Cours d’agriculture (Rozier)/CÉLERI

Hôtel Serpente (Tome secondp. 613-619).
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CÉLERI. M. Tournefort le place dans la première section de la septième classe, qui comprend les herbes à fleurs en rose, disposées en ombelle, soutenues par des rayons, & dont le calice devient un fruit composé de deux petites semences cannelées. Il l’appelle apium dulce celeri italorum. M. von Linné le classe dans la pentandrie digynie, & le nomme apium grave olens.

Fleur, en rose & en ombelle, composée de plusieurs pétales presque ronds, égaux & recourbés. L’enveloppe générale de l’ombelle est composée d’une ou de plusieurs folioles, ainsi que celle des ombelles particulières.

Fruit, ovale, cannelé, se divisant en deux semences ovales, cannelées d’un côté & planes de l’autre.

Feuilles. Celles des tiges sont en forme de coin, dentées & adhérentes à la tige. Celles qui partent des racines sont soutenues par de longues côtes sillonnées, & elles sont divisées en trois folioles plus ou moins découpées.

Racine, pivotante, fibreuse, rousse en dehors, blanche en dedans.

Port ; tiges hautes de deux pieds, cannelées profondément, noueuses. Les fleurs naissent ordinairement des aisselles des feuilles, quelquefois au sommet des rameaux. Les feuilles de la tige sont placées alternativement ; les inférieures sont opposées & marquées de points blancs sur leur dentelure.

Lieu ; les terrains humides & marécageux ; & on l’a naturalisé dans nos jardins potagers.

Propriétés. La racine de la plante sauvage est d’une saveur désagréable, âcre, un peu amère, & son odeur est forte & aromatique. Celle du céleri cultivé dans les jardins est plus douce ; elle est apéritive, sudorifique, diurétique & emménagogue.

Usages. La racine est une des cinq racines apéritives majeures, & la semence une des quatre semences chaudes. Le suc de la plante dépuré se donne à la dose de quatre onces pour exciter la sueur. Ce suc sert également à déterger les ulcères scorbutiques de la bouche. Le céleri est plus employé dans les cuisines qu’en médecine.

De sa culture.

Les italiens ont été les premiers qui aient tiré des marais le céleri pour le transformer en plante potagère ; & c’est d’eux que vient le nom de céleri. La culture lui a fait perdre sa saveur désagréable & son odeur forte. Plus d’une fatale expérience a prouvé que le céleri cueilli dans les marais, est une plante vénéneuse, & qu’on ne mange pas sans danger. Voici une règle générale pour toutes les plantes dont les fleurs sont en ombelle : celles qui croissent naturellement sans le secours de l’homme dans les terrains secs, telles que l’anis, le fenouil, l’ammi, le chervi, l’angélique, &c. ont une odeur forte, aromatique, & sont toutes échauffantes ; au contraire, les ombellifères qui végètent dans les terrains humides, dans l’eau, sont toutes vénéneuses : telles sont la ciguë, l’œnanthe, &c. Cette règle souffre peu d’exceptions.

I. Des espèces de céleri. La culture a singuliérement éloigné cette plante de ce qu’elle étoit dans son principe, & a procuré plusieurs espèces que j’appelle jardinières, & que les botanistes ne reconnoissent pas pour telles. On peut les réduire à quatre.

1o. Le céleri long ou tendre, ou grand céleri. Ses feuilles partent immédiatement de la racine qui est grosse, charnue, chevelue & unique. Les feuilles s’élèvent à la hauteur de deux pieds & plus, suivant le terrain. Leurs côtes sont charnues, creuses, cylindriques, sillonnées à l’extérieur, & du côté opposé creusées d’un fort sillon ; enfin nues jusqu’à la moitié de leur hauteur. À cet endroit naissent les feuilles proprement dites, car la côte leur tient lieu de pétiole. Les folioles qui naissent sur la côte, varient en nombre de quatre à huit ; elles sont portées par un pétiole particulier, & ce pétiole soutient trois feuilles découpées en trois, & inégalement dentelées. Leur couleur est d’un vert clair.

Cette espèce de céleri a produit deux variétés. La première, à la partie charnue de la racine, est de couleur rose plus ou moins foncée ; la seconde est le céleri plein. Il diffère du premier en ce que les feuilles s’élèvent moins haut ; mais son caractère essentiel est d’avoir la côte pleine intérieurement ; en quoi il diffère de toutes les espèces de céleri. Il est plus tendre, son goût est plus délicat ; mais il est fort sujet à dégénérer. Si on le laisse grainer, planté au milieu des autres espèces, sa graine dégénère, & la plante qui en provient, est en tout inférieure aux autres. Le céleri plein a fourni encore une autre variété, & l’a fait nommer céleri rouge, parce que sa partie charnue est parsemée de quelques veines de cette couleur. Toutes les espèces ou variétés de céleri long sont plus sujettes à la rouille que les autres ; un brouillard, auquel succède un soleil ardent, suffit pour les endommager.

2o. Le céleri court ou céleri dur, ou petit céleri. Ses feuilles sont plus courtes que celles des précédens, d’un vert plus foncé, & plus charnues que celles du céleri long, & moins lisses ; ce qui porteroit à croire que le céleri plein est une variété plus directe de celui-ci. La forme des feuilles & leur délicatesse le rapprochent davantage du céleri long. Le goût du céleri court est moins délicat ; sa racine est plus dure. Il a l’avantage, par-dessus tous les autres, d’être moins sensible à la gelée, & d’être plus hâtif.

Les espèces de céleri qu’on vient de décrire, sont presque les seules cultivées dans les provinces de l’intérieur & du nord du royaume. La troisième espèce l’est de préférence par les maraîchers dans celles du midi, au moins dans le Languedoc, où elle réussit à merveille, ainsi qu’en Italie.

3o. Le céleri branchu ou fourchu. Il tire son nom de sa forme. Figurez-vous un pivot gros & court, duquel partent plusieurs autres pivots plus petits, qui forment chacun une plante de céleri. L’ensemble ne ressemble pas mal à un lustre à plusieurs bras un peu resserrés contre le centre d’où ils sortent. Il est moins haut que les précédens, d’une couleur foncée, ses tiges plus nombreuses, ses feuilles plus larges, la côte plus creuse. Son caractère essentiel consiste dans la forme de sa racine ; son odeur est forte, son goût est doux, bien parfumé.

4o. Le céleri à grosse racine, ou céleri-rave, ou céleri-navet. Il a deux caractères essentiels qui le font distinguer de tous les autres, ses feuilles & sa racine. Les feuilles, au lieu d’être droites, sont couchées sur terre horizontalement & circulairement, & sa racine a la forme quelquefois d’une grosse rave, & quelquefois d’un gros navet. Il est très-délicat, très-parfumé, sur-tout après qu’il a été cuit. Cette espèce a produit une variété veinée de rouge. Le céleri-navet exige moins d’eau que les précédens, mais il demande une terre bien meuble : c’est de ce point que dépend la grosseur de sa racine.

II. Du tems de semer le céleri, & de la préparation du terrain. Ici tout est relatif au climat sous lequel on habite, & aux facultés du cultivateur.

Celui qui est assez riche pour se procurer du fumier en abondance, & des châssis ou des cloches de verre dans les pays septentrionaux, peut semer en Janvier. De bons abris & des paillassons, suivant l’exigence des cas, suffisent dans nos provinces méridionales ; cependant une petite couche de fumier de litière n’est pas à négliger, si on le peut. On aura, par ce moyen, du céleri bon à manger en Juillet & Août.

On sèmera en Mars dans les provinces qui avoisinent la Méditerranée, en Avril dans l’intérieur du royaume, & au commencement de Mai, & plutôt, si la saison le permet, dans celles du nord. Le tems de semer dépend des abris, (voyez ce mot) parce que des abris dépend la plus ou moins forte chaleur du climat. Le second semis réparera les pertes faites dans le premier, & les plants qui en proviendront, seront en état d’être liés au mois d’Août. On sème également en Mai en pleine terre. Cultivé ainsi que nous le dirons, il sera mangeable en Octobre. Le semis de Juin fournit les plants destinés pour l’hiver. Je ne conseille point ces deux derniers semis dans les provinces méridionales ; je n’y ai point vu cet usage établi, & je craindrois que la plante ne montât en graine ; c’est une expérience à tenter.

Le terrain destiné au semis doit être bien amendé, bien travaillé ; & si on peut se procurer du terreau, du fumier bien consommé, le mêler avec la terre, & le semis en sera plus beau.

III. De la manière de semer, & des soins à donner au semis. Presque tous les jardiniers ont la fureur de semer trop épais. Les plantes se pressent en grandissant ; elles s’allongent & s’effilent : c’est un vrai étiolement dont elles auront beaucoup de peine à se rétablir. On peut dire que du semis dépend dans la suite la perfection de la plante. Semez donc clair & très-clair, & vous vous éviterez la nécessité de replanter les jeunes céleris avant de les fixer à demeure. Toutes ces déplantations & replantations endommagent & mutilent les racines ; & il faut compter pour beaucoup le tems que la plante perd avant de reprendre, elle l’auroit bien mieux employé à son profit.

Si vous avez semé trop épais, il est de nécessité indispensable de repiquer le jeune plant ; mais grondez fortement votre jardinier de s’être mis dans ce cas.

La graine de céleri ne demande pas à être beaucoup recouverte, & le sol doit toujours être tenu passablement humide. Le céleri a été tiré des marais ; c’est donc une preuve qu’il aime l’eau : ainsi ne l’épargnez pas. À mesure que le céleri grossit dans la pépinière, éclaircissez souvent, & plus souvent encore sarclez, afin que les mauvaises herbes n’absorbent pas sa nourriture.

IV. Du tems & de la façon de replanter. Quelle est l’époque de cette opération ? Elle dépend de la manière dont la plante a végété dans la pépinière ; dès qu’elle sera assez forte, lorsqu’elle aura poussé la cinquième ou la sixième feuille, c’est l’époque de la transplantation ; & il est avantageux de la faire plutôt que plus tard. Avant de replanter, ouvrez une petite tranchée à une extrémité de la pépinière, mettez les racines à découvert, creusez au-dessous, de manière que la plante n’ayant plus de soutien, s’affaisse ; c’est la méthode la plus sûre pour ne pas endommager les racines. Plus la plante sera en racine, plus sa reprise sera prompte & sûre. Pour vous en convaincre, prenez un pied de céleri arraché par force, à la manière des jardiniers ; plantez-le à côté de celui que vous aurez arraché d’après le procédé que j’indique, & vous verrez la différence de végétation. Celui-ci sera plusieurs jours à reprendre, & l’autre sera bien repris dans les vingt-quatre heures.

Levez de la pépinière seulement les plants que le jardinier peut planter dans une heure ; ayez une jatte pleine d’eau, dans laquelle vous mettrez tremper les racines & la base de la plante. Lorsqu’on les mettra dans le trou qui leur est destiné, la terre s’unira mieux aux racines, & la plante se maintiendra fraîche jusqu’au moment où elle sera arrosée. Cette pratique n’est pas plus à négliger que la première. (Voyez le mot Racine) Séparez les plants les plus forts des plus petits, & plantez ces derniers séparément.

Transplantez par un tems couvert, ou disposé à la pluie, s’il est possible ; dans le cas contraire, après avoir arrosé le jeune plant, recouvrez-le d’une feuille un peu large, afin de le soustraire à la trop grande ardeur du soleil.

Le céleri se plante en table ou planche lorsqu’on se sert d’arrosoir, & sur de petits ados lorsqu’on arrose par irrigation. (Voyez ce mot) La distance de six à sept pouces est suffisante pour le céleri long, plein & petit. Le céleri branchu & le céleri-navet demandent au moins huit pouces d’écartement, & toutes les espèces doivent être plantées en quinconce.

La manière de planter le céleri varie suivant les provinces. Dans quelques-unes, on le plante sur trois rangées, & on laisse trois pieds d’intervalle entre ces trois rangées & les trois suivantes. Dans d’autres, on plante rangée par rangée ; mais on laisse entre – deux dix-huit à vingt pouces de distance. Suivant l’une & l’autre méthode, le terrain n’est pas perdu ; il est planté de quelque légume qui reste peu de tems en terre, afin qu’il soit enlevé avant le moment de lier le céleri ; tels sont les laitues, les chicorées, les petites raves, radis, raiforts, &c.

Il est inutile de dire que le lieu qu’on destine à laisser le céleri à demeure, doit avoir été profondément travaillé & bien fumé. De ces deux conditions dépendent la beauté & la vigueur de la plante, & sur-tout des fréquens arrosemens, sans lesquels il ne sauroit prospérer. Quelques auteurs conseillent de l’arroser tous les deux jours, à moins que la pluie n’y supplée.

V. De la manière de lier & faire blanchir le céleri. Celui qui a été semé dans les mois de Janvier ou de Février, doit être lié en Juin ; & la manière de le faire blanchir est différente de celle employée pour les céleris semés pendant les mois suivans, & qui ne seront prêts à être liés qu’à l’entrée ou pendant l’hiver, suivant le climat.

Choisissez un jour chaud & un tems sec, que la rosée & toute humidité soient dissipées. Avec des liens de paille ou de jonc, réunissez les feuilles, & placez un lien vers leur base, un second dans le milieu de leur tige ; enfin un troisième, s’il est nécessaire, à leur sommet. Garnissez de litière sèche tous les vides qui se trouvent entre chaque pied, de manière que toute la plante en soit couverte. Il est inutile de couper la sommité des feuilles. Arrosez de deux jours l’un, ou tous les deux à trois jours, si c’est par irrigation. Si les arrosemens affaissent la paille, on doit en mettre de nouvelle. Il ne faut pas un mois dans les provinces méridionales pour le blanchir de cette manière. Si on ne la trouve pas assez expéditive, pour la hâter, arrosez cette litière de tems à autre, & quinze jours suffiront, mais craignez la pourriture.

La seconde méthode pour les blanchir dans les saisons suivantes, est, après les avoir liés ainsi qu’il a été dit, & avec les mêmes précautions, de les butter avec de la terre jusqu’au premier lien, de manière qu’il ne se trouve point de vide entre un plant & un autre. Huit jours après, on butte de même jusqu’au second lien, & après le même espace de tems jusqu’au troisième, de manière que la terre monte jusqu’au sommet des feuilles. Plusieurs jardiniers, sur-tout ceux qui cultivent pour vendre, buttent toute la plante à la fois ; mais elle ne blanchit jamais si bien.

Voici une autre méthode de faire blanchir pendant l’été, pratiquée dans quelques cantons, & rapportée par tous les auteurs. J’avoue que je parle ici d’après eux. On laboure & on ameublit bien profondément un coin de terre, & on y donne une mouillure assez forte pour pénétrer tout le labour. Vingt-quatre heures après, on y fait, avec un gros plantoir, des trous distans l’un de l’autre d’environ quatre pouces, & de profondeur égale à la longueur du plant. Le céleri qui aura été lié la veille, sera arraché, une partie des racines supprimée, & chaque pied sera mis dans un trou, sans resserrer la terre contre lui. Aussi-tôt après on donne un second arrosement. On peut se servir de cette méthode pour les céleris tardifs ; mais il faut avoir soin de les couvrir de grande litière, & de les enlever lorsque le tems le permet.

Quant au céleri branchu, il ne sauroit entrer dans ces trous, puisque ses branches partant de la racine, ont très-souvent plus de six pouces de diamètre. Je crois même qu’il pourriroit plutôt que de blanchir de cette manière. Le céleri-navet n’exige aucun soin, puisque sa racine est sa seule partie que l’on mange. Lorsqu’on l’a enlevé de terre, on tord ses feuilles pour les arracher, & la racine est mise dans la terre près à près, comme celle des carottes. (Voyez ce mot)

Les céleris destinés pour l’hiver, exigent de grandes précautions, surtout dans les provinces où le froid est rigoureux, & où les pluies sont abondantes pendant cette saison.

On lie le plus tard qu’on peut, mais toujours avant les gelées, & on le couvre pendant le froid avec de la grande litière, qu’on enlève toutes les fois que le tems est doux, & qu’on replace dès que l’on craint la gelée. Cette précaution est ordinairement suffisante jusqu’à l’époque où le froid commence réellement, & où il n’est guère possible de se flatter d’avoir de beaux jours. C’est le cas alors de butter par progression, & si la nécessité presse, de butter tout-à-la-fois ; enfin, de répandre abondamment de la litière. Cette méthode est sûre pour les terrains secs ; mais s’ils sont naturellement humides, ou rendus tels par l’abondance des pluies, il est prudent de recourir à un autre expédient.

Après avoir lié les plants un peu avant que les fortes gelées se fassent sentir, enlevez-les de terre sans endommager les racines ; portez-les dans une serre, sur un lit de sable un peu humide, & enterrez-les jusqu’au premier lien ; quelques jours après jusqu’au second ; enfin jusqu’à la sommité des feuilles ; mais comme tous les pieds blanchiroient à la fois, ne buttez complétement que ce que vous devez consommer, & ainsi de suite. La première opération suffit pour conserver la plante pendant tout l’hiver, si on a soin de renouveler l’air le plus souvent qu’il sera possible. Cette serre est appellée avec raison jardin d’hiver ; elle ne doit pas être trop humide, & il est nécessaire qu’on puisse y renouveler l’air avec facilité.

VI. De la récolte de la graine. Choisissez sur toutes les planches de céleri, les plus beaux pieds, & destinez-les pour la graine. Ils exigent comme les autres, les mêmes précautions pour les préserver des gelées, sans cependant les déplacer. Lorsque les froids ne sont plus à craindre, on les déterre peu à peu pour les accoutumer à l’air, & enfin on les délie. Si la vigueur du froid les a fait périr, on peut remettre en terre quelques-uns des plus beaux pieds qui ont été conservés dans le jardin d’hiver. Dans les provinces méridionales, la graine est mûre & bonne à être cueillie en Juillet ou en Août au plus tard ; dans celles du nord, c’est en Septembre, & quelquefois au commencement d’Octobre.

Si on veut ne point perdre de graines, il faut les cueillir à la rosée, & les laisser ensuite pendant quelques heures exposées au soleil. Cette graine se conserve très-bonne pendant trois ou quatre ans. Il vaut cependant mieux se servir de la nouvelle ; elle exige d’être tenue dans un endroit sec.