnol, le cardinal Gilles de Viterbe, de l’ordre des Ermites de saint Augustin, Jean Cotta de Vérone, Pierre Valérien François, Jacques Latomus de Flandre, Jean Pardo Aragonois, le cardinal Jacques Sadoleti de Modéne, Louis Montalte de Syracuse, Matthieu Albino de Venise, Michel Marulle de Constantinople, Nicolas Grudius, Pierre Gravina de Catane, le cardinal Pierre Bembe, & autres. Tous gens célébres par leur capacité & leurs ouvrages. Cette académie fut établie en 1470. La seconde qui fut établie en Italie, fut celle de


Florence, que la libéralité de Laurent de Médicis fit naître. La troisiéme fut érigée par le duc d’Urbin. Le cardinal Bembe & Castiglione en parlent avec éloge. La quatriéme est celle de Sienne. Voyez M. Tafuri. Racc. d’Opusc. XII. pag. 380-420.

☞ L’abbé Piazza a donné le catalogue de toutes les académies d’Italie avec leurs noms bizarres, après en avoir fait une recherche exacte. P. Hélyot. T. VIII. p. 444.

En France il y a toutes sortes d’Académies établies par Lettres Patentes dans Paris : l’Académie Royale des Sciences, pour cultiver la Physique, la Chymie, & les Mathématiques : l’Académie Françoise, pour la pureté de la Langue : l’Académie des Médailles & des Inscriptions : l’Académie d’Architecture, pour les bâtimens. L’Académie de Peinture est une belle école de Peintres & de Sculpteurs. Et l’Académie de Musique est établie pour les Opéras. Il y en a même d’établies dans les Villes particulières, comme à Arles, à Soissons, à Nismes, &c. Il y a à Toulouse l’Académie des Lanternistes.

Académie Françoise. Compagnie de gens de lettres, dont l’objet est de travailler à la perfection de la langue françoise. Academia Gallica. L’Académie Françoise n’a été établie par édit du roi qu’en l’année 1655. mais on peut dire que son origine est de quatre ou cinq ans plus ancienne ; & qu’elle doit en quelque sorte son institution au hazard. Environ 1629. quelques particuliers logés en divers endroits de Paris, ne trouvant rien de plus incommode dans cette grande ville, que d’aller fort souvent se chercher les uns les autres sans se trouver, résolurent de se voir un jour de la semaine chez l’un d’eux. Ils étoient tous gens de lettres, & d’un mérite fort au dessus du commun. M. Godeau, depuis évêque de Grasse, qui n’étoit pas encore ecclésiastique, M. de Gombault, M. Chapelain, M. Conrart, M. Giry, M. Habert commissaire de l’artillerie, M. l’abbé de Cérisy son frere, M. de Serizay & M. de Malleville. Ils s’assembloient chez M. Conrart. Là ils s’entretenoient familiérement & de toute sorte de choses, d’affaires, de nouvelles, de belles-lettres. Que si quelqu’un de la compagnie avoit fait quelque ouvrage, il le communiquoit volontiers à tous les autres, qui lui en disoient librement leurs avis ; & dans la suite quand ils parloient de ce temps-là, & de ce premier âge de l’Académie, ils en parloient comme d’un âge d’or.

☞ Ils avoient arrêté de ne parler à personne de leurs assemblées, & cela fut observé exactement pendant ce temps-là : mais enfin vers le commencement de l’année 1634. le Cardinal de Richelieu en eut connoissance, & leur fit proposer de faire un Corps, de s’assembler réguliérement & sous une autorité publique. Ils l’accepterent malgré les oppositions de deux d’entr’eux ; & pour donner quelque forme & quelque ordre à leurs assemblées, ils résolurent de créer d’abord trois Officiers, un Directeur & un Chancelier, qui seroient changés de temps en temps, & un Secrétaire qui seroit perpétuel. Outre ces trois Officiers, on créa un Libraire de l’Académie, lequel devoit aussi lui servir comme d’Huissier. On donna à la Compagnie le nom d’Académie Françoise, qui avoit été approuvé par le Cardinal. Quelques-uns l’ont nommée depuis l’Académie des beaux esprits. D’autres l’Académie de l’éloquence. Plusieurs ont cru qu’elle s’appelloit l’Académie éminente, par allusion à la qualité du Cardinal son protecteur ; mais elle ne s’est jamais appellée elle-même que l’Académie Françoise.

☞ Par une lettre du 22e. Mars 1634. elle supplia le Cardinal d’être son protecteur. Les lettres patentes de l’établissement furent expédiées au mois de Janvier 1635. & elles furent apportées à la Compagnie le 29 Janvier de la même année. Les statuts qu’on avoit faits furent approuvés par le Cardinal, mais les lettres patentes ne furent enregistrées au Parlement, qu’après bien des difficultés, & le furent enfin le 10. Juillet 1637. avec cette restriction : A la charge que ceux de ladite Assemblée & Académie ne connoîtront que de l’ornement, embellissement & augmentation de la Langue Françoise, & des livres qui seront par eux faits, & par autres personnes qui le desireront & voudront.

☞ L’Académie prit un contre-sceau, où doit être représentée une couronne de laurier, avec ces mots : A l’Immortalité. ☞ Le nombre des Académiciens est de quarante, d’où vient qu’on les a souvent appellés les Quarante de l’Académie Françoise. Pour élire ou destituer un Académicien, il faut que les Académiciens soient assemblés au nombre de vingt au moins. Ces élections & destitutions se font par ballotes blanches & noires. Pour élire, il faut que le nombre des blanches passe de quatre celui des noires. Pour destituer, il faut que celui des noires passe de quatre celui des blanches. L’Académie ne s’est assemblée d’abord qu’une fois par semaine. Ce fut d’abord le Lundi, puis le Mardi, ensuite le Samedi, après quoi l’on revint au Mardi. Enfin à raison de son travail pour un Dictionnaire, elle s’assembla deux fois chaque semaine, le Mercredi & le Samedi. Aujourd’hui elle s’assemble trois fois par semaine, le Lundi, le Jeudi & le Samedi. Les réceptions des Académiciens, qui sont des Assemblées publiques, se font le Jeudi. Ces Assemblées se sont tenues pendant dix ans chez différens membres de l’Académie. Enfin en 1643. le 16 Février, M. le Chancelier Séguier devenu protecteur après la mort du Cardinal, les fit tenir chez lui. Depuis, le feu Roi Louis le Grand s’étant fait protecteur de l’Académie, lui donna un appartement au Louvre, pour tenir ses assemblées. Ce fut le 28 Janvier 1642. que Louis XIV. eut la bonté de prendre la protection de l’Académie Françoise, qui a passé à son successeur.

☞ Dès ses commencemens l’Académie projetta de faire un Dictionnaire de notre langue, une Grammaire & un Traité de la Poësie Françoise. Son Dictionnaire parut pour la premiére fois en 1684. en deux volumes in folio. Les termes des Arts & des Sciences y manquoient, M. de C. de l’Académie Françoise y suppléa par un Dictionnaire des Arts & des Sciences, publié la même année, en deux volumes aussi in-folio.

☞ M. Pellisson a écrit l’histoire de l’Académie Françoise, depuis son origine jusqu’à son temps. M. l’Abbé d’Olivet en a donné la suite.

l'Académie des Sciences. Regia Scientiarum Academia. Elle fut établie en 1666. par les ordres du Roi, mais sans aucun acte émané de l'autorité Royale. En 1699. le Roi lui donna une nouvelle naissance, en lui donnant une nouvelle forme. Le règlement est du 26. Janvier 1699. En vertu de ce règlement l'Académie est composée de quatre sortes d'Académiciens, les Honoraires, les Pensionnaires, les Associés, & les Elèves ; la première classe composée de dix personnes, & les trois autres chacune de vingt. Les Honoraires doivent être tous regnicoles ; les Pensionnaires doivent être tous établis à Paris ; des Associés huit peuvent être étrangers ; les Elèves doivent être tous établis à Paris. Les Officiers de l'Académie sont, un Prèsident, qui est nommé tous les ans par le Roi, un Secrétaire, & un Trésorier. ☞ Les Académiciens tiennent leurs assemblées deux fois la semaine dans une des salles du vieux Louvre. Les jours de ces assemblées sont le Mercredi & le Samedi : deux de ces assemblées sont publiques, la premiére après la saint Martin, & la seconde après le Dimanche de Quasimodo. A chaque assemblée le Roi fait distribuer quarante jettons d’argent aux Académiciens pensionnaires qui s’y trouvent présens. La fin de cette Académie est de perfectionner la Physique, les Mathématiques, la Géographie, la Médecine, la Chymie, l’Anatomie, la Chirurgie.

☞ Il y a à Montpellier une Académie sous le nom de Société Royale des Sciences. Elle fut établie en 1706. par Lettres Patentes du Roi, qui la mit sous sa protection. Il a voulu qu’elle ne fît qu’un seul & même corps avec l’Académie Royale des Sciences de Paris. Elle est composée de six Honoraires, & de quinze autres Académiciens ; sçavoir, trois Astronomes, trois Mathématiciens, trois Chymistes, trois Botanistes & trois Physiciens. Chacun de ces Académiciens peut avoir son éléve, ou son adjoint. Elle s’assemble une fois la semaine, & tous les ans après la saint Martin elle tient une assemblée publique.

☞ Il y en a aussi une établie à Bourdeaux depuis 1713.

Académie Royale des Inscriptions & Belles-Lettres. Elle fut établie en 1663. par le Roi sous le ministère de M. Colbert ; mais c’est proprement en 1701. qu’elle a reçu sa forme par les soins de M. l’Abbé Bignon. Les Académiciens qui la composent sont au nom-


bre de quarante, divisés en trois classes, qui sont les Honoraires, les Pensionnaires & les Associés. Leurs conférences se tiennent dans une salle du vieux Louvre, le Mardi & le Vendredi de chaque semaine. Deux fois l’année il y a une assemblée publique, l’une après la saint Martin, & l’autre après le Dimanche de Quasi modò. Elle fut nommée d’abord Académie des Médailles & des Inscriptions, elle a pris depuis le nom d’Académie des Inscriptions & Belles Lettres.

☞ Les Académies des villes de Province, comme de Lyon, de Marseille, de Caën, & les autres tiennent plus de l’Académie des Belles-Lettres que d’aucune autre, ou plûtôt sont des Académies de Belles-Lettres.

Académie d’Architecture. Elle fut établie le 30 Novembre 1671. par les soins de M. Colbert, qui la forma de tous les Architectes renommés du Royaume. Le Roi la mit sous la direction du Surintendant des bâtimens, qui étoit alors M. Colbert. Les Académiciens sont distribués en deux classes ; leur nombre n’est pas déterminé. Ils s’assemblent tous les Lundis au Louvre. Le Roi entretient un professeur public d’Architecture, qui donne dans le même lieu ses leçons deux fois la semaine, le Lundi & le Jeudi. M. Blondel est le premier qui l’ait fait. M. De la Hire l’a fait aussi bien des années.

Académie de Peinture et de Sculpture. C’est une Académie établie par le feu Roi Louis le Grand de glorieuse mémoire, & dont le Roi Louis XV. son petit-fils, s’est déclaré le protecteur en 1748. Elle est composée des meilleurs Peintres & Sculpteurs de France. Pour y entrer, il faut donner des preuves de sa capacité par quelque morceau que l’on fournit. Elle a un Directeur qui préside aux assemblées, porte la parole dans les occasions qui se présentent, & a une inspection générale sur tout ce qui se passe dans l’Académie. Il peut être changé tous les ans, mais la coûtume est de le continuer trois ans. Elle a un Chancelier pour viser & sceller du sceau de l’Académie les lettres de réception & autres actes qui en sont émanés. Il est perpétuel. Elle a quatre Recteurs pour présider par quartier aux assemblées en l’absence du Directeur ; se trouver à l’Académie pendant les trois mois de leur exercice, pour veiller avec le Professeur de mois à l’ordre qui se doit observer dans l’école du modéle, & juger ensemble des ouvrages des étudians, & des récompenses qu’ils méritent. Ils sont à vie, à la réserve du dernier, qui peut être changé tous les ans. Les Recteurs ont deux Adjoints pour suppléer à leur absence. Il y a douze Professeurs qui sont en fonction pendant un mois chacun. Ils doivent se trouver tous les jours en l’Académie à l’heure que se tient l’école du modéle, pour tenir les éléves assidus & en régle, les corriger, & avoir soin des affaires particuliéres. On en peut changer au sort jusqu’à deux tous les ans. Il y a huit Adjoints aux Professeurs, qui en font les fonctions quand ils sont absens ou empêchés. Deux Professeurs, l’un en Anatomie, l’autre en Géométrie & Perspective. Un Trésorier qui fait la recette & la distribution des pensions du Roi & des autres deniers de l’Académie ; il a la garde des ouvrages de Peinture, de Sculpture & des meubles : il peut être changé tous les trois ans. Il y a des Conseillers divisés en deux classes : dans la premiére sont des personnes de considération qui sont admises par honneur, comme Amateurs des Arts, du Dessein, & Connoisseurs. Ils ont voix délibérative avec les Officiers, & rang dans la liste après les Recteurs & Adjoints des Recteurs. La seconde est composée de six Académiciens renommés par leurs talens. Le Secrétaire Historiographe tient les registres des délibérations & des expéditions ; il a la garde des titres & papiers, fait l’ouverture des propositions & des affaires dont on doit traiter en chaque assemblée, & recueille ce qui se dit dans les conférences pour le mettre au net ; il a la garde des sceaux en cas de maladie ou d’absence du Chancelier, pour sceller en présence de la Compagnie. Il est perpétuel.

On est reçu dans cette Académie, ou comme Peintre, ou comme Sculpteur. Les Peintres y sont reçus selon leurs talens, & avec distinction de ceux qui travaillent à l'histoire, & de ceux qui ne font que des portraits, ou des batailles, ou des paysages, ou des animaux, ou des