Cours d’agriculture (Rozier)/CÈDRE

Hôtel Serpente (Tome secondp. 611-613).
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CÈDRE. M. Tournefort place les cèdres dans la quatrième section de la dix-neuvième classe, qui comprend les arbres & arbrisseaux à fleurs en chaton, dont les fleurs mâles sont séparées des fleurs femelles sur le même pied, & dont les fruits sont des baies molles ; & M. von Linné le classe dans la monœcie monadelphie.

Comme je n’ai cultivé aucune espèce des cèdres nouvellement découverts, je vais copier ce qui en a été dit par M. le baron de Tschoudi, si connu par son excellent Traité sur les arbres toujours verts, & par les articles intéressans qu’il a insérés dans le Supplément du Dictionnaire Encyclopédique, & je parlerai ensuite des autres cèdres.

Caractères génériques. Fleur d’une seule pièce, divisée par le bord en cinq parties. Il s’y trouve cinq étamines adhérentes à un embryon arrondi, qui devient une silique ovale à cinq cellules. Celles-ci ont chacune cinq valvules à double couverture, & s’ouvrent de bas en haut. La couverture extérieure est épaisse & boiseuse ; l’intérieure est très-mince, & recouvre immédiatement la semence. Cette semence est épaisse à sa base ; mais dans sa partie supérieure, elle est plate, mince comme les ailes qui adhèrent aux semences des pins & des sapins.

Espèces. 1o. Cèdre à feuilles conjuguées, à folioles jointes en grand nombre & obtuses, à fruit ovale & uni.

2o. Cèdre à feuilles conjuguées, à folioles opposées, à fleurs rameuses & éparses.

3o. Cèdre à feuilles alternes, simples, en forme de cœur, ovales, pointues, à fruit pentagonal terminé en pointe.

La première croît en Amérique, dans les îles des possessions angloises. C’est un arbre d’une taille & d’un volume considérables, qui s’élève quelquefois à quatre-vingts pieds. Les habitans de ces îles en font des pirogues ; son bois est très-propre à cet usage, on le creuse aisément. Sa légéreté le rend propre à soutenir les plus lourdes charges sur l’eau. On en fait aussi des boiseries ; & il est d’autant meilleur pour en construire des armoires, que son odeur aromatique & son amertume qui se communique à tout ce qu’on y renferme, empêchent les insectes de jamais y déposer leurs œufs. Le feuillage de cet arbre répand, au plus chaud de l’été, une odeur désagréable & dangereuse. Dans les îles françoises de l’Amérique, on l’appelle cèdre acajou. Le nom de cèdre lui a été donné à cause de sa résine aromatique.

Le bois du second est très-connu en Angleterre sous le nom de Mahagony. Cet arbre vient de lui-même dans les plus chaudes contrées de l’Amérique ; & il est très-commun à l’île de Cuba, à la Jamaïque, &c. Ces deux îles en produisent quelques-uns d’une taille si prodigieuse, qu’on peut en faire des planches de six pieds de large. Ceux des îles de Bahama ne sont pas si gros. On en voit cependant qui ont quatre pieds de diamètre, & qui s’élèvent à une grande hauteur, quoiqu’ils croissent ordinairement sur des rochers, où ils trouvent à peine assez de terre pour les sustenter. Le bois qu’on apporte en Angleterre de ces dernières îles, passe ordinairement sous le nom de bois de Madère ; mais il n’est pas douteux que c’est le même que celui de Mahagony.

En Europe on le multiplie de semence, ainsi que la première espèce. Celle qu’on fait venir des îles de Bahama est la meilleure ; celle de la Jamaïque n’a pas bien réussi : elle se sème comme les graines des plantes de serre chaude. Cet arbre pousse vigoureusement ; il ne faut que très-peu l’arroser pendant l’hiver ; & avant de transporter les jeunes sujets du semis, chacun dans un pot séparé, on aura soin que ces pots remplis de terre, aient été deux jours dans une couche de tan pour les échauffer.

La troisième espèce a été découverte par le docteur Houston, à Campêche. Il n’a pas vu la fleur de cet arbre ; & ce n’est que par la ressemblance de la forme de son fruit avec celle des fruits des espèces précédentes, qu’on s’arroge le droit de la réunir au même genre. Cet arbre s’élance ordinairement à la hauteur de quatre-vingts pieds & plus. On ne sait rien de la qualité de son bois, parce que peu de personnes curieuses ont eu occasion de voyager dans la partie du Nouveau Monde où croît cet arbre. Il pousse de trois pieds la première année du semis de la graine ; mais à peine, dans les six années suivantes, fait-il la même crue. Il faut l’élever & le conduire comme les deux premières espèces.

Après avoir parlé en faveur des amateurs des arbres étrangers & rares, il faut examiner l’avantage plus direct qu’on peut retirer des autres cèdres, & en particulier de celui nommé cèdre du Liban. Les auteurs sont peu d’accord sur le genre auquel on doit le rapporter : les uns l’ont réuni à celui des mélèzes, d’autres à celui des genevriers, & M. von Linné à celui des pins ; il l’a appelé pinus cedrus foliis fasciculatis acutis. M. Tournefort le nomme larix orientalis, fructu rotundiore obtuso. Cet arbre devient prodigieusement gros. Ses branches s’étendent horizontalement & quelquefois à plus de vingt à trente pieds du tronc, & souvent jusqu’à terre ; elles procurent un ombrage des plus épais. Il conserve ses feuilles pendant l’hiver. M. Pockocke, dans son Voyage au Levant, dit : « Nous arrivâmes au bout d’une heure par une montée fort douce, dans une grande plaine, située entre les plus hauts sommets du mont Liban. C’est dans l’encoignure qui est au nord-est, que sont les fameux cèdres. Ils forment un bois d’environ un mille de circuit, composé de gros cèdres placés près à près d’un grand nombre d’autres plus jeunes, & de quelques pins. Les premiers ressemblent de loin à des chênes touffus. Le tronc de l’arbre est fort court ; il se partage au bas en trois ou quatre branches, qui s’élèvent ensemble à la hauteur d’environ dix pieds, ressemblent à des colonnes gothiques accouplées ; mais au-dessus, elles prennent une direction horizontale. Le cèdre le plus rond, mais qui n’étoit pas le plus gros, avoit vingt-quatre pieds de circonférence ; & un autre dont le tronc étoit triple & d’une figure triangulaire, avoit douze pieds de chaque côté. »

Ce qu’il importe de savoir, est que cet arbre réussit très-bien en Europe, en France. Il commence à devenir fort commun en Angleterre, & il faut espérer qu’il le sera bientôt en France. Son coup-d’œil pittoresque l’y fera rechercher pour les bosquets d’hiver ; mais on aura soin de ne point élaguer cet arbre. Il faut le laisser livré à lui-même : son bois est presqu’incorruptible ; sa culture est la même que celle des mélèzes. (Voyez ce mot)