Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 8064

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 235-236).
8064. — À M. DE LA SAUVAGÈRE[1].
25 octobre, au château de Ferney, par Lyon et Versoy.

Monsieur, j’ai eu l’honneur de vous envoyer, par la voie de Paris, le petit livre des Singularités de la Nature[2] ; il y a des choses dans ce petit ouvrage qui sont assez analogues à ce qui se passe dans votre château je m’en rapporte toujours à la nature, qui en sait plus que nous, et je me défie de tous les systèmes. Je ne vois que des gens qui se mettent sans façon à la place de Dieu, qui veulent créer un monde avec la parole.

Les prétendus lits de coquilles qui couvrent le continent, le corail formé par des insectes, les montagnes élevées par la mer, tout cela me paraît fait pour être imprimé à la suite des Mille et une Nuits.

Vous me paraissez bien sage, monsieur, de ne croire que ce que vous voyez ; les autres croient le contraire de ce qu’ils voient, ou plutôt ils veulent en faire accroire ; la moitié du monde a voulu toujours tromper l’autre : heureux celui qui a d’aussi bons yeux et un aussi bon esprit que vous !

J’ai l’honneur d’être avec la plus respectueuse estime, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.

  1. Voyez lettre 8028.
  2. Tome XXVII, page 125.