Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8555

Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 106-107).
8355. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
3 juin 1772.

Voyez, mon cher ange, sur cette lettre, qui n’est pas encourageante, ce que doit faire ce jeune avocat dont on prétend que je suis le conseil. Les soldats de Corbulon sont en grand nombre ; il eût été avantageux d’avoir un maréchal de France à la tête de notre petite armée. Mais j’ai peur qu’il n’ait aucune envie de combattre pour nous. Vous êtes un général expérimenté, vous déciderez s’il faut livrer bataille, ou faire une honorable retraite.

Je vous dirai sans figure de rhétorique qu’il ne sera pas difficile d’ôter tous les traits qui pourraient fournir des allusions et servir de prétexte à la méchanceté de nos adversaires. La pièce est d’ailleurs fort différente de l’exemplaire que le procureur général de Lyon envoie à monsieur le chancelier. De plus, on peut corriger en quinze jours ce qu’on a fait en huit. La jeunesse est active, et quand elle est docile, elle mérite protection. Vous me ferez grand plaisir de me dire ce que le public pense de la pièce du comte de Morangiés à laquelle, je m’intéresse.

La tragédie de Strousée ou Struensée, m’a bien autrement affecté. J’avais obligation à ce petit maître, médecin et premier ministre. Mais la Pologne m’attache encore davantage ; la catastrophe sera belle ; la péripétie des officiers welches pris par les Russes ne sera pas agréable.

Je me mets toujours à l’ombre des ailes de mes anges. V.

N. B. J’ai été un peu piqué de la lettre de Marin ; je viens de lire les cinq actes à mes convives ; c’est un tour de force. Si la pièce est jouée comme je l’ai lue, je réponds du plus grand succès, malgré la cabale.

  1. Cette lettre est écrite au dos de la lettre au censeur Marin à Voltaire, No 8552. Même source, par conséquent.