De la reliure/Texte entier

Étant tirées à un petit nombre limité et ne devant pas être réimprimées, quel que soit le nombre des demandes, nous ne prenons note que des ordres fermes et définitifs.

De la reliure, Exemples à imiter ou à rejeter
E. Rouveyre (p. 5-16).
DE


La Reliure
IMPRIMÉ À SEPT CENT CINQUANTE EXEMPLAIRES


Savoir :


20 exemplaires sur Japon Nos 1 à 20
20 exemplaires sur Chine. — 21 à 40
20 exemplaires sur Whatman.... — 41 à 60
40 exemplaires sur Vergé — 61 à 100
650 exemplaires sur Vélin teinté... — 101 à 750


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EXEMPLAIRE N°


AVIS AU RELIEUR



D ans le but de faciliter le travail de la brochure, les planches pages 9, 25, 33, 57, 77 et 87 ont été brochées tel que le comportait le tirage ; à la reliure, il faudra avoir soin de monter ces gravures sur onglet et de leur faire prendre exactement leur ordre de pagination, afin qu’elles tombent en bonnes pages.


Les illustrations ont été gravées par
MM. Verdoux, Ducourtioux et Huillard.




Le tirage des planches, pour cet exemplaire,
a été fait sur papier couché.

Frontispice.
Composition et dorure par Ch. Meunier.


DE


La Reliure


Exemples à imiter ou à rejeter


PAR


HENRI BOUCHOT


DU CABINET DES ESTAMPES


L’ART DU SIÈCLE — DE L’HABILLEMENT DU LIVRE


SES QUALITÉS ET SA DÉCORATION



PARIS


Bibliothèque des Connaissances utiles aux Amis des Livres


ÉDOUARD ROUVEYRE, ÉDITEUR


MDCCCXCI
Page 9.
Composition et dorure par P. Ruban.
(Miroir du Monde)
De la reliure, Exemples à imiter ou à rejeter
E. Rouveyre (p. 17-35).

LA RELIURE DU SIÈCLE



D ans les chroniques italiennes il y a un bien joli conte, quoique d’un tour un peu méchant pour nous les gens de France. C’est d’un peintre rêvant de présenter les nations dans leur costume propre, lequel après avoir poussé à bien son œuvre et montré les Germains en pourpoints à crevés, les Espagnols couverts de laine, les Anglais emmitouflés de pelisses et les Orientaux coiffés de turbans, s’arrêta devant la Française. Que lui mettre sur la tête ou sur les épaules qui ne fût démodé et oublié déjà ? Les femmes de ce pays ont de si passagères fantaisies ! Le peintre malin tourna la difficulté ; il dessina une belle personne en chemise et mit près d’elle un rouleau d’étoffe, pour qu’elle la pût tailler à sa guise, en suivant la dernière ordonnance du goût.

Combien le malicieux artiste se fût étonné lui-même, s’il eût pu vivre jusqu’à nous, et que devenu bibliophile, il eût comploté une exposition de la reliure dans les trois premiers quarts du dix-neuvième siècle ! Au lieu des incessantes transformations attendues, des vêtements de cuir présumés changeants et instables, c’est à une résurrection sempiternelle des choses passées, à une tradition enracinée, rigoureuse, à la copie froide des anciennes coquetteries qu’il se heurterait. Au hasard des rencontres, il reverrait les singuliers fantômes de Tory, des Ève ou de Le Gascon, les mêmes dorures, les mêmes fers, jusqu’aux titres pareillement écrits que jadis, avec leur irréguralité riante et leur maladresse cherchée. Et sans doute, il s’en voudrait de nous avoir autrefois réputés si inconsistants et si changeants, quand nous pouvons, au contraire, revivre éternellement les semblables histoires, reprendre sans cesse une idée sans y oser retirer ni ajouter rien.

Comment nous taxer de légèreté et d’oubli, lorsque parcourant nos rues il aurait à chaque pas la surprise de bonnes antiquailles reconstituées, palais assyriens ou demeures féodales ; lorsqu’en visitant nos musées, même les plus modernes, il repasserait un à un les drames romains ou grecs des annales ; quand, s’arrêtant aux devantures de nos boutiques, parfois arrangées à la mode du vieux temps, il ne verrait que traductions, inspirations de l’antique, du gothique ou du florentin ? Le costume des passants peut-être, et encore ! Encore quelque réminiscence s’offrirait-elle d’instant à autre, ce parfum de « déjà vu » dont parle Alighieri à propos des immortelles maladies de l’âme. Et si le peintre venu à résipiscence s’avisait de reprendre son œuvre, il vêtirait la Française cette fois, assuré de voir son modèle copié et recopié par les tailleurs de l’heure présente.

C’est donc que n’avons point de style moderne sur le fait d’art décoratif, et que nous en sommes réduits par la force des choses à emprunter aux ancêtres. Voilà que la reliure nous pousse à philosopher, à nous lamenter dès l’abord avec pédanterie, ce dont nous nous excusons en toute humilité et franchise.

De la Révolution et du peintre David nous vient la tendance spéciale à l’imitation. Le fossé énorme creusé entre l’ancien régime et le nôtre ayant brisé net les relations, ce fut du jour au lendemain l’oubli farouche des mièvreries déchues, et le retour brutal et spartiate aux œuvres simples de la Rome républicaine. Par la peinture et la sculpture, l’adaptation passa aux moindres besognes, aux vêtements, à l’architecture des meubles. La reliure, une très infime et très dédaignée portioncule de tant de gloire, remplaça ses écussons jolis et ses broderies par des faisceaux prétoriens et des casques civiques. L’élan était donné qui ne devait s’arrêter plus guère jusqu’à cette fin de siècle. Les artistes de la renaissance antique ont inculqué à leurs fils et successeurs la défiance de soi-même, et l’admiration des vieilleries de tout poil ; même le romantisme, proclamé à sa naissance une conquête sur le classique falot et dégénéré de l’école davidienne, ne fit en réalité qu’accentuer le mouvement. On dédaigna Pompéï, et par haine des bergers en pétase grec installés sur les pendules, on reconstitua le troubadour des chansons de geste, le chevalier moyen âge des croisades. Jérôme Paturot terrassa Brutus en littérature, en architecture et en art. Mais Paturot ne faisait pas œuvre préférable. Pour être nationale, la copie des gargouilles, des porches de cathédrale ou des chapiteaux romans ne constituait pas un état d’esprit de supérieure qualité. Le peuple le plus spirituel de la terre — il l’assure — avait l’originalité chevillée, s’il lui en reste pour le quart d’heure, car ni le classique ni le romantique ne sont morts encore. En dépit d’une littérature opposée, combattante, et d’un art dénommé naturaliste, le classique a sa protection officielle, et le romantisme se poursuit toujours, abracadabrant et tonitruant, dans nos mobiliers bizarres.

Le besoin de « s’inspirer » a jeté notre génération dans l’imitation infinie. En suite des héros du Péloponèse, ou des preux de la Chanson de Roland, c’est la Renaissance italienne qui a subi le choc. Elle nous a valu ces hideuses faïences peinturlurées dont raffole tout un chacun, ces têtes de plâtre coloriées en trompe-l’œil par de très habiles messieurs ; puis la Renaissance française, encore que moins prisée, est entrée dans la tradition. Alors on ne s’est plus contenu. Louis XIV, Louis XV, Louis XVI ont eu leur moment ; sublimités de Lebrun ou folâtreries de Boucher ont donné un nouvel aliment à la maladie régnante. Tout par la copie et pour la copie, depuis le plafond des palais jusqu’au maroquin malingre des livres, la vignette des pages, et même le tabis des doublures.

La reliure — j’en demande pardon, c’est d’elle qu’il s’agit — la reliure n’a point créé la situation, mais elle l’a acclamée. Loin de rechercher une formule nouvelle qui lui eût donné la place belle en regard des travaux passés, elle s’est ingéniée à ne contrarier point la commune folie. À la façon de ces forts en thème dont l’Université suit les progrès avec orgueil, elle s’est habituée à glaner de ci de là une idée dans le thesaurus ligaturae antiquae, à abouter des bribes de décoration qui lui valent des récompenses et des commandes. Les tenants du régime ont une manière à la fois résignée et provocante de s’excuser par une phrase : « On ne pourra jamais faire mieux que Tory ou que Le Gascon ! » Et la récente exposition nous a montré que ces désabusés mettent leurs actes en concordance parfaite avec leurs théories.



Donc, sauf des exceptions, d’ailleurs plus nombreuses de jour en jour, une exhibition rétrospective de la reliure du siècle fournirait des échantillons de tous les styles défunts, de Grollier jusqu’à Padeloup. Ce serait à peu près comme si, pour donner l’idée de nos romanciers modernes, nous produisions les Contes drolatiques de Balzac. Certes, les imitations en sont touchées de main de maître, la plupart de nos artisans du livre n’ont quasi plus rien à apprendre des vieux en apparence ; et pourtant ce n’est plus cela ; il y manque le ragoût de naïveté absent tout pareillement du pastiche littéraire de Balzac. C’est du vieux neuf, la pire chose qui se voie en matière artistique.

La faute n’en est pas imputable seulement aux relieurs, obligés par métier de suivre le mouvement. Les curieux, engoués de vieux ouvrages, désireux de les vêtir à la mode contemporaine de leur publication, ont autorisé les réminiscences, les traductions littérales, et souvent les ont imposées. Plus l’ouvrage à habiller est d’importance, plus tôt on s’adresse à l’artisan consciencieux et habile dont on n’a à craindre ni les maladresses ni les impairs. C’est ce qui a fait la réputation de Trautz en même temps que cela tuait à peu près net son inspiration personnelle. La recherche du style ancien est à la reliure ce que le prix de Rome est au grand art des écoles, un revenez-y incessant, une manipulation routinière d’idées très excellentes, mais qui ont fait leur temps et qui, malgré les entraînements scientifiques, étonnent et déroutent les adeptes. On n’exile point impunément sa pensée ou son talent des modernités ambiantes, et c’est grand péril, pour ceux dont le métier n’est pas de compiler, s’ils cherchent à reconstituer pièce à pièce les mœurs ou les tendances des peuples disparus, s’ils s’efforcent de les ressusciter à leur profit sans autre criterium qu’un mot à mot littéral, une épellation enfantine et oiseuse.


Composition et dorure par Raparlier.


N’oublions pas que les vieux lieurs de volumes étaient exempts de ces éruditions bâtardes, et qu’ils suivaient leur inspiration du moment, abstraction faite des reprises. C’est leur plus grand mérite à nos yeux ; ayant à vêtir une œuvre antérieure, ils ne s’embarrassaient pas de restitutions pénibles, ils avaient la naïveté de rester eux-mêmes, ils eussent tout aussi bien affublé Vénus de vertugadins, ou Pallas de loup-cervier et de patenôtres. Cette insouciance s’est continuée jusqu’au dix-neuvième siècle, jusqu’à David. Depuis, une classe de citoyens gradés et honorés de diverses manières s’est donné la tâche hiératique de ramener les idées à une formule unique ; du petit au grand les choses sont ainsi ; l’opinion s’est habituée, l’œil s’est fait à ces modèles ressassés, réédités au point de les confondre avec les idées éternelles et indiscutables dont vivent les religions et les sciences exactes. L’art dans toutes ses manifestations n’est plus une qualité des formes, qualité essentiellement variable, c’est, au rebours du bon sens, une façon de dieu qu’il convient de réputer immuable, définitif, et qui ne vaut que par sa fixité même.

Encore que les redites puissent jusqu’à un certain point s’admettre lorsqu’il s’agit de costumer le livre à la mode de ses contemporains, elles ne s’excusent pas dans le travesti singulier qu’une mosaïque de Grollier impose aux Contes rémois de M. de Chevigné. Peut-être y aurait-il moins de mécomptes et d’anachronismes d’appliquer un modeste Carayon moderne à quelque vieux chef-d’œuvre. En pareil cas la simplicité est un bénéfice, d’autant qu’elle coupe court aux erreurs et parfois aux sottises.

Il serait enfantin de compter beaucoup sur les gens du métier pour secouer cette torpeur béate. Si quelques-uns cherchent à s’en affranchir, c’est grâce à l’impulsion donnée par un groupe très restreint d’amateurs éclairés et oseurs. Pourrions-nous dire que les partisans de la tradition fussent ravis de ce remue-ménage ? On s’endort si volontiers dans la pratique journalière d’une tâche, on s’y crée des habitudes, on y vit sûrement, sans dépense d’imagination ni de main-d’œuvre. On a ses fournisseurs attitrés, ses fers gravés, ses ouvriers ankylosés dans un petit train-train bon enfant. Ce devient toute une histoire que de prétendre sortir des rails, comme disent les nouveaux venus, les progressistes. Abandonner une besogne si limitée, si sûre, pour courir l’aléa, mettre de côté une théorie pour en apprendre une autre, se torturer la cervelle, quand on n’a qu’à laisser couler l’eau, et simplement à transcrire une idée ?

En résumé la reliure des volumes anciens se peut accommoder très bien de reconstitutions plus ou moins savantes, de copies plus ou moins fidèles, elle reste malgré tout une besogne secondaire, où l’imagination de l’artiste disparaît. C’est au plus juste le travail d’un bon encadreur construisant sur modèle un cadre de style destiné à un Rembrandt. Au regard des gens éclairés, Trautz, en dépit de ses habiletés de main, occupe cette place effacée ; voilà qu’on le discute, et qu’on entend le descendre de son piédestal. Ceux qui l’osent faire sont précisément placés en dehors des traditions d’officine, et savent pour l’avoir expérimenté que les plus idéales adaptations en matière graphique, les trompe-l’œil les plus séduisants finissent par se démoder un jour ou l’autre. Si l’on recherche les anciens travaux de reliure, c’est moins pour leur perfection que pour la note d’époque qu’ils fournissent et pour le document irréfutable. Mais comme nous produisons à l’heure présente tout autant de livres précieux, de travaux rares que nos pères, il s’ensuit naturellement que notre manière de les vêtir doit être elle-même avisée, ingénieuse, et se débarrasser une bonne fois des répliques. À ce prix seulement nous aurons une physionomie à nous, des allures personnelles, et nous mériterons autre renom que celui de résumé, d’epitome artistique, dont ceux du vingtième siècle ne manqueraient pas de nous appliquer l’ironie.

Pour mieux expliquer notre idée à ce sujet, nous avons joint à ce présent livre une série de reliures modernes, très habilement décorées, et qui sortent franchement des sentiers battus de la tradition. Toutes n’ont point une valeur égale ; la période de tâtonnements n’est pas encore épuisée. La flore ornementale tient peut-être une place trop considérable dans les plats ou les revers. Mais il ne faut point oublier que nous en sommes à la transition, et que l’audace ne s’acquiert qu’à la longue. Les livres ont une physionomie personnelle. Ils n’imitent ni les classiques ni les romantiques ; ils sont de leur temps. Le seul reproche à faire aux artistes serait d’appliquer leur procédé nouveau aux publications anciennes, et de multiplier les masques

japonais. L’art de reliure a besoin de se rasseoir,
Composition et dorure par Ruban.
(Son Altesse la Femme).
Composition et dorure par Ruban.
(La Française du Siècle.)


de dégager une bonne fois ses éléments rationnels, et d’abandonner le convenu, même le convenu né d’hier, aussi impérieux que l’autre. Les ouvrages de John Grand-Carteret sur la Caricature ont fourni un thème excellent à nos artistes de la reliure, de même les Jeux du cirque de Hugues Le Roux, le Vingtième siècle de Robida, la Reliure Moderne, le Miroir du Monde, l’Éventail et l’Ombrelle d’Octave Uzanne. Le mouvement est commencé qui fournira une carrière féconde et originale, s’il plaît aux gens de goût et aux véritables amateurs.

De la reliure, Exemples à imiter ou à rejeter
E. Rouveyre (p. 37-82).



DU BON

ET DU MAUVAIS

EN FAIT DE RELIURE


ertes, il ne faut pas induire de ce qui précède une intention trop radicale de notre part. Si intransigeant qu’on se montre dans l’envie de progresser à tout prix et de ne pas s’éterniser en la contemplation du passé, on se doit rendre à certaines règles. Pour faire marcher un chariot on n’a rien trouvé de mieux encore que deux roues emmanchées sur un essieu de fer ; la pratique en dure depuis des milliers d’années, et malgré nos électricités et nos vapeurs le principe demeure indiscuté. Donc, tant que le livre restera le livre de Gutenberg, on devra pour l’imprimer en plier

le papier suivant un ordre certain, et, pour le vêtir extérieurement, enfermer les feuilles entre deux ais solides ; le seul progrès désirable consistera à varier la décoration de ces volets dessus ou dessous, comme nous changeons d’âge en âge le tissu de nos habits en conservant leur coupe dans ses éléments essentiels. Autant il nous semblerait aujourd’hui ridicule que nos tailleurs reprissent telles quelles les braguettes de Henri IV ou les vertugadins de la reine Margot, autant il est singulier d’accoutrer un volume contemporain de pastiches. Il est entendu que nous ne parlerons plus que des productions actuelles, bien de notre temps, et non des incunables qu’on est libre d’accommoder dans le sens décoratif employé lors de leur publication.

L’absence d’une formule graphique propre au dix-neuvième siècle a jeté les partisans d’une reliure moderne dans toutes les extravagances de l’imagination. Pas de roi ni de lois, c’est le droit pour quiconque d’agir à sa guise. En ces derniers temps, par haine un peu de ces redites forcenées dont la répétition tournait

à l’obsession, on s’est lancé sur la contre-voie.
Page 33.
Compositions et dorures par Ch. Meunier.

Tout a paru bon qui servait à combattre l’ennui

et la satiété ; pour bien peu on eût réputé chef-d’œuvre le plus médiocre travail, s’il se fût nettement affranchi des errements anciens et des démarquages. Suivant le travers habituel des révolutions, on se fût d’emblée extravagué sur des idées fausses, sans prendre autrement garde au large fossé qui se montrait au bout du sentier. La raison d’être de la reliure, c’est la présentation du texte, la facilité fournie au lecteur d’ouvrir son livre et de le pouvoir palper sans mécomptes ; la coquetterie qu’on lui impose ne doit jamais contrarier cet objet de son utilité pratique. Tourner au bibelot précieux, à la relique, est pour un ouvrage l’état pénible d’une provinciale engoncée dans une robe chère, et qui se tient raide pour éviter les plis ou les froissements.

En dépit de tout, la peau tannée, veau ou maroquin, cuir ou peau de truie, reste pour ces besognes l’idéal absolu. La matière en est résistante, de bonne durée, maniable, merveilleusement susceptible de décoration ; c’est l’essieu irremplaçable dont nous parlions tout à l’heure. Ni les velours, ni les soies, ni les brocards ne valent qui pâlissent au moindre usage, et nécessitent pour vivre des ostensoirs précieux qui les protègent. Et comme l’amateur sérieux, fût-il sardanapalesque en ses revêtements extérieurs du livre, ne détient pas une œuvre rare pour le seul plaisir de la savoir cloîtrée et de génuflexer devant elle, mais la veut manier entre temps et caresser, il fuira comme peste ces ailes de papillon, ces fleurs sensitives mourant dans les doigts et partant en poussière. Il voudra de solides choses, pareilles aux anciennes quant à la résistance, et différant d’elles seulement par les fioritures et le dessin. Les révolutions qui durent ne sont pas celles qui bousculent et nivellent sans merci, mais les plus avisées prenant aux régimes déchus le meilleur qu’elles y rencontrent et l’adaptant à leurs ambitions propres.

De quelques années en deçà un bouleversement extraordinaire est venu secouer l’art spécial qui nous occupe ; c’est, comme je le disais, sous l’influence de volontés étrangères, grâce au solide ennui de quelques collectionneurs pour ce concours de pacotilles dont on rebattait leurs yeux. Ils ont rêvé de jeter bas l’idole et de loger à sa place une statuette puissante, mieux accommodée à nos goûts et à notre religion transigeante. Mais voyez que le besoin de copier et d’imiter est si bien enraciné chez nous, que malgré leur dessein de créer autre chose, ils sont de prime-saut revenus aux errements et ont puisé chez autrui leurs inspirations nouvelles. Il y eut tout à point servi pour eux un engouement formidable et peut-être un peu excessif en faveur des artistes de l’extrême Orient, japonais ou chinois, japonais de préférence ; une folie comparable à la découverte des Grecs par David, ou du moyen âge par Victor Hugo. Logiquement la japonaiserie se fût arrangée très bien d’une reliure pour livre oriental, elle en eût été la préface gaie et obligée, elle eût prévenu dès le seuil. Mais qu’on la rencontre installée en tous endroits, sur la face et le revers d’un plat, sur un roman de Daudet ou les Homélies de saint Jean Chrysostome, c’est — faites-moi pardon ! — retomber dans le galimatias reproché aux autres. Aussi bien le feu de paille a donné ses dernières étincelles pour l’instant ; il en a été des Japonais ce qu’il en fut des opéras au commencement du siècle ; les boîtes à musique les ont rendus odieux. Les milliers de bazars ouverts dans nos rues ont tué le Japon tout net et sans miséricorde ; il ne surnage du fatras que les belles œuvres de ces décorateurs de premier ordre, classées, admirées en dépit des horreurs partout étalées. Le livre ne s’embarrasse plus de les imiter, il se cherche d’autres amours.

Par sa nature même de pouvoir et même de devoir s’insinuer sans efforts entre ses pareils sur les rayons d’une bibliothèque, le livre relié ne comporte aucune saillie. Grands dieux, qu’osé-je dire là, et comme je cueille des verges ! Mais alors, et les cuirs ciselés, et les abeilles impériales ancrées dans le maroquin, et les émaux de Popelin enchâssés, et les bronzes japonais semant les plats ! Réactionnaire, grolliériste, empêcheur de relier en rond je suis ! Qu’importent les saillies si, comme le doit faire tout amoureux de reliure qui se respecte et choie ses trésors, il boucle ses livres dans un écrin pour les garder de mâle occurrence ! Voici où nos sentiments rétrogrades se montrent dans leur monstrueuse horreur.

Le livre bien relié, solidement établi, défiant les insolences de la poussière ou des manipulations, n’a pas besoin d’écrin.

La reliure étant un écrin par elle-même, si vous l’enfermez dans un coffret, c’est au jeu chinois des boîtes entrées les unes dans les autres que vous jouez. Il n’y a pas de raison pour ne pas décorer aussi le second préservatif, et nul motif à ne le pas enclore à son tour dans un troisième.

Et puis le livre du véritable amateur, de celui qui lit et ose toucher ses volumes, ne peut, en aucun cas, je le répète, tourner à la pièce d’orfèvrerie, la pétition de principes est évidente.

L’émail de Limoges, dont on fait grand cas pour l’instant, et qui jette sur un maroquin sombre une très jolie note de lumière, l’émail est le pire contresens qui se voie. Imaginez-le tel qu’il est, effroyablement quinteux de sa personne, fragile comme verre, rayé par un fétu, marqué d’une tache indélébile au moindre contact moite. Le fait seul de le glisser dans les soieries de son écrin lui cause d’inexprimables angoisses. Et quelle durée lui prédire, quand l’haleine chaude y peut imprimer un brouillard ? Admirable en sa jeunesse, il devient à l’âge mûr une sorte de multache ridée, tavelée, bonne à vendre au vieux cuivre. Tout ce qu’on pourra objecter de finesse, de coquetterie et de grâce ne tiendra point devant le fait brutal. On l’employait autrefois, dit-on, mais où en sont aujourd’hui les exemples ? Et puis, ce n’est donc point une idée si moderne alors, puisque les contemporains de Grollier l’ont mise en pratique ?

Notre enquête d’incommodo nous offre bien d’autres exemples d’impossibilité dans la recherche outrancière de l’imprévu. Un jour, Philippe Burty, dont le goût était cependant hors de critique, Philippe Burty s’avisa d’emprisonner dans le maroquin janséniste d’une reliure destinée à Napoléon le Petit, une des abeilles d’or du trône impérial. C’était une fantaisie documentaire, une curiosité et rien de plus. L’effet en était insensé. Ce gros insecte, brodé à une échelle énorme, enterré dans les biseaux du cuir, formait le plus étrange ragoût dont un bibliophile ait pu avoir idée. Un seul mot en peut donner une impression juste, c’est la phrase de Saint-Germain, contemplant l’éventail d’une dame, je ne sais plus dans quelle pièce du Gymnase, et qui, forcé d’en dire son sentiment, s’écriait de sa voix cassée et inénarrable : « Ma foi, Madame la marquise, c’est bien… rigolo ! » De fait, l’abeille l’était, et excessivement ; elle l’est même encore, car le livre est toujours là.

Le malheur est que ces tentatives audacieuses excitent les simples et déroutent les naïfs. On voit quelque part en France, dans une bibliothèque un peu bigarrée, cet objet singulier : c’est l’Histoire de la Révolution, de Thiers, publiée chez Furne, vêtue d’un manteau princier, velours bleu brodé d’or. Au beau milieu du plat, sur le premier volume, encastrées comme l’abeille de Philippe Burty, vautrées dans les peluches, mais privées de leurs verres, les besicles authentiques de l’auteur, pareilles à deux yeux d’aveugle, et escortées de quatre boutons de la tunique préférée. Nous voilà bien loin de Le Gascon, il faut le reconnaître, et crânement lancés dans des sentiers peu fréquentés. Mais, tout de même, l’effet ne répond guère au plaisir qu’on avait pu en attendre ; les mécomptes sont décidément un peu trop nombreux dans ce domaine.

Ces extravagances n’ont aucune raison d’être ; au point de vue graphique, elles sont intempestives et supérieurement condamnables. Elles sont à classer au rang des peintures de pacotille où les flots de la mer remuent par un mécanisme ingénieux. Que, par curiosité ou plaisante intention, un collectionneur sérieux en possède quelqu’une, il ne saurait lui venir à l’esprit de les produire comme des œuvres définitives et dignes d’être imitées. Suivant ce que j’expliquais ci-dessus, il s’en faut tenir aux usages. La peau collée sur les volets d’un livre est comme la toile vierge des peintres tendue sur un châssis, elle attend, non des incrustations ni des coucous sortis d’un clocher pour chanter l’heure, mais tout bonnement une ornementation plate, qu’on peut varier à l’infini et moderniser à outrance.

Notre avenir est dans la trouvaille jolie d’un mode d’entrelacs ou d’emblèmes ; même peut-être dans la découverte attendue d’une matière habillante plus harmonieuse que le maroquin ou le veau. On a peine à l’avouer, mais notre siècle, entraîné dans une perfection infinie de pratiques industrielles, doté de telles inventions que nos pères se fussent refusé à les croire possibles, ânonne et radote encore sur la question des arts décoratifs. La formule définitive ne parvient pas à se dégager des imitations ; nous nous rions des plus grandes difficultés et nous sommes arrêtés par un rien.



Page 43.
Compositions et dorures par Ch. Meunier.


Ces époques dernières, et grâce à Octave Uzanne, à Edmond de Goncourt, à d’autres encore, dont l’impatience s’agaçait des lieux communs partout offerts, les maîtres relieurs ont tenté quelque chose. La figure mosaïque s’est imposée dans les œuvres soignées, à regret on eût dit, et fort timide à l’origine. L’emblème moderne imaginé par ces délicats n’est plus l’antique salamandre du roi François, sorte de marque possessive, d’ex-libris extérieur, toujours le même, mais un résumé écrit de l’œuvre reliée, un avant-propos notant à la façon des ouvertures d’opéra les phrases principales du livre. C’est le plus incontestable et le plus réel progrès accompli de notre temps ; ni réminiscence ni copie n’interviennent, et par le plus heureux hasard, ce moyen prête aux combinaisons diverses des sujets aussi renouvelés que le sont les titres des ouvrages. Au Sous Bois, de Theuriet, on brode en cuirs polychromes un bouquet de muguet des bois, aux Œillets de Kerlaz une poignée d’œillets, à l’Éventail, d’Octave Uzanne, les mille brimborions de la toilette féminine arrangés en trophées, enguirlandés de roses, joyeux et bien disants. Plus l’épithète donnée est de circonstance en pareil cas, plus elle souligne à l’avance le texte intérieur, plus nous la réputons préférable aux qualificatifs banals de nature, noués de filets brisés, de rinceaux d’ornements et semés de fleurs de lis à toutes bêtes.

Et puis, le principe demeure de la reliure courante, maniable et résistante. Un écrin pour celle-ci, si l’on veut, mais non plus indispensable. Le seul reproche à lui faire serait d’autoriser la peinture des motifs, la substitution d’un coloriage savant à l’application pénible des mosaïques découpées. L’exposition passée nous a montré de ces besognes un peu hâtives, fort séduisantes d’aspect, inspirées des pâtes teintées du seizième siècle, mais tantôt menacées de se fondre et de disparaître. En reliure, le mot de Louis XV : « Après nous le déluge, » est un blasphème ; l’artiste consciencieux rêve ou doit toujours un peu rêver les gloires posthumes.

Mon intention n’est pas de tracer aux praticiens une route à suivre, je ne le saurais faire. Il me paraît pourtant que la reliure à l’emblème, à peine sortie de ses bégaiements d’enfance, est une mine à exploiter, un principe à déterminer franchement et à continuer. Nos ouvrages contemporains, jadis condamnés aux travestissements des vieux, honteux comme de graves personnages surpris des déguisements malséants, pourront suivre une mode appropriée à leurs goûts. Les Contes de François Coppée, si bien frappés à leur époque, n’apparaîtront plus costumés en chienlits de théâtre sous une couverture empruntée aux Ève. Jugez-vous que Millet eût été sage de mettre aux paysans de l’Angélus la feuille pudique de notre père Adam ? Le Napoléon de la colonne Vendôme, en redingote grise et en petit chapeau, valait tous les empereurs romains laurés et togés du monde. L’emblème est à l’heure présente la redingote grise de nos reliures, on lui doit savoir gré de sa franchise et le remercier d’oublier la langue de Ronsard.

Sans doute il se faudra garder d’exagérer la tendance. Ce qui plaît dans une note réservée et naïve paraîtrait tantôt une formidable erreur, en accumulant les motifs, en surchargeant la décoration de choses compliquées et touffues. Les Allemands, qui nous ont déjà suivis sur ce point, ont très vite enchéri sur nos données, et leurs emblèmes disparaissent sous une exagération bourgeoise et parvenue de lettres, d’entrelacs, de figures de la plus solennelle outrecuidance. Tel amateur de là-bas a très cavalièrement campé, parmi les muguets d’une ornementation fleurie, sa carte de visite cornée, mosaïquée en peau de gant d’une blancheur éclatante.

En se limitant, la « reliure à l’emblème » fournira chez nous une carrière très longue, et datera gentiment nos œuvres. Petit à petit elle se débarrassera des filets toujours conservés, un peu bâtards, grêles et mal venus, dont les meilleurs artistes ne peuvent se décider à abandonner la rigide et froide ordonnance. Qu’importe la difficulté vaincue, si l’effet est déplaisant et engoncé ! À voir ces filets on dirait d’une veste d’officier supérieur, où les galons innombrables se poursuivent dans leurs méandres ; l’usage n’en est point gai.

Autre chose encore.


Page 50 et 51.
Reliure et dorure par J. David.


De même que toutes les viandes ne s’accommodent point à la même sauce, de même les livres ne doivent point avoir un uniforme pareil, et sembler de petits pioupious rouges et bleus alignés en front de bandière sur les rayons d’une bibliothèque. Plus ils seront dissemblables entre eux, mieux ils auront une physionomie propre, un état personnel, plus ils se feront reconnaître. Chez les amateurs très riches, où les volumes s’entassent par milliers, la mode s’est implantée de vêtir les œuvres d’une même classe de couleurs appropriées. Ambroise Didot recommandait ce système de livrée en s’inspirant des Grecs ; le rouge à la guerre, le bleu à la marine, le rose aux galanteries, et ainsi de suite en passant par toutes les teintes du spectre solaire. Au fond cette recherche, excusable pour les dépôts publics, n’a guère sa raison dans le cabinet d’un bibliophile. Les oppositions s’obtiendront aussi bien par la variété de costume, le petit détail des broderies, les multiples écritures de l’ornement, que par les teintures du maroquin. Il se peut présenter d’ailleurs cette difficulté qu’une nuance s’arrange mal d’un emblème utile ; les ors disparaissent et s’affadissent sur les tons pâles. L’amateur inspiré n’aime guère qu’une loi inviolable le contraigne en pareil cas ; il va où son envie le pousse, et n’a souci des bariolages officiels renouvelés des Grecs.



En vraie coquette, la reliure progressiste ne se contente plus d’être jolie dans ses dehors, elle soigne ses dessous avec une recherche passionnée ; dès longtemps elle a fait bon marché des papiers vilains et malpropres dont on doublait ses élégances. Elle met à ordonner la toilette de ses revers une semblable prodigalité qu’à se combiner des extérieurs riches ; elle tient au froufrou des soieries, à la fringance des brocards flamands ; elle se procure les échantillons rares de nos tissus anciens et s’en pare volontiers. C’est tout un travail nouveau, une chasse incessante pour l’amateur, de fouiller les bric-à-brac où dorment ces choses, de dénicher les tabis passés de ton, harmonieux, « suggestifs », suivant l’expression à la mode. Et vaille que vaille, au hasard des rencontres heureuses, toutes ces galanteries trouvent leur emploi, dans la plus singulière confusion d’époques ; Le Gascon fourré de Pompadour, Grollier doublé de failles Leczinski, emblèmes modernes affublés de satinettes Polignac. Au rebours de la logique et du bon sens, tel bouquin malotru, orthodoxe et sévère d’aspect, s’ouvre tout à coup sur un parterre de fleurettes gaies, pimpantes, comme une mondaine cachant sous un domino sombre une merveilleuse parure de bal.

D’autres, qui se contentent d’un jansénisme cénobitique dans ce qui se voit, emprisonnent au dedans, ainsi qu’en une boîte, toutes les surprises des mosaïques, les dentelles d’or, les emblèmes finement rechampis de polychromies. Tels enfin, plus audacieux encore, plus inventifs, inscrivent au revers du plat, sur la partie jadis dédaignée, à peine regardée, les esquisses précieuses, les décorations japonaises traitées en aquarelle, une vignette empruntée au texte du volume. En moins de dix ans, la passion des doublures s’est fait la part prépondérante ; on abandonnerait peut-être la reliure en elle-même, en la réduisant à son expression concrète, que ses revers n’en perdraient ni un luxe ni une folie.

Le meilleur en ceci, c’est de nous distinguer absolument de nos devanciers, de nous faire une place séparée dans la succession des faits intéressant l’art du relieur. Si admirablement pastichée que puisse être une pièce copiée sur les primitifs, elle ne saura tromper personne une fois doublée précieusement. Grollier ignorait ces perfections intimes, toute sa coquetterie se dépensait au grand jour, et le moindre papier vergé lui paraissait suffisant à former le verso d’une belle œuvre. Encore que ses immédiats successeurs eussent tenté parfois de vêtir pareillement les deux faces d’un volet, ils se gardaient d’intrusions, et prohibaient l’étoffe pour son peu de résistance. Ils cherchaient le durable ; nous voulons l’afféterie et le féminisme, sans plus de souci de la postérité.

Oublions pour l’instant le retour aux doublures solides que pratiquaient jadis les Ève ou Le Gascon, lesquelles devront suivre chez nous la fantaisie de leur chef de file, reprendre en les commentant les motifs de l’extérieur (avec peut-être un sentiment de finesse plus grande, de délicatesse aussi, étant donnée la sécurité dont elles jouissent). Mais si nous faisons état de l’engouement tard venu pour le chiffon, nous ne le saurions admettre indiscipliné,

capricieux,
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Composition et dorure par J. David.

traitant en enfant gâté les questions

graves. Oh ! questions graves qui ne changeront rien au monde, et n’empêcheront pas le soleil de luire ; qui ne porteront pas le trouble dans les familles, et ne causeront point de batailles. Questions de la plus tranquille, de la plus insignifiante portée, mais qui agitent tout un monde innocent et ergoteur, je vous l’assure, dont je suis.

Au point de vue de notre enquête pratique, la soierie des doublures est un peu comme celle des habillements, elle pèche par la durée. Le moindre pli y taille une déchirure, un soupçon d’humidité gâte ses teintures et y creuse des sillons pâles du plus déplorable effet. Il convient donc de ne l’admettre qu’à bon escient et après enquête. Aussi bien les lambeaux de ces parures ne sont-ils point colliers à toutes bêtes, et ne se peuvent-ils employer sans critique en tout état de cause. Si nous n’admettons plus, dans la reliure de nos volumes contemporains, les rééditions intempestives, les fers de Dusseuil ou de Padeloup, si nous nous ingénions à faire de nous besogne du dix-neuvième siècle authentique, personnelle et bien originale, il s’ensuit naturellement que nous n’irons point adapter aux œuvres intérieures les anachronismes chassés des besognes extérieures. Il serait incohérent de marier à un emblème d’aujourd’hui les fragments de cotte de la feue comtesse du Barry. C’est pourtant ce que les plus hardis novateurs ne discutent guère ; pas plus qu’ils ne prohibent d’un roman de Zola, des bonshommes japonais tombés là comme des habitants de la lune. La caractéristique des révolutions est de bousculer un vieil abus pour en loger un tout neuf à sa place.

Soyons un peu pédants dans l’occurrence, nos livres s’en porteront mieux. Ayons sous la main un fort assortiment de ces tissus admirables, inventés pour la joie des yeux, guettons-les partout, dénichons-les aux plus méchants endroits. Mais il y faudra chercher quelque ordre et ne pas les vouloir confondre de parti pris. Le jour où les Fermiers-généraux s’offriraient à nous, mal lotis, un peu débraillés, costumés par un Bozerian de rencontre, si nous méditions de les vêtir plus honorablement, nous aurions l’étoffe toute prête. Au revers d’un joli Derôme dentelé, très dameret et poudré, nous pourrions coudre une faille bien datée, jaune ou rose, damassée ou fleuretée, non plus Pompadour déjà, mais pas encore Trianon. Et la joie, si la fortune des rencontres nous offrait quelqu’un de ces rubans larges et soyeux où les vieux fabricants imprimaient les vignettes d’Eisen ! Ce que j’ai vu de plus parfait dans le genre était un malingre bouquin relatant les amours du P. Girard et de la Cadière. En dehors, un lourd et banal manteau janséniste vous laissait croire à une simplicité renfrognée. Mais le plat tourné, quel émerveillement ! Décorant le verso et formant garde, deux feuilles de satin rose, et sur ce satin les portraits satiriques des deux complices, enguirlandés de pensées, séparés par des cœurs brûlants, et des carquois, et des flèches, et des amours. Le tout bien de son époque, absolument irréprochable. Au prix de quelles bassesses, de quels trocs honteux, le galant possesseur s’était pu fournir de pareille doublure ! Tout était calculé dans ce morceau impeccable, la tartuferie du maroquin sombre, trompeur, image du héros principal ; et le voile levé, le cœur ouvert, l’ais retourné, un paradou du dix-huitième siècle, le péché accoutré de façon mignarde, toute la préface du livre écrite sur un tissu léger par un contemporain de l’histoire.

Les réserves de durée probable une fois écartées, il est juste de reconnaître à la soie une supérieure puissance de meubler l’antichambre d’un livre fringant d’allure. Mais à quoi bon imposer aux publications récentes, absolument neuves, vierges de maculatures, les tons défraîchis et vieillots de choses d’autrefois ? Tout aussi bien que jadis, les fabricants fournissent à nos décadences les soies, ou les moires délicieuses, provocantes ou timides, ombrées de tous les tons dégradés du prisme, irisées comme des arcs-en-ciel. Au regard des productions anciennes, elles gagnent en éclat, en fraîcheur et en nouveauté. La recherche des couleurs effacées se localise pour l’instant chez les tapissiers pour mobiliers de province, c’est dire que la folie en passe ; le livre moderne est bien près de la proscrire. En lieu de ces vieilleries, nous possédons de suaves dérivés des couleurs fondamentales, des compléments merveilleux aux nuances des maroquins ; bleus lavés, bleus geai, violets iris, verts acacia, vert dauphin, vert russe, et toute la gamme des tons neutres, nickel, pain brûlé, figue, furet, aubergine, que sais-je encore ? Dans la poursuite du document absolument daté, sans une note discordante, sevré d’anachronismes, ce sont ces gaietés actuelles que nous recommanderons aux amoureux du livre contemporain. L’étoffe ancienne s’en ira aux ouvrages de son temps ; mais là encore elle marquera une fantaisie moderne, car les curieux d’autrefois n’usaient que de tabis ou de moires spéciales.

Pour ce qui est de la doublure peinte, lavée d’aquarelle ou de sépia, elle est aussi une innovation récente. À ce compte elle doit être réservée aux productions du jour, et ne s’aller pas égarer sur des antiquailles. Son grand mérite c’est de jeter une tache claire et vibrante à l’introït, et d’être mieux que tout une préface naïve ou solennelle à un volume. À présent que les dessins originaux du vignettiste s’emprisonnent couramment dans les feuillets, et que même pour les curieux d’objets uniques, on ajoute quelque motif particulier de décoration sur le faux titre, la doublure peinte arrive très à point pour compléter la toilette générale d’une œuvre ainsi caressée. Néanmoins, ici comme en toute chose, il y a un écueil, un gros Charybde à tourner, si l’on ne veut virer en plein ridicule. Que si par hasard vous imaginiez de cueillir en Chine une fleur inconnue, d’emprunter au Japon un oiseau bizarre pour annoncer gaiement la Sylvie de Gérard de Nerval, vous écririez en arabe un conte d’Andersen. Cette rupture d’équilibre entre le contenant et le contenu est le pire contresens de nos reliures ; elle n’existe réellement que là, elle s’y étale dans une suprême inconscience. En vérité, est-il donc plus compliqué de faire autrement ? Quand Rœderer ou la veuve Clicquot exposent leurs produits, ils se gardent de figurer sur leurs étiquettes le houblon allemand, ou le raisin de Corinthe ; la bouteille dit simplement : « Je contiens du champagne, » et non : « Je renferme du pale ale. » On a beau assurer que les artistes d’Orient excellent à écrire un mot joyeux, et que les nôtres ne leur vont pas à la cheville sur ce fait, on exagère singulièrement. À tout prendre, les nôtres ont l’avantage de périphraser dans le même langage que celui du texte ; ils ont loisir d’inventer une vignette cadrant avec le reste, et quand tous les Japonais, les Persans, les Chinois auront dit leur dernier mot chez nous, que nous les proscrirons comme des ponts-neufs assourdissants et pénibles, l’œuvre des nôtres restera à titre de curiosité documentaire, de chronique vécue, et nos livres porteront un millésime certain.

On n’aura pas la crainte non plus de ne pouvoir varier assez les motifs, puisqu’ils changeront à chaque volume, comme les emblèmes des plats. Une décoration qui puise ses éléments dans l’objet même qu’elle revêt a des ressources infinies, illimitées même, on peut dire. Les compartiments de jadis évoluaient sur un thème restreint, fatalement retrouvé et repris d’instant à autre ; rien de pareil si nous demandons au sujet une inspiration et une idée. Cette méthode comportera les modulations les plus inattendues, la nature morte, le trophée, le portrait, la fleur, le paysage, le petit sujet, la figurine allégorique, donnant la réplique aux ornements extérieurs et les complétant à bon escient. Un chef-d’œuvre en ce genre était la Grandeur et servitude militaires d’Alfred de Vigny, illustré par Le Blant, où quelque amateur soigneux avait installé sur les doublures tout un musée d’armes en faisceaux, shakos authentiques, sabres, selles, fourniments dessinés par un spécialiste. Exemple à suivre pour son originalité, et disons-le, son utilité peut-être, bon à imiter même dans les recherches plus futiles des mœurs ou des costumes. Nous savons aujourd’hui ce que valent les œuvres similaires de nos devanciers ; en les joignant à un livre, nous leur assurons la durée, et nous faisons, par le temps qui court, le meilleur placement d’un bon père.

Il va de soi pourtant que ni la doublure de soie ni la doublure peinte ne congruent au livre sérieux, académique, imposant ; il serait enfantin d’imposer ces coquetteries mièvres au Boileau de la maison Hachette, et malséant de faire précéder par de telles futilités les avant-propos scientifiques des ouvrages d’érudition. Il reste à ces derniers la doublure maroquinée, pareille à la couverture extérieure, et qu’on peut à volonté monter ou descendre de ton, faire très simple ou très dorée. Une classe éclairée de collectionneurs n’admet d’ailleurs que celle-ci, même pour les œuvres légères. Elle a l’avantage de la solidité, elle est fort seyante, et s’arrange au mieux d’un emblème. Elle n’est ni discordante, ni trop évaporée, ni pédante non plus, et si podagre qu’on puisse paraître à la prôner sans réserves, on a bonne grâce à la réputer supérieure aux autres.

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Compositions et dorures par divers.

Restent les papiers dédaignés, conspués à cette heure, en haine de ces feuilles marbrées dont on habillait jadis bonnes ou médiocres histoires ; l’homme qui se respecte tomberait en malaise devant la garde en papier peigne d’un livre précieux. On relègue cette misère aux cartonniers, aux registres de factures, à la demi-reliure dite d’amateur, par ironie socratique. Sans doute le papier a fourni sa course, et ne reprendra pas de sitôt ; pour les travaux immédiatement contemporains, il est impossible à cause des manipulations chimiques auxquelles on le soumet. Mais s’il s’agit de vêtir à sa mode particulière un rare bouquin du dernier siècle, on aura à mettre le papier en concurrence avec les soieries dont nous parlions. Il faut savoir profiter d’une pratique barbare. Certains marchands arrachent les gardes aux vieux livres, non pas seulement les gardes courantes, hideusement marbrées, dont on faisait si grand cas autrefois, mais de singulières épaves venues d’Orient encore, pâtes bleutées semées de paillettes d’or, demi-cartons de Perse aux jolies nuances pourprées, chiffons de Chine teintés de crème, indéchirables et souples comme des batistes. Accollés aux dentelles du dix-huitième siècle, donnant la réplique aux maroquins rouges et chauds, ils ne font point si méchante figure. La seule tentation à éviter, c’est leur alliance avec nos modernités, contresens pitoyable et malsonnant, dont les plus habiles font souvent bon marché, par griserie de la note inédite.


De la reliure, Exemples à imiter ou à rejeter
E. Rouveyre (p. 83-101).


IDÉES SUR LE CHOIX


D’UNE RELIURE


En exagérant l’importance des reliures, on a donné en ceci, ainsi qu’en tant d’autres sujets, le pas à l’effet sur la cause. Qu’est devenu le livre au milieu de cette confusion des classes ? Il apparaît un peu aujourd’hui comme ces rois mérovingiens, souverains maîtres dans le principe, et peu à peu supplantés par leurs maires du palais. Ainsi mise sur le pavois, la reliure est le Pépin d’Héristal des belles écritures, il est temps de la ramener au sentiment réel des convenances ; elle n’y perdra point tant qu’on le pourrait croire.

Une chose frappe dès l’abord, quand on s’inquiète de ces choses, c’est le manque absolu d’équilibre entre l’ouvrage moderne et son habit. Le livre participe au méli-mélo somptuaire de la société contemporaine ; si délicieusement costumée que se montre aux courses ou à l’Opéra une personne jolie et pimpante, il y a toujours lieu de l’entendre parler avant de formuler sur elle une opinion définitive. Chez nos collectionneurs d’à présent, courant un steeple-chase à qui prendra le pas sur ses concurrents, la superbe apparence extérieure d’un volume ne s’estime qu’au prorata de l’œuvre intérieure. Avec ses émaux, ses bronzes japonais, ses incrustations mirifiques, la reliure peut n’être que la dépense d’une bourgeoise riche, sans orthographe ; l’âne chargé de reliques n’a-t-il point été affabulé en l’honneur de nos bibliophiles ?

Il va de soi que toutes les productions littéraires d’à présent n’ont point la même valeur ; les unes, admirables en chacun de leurs termes, soignées, impeccables de fond et de forme, prêtent à toutes les folies prodigues de leurs amoureux. D’autres, encore très enviables,

pèchent cependant par quelque endroit et ont
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Composition et dorure par Petit.

Page 77.
Composition et dorure par P Ruban.

intérêt à se vêtir modestement. Ce sont des

demoiselles avec faute dont parlent les petites annonces. Certaines vont jusqu’à la tare, à la tare odieuse, qui se traduit, en œuvre d’édition, par un papier médiocre, des vignettes niaises, une impression mal venue, un texte insignifiant. Rêver de tailler aux unes et aux autres une robe de pareille élégance est une folie particulière dont peu de gens se savent garder à présent. Pour le plus grand nombre des convaincus, l’habit fait le moine, au rebours de ce que dit la sagesse des nations. Un volume, même ordinaire en soi, est sûr d’obtenir le mot de passe, le dignus intrare magique, s’il a l’apparence comme il faut ; les gens en blouse seuls ne pénètrent pas ; nous voici donc revenus au bon temps des financiers du Système, quand l’usage était de meubler son cabinet de faux dos de volumes. L’élégance d’abord, le chic, et pour le reste, tant pis !

À considérer plus naïvement la question, la reliure n’est qu’une résultante, un dérivé ; les plus spécieux raisonnements n’y sauraient contredire. Le cadre d’un Raphaël, même chef-d’œuvre en son genre, ne saurait faire oublier la toile ou le panneau qu’il entoure. Notre inconséquence c’est de copier ce cadre magnifique, de le dorer, de l’incruster d’argent ou de pierres précieuses, et d’y loger le chef-d’œuvre de maître Gallimard.

La bibliothèque d’un amoureux des livres n’est pas un salon aristocratique, où l’on n’est reçu que sur brevet de gentilhommerie. L’homme qui lit ses livres les accepte de tous endroits un peu. Il a tout aussi bien le simple que le précieux, son cabinet est une république avec adjonction des capacités aux illustrations patriciennes. Mais il a le tact suprême des nuances ; il sait que tel, accoutré en marquis poudré ferait triste figure, que tel autre, affublé d’un bourgeron serait ridicule. Son art consistera donc à rendre à chacun les honneurs qui lui sont dus, sans intervertir les rôles, et surtout sans donner le même rang ni la pareille allure aux uns et aux autres.

Devant que d’envoyer au relieur les amis nouveaux recueillis de droite et de gauche, le collectionneur leur fait subir un long interrogatoire. Il réserve aux fantaisies luxueuses ceux qui d’avance se sont munis de coquetteries, les gentilles personnes finement vignettées, égrenant sur le chine ou le japon un roman d’amour, l’aimable invention d’un prosateur ou d’un poète classé. Il soupçonne qu’à ces images un peu pâles il faudra le manteau clair et lumineux d’une reliure aux teintes bleutées, l’emblème discret d’une fleur ou d’un oiseau, à peine de ces entrelacs maussades qui alourdissent. À la doublure une soie peut-être, semée de fleurettes, ou sur une peau de vélin crème quelque aquarelle très douce de ton, apaisée, gardant ses distances.

Aux livres sérieux, puritains, mais encore réputés hors de pair dans la lignée des chefs-d’œuvre, les Maîtres de la Renaissance, de Plon, la Renaissance en France, de Quantin, l’amateur destinera les sombres maroquins du vieux temps, avec un peu d’érudition peut-être, une réminiscence des Grollier, un soupçon de Tory, mais dans la note moderne et contemporaine, la marque de nous autres : compartiments ou mosaïques, fers azurés ou fleurons. Il voudra de ces travaux de premier ordre, moins excellents par l’aspect que par la définitive perfection du détail, facilement ouverts, comparables à ceux d’autrefois, susceptibles de vivre des siècles. Sur les doublures, une réplique amoindrie du plat extérieur, une dentelle en bordure, et la plus tranquille décoration médiane. Ni polychromies toutefois, ni appliques étrangères, non plus qu’une aquarelle originale sur le faux titre, le sujet ne le comporte pas.

Et puis il y a les œuvres avec tare dont nous parlions, de gracieuses choses cependant et qui faiblissent sur un point ; sur peu, sur très peu souvent, un je ne sais quoi venu de l’impression première, une teinte maladroite du papier, des fleurons tirés en couleur dans une ornementation noire, les figures trop foncées pour le texte. Tout ce qui peut faire d’un livre soigné, poli sur l’ongle, une besogne manquée, et comme on dit, mal d’aplomb. J’allais en nommer une, et non des moindres, de ces années dernières, mais il ne faut blesser personne, car ceux-là seuls qui travaillent peuvent se tromper. C’est affaire au bon sens de se garder en pareil cas, et de ne donner point un manteau de cour au bossu Lagardère. Les perfections de l’habit trahiraient cruellement les mécomptes intérieurs ; et toutes les fanfreluches accentueraient, amplifieraient, mettraient bien en vedette ce qu’une toilette moyenne et timide cachera à demi. Les gens du peuple ont une pittoresque manière de définir les laiderons bien vêtus, habillés en renard, disent-ils, parce que la peau vaut mieux que la bête ! Le plus grave écueil du relieur est d’habiller un livre en renard.

Quant aux productions courantes, aux romans anciens ou modernes, même tirés sur papier de Hollande ou du Japon, n’est-ce point une étrange exagération que de les enchâsser de besognes rares, de méditer à leur intention les emblèmes, les fers dentelés, les doublures jolies ? Une telle dépense d’imagination pour un texte malingre, imprimé en têtes de clous, butor et sauvage ! N’allez-vous pas traiter en prince ce chiffon gras, roulé sur les machines rotatives, reproduit par milliers, quand un veston propre lui siérait si bien ? Je sais que vos fantaisies intercaleront parmi les feuillets des dessins originaux commandés par vous, que vous tenterez une légitimation de cette œuvre bâtarde, que pour bien peu vous la rendrez supérieure à ses compagnes. Mais, en dépit de votre bonne volonté, la tache originelle persistera. La typographie roturière offusquera les luxes rapportés, et quand sur le tout le maroquin brodé s’en viendra brocher par d’autres coquetteries encore, l’effet produit sera celui d’un reposoir d’apparence superbe, dont l’armature est formée de planches brutes et mal jointes.

La qualité maîtresse de l’amateur de reliures est la temporisation. Les plus avisés ont pour patron Fabius Cunctator, le roi des traînards, dont l’histoire nous décrit la physionomie. Un livre baptisé trop tôt, sans le stage nécessaire aux catéchumènes, est un livre condamné aux maculatures, aux décharges ; les vignettes, pressées par le battage des ouvriers, inscrivent des contre-épreuves sur le papier serpente qui les protège. Et puis, l’inspiration du maître ne se commande pas, il peut tenir à se recueillir un peu, devant que de prendre un parti définitif. Étudier le moral du nouveau promu, suivre ses progrès dans le monde, est encore une manière sûre de ne pas s’égarer dans, le choix d’une décoration définitive. L’opinion se forme lentement des œuvres, elle participe des remarques, des critiques ou des engouements. Combien d’ouvrages,

salués à leur naissance des épithètes les
Page 87.
Composition et dorure par Ch. Meunier.

plus flatteuses, ont un défaut de la cuirasse dont

on ne surprend les faiblesses qu’à la longue ! D’un autre côté, l’installation provisoire d’un livre en observation, dans la bibliothèque d’un curieux très à cheval sur l’aspect général de son trésor, peut nuire à l’ensemble.

Des artistes ont tourné la difficulté en imaginant des cartonnages dont l’adaptation facile conserve aux brochures leur fraîcheur première, tout en leur donnantau dehors l’allure de personnes bien vêtues. Cette chrysalide d’attente n’a qu’un tort, celui de rester parfois définitive : le provisoire est chez nous ce qui dure le plus longtemps. Mais, en tout état de cause, elle sauvegarde l’honneur du candidat, elle l’aguerrit et le façonne. Plus tard, il pourra, sans secousses ni malaises, s’enfermer dans le corset plus résistant qu’on lui voudra donner ; entre temps il n’aura point rompu l’équilibre dans la rangée, à la façon des bizets de nos anciennes gardes nationales.

Pour faire fin, comme disait Brantôme, et nous arrêter une bonne fois en de si palpitantes questions, nous voudrions formuler un résumé précis des remarques précédentes. Qu’on nous pardonne cette intention dogmatique, un peu déplacée en l’espèce, mais la confusion anticritique des procédés nous y pousse singulièrement.



D’une manière générale, la reliure doit s’inspirer du livre et non s’imposer à lui.

Elle se règle sur les qualités intrinsèques de l’ouvrage, tour à tour sévère, légère ou simple, suivant que le texte lui en prescrit l’ordre, ou lui en abandonne la facilité.

Elle ne peut, quoi qu’il arrive, s’affubler d’ornements opposés par nature à sa destination spéciale. Elle est une garde plus ou moins riche, mais jamais un joyau par elle-même.

Sur le fait de travaux purement contemporains, elle ne doit pas copier les besognes antérieures, à peine de perdre toute originalité et de ne compter plus.

Le véritable amateur impose ses idées au relieur et ne consent pas à acheter de lui une confection banale.

Toute reliure est condamnable : 1° si elle sacrifie l’ouvrage à ses fantaisies et à ses caprices ; 2° si elle n’est pas de durée, par l’emploi de matières factices ou impropres à son service de garde ; 3° si sa décoration n’est pas graphiquement homogène, et que l’échelle d’un ornement ne soit pas la même pour tous les autres ; 4° si elle n’est pas construite et poussée à la main, mais frappée au balancier.

Elle est critiquable : 1° si elle n’a pas, une fois fermée, la courbe en pince d’écrevisse qui abrite l’œuvre intérieure ; 2° si, faute de bonne couture, elle s’ouvre mal à toute réquisition ; 3° si, par défaut de séchage, elle « godde » et tend à se recroqueviller.

Elle devient un simple non-sens : si elle se cherche des modes inédits, tels que ces fantaisies dites les frères siamois, où deux ouvrages sont accolés sur un plat intermédiaire commun, à la façon d’un dos-à-dos ; si elle s’ouvre en tabatière ; si elle s’affuble d’ombilics sans raison d’être dans nos bibliothèques modernes.

Ceci dit, l’amateur ne devra se laisser surprendre par aucune idée toute faite ; les modes banalisent, lorsqu’on les suit à la lettre. En ce sens, la reliure à l’emblème peut avoir ses inconvénients, et ne plaît guère qu’aux bibliophiles élégants. Ceux qui lisent n’ont souci de tant de coquetteries ; qu’ils n’aient point honte de leurs livres jansénistes, ce sont ceux qui demeurent.

« Que de choses dans un paroissien ! » s’écriait Prosper Mérimée, et Dieu me pardonne ! moi qui viens de les écrire, j’en suis aussi étonné que lui.


Page 93.
Compositions et dorures par Ch. Meunier.

TABLE DES MATIÈRES
La Reliure du siècle. . . . . . . . . . . 11
Du bon et du mauvais en fait de reliure. . 31
Idées sur le choix d’une reliure. . . . . . 75
ACHEVÉ D’IMPRIMER LE 30 AVRIL 1891

PAR

D. DUMOULIN ET Cie

POUR

ÉDOUARD ROUVEYRE, ÉDITEUR

Bibliothèque des connaissances utiles aux Amis des Livres

Ed. ROUVEYRE, éditeur, 76, Rue de Seine, à PARIS

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Comme pour les Ex-Libris, les Livres Modernes et la Reliure, les Livres Illustrés du seizième au dix-huitième siècle que nous ferons paraître en juin 1891, seront l’objet de tous nos soins d’éditeur, et cette publication sera à l’entière satisfaction de nos souscripteurs, ainsi que celles qui paraîtront par la suite.

Bibliothèque des Connaissances utiles aux Amis des Livres

Ed. ROUVEYRE, éditeur, 76, rue de Seine, à PARIS

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Cette édition ne sera pas réimprimée
20 exemplaires papier du Japon, nos 1 à 20.
20 exemplaires papier do Chine, nos 21 à 40.
20 exemplaires papier Wathman, nos1 11 à (il).
40 exemplaires papier vergé, nos 61 à 100.
650 exemplaires papier vélin teinté, nos 101 à 750.

Épuisés.

Ce nouvel ouvrage de M. Henri Bouchot sort très franchement des sentiers battus. C’est la critique très moderne des Livres dits d’Amateur ou de Bibliophile, parus en ces dernieres années. L’auteur y étudie le mouvement littéraire, les engouements, la bibliofolie, les procédés de décoration ; et les amateurs sérieux trouveront, en ce livre, un guide sûr pour le choix à l’aire d’une bibliothèque contemporaine.

Bibliothèque des Connaissances utiles aux Amis des Livres

Ed. ROUVEYRE, éditeur, 76, Rue de Seine, à PARIS

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Ouvrage publié

DE

LA RELIURE

EXEMPLES À IMITER OU À REJETER

L’ART DU SIÈCLE

L’HABILLEMENT DES LIVRES, SES QUALITÉS

ET SA DÉCORATION

PAR

HENRI BOUCHOT

Illustration de planches inédites, d’après les dernières créations des principaux maîtres relieurs.

Un volume in-18 jésus, titre on deux couleurs et couvertures d’après A. Giraldon et M. Perret.

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TIRAGE À 750 EXEMPLAIRES, TOUS NUMEROTÉS

Cette édition ne sera pas réimprimée
20 exemplaires papier du Japon, nos 1 à 20. . . . 30 fr. »
20 exemplaires papier de Chine, nos 21 à 40. . . . 25 fr. »
20 exemplaires papier Wathman, nos41 à 60. . . . 20 fr. »
40 exemplaires papier vergé, nos 61 à 100. . . . 15 fr. »
650 exemplaires papier vélin teinté, nos 101 à 750. . . . 7 fr. 50

Ce livre n’est point un traité doctrinal sur la Reliure, c’est au plus juste une Causerie sur les Moyens Décoratifs Modernes dans leurs rapports avec l’Habillement extérieur des Livres. L’auteur continue la thèse de la contemporanéité des œuvres et y étudie les motifs nouveaux bons à suivre ou ceux à rejeter. La Reliure étant un costume doit suivre la mode du Livre qu’elle revêt, aussi bien, les gravures inédites qui accompagnent le texte sont-elles appelées à faire sensation et par le goût qui y domine et par l’application de théories artistiques toutes nouvelles.


Bibliothèque des Connaissances utiles aux Amis des Livres

Ed. ROUVEYRE, éditeur, 76, Rue de Seine, à PARIS

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Ouvrage paru en juin 1891

LES

LIVRES À VIGNETTES

DU XVe JUSQU’À LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE

L’HISTOIRE ET L’ART DANS LES LIVRES

IDÉE D’UNE COLLECTION DE LIVRES DOCUMENTAIRES

MOYENS CRITIQUES D’Y PARVENIR

PAR

HENRI BOUCHOT

Du Cabinet des Estampes

Nombreuses illustrations dans le texte et hors texte.

Un volume in-18 jésus, titre en deux couleurs, et Couvertures d’après A. Giraldon et M. Perret.

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TIRAGE À 750 EXEMPLAIRES, TOUS NUMÉROTÉS

Cette édition ne sera pas réimprimée
20 exemplaires papier du Japon, nos 1 à 20. . . . . 30 fr. »
20 exemplaires papier de Chine, nos 21 à 40. . . . . 25 fr. »
20 exemplaires papier Wathman, nos 41 à 60. . . . . 20 fr. «
40 exemplaires papier vergé, nos 61 à 100. . . . . 15 fr. >»
650 exemplaires papier vélin teinté, nos 101 à 750. . . . . 7 fr. 50

Dans ce travail, M. Henri Bouchot continue la série d’études entreprises par lui sur la bibliophilie documentaire. Après Les Ex-libris, Les Livres Modernes à acquérir, La Reliure, il passe en revue les livres à figures et les livres à vignettes. La thèse de l’auteur est toute personnelle, elle repose sur l’idée que les livres illustrés qui doivent être le plus recherchés sont précisément ceux qui sont une émanation sincère de la vie contemporaine, du milieu où ils sont nés. Cet ouvrage de théorie est appuyé sur des faits, il est destiné à préciser un nouveau critérium de philosophie bibliophile.


EXTRAIT

DE L’OPINION DE LA PRESSE

SUR LA

BIBLIOGRAPHIE INSTRUCTIVE

PETIT MANUEL

DE

BIBLIOPHILE ET DU LIBRAIRE

Une publication parisienne, véritable mercuriale du marché des livres, où sont notées toutes les variations des cours et destinée à donner avec choix les renseignements utiles pour tous ceux qui ont des intérêts engagés à la Bourse des Livres, vient de paraître sous le titre de Petit Manuel du Libraire et du Bibliophile. La rédaction de ce recueil qui comble une lacune importante a été confiée à notre collaborateur Gausseron.

(Octave Uzanne. ) Le Livre Moderne.

Notre confrère B.-H. Gausseron, rédacteur au Livre Moderne, vient de commencer une publication bi-mensuelle qui rendra les meilleurs services aux amateurs, libraires, etc. C’est le Petit Manuel du Bibliophile. Ce manuel donne la valeur actuelle des livres anciens ou modernes recherchés ; il forme un guide de l’acheteur rédigé avec goût et compétence. Son format portatif en rend en outre l’usage très commode. Gutenberg-Journal.

Collectors of rare books will welcomo the " Manuel du Bibliophile et du Libraire," a periodical which is to be published fortnightly by M. Rouveyre, and which will, be partly devoted to a record of the prices at which such volumes can be obtained, so far as they are ascertainable from the sale of copies. The Morning Post.

M. B.-H. Gausseron, whose bibliographical contributions to Le Livre Moderne will be familiar to many readers of the Academy, has conceived the idea of compiling a sort of French " Book-Prices Current " — a priced catalogue of recent book-sales in France. The mode of issue is in fortnightly parts, at a subscription price of 16 francs for the year. Indexes of both authors and titles are promised. The publishing address is 76, rue de Seine, Paris. Now that French books com up for sale so frequently in London auction-rooms, M. Gausseron’s, Manual may be found useful by English collectors. In the parts now before us we notice Dorat’s Les Baisers, large paper, 1130 fr. (Liv. st. 45); the " Fermiers Généraux " édition of La Fontaine, 650 frs. ( Liv, st. 26) ; the fifth édition of Montaigne, 385 frs. (Liv. st. 15). Cruikshank and Rowlandson seem to be in greater demand, even in France, than Gavarni and Cham. The Academy.

DEPUIS LE 1er JANVIER 1891

LA

BIBLIOGRAPHIE INSTRUCTIVE

PETIT MANUEL

DU

BIBLIOPHILE ET DU LIBRAIRE

PARAIT LE 1er ET LE 15 DE CHAQUE MOIS

Par fascicules, contenant chacun, au moins, Cent notices

ABONNEMENTS POUR TOUS PAYS

Un an, 24 fascicules. . . . . . . 16 francs

(Les abonnements partent du 1er Janvier 1891)

RÉDACTION ET ADMINISTRATION : RUE DE SEINE, 76

À PARIS

En ce temps d’informations précises et rapides, notre Petit Manuel du Bibliophile et du Libraire, où rien n’est omis de ce qui peut renseigner, être utile et faire connaître exactement la valeur actuelle des Livres, a trouvé un accueil favorable auprès des Libraires, Amateurs ou Bibliophiles.

Tous ceux que le Livre intéresse se sont empressés d’accorder leur appui à une publication qui renferme en un format élégant, commode à consulter, le signalement des ouvrages anciens ou modernes, recherchés et appréciés, qui ont figuré dans les dernières ventes publiques, avec l’indication des prix qu’ils ont atteints. Les services qu’un tel travail doit rendre sont de nature à répondre à tous les besoins, sans que nous nous départions d’une brièveté nécessaire pour qu’il ait toute son utilité pratique.

La Bibliographie Instructive que nous publions est un véritable Répertoire à l’usage des acheteurs de Beaux Livres et d’Editions Rares.

Elle note avec un soin scrupuleux tout ce qui est recherché, tout ce qui mérite de l’être ; en la consultant, les doutes et les hésitations disparaissent, on voit quelle est la bonne édition de chaque ouvrage, on connaît sa rareté absolue ou relative, son intérêt de curiosité, sa valeur vénale, avec les variations qu’y apportent les circonstances et les fluctuations de la mode.

Nous ne donnons que les indications qui ne trompent pas ; mais nous les donnons toutes. Ainsi, nous ne mentionnons pas les livres incomplets, déchirés, maculés, usés par le lavage ou mal reliés ; par contre, nous ne laissons de côté aucun exemplaire parfait d’un Livre rare, ancien ou moderne, curieux ou précieux, sans en donner le prix d’adjudication, et en signalant, s’il y a lieu, les conditions particulières de ces exemplaires, qui sont des facteurs si puissants dans le résultat des ventes : tels, les papiers de luxe, les reliures, les armoiries, les provenances, les dédicaces ou autographes, les dessins originaux, les pièces ajoutées, etc.

M. B.-H. Gausseron, le rédacteur de notre Valeur Actuelle des Livres Anciens ou Modernes, est bien connu des bibliophiles, qui ont pu apprécier ses connaissances spéciales, par les travaux bibliographiques et littéraires qu’il a publiés, et par sa collaboration au Livre et au Livre Moderne. Les Amateurs de Livres sont à la fois plus nombreux et plus experts qu’au commencement de ce siècle : ce n’est pas la quantité qu’ils recherchent avant tout, mais bien la qualité. On a des livres, des beaux livres, d’admirables livres (comme disait le regretté bibliophile Jacob qui, tout en restant de la vieille école, ne pouvait s’empêcher de constater et de comprendre l’évolution) ; mais on en a peu, et il est plus d’un délicat qui ne voudrait pas en grossir le nombre indéfiniment. On est arrivé à ce qu’on pourrait appeler l’apothéose du Livre, tellement les enthousiasmes s’exaltent en même temps que les délicatesses se raffinent.

De là des incertitudes, des tâtonnements, des inquiétudes ; de là aussi la nécessité pour les amateurs les plus subtils, comme pour les libraires les plus experts, d’un manuel de toutes les heures, en l’exactitude duquel on puisse se fier, d’une confiance absolue, parce que ces conseils aussi bien que le choix dans la mise en œuvre des matériaux ne sont autre chose que l’exposé clair et précis des faits.

Tel est le caractère de notre publication, qui a pris place parmi les Conseillers du Bibliophile les plus précis, les plus exacts et les plus autorisés. On y suit, sans déception possible, la cote de la Bourse des bonnes valeurs bibliophilesques, et les variations si diverses en ce qui concerne le Livre imprimé ou manuscrit, les estampes et les reliures.

En résumé, à une époque comme la nôtre, où la valeur vénale des beaux livres subit d’étonnantes variations, il est de la plus grande utilité de pouvoir suivre ces incroyables écarts de prix, motivés tour à tour par la mode, la spéculation, la passion ou simplement le caprice des bibliophiles. C’est ainsi qu’à quelques mois de distance, un même ouvrage (parfois le même exemplaire !) subit une dépréciation ou une majoration surprenantes. Or, c’est un des grands avantages que présente ce Petit Manuel du Bibliophile et du Libraire, de pouvoir rendre compte instantanément de la valeur actuelle d’un ouvrage ancien ou moderne, recherché et apprécié, valeur en l’exactitude de laquelle on peut se fier d’une confiance absolue. Les prix mentionnés par tous les nombreux guides ou manuels publiés jusqu’à ce jour n’ont plus aucune valeur, les vendeurs ou acheteurs n’ont plus à en tenir compte, et tous ceux qui vendent ou achètent des livres, tous ceux qui en possèdent, comprendront ce que notre publication peut rendre de services.

Ajoutons que les 24 fascicules de la Bibliographie Instructive forment, chaque année, deux volumes in-24 jésus, format portefeuille ; auxquels sont jointes des tables par Noms d’Auteurs et par Titres d’Ouvrages.