Cours d’agriculture (Rozier)/BERCEAU

Hôtel Serpente (Tome secondp. 202-208).
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BERCEAU. C’est une allée quelconque, recouverte par une espèce de voûte. Il y a deux manières de couvrir cette allée, ou avec les branches des arbres qui la forment, ou avec des lattes disposées en treillage ; & dans ce second cas, il faut recourir à des arbustes grimpans pour la couvrir. Tels sont le chèvre-feuille, le jasmin, la bignone, &c.

Premier genre. Si on veut un berceau verd, depuis le bas jusqu’au sommet, c’est ordinairement la charmille que l’on emploie ; ses rameaux se prêtent à toutes les fantaisies des jardiniers. Le hêtre est également utile ; le verd luisant de ses feuilles rend le coup d’œil plus agréable, mais on jouit moins promptement qu’avec la charmille, & celle-ci devient plus épaisse. C’est un abus, cependant, de lui laisser prendre plus d’un pied d’épaisseur des deux côtés, à partir du tronc, & cette épaisseur est seulement avantageuse pour les berceaux & pour les allées d’une très-grande étendue. L’épaisseur de six pouces de chaque côté, suffit à une allée ordinaire, parce que dans l’un & dans l’autre cas, tout l’intérieur est dégarni de feuilles, & la verdure n’est que sur l’écorce, s’il est permis de s’exprimer ainsi, du mur de verdure. Cette observation doit être faite de bonne heure, lorsqu’on commence à tailler la charmille. Plus les petites branches seront rapprochées du tronc, plus elles se multiplieront & se garniront de verdure ; mais à mesure qu’elles s’éloignent du tronc, elles sont plus sujettes à laisser des vides, des clarières.

Il y a plusieurs manières de planter les charmilles ou autres arbres destinés à former des berceaux. Les uns laissent les pieds de toute hauteur, tels qu’on les arrache dans les forêts ; les autres les coupent à six pouces au-dessus du niveau de terre. Par la première méthode, on jouit plus promptement, mais moins surement, parce que la reprise est plus difficile ; d’ailleurs, le bas ne se charge pas d’autant de rameaux, & par conséquent de feuilles. Par la seconde, il semble que l’on perd deux ou trois ans de jouissance, & on en est bien dédommagé par la suite. La main de l’artiste conduit bien plus facilement les jeunes branches, garnit ce qui est trop nu, & épaissit ce qui est trop clair. Dans l’un & dans l’autre cas, les pieds doivent être espacés au moins de dix-huit pouces ; le mieux seroit à deux pieds. C’est un abus de planter trop serré. On sait que le tronc de la charmille grossit beaucoup. Or, si on a planté à un pied de distance, les troncs, après quelques années, se toucheront à peu de chose près, & les petites branches périront insensiblement. C’est ce que l’on voit tous les jours.

La charmille ne se plaît pas, jusqu’à un certain point, dans nos provinces méridionales, à moins que par le secours de l’eau, la terre ne conserve une humidité suffisante ; on la supplée par le mûrier planté en porrette. Si le jardinier n’est pas au fait de la conduite de ce genre de palissade, elle sera détruite avant l’espace de dix ans. Comme on contrarie la nature, elle travaille toujours à reprendre ses droits, les pieds se dégarnissent, les bois gourmands se multiplient & s’emportent ; enfin, la verdure n’est plus qu’au sommet des tiges.

Plantez la porrette à deux pieds de distance ; & sous quelque prétexte que ce soit, ne coupez pas le pivot ; faites donc une fosse très-profonde. Si la reprise de l’arbre est due seulement aux chevelus, ces racines secondaires traceront horizontalement, & iront successivement chercher leur nourriture à plus de cinquante pieds ; malheur alors au potager, aux champs qui seront dans leur voisinage.

Coupez toutes les tiges à deux pouces de terre ; & dès la fin de la première année, commencez à plier horizontalement, & à assujettir sur ce plan les jeunes tiges ; mais s’il s’en élance quelques-unes trop droites, trop fortes, trop vigoureuses, pliez-les doucement dès que vous le pourrez ; enfin, ne laissez monter aucune tige perpendiculaire. Répétez la même opération, au moins deux fois pendant toutes les années suivantes. C’est le seul moyen de modérer l’impétuosité de la séve de l’arbre ; si on se presse de jouir, on perd tout.

Avec le laurier, la laurelle, le laurier-thym, on produira le même effet ; mais il faut de la patience. Il n’y auroit peut-être point de berceau mieux couvert, qu’avec le figuier qui produit les figues-fleurs, si l’odeur fatigante qui s’exhale de ses feuilles, ne dégoûtoit pas d’un pareil ombrage.

Dans nos provinces septentrionales, les berceaux de ce premier genre réussissent à merveille ; mais ils concentrent une humidité qui pénètre, cause des fluxions, &c. Dans nos pays méridionaux, ils deviennent le réceptacle de tous les insectes, & des cousins surtout ; de manière qu’il est impossible d’y respirer tranquillement le frais. Ces inconvéniens ont fait imaginer le second genre des berceaux.

Second genre. Des berceaux en arcades. Ils diffèrent des premiers par les ouvertures symétriques qu’on laisse de distance en distance. Il y a deux manières de les pratiquer. Dans la première, l’allée est plantée en plein, c’est-à-dire que la partie inférieure correspondante à l’ouverture de l’arcade, est tenue à hauteur d’appui, ou à la hauteur de trois ou quatre pieds, mais jamais plus, & sert de base au vide formé par l’arcade ; & le tout ensemble dessine ce qu’on appelle un cloître. Dans la seconde, ces soubassemens sont supprimés, & les arbres forment l’arcade. La longueur & la largeur de l’allée, décident de la largeur & de la hauteur de ces espèces de portes, & des panneaux de verdure. On est parvenu, sur-tout avec le hêtre, à former tous les avants-corps, toutes les bosses dont l’architecture décore les bâtimens. C’est-là le grand triomphe, & ce que le jardinier tailleur d’arbres appelle le chef-d’œuvre. Au premier coup d’œil il est frappé ; il admire la difficulté vaincue ; mais bientôt après, cette constante uniformité le détourne pour le porter sur la campagne, ou les arbres qui l’embellissent ne sont pas fournis au ciseau du jardinier. Admire qui voudra ces chef-d’œuvres ; ils sont peu de mon goût. Je conviens cependant qu’ils ne sont pas déplacés près de l’habitation.

Troisième genre. Des berceaux formés par des arbres. Le maronnier d’Inde, le tilleul, l’ormeau, le platane, le chêne, le hêtre, le noyer, &c. sont les arbres dont on se sert communément.

Les berceaux de ce genre sont dégarnis de branches jusqu’à une certaine hauteur, & à peu près jusqu’à l’endroit où les branches commencent à former la voûte.

Si la longueur & la largeur du berceau ne sont pas considérables, le tilleul de Hollande mérite d’être employé. La voûte aura à peu près vingt pieds de hauteur, & deux à trois pieds d’épaisseur à son sommet ; toute la partie supérieure sera taillée en manière de table. Outre l’arcade générale formée par la réunion de tous les arbres, on peut ménager une arcade particulière sur les côtés entre deux arbres, & ainsi pour tous les arbres suivans. Le tilleul de Hollande se prête à ces différentes formes. Il y aura dans ce genre de travail, trois difficultés vaincues. La première sera la formation de la grande arcade ; la seconde, celle des arcades particulières ; & la troisième enfin, la table ou plate-forme qui règnera sur toutes les arcades. On pourroit en ajouter une quatrième ; celle de taille, en manière de mur, des côtés qui concourent à établir la voûte générale & les voûtes particulières.

Si, au contraire, l’allée a beaucoup d’étendue, & une largeur proportionnée, c’est le cas de donner au moins vingt-quatre pieds de distance d’un arbre à un autre, même en supposant un bon terrain. Si le sol est mauvais, ou de médiocre qualité, à moins qu’on ne lui en substitue d’autre sur une très-grande largeur & profondeur, on espèrera en vain de se procurer un berceau, bien fourré. Tous les arbres dont on a parlé sont bons pour les berceaux. Ceux qui desireront jouir plus promptement, se serviront, ou du marronnier d’Inde, ou du grand tilleul. Le noyer est aujourd’hui réputé trop bourgeois ; l’ormeau est excellent, & le chêne admirable, lorsqu’on ne plante pas uniquement pour soi. Ce dernier demande peu de soins, & la nature fait presque tous les frais.

Il est très-difficile de disposer les branches destinées à avoir grande portée, à se plier en berceau ; ici l’art doit vaincre la nature. M. le Blond, dans son ouvrage intitulé, Pratique des Jardins, donne quelques moyens ; mais on ne trouve nulle part autant de détails que dans le Journal économique du mois de Juin de l’année 1761.

Les allées en berceau sont, sans contredit, les plus belles de toutes, quand elles sont formées de grands arbres, telle qu’étoit au printems de l’année 1781, la grande allée du Palais Royal à Paris ; allée unique dans son genre. Pour disposer les branches des arbres à se courber les unes vers les autres, il faut beaucoup d’art, & se donner des soins infinis. La première attention consiste à ménager les branches qui sont les plus propres à former l’arcade, & on coupe toutes celles du côté opposé ; en sorte que l’on élague l’arbre perpendiculairement comme on fait pour une palissade, mais en dehors seulement, tandis qu’en dedans de l’allée, on taille seulement les branches en ceintre pour opérer avec méthode. Il ne faut jamais compter sur les branches latérales pour former cette arcade ; car ces branches sont sujettes à se dessécher, & elles laisseroient alors un vide difficile à remplir dans la suite. Il faut donc gêner les principales branches de l’arbre, & obliger du moins les plus droites, & celles qui forment pour ainsi dire son corps, à se pencher par une courbure insensible : c’est à quoi l’on parviendra facilement, en attachant ces branches avec une corde ou avec un jet de vigne sauvage, qui attire ces grosses & maîtresses branches les unes vers les autres, en attachant ces espèces de cordes aux branches des arbres opposés. Pour cet effet, il faut parvenir, d’une manière ou d’une autre, jusqu’à l’extrémité de la branche principale qu’on veut courber, y attacher ce sarment avec un bout de corde, & avoir soin de garnir l’endroit de la ligature avec de la mousse, afin de ne pas occasionner un bourrelet ; ensuite prenant le sommet de la branche voisine, on les incline légérement l’une vers l’autre ; ce qui les détermine chacune à décrire une portion d’arc. Comme ces branches sont plus menues vers leur extrémité, que vers le bas, elles font l’effet du ressort, dont une partie est plus grosse que l’autre, & décrivent à peu près une portion d’ellipse, qu’il est facile de réduire en demi-cercle ou en plein ceintre, au moyen des petites branches qui poussent à droite ou à gauche des branches principales qu’on taille avec le croissant.

En observant la forme du plein ceintre, on coupe, comme je l’ai dit, du côté opposé, toutes les branches qui voudroient excéder l’aplomb d’une palissade, de manière que toute la séve se porte dans les maîtresses branches, & en dedans du berceau.

Les côtés de cette allée se fortifieront & se garniront à merveille, au moyen de ce qu’on les taille en forme de palissades ; mais il faut observer dans les intervalles de chaque arbre, une petite courbe surbaissée, qui fait des uns & des autres une espèce de portique pour entrer sous le berceau.

Tout l’inconvénient qui se rencontre dans ce cas, c’est que les branches que l’on veut faire plier les unes par les autres, n’étant pas d’une égale force & d’une égale grosseur, les plus petites, & par conséquent les plus foibles, seront obligées de céder aux plus grosses, & plieront trop, tandis que celles-ci, qui sont plus roides, ne plieront pas, ou ne formeront pas le ceintre. Or, cette difformité, surtout dans le commencement, feroit un très-mauvais effet.

Pour remédier dès l’origine à un défaut si considérable, il sera bon de fortifier la branche la plus foible, par le moyen d’une grande perche que l’on attachera par derrière, & qui viendra prendre jusque dans l’enfourchement de l’arbre. On fait alors plier la branche & la perche en même tems, & l’une soutient l’autre ; de manière que, proportionnant la grosseur de la perche suivant le plus ou moins de foiblesse de la branche, il arrive qu’elle prend une courbure toute semblable à celle de la branche plus forte qui lui est opposée.

Lorsqu’on a su, dès le commencement, disposer l’arbre à avoir trois maîtresses branches qui forment le trident, & qui se présentent en face, alors on peut être assuré que l’arcade deviendra parfaite, & se garnira également dans toutes ses parties : mais s’il falloit tout de suite, en plantant une allée d’arbres déjà gros, leur faire former le berceau, on observeroit de faire choix seulement de ceux qui font les fourches triples, & on élagueroit les moyennes branches qui ne sont pas nécessaires.

Il ne faut jamais faire un berceau trop écrasé ; ses proportions doivent suivre les règles de la bonne architecture, avoir en hauteur le double de leur largeur. Ainsi une allée qui auroit, par exemple, trente pieds de largeur, devroit en avoir soixante de hauteur dans le milieu de son arcade ; pour cela, il faut d’abord élever les arbres à une hauteur de tige raisonnable, comme de quinze à vingt pieds, avant de leur faire former leur courbure & leur enfourchement. Lorsqu’une fois les soins des premières années ont donné aux branches une pareille inclinaison, elles continuent d’elles-mêmes à se la former. Lorsqu’on aura bien attention de tailler en palissade perpendiculaire les deux côtés extérieurs des arbres latéraux, la séve se portant toute en dedans de l’allée, chargera ces maîtresses branches d’une pesanteur de feuilles & de petites branches, qui leur feront bientôt contracter le pli qu’on desire.

Le seul danger à craindre de ces arbres ainsi penchés les uns contre les autres, est que toutes les branches faisant pesanteur d’un seul côté, ils ne soient arrachés par les efforts des grands vents, sur-tout quand ils sont chargés de leurs feuilles. Pour prévenir cet accident, qui seroit fort grand pour une allée déjà formée, & qui auroit coûté beaucoup de soins à élever, il faut tâcher de les étayer avec une longue perche que l’on met en dedans, & qui atteint d’une grosse branche courbe, à une autre semblable de l’arbre opposé ; de manière qu’en poussant debout, elle retienne l’effort que le vent le plus violent pourroit faire pour renverser l’arbre en dedans. Cette perche peut être double ; & au moyen de quatre chevilles de fer avec clavettes, elles peuvent embrasser les deux branches opposées, & les empêcher de s’écarter ou de se rapprocher trop ; mais il faut, dans ce cas, mettre entre les chevilles de fer & les branches, des petites planchettes, avec un bourrelet de paille, pour empêcher que le frottement continuel ne fasse en très-peu de tems des plaies aux branches.

Lorsque les arbres se trouvent plantés dans un fonds de terre qui leur convient ; qu’ils peuvent y étendre à leur aise leurs racines, & qu’on leur a fait peu à peu former le berceau, on n’a plus rien à craindre, parce que les racines opposées aux efforts du vent & à la courbure, ont pris de la force à mesure que les obstacles ont augmenté. On a remarqué que plus un arbre étoit exposé aux tempêtes, plus il poussoit ses racines en avant dans la terre, & plus elles étoient en état de résister aux efforts des ouragans. On voit au contraire, que les arbres qui y sont le moins exposés, ont les racines moins grandes & moins enfoncées dans la terre ; aussi sont-ils plutôt renversés quand ils se trouvent agités par des tourbillons de vent. On en voit assez fréquemment des exemples dans le milieu des forêts ; au lieu que sur les lisières des bois, où les arbres sont beaucoup plus exposés aux vents, on en voit rarement de renversés par leur violence.

Quatrième genre. Des berceaux en treillages. Des cerceaux en bois ou en fer, supportés sur des pieds droits, ou en fer, ou en pierre, ou en bois, forment la masse du treillage ; des lattes qui se croisent depuis huit pouces jusqu’à un pied de distance, garnirent cette masse. Ce n’est pas le cas de décrire ici de quelle manière il faut s’y prendre pour établir un treillage simple ou composé ; c’est au charpentier ou au menuisier à l’exécuter. Nos pères se contentoient autrefois de ceux dont on vient de parler ; mais le luxe, qui corrompt tout, les a regardé avec mépris à cause de leur simplicité, & les a relégués dans les jardins des bourgeois habitans la campagne. Il faut aujourd’hui des berceaux en treillage, décorés de toutes les richesses de l’architecture. Ils coûtent immensément plus, & procurent moins d’ombrage. Consultez l’Ouvrage intitulé : Le Menuisier Treillageur, publié dans les Arts de l’Académie, par M. Roubo ; il ne laisse rien à desirer sur ce sujet.

La vigne est une des plantes sarmenteuses la plus propre pour couvrir complétement & promptement un berceau ; & entre toutes les espèces de vignes, celle qu’on nomme à Paris, vigne à verjus, est la plus avantageuse ; ses feuilles sont très-grandes, ses yeux assez rapprochés, & elle pousse des sarmens vigoureux.

Toutes les espèces de chèvrefeuille, le jasmin ordinaire, servent à couvrir les berceaux ; mais l’un & l’autre ont le défaut de se dégarnir par le pied, & de n’avoir de la verdure qu’à l’extérieur ; de manière qu’on a la triste perspective, en se promenant, de voir du bois sec, pour peu que l’une ou l’autre de ces plantes soit déjà d’un certain âge. La bignone, (voyez ce mot) qui aime les pays chauds, produit un effet semblable.

Dans nos provinces du midi, la grenadille, (voyez ce mot) ou fleur de la passion, est admirable, & offre un coup d’œil varié, par la multiplicité de ses larges fleurs, & le verd foncé de ses feuilles, auxquelles succède un fruit d’une jolie couleur jaune rougeâtre, gros comme une pomme d’api. Outre que la grenadille pousse avec une rapidité surprenante, elle a l’avantage de conserver ses feuilles vertes pendant toute l’année.

Cinquième genre. Berceaux en arbres fruitiers. Ce sont ceux que je préfère ; ils réunissent l’agréable & l’utile. Au printems, ma vue se promène avec délices sur un rideau de fleurs ; en été, un épais feuillage me dérobe à l’ardeur du soleil ; & dans la saison des fruits, ma main cueille celui que j’ai vu naître & suivi dans toutes ses progressions. Il ne faut pas croire cependant, qu’il convienne de planter indistinctement toutes espèces d’arbres fruitiers pour couvrir ce berceau ; il faut qu’ils conservent entr’eux une sorte d’analogie pour la durée de leurs feuilles & de leurs fruits ; autrement une place seroit nue, & la place voisine chargée de feuilles & de fruits. Rien de plus agréable qu’un berceau formé d’abricotiers, surtout pendant la maturité des fruits, qu’un berceau en pommier, à l’époque de l’épanouissement des fleurs, &c.

Si le terrain est bon, espacez les arbres de quinze à vingt pieds, & ne plantez que ceux garnis de leur pivot & de beaucoup de chevelus. Coupez les tiges à six pouces au-dessus de terre, & couvrez la plaie avec l’onguent de S. Fiacre. (Voyez ce mot) Dès que les jeunes branches auront acquis un degré de force suffisant, commencez à les incliner doucement, & à les rapprocher de la ligne presque horizontale, mais ne les arrêtez point. (Voyez ce mot) Conduisez par la suite les branches, comme il a été dit pour celles des mûriers destinées à couvrir les berceaux du premier genre, qu’on peut également garnir avec des arbres fruitiers. Le point essentiel est de ne pas succomber à la séduisante tentation de vouloir trop tôt jouir : si les bois gourmands commencent à emporter la séve avec trop de vigueur par le haut, le pied ne tardera pas à se dégarnir. Il faut le tems à tout, & la jouissance trop prématurée est toujours éphémère. Voyez au mot Haie, la manière de rendre les berceaux impénétrables aux voleurs & même aux chiens. Une pareille direction donnée aux branches de l’arbre, les force à produire beaucoup, parce que toutes les branches sont à fruit, & il faut avoir soin de tenir les brindilles (voyez ce mot) fort courtes ; enfin, de ne pas laisser cette espèce d’espalier gagner en épaisseur : elle consumeroit la séve de l’arbre en pure perte.