Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8554

Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 106).
8554. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 30 mai.

à vous seul, je vous en supplie.

Mon héros, l’impératrice de Russie, qui me fait l’honneur de m’écrire plus souvent que vous, me mande, par sa lettre du 10 d’avril, qu’elle enverra en Sibérie les prisonniers français. On les croit déjà au nombre de vingt-quatre.

Il se peut qu’il y en ait quelques-uns auxquels vous vous intéressiez. Il se peut aussi que le ministère ne veuille pas se compromettre en demandant grâce pour ceux dont l’entreprise n’a pas été avouée par lui.

Quelquefois on se sert (et surtout en semblables occasions) de gens sans conséquence. J’en connais un qui n’est de nulle conséquence, et que même quelquefois vous appelâtes inconséquent. Il serait prêt à obéir à des ordres positifs, sans répondre du succès ; mais assurément il ne hasarderait rien sans un mandement exprès. Il se souvient qu’il eut le bonheur d’obtenir la liberté de quelques officiers suisses pris à la journée de Rosbach. Il ne se flatte pas d’être toujours aussi heureux ; mais il est plus ennemi du froid que des mauvais vers, et tient que des Français sont très-mal à leur aise en Sibérie.

Il attend donc les ordres de monseigneur le maréchal, supposé qu’il veuille lui en donner de la part du ministre des affaires étrangères, ou de celui de la guerre. Oserais-je, monseigneur, vous demander ce que vous pensez du procès de M. de Morangiés ? Il court dans Paris la copie d’une lettre de moi sur cette affaire[1] : cette copie est fort infidèle, et celui qui l’a divulguée n’est pas discret. Quoi qu’il en soit, je me mets aux pieds de mon héros avec soumission profonde.

  1. La lettre à Marin, 8530.