Cours d’agriculture (Rozier)/PAILLE

Hôtel Serpente (Tome septièmep. 352-354).
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PAILLE. Tuyau ou tige des plantes graminées dont on a séparé tout le grain, de manière que l’épi reste vide au sommet de sa tige ou son tuyau.

Pailler est le lieu où l’on renferme la paille. On appelle encore vulgairement pailler une certaine quantité de paille amoncelée & rangée comme un gerbier, (voyez ce mot) & qui reste exposée à l’air où elle se conserve très-bien & sans que la pluie soit capable de la pénétrer. La paille ainsi conservée est préférable à toute autre pour la nourriture des chevaux & du bétail ; le courant d’air qui l’environne la tient toujours fraîche, elle ne s’échauffe pas, elle ne contracte pas une mauvaise odeur comme celle renfermée dans les greniers, toujours infectée de l’odeur que les souris lui communiquent, ou des émanations qui s’élèvent des écuries.

La qualité intrinsèque de la paille varie suivant le climat & le sol sur lequel la plante a végété. Par exemple, la paille de froment, d’orge & d’avoine contient plus de parties sucrées dans les provinces du midi que dans celles du nord ; le sucre dans le midi est même sensible lorsque l’on mâche cette paille : elle y est par conséquent plus nourrissante que dans le nord. La paille provenant d’un champ marécageux ou humide a moins de principes nutritifs que la paille venue sur un coteau ou dans un sol pierreux, &c. Ceux qui achètent de la paille pour la nourriture de leurs chevaux, ne font point cette distinction & ils ont grand tort.

La meilleure paille est celle de froment, & c’est presque la seule dont on se serve : cependant c’est un abus grossier que de rejeter celle d’avoine & d’orge ; le bétail la mange très-bien, sur-tout lorsque l’on a eu la sage précaution de faire une mêlée avec la luzerne ou avec le sainfoin, le trèfle, ou enfin avec le regain. Consultez l’article luzerne, où cette opération est décrite.

Doit-on donner aux chevaux & au bétail de la paille hachée ? Cette question a été fort discutée dans le temps par plusieurs écrivains. Le problème est résolu dans tous les pays où l’on dépique le blé. Consultez ce mot & le mot Battage. On ne pourroit faire autrement, puisque toute la paille y est brisée par le piétinement des chevaux avant de sortir de dessus l’aire. Malgré cela, j’en ai fait battre au fléau, afin de m’assurer si les chevaux la mangeroient également entière ou brisée, & je ne me suis apperçu d’aucune différence. Il faut cependant avouer qu’ils perdent plus de paille entière que de l’autre, mais elle sert à leur litière. Dans toutes les provinces où la mêlée est en usage, on ignore qu’il soit nécessaire de hacher la paille, & ce n’est que depuis trente à trente-cinq ans qu’on a discuté sur la préférence à donner à l’une ou à l’autre.

Je ne vois aucun avantage à hacher la paille, à moins qu’on ne la brise en même temps : sans cette précaution, les pointes de la paille blessent la langue & le palais de l’animal.

On lit, dans le volume pour l’année 1758, de l’académie des sciences de Paris, la description suivante d’une machine propre à hacher & à écraser la paille, présentée par le sieur Messier. Comme elle est simple, elle pourra être imitée par les amateurs du système de la paille hachée.

Elle consiste en deux cylindres horizontaux, dont l’un, mu par une manivelle ou par une lanterne, fait tourner en sens contraire, par le frottement qu’il occasionne, l’autre cylindre qui porte un grand nombre de lames d’acier, circulaires, percées au centre & tranchantes à la circonférence. Ces lames sont portées sur un même axe de fer, & séparées les unes des autres par des rondelles de plomb qui les assujettissent & les tiennent à égale distance, étant toutes fondues dans le même moule. La paille peut être hachée plus ou moins menu, selon l’épaisseur qu’on leur donne. Le premier cylindre situé parallèlement au second, est de cuivre & entaillé dans toute sa circonférence, de façon que les lames tranchantes de celui-ci s’avancent dans les entailles de celui-là ; il porte de plus sur sa surface plusieurs rangées de dents qui entrent dans les intervalles des lames d’acier, & qui accrochent les pailles pour les faire porter sur ces lames & les faire couper par la révolution des deux cylindres. On peut les presser plus ou moins l’un contre l’autre au moyen des deux vis horizontales ; quatre autres vis verticales servent à serrer de même leurs axes dans les collets où ils tournent, pour éviter le jeu. Les bottes de paille se mettent dans une espèce de trémie de la même longueur, qui est placée au dessus des deux cylindres, & le poids de ces bottes suffit pour les faire descendre à mesure que la paille est coupée, & que ses brins tombent dans une auge établie sous la machine. Le cylindre de cuivre étant mis en mouvement, le frottement qui en résulte fait tourner en sens contraire l’autre cylindre qui porte les lames i la machine entre en jeu & hache la paille. Cette machine simple est avantageuse, en mettant à bas prix la paille hachée que l’on fait être une bonne nourriture pour les chevaux, lorsqu’elle est mêlée avec l’avoine, dont elle diminue la consommation.