Cours d’agriculture (Rozier)/BRÛLURE

Hôtel Serpente (Tome secondp. 474-480).


BRÛLURE, Médecine Rurale. Division des parties solides du corps, faite par l’impression du feu, suivie d’inflammation & de douleur vive & ardente. La brûlure ne diffère de la plaie que relativement à l’agent : dans la brûlure, c’est le feu qui sépare les parties unies du corps ; & dans la plaie, c’est le fer ou tout instrument tranchant, de quelque substance qu’il soit.

La brûlure peut être simple, forte ou compliquée :

Dans une brûlure simple & légère, il ne s’agit que d’exposer au feu la partie qui a reçue l’impression du feu, de la frotter avec de l’eau, dans laquelle on a fait dissoudre du sel, & d’appliquer dessus des compresses trempées dans l’eau-de-vie.

Lorsque la brûlure est forte & accompagnée de cloches, le traitement doit être un peu plus méthodique ; c’est alors une plaie réelle en raison de l’âge, du tempérament, des forces du malade, du bon & du mauvais état de son sang, & de l’étendue de la brûlure : toutes ces circonstances méritent la plus grande attention.

Nous ne saurions défendre avec trop de force l’usage pernicieux & presqu’universellement répandu, des onguens & des emplâtres ; c’est dans une brûlure de l’importance de celle dont nous parlons maintenant, que ces moyens sont dangereux.

Il faut premièrement ouvrir les cloches, & faire sortir toute l’eau qu’elles renferment, bassiner ensuite avec de l’eau tiède ; ce moyen a suffi seul plus d’une fois pour arrêter les progrès d’une brûlure très-profonde & très-étendue. La brûlure doit être considérée comme une vive inflammation ; & tous les moyens rafraîchissans & humectans, à la tête desquels nous plaçons l’eau tiède, doivent être mis en usage. Il faut que le malade fasse une diète sévère, & qu’il ne se nourrisse que de bouillons légers : si la brûlure occupe beaucoup d’espace, & s’est étendue sur plusieurs parties, il faut plonger le corps entier du malade dans l’eau tiède : quand l’inflammation est passée, il faut user de bains froids, pour redonner aux parties le ton qu’elles ont perdu. Nous le répétons encore, ces moyens simples & peu dispendieux, ont souvent arrêté les progrès des brûlures les plus dangereuses, comme nous avons été assez heureux pour l’éprouver plus d’une fois.

Mais, comme malheureusement les bons moyens ne sont pas ceux que l’on emploie le plus communément, parce qu’on ne veut pas ajouter foi à la vertu de leur simplicité, on a coutume alors d’employer les onguens ; l’inflammation augmente, la maladie devient très-grave, & se termine par la gangrène.

Dans des cas semblables, si l’inflammation est très-forte, il faut commencer par ôter de dessus la brûlure, l’onguent qu’on y a appliqué, saigner le malade une ou deux fois, suivant l’exigence des cas, appliquer sur la brûlure des cataplasmes faits avec la mie de pain, l’huile & la décoction de graine de lin, & la farine même de graine de lin, arroser souvent l’appareil avec l’eau tiède, & défendre toute nourriture échauffante au malade ; il faut lui faire boire abondamment des infusions de plantes aqueuses, telles que la laitue, la poirée, &c. & lui faire prendre des lavemens avec la décoction des mêmes plantes. On se sert encore avec beaucoup de succès du mélange d’huile d’olives & d’un blanc d’œuf.

Si le mal a fait des progrès plus rapides, & si la brûlure commence à être attaquée par la gangrène, il faut faire le traitement de la gangrène, (Voyez ce mot).

Quand la suppuration est abondante, il est très-utile de soutenir les forces du malade qui ne manqueroit pas de succomber à une déperdition de substance aussi considérable. On lui donne des bouillons chargés de crême de riz, de féves & de lentilles : on lui fait prendre du quinquina à la dose d’un gros, trois ou quatre fois par jour. On lui donne quelques cuillerées de bon vin, mais avec modération, dans la crainte d’augmenter la fièvre, & d’arrêter la suppuration.

On a conseillé l’usage de l’alcali volatil dans les brûlures légères : plusieurs raisons nous déterminent à défendre l’emploi de ce remède.

1o. Parce que les brûlures légères n’exigent aucuns remèdes, excepté ceux que nous avons conseillés.

2o. Parce qu’un remède de cette activité ne doit jamais être placé entre les mains de tout le monde, crainte d’accidens, comme nous en avons vu arriver plus d’une fois dans son usage. Un zèle indiscret & peu éclairé, rend des plus sérieuses une brûlure très-légère. M. B.


Brûlure, médecine vétérinaire. La force du feu dans une partie du corps de l’animal, occasionne la brûlure. La chaleur, la douleur, accompagnent les brûlures légères & récentes ; la chaleur, la douleur & la noirceur, les brûlures profondes & vives. Lorsqu’un fer rouge ou un charbon ardent touche une portion des tégumens du bœuf ou du cheval, la partie affectée change de couleur, elle devient noire & forme une croûte dure, insensible, que la suppuration fait tomber avec plus ou moins de promptitude, selon la grandeur de l’escarre & la structure des parties qui touchent l’escarre.

Le danger de la brûlure est proportionné à l’âge du sujet, à la partie affectée, au degré de chaleur du corps brûlant, au tems que l’animal a resté exposé à l’action du feu, & à celui qui s’est passé depuis l’action du corps brûlant, jusqu’au moment où le maréchal est appelé.

Aussi-tôt que le bœuf ou le cheval est brûlé, si la brûlure a de l’étendue, & attaque le tissu cellulaire, si les parties brûlées sont menacées d’une inflammation violente, il faut saigner l’animal à la veine jugulaire, réitérer même la saignée, fomenter sans cesse avec une décoction émolliente la partie qui est attaquée, & d’y étendre par dessus un onguent composé de miel, d’huile, & mieux encore, du miel rosat. Ce remède fait tomber l’escarre assez promptement, la suppuration s’établit ; l’escarre étant tombée, on desséche la plaie, en appliquant un dessiccatif fait avec le miel & la céruse.

Brûlure de la sole. De toutes les parties du corps du cheval, la plus exposée à éprouver l’action du feu, est la sole. Elle peut avoir été brûlée par l’application d’un fer brûlant ou d’un tisonnier rouge, dont se sert le maréchal pour attendrir la sole, & pour avoir plus d’aisance à la parer. On reconnoît qu’elle a été brûlée, par la difficulté de marcher, par la douleur que l’animal ressent lorsqu’on touche la partie brûlée de la sole de corne, avec le brochoir ou les tricoises, & sur-tout par l’espèce d’eau rousse qui sort par les pores de la corne. Il arrive quelquefois une séparation totale de la sole de corne, d’avec la sole charnue, dans l’endroit où elle a été brûlée. Cet accident est plus fréquent aux pieds plats & aux pieds combles, qu’aux autres, parce que la sole est plus mince, sur-tout dans les derniers ; il est encore plus commun dans les chevaux qui ont été fourbus, (voyez Fourbure) & qui ont des croissans, parce que dans ces sortes de pieds, autant la muraille est épaisse, autant la sole se trouve mince.

Il est facile de guérir ce mal en parant à la rosée, & en cernant la sole autour de la muraille, comme pour dessoler. (Voyez Dessoler) Cela fait, on met dans la rainure, des petits plumaceaux imbibés d’essence de térébenthine, ayant soin de les arroser de cette essence, deux fois le jour, & de mettre par-dessus la sole, des cataplasmes émolients, pour la détendre. Ce traitement doit être continué jusqu’à parfaite guérison, qui a lieu ordinairement au bout de huit à dix jours. M. T.


Brûlure des Moutons, ou mal de feu, médecine vétérinaire. C’est toujours à la sécheresse, aux grandes chaleurs, à la fatigue, au soleil, aux grandes courses, à l’usage immodéré du sel, (voyez Sel) & des nourritures échauffantes, que cette maladie doit son origine. Les moutons s’échauffent ainsi, ils maigrissent & se desséchent au point que dans la suite ils périssent de marasme. Dans l’ouverture de leur corps, on trouve le foie sec, noir, squirreux, & comme racorni, sur-tout aux bords de ses lobes.

Cette maladie s’annonce par la rougeur des yeux, par une grande soif, par la maigreur, & par les autres signes qui indiquent un grand échauffement ; elle est réputée incurable lorsqu’elle est parvenue à un certain degré ; les moutons restent quelquefois une année dans cet état.

Le repos, une nourriture humectante, émolliente & rafraîchissante, les pâturages gras & frais, une boisson nitrée & acidulée avec le vinaigre, sont les remèdes qui conviennent le mieux à ce mal. M. T.


Brûlure, Jardinage. M. l’abbé Roger Schabol est le premier qui ait connu la cause de cette maladie des arbres fruitiers exposés en espalier ; le pêcher, sur-tout, y est fort sujet, parce qu’il est très-délicat par lui-même, & d’ailleurs, parce qu’il se trouve trop éloigné de son pays natal. Il faut emprunter de lui tout cet article.

Ce phénomène du jardinage, en même tems apperçu & méconnu, nous a semblé d’une grande importance. Le fait est que les arbres d’espalier, au midi sur-tout, sont brûlés jusque dans la moelle ; la tige, la greffe & toutes les grosses branches, sont également rôties & grillées. Tous, sans en excepter un seul accusent le soleil d’été de cet énorme forfait. Ils prétendent se garantir de cette brûlure, par quantité d’expédiens. Le plus grand nombre empaille ses arbres comme on empaille un cardon pour le faire blanchir ; quelques-uns mettent des tuiles pour faire ombrage sur les tiges courtes des arbres nains, & y posent des douves, des planches, &c. on en trouve qui emmaillottent les tiges, les uns avec de grosses toiles & du cuir, les autres avec de la toile cirée ; nous-mêmes, dit M. Schabol, quand esclave d’une routine aveugle & novice dans le jardinage, nous travaillons sans réfléchir, avons fait la dépense de faire venir plusieurs charretées d’écorce d’arbres, pour appliquer devant les espaliers de notre campagne. Mais chose singulière ! malgré tous ces préservatifs, les arbres n’en ont pas moins brûlé jusqu’ici, par-tout, comme à Montreuil, & l’on y replante sans fin au midi. À cette exposition, dit-on, les arbres ne se plaisent pas, & l’on n’examine pas le pourquoi. On ne fait pas attention que la brûlure a lieu aux autres expositions.

Au levant & au couchant, ils sont aussi brûlés, mais bien moins ; on y met également des garnitures qui ne remédient pas mieux au mal.

La paille dont on entoure les tiges, outre qu’elle sert de réfuge à une peuplade infinie d’insectes, chenilles, limaçons, perce-oreilles, pucerons, &c. non-seulement prive la tige des bienfaits de l’air, pour laquelle elle est faite, comme les racines pour être bénéficiées par l’humidité de la terre ; mais elle occasionne la brûlure comme on va le voir : en outre, lors des humidités, cette paille qui reste mouillée en dedans & dans le fond, ne sert qu’à morfondre la séve par la pourriture & la croupissure ; enfin, occasionne à la peau des taches livides, produisant les chancres. Dépouillez l’un des arbres, & vous connoîtrez le fait par vous-même. Lors des gelées, quand cette paille est mouillée, elle gèle nécessairement l’écorce sur laquelle elle est appliquée.

Considérez dans les espaliers un peu anciens, certains vieux pêchers étiques, qui n’ont plus par derrière qu’une petite pelure qui leur charie la séve ; ils furent empaillés la plupart dans le tems, cependant ils n’ont pas moins brûlé. Ainsi la paille appliquée aux arbres d’espalier, loin d’être un préservatif, est, au contraire, nuisible par le fait même.

Les douves, les planches, les tuiles ne sont pas si nuisibles que la paille, mais elles font un mal réel, en privant la tige des bienfaits de l’air, dont, par leur présence, le cours & la circulation ne peuvent avoir lieu qu’imparfaitement : d’ailleurs, elles conservent toujours une certaine humidité sur la tige & sur le pied de l’arbre. Le jardinier sensé qui raisonne & qui examine, fait à ce sujet des réflexions, pendant que le jardinier de routine imagine que ses expédiens sont de vrais préservatifs ; il reste dans son préjugé, & voit périr ses arbres.

Quant au maillot de grosses toiles épaisses & toiles cirées, c’est pis que tout le reste, à raison de l’interception de l’air. Si tous ces préservatifs ne garantissent pas les arbres de la brûlure, on doit donc conclure que cette brûlure ne vient pas du soleil d’été. Comment brûlent-ils ces arbres ? c’est ce qu’il faut exposer.

Durant l’hiver, il tombe sur les arbres en général, & sur ceux d’espalier, des neiges, des gelées blanches, des givres, du grésil & toutes sortes de frimats. Lors donc que le soleil du midi paroît durant les grandes gelées, toutes ces humidités fondent, & l’eau coule de branche en branche, depuis le sommet, sur la greffe & sur la tige, qui, par leur saillie, font une avance qui retient plus ou moins les eaux. À mesure que le soleil se retire, & que la gelée augmente, ces eaux se congèlent sur toutes ces parties mouillées, & par-tout on y voit une incrustation de verglas qui, prenant fortement sur la peau, la morfond, la gêle & la brûle. Le lendemain, le soleil dardant de nouveau, tant sur les nouveaux frimats de la nuit, que sur cette incrustation de verglas, fait fondre le tout de nouveau, qui également se congèle tant que dure la gelée forte. Or, ce sont ces dégels consécutifs & ces congélations réitérées qui brûlent les arbres des espaliers. Les autres arbres en plein air, & les buissons sur qui pareille vicissitudes ne peuvent avoir lieu, ne sont jamais brûlés.

Tous les arbres d’espalier à l’exposition du midi, sont brûlés en face du midi ; ceux qui sont à celle du levant, sont peu brûlés, mais seulement de côté, & même point ; mais ils le sont du côté où le midi frappe ; & ceux du couchant sont brûlés du côté opposé à ceux du levant, à l’endroit où le soleil darde quand il est à son midi.

Une autre observation bien importante encore à faire, c’est sur la brûlure & l’extinction presqu’annuelle de quantité de boutons ou d’yeux, à l’exposition du midi ; elle se manifeste suivant que la congélation dont il a été parlé a eu plus ou moins lieu. Voici, par rapport à ces boutons, ce qui se passe.

À tous les boutons ou yeux, il existe une petite éminence. Tous font saillie, & ils sont appliqués droits chacun sur la branche leur mère, & ils se terminent en pointe par le haut. Or, quand les humidités fondent & se congèlent, ainsi qu’il a été dit, celle qui entoure le bouton se congèle aussi, & alors elle ne fait qu’un avec cet œil & cette peau. Le germe de cet œil qui est un petit filet verd bien tendre, se glace bientôt, & par conséquent il faut que l’œil périsse.

Pour s’assurer du fait, il suffit de visiter l’œil dans le tems dont on parle, & on le trouvera incrusté d’un vernis de glace, qui le rend brillant comme une perle.

Dans certaines années où ces incrustations de glace ont lieu plus que dans d’autres, à cause de l’abondance des frimats, les pêchers exposés au midi sont tellement brûlés, qu’il est difficile de trouver un bon œil, & qu’on est contraint de tailler sur vieux bois.

Il y a une autre observation qu’on ne peut oublier. Lorsqu’autour de la tige des arbres on a mis de la paille, ces humidités coulant le long de la tige, & venant à se congeler sur la peau avec la paille, la gelée brûle bien davantage que si cette tige étoit isolée à nud. Le mal est grand, & les suites en sont fâcheuses. À tous les arbres maléficiés par la gelée & par l’incrustation du verglas, la gomme ne manque pas de fluer, elle cave & carie, & le chancre augmente toujours en étendant la plaie faite par la brûlure. L’eau des pluies, durant l’été, y séjourne & cave ; il en est ainsi des humidités des hivers suivans, & elles augmentent l’excavation ; enfin, les rayons du soleil brûlant aggravent le mal.

De la brûlure du bout des branches. C’est une maladie à laquelle il peut y avoir du remède, lorsque la brûlure vient du vice du fond de terre. Ôtez la mauvaise, ajoutez-en de la bonne ; voilà le remède. On connoît cette brûlure, quand les bouts sont tous noirs ou charbonnés.

De la brûlure des racines par le bout. On peut regarder les arbres comme perdus. Si la cause est la même que celle dont on vient de parler, le remède est le même.